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La vie rurale vers 1700 entre Berry et Bourbonnais

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Illustration de couverture : Dessin de René Soudry

e Tous droits de reproduction interdits en France et dans tous pays étrangers

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René Soudry

La vie r u r a l e v e r s 1700

e n t r e B e r r y e t B o u r b o n n a i s

L'Échoppe 03160 Bourbon-l'Archambault

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Introduction

« Encore un ! », me dira-t-on en voyant ce livre consacré à la vie paysanne dans une petite partie du Bourbonnais à une époque se 1 situant à cheval sur les XVIIe et XVIIIe siècles.

Il n'a pas la prétention de se comparer aux savantes études consti- tuant le remarquable ouvrage sur La vie quotidienne des paysans français au XVIIe siècle de Pierre Goubert, dont la lecture m'a passionné. Il s'agit surtout d'un recueil d'événements et d'anecdotes se rapportant plus spécifiquement à mes aïeux, à leur environnement, à leurs relations sociales, dans une région bien déterminée. Mais les àctes de la vie quotidienne de ces personnes modestes peuvent être étendus aisément à une population importante.

Quand on s'intéresse à ses propres origines, il est certain que, pour la plus grande partie des généalogistes amateurs de notre région, il faut les chercher chez les paysans.

Je comprends fort bien les raisons qui conduisent maintenant les cercles généalogiques à utiliser l'informatique, en constatant l'engouement croissant qui conduit à l 'encombrement des salles de lecture des Archives départementales et à la manipulation importante de vieux documents fragiles. J 'admets volontiers que les responsables des cercles s'orientent vers une œuvre collective en remarquant les besoins de communication et l'importance de leurs membres.

C'est peut-être parce que, petit généalogiste amateur, j'ai fait « sur le tas » un long travail personnel, alors qu'on semble s'orienter vers des travaux plus collectifs, que cela me fait penser que la recherche par soi-même constituant un long apprentissage, sur les lieux mêmes, me paraît sentimentalement plus intéressante.

Je pense que la curiosité qui pousse à la recherche de ses racines est une sorte de besoin profond. Bien que peu patient par nature, je pense avoir éprouvé de grandes joies dans cette recherche, après

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avoir attendu fort longtemps avant de découvrir par hasard un acte important que je croyais pourtant avoir bien localisé dans le temps et dans le lieu. Parce que j'ai la chance de situer toutes mes racines proches de mon domicile, je connais donc bien la région où ont vécu mes aïeux, et je l'explore volontiers, ayant eu encore récemment des parents très proches là où se trouvaient autrefois les grands-parents d'une de mes grands-mères. Je sais, par des exemples très précis, que de me retrouver sous des arbres séculaires, devant le porche de très vieilles églises romanes de l'Allier, devant des paysages assez semblables sans doute à ceux qu'ils ont observés (bien que cette région bocagère change petit à petit d'aspect), de fouler les dalles de l'une de ces vieilles églises sous lesquelles ils ont été ensevelis, de m'égarer parfois dans les allées des grandes forêts domaniales qu'ont connues mes ancêtres « fendeurs », de retrouver des lieux qui portent leur nom, me procure une immense joie que je souhaite à tous les généalogistes un peu sentimentaux.

Pourquoi se consacrer plus spécialement à une époque qu'à une autre ?

Quand on est, comme moi, d'un âge certain, né de parents âgés, on possède déjà une certaine connaissance de la vie rurale vers 1900 grâce aux souvenirs recueillis auprès des parents et des grands- parents. Les ouvrages de certains romanciers du XIXe siècle, et ceux écrits par les « écrivains paysans » des terroirs français, restituent une atmosphère et une vie ressemblant, par bien des points, à celles résultant de cette histoire orale et témoignant que l'évolution de la condition paysanne a été alors relativement lente.

Un peu plus loin dans le temps, les Cahiers de doléances rédigés avant la Révolution française par les notables du tiers-état attiraient surtout l'attention sur les impôts et les injustices criantes, sans donner une vision très réelle de la vie quotidienne de la classe pay- sanne d'alors.

C'est grâce aux documents recueillis au cours de mes recherches généalogiques dans les registres paroissiaux et les archives nota- riales que je me suis intéressé à la vie paysanne à une époque un peu plus lointaine. En tentant de reconstituer quelque peu la vie de certaines familles de mes ancêtres bourbonnais, en recherchant sur place les lieux où ils ont vécu, j'ai noté, à partir d'exemples concrets, de renseignements et d'anecdotes recueillis sur une période d'environ un siècle, s'étendant de part et d'autre de l'année

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1700, diverses observations corroborant mes lectures. J'ai pensé les coucher sur le papier, même si la méthode et la rédaction peuvent paraître naïves à certains, en espérant malgré tout qu'elles pourraient intéresser quelques lecteurs et les inciter à rechercher, comme moi, la trace de leurs lointains ancêtres.

Il est évident que ces documents ne permettent pas d'avoir une vision complète de la vie rurale, car l'on y retrouve surtout les laboureurs et non tous les « hommes de peine », domestiques agricoles et servantes, qui n'avaient pas l'occasion de fréquenter les tabellions. Mais il apparaît toutefois certains événements ayant trait à l'environnement, et à ce qui constituera toujours une partie essentielle de l'intérêt des humains, à savoir : la famille et le travail.

Je pense avoir aussi gardé, dans ce livre, un respect profond du passé.

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Chapitre 1 Les limites de l 'étude

L E S MOYENS ET LES POSSIBILITÉS DE R E C H E R C H E

L'état civil qui nous régit encore aujourd'hui datant de 1792, les recherches des origines antérieures s'effectuent dans les registres paroissiaux.

