la ville et vie urbaine

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 Genèses 60, septembre 2005 La ville des savants Un savoir « scient ifique , utilitair e et vu lga risa teur» : la ville de La vie urbaine , objet de science et objet de réforme (1919-1939) Renaud Payre PP. 123-178      D      O      S      S      I      E      R 5 C ’est par sa fin que nous nous proposons de commencer cette enquête sur la revue La vie urbaine observée dans l’entre-deux-guerres. Le point de départ se situe donc curieusement en 1950. Après dix années de silence La vie urbaine est à nouveau publiée et le manifeste s’attarde sur deux aspects de la nouvelle série. La revue annonce d’abord qu’elle reste l’organe de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris, mais qu’en outre elle bénéfice désormais d’une subvention du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui atteste la place accordée à l’urbanisme parmi les «sciences de l’homme» et son statut de disci- pline au carrefour d’autres disciplines. Cette présentation mérite d’être question- née, car elle correspond à l’éviction d’autres usages possibles de l’urbanisme. La revue peut précisément être saisie comme un observatoire de la transformation en discipline de savoirs pratiques divers et variés sur la ville. La table des matières de ce premier numéro de 1950 décline également un long hommage aux pères fondateurs, tous disparus dans les dix années précé- dentes: Auguste Bruggeman, William Oualid, Henri Sellier et Louis Bonnier. Mais voilà, les nécrologies ainsi produites ne permettent pas de comprendre les liens entre ces acteurs. Ont-ils eu d’autres proximités que celle née de leur parti- cipation à la revue? Ont-ils agi ensemble, faisaient-ils partie de mêmes mondes? La réponse s’impose assez vite: ils ont, de fait, œuvré dans un milieu réformateur bien particulier que nous appellerons la «nébuleuse Sévigné». Ils étaient «des hommes de 1900» comme aimait à les appeler Louis Boulonnois (1946a ; 1946b), l’un des principaux collaborateurs de Sellier pour désigner les acteurs

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Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur : la ville de La vie urbaine, objet de science et objet de rforme (1919-1939)Renaud PayrePP.

123-178

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est par sa fin que nous nous proposons de commencer cette enqute sur la revue La vie urbaine observe dans lentre-deux-guerres. Le point de dpart se situe donc curieusement en 1950. Aprs dix annes de silence La vie urbaine est nouveau publie et le manifeste sattarde sur deux aspects de la nouvelle srie. La revue annonce dabord quelle reste lorgane de lInstitut durbanisme de lUniversit de Paris, mais quen outre elle bnfice dsormais dune subvention du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui atteste la place accorde lurbanisme parmi les sciences de lhomme et son statut de discipline au carrefour dautres disciplines. Cette prsentation mrite dtre questionne, car elle correspond lviction dautres usages possibles de lurbanisme. La revue peut prcisment tre saisie comme un observatoire de la transformation en discipline de savoirs pratiques divers et varis sur la ville. La table des matires de ce premier numro de 1950 dcline galement un long hommage aux pres fondateurs, tous disparus dans les dix annes prcdentes : Auguste Bruggeman, William Oualid, Henri Sellier et Louis Bonnier. Mais voil, les ncrologies ainsi produites ne permettent pas de comprendre les liens entre ces acteurs. Ont-ils eu dautres proximits que celle ne de leur participation la revue ? Ont-ils agi ensemble, faisaient-ils partie de mmes mondes ? La rponse simpose assez vite : ils ont, de fait, uvr dans un milieu rformateur bien particulier que nous appellerons la nbuleuse Svign . Ils taient des hommes de 1900 comme aimait les appeler Louis Boulonnois (1946a ; 1946b), lun des principaux collaborateurs de Sellier pour dsigner les acteursGenses 60, septembre 2005 La ville des savants

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partags entre la recherche dune connaissance efficiente sur la ville et une forme dardeur militante relative la transformation des modes de vie urbains. Cest partir de ce rseau dacteurs que nous souhaitons revisiter ce haut lieu de lhistoire de lurbanisme : La vie urbaine. La revue est bien lune des cristallisations de ce rseau : non seulement elle le rend visible, mais elle montre ses failles. Limpossible objet de La vie urbaine est un indice de la dispersion du rseau. Les revues ont souvent t tudies comme des vecteurs de linstitutionnalisation dune discipline, ou comme des lieux de mise en forme dune communaut savante. Lambition du prsent article est de tenir ensemble deux points de vue : cest en partant de ceux qui ont vhicul ces savoirs rformateurs et de leurs intentions que nous pointerons les transformations de ces savoirs en une discipline en partie loigne des objectifs premiers des acteurs. Nous refuserons donc de trancher entre externalisme et internalisme1 car, en faisant enqute sur les intentions des auteurs regroups au sein de la revue, nous souhaitons clairer diffremment le contenu du savoir ainsi constitu et vhicul. partir de ltude des conditions de production de La vie urbaine, de la formation du groupe dacteurs qui lont voulue et faonne, il sagit de formuler quelques hypothses sur les questions que la revue, comme entreprise collective, a voulu poser. La revue est bien une entreprise collective. Ltude des comits de rdaction, des longues listes de noms par lesquelles chaque numro souvre, permet de mesurer ltendue de ce rseau, qui nest pas compos uniquement de savants ou universitaires mais se situe mi-chemin entre science et action. Cest ainsi que lon pourra porter un nouveau regard sur lobjet de La vie urbaine et sa difficile prennisation. La dmarche va donc consister varier les chelles dtude. Une forme de travelling avant qui part de lenvironnement trs gnral dans lequel la revue est ne la prsentation de la nbuleuse Svign puis aborde la revue comme une institution et les difficults matrielles et intellectuelles quelle a rencontres. Cest ensuite au savoir produit et vhicul quil nous faudra nous confronter : travers les centaines de pages de la revue publies entre 1919 et 19402, on observe le passage dune ville comme acteur collectif une ville support de dispositifs amnageurs.

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La revue comme monde de la rforme urbaineQuelques annes avant la cration de La vie urbaine, souvre, en juillet 1913, dans le palais des Floralies de Gand, le congrs et lexposition compare des villes. Quelques dlgus franais font le dplacement pour assister cette premire manifestation dont lambition explicite est de produire un savoir total sur la ville. Ce sont des lus ou des fonctionnaires souvent lis aux institutions de la rue Lobau (prfecture de la Seine, htel de ville de Paris). Parmi les lus on trouve le rapporteur du budget de la ville de Paris, Louis Dausset, des conseillersRenaud Payre Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

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municipaux et gnraux, comme Henri Sellier. Des architectes les accompagnent et, notamment, le directeur administratif des services darchitecture et des promenades et plantations de Paris, Louis Bonnier. Le congrs runit des acteurs qui ensemble, non seulement travers des associations mais aussi des revues comme La vie urbaine, vont chercher consolider les liens entre la question de lamnagement rationnel des villes et celle du bon gouvernement urbain.

La nbuleuse SvignDirecteur de rdaction de La vie urbaine ds 1920, H. Sellier est une des figures centrales de ces mondes de la rforme urbaine (Burlen 1987 ; Guerrand et Moissinac 2005). En 1913, il rend compte du congrs de Gand dans lHumanit : Limportance de ces assises na pas chapp aux socialistes qui considrent le champ dactivit que leur offre ladministration municipale comme dune extrme importance tant par les rsultats possibles quil est possible dy obtenir que par ladmirable cole dducation et denseignement aux futurs rgisseurs de la chose publique. (Sellier 1913)

