l'abîme de la mémoire. la mémoire collective entre expérience personnelle et identité politique

7/23/2019 L'Abme de La Mmoire. La Mmoire Collective Entre Exprience Personnelle Et Identit Politique

1/13

Presses Universitaires de Franceis collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cits.

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L'abme de la mmoire. La mmoire collective entre exprience personnelle et identit politiqueAuthor(s): Jeffrey Andrew BarashSource: Cits, No. 29, Les nations : renouvellement ou dclin ? Identits nationales et rcrituresdes histoires (2007), pp. 105-116Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40621385Accessed: 14-08-2015 08:10 UTC

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2/13

L

abme

e la mmoire.

La mmoire

ollective

ntre

xprienceersonnelle

et dentit

olitique

Jeffrey

ndrew Barash

Au

coursdes dernires

cennies,

'intrt

our

e

phnomne

e la

mmoire,

oncernant

a

sphre

mmdiatee

a vie

personnelle

u

tendu

l'exprience

ollective,

pris

ne

mportance

roissante.ans ce second

cas,

'effervescence

utour

e

la

question

'en a

que peu

clair

es

vri-

tables njeux.On se contenterop ouvent 'affirmerue la mmoire

collective e

tel vnement

erait

quelque

chose

de

plus que

l'accumulation

es souvenirs

ersonnelsui

la

composent,

lorsmme

que

cet vnement

aisse n chacun e

nous,

t

plusgnralement

n

tout

individu

ans oute

ocit,

n souvenir

ersonnel. supposeru'au-del

de

l'exprienceersonnelle

l

y

ait

une

mmoire

u seinde

laquelle

es

identits

ollectivese

faonnent,

uel

serait on

lieu

propre

Si la

mmoire ollective rouve on

origine

dans

la

sphrepersonnelle,

comment terminer

a

place

u'elle

occupe

u-del e

cette

phre

t

e

rle u'elle st insi ppele jouer

Commenons

ar

xaminer

e

prs

a

notion e mmoire

ndividuelle

et son rle

dans

a constitutione l'identit

ersonnelle.

n

lucidant

cette

otion,

t

notammentes

imites,

ous erons n mesure e tracer

les contours e

ce

qui

pourrait

tre

dsign

juste

titre

omme a

mmoire ollective.

n

guise

d'claircissement

rliminaire,

aisons n

pas

en arrireers a rflexion

ui

a constitua

source

rincipale

e

la

conception

moderne e

la mmoire

ersonnelle

le

chapitre

Ce

que

c'est

u'Identit

t Diversit

(livre

I,

chap.

27)

de

l'ouvrage

apital

e

Cits

9,

Paris,PUF,

2007

105

L bme

e

a

mmoire.

Lammoire

ollective

entre

xprience

ersonnell

etdentit

olitique

J.

. arash

http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsphttp://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp


3/13

106

Dossier:

Les

ations

renouvellement

u clin

Identitsationales

et critures

es istoires

John

Locke,

Y

ssai

philosophique

oncernant'entendement

umain

An

Essay oncerningumanUnderstanding),aru n 1690.

L'interprtation

e la mmoire

ue propose

ocke onstituee fait n

tournant cisif ans

'histoire e la

philosophie,

ans

a

mesure

la

conception mpirique

e l'identit

ersonnelle

u'elle mplique

xerce

encore

ujourd'hui,

ousdiffrentes

ormes,

ne

nfluence

cisive

ur es

thories

sychologiques

ui

font couler

a mmoiree

a

sphre erson-

nelle.

La force u raisonnemente

Locke

provient

e son

empirisme

radical

savoir,

e

sa

critique

solue e

a

mtaphysique

raditionnelle

qui

fondait'identit

ersonnelle

ur a substance.

ocke mis n doute

l'intelligibilitesfondementsubstantielsusoiqui,commel 'affirme,

ne se

prsentent

ulle

part

ans

'exprience.

n

critiquant

adicalement

ses

prdcesseursui

s'taient

fforcs

e

fonder

insi le soi

-

tels

Descartes

vec

a

res

ogitans,

pinoza

vec

a mens

umana,

ui

fait

artie

de

l'entendement

nfini

e

Dieu,

ou Leibniz

vec a monade

,

Locke

affirme

ue

la connaissancee

soi

drive

niquement

e

Y

xprience

ue

chacun

ait

e

soi-mmeen

effet,

haque

tre

ntelligent

la

possibilit

de

consulter

oi-mmeomme e

mme,

omme ne

mme hose

ui

pense

n diffrents

emps

t diffrents

ieux.

...)

