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La tradition du cidre en Bretagne.

par Mark Gleonec : écrivain, conteur et Claude Goenvec: producteur de cidre de Fouesnant

Sommaire La tradition du cidre en Bretagne. ........................................................................................................................... 1 I. La pomme et les Celtes : ................................................................................................................................ 1 II. Petite histoire du cidre : ............................................................................................................................. 2

A. Les greffons d’Espagne : ....................................................................................................................... 2 B. Les débuts d’un commerce : .................................................................................................................. 2

III. La place du cidre aujourd’hui : .................................................................................................................. 2 A. En France : ............................................................................................................................................. 2 B. Dans le monde : ..................................................................................................................................... 3 C. Les catégories de pommes à cidre : ....................................................................................................... 3

IV. Témoignage de Claude Goenvec : ............................................................................................................. 3

I. La pomme et les Celtes : Tout commence par la pomme, un fruit chargé de symboles depuis la nuit des temps, et par le

pommier, l’arbre du lien entre le monde des vivants et celui des morts chez les Celtes. De la prophétie de Merlin au repos du roi Arthur dans l’île d’Avalon, la pomme et le pommier sont omniprésents chez les Bretons.

Chez les Celtes, la pomme est fruit de science, de magie et de révélation. C’est aussi l’arbre de l’autre monde. La pomme, aval en celte, est le nom du séjour mythique, l’île d’Avalon ou île aux pommiers. Y reposent les rois, les héros blessés et les défunts, parmi les fées, sur lesquelles règne Morgane. La légende dit que le roi Arthur s’y réfugie dans l’attente de libérer les Bretons et les Gallois. Merlin l’enchanteur enseigne sous un pommier. Cette île représente aussi le royaume sacré, l’île Bienheureuse, terre vaste et fertile. La pomme est le symbole du soleil.

Une ancienne légende raconte qu’un roi breton qui venait de battre des Francs, souhaitait désaltérer ses soldats. Or, là où il se trouvait, il n’y avait pas de source, pas de ruisseau, juste un

pommier. Le roi proposa à ses soldats de manger les pommes. Un moine s’y opposa parlant de sacrilège. Dans sa colère, il secoua si fort le pommier que toutes les pommes tombèrent sur le sol. Pour empêcher les soldats de s’en emparer, le moine les écrase avec des pierres. Le jus des pommes s’écoule et vient remplir une auge. Le moine goûte le jus, et lève partiellement l’interdiction de consommer des pommes, et permet d’en boire le jus.

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Cependant, le cidre est venu bien plus tard. Même s’il y a eu depuis toujours des boissons de pommes, son histoire est en Bretagne celle d’un produit pauvre et étranger devenu à force de travail un référent culturel, l’expression d’une terre, d’une excellence agricole et de la volonté des producteurs.

II. Petite histoire du cidre : Le cidre moderne n’est cependant pas une invention bretonne. Elle est issue des côtes de

Biscaye, et arriva en Bretagne via la Normandie vers les XIV° et XV° siècle.

A. Les greffons d’Espagne :

Il y avait au pays basque de grandes forêts de pommiers. Un pommier n’est vraiment productif que pendant 20 ou 30 ans. On peut prolonger sa vie par la greffe. C’est une technique ancienne sans doute inventée en Iran, améliorée par les Phéniciens puis par les Romains.

Les Arabes ont appris la greffe auprès des Romains ; ils ont excellé dans les greffes de fleurs

et autres plantes. Lorsqu’ils ont envahi l’Espagne, ils se sont arrêtés aux limites du Pays Basque ; les Basques, à leur contact, ont à leur tour appris cette technique qu’ils ont appliquée pour améliorer la production de leurs pommiers.

C’est à partir de ce moment-là que s’est développée la production de cidre qui s’est répandue dès le XVII° siècle vers la Belgique, l’Angleterre, la Normandie et la Bretagne.

B. Les débuts d’un commerce :

Jusqu’à la Révolution, les productions étaient vendues dans le pays. Ensuite on a commencé les exportations. A Paris, le café-calva connaît un vif engouement.

Au milieu du XIX° siècle trois fléaux agricoles vinrent favoriser le commerce du cidre : en 1850, l’oïdium, en 1870 le phylloxéra, et vers 1880 le mildiou détruisent la quasi totalité des vignobles, non seulement en France, mais dans toute une partie de l’Europe ; le cidre remplace peu à peu le vin.

Pendant la guerre de 1914, l’alcool de cidre est utilisé dans la fabrication de la poudre. Il y eut bientôt trop de vergers, et après la seconde guerre mondiale, il a fallu en arracher en masse. C’est à ce moment que l’on octroya aux agriculteurs un droit de bouillage1.

III. La place du cidre aujourd’hui :

A. En France :

Avec le développement du tourisme, la vente du cidre a été relancée, et on a commencé à replanter. Au cours de la première moitié du XX° siècle, le cidre est devenu un marché.

Dans le monde, on a le droit de faire du cidre à partir de concentré de jus de pommes qui ne sont pas des pommes à cidre. Cela concerne principalement la production industrielle.

En Bretagne, comme en Normandie, il n’y a pas de production de cidre industriel (à l’exception d’une entreprise près de Rennes).

Le cidre se consomme principalement dans le quart nord-ouest de la France, à Paris et à Lyon. Dans la grande distribution, on vend 45 à 50 millions de bouteilles de cidre par an,

principalement de fabrication industrielle. C’est un marché qui diminue de 1 à 2 % par an. Les industriels lancent actuellement des campagnes de publicité pour soutenir la production.