Sellier est avant tout un homme engag en politique: socialiste, il fait partie de la famille socialiste non marxiste et antitatique. Il participe trs jeune au mouvement coopratif puis rejoint les rangs de la SFIO (Section franaise de lInternationale ouvrire). Il est proche dAlbert Thomas quil a rencontr en 1902. Tous deux rservs lencontre du socialisme parlementaire, tous deux admiratifs du syndicalisme britannique et du mouvement Fabien, ils fondent La revue syndicaliste. Mais surtout, ils suivent les travaux du Groupe dtudes socialistes de Robert Hertz qui, compos essentiellement de socialistes normaliens, veut soutenir la bataille municipale de 1908 par des chiffres, par des tudes, par des documents (Thomas 1920: 7). Ce rseau sera activ plusieurs reprises dans la carrire rformatrice de Sellier, notamment lors de la cration de La vie urbaine3. Mais cest surtout la dtention de mandats politiques qui rend possible la carrire rformatrice de Sellier. Il est lu conseiller gnral de la Seine ds 1910. Cest ce premier mandat qui lui permet dobtenir, au sein du conseil gnral, la cration de nombreuses institutions consacres la rforme municipale et urbaine. Ces institutions bnficient dun soutien matriel de la prfecture de la Seine, en premier lieu, et de la ville de Paris. Ds 1914, H. Sellier prend linitiative de proposer au conseil gnral la cration dun office public des habitations bon march (HBM), finalement mis en place en 1916. Loffice devient la principale institution ressource pour H. Sellier qui mne, depuis les bureaux du quai des Clestins, lensemble de sa carrire politique et rformatrice4. Loffice est charg ddifier des logements mais aussi de promouvoir une rforme urbaine en profondeur (Sellier 1919: 235), il est en outre le support financier de lactivit de Sellier, rmunrant un personnel qui est sollicit par celui-ci pour participer lactivit dautres institutions rformatrices. Ces dernires forment une vraie nbuleuse, rassemble derrire les murs de lhtel Le Pelletier de Saint-Fargeau, au 29 rue de Svign. Ce btiment municiGenses 60, septembre 2005 La ville des savants

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pal nest autre que celui de la bibliothque des travaux de la ville de Paris, devenue partir de 1916, sous limpulsion de Marcel Pote, lInstitut dhistoire, de gographie et dconomie urbaines. Ds 1917, ce centre de documentation et de rflexion abrite lcole franco-belge suprieure dart public, cole qui dlivre ce qui peut tre considr comme le premier enseignement durbanisme en France (Uyttenhove 1990). LInstitut, qui publie La vie urbaine dans sa premire anne, se dfinit comme contribuant une large vulgarisation de lensemble des questions urbaines : [] le sol et la ville, laspect topographique et architectural de la ville, lhabitation urbaine, lhygine urbaine, les fonctions de lorganisation urbaine, ladministration urbaine, la ville centre intellectuel et centre de progrs social, lvolution de la ville 5. Mais lorsquon pousse les portes du 29 de la rue de Svign ds la fin de lanne 1919, on rencontre nombre dassociations ddies ltude et la rforme de lurbanisation : lAssociation pour ltude de lamnagement et de lextension des villes (section franaise de la Fdration internationale des cits-jardins et de lamnagement des villes), la Renaissance des cits, la Fdration nationale des offices publics dHBM ou encore lUnion des villes et communes de France. En leur sein, lus, universitaires, fonctionnaires et architectes-urbanistes partagent le souci dduquer et de mobiliser lopinion publique, les professionnels et mme les diles autour de la ncessit dune gestion et dun amnagement rationnels des villes.Un usage de la nbuleuse SvignSur les usages de la nbuleuse Svign, nous pouvons citer le cas de Paul Mistral (1872-1932) premier maire socialiste de Grenoble, dont il est galement le dput. lu maire en 1919, il entreprend une politique interventionniste et dote la ville dun plan damnagement, dembellissement et dextension, de cits-jardins et de lotissements. Cest par sa position dans le champ politique dput-maire et socialiste quil est amen croiser H. Sellier, puis les principaux responsables de la rue de Svign. P. Mistral est invit le 17 juin 1921 prsider la premire confrence nationale de lUnion des villes et communes de France au 29 rue de Svign Paris. La journe sachve par une visite des locaux de cet htel parisien : Auguste Bruggeman, directeur de lUnion des villes et communes de France, mais aussi directeur de lcole des hautes tudes urbaines, guide les diles. P. Mistral, en qute dun urbaniste reconnu, lui demande de [lui] indiquer un architecte assez comptent pour tre charg du plan damnagement de Grenoble. Une dizaine de jours plus tard, A. Bruggeman lui envoie un courrier et lui indique Lon Jaussely en soulignant que personne en France ne pourra critiquer ce choix6. L. Jaussely ralisera le plan damnagement, dextension et dembellissement de la ville.

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Cest essentiellement lcole dpartementale des hautes tudes urbaines (Baudou 1988) qui assure la cohsion de cette nbuleuse. Elle est ouverte en vertu dun arrt prfectoral de la Seine dat du 5 septembre 1919 et vise former la fois des constructeurs et des administrateurs de villes7. H. Sellier devient secrtaire gnral du conseil de perfectionnement de lcole, qui prend le nom dInstitut durbanisme lorsquelle est rattache lUniversit en 1919 (Chevalier 2000). Devenu lun des hauts lieux de la rforme municipale urbaine en France, lInstitut durbanisme fait appel des tudiants, des anciens fonctionnaires de la prfectureRenaud Payre Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

de la Seine ou encore des employs de loffice public des HBM de la Seine pour accomplir un travail de documentation dit travail de laboratoire qui consiste en un dpouillement des principaux priodiques et en une traduction si ncessaire. Les fiches qui en rsultent sont mises la disposition des enseignants et tudiants de linstitut et envoyes en double au sige de lUnion internationale des villes8. La vie urbaine nat donc, en 1919, au sein de cette nbuleuse Svign, proccupe de rforme urbaine par lducation, le militantisme et laction politique. Elle va en constituer la face publique.La nbuleuse incarne: portrait dAuguste Bruggeman de BijlevedAuguste Bruggeman de Bijleved, par sa trajectoire et ltendue de ses rseaux de sociabilit, peut illustrer le dploiement dune telle nbuleuse. Lancien conseiller communal de Gand a t secrtaire gnral de la Fdration internationale des employs, fonde Paris en 1900. Il a donc dj exerc des fonctions au sein dassociations internationales lorsquil devient commissaire gnral du congrs de 1913 et trsorier de lUnion internationale des villes et de lUnion des villes et communes belges. Il se rfugie en France au cours de la Premire Guerre mondiale. Pour vivre, il use des relations quil avait noues dans les organisations internationales auxquelles il avait particip. Il devient employ lAssociation franaise de lutte contre le chmage avant dtre nomm, partir de septembre 1917, archiviste traducteur loffice public des habitations bon march de la Seine cr en 1916 sur linitiative dHenri Sellier qui en tait ladministrateur dlgu 9 . A. Bruggeman participe, en novembre 1919, la cration de lcole des hautes tudes urbaines, o ses anciennes fonctions au sein de lUnion internationale des villes le conduisent dabord tre charg de rechercher les documents didactiques en France et ltranger avant dtre nomm directeur de lenseignement (Baudou 1988 : 13). Bruggeman y enseigne, partir du milieu des annes 1920, lorganisation conomique des villes. De 1919 1928, il dirige bnvolement lAssociation franaise pour ltude de lamnagement des villes et de lhabitation populaire, la Fdration des offices publics dhabitations bon march, lUnion nationale des fdrations dorganismes dhabitation bon march et la Fdration internationale de lhabitation et de lamnagement des villes. Ses revenus proviennent alors de ses activits la tte du service des tudes et publications sociales de loffice public des HBM de la Seine, la direction de lcole des hautes tudes urbaines puis de lInstitut durbanisme, ou encore la direction de lUnion des villes et communes de France10. Outre ses articles sur le programme et les effectifs de lInstitut durbanisme, A. Bruggeman publie dix articles dans La vie urbaine entre 1926 et 193511.

Une nbuleuse est, par dfinition, difficile saisir. Elle correspond un monde dacteurs appartenant des champs que lon a tendance habituellement distinguer et qui, par leur pluri-affiliation de nombreux groupements, sont conduits agir ensemble. Nous proposons ici une analyse situe de la nbuleuse Svign, en prenant pour point de dpart les affiliations des membres du comit de rdaction de La vie urbaine. Les mondes de la rforme municipale peuvent tre observs partir de ltude dune population dfinie comme les membres dinstitutions actives au cours de la premire moiti du XXe sicle (1897-1955) et qui affichaient dans leurs objectifs ltude de lorganisation municipale et de laction dilitaire12. Rendre compte de manire exhaustive de cette nbuleuse est une tche hors de porte, seules des analyses situes peuvent mettre en relief le fonctionnement deGenses 60, septembre 2005 La ville des savants

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ce milieu rformateur. Cest ainsi que lenvironnement de linstitution La vie urbaine perceptible travers lensemble des relations que les principaux membres de cette institution (ici les membres du comit de rdaction) tissent un moment donn avec dautres institutions consacres la rforme municipale nous renseigne sur lexistence dacteurs pluri-affilis et sur celle de liens entre un ou plusieurs groupes dinstitutions. Lanalyse relationnelle privilgie deux moments : 1925 et 1934, et exige quelques prcautions. Dabord la population concerne dcoule de la liste de noms publie sur la deuxime de couverture, cest--dire le comit de rdaction et le comit de patronage. La plupart des revues appartenant aux mondes de la rforme urbaine se dotent dun tel comit de patronage, dont les membres ne sont pas ncessairement actifs. Pour La vie urbaine, cette liste de noms sallonge au fil des annes et toffe quasi mcaniquement lenvironnement de la revue. La notion denvironnement appelle une autreLENVIRONNEMENT DE LA VIE URBAINE (1920-1925)