Et aussi oin

que

cette

conscience

eut

'tendreur

es actions u

les

penses j passes,

ussi

loin 'tend'identitecette ersonne{Essai,I, 27, 9) Jemerepr-

sente

insi n

tant

u'unit

travers

a conscience

ue 'ai

de

moi-mme,

en accdant

ar

a mmoireux souvenirse

certains

pisodes

e

mon

exprience

ont

je

sais

qu'ils appartiennent

u

mme soi

quoique

renvoyant

des

poques

t des ieux iffrents.

La thorie e

Locke

e rvla

la fois volutionnaire

t trs

roblma-

tique.

our

ui,

'identit

ersonnelle

e rfre

la conscience

rsente

ui,

grce

la

mmoire,

nglobe

es diffrents

oments

'une

exprience,

quant

elle,

asse.

Mais

qu'advient-il

es zonesde

mon

passque

j'ai

oublies tqui ne sontdoncplusaccessibles la consciencersente

Nous

dcouvrons

ci

un des

cueils e

la

conception

e

Locke

limiter

l'identit

u

soi

la conscience e

soi conduit

exclure out

ce

qui

chappe

la

conscienceu

champ

es

lments

ui participent

la cons-

titution e

la

personne.

ussi

es commentateurs

e

V

ssai

ont-ils rs

rapidement

is n vidence

a

difficult

ont

a thorie

tait

ntache,

t

1

John

Locke,

Essai

philosophique

oncernant

'entendement

umain,

trad,

franc.

P.

Coste,

Paris,Vrin,

1983,

p.

264

sq.



4/13

cette

ifficultevint e

plus

en

plus

vidente

u fur

t

mesure

ue

la

critiqueockenne es fondementstaphysiquese l'identiterson-

nelle

gagnait

u

terrain.es

dtracteurse

Locken'ont

pas

manqu

de

souligner

ue

a

conception

elon

aquelle

esactes

ue 'ai

commis

t

qui

ne sont

as

conscients

'entrent

as

en

igne

e

compte

ans

a

constitu-

tionde mon

dentit

st

peu

mme

e soutenir es

principes

oraux

cohrents1.

Locke tait

ui-mme

onscient

e

la

difficult

ui

s'attachait son

empirisme

adical,

otamment

u

problme

oral

oulev

ar

es

acunes

de a conscience. ais

l

souligne

onstamment,

ans e

chapitre

Ce

que

c'estqu'IdentittDiversit, que la responsabilitorale pend ndernirenstance e la conscience

ue

l'on a de ses

actes,

t doncde

l'identit

mpirique

e celui

ui

agit.

'est a raison

our aquelle

ous

ne

tenons

as

un

enfant

ou un fou

pour esponsable

e

ses

ctes,

ussent-

ils

des

crimes,

e

a mme

manire

ue

nous e faisons

our

un

adulte,

t

ce

raisonnementa si

loin

que

nous

ugeons

es actes ommis

ar

une

personne

vre vecmoins

e

fermet

ue

es

ctes ommis vec

prmdita-

tion

par

une

personneui

ouit

de toutes es

facults2.

Je

ne

peux

m'attarder

avantage

ci

sur es vifs

bats

ue

la thse

e

Locken'a cess

d'alimenter

usqu' aujourd'hui.

l

n'en reste

as

moins

que, dans e cadrede monarticle,a tentativee Lockede faire e

l'identit

ersonnelle

n

produit

e

la

conscience

e

soi

apparat

omme

particulirement

ntressante.

n

effet,

i sa

conception

st

ncapable

e

rendre

ompte

e 'identit

ersonnelle

ans a

totalit,

uisqu'elle

e sait

pas prendre

n

compte

e

qui,

dans notre

xprience,

chappe

notre

mmoire,uffit-il,

ourpallier

es

dfaillances,

e

prendre

n

compte

es

vnements

ublis tde

considrer

ue

mme

euxde nos ctes t

de nos

expriences

ontnousn'avons

lus

onscience

ontinuent

e nous

ppar-

tenir t

de former otre

dentit Une fois cart e

prsuppos

radi-

tionnelelon

equel

une ubstance

umaine

ntelligible

erait la base

de

l'identitumaine,a

philosophie

eLocke ait

pparatre

ans oute on

107

L'ahmee a

mmoire.

Lammoire

ollective

entre

xprience

ersonnelle

et

dentit

olitique

J.ABarash

1

La

critique

a

plus

vive t

formule

ar

Leibniz

ans esNouveauxssais

ur 'entendement

humain. ans

a

perspective

e sa

thorieubstantialistee

'me,

eibniz

nsisteur e fait

ue

es

actes ublis

ontinuent

'avoir ne

ignification

t

que

es utresnt

un rle ssentiel

our

moi-

gner

e leur xistence

Le

tmoignage

es autres s'exclamee

personnage

e

Thophile

ans

son

ouvrage pourrait emplir

e vide

de ma rminiscence

(cf.