C'est l'ordonnance royale de 1539, dite « de Villers-Cotterêts », où les rois de France possédaient une résidence, qui prescrivit que les registres, dits de catholicité ou paroissiaux, seraient tenus par les prêtres, en français et non en latin, pour y noter les baptêmes, ce qui devait permettre de déterminer l'âge de la majorité pour les gens pourvus de bénéfices. C'est le fondement de l'état civil.

Des ordonnances royales ultérieures ont ensuite déterminé l'obligation de faire figurer sur ces registres les mariages et les sépultures ainsi que la présence et la signature de témoins, et même la tenue d'un second registre. Le registre G5 de Pouzy-Mézangy contient un « extrait d'une ordonnance royale de Louis XIV ». Elle est inscrite avec des documents de 1668 et indique en particulier :

« Dans l'article du baptême serait fait mention du jour de la naissance et seront nommés l'enfant, le père et la mère le parrain et la marraine aux mariages seront mis leurs noms et surnoms qualités et déclaration de célibat qui seront mariés selon défaut de famille de tutelle curatelle et de puissance d'autrui et y apportera quatre témoins qui déclareront sur le registe et dans les articles de sépulture sera fait mention du jour du décès. »

Mais c'est seulement à la suite d'une décision royale de 1736, et donc aux environs de 1737, que les registres, mieux tenus, seront (en principe) plus complets, et qu'ils permettront de découvrir des renseignements plus fiables.

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A titre de curiosité, ce registre de Pouzy fait état, après 1668, de 1669 puis de 1610 pour 1670.

Mes recherches personnelles se sont effectuées dans diverses j communes - disons alors paroisses - d'une petite surface du dépar- j| tement actuel de l'Allier dans sa partie limitrophe de celle du Cher, Il-1 entre les rivières du Cher et de l'Allier, c'est-à-dire une région appe- j: lée quelquefois le « Bourbonnais du Berry », où se situe l'origine de \ tous mes aïeux. A l'époque concernée, elle fait partie du duché du Bourbonnais qui fut rattaché en 1527 à la couronne de France après la mort du connétable de Bourbon. Le Bourbonnais d'alors ne constituait pas un évêché et n'avait pas d'unité religieuse, ses paroisses dépendant des diocèses de Bourges, d'Autun et de Clermont. Dans la zone étudiée, comme on le verra au chapitre « Le curé », les paroisses dépendaient de l'archevêché de Bourges.

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Les registres paroissiaux existants y sont relativement anciens et encore en bon état de conservation. Les plus vieux, concernant la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, sont parfois abîmés et diffici- lement lisibles en raison de l'effritement de certaines pages et du blanchissement de l'encre.

A partir de cette époque, je connais donc un nombre relative- ment important de mes ancêtres. Mais la difficulté principale de mes recherches réside, d'une part, dans le fait qu'il n'y a pas concor- dance entre les dates du début des registres des paroisses voisines, qu'ils ne contiennent alors que l'enregistrement des baptêmes avec, parfois, des périodes incomplètes en raison de pages disparues ou partiellement détériorées, et, d'autre part, l'absence de renseigne- ments plus complets contenus habituellement dans les actes de mariages ou de décès rendant parfois problématique la reconstitu- tion exacte de toutes les relations familiales.

Outre les renseignements d'état civil et suivant la diligence des curés, leur degré d'instruction, l'importance qu'ils pouvaient attacher à certains événements locaux, la durée de leur ministère dans une même paroisse, les registres peuvent contenir d'autres renseigne- ments, météorologiques, par exemple, tels les inondations, les sécheresses, les grands froids, par là même les disettes matérialisées par le nombre important de décès, et aussi quelquefois la relation d'événements dépassant le cadre de leur environnement.

Autres moyens de recherches : les documents conservés par les services des Archives départementales. Dans ces derniers, les minutes notariales de certaines études très anciennes peuvent n'avoir jamais été déposées. Si elles l'ont été, certaines peuvent avoir partiellement ou totalement disparu au cours des ans, à l'occasion de transferts, d'incendies, etc. Il en est de même de certaines archives ecclésiastiques. Là encore, il n'est pas toujours possible de connaître certaines filiations par la disparition des dispenses d'affini- tés, et d'avoir une idée de l'activité et de la composition de certaines familles surtout si elles se sont déplacées d'une paroisse à l'autre. Ces archives sont toutefois extrêmement intéressantes car elles sont le reflet de l'activité économique des paysans. Elles révèlent le mode de faire-valoir des terres, font parfois état des querelles fami- liales souvent liées à des inventaires et des héritages, détaillent des faits liés aux relations sociales, aux recouvrements des impositions, des événements en rapport avec la vie de la communauté. Ce sont

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tous ces documents qui permettent de donner un plan à l'ensemble de cette modeste étude, fruit de mes recherches de généalogiste amateur.

LA FAMILLE

La généalogie conduit à la connaissance de la composition des ménages par les mariages, les naissances, les décès, et c'est le contenu des registres paroissiaux qui permet de savoir ce qui peut être curieux dans certains actes, pour en tirer des observations générales, des statistiques sur la fécondité, la mortalité, et la démographie en général.

C'est le mode de vie dans les communautés agricoles familiales, propre à cette région, qui permet de constater la primauté du « chef » ou « gouverneur » de communauté, de connaître par tous les contrats notariés les relations entre les divers composants, de prendre acte des résiliations d'accord par décès ou séparations. Dans la plupart de ces documents, où apparaissent les inventaires, les dots, les trousseaux, le mobilier... la présence des témoins est toujours intéressante pour découvrir les relations avec les collaté- raux, les familles amies, et l'on note souvent la présence du curé connaissant ainsi tout des secrets, des biens et des arrangements entre familles.

