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LA REVUE 2015

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LA REVUE 2015

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Quel est l’impact de notre action, depuis dix ans ?D’un point de vue quantitatif, la mesure est facile : depuis sa création, 145 associations et plus de 60 000 enfants issus de milieux défavorisés, scolarisés dans des classes allant de la maternelle à la fin du collège, ont bénéficié de programmes d’activités ou de découvertes artistiques financés et accompagnés par la Fondation HSBC pour l’Éducation.

D’un point de vue qualitatif, la mesure est plus difficile : est-ce que les parcours de ces enfants sont modifiés ? Est-ce que l’expérience vécue aujourd’hui aura un impact sur leur capacité à être heureux et à servir la collectivité ? Ces aspirations sont la raison d’être de notre action et de l’engagement des adultes qui sont à l’origine des projets que nous soutenons. La mesure que nous employons est celle de l’observation, sur le terrain, considérant que si les jeunes s’enthousiasment sur la durée, les bénéfices induits par la confiance en soi et la confiance en l’avenir sont probables.

Ce que nous observons est une révolution. Année après année, les projets des professeurs, parfois des établissements, des associations ou encore des institutions culturelles font apparaître une mosaïque de réussites qui viennent démentir les statistiques nationales. Des collaborateurs s’engagent, chaque année plus nombreux, pour accompagner pendant un an, deux ans, voire toute une scolarité, des enfants éloignés des codes de l’entreprise. Ces enfants sont heureux, disent leur plaisir d’aller à l’école. Pour certains c’est une découverte, et pour nous tous cette découverte est un sauvetage au bénéfice de la société tout entière. Chaque projet nous rappelle qu’il n’y a pas de fatalisme, que la réussite est à la portée de chacun pourvu qu’il y croie, et que nous y croyions pour eux.

Pour que vous en soyez aussi témoins, nous complétons cette revue d’un site Internet. Aux témoignages écrits et photographiques que nous vous invitons à découvrir ici s’ajoutent des vidéos que nous ou les associations avons réalisées. Après cette lecture, je vous invite à les découvrir sur www.fondation-education.hsbc.fr/

Avec cette cinquième édition de notre Revue et la mise en ligne de notre site Internet, nous espérons participer ainsi, avec vous, à lever quelques-unes des résistances aux changements nécessaires pour redonner à chaque enfant toutes les chances de réussir.

Très bonnes lectures,

Éditorial

La Revue de la Fondation HSBC pour l’Éducation est publiée par HSBC France Société anonyme au capital de 337 189 135 euros Siren : 775 670 284 RCS Paris

Siège social 103, avenue des Champs- Élysées, 75008 Paris

Banque et intermédiaire en assurance immatriculéauprès de l’Orias (Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance – www.orias.fr) sous le n° 07 005 894

Directrice de la publicationMarine de Bazelaire

CoordinatriceSéverine Coutel

Conception et réalisationLe magazine 28, rue Rousselet 75007 ParisTél. : 01 70 23 79 [email protected]

Rédacteur en chefStéphane BrascaDirectrice artistiqueClémence PassotSecrétaire de rédactionIsabelle RenéImpressionLoire Offset Toulet (42)Dépôt légal à parutionISSN 11220

Ont participé à ce numéroCatherine Legall, Bertrand Desprez