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Pour observer et tudier ce que nous avons nomm lenvironnement dune institution, nous avons procd plusieurs oprations. On dfinira lenvironnement de la revue comme lensemble des institutions saisies dans la base de donnes sur la rforme municipale et auxquelles au moins un membre du comit de La vie urbaine est affili. Le comit de patronage et de rdaction de la revue se prsente comme une liste de membres. Nous nous interrogeons sur les affiliations de chacun deux des institutions dont nous possdons la liste de membres au moment considr, cest--dire entre 1920 et 1925 et entre 1932 et 1936. Une matrice peut alors tre construite croisant les membres du comit de rdaction de La vie urbaine et les institutions ayant au moins un membre

commun avec le comit de rdaction lpoque considre. Cette matrice nous aide proposer une visualisation graphique sommaire et schmatique supposant quun membre commun deux institutions permet dtablir un lien entre celles ci. Ainsi entre 1920 et 1925, Louis Bonnier est membre du comit de La vie urbaine. Mais il est au mme moment au bureau de lAssociation franaise pour ltude et lamnagement des villes (AFEAV), enseignant lcole des hautes tudes urbaines (EHEU), employ la prfecture de la Seine (PRS), sans compter quil a particip au Congrs international des villes de 1913 (CUIV). lui seul, il tisse un lien entre chacune de ces institutions et La vie urbaine. Certains de ces liens seront

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prcaution concernant la nature du lien. Une appartenance commune une institution cre un lien entre deux acteurs mme si, une fois de plus, certains liens sont dordre purement statutaire ou honorifique. La revue associant les principaux responsables des institutions qui soutiennent la nbuleuse Svign et notamment lInstitut durbanisme, partir de 1925 le comit comprend les principales personnalits de lUniversit de Paris. Il nen reste pas moins que les deux graphiques (pp. 12-13), neuf ans de distance, ne se ressemblent gure. Le premier est facilement lisible. Mettant en vidence les groupements avec lesquels la revue partage au moins deux affiliations13, il offre une reprsentation de la nbuleuse Svign. En dautres termes, au milieu des annes 1920, lenvironnement de La vie urbaine correspond essentiellement aux groupements fonds par les hommes du 29, rue de Svign. Le second graphique est apparemment plus complexe. Dabord parce que la liste desLENVIRONNEMENT DE LA VIE URBAINE (1932-1936)

consolids par la coappartenance du comit de la revue. Nous indiquons sur chacun des schmas, lindividu qui a le plus de coaffiliations et linstitution qui a le plus de liens avec la revue. Ces schmas ont pour simple but de prsenter lenvironnement de la revue au sein des mondes de la rforme municipale. Lenvironnement cest--dire lensemble des relations que les principaux membres de cette institution tissent un moment donn avec dautres institutions consacres la rforme municipale nous renseigne sur lexistence dacteurs pluri-affilis et sur celle de liens entre un ou plusieurs groupes dinstitutions. La dfinition et visualisation graphique de lenvironnement ne peut pallier la qualification de la nature des liens. Si

nous nous rfrons au terme environnement cest quil permet de se dfaire de lide de relations univoques entre linstitution et son milieu : linstitution participe, par lactivit de ses membres essentiellement les dirigeants, les acteurs ayant une fonction hirarchique et leurs pluri-affiliations, la constitution de son environnement, tout autant quelle est faonne par lui. Seule une analyse plus pousse sattardant sur les principaux dirigeants et leur capacit activer leurs rseaux et mettre en relations des activits de diffrentes institutions (sociales ou plus proprement politiques) permet dlucider les relations entre linstitution et son environnement et de comprendre la place de cette institution dans les mondes de la rforme.

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noms qui forment comit de rdaction et comit de patronage sest particulirement toffe. Aux cts des institutions de la nbuleuse Svign et dans leur sillon, se sont cres de nouvelles institutions, comme la revue Urbanisme qui, partir de 1932, devient, lalter ego sur le plan professionnel de La vie urbaine (Vacher 1999). On peroit, par ailleurs, une plus grande attention de la part des pouvoirs publics qui, par le biais de comits consultatifs, font leur apparition dans lenvironnement de la revue. Cest le cas du Comit suprieur damnagement et dorganisation gnrale de la rgion parisienne, dont les membres sont particulirement reprsents dans la nbuleuse Svign et qui, de ce fait, est lun des espaces clefs dinterlocution avec les pouvoirs publics. Mais cette lecture relationnelle sommaire met sur le mme plan, travers la notion dinstitution, une association, une cole et une revue. Or chacune a ses rgles de fonctionnement propre.

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Quest-ce-quune revue ?Les revues ont une histoire et, comme les centres denseignement et de recherche, les congrs et les runions scientifiques, elles comptent parmi les principaux vecteurs de linstitutionnalisation dune discipline14. Ainsi, les revues peuvent tre lgitimement tudies comme des institutions, des lieux de sociabilit et de mise en forme de communauts dacteurs15. Envisager La vie urbaine de la sorte revient traiter dabord des proccupations matrielles de ses animateurs et de la difficile prennisation de la revue signe des difficults matrielles imposer une revue sur la science des villes puis observer le rle de la revue dans les mondes de la rforme urbaine. Lentre-deux-guerres voit se multiplier les revues consacres ladministration municipale et lamnagement urbain, revues directement destines aux diles, aux techniciens ou aux employs municipaux (Payre 2002a : 376 et suiv.). Lpret de la concurrence entre les priodiques nest pas sans dcourager certains rformateurs. Cest une telle situation que sen prend, en 1939, le snateur-maire de Suresnes, Henri Sellier, auteur de nombreux articles dans ce type de publications. La presse municipale est, selon lui, trop copieuse et les revues trop nombreuses, ce qui entrave leur dveloppement et nuit leur qualit (1939 : 5). Pour nvoquer que la nbuleuse de la rue de Svign, on compte une petite dizaine de priodiques publis dans les annes 1920-1930. La quinzaine urbaine est publie, ds 1921, comme lorgane de lUnion des villes et communes de France. Elle est remplace, en 1924, par Le mouvement communal franais, qui lui-mme fusionne avec La vie communale et dpartementale fonde par des fonctionnaires des prfectures de police et de la Seine. Ces priodiques sont proches de La vie urbaine, dont lUnion des villes est devenue propritaire en 1924. En 1932, la revue Urbanisme, organe de lUnion des villes , rejoint cette famille de revues. Mais La vie urbaine se distingue des autres par son ancrage dans le monde acadmique. Elle affiche dans son premier numro une liste de soixante-sept collaborateurs dont14Renaud Payre Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