LE CADRE DE VIE

Ces divers documents renseignent sur : - la consistance des paroisses ayant parfois des limites variables ; - les détenteurs de fiefs, les notables, les autorités administratives et judiciaires, les artisans des bourgs, dont le cabaretier, parfois recherchés en tant que témoins ; - la consistance des habitations et des terres à l'occasion d'expertises effectuées lors des changements de propriétaires et de fermiers.

L'ACTIVITÉ AGRICOLE

Il est certain que si, pour le commun des mortels, il a toujours fallu travailler pour vivre - ou survivre - les contrats établis entre bailleurs et preneurs, s'ils sont plus ou moins détaillés et précis, permettent, par la consistance et l'importance des terres, des cheptels et des emblavures, de se faire une idée de la superficie

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moyenne des métairies. On y découvre, ainsi que dans les inven- taires, les conditions et possibilités d'exploitation basées sur les règles coutumières, conditions qui se sont d'ailleurs perpétuées jusqu'à des périodes très récentes.

On connaît, en raison du mode d'exploitation qui est dans cette région, le fermage et le métayage, ce qui se vend ou s'achète, ce qui nécessite des déplacements à des foires et des marchés tenus même dans les petits bourgs où cette activité n'existe plus actuellement, et où l'on ne rencontre plus maintenant que le boulanger et l'épicier ambulants en tournée pour ravitailler une population vieillissante.

Métiers d'autrefois (dessins de René Soudry)

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LES RELATIONS SOCIALES

Ceci conduit à une connaissance extrêmement passionnante des relations existant entre les maîtres, les fermiers, les métayers. Par contre, n'apparaissent que rarement dans les actes les simples journaliers, les domestiques ou les valets, les servantes, sauf s'ils sont, par exemple, témoins lors des testaments ou s'ils se marient dans la communauté. Et c'est dans ces documents que l'on devine tant soit peu l'aisance ou la notoriété d'une famille et de son chef, si ces témoins sont le propriétaire, le syndic, le curé et certains notables.

LES PLAISIRS DE LA VIE - LES EXCLUS

Il n'est donc pas question d'avoir une idée complète de la vie et de l'activité paysanne dans la paroisse si n'apparaissent pas de temps à autre un événement fortuit telle une visite importante, et les exclus : le mendiant, l'étranger ou le soldat de passage, voire même les bagnards !

Enfin, je souhaite que cette longue étude ne vous ait pas paru trop ennuyeuse, car il n'est question le plus souvent que du travail de la terre et de la difficulté, pour beaucoup, d'assurer la subsistance.

Il faut espérer que le sacrifice du cochon, donnant lieu à quelques repas plus riches, ou que des baptêmes ou des mariages « un peu arrosés », ainsi que les fêtes des saints locaux, la sortie de la messe dominicale Oieu de rassemblement hebdomadaire)... aient contribué à quelques moments plus gais, à des bonheurs simples. Mais, hélas, manquant de documents sur ce point, je serai muet sur le sujet, car il n'en reste pas de trace écrite dans les documents consultés. Dans ces circonstances, nos ancêtres n'allaient pas chez le notaire, mais chez le cabaretier !

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Chapitre 2

Le cadre de vie

LA PAROISSE

Le cadre de vie était évidemment la paroisse, et la présence habituelle et normale à la messe dominicale permettait à tous les habitants de se connaître.

Certains paysans de cette époque n'ont jamais quitté la même paroisse au cours d'une vie plus ou moins longue, lieux de naissance et de décès étant parfois identiques : le même village, ou le même lieu-dit, ou un emplacement situé à une distance insignifiante. On peut même supposer que certains ont toujours connu le même domaine ou la même habitation.

Ainsi, mon aïeul Henri Piat, par exemple, a été baptisé au lieu-dit « La Pize » (qui existe toujours) sur la paroisse de Tronget, où son parrain était le sieur de la Pize. Il était laboureur à la Pize lors de son mariage, et il décéda au Theil, village le plus voisin. Cet attachement au même lieu, qui sera étudié dans un autre chapitre, tient au fait que des communautés familiales agricoles ont vécu, de chef en chef, dans le même domaine, dont le métayage était renouvelé tous les six ans, durée normale d'un bail de l'époque.

Je peux dire que mes ancêtres Tuchevier étaient « des Garots » sur la paroisse d'Ygrande, que les Soudry étaient « des Pitaliers » au Brethon, certains domaines ayant été occupés pendant des dizaines d'années par la même famille.

Ce peu de mobilité est comme la survivance du servage, quand les terriers indiquaient par exemple que des Vacherat, des Denizon « étaient taillables du seigneur de la Forêt » depuis le XIVe siècle.

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LES LIMITES

Les limites de paroisses, dans cette région bocagère et boisée, devaient être parfois assez imprécises. Pour éviter revendications et litiges entre administrations paroissiales voisines et avantages financiers y étant rattachés, certains lieux contestés étaient liés pour une année à une paroisse et l'année suivante à la paroisse adjacente, ainsi qu'en témoignent certains documents. L'acte de naissance de mon aïeul Léonard Dhier, baptisé à Gipcy en 1678, est ainsi rédigé :

« Aujourd'hui/ premier jour de may mil six cent soixante dix a este baptisé Léonard fils de Jacques Hyer et de Pétronille Massonnet journalier derrC a Sanraison de nre paroisse de Gipcy cette année a este son parrain Léonard Bonnet et marraine Gilberte Massonnet qui ont dit ne seavoir signer de ce enquis

Des Trapieres »

Carte de Cassini

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Le lieu-dit « Sanraison » est situé beaucoup plus près de Saint- Aubin que de Gipcy, dont il n'est séparé que par une partie de la forêt de Grosbois, et on le verrait donc plus logiquement rattaché à la première paroisse !