1 Le bouilleur de cru itinérant distille le cidre pour obtenir le calva ou lambic (lambig en breton). Cette activité est très réglementée et fait l'objet d'une surveillance particulière (douanes, impôts, gendarmerie). Pour pouvoir faire son propre alcool, il faut être titulaire du droit de bouillage (accordé à certains agriculteurs ; autrefois ce droit était transmissible de parents à enfants) et faire bouillir son cidre par le bouilleur attitré.

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B. Dans le monde :

La Grande-Bretagne en produit beaucoup, car le cidre, contrairement aux autres boissons alcoolisées, n’est pas taxé là-bas. On peut y trouver des cidres qui titrent 10 à 11°.

Les Irlandais l’apprécient également et ont une production importante. C’est la même chose en Espagne où on le laisse fermenter jusqu’au bout. Maintenant,

l’Espagne achète aussi des pommes en Bretagne pour ses productions artisanale et industrielle. De petites quantités sont produites dans les Ardennes belges, et aux Etats-Unis. Au Québec, on fabrique le cidre de glace, à partir de fruits que l’on a fait geler ; ce procédé

augmente le taux d’alcool. On trouve encore quelques productions en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Chine. Le cidre n’est pratiquement pas vendu à l’international, mais consommé dans et autour des

régions de production.

C. Les catégories de pommes à cidre :

Les parfums et les saveurs d'un cidre sont dans la plupart des cas le résultat du mélange de trois catégories de fruits dont les proportions plus ou moins constantes sont à la base de son goût, de sa qualité et de sa régularité.

Les pommes douces et surtout les douces-amères constituent la base du mélange. Elles sont riches en sucre et assurent la teneur en alcool et la conservation du cidre.

Les pommes amères facilitent la formation du chapeau brun et communiquent du "corps" au cidre.

Enfin, les pommes acidulées donnent au cidre sa fraîcheur, améliorent sa saveur et favorisent sa clarification ainsi que sa résistance aux altérations (en diminuant son pH).

Autrefois, on fuyait les pommes amères, car ce goût rappelait celui des poisons (ciguë). Pour obtenir un bon cidre, il faut des pommes de chaque catégorie ; la théorie voulant qu'un

cidre bien équilibré soit constitué de 30% de pommes amères, 30% de pommes douces-amères, 30% de pommes douces et 10% d'acidulées. Mais les cidres produits par les mêmes variétés peuvent parfois être bien différents d'un terroir à un autre. Tout l'art consiste, pour le cidrier, à réaliser les meilleurs assemblages, trouver les bonnes proportions qui donneront la qualité et l'identité du cidre.

Parmi les pommes amères, certaines offrent des tanins qui clarifient les mous. Ensuite on rajoute des pommes douces pour l’alcool et

le goût. Plus on va vers l’est de la Bretagne, plus on rajoute des variétés acidulées, plus on va vers l’ouest, plus on rajoute des pommes amères.

Quelques variétés de pommes : C’hwerv ruz, Kermerrien, Kroc'hen ki, Ti ponch dous, Coët lignez…. Dans la région de Baud, on cultive la pomme Guillevic qui, utilisée seule, donne un cidre très

clair, titrant environ 3,5°. On s’en sert pour composer certains cocktails.

IV. Témoignage de Claude Goenvec : On a retrouvé d’anciennes cartes de la région de Mousterlin, datant du XVIII° siècle ; les

vergers de pommiers y sont clairement signalés. Il paraît que le curé de Fouesnant possédait une vingtaine de barriques de cidre dans sa cave. A cette époque, on ne possédait pas de pressoirs performants ; il a fallu attendre le XVIII°

siècle pour en voir apparaître de efficaces. A Fouesnant, les sols sont orientés au sud, protégés des vents dominants ; les sous-sols sont

composés de micaschistes, très favorables à la culture des pommiers.

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Les premiers plants de pommiers ont d’abord été obtenus par semis, puis par greffage on a pu sélectionner les variétés les plus intéressantes.

En 1920, Brest achetait beaucoup de cidre de Fouesnant. En 1930 le vin est revenu sur les tables, et les professionnels du cidre se sont regroupés en syndicats professionnels pour s’entraider, mais ils connurent beaucoup de difficultés.

Avec la deuxième guerre mondiale, le vin vint à manquer, ce qui relança la production jusqu’à la fin de la guerre, où il fallut arracher une partie des vignobles.

Comme il a été dit plus haut, le tourisme a relancé la production en associant le cidre aux dégustations de crêpes.

A la fin des années 70, il est apparu que le Finistère allait manquer de pommiers. Quelques producteurs se sont regroupés et ont formé le CIDREF (Comité Cidricole de Développement et de Recherche Fouesnantais et Finistérien).

Une campagne de plantation de vergers basses-tiges était menée. Parallèlement, le comité s'engageait aussitôt dans une démarche qualité. Pour protéger la production de cidre non industriel, successivement, trois dossiers de demandes d'AOC étaient déposés pour le cidre de Cornouaille, le pommeau de Bretagne et l'eau-de-vie de cidre de Bretagne, plus connue dans notre région sous le nom de Lambig.

On a fait le choix de ne pas mettre trop d’engrais, et on a pratiqué un traitement raisonné. Alors que les pommiers de hautes tiges ne donnaient que 15 tonnes à l’hectare, ces nouvelles productions en basses-tiges fournissaient près de 25 tonnes à l’hectare.

On a exploité d’abord les variétés bretonnes, puis on a étudié les variétés locales (utilisées autrefois) que l’on se propose de réintroduire massivement à l’avenir.

En Normandie, les producteurs ont adopté le même type d’organisation. La Bretagne fournit 3 à 5 millions de bouteilles pour un marché total de 50 millions de

bouteilles. Les AOC ne font pas de gazéification artificielle, ne mettent pas de conservateurs, juste un

peu de soufre. Les cidres industriels sont plus pasteurisés.