La composition ditoriale de La vie urbaine sa naissance (1919)La revue est publie sous la direction de : MM. Louis Bonnier (inspecteur gnral des Services techniques et esthtiques la prfecture de la Seine et prsident du Conseil des professeurs de lcole dart public), Marcel Pote Avec le concours de la commission administrative de lInstitut histoire, gographie et conomie urbaines : MM. Margerie, Aulard, Julian, Pasquet, Pfister, Brunhes, Demangeon, Marjonne, Ravigneau, Renard, Faure, Forestier, Gide, Jaussely, Juillerat, Andr Liesse, Paul Meuriot, Georges Risler. COLLABORATEURS : Patrick ABERCOMBRIE, chef du Dpartement dart civique de lcole darchitecture de Liverpool, directeur de The Town Planning Review ATTALION, professeur la facult de droit de Lille AGACHE, secrtaire gnral de la Socit franaise des architectes urbanistes MARCEL AUBURTIN, architecte AUGUSTIN BERNARD professeur dhistoire-gographie dAfrique du Nord la Sorbonne HENRI BERTHELEMY, professeur de droit administratif facult de droit de Paris G. B IGOURDAN , membre de lInstitut et du Bureau des longitudes, astronome de lObservatoire RAOUL BLANCHARD, professeur de gographie la facult de lettres de Grenoble ADRIEN BLANCHET, membre de lInstitut CAMILLE BLOCH, inspecteur gnral des Archives et bibliothques GEORGES BLONDEL, professeur lcole libre des sciences politiques et lcole des hautes tudes commerciales P. BOISSONNADE, professeur dhistoire du Poitou la facult de lettres de Poitiers GASTON BONNIER, professeur la Sorbonne GEORGES BOURGIN, archivistes aux Archives nationales HUBERT BOURGIN CHARLES BRUN, dlgu gnral de la Fdration rgionaliste BRUTAILS, correspondant de lInstitut, archiviste de la Gironde GASTON CADOUX, ancien prsident de la Socit des statistiques [sic] LON CAHEN, docteur s lettres Condorcet VICTOR CAMBON, ingnieur CAPITAN, membre de lAcadmie de mdecine, professeur dantiquits amricaines au Collge de France MICHEL CLERC, facult de lettres dAix PIERRE CLERGET, professeur et directeur de lcole suprieure de commerce de Lyon HENRI CLOUZOT , conservateur de la bibliothque Forney P AUL COURTEAULT, professeur dhistoire la facult de lettres de Bordeaux ADOPHE DERVEAUX, architecte PIERRE DU MAROUSSEM, prsident de la Socit dconomie sociale DUPONT FERRIER, professeur lcole des chartes PAUL DUPUY, secrtaire de lcole normale suprieure GUSTAVE F AGNIEZ , membre de lAcadmie des sciences morales et politiques LUCIEN FEBVRE, professeur dhistoire de la Bourgogne la facult de lettres de Dijon MAURICE HALBWACHS, matre de confrences la facult de lettres de Caen H ENRI H AUSER , professeur la facult de lettres de Dijon JACQUES HERMANT, prsident de la Socit des architectes diplms par le gouvernement PAUL HUVELIN, professeur la facult de droit de Lyon ADOLPHE LANDRY, directeur dtudes lcole pratique des hautes tudes L. DE LAUNAY, professeur lcole des mines et des ponts et chausses PAUL LON, chef de division des services darchitecture au ministre de lInstruction publique et des Beaux-Arts JEAN LESCURE, professeur la facult de droit de Bordeaux J. LETACONNOUX, conservateur des collections de la facult de lettres de Paris LEVAINVILLE LVY SCHNEIDER, professeur dhistoire de Lyon la facult de lettres FERNAND MARTENS, directeur gnral de ladministration de la voirie communale au ministre de lAgriculture et des Travaux publics de Belgique PAUL MANTOUX, docteur s lettres M ARION , professeur au Collge de France GERMAIN MARTIN, professeur la facult de droit de Montpellier TIENNE MARTIN SAINT LON PAUL MASSON MATHIEZ, professeur la facult de lettres de Besanon REN MAUNIER, directeur de la Statistique au ministre de la Justice B. NOGARO, professeur la facult de droit de Caen PAUL OTLET, directeur de lInstitut international de bibliographie de Bruxelles CHARLES PETIT DUTAILLIS, directeur de lOffice nationale des coles et universits franaises PROST chef du Service spcial darchitecture et des plans des villes du Maroc CHARLES RIST, professeur la facult de droit de Paris LON ROSENTHAL, secrtaire gnral de lcole suprieure dart public SAGNAC, professeur la facult de lettres de Lille DE SAINT LGER, professeur dhistoire la facult de lettres de Lille A. SCHATZ, professeur la facult de droit de Lille CHARLES SCHMIDT, archiviste aux Archives nationales M. SCHWOB HENRI SELLIER, administrateur dlgu de lOffice public dhabitations bon march du dpartement de la Seine ROBERT DE SOUZA ANTOINE VACHER, professeur de gographie la facult de lettres de Lille CAMILLE VALLAUX, docteur s lettres, professeur au lyce Janson de Sailly R. VERWILGHEN, ingnieur au ministre de lAgriculture et des Travaux publics de Belgique E DMOND V ILLEY , doyen de la facult de droit de Caen

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la plupart, en fait, ne signeront pas darticles parmi lesquels on recense plus dune vingtaine duniversitaires auxquels sajoutent cinq enseignants dans des coles denseignement suprieur et trois docteurs enseignants du secondaire. Parmi ces priodiques municipaux et urbains, les revues rdiges par des universitaires et voues un travail scientifique li lamnagement et ladministration des villes, prsentent une certaine fragilit et sont rgulirement menaces. Ainsi, La vie urbaine voit sa publication suspendue en 1923, lorsque le dpartement de la Seine dcide de rduire considrablement ses subventions. LUnion des villes et communes de France reprend par la suite la revue et couvre le dficit. En 1925, la revue devient lorgane de lInstitut durbanisme, mais reste toujours dficitaire et le directeur de linstitut ne cesse de ngocier des accords avec les diteurs qui se succdent jusqu la fin des annes 193016. plusieurs reprises, dans ses lettres au recteur, A. Bruggeman voque la possibilit dabandonner tout simplement la revue, avant denvisager de nouvelles solutions financires qui passent bien souvent par la recherche de subventions rectorales ou ministrielles. En 1931 alors que la revue vient dinaugurer une nouvelle srie il explique pourquoi il se refuse labandonner : Lintrt primordial quune revue prsente pour un tablissement denseignement suprieur est si considrable, lavantage quelle constitue comme organe de diffusion de travaux de premier ordre destins lducation de lopinion et des pouvoirs publics est si pressant et le maintien du prestige de lInstitut en France et ltranger est si indispensable que je ne puis me rsoudre ne pas envisager les conclusions que me suggrent les pourparlers et les dmarches tents de divers cts auprs de professionnels de ldition qui mont convaincu que seules les revues grand tirage peuvent se passer dappui financier et quaucune revue scientifique tirage rduit nest dispens de recourir ce moyen sous une forme ou sous une autre17.

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Cette qute de financements claire les intentions de certains des fondateurs de la revue et de linstitut. Ils souhaitent, nen pas douter, imposer un centre de science urbaine et fonder une discipline scientifique ayant pour objet la ville. Le contenu de la revue comme le programme de lInstitut durbanisme est cens avoir un triple caractre : scientifique, utilitaire, vulgarisateur . Cest cette science applique que les fondateurs souhaitent ddier la revue. Ds ses premires lignes, le programme dfend une conception utilitaire du savoir, qui contribue rpandre lusage dune mthode qui consiste faire servir conjointement les donnes historiques, gographiques et conomiques la connaissance raisonne des besoins d une ville et la conduite de ses destines ( Programme 1919). Cette improbable science est lie un objet incertain : la ville pense comme un tout (Payre 2002b et 2005). La focale peut, prcisment, se faire plus courte et se concentrer sur le contenu de la revue, sur la ville de La vie urbaine de lentre-deux-guerres. Une ville dont les contours se transforment. Lobjet du dbut des annes 1920 est la ville comme acteur collectif : la ville est un tout et tout est dans la ville. Ds lesRenaud Payre Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

annes 1930, la ville est davantage saisie comme support de politiques damnagement et de politiques sectorielles.

Les villes de La Vie urbaineLe programme de La vie urbaine est affich ds 1919 : il vise lagglomration urbaine envisage comme un organisme vivant qui volue dans le temps et dans lespace . Le manifeste souligne en outre limportance de la grande ville, caractristique de la civilisation contemporaine . Enfin il est prcis que, la revue se destine aux administrateurs, aux techniciens, tous ceux qui ont assurer le fonctionnement de lorganisme urbain . Ces quelques propositions dessinent les contours de lobjet de la revue sa cration, contours qui rpondent quelques principes lmentaires : la ville est pense comme un tout dans une logique organiciste et cest ce tout qui est lobjet du savoir naissant que la revue se propose de promouvoir ; ce savoir, qui mle des connaissances historiques, conomiques et gographiques, ne se ramifie pas en spcialisations pour ceux qui gouvernent, ceux qui construisent et ceux qui amnagent, tous doivent se lapproprier. Cette conception organiciste et holiste de la ville a dj une assez longue histoire lorsque La vie urbaine sen empare, mais cest au cours de lentre-deux-guerres quelle se brise.