Le contrat de mariage du 6 septembre 1685 des enfants Magnenat-Pillaud confirme que le village de Sanraison dépend des paroisses de Gipcy et de Saint-Aubin par année.

De même, mes ancêtres Héraudet, laboureurs à Montlobier, en bordure de cette même forêt de Grosbois, dépendaient par année d'Autry et de Bourbon-l'Archambault.

L'acte de dissolution d'une communauté Desbouis, en 1730, indiquait : « Jean Desbouis aîné demeurant en la paroisse de Vieure pour le spirituelle et Ygrande pour le temporelle ».

L'un de mes ancêtres Aupetit épousa, le 3 février 1693, Françoise Reynaud, en l'église de Saint-Hilaire, le lieu-dit du village des Chaumes, mentionné dans l'acte dépendant de Bussières-la-Grue et de Saint-Hilaire par année.

LE PAYSAGE

Il est aisé de se promener maintenant dans cette campagne bourbonnaise, qui a conservé un aspect bocager car, à part les accès proprement dits des fermes, tous les chemins, même les moins importants, ont reçu un revêtement bitumineux.

Les prés et les terres, parfois remembrés, sont bien entretenus. Les haies, généralement basses et peu fournies, sont maintenant défigurées (hélas) par les tailles effectuées par les rotofaucheuses des services de l'Équipement.

Les bovins et ovins constituent des troupeaux importants d'ani- maux de belle qualité. Mais les clôtures électriques ont remplacé vachers et bergers !

Difficile donc, même avec beaucoup de bonne volonté, d'imaginer l'aspect de la campagne du XVIIe siècle, même si l'Encyclopédie du Siècle des Lumières en donnait une image idyllique.

La Fontaine nous disait aussi qu'il y avait des « chemins mon- tants, sablonneux, malaisés ». Pour en avoir moi-même connu quelques-uns de ce genre, envahis par des haies énormes, je pense qu'il faut plutôt penser à de tels chemins poussiéreux l'été, boueux

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et orniérés l'hiver, à des taillis épars, des buissons, des rouesses, voire des prés et des terres humides, avec des joncs, des terres de petites surfaces ensemencées de récoltes de faible rendement. Toutes ces parcelles dans lesquelles il convenait, d'après les baux « de faire des ozières, d'étaupiner, d'espinasser », ces héritages qui devaient être « clos et bouchés » par les haies, où les « têtards » qui pouvaient être ébranchés pour le chauffage du paysan, devaient être nombreux.

Outre les chènevières, les vignes étaient nombreuses, chaque bail de location prévoyant l'entretien d'une « vigne qui devait recevoir tous les soins nécessaires ». Je signale, par contre, qu'un siècle plus

Paysage campagnard

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tard, beaucoup de ces vignes avaient probablement disparu. En 1840, au moment de la location d'une partie des terres du château de Lévis, à Lurcy-Lévis, portant sur 500 hectares environ, il n'y avait plus qu'un seul domaine possédant une vigne.

Autour des cours, probablement fangeuses, on ne voyait alors que quelques bâtiments bas, couverts de chaume, les « gluis », mal entretenus si l'on en juge par quelques procès-verbaux de visite des lieux.

Il y a quelques années, près de Gipcy, en recherchant les lieux où avaient vécu mes ancêtres, je suis arrivé dans une ferme abandonnée ayant des bâtiments plus ou moins ruinés, des charpentes décou- vertes, une cour envahie par l'herbe et la boue. Ce jour-là, seul, en descendant de voiture, j'ai eu l'impression de me sentir trois cents ans en arrière avec eux ! Je pense que cette sensation était due à la solitude et à l'abandon, car je ne l'ai jamais ressentie dans d'autres lieux où ont vécu à la fois mes aïeux et, depuis, ma famille proche, comme mes neveux au Petit-Vernais, sur la commune de Château- sur-Allier, ou des cousins à Nizérolles sur Pouzy.

La carte de Cassini, qui est l'ancêtre de nos modernes cartes de l'Institut Géographique National (IGN), indiquait à cette époque ancienne des embryons de chemins figurant l'emplacement des principales routes actuelles. Bien qu'elle donne l'impression d'être très complète en ce qui concerne les bourgs et lieux-dits, j'ai pu constater l'absence de certains domaines où ont vécu mes aïeux. Je citerai ainsi : - la Vicquairerie à Saint-Plaisir, - Neurière à Bourbon.

Par contre, la plupart des rivières mentionnaient l'emplacement de nombreux moulins à eau, aujourd'hui disparus, dont on peut penser que leur activité était nulle ou très réduite au cours des périodes de sécheresse, comparables à celles que nous connaissons. La carte des environs de Bourbon-l'Archambault m'a permis de retrouver ceux occupés par mes ancêtres vers 1700 : La Paquette, Briard, Les Vèvres, Moulin Brûlé, Moulin Duret, Moulin Gachet, mais en d'autres lieux, je n'ai pu situer le Moulin des Gros, le Moulin de l'Archiprêtre à Pontlung. Seules les recherches sur place permettraient peut-être de découvrir des restes de fondations ou d'ouvrages d'art.