Leibniz,

Nouveaux

ssais ur

l'entendement

umain,

ivre

I,

chap.

27,

9,

in

Die

philosophischen

chriften,

ol.

5,

d.

Gerhardt,

Hildesheim-New

ork, lms,1978,

p.

219).

2.

John

ocke,

p.

cit.,

.

271

sq.



5/13

108

Dossier:

Les ations:

renouvellement

u clin

Identitsationales

et critureses

istoires

ampleur

a faiblessee

l'hypothse

ui

dfinit

omme

nique

ource e

l'identitersonnelleaconscienceesoidcoulantu souvenire ceque

l'on a

t

dans

e

pass.

Sa

rflexionait

urgir

a

question

u statut

confrer

ces actes

t ces

expriences

ue

nous

vons ffacse

notre

mmoire,

t du

rle

qu'il

convient 'accorder

u

pass

oubli

dans

a

constitution

'une

dentit

rsente.

Les

rponses

ue

nos

contemporains

onnent

ces

questions

euvent

tre

lasses n deux

grandes

amilles. oit

elles

'enracinentans des

considrations

orales

le

simple

ait e

ne

plus

nous

rappeler

e

que

nous

vons

ait e nous

dispense

as

d'tre

moralement

esponsables

e

nos ctes les xpriencest es ctes,mme ublis,ontinuenteformer

notredentit

orale. oit

llesmettentn

accent

articulier

ur

e carac-

tre

atent es

souvenirs

ui,

bien

qu'ils

ne soient

lus prsents,

onti-

nuent 'influencer

'identit

ersonnelle.

ette

ponse

envoie un

objet

de

rechercheevenu

entralu

XXeicle

la thorie

sychanalytique

e

l'inconscient

vle

'importance

es

expriences

ublies

u

rprimes

dans

a constitutione

'identit

ersonnelle,

t a

pratique

hrapeutique

qui

en dcoule

consiste

rcuprer

t

reconstruire

a mmoire

insi

rprime.

Ces deux

xemples,

'un

relevante

a

sphreuridico-morale

t 'autre

du champde la psychologie,eprsententiffrentesanires ont a

mmoire,

mme

lorsqu'elle

st

virtuelle,

eut

tre constitutive

e

l'identit.

ls nous

amnent

reconnatre

es imites e

la thorie

elon

laquelle

a conscience

e

l'individu,

ourrie

ar

la

mmoire,

erait

a

source

e

son

dentit

ersonnelle.

ans

chacun e

ces

cas,

e

psychologue

et

e

philosophe

nsisteront

ous

es

deux

ur

e rledcisif

ue

ouent

es

autres

our

nous

permettre

e ressusciter

e

pass.

Car

l'intervention

e

Vautre,

u'il

soit

tmoin e

mon

pass

ou

thrapeute,

e

conduit

retrouver

e

qui

a t

perdu.

ans

ces

cas,

'exprience,

me

elle

ui

a

tlongtempsnfouie u apparemmentblitre,eutconserverne

signification

mportante

ous

forme e souvenirs

ui

trouvent

des

chemins

ecrets

our

rentrer

n nous

*

et nous

aider

insi dfinir

es

contours

achs e

notredentit

ersonnelle.

1. Marcel

roust,

la recherche

u

temps

erdu,

aris,

allimard,

La Pliade

,

t.

3,

p.

488

:

On n'est

ue par

e

qu'on possde,

n ne

possde

ue

ce

qui

vous st

rellement

rsent,

t tant

de nos

souvenirs,

e

nos

humeurs,

e

nos

des

partent

aire es

voyages

oinde

nous-mme,

nous es

perdons

e vue

Alors ous

ne

pouvons

lus

es faire

ntrern

igne

e

compte

ans

e

total

ui

estnotre

tre.Mais

ls ontdes

cheminsecrets

our

rentrern nous...



6/13

Cela

m'amne la

question

dcisive

si

nous

dpendons

e

Vautre

our

ressuscitert revivifierotremmoirevirtuelle,insi que pour l'tablir

dans

sa

factualit,

erions-nous

lors

renvoys

un lieu

tacite

de

l'exprience,

une dimension

extra-individuelle,

tapersonnelle

e

notre

trevers

aquelle, pour

emprunter

a

mtaphore

e

Proust,

nos

ides

partent

aire

es

voyages

oin

de

nous-mme ?

Lorsque 'exprience

et,

avec

elle,

la mmoire

et

l'oubli

sont

partags

par

un

groupe,

l'identificatione

cet

aspect mtapersonnel

e

l'exprience

ous

permet

d'attribuer

ne

certaine

utonomie

aux identits

ollectives.C'est cet

aspect

qui

nous

permet

'identifier

a sourced'une cohsiono l'identit

collective, 'unepart, t la diversitt l'ensemble esparticularitsui la

composent,

'autre

part,

e trouvent

mbriques.