La ville comme un tout ou tout est dans la ville On le sait, la mtaphore organiciste est lune des plus employes ds la deuxime moiti du XIXe sicle et jusquau dbut du XXe pour penser les socits (Schangler 1971). Cet organicisme appelle le plus souvent un rapport renouvel entre le tout et les parties, le tout tant une ralit suprieure la somme des parties. Employe pour la ville, la mtaphore est un dfi : elle pousse faire exister un objet nouveau, la ville comme un tout qui doit tre connu et qui appelle de nouvelles formes de gouvernement. La conjoncture des annes 1900-1910 est particulirement intressante pour reprer la cristallisation de cette conception, qui est dj dfendue dans diffrentes arnes, notamment scientifiques, et consolide dans certains travaux situs dans des disciplines alors en formation, les sciences sociales18. Le projet dfendu lors du premier congrs international des villes, en 1913 Gand par nombre de protagonistes est de dvelopper une connaissance entirement consacre lobjet ville . Il y a l un credo urbain : la ville est un tout o se mettent en uvre des solidarits conomiques et sociales quil convient de prendre en compte dans lorganisation administrative des diffrents pays. Recevant les dlgus lhtel de ville de Gand, le bourgmestre mile Braun consacre ses propos la Ville Moderne quil prsente comme un microcosme (Premier congrs 1914, 3 : 2). Il explique que la vie urbaine a connu dimmenses transformations dues la Technique lingnieur est devenu la fe qui plus rien nest dsormais impossible lArt et la Dmocratie (ibid., 3 : 11). LeGenses 60, septembre 2005 La ville des savants

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congrs, son programme lannonce, cherche trouver les principes dont peuvent se rclamer larchitecture des villes, la sociologie municipale et ladministration des communes (ibid., 1 : XI). mile Vinck, qui va fonder lissue du congrs lUnion internationale des villes, insiste ds le premier jour sur la ncessit dune connaissance complte de lorganisme qui sappelle commune . Si le congrs existe, il y a ncessairement une science de la vie communale, une biologie communale (ibid., 3 : 15). Lambition est donc bien de dvelopper une connaissance approfondie de la ville saisie comme un tout car tout est dans la ville 19. Telle est la conviction prsente dans le manifeste de lUnion internationale des villes qui reprend le texte dinvitation au congrs envoy ds la fin de lanne 1912. La cit serait devenue un centre o sexercent et samalgament toutes les activits de lhomme moderne , de lducation au travail en passant par lassistance. Cest lchelle urbaine que la coopration humaine trouve son expression la plus large et la plus complte dans un ensemble dinstitutions et de services organiss par la collectivit au bnfice de tous ses membres (ibid., 1 : VIII). Cette conception se retrouve la lecture de La vie urbaine. La reprsentation de la ville pense comme un tout y est aussi un outil pour faire dialoguer des hommes et des travaux aux attaches disciplinaires fort diffrentes. Des architectes, dabord. Les architectes-urbanistes comptent parmi les principaux auteurs darticles portant sur des rsultats de concours et sur des plans damnagement, dextension et dembellissement. On peroit une reprsentation de la ville comme un organisme vivant la ville tentaculaire. Mais dans lurbanisme de plan envisag comme solution cette croissance urbaine non matrise, on peut pointer une vision davantage fonctionnaliste de la ville la ville pense comme une machine (Gaudin 1985). Cette vision se retrouve dans des articles dhistoriens (Lhritier 1922a et 1922b). Des gographes : il faudrait voquer la place de la gographie humaine et des proches de Vidal de la Blache dans la revue. La gographie est considre, avec lhistoire et lconomie, comme lune des trois disciplines essentielles :Lhistoire permet de se rendre compte de ltat de cet organisme dans le pass, la gographie nous le montre dans ces liens avec la surface terrestre do il tire son existence, enfin les donnes conomiques nous le prsentent dans son fonctionnement journalier. ( Programme 1919 : 2)

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Ds le premier numro, on trouve un article sign par Camille Vallaux (1919, voir aussi 1922). Jacques Levainville publie un extrait de sa monographie consacre Caen en sinterrogeant sur lvolution de la fonction urbaine (1923). Surtout, Raoul Blanchard publie un article intitul Une mthode de gographie urbaine , qui dcrit ainsi les principes de cette discipline : Manier un organisme vivant, souvent clbre, par des sductions que donne lhistoire, embelli par des uvres dart, en dcomposer le mcanisme; sexpliquer sa naissance, sa croissance, ses vicissitudes; tout cela procure une rare jouissance intellectuelle. (1922: 301)18Renaud Payre Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

De nombreux historiens participent la revue et sinvestissent dans la mise en uvre dune histoire des villes. Le chartiste Marcel Pote (1866-1950) joue ce titre un rle majeur, en multipliant les articles mthodologiques et thoriques sur lvolution urbaine (1922 ; 1923 ; 1930 ; 1937). Son organicisme est quelque peu fonctionnaliste20. Dans Une vie de cit, on peut lire : Tout tient tout : les phnomnes urbains sont le produit de multiples actions conjointes [] On ne saurait envisager part lun de lautre ltat conomique et ltat social dune ville, ce dernier dpendant du prcdent, ni sparer laspect que prsente une cit de ses conditions de vie conomique et sociale, car la fonction cre lorgane et, en lespce, la physionomie dune agglomration est la rsultante de ces conditions dexistence , sa forme exprime sa nature propre. (1924 : ii)

Ce sont les travaux dhistoriens qui sont, au final, les plus nombreux dans la revue. La notion dvolution urbaine chre Pote qui tait marqu par Henri Bergson et son volution cratrice publi en 190721 est reprise par dautres historiens ainsi que par ses tudiants de lInstitut durbanisme qui publient dans la revue une partie de leur travail de thse. Les monographies urbaines dcrivent quasi systmatiquement lvolution de la ville pour mieux annoncer son avenir (Perrier 1926 ; Pardies 1930 ; Bailly 1932 ; Premont 1932 ; Wu 1933 ; Baudel 1933 ; Kopp 1935) ou dceler sa maladie (Gondolo 1935). Mieux, le terme est mme repris par les principaux animateurs de la nbuleuse Svign qui signent de temps autre des articles dans la revue (Renard 1927-1928 ; Bruggeman 1933). Des juristes et des conomistes : les travaux des professeurs de la facult de droit les plus impliqus dans les travaux de la nbuleuse Svign font usage des mmes mots et des mmes images pour dire la ville (pour certains conomistes) ou mme la commune (pour les juristes). Le doyen de la facult de droit de Poitiers, Arthur Girault, voque la commune franaise comme un organisme naturel reconnu et consacr par la loi, mais non cr par elle (1928 : 948). Lorganicisme permet certains auteurs de mettre en vidence linterdpendance qui se noue entre des communes dune mme agglomration. Ainsi les confrences sur le municipalisme que William Oualid donne lInstitut durbanisme aboutissent lide suivante :La ville apparat alors comme ltre collectif aux besoins divers et de plus en plus nombreux et raffins, susceptibles dtre satisfaits par des procds modernes perfectionns de la rgie intresse, de lconomie mixte, de lactionnariat municipal, de la politique foncire [...](Institut durbanisme de lUniversit de Paris s. d.)22.

Joseph Barthlemy, professeur la facult de droit de Paris et lInstitut durbanisme, reprend, dans la revue, le mme type de problmatique celui de la solidarit urbaine pour analyser les possibles rformes administratives de Paris. Les agglomrations urbaines, les villes tentaculaires, les immenses agglomrations dtres humains par centaines de milliers, voil un phnomne qui estGenses 60, septembre 2005 La ville des savants