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Les traces d'un habitat ancien sont assez rares pour l'amateur que je suis et qui doit se contenter d'admirer au hasard de ses recherches les vieilles églises romanes, le lampier d'Estivareilles ou

le menhir de Givarlais, par exemple. La plupart des châteaux de l'époque sont encore présents, d'autres ont été reconstruits aux mêmes emplacements. On a connaissance de leur existence, d'une part, par les propriétaires découverts au fil des actes sur les

registres paroissiaux, et d'autre part, par ceux mentionnés pour la location de leurs terres. Je sais, également grâce à des actes, que certains de mes ancêtres ont été fermiers des terres de Pontlung, de Coulombière, du Mont, de la Varenne, de Couture. C'est dans ces lieux qu'habitait la petite noblesse, la plupart de ces propriétaires étant « Loiseau, écuyer, seigneur du Mont », par exemple. Givarlais : le menhir

LE BOURG

C'est là que vivaient les notables et les artisans que l'on découvre au fil des actes : le notaire, l'huissier, le sergent royal, le maréchal, le tailleur d'habits, le cabaretier chez lesquels certains actes notariaux étaient établis et pour lesquels ils servaient de témoins.

Même si un certain nombre de maisons sont maintenant inhabi- tables, les bourgs actuels sont coquets et bien entretenus, parfois fleuris, et ils ont encore quelques boutiques accueillantes ; leurs trottoirs sont bien alignés et bien dégagés. Si l'on compare leur aspect actuel à celui retrouvé sur certaines cartes vieillottes, il n'apparaît pas le même souci d'entretien. Comme pour le paysage campagnard, il est difficile d'imaginer ce que les bourgs pouvaient être au XVIIIe siècle avec des rues sinueuses, orniérées, malodo- rantes, avec des bâtiments sans alignement, des échoppes d'artisans encombrées et débordant à l'extérieur.

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LA POPULATION

La population se retrouve à la messe paroissiale à l'issue de laquelle sont effectués les actes ayant trait à la vie publique ; les informations sont diffusées par le curé et portées à la connaissance de tous. Autres points de rencontre connus d'hier comme aujour- d'hui : les marchés... et plus sûrement la taverne !

Dans certaines paroisses, à en juger par les registres parois- siaux, les surnoms sont nombreux. Si certains peuvent s'expliquer aisément, j'ignore pourquoi mes ancêtres Aupetit sont dits « Michela », des Pasquier sont des « Radureau », des Bonnet sont « Dauphinat », des Thorière deviennent « Laplanche ».

« L'étranger », comme l'indique la définition exacte du mot, est celui qui n'appartient pas au groupe. Il qualifie souvent celui qui, de passage, vient mourir dans la paroisse à l'occasion d'un déplacement.

En dehors du curé et des écuyers composant la petite noblesse campagnarde, souvent peu fortunée, comme le prouvent certains inventaires, il existe un « tiers état » comportant tout un ensemble de couches sociales. On y trouve des notables et l'administration avec le syndic, les notaires, les huissiers, les sergents royaux, les apothicaires, les artisans du bourg : couvreurs à paille, cabaretiers, tailleurs d'habits, et même un paumier (dans mes aïeux), etc. Viennent ensuite les fermiers et marchands-fermiers, louant les terres des seigneuries, puis les sous-louant aux métayers « a moitié croit et profit » qui bénéficient en sus d'avantages en nature. Enfin, au bas de l'échelle, se trouvent les valets et les servantes, puis les journaliers, et enfin toute une classe de mendiants et d'indigents.

Parmi mes ancêtres existent aussi quelques « hommes des bois », maîtres fendeurs et fendeurs des forêts de Lespinasse, Vieure, Soulangis... Cette population, moins sédentaire et casanière, retrouvée dans les registres paroissiaux des bourgs proches des forêts, n'a pas laissé de traces dans les archives notariales. Pourtant quelques-uns de ces fendeurs ont épousé quelques filles du bourg de Cosne !

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Ygrande

Bourbon-l'Archambault

Ygrande - le porche

Franchesse

Buxières-les-Mines

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L'ÉGLISE

Comme nous venons de le voir, l'église était le point de rencontre des paroissiens à la messe dominicale. Dans la région qui nous intéresse tout particulièrement, on ne peut qu'être frappé par la variété et l'originalité de ces édifices importants avec plusieurs absidioles, des clochers souvent massifs surmontés de flèches importantes, visibles de loin. Pour moi, elles sont toutes admirables, tant à Bourbon-l'Archambault qu'à Ygrande, Buxières-les-Mines, Franchesse, Saint-Plaisir, Gipcy, Couleuvre, ou Lurcy-Lévis...

On pourrait presque dire que chaque bourg possède sa petite cathédrale ! En réfléchissant un peu à l'importance de l'ouvrage accompli dans la même période de notre civilisation par des maîtres d'œuvre, des ouvriers et des artisans inconnus de nous, qui ont réalisé de tels bâtiments, comment ne pas penser que ce fut à cette époque une réalisation d'une ampleur considérable.

N'ayant pas d'ancêtres à Souvigny ni à Saint-Menoux, je ne parlerai pas des paroisses possédant des basiliques ou des abbayes fort connues.

Avec la disparition de certaines paroisses, quelques églises abandonnées des lieux connus par mes aïeux sont devenues des ruines. Tel est le cas de Bessay, ancienne paroisse rattachée maintenant à Saint- Aubin-le-Monial. Parmi les petites chapelles figurant sur les anciennes cartes, il existe encore des ouvrages facilement accessibles, tels le prieuré Saint-Mayeul en forêt de Tronçais, ou la chapelle Saint-Roch dans le bourg d*Ygrande.

Les châteaux possédaient leurs chapelles. Je peux encore observer celle de Pontlung, lieu où ont vécu mes ancêtres Vacherat, mais je ne connais pas celle de Colombière où mon ancêtre Léonard Dhier, en louant les terres, se chargeait du versement annuel d'une somme de 12 livres au desservant de la chapelle en vertu d'une fondation faite le 20 janvier 1639.

Beaucoup de ces églises de campagne sont actuellement fermées, mais il est souvent possible de s'en faire prêter la clé.