'est dans

ce sens

que

Walter

Benjamin interprt

a

mmoire nvolontaire non

seulement

comme e retour es souvenirs

ersonnels

ublis,

mais

surtout

omme a

conjonction

de

certains ontenusdu

pass

individuel vec

ceux de

la

collectivit

*.

Lorsque l'exprience

ersonnelle

t les

souvenirs

ui

la

nourrissent

onfirmentes

identits

e

groupe,

ette

dimension

ollective

n'est

amais

rductible

une

collection

e

points

de vue

personnels.

l en

rsulte 'abord

que

la mmoire

artage

e

procde

pas

seulement

'une

vision

personnelle,

mais surtout

ue

la

mmoire t l'identit

ersonnelles

sont, leurbasemme, ntrelacesvec esmultiples spects e l'existence

du

groupe.

La cohsionde

cette xistence t de la

mmoire

ollective

ui

la sous-tend

peut

devenir

spectaculaire

ans

des

cas

de traumatisme

collectif:

on

pense,

notamment,

ci non

seulement ux

effets

ollectifs,

nfastes

long

terme,

e

la

rpression

es

aspirations

'une

communaut,

mais aussi aux

traces

ue

laisseune

terrible iolence ollectivement

cue

et

qui perdurent

'une

gnration

l'autre.

Ainsi es fantasmes t

dfor-

mations

peuvent-ilsouer

un

rle centraldans la reconstructione la

mmoire ollective. i

cette

flexion,

ui

fait

'objet

d'un

ouvrage

venir,

dpasse le cadre de la prsente tude, il est en revanche ssentielde

parvenir

ci

dlimiter,

ans

la

sphre

de

l'exprience

mplicite,

es

contours 'une

mmoire ollective t d'une identit e

groupe

qui

diff-

rent

qualitativement

u souvenir

personnel.

Loin

de

prendre

a

source

dans

'intimit

'un

espace prsymbolique,

a mmoire ollective

e cons-

109

L

bmee ammoire.

Lammoire

ollective

entre

xprience

ersonnelle

et dentit

olitique

J.ABarash

1.

L o domine

'exprience

u sens

trict,

n assiste la

conjonction,

u sein e a

mmoire,

entre es ontenusu

pass

ndividueltdes ontenus u

pass

ollectif

Walter

enjamin,

Sur

quelques

hmes audelairiens

, uvres,

ol.

3,

trad,

franc.

Mauricede

Gandillac,

Rainer

Rochlitzt Pierre

usch, aris,

Gallimard,

000,

p.

335).



7/13

110

Dossier:

es ations:

renouvellement

u

clin

Identitsationales

et critures

es istoires

truit

omme

une

exprience

mmdiatement

ymbolique

t

communi-

cable, hargeesignificationnterpersonnelle.

Il

me

parat

cessaire,

rriv ce moment e mon

tude,

e

poser

ne

distinction

ruciale

our

'identificationu

lieu

propre

e

la

mmoire

collective.rs

ouvent,

'expression

mmoire

ollectiverenvoiendis-

tinctement

des

groupes

estreintsomme a famille u

les

associations

professionnelles,

t

de vastes

ollectivitsomme a nation.

ansdoute

MauriceHalbwachs

-t-il

oulign

e rle

ue

jouent,

ans

a

structura-

tionde la mmoire

ollective,

es

groupes

lus

rduits

omme a famille

et

l'cole1,

mais e

statut e

cettemmoire

ans

es

communauts

lus

vastes equiertne dfinitionlusprcise.Ce travail

rliminaire

onsiste rendre

ompte

esdiffrentes

phres

dans

esquelles

a mmoireollectivee

constitue,

t

surtout e

sa

porte

dans

a

sphre

ublique,

i

nousvoulons

viter e mconnatre

e

lieu

propre u'elle

occupe.

Par

mmoire

ublique

,

'entends

ci es

vne-

ments

ignificatifs

ont

esmembres

'une

ocit ntfait

'exprience

t

dont

lsse

souviennent

ollectivement2.ette

mmoireonsiste

ansdes

souvenirs

argement

iffuss

ui,

bien u-del e

la

capacit

mmorielle

des

membrese

la

socit,

euvent

aire

'objet

de

commmorationse

masse t

de

reprsentations

istoriques.

ette mmoire

publique

oit

toutefoistreoigneusementistinguela fois estraditionsodifiest

des

reprsentations

istoriquesu'elle

limente3.

1.

Voir Maurice

Halbwachs,

a mmoire

ollective,aris,

Albin

Michel,1997,

et Les cadres

sociaux e a

mmoire,

aris,

lbin

Michel,

994.