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propre notre temps (1934 : 206). Il appelle rflchir au problme de lagglomration qui cre une solidarit de fait et non plus aux communes. Lagglomration tant compose de plusieurs noyaux, il souhaite conserver la reconnaissance juridique de lindividualit propre chacun des noyaux tels que les mouvements spontans de la population les ont crs (ibid. : 205). Mais il insiste pour quune rforme soit entreprise afin de coordonner leur activit en vue du bien commun. Cest ce quil nomme le coordinationisme ou encore la coordination organique . Les quelques diles et administrateurs dfendent dans la revue cette ide que la ville doit tre pense comme un tout pour mieux insister sur la solidarit ncessaire entre les banlieues laborieuses et les communes plus riches, sur la solidarit ncessaire au niveau de lagglomration. On peut songer aux crits de Sellier sur le grand Paris et la ncessit de dpasser le cadre communal pour gouverner la ville (Payre 2002a : 455 et suiv.). La ville comme organisme est une image faussement homogne qui recouvre des conceptions divergentes de lobjet urbain. Il faudrait, en effet, distinguer les visions fonctionnalistes qui considrent le corps comme un assemblage dorganes spcialiss le corps machine des visions plus intgres qui apprhendent lorganisme comme un tout (Canguilhem 1965 : 43-80). Les premires, qui sattardent davantage sur les parties qui composent lensemble, sont celles de certains architectes urbanistes adeptes du zoning ou encore de certains gographes. Les secondes sont notamment celles des militants dune solidarit urbaine devant appeler une rforme politico-administrative. Ce sont l deux ples entre lesquels une grande partie des auteurs se situent. Il nen demeure pas moins que limage organiciste rend possible un dialogue entre eux qui, la naissance de La vie urbaine du moins, laisse penser quils parlent tous du mme objet : la ville comme tre vivant, comme en tmoigne le titre mme de la revue. Cet objet est associ un savoir, une science en devenir. Rendant compte dun ouvrage de Marcel Pote, Lucien Febvre insiste ainsi sur le dynamisme de cette discipline nouvelle que serait lurbanisme. Il ajoute Il faudra, quelque jour, que nous en examinions densemble les prtentions et les ralisations, les buts et les moyens : elle en vaut la peine avant de conclure : On se sent parfois un peu en mfiance contre un savoir aussi encyclopdique et contre une science qui ne parat pas exiger de trs fortes tudes dinitiation technique pour tre traite avec ampleur et certitude (Febvre 1930 : 739). De fait, nous sommes bien face un savoir de type encyclopdique dont Lon Jaussely exprime les ambitions dans le numro inaugural de la revue :Ne peut-on esprer que des rapprochements que ce tableau indique entre toutes ces comptences pourra un jour sortir une synthse, non plus de chacune des sciences urbaines, isolment considres et toutes le sont, science urbaine, par quelque lien mais dune SCIENCE URBAINE unique et totale coordonnant et rapprochant des lois gnrales toutes les observations de chacune delles? La science de lurbanisme aujourdhui encore dans les divagations de lenfance serait enfin dfinitivement fonde. ( Jaussely 1919: 186-187)

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Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

Il sagit bien dune science devant former les urbanistes, dfinis comme les professionnels qui soccupent pratiquement damnager, de tracer, de construire mais aussi dorganiser les cits . Dans les faits, en quelques annes, le projet de science urbaine se disperse dans de multiples sciences urbaines. La ville actrice pense comme un tout na t quun objet incertain et provisoire qui na pas survcu la professionnalisation des mtiers de lurbain et de ladministration communale, ni la sectorisation des savoirs qui leur sont lis. Lobjet disparat avec la constitution de rels marchs de lamnagement des villes et de la rforme municipale qui se trouvrent dissocis ds les annes 1920.

La ville ds-objective : de la science urbaine aux savoirs urbainsAinsi, le thme urbain ne parvient pas faire durablement unit et se divise au sein de La vie urbaine comme dans lensemble des institutions de la nbuleuse Svign en deux objets : lamnagement des villes et ladministration communale. Larchitecte qui sinscrit lInstitut durbanisme souhaite disposer du titre durbaniste pour devenir cet homme de lart prvu par la loi Cornudet de 191923. Lemploy de mairie qui sinscrit la section de perfectionnement administratif puis lInstitut durbanisme le fait pour obtenir un diplme lui permettant daccder au grade de secrtaire de mairie24. Lentre-deux-guerres est prcisment un moment historique au cours duquel sopre une spcialisation professionnelle dactivits lies la gestion municipale ou lorganisation urbaine. En ce qui concerne le travail dhyginisme et durbanisme, ce mouvement est amorc ds le dbut du sicle avec la cration, au cours de la Grande Guerre, de revues, de groupements et de lieux denseignement. On peut considrer la loi de 1919 sur les plans damnagement, dembellissement et dextension des villes comme un seuil dans ce processus de professionnalisation (Gaudin 1987 ; Claude 1991). Les architectes-urbanistes ne sont pas isols : ce moment historique voit dans de nombreux domaines dactivit poindre les mmes exigences de professionnalisation. Les employs municipaux nchappent pas un tel mouvement et leurs premires organisations syndicales tentent dobtenir, ds le lendemain de la Premire Guerre mondiale, des garanties statutaires sur le modle des communes de la Seine dont les employs avaient acquis un statut commun en 1919 (Siweck-Pouydesseau et al. 2000 : 45-70.). Les syndicats qui se structurent, ou se rorganisent, au dbut des annes 1920 le droit syndical nest toujours pas accord, mais il est reconnu de fait combattent pour lobtention dun statut national encore contourn par la loi de 1930, mais dont llaboration est confie une commission paritaire nationale partir de 1936. Comme les professionnels de lurbain, les employs municipaux se professionnalisent donc travers laction des syndicats, des revues qui leur sont destines ou encore des premires coles dadministration municipale que nous avons eu loccasion de prsenter.Genses 60, septembre 2005 La ville des savants

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Ces deux mondes se distinguent dans les faits. Il y a, dans La vie urbaine comme dans les thses de lInstitut durbanisme, une grande majorit de travaux consacrs lamnagement urbain. Le lien est assez vident : une partie des travaux soutenus linstitut donnent lieu une publication dans la revue. De 1923 1940, sur cent soixante-six thses soutenues, 28 % se rattachent aux cours dorganisation conomique, sociale ou administrative des villes (elles sont diriges par douard Fuster, Roger Picard, Auguste Bruggeman, Henri Sellier, William Oualid ou Gaston Jze), 25 % portent sur lvolution urbaine et sont diriges par Marcel Pote, enfin 45 % traitent de lart urbain et de lamnagement des villes (et sont le plus souvent diriges par Louis Bonnier ou par Jacques Grber, Henri Prost, Franois Sentenac, Georges Sbille ou Pierre Remaury). Lautonomisation de la branche technique de lamnagement urbain est manifeste ds la seconde moiti de lentre-deux-guerres, au fil des pages de la revue, dans les programmes et les publics des lieux de formation professionnelle ou encore dans les diverses associations nationales et internationales. Une manire de constater lclatement du projet de science totale de la ville. Une premire forme dexplication peut apparatre en renversant le questionnement. Pourquoi la revue survit-elle la distinction des deux thmatiques ? Pourquoi, alors que le savoir total sur la ville est devenu impossible, continuentelles coexister dans la revue, pourquoi un des savoirs ne la-t-il pas emport sur lautre ? Bien que le thme de ladministration municipale ft finalement minor dans les activits de la nbuleuse, il est rest au centre dun vritable march de la rforme municipale non dpourvu denjeux lucratifs. Cest un domaine investi par certains entrepreneurs entrepreneurs de presse, assureurs, publicitaires, etc. qui le considrent comme capable dattirer des annonceurs et de nombreux lecteurs il y a un millier demploys dans quarante mille communes. Ces dernires, par leur nombre, constituent une vritable manne pour des institutions financirement fragiles. Cest ainsi que le nombre substantiel dtudiants inscrits lcole nationale dadministration et de magistrature (Enam) permet lInstitut durbanisme de durer, malgr les trs faibles subventions ministrielles (Payre 2002a : 397 et suiv.), dautant que, peu peu, ces inscriptions saccompagnent de subventions des mairies. Ainsi la question de ladministration municipale est loin dtre nglige par la revue qui lui consacre mme, pendant quelques annes partir de 1921, un supplment, La quinzaine urbaine, destin fournir de faon plus rapide tous ceux, lus, administrateurs, fonctionnaires, techniciens, conomistes, sociologues qui ont soccuper de lorganisation et du fonctionnement de la vie collective dans le cadre de la cit, des informations avant tout dordre pratique sur ces matires ( Objet de la Quinzaine urbaine 1921 : 1). On peut proposer quelques hypothses sur la hirarchisation des diffrentes villes de La vie urbaine. Le thme de lorganisation ne disparat pas, car il satisfait les administrateurs qui restent une clientle de la revue25. Mais la question majeure reste celle de lamnagement. On peut avancer que linterlocution avecRenaud Payre Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