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Dans certaines où il m'a été possible de pénétrer, je savais que je foulais aux pieds les poussières de quelques-uns de mes lointains parents qui y furent inhumés vers 1700.

A Sauvagny, l'église a été vendue à un particulier, mais le petit bâtiment qui la jouxte et qui porte encore à son fronton l'inscription « Mairie » est désaffecté, la mairie étant maintenant installée dans un local situé dans l'agglomération de Cosne. En l'ignorant, il m'est arrivé, au cours de mes premières recherches, d'attendre l'arrivée du secrétaire devant la porte close !

Sauvagny - L'église

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C h a p i t r e 3 La naissance et l 'enfance

Les registres paroissiaux étant destinés à enregistrer les sacre- ments de l'Église catholique, la formule la plus usuelle de l'inscrip- tion d'une naissance était généralement la suivante, relative au baptême du nouveau-né :

« Aujourd'hui vingtiesme aoust mil six cent quatre vingt a été baptisé p a r moy curé de Cosne Jean Marchandon fils à Louis Marchandon tailleur d'habit et Antoinenne Duguet Damour ses père et mère a esté son par ra in Jean Magnier marchand et marraine Marie Besson. »

Je n'ai relevé qu'à Pouzy que le curé Gilbert notait la naissance préalablement au baptême :

« Le lundi huitiesme jour du mois de may mil six cent soixante et treize est venu au monde Gilbert Busserolle fils de Claude Busserolle et René Brossier ses père et mère a été baptisé aujourd'hui neuviesme jou r de may les dits mois et an a esté par ra in Pierre Brossier et marraine Catherine Deferray qui n'ont signé. »

De même, il est rare de noter que le curé opère sur les fonts baptismaux.

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Et rares sont les actes aussi étoffés que celui qu'avait rédigé le curé G. De Mercière de Saint-Aubin le dimanche 29 novembre 1676 pour le baptême de Léonard Magnenat, où il avait mentionné le domicile des parents et l'heure de la naissance de l'enfant.

Dans les couples du XVIIe siècle, les premières naissances se situaient habituellement entre dix et dix-huit mois après le mariage, ce qui permet d'orienter les recherches, car il est rare de rencontrer des conceptions prénuptiales. Ceci permet également de rassurer le chercheur, même si l'orthographe du patronyme de l'enfant est différente de celui des parents. Ainsi, en ce qui me concerne, des Aupetit « dits Michelat » donnent naissance à des Opetit, des Michelat, des Petit ; certains Boutry, des Bouteri ; des Tuchevier deviennent des Touchevier ou des Touchevieux, etc.

Les ménages avaient parfois de huit à douze enfants, nés pendant une période de quinze à vingt ans. Voici quelques exemples chez mes ancêtres : Toussaint Vacherat, de 1633 à 1654 : 7 enfants Pierre Massonnet, de 1646 à 1662 : 8 enfants Jean Aupetit, de 1657 à 1684 :12 enfants Robert Vacherat, de 1663 à 1681 : 8 enfants Jean Tuchevier, de 1678 à 1702 :16 enfants Hilaire Mathiau, de 1680 à 1697 : 9 enfants Philippe Couleuvre, de 1682 à 1707 : 10 enfants Jean Lamoureux, de 1688 à 1707 : 9 enfants Claude Aupetit, de 1691 à 1712 :12 enfants Joseph Lorigeon, de 1696 à 1716 : 8 enfants Thomas Brignon, de 1696 à 1718 : 12 enfants Charles Tortet, de 1700 à 1719 : 8 enfants Jean Marchandon, de 1703 à 1726 : 8 enfants Jean Signoret, de 1705 à 1730 :13 enfants Jean Tuchevier, de 1714 à 1737 :12 enfants Jean Mauguin, de 1716 à 1737 : i l enfants Jean Bonneau, de 1717 à 1734 :10 enfants Antoine Aupetit, de 1721 à 1736 : 9 enfants

La naissance était suivie immédiatement du baptême, sacrement qui devait se dérouler solennellement à l'église, célébré en principe dans les vingt-quatre heures suivant la venue de l'enfant. Peut-on imaginer, dans ces régions à l'habitat dispersé, le cortège du parrain et de la marraine encadrant la grand-mère portant le nouveau-né,

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par une froide journée d'hiver, faisant plusieurs kilomètres à pied dans de mauvais chemins enneigés, pour se rendre à l'église ! Quelle santé il fallait au futur jeune chrétien !

En cas d'absolue nécessité, lorsqu'il y avait danger pour la vie de l'enfant, ce dernier pouvait être ondoyé à la maison :

« L'an mil sept cens quarante quatre le vingt huitième du mois de juillet deux enfants gémaux mâles a Nicolas Giraud et a Jeanne Michoux sa légitime épouse nés hier et ondoyés le même jour dans le cas de nécessité ont été inhumés dans ce cimetière avec les cérémonies ordinaires par moi soussigné Legalis curé de Pouzy. »

C'est apparemment la sage-femme qui procédait à cet ondoie- ment. Le choix de ces sages-femmes ou matrones était fait par l'église, et les registres paroissiaux font parfois état de leurs nomi- nations et de leurs serments.