2. Pour n

exemplelassique

oncernant

a fonctione a

mmoire

ublique

,

voir es

hypo-

thses

ue

Kant ormule

propos

e

la

rception

e la Rvolution

ranaise

ar

a

postrit.

ant

crit

Car cet vnement

st

rop rand, rop

i aux ntrtse

l'humanit,

t d'une nfluence

trop

tendue ans

e monde t toutes es

parties,

our

ne

pas

devoir tre

appel

in

Erinnerung

gebracht)

ux

peuples

l'occasion e

circonstancesavorablest

voqu pour

a

reprise

e

nouveaux

ssais n ce

genre

(cf.

mmanuel

ant,

e

conflit

es

acults

n rois

ections,

rad,

ranc.

J.Gibelin, aris, rin, 988,p. 105).

3.

L'imprcision

ertaine

ui

caractrise

es tudes onsacres

ce thmenous

permet

e

comprendre

ourquoi

l

est i

mportant

e

distinguer

a

sphre

e

a mmoire

ublique

e

celle e

la tradition.

ar

xemple,

ans on ntroduction

u

premier

olume

e 'immense

uvrage

es ieux

de

mmoire,

ntitule

Entremmoiret histoire

,

Pierre ora

parle

e la mort u

pass

t de

l'arrachement

e

ce

qui

a t

vcudans

a chaleur e la tradition

,

avant e conclure

On ne

parle

ant e mmoire

ue

parce

u'il

n'y

n a

plus

(cf.

Pierre

ora,

Entremmoirethistoire.

La

problmatique

es ieux

,

Les ieux

e

mmoire,

ol.

1 La

Rpublique,

aris, allimard,984,

p.

XVII).

e sens xact u

terme mmoire dans

un tel ontexteemeure

ncertaini on 'entend

de manire

ittrale,

ar 'auteur

e voulait ertainement

as

dire

ue

es ocits

e se souviennent

plus.

Ce sensdevient

n revanchelair i

nous

voyons

ans

a

disparition

e la

mmoire

la



8/13

Si,

comme

e

Tai

indiqu,

a mmoire envoie

riginellement

l'exprienceersonnelleui estentrelacevec esrminiscencesollec-

tives

e

groupes

lus

restreints,

a mmoire

ublique,

ans

a

vaste

phre

o elle

e

construit,

eprsente

ne

xpression nmonique

ondamentale

dansun autre

ens amene

perdurer

onguement,

lle ert

e matrice

l'incarnation

ymbolique

t la transmission

ui

alimentent

t orientent

l'existence

phmre

la fois es

personnes

t

des

petits

roupes. epen-

dant,

e

tels

ouvenirs,

ussi

ignificatifs

u'ils

puissent

tre

our

a cons-

titutiones dentits

ubliques,

e

font

ue

rarement

'objet

'une

xp-

rience irecte.

'ai

moi-mmecu uxtats-Unis

endant

a

priode

e

a

guerreuVietnam,maismon

expriencede l'vnemente limitait

pour

'essentielvisionneresfilmse

guerre

iffuss

ar

esmdias t

discutervecdes

vtrans.

r

il

ne

suffit

as

de

puiser

ans

'exprience

d'un oldat

ui

a

particip

irectementu

combat

our

prtendre

ue

ses

souvenirs,

scillant ntre a

particularit

e


t

l'exprience

u

groupe uquel

l

appartient,orrespondent

une

exp-

rience

significative

'un

point

e vue

politique.

et

exemple ermet

e

mettre n vidence 'norme istance

ntre

a mmoire

ublique, ui

vhicule

ymboliquement

ne

signification

n

gnral

naccessible

l'exprienceersonnelle,

t a

mmoire es

petites

ollectivitst

des ndi-

vidus, eaucoup lus ccessiblesla remmorationirectet la restitu-

tion

ndirecte

ar

d'autres.

et abme

ui spare

a mmoire

ublique

u

niveau e


e saurait tre

ombl

ar

a comm-

moration

olitique

i

par

a

reprsentation

istorique.

premire

ue,

esdeuxniveauxemblent

ntretenir

ne

ertaineimi-

litude

comme

dans

le cas des

personnes

ndividuelles,

es souvenirs

partagsui

sont

ombs ans

'oubli,

ue

ce soit

dans es

petites

u dans

les

grandes

ollectivits,

euvent

tre estitustraverse

tmoignage.

ais

111

L'abmee ammoire.