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les pouvoirs publics joue un rle dans cet clatement de la ville pense comme un tout. Lun des terrains de prdilection des mondes de la rforme urbaine est bien celui de la rgion parisienne et les dbats sur celle-ci, dans lentre-deux-guerres, sont mi-chemin entre des proccupations savantes et politiques (Cottereau 1970 ; Carmona 1989 ; Baudou 1990 ; Fourcaut 2000 : 209-225). Dfinir la rgion parisienne revient alors proposer une dfinition de la grande ville en termes la fois conomiques, historiques, sociologiques et politiques. Cette rgion serait un peu particulire, car elle ne correspond ni une province historique, ni un pays gographique, ni une circonscription administrative. Elle serait dabord une ville, une formation humaine spontane, drive de causes conomiques et sociales multiples, le rsultat dun phnomne de concentration en voie de dveloppement (Debatz 1928). Les travaux et les prises de position de Sellier tmoignent merveille de la dimension politique et administrative de la question26 : celui-ci cherche convaincre que la solution lurbanisation ne peut venir que dune profonde rorganisation politico-administrative car, au sein du milieu urbain moderne, il existerait une interdpendance quil nomme solidarit . Celle-ci est, en partie, lie au fait que la ville contemporaine serait, avant tout, le produit de la concentration industrielle. On assiste donc un travail de problmatisation, en termes administratifs, de lextension urbaine de Paris et de sa banlieue. Autrement dit des acteurs tentent, cette occasion, dimposer une dfinition de lagglomration urbaine qui serait la solution au problme de lurbanisation. Ds 1928, leur principal interlocuteur est le Comit suprieur damnagement et dorganisation gnrale de la rgion parisienne, travers lequel on peut suivre les alas des projets des transformations de ladministration de la rgion parisienne, les aboutissements et les victions de diverses ides rformatrices. En 1936, la victoire du Front populaire laisse esprer la formation dun haut commissariat la rgion parisienne confi Andr Morizet et charg la fois de la question de lamnagement et de la rforme administrative. Une campagne lance par des conseillers municipaux de Paris fait reculer le gouvernement de Lon Blum, et A. Morizet prend finalement la tte du comit maintenu dans ses limites de 1928 et dont les aboutissements en matire administrative ont t jusqualors fort peu nombreux. Malgr les efforts de Louis Dausset prsident de 1928 1936 pour coordonner un comit devenu surnumraire, le prsident ne serait pas parvenu briser les obstacles quune administration sculaire dresse sans malice mais avec opinitret (Humery 1934 : 160). Il est vrai quen 1936 Henri Sellier et Andr Morizet obtiennent la cration dune commission charge dtudier les rformes administratives apporter au rgime de la rgion parisienne. En 1937, son rapport qui consacre la notion de fdralisme municipal est prsent au prsident du Conseil27, mais ses prolongements effectifs restent trs limits28. Au final le cas de Paris en atteste la ville reste une catgorie qui nexiste pas pour le droit et la politique. Une manire comme une autre de mesurerGenses 60, septembre 2005 La ville des savants

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laversion de la Rpublique pour la ville et surtout pour le pouvoir urbain (Ascher 1998). La rforme urbaine doit tre dpolitise, cest--dire dfaite de tout projet de rorganisation administrative qui confierait plus de pouvoirs aux centres urbains. Le projet de rforme municipale est abandonn alors que lide damnagement urbain a progress. Cest ainsi que La vie urbaine peut tre saisie comme marqueur mais aussi comme vecteur aprs une srie de renoncements dun passage de lurbanisme comme cause lurbanisme comme savoir technique amnageur. Cest finalement lhistoire dune dsillusion rformatrice dont il sagit. En termes dhistoire et de sociologie des sciences, cest la cration dun effet tunnel 29 qui va conduire ne faire compter dans lhistoire de lurbanisme que ceux qui lont emport, ceux qui ont vu leur propre usage du terme triompher. Quelques exemples peuvent tre ici rapidement voqus. Le premier concerne lhistoire du mot urbanisme . Il nest pas question de dater lorigine du terme urbanisme mais plutt de pointer que, selon les auteurs, ces origines sont diverses et mythifis en fonction de lusage queux-mmes souhaitent faire du terme. Le travail particulirement riche de Jean-Pierre Frey (1999) incite prcisment une tude plus dtaille sur le march linguistique de lurbanisme . Mais son propre corpus a fait, bien sr, lobjet de choix et prsente donc des points aveugles. En retenant les usages que les principaux dictionnaires ont fait du terme, ceux des grandes figures de lhistoire de la ville et de lurbanisme (de Jaussely Bardet en passant par Landre Vaillat), il nglige toute une partie de ce march linguistique : les administrateurs et les techniciens qui collaborent aux mmes mondes notamment La vie urbaine et aux autres revues dilitaires. En nvoquant pas lide que lurbanisme ait pu concerner la gestion et la conduite des villes, il omet le pan politique du projet celui qui concerne la place de la ville dans lorganisation politico-administrative. Son article nous offre cependant loccasion daffiner considrablement notre regard et de proposer une chronologie plus fine. On note ainsi que, dans une dfinition du Larousse de 1935, lurbanisme est dfini comme science ou thorie de lamnagement des villes et non plus de ladministration et de lorganisation gnrale de la ville. Plus gnralement, leffet de tunnel se repre dans les trs nombreuses tudes qui portent sur lurbanisme dfini comme expertise de lamnagement. Gilles Massardier (1996 : 15 et suiv.) insiste sur la gense de cette expertise. Il associe cette irruption de lurbanisme une stratgie qui correspondrait la construction dun groupe hrtique dans sa discipline ici larchitecture et qui multiplierait les positions de pouvoirs dans et hors de lespace savant. Une telle lecture souligne la dichotomie entre champ savant et champ politique pour mieux montrer les complicits qui peuvent se nouer et que lauteur observe travers la multipositionnalit des urbanistes les plus autoriss (ibid. : 15 et suiv.). Reste que lurbanisme ne nat pas seulement dans le champ savant, mais dans un ensemble despaces intermdiaires entre diffrents champs. Or prcisment la polysmie du terme urbaRenaud Payre Un savoir scientifique, utilitaire et vulgarisateur

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nisme dans les annes 1910 qui concerne la fois lamnagement rationnel des villes et lorganisation de la vie municipale urbaine et que sapproprient non seulement des architectes, mais aussi des fonctionnaires prfectoraux, des employs municipaux et des diles lutilisant pour dsigner leur activit invite faire preuve de prudence quant lassimilation de lurbanisme naissant une expertise. Notre ambition a t de montrer que cest au terme de choix entre diffrentes sciences de la ville possibles que sest impos lurbanisme comme expertise damnagement. Lassociation de lurbanisme une expertise reconnue par les pouvoirs publics est encore embryonnaire dans les annes 1930 et simpose surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale travers les politiques de reconstruction. Mais dsormais la ville est pense comme un support de politiques damnagement du territoire et non plus comme lacteur dune rforme sociale que, dsormais, lon considre que seul ltat peut mettre en uvre. Cette enqute sur prs de vingt annes de la revue La vie urbaine nous a conduit une tude sociohistorique dun savoir, ou plutt dune prtention scientifique dont a pu observer le dlitement. Cette histoire nest autre que celle de limpossible objectivation du fait urbain, de limpossible consolidation dun savoir prenant la ville comme objet. Pour finir partons du dbut puisque nous avons commenc par la fin nous pourrions citer ces lignes introductives du programme de lInstitut durbanisme, lignes crites vers 1926-1927 par Auguste Bruggeman un des hommes voqus par La vie urbaine de 1950 comme lun des fondateurs de lurbanisme alors que le terme a dj un usage fort diffrent de celui quil envisageait : Lenseignement de lInstitut comprend lensemble des problmes gnralement reprsents par lexpression urbanisme []. On ne peut donc concevoir que lUrbanisme reprsente le domaine exclusif de larchitecte, des constructeurs de villes [...] Il appartient aussi ladministrateur, celui, qui, un titre quelconque, est appel exercer une influence ou une mission dont la rpercussion retentit dans la vie commune. (Institutdurbanisme s. d. : 7)

Voil un tmoignage sur le fait que lurbanisme a bien t un mouvement social et politique, une ambition professionnelle et une tentative de fondation disciplinaire (Saunier 1995 : 34). Voil un indice sur loubli ou limpasse que lhistoire de lurbanisme a pu faire sur tout un pan de la ville des savants et des rformateurs lorsquelle a omis lengagement des administrateurs des villes dans ce combat la fois scientifique et politique.