En voici un exemple à Le Vilhain en 1683 :

« Aujourd'hui quatrième mars 1683 se sont assemblées p a r devers moy une partie des plus honnêtes femmes de cette paroisse pour élire des sages-femmes lesquelles ont élu Marie Pinot femme de Jean Petitjean, Gilberte de le Loere veusce Gilbert Henault et Catherine Descheseau veusve Jacque Guillot lesquels ont après avoir subi l'examen ont été approu- vées et reçues au serment de fidélité même jour et an p a r moy soussigné Girard. »

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Cent ans plus tard, à Pouzy, la désignation était faite d'une manière légèrement différente :

« Le dix septième de juin mil sept cent quatre vingt huit après avoir annoncé en notre messe paroissiale de dimanche dernier que la nommé Françoise Hérodet munie d'un certifi- cat d'idoncité a été délivré par le sieur h'omme professeur d'accouchement s'était présenté à vous pour être reçu sage- femme de cette paroisse nous l'avons reçu en cette qualité et lui avons fait prêter le serment ordinaire en présence de François Borde sacristain de cette paroisse qui a signé avec nous, de Jeanne Rose, de Jeanne joint et de plusieurs autres qui ont déclaré ne scavoir signer de ce enquis.

Batissier-Borde »

Dans le cas d'ondoiement, l'enfant pouvait être présenté à l'église pour recevoir un supplément de baptême. J'en ai trouvé deux exemples chez mes aïeux Papon à Louroux-Hodement, dont celui de Marie Papon, née en 1731, dont l'acte de baptême est ainsi rédigé :

« Aujourd'hui vingt neufvième mars 1781 a été apporté une fille de Gilbert Papon et de Marie Huguet son épouse née de hier pour recevoir les cérémonies du baptême parce que la dite fille a été ondoyée à la maison par nécessité laquelle cependant j'ay baptisé sous condition et ai donné le nom de Marie a été parrain Jean Huguet et marraine Marie-Antoinette Jacquet qui n'ont seu signer de ce enquis. J.B. Deleschuze, curé »

Cette pratique ne se rencontrait habituellement que dans les familles royales et chez les notables importants, afin de donner plus de lustre à la cérémonie. J'ignore, en ce qui concerne mes paysans, si les enfants Papon naissaient vraiment souffreteux au point de nécessiter leur ondoiement immédiat, ou si les Papon et Huguet, qualifiés de « propriétaires », avaient suffisamment de relations pour obtenir du prêtre le baptême à l'église après la cérémonie effectuée à la maison. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas découvert dans le registre paroissial le décès de ces enfants immédiatement après leur naissance. Marie Papon serait décédée à l'âge de 68 ans.

En principe, le baptême était effectué dans l'église de la paroisse de résidence des parents. Toutefois, à propos du baptême de Gabrielle Déthorière, fille de Jean et de Catherine Plumardon,

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habitants de Louroux-Hodement, la cérémonie eut lieu le 6 juin 1711 à Hérisson « la dite église de Louroux étant interdite ». Aucune explication n'accompa- gnait ce renseignement.

A part les Jean-Baptiste, il était rare qu'à cette époque les baptisés portent plusieurs pré- noms bien que j'aie trouvé quelques Marie-Jeanne et Marie- Madeleine. Les prénoms donnés aux enfants étaient généralement ceux des parrains pour les gar- çons et des marraines pour les filles. Dans cette région, les pré- noms masculins usuels étaient alors Jean, Antoine, Gilbert, Pierre, Étienne, François, et ceux des filles étaient le plus souvent Marie, Anne, Jeanne, Françoise. Il n'était pas rare, compte tenu, d'une part, de cette affinité entre parrain et filleul et, d'autre part, de l'importance des familles, de rencontrer dans celles-ci plusieurs enfants portant le même pré- nom, cette disposition pouvant causer bien sûr quelques soucis aux généalogistes pour retrouver leurs véritables ascendants. En voici quelques exemples personnels. Je descends ainsi : - d'un Gilbert Soudry dit l'aîné, qui avait un frère Gilbert, sensible- ment du même âge ; - de deux sœurs Lamoureux s'appelant toutes les deux Anne (et il y en avait une troisième du même prénom dans la famille) ; - d'un Jean Bonneau, marié en 1646, qui avait deux petits-fils appelés Jean, dont mon ancêtre (1684-1753) ayant lui-même deux fils Jean, dont mon aïeul (1728-1793) était le père de Jean (1768- 1842) dont je descends ; - d'un Jean Tuchevier, décédé en 1668, père de mes aïeux successifs Jean (1647-1738), puis Jean (1685-1711). Ici encore, il y avait deux frères prénommés Jean, et ce n'est que par leurs actes de décès et de leurs âges à ce moment-là, que j'ai pu déterminer lequel était mon ascendant ;

Louroux-Hodement - Église (Dessin de René Soudry)

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- de Gilbert Bonnichon, marié comme son frère Gilbert à une fille Bouchère. Ce n'est que par un acte de naissance de leurs nombreux enfants que j'ai découvert lequel était l'aîné.

Dans la famille de Nicolas Mathonat, de 1723 à 1745, sur onze enfants issus de mariages successifs, il y avait quatre Jean et trois Marie. Enfin, dans celle de Jean Signoret (1675-1740) déjà cité, sur treize enfants, il y avait quatre frères prénommés Jean, assistant souvent ensemble aux mêmes cérémonies, ce qui fait que l'on peut lire dans l'acte de décès de mon ascendant Jean, le 19 février 1775, qu'il est « inhumé en présence de trois Jean Seigneuret ses frères et d'autre Jean Seigneuret son fils ».

Il existait autrefois des prénoms moins courants liés parfois au vocable de l'église du lieu (Martin, Nicolas, par exemple), et quelques-uns vraiment plus rares, tels que : Gilette, pour une fille ; Régnaud (qui deviendra René), pour un garçon. Mais les entorses au choix d'un prénom différent de celui du parrain étaient peu nombreuses.

J'ai toutefois découvert à Vallon qu'il était dit, dans un acte, que le nouveau-né porterait le nom du saint du jour de sa naissance et il avait été ainsi appelé Georges, l'acte de baptême précisant nettement cette raison.