Lammoireollective

entre

xprienceersonnelle

etMentite

olitique

J.ABard

consquence

e l'affaiblissemente la

tradition,

ui

canalisaite

souvenir

ollectifans e

pass.Cela semble n effettre e sensprfrarNoradans 'introductionu'ildonne u troisime

volume esLieux

e

mmoire

Une

tradition,

'estune mmoire

evenue

istoriquement

ons-

ciente 'elle-mme

(cf.

ierre

ora,

Prsentation

,

Les ieux

e

mmoire,

ol.

3,

2e

partie,

Les

traditions

,

Paris,Gallimard, 992,

p.

13).

Afin

'viter

ne

telle

onfusion

ntremmoire t

tradition,

ui risque

e

dboucherur une vision

monolithique

t

nostalgique

e la mmoire

collective,

ous

distinguons

cientrea mmoire

ublique qui

a un caractre

ssentiellement

rag-

mentairet

fluctuant,

t

qui peut

raduirene

varit

'expriences

onflictuelles)

t a

codifica-

tion e a mmoireous a forme

e

a

tradition

u

de a

reprsentationistorique.

ette

nterpr-

tation

pond

l'ide de Walter

Benjamin

elon

aquelle

la

mmoire onde a

chanede la

tradition

Erinnerungtiftet

ie Kette er

Tradition)

(cf.

Walter

Benjamin,

Le

conteur

,

uvres,

ol.

ll,

p.

135).



9/13

112

Dossier:

Les ations

renouvellementu clin

Identitsationales

et crituress histoires

cette

nalogie

e doit

pas

tre

xagre,

arelle

risque

e

masquer

'cart

irrductibleui sparea mmoireublique e tous esautres iveaux u

souvenir

dans la

sphrepublique,

es vnementsont

d'une telle

complexitue

les souvenirses

ndividus,

oire

es

groupes

ui

les ont

traverss,

e

permettent

as

d'en rendre

ompte1.

a

mmoire

ublique,

parce

u'elle

st vcue

et

mdiatise

traverses

symboles

ationaux,

religieux,

tc.,

ui

structurent'identification

ollective,

emeurendirecte

et

fragmentaire.

lle estballottentre

es

mpressionsersonnelles

ns-

tables

t es

xpressions

ymboliquesar esquelles'exprience

e commu-

nique

la collectivit.

e

plus, l'poque ontemporaine,

e

sens

ymbo-

liquedes vnementsetenuar a

mmoireublique dpendmoins e

l'exprience

es

contemporainsue

desontraitement

ar

es mdias. e

faitmontre e lui-mme

lairement

ue

la mmoireollective

u niveau

public

st

qualitativement

iffrentees souvenirs

ropres

ux membres

d'une

familleu d'une

ssociation

rofessionnelleui

auront

t,

diff-

rents

egrs,

estmoins irects 'vnements

ssez

mportantsour

voir

faonn

eurexistence.

e

souvenir ollectif

ropre

ux communauts

nationalese

grandes

imensions,

ui

est e

plus

ouvent

ir

es

reprsen-

tations es

utrestreconstitu

ymboliquement

n tant

ue

mmoire

,

a un caractreiffus

ui

e

singularise

ortement.

Dansmon ssai e dfinitionu souvenirhez 'individut esgroupes

restreints,

'ai

attir'attentionur

e rlede

l'autre,

u'il

soit moin u

1. Dans

La mmoire

ollective,

aurice

Halbwachs ous aide saisir e caractreiffust

symbolique

e

la mmoire ans

es vastes

ommunauts,

n la dfinissantrs

dquatement

comme mmoire

mprunte

eten affirmant

u'elle

st

e

plus

ouventire

es

reprsentations

des utres

t

que

c'est

'imagination

ui permet

e a reconstituern

tant

ue

mmoire

Dans e

cours e ma

vie,

e

groupe

ational ont

e

faisais

artie

t e thtre 'un certain

ombre

d'vnements

ont

e

dis

que e

me

ouviens,

ais

ue e

n'ai

connus

ue

par

es

ournaux

u

par

les

moignages

e

ceux

ui

y

furentirectement

ls. ls

occupent

ne

place

ans a mmoiree

la nation.Mais

e

n'y

i

pas

ssist

moi-mme.

uand

e

les

voque,e

suis

blig

e

m'en

emettre

entirementla mmoirees utres,uinevient as cicomplteru fortifieramienne, ais ui

est a source

nique

e ce

que 'en

veux

pter.

e

ne esconnais

ouvent

as

mieux

i

autrement

que

esvnements

nciens,

ui

se sont

roduits

vantma naissance.

e

porte

vecmoiun

bagage

de souvenirs

istoriques,ue e peux ugmenter

ar

a

conversation

u

par

a

lecture. ais c'est

une

mmoire

mprunte

t

qui

n'est

as

a

mienne. ans a

pense

ationale,

esvnementsnt

laiss ne

race

rofonde,

on eulement

arce

ue

es nstitutions

n

ont

t

modifies,

ais

arce

que

la traditionn

subsiste rs

ivante

ans

telle u

telle

rgion

u

groupe,

arti olitique,

province,

lasse

rofessionnelle

u

mme ans elle u telle

amillet

chez ertainsommes

ui

en

ont onnu

ersonnellement

estmoins. our

moi,

e sont es

notions,

es

ymboles

ils e

repr-

sentent

moi ous

uneforme

lus

u moins

opulaire e peux

es

maginer

il m'est

ien

mpos-

sible 'en souvenir

{La

mmoire

ollective,

.