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AbrviationsAFEAV Association franaise pour ltude de lamnagement des villes (section franaise de la Fdration internationale de lamnagement des villes et des cits-jardins) AMF Association des maires de France ARD Annales de la rgie directe (Les) CAEDS Commission damnagement et dextension du dpartement de la Seine CAGDCD Commission dadministration gnrale dpartementale et communale de la Chambre des dputs CNPPDC Commission nationale paritaire du personnel dpartemental et communal (1936) CSAOGRP Comit suprieur de lamnagement et de lorganisation gnrale de la rgion parisienne CNMS Confrence nationale des municipalits socialistes CUIV Congrs international des villes EHEU cole des hautes tudes urbaines EST Exposition internationale dhygine de Strasbourg (1923) IISA Institut international des sciences administratives IU Institut durbanisme de lUniversit de Paris MCF Mouvement communal franais (Le) OPHBMS Office public dhabitations bon march de la Seine PRS Prfecture de la Seine SEDM Socit dtude et de documentation municipales (groupement des lus socialistes) UIV Union internationale des villes UMS Union des maires de la Seine UR Urbanisme UVCF Union des villes et communes de France VCD Vie communale et dpartementale (La)

Notes1. Nous renvoyons ici aux rflexions de Christian Topalov (2001) sur l historicisme rflexif . La dmarche vise se dfaire du dbat entre externalisme essentiellement tourn vers ltude du contexte historique et internalisme qui se concentre sur les uvres, leur logique intrinsque et leur place dans la discipline. 2. Lenqute sappuie sur le dpouillement de lensemble des numros de la revue avec une attention privilgiant pour lanalyse de rseau les priodes 1920-1925 et 1930-1935. 3. Dans la liste des collaborateurs que la revue publie dans son premier numro, on retrouve les frres Georges et Hubert Bourgin, mais aussi Maurice Halbwachs. Par ailleurs, entre 1920 et 1922, le conseil de perfectionnement de lcole des hautes tudes urbaines recherche un confrencier pour un enseignement intitul lgislation urbaine de demain . Le cours est propos Maurice Halbwachs et Andr Mater, qui dclinent loffre. 4. Henri Sellier est particulirement affect de sa rvocation de loffice en 1941. Il explique notamment Marcel Dat, en avril 1942, quel point il souffre de cette situation qui le prive de lensemble de sa documentation conserve quai des Clestins (Payre 2000). 5. Archives de loffice public dhabitations bon march de la Seine, Archives nationales (Centre des archives contemporaines CAC Fontainebleau)], 910 322 article 132, brochure non date de lAssociation franaise pour ltude de lamnagement des villes et de lhabitation populaire. 6. Archives municipales de Grenoble, 3D19, lettre dAuguste Bruggeman Paul Mistral, 28 juin 1921. 7. En 1919, Marcel Pote dispense un cours sur lvolution des villes, Lon Jaussely se charge de lart urbain, Gaston Jze enseigne lorganisation administrative des villes, douard Fuster lorganisation sociale et Dsir Pasquet lorganisation compare. Diverses confrences se greffent cette premire grille denseignement. Ainsi, William Oualid anime une confrence sur le municipalisme. En outre Louis Bonnier assure un enseignement spcial sur le plan damnagement de la rgion parisienne (Baudoui 1988 : 13-14). 8. Archives de lInstitut durbanisme (universit de Paris XII-Crteil), procs verbal du conseil dadministration de lInstitut durbanisme, 4 avril 1925. 9. Archives nationales (Centre des archives contemporaines CAC), Archives de loffice HBM de la Seine, 910322 art. 1, Procs verbal de la sance du 27 octobre 1917.

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10. Archives du rectorat de Paris, fonds de lInstitut durbanisme, carton 119, dossier 3, note relative la situation dAuguste Bruggeman, 4 juin 1928. 11. On en trouvera la liste dans les rfrences en fin darticle. 12. Lenqute a t mene partir dune base de donnes dont la structure, 4Dbio, a t labore laide du logiciel 4D par Christian Topalov, Susanna Magri et Jean-Louis Monier (Cultures et socits urbaines-CNRS). La structure conduit saisir ce quon nomme des institutions comportant une srie de moments. Chaque moment correspond une liste de membres pour chacun desquels on saisit la position hirarchique dans linstitution au moment considr et ses qualits affiches dans les sources (voir Payre 2002 : 205-223). 13. La moiti gauche du graphique correspond aux affiliations dun seul membre du comit de rdaction : H. Sellier. 14. Voir les critres de dfinition dune discipline voqus par Pierre Favre dans son tude sur les naissances de la science politique en France (1989 : 13). 15. Cest ce type de regard qui est dfendu dans un numro des Cahiers Georges Sorel (Julliard 1987). 16. Archives du rectorat de Paris, fonds Institut durbanisme, 120, dossier Rayonnement et propagande de linstitut (1924-1962) , lettre du directeur de linstitut durbanisme au recteur, avril 1931. 17. Ibid. 18. Cristina Accornero tudie, dans son tude (2000) du priodique La Riforma sociale, les rapports nous entre les sciences sociales et la ville dans lItalie du dbut du XXe sicle. Elle pointe la convergence de diffrentes disciplines autour dune conception de la ville dcrite laide de mtaphores biologiques. La revue est une des entreprises qui proposent la cration dune nouvelle science fdrant les diffrents travaux existants, science que certains baptisent la science du gouvernement de la ville . 19. Archives municipales de Lyon, 782WP21, lettre dmile Vinck douard Herriot, 1er mai 1914. 20. On doit Donatella Calabi (1997) davoir mis en vidence la place de lorganicisme et de son pendant, lvolutionnisme, dans les crits de M. Pote sur lhistoire des villes. 21. Voir le manuscrit intitul Les ides bergsonniennes et lurbanisme (Papiers Marcel Pote, Bibliothque historique de la ville de Paris, MS 147, notamment p. 69).

22. Il sagit du descriptif du cours Organisation conomique des villes donn par William Oualid en 1926-1927. 23. Sur la professionnalisation des mtiers de lurbain, voir Claude 1999. 24. Cest en 1922 que souvre une section de perfectionnement administratif au sein de lcole des hautes tudes urbaines. Cette section est destine aux employs municipaux dabord de banlieue puis de province. Les enseignements sont assurs par des fonctionnaires de la prfecture de la Seine. En 1929, la section prend le titre dcole nationale dadministration municipale. Les associations danciens lves uvrent, en lien avec la direction de lInstitut durbanisme, pour faire reconnatre leur diplme par les pouvoirs publics reconnaissance qui passa dabord par des circulaires envoyes aux prfets et aux maires recommandant lintrt de lEnam, puis par la citation de lInstitut durbanisme (et de lEnam) dans les bauches dun statut national du personnel communal, qui fut discut partir de 1936 par une commission nationale paritaire. 25. partir de 1934, on remarque aux cts des articles portant sur les plans damnagement ou lvolution des villes, des travaux destins aux administrateurs municipaux signs par les enseignants de lEnam : Graille 1934 et 1938, Lainville 1935, 1938 et 1939, Lelandais 1936 et 1938, Chaintreuil 1939. 26. Ses ides sur le sujet sont exprimes pour la premire fois en octobre 1912 et sont reprises dans la brochure quil publie en 1920 sous le titre Les banlieues urbaines. Les mmes arguments sont avancs dans le rapport gnral sur les grandes agglomrations quil soumet au troisime congrs international, Paris, en 1925. Enfin, en 1936, avec Andr Morizet, il rdige pour le prsident du Conseil, Lon Blum, un rapport sur la rforme administrative de la rgion parisienne, o il met nouveau en vidence le problme politico-administratif quil avait dnonc dans les mmes termes vingt-quatre ans auparavant. Voir notamment La rforme administrative du Grand Paris, Archives nationales-Caran, 8 AR 449, Archives du Journal Congrs du Paris nouveau, 16-20 juin 1930 : 16; Sellier 1920. 27. Le rapport na pas t publi ; on le retrouve dans les archives du secrtariat gnral du gouvernement dposes aux archives nationales : Archives nationales (Centre daccueil et de recherche des Archives nationales CARAN), F/60/257, Rapport de la commission charge dtudier les rformes administratives apporter au rgime auquel sont soumis le dpartement de la Seine et

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les communes qui le constituent, rapport non dat prsent par MM. Brun, Puget, Louvel et Oualid. 28. Henri Sellier et Andr Morizet parvinrent en outre obtenir, en dcembre 1936, la cration dune commission charge dtudier les rformes administratives apporter au rgime auquel sont soumis le dpartement de la Seine et les communes qui le constituent . Cette commission, place sous la prsidence dAndr Morizet, est essentiellement compose dlus. Ses travaux naboutirent aucun rsultat concret. Le seul dcret concernant la rorganisation administrative de Paris fut finalement adopt le 21 avril 1939 et

ne retint des propositions que le renforcement du pouvoir excutif dpartemental : pour de nombreuses attributions, les deux prfets deviennent les vritables administrateurs du dpartement, tandis que les conseillers lus nont plus quun pouvoir de contrle et de rprimande . 29. Leffet de tunnel est dnonc par Stefan Collini (1988 : 391) dans sa critique de lhistoire disciplinaire . Il considre que celle-ci, trop attache la gense des disciplines telles quelles existent aujourdhui, analyse le pass en creusant verticalement une brche.

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