Je pense qu'il en est de même pour Toussaint Vacherat, baptisé à Ygrande le 1er novembre 1604.

Naissance de Toussaint Vacherat

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Les parrains et marraines, surtout pour les premiers enfants, étaient souvent des parents très proches, vivant dans la même com- munauté : grands-parents, puis oncles et tantes, ce qui permet ainsi de bien reconstituer la composition des familles. La transmission des prénoms, en particulier de ceux des grands-parents, paraissait une règle importante à chaque génération dans certaines familles, en particulier pour les premiers-nés. Mais au fur et à mesure que la famille s'agrandissait, les enfants les plus âgés, souvent même leurs épouses, devenaient les parrains et marraines des plus jeunes. C'était aussi probablement une manière de diminuer les frais des cérémonies, même s'ils étaient relativement humbles.

Par contre, il est bien connu qu'il est toujours intéressant, même de nos jours, d'avoir un parrain puissant. Dans certaines familles de laboureurs plus aisés, tels que les fermiers, se trouvaient parfois, au baptême, des parrains plus huppés, qui pouvaient être des prêtres, et dans certains cas les propriétaires des lieux exploités par les paysans, ou des notables ayant des relations avec ces propriétaires.

Voici, par exemple, le curé G. de Mercière de Bessay-le-Monial, parrain du petit Gilbert Henry.

Ce fut le cas également du sieur de la Pize, Henri Fallier, parrain du petit Henri Piat.

On retrouvera ces personnages influents à l'occasion des mariages de leurs filleuls ou lors de l'établissement des contrats de mariage de ces enfants. Ce sera le cas pour le sieur de la Pize, ceux de Pontlung, de la Forest, de la Franchesse, etc.

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Damoiselle Jeanne de Sarre sera ainsi la marraine de Jeanne Henry, puis de la première fille issue du mariage Jean Tuchevier-Jeanne Henry !

Chez les paysans, le fait d'avoir plusieurs filleuls devait aussi dénoter une certaine notoriété. C'est ainsi que je connais à mon aïeul le marchand-fermier Léonard Dhier (1678-1758) le parrainage de ses deux premiers petits-enfants : - Léonard Berthomier en 1728, - Léonard Macquet en 1734,

Parrainage de Léonard Macquet en 1734

puis ceux de Léonard Muret en 1731, de Léonard Bernard en 1730, de Léonard Mallet en 1731, et de Pétronille Vernier en 1721 et de Marie Dhier en 1743.

Dans certains cas, on peut imaginer qu'il s'agissait d'enfants nés d'amours illégitimes plus ou moins liées au droit de cuissage. Ainsi, le petit Mathias Vacherat, né en 1609, frère de Toussaint, évoqué ci-avant, avait pour parrain François Thévenin, mais le fils du maître des lieux s'appelait Mathias de Sarre !

Évoquons maintenant le problème des enfants trouvés et de ceux nés de ces amours illégitimes. Tous les généalogistes ont noté sur les registres paroissiaux que les prêtres certifiaient chaque année (parfois plusieurs fois) avoir publié « l'édit du roy henry second » donné à Paris au mois de février 1556, enregistré au Parlement le 4 mars suivant, concernant la déclaration de grossesse des filles- mères dont la situation devait être extrêmement difficile.

Voici un extrait d'une copie de ce document.

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Par extension, mélange de froment, de seigle, d'avoine, de vesce semé pour être coupé en vert et donné aux bestiaux (d'après Godefroy).

Volant : faucille.

Les unités figurant dans les documents de cette époque sont les suivantes :

- Pour ce qui est des prix : la livre (qui valait 20 sols) et le sol (qui valait 12 deniers). Aucune comparaison possible exacte avec le franc qui lui a fait suite et le franc actuel. La valeur des biens était relative et fonction des besoins du moment (on ne peut comparer la valeur du pain, aliment de base essentiel à cette époque, avec ce qu'il est aujourd'hui). Pendant la période observée, on constate peu de variation dans les prix, sauf pendant les disettes ;

- Pour ce qui est des mesures : les mesures de longueur étaient la toise (1,949 mètre) valant 6 pieds (0,3248) de 12 pouces (0,02707). L'aune, utilisée pour le mesurage des étoffes, était sensi- blement égale à la toise ;

- Pour les futailles : on utilisait le poinçon (environ 210 litres) et le quart qui en valait la moitié.

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TABLE DES MATIÈRES

I n t r o d u c t i o n P. 7

Chap i t r e 1 : Les limites de l'étude P. i l

Chap i t r e 2 : Le cadre de vie P. 19 La paroisse L'église Le cimetière

Chap i t r e 3 : La naissance et l'enfance P. 29

Chap i t r e 4 : L'adolescence - L'apprentissage P. 53

Chap i t r e 5 : Le mariage P. 59

Chap i t r e 6 : Les contrats de mariage P. 73

Chap i t r e 7 : La mort dans les registres paroissiaux P. lo i

Chap i t r e 8 : Les communautés agricoles P. 133

Chap i t r e 9 : L'exploitation des métairies P. 155 Consistance des biens et état des lieux Conclusion et durée des baux Mode d'exploitation des terres Importance et valeur des fermes Cheptels et récoltes Matériel et mobilier Valets et servantes

Chap i t r e 10 : Le meunier P. 207

Chap i t r e i l : Les ouvriers des bois P. 221

Chap i t r e 12 : Le curé P. 225

Chap i t r e 13 : Ventes, héritages, prises de possession ...... P. 263

Chap i t r e 14 : Les impôts P. 277

Chap i t r e 15 : La vie rurale P. 325 Les affaires communales La milice

Les phénomènes météorologiques

Annexes : Le vocabulaire et le parler bourbonnais ........... P. 355