98-99).



10/13

thrapeute,

ans

a

reconstitutione

telle

xprience

ombedans 'oubli.

Dans la sphre ublique,o il est rare ue le souvenir uisse e fonder ur

la

perception

irecte,

e

rle

rgulateur

e l'autre st bien

plus problma-

tique.

l est

frquent

ue

les

revendications

dologiques

'une

collectivit

nationale

ntrent n contradiction

vec es souvenirs 'un nombre

imit

de

tmoins

oculaires,

ffectivement

rsents

ors de

l'vnement,

mais

dont

es souvenirs

ont

passs

ous

silence

par

es

mdias,

e

qui

conduit

carter

urement

t

simplement

eur

tmoignage.

'est

pour

cetteraison

qu'il

est

particulirement

ifficile 'laborer

es

moyenspermettant

e

corriger

'oubli

dans

la

sphre

publique

et

de

les mettre n

pratique.

Est-on

pour

autantfond

affirmer

u'il

n'existerait

as

de remdes

contre 'oubli collectif? i lesmdias

qui

vhiculent es

reprsentations

choisies contribuent

passer

sous

silence certaines

ituations,

aut-il

renoncer

trouver,

ans

la

sphrepublique,

cet

autre

qui pourrait

nous aider

les

retrouver

t

les ranimer

L'exprience

irecte

t les

tmoignages

e

devraient-ils

as

ouer

en l'occurrence

n

rledcisif

our

ce

qui

est de fournir ne

vision d'ensembledes

vnements t

de

leur

porte

Sans doute

a fonction e

1'

autre

peut-elle

tre

partiellement

remplie,

y

compris

dans

la

sphre publique,

par

la confrontation e

tmoignages

ontradictoires

t de

preuves uthentiques,

mais

seulement

partiellementcar,commenous l'avonsvu, il y a une diffrenceualita-

tive ntre a

sphre

ublique

et les

autres

phres,

ndividuelles

u collec-

tives,

ncessairement

lus

limites,

t

l'analogie

entre ces diffrentes

sphres

vaut seulement

usqu'

un

certain

point.

La

complexit

t la

prolixit

es diffrentsrdres

e

l'exprience ublique,

tels

qu'ils

se sont

dessins

ymboliquement,

endent

e

statutdu

tmoignage

t du rcit

extrmementncertain.

i,

en

dernire

nstance,

a

signification

ublique

des

faits t

des

vnements

pend

moins

des

souvenirs es

individus,

voire

des

groupes

estreints,

ue

de

la relation

ymbolique u'ils

entretien-

nent avec

les

identits

ollectives,

lors e meilleur

emde

la

dforma-

tion consiste dcelerdes contradictions ans la cohrenceactuelle e

l'ensemble es

vnements

aconts,

ar c'est cet

ensemble

ui

confre

l'expriencevoque

a

signification

pcifiquementolitique1.

ans cette

perspective,

a

fonctionde

1'

autre

dans

la

reconstitution u

pass

oubli ou

altr

pend

d'une

intention ssentiellement

olitique, apable

113

L'abmeeammoire.

Lammoireollective

entre

xprienceersonnell

etdentit

olitique

J.ABarash

1

Nous trouverons ans l'article

Vrit et

politique

de

Hannah

Arendt a formulation

la

plus

clairede la relation

roblmatique ui

s'tablit

ntre es

vrits e fait t

le

domaine

poli-

tique

cf. La crise e la

culture,

rad,

franc.,

aris, Gallimard,

oll.

Folio

, 1972,

p.

289-336.



11/13

114

Dossier:

Les ations

renouvellementu clin

Identitsationales

et critureses istoires

d'assurer

e

dcryptage

u

rle

ymboliqueou par

a

dformationans

e

tissu es vnementsvoqus. n insistantinsi ur e statut ssentielle-

ment

olitique

e

ce

rle,

nous

ne

voudrions

n

aucun

cas

dire

ue

les

massacres

erptrs

n

silence,

ui

n'ont

aiss

errireux

qu'un

regrou-

pement

morcel e survivants

uets,

e

devraient

as

trednoncs

commedes

symptmes

e

pathologies

ollectivest

jugs

comme

des

actes riminelsmais eur

ignification

oit tre

nterprtepartir

e

la

base

ymbolique

ournie

ar

es

dologies articulires

u les ntentions

thologico-politiques

ui

es outiennent

ans eur

le

ublic.

t

c'est

ci

que

la

mtaphore

e

1'

autre

comme

uge

ou

thrapeute

oit

tre

compltear afigureuthoricienolitiqueui appliqueesmthodes la

sphre ublique1.

En

fait,

e

grand anger

ue reprsente

a

mdiatisationesvnements

se

trouve

vant

outdans

a slection on

critique

es

faits

qui

seront

exposs

t

qui

sont

hoisis,

onsciemmentu

inconsciemment,

n fonc-

tion de l'identit

ymbolique

u

public qui

en

prend

connaissance.

S'agissant

e

la mmoire

ublique,

e

danger

rovient

on

seulemente

ce

qu'une partie

es faits oublis u

bien

soumis

une

dformation

voulue

est

ainsi

passe

ous

silence,

mais

ussidu

fait

ue

le choix t

l'interprtation

es

vnements

coulent u monde

symbolique

e

l'interprte,ui correspondcelui upublic pcifiqueuquel e rcit st

destin.

n oublie

quel point

'interprtationpend

u

langage ui

a

communique

quel

point,

ansdiffrents

ontextes,

estermesels

ue

dmocratieou

empire

,

colonisation

,

collaborationou

rsis-

tance

peuvent

oir eur

ignification

e

modifier

n fonction

e

a

charge

symbolique ropre

la mmoire

ollective

pcifique

ans

aquelle

ls

s'enracinent,

our

ne rien

dire

des trahisons

u'implique

a traduction

d'une

angue

l'autre.

n a

souvent

nsist,

juste

itre,

ur

'originalit

des

mdias

e

masse

ui

rside

ans a

quasi-absence

'interaction

ntre

les locuteurs

ui communiquent

t

les

destinataires

e

la communica-

tion2. esmoyensechniquesui s'interposentrent'anonymat,equi

1. C'est

ur

a

based'une

elle flexion

ue

e

propose

uelques emarquesritiques

u

sujet

du

concept

e

mmoireollectivehezPaul Ricur ans

La

mmoire,'histoire,

'oubli

Paris,

e

Seuil,

2000),

dans

mon article

Qu'est-ce

que

la mmoire

ollective Rflexions ur

l'interprtation

e a

mmoirehezPaulRicur

,

paru

ans

a Revue e

mtaphysique

tde

morale,

2,

2006,

p.

185-195.

2.

Voir,

ce

propos,

otammentiklas

uhmann,

ie Realitt er

Massenmedien,

pladen,

Westdeutscher

erlag,

96,

p.

11



12/13


13/13

116

Dossier:

Les

ations:

renouvellement

u

clin

Identitsationales

et crituresshistoires

politique

es communautsd'autre

art,

es

vnementsoncrets

ui

sont u centreela commmorationeviennenteplus nplus nsaisis-

sables ans eur

alit

iffuse.'est

peut-tre

e

paradoxe ui

explique

a

prolifration

es monumentst des archivesherchant

recueillirt

conserveres traces e la mmoire

ublique

ils

procurent

es

images

symboliques

angibles

apables

de renforcere lien

prcaire

ntre

l'exprience ersonnelle

t la

sphrepublique

de

l'action

politique,

devenue

paque.

La

qute

de

ce lien

comporte

es

dangers

ntrinsques.orsque

a

mmoiree voit

ssigner

ne

tche

u'elle

n'est

as

mme

'accomplir

-

savoir,eterun pontentre 'identit ersonnellet la socitdemasse , cela

peut

mener desformesxtrmese dnidela ralit ans

le cas

d'vnements

ue

la remmoration

e

peut

cerner.

orsqu'on

oublie

a

complexit

e la

sphre

ublique,

l

est

d'autant

lus

facile

e

manipuler

esvnements

des

fins

dologiques

n

prsentant

es ouve-

nirs

fragmentaires

omme

des

expriences

directes,

apables

de

confrerne

cohrence

ymbolique

ux

vnements

ans eur nsemble.

La

diffrencessentielle

ntree

fait e situer

t

celuide reconstitueres

pisodes

u

pass

est alors

recouverte

ar

des

fantasmesollectifs

ui

dforment

ntirementeur eneur

actuelle.

'abme ntrea mmoiret

la ralitolitiquee laisse lors omblerardesreprsentationsictives

de 'identit

ollective,

emblables

ux

mythes

olitiquesui

sont

evenus

un

aspect

ien

rop

ourant u monde

ontemporain.

l'abîme de la mémoire. la mémoire collective entre expérience personnelle et identité politique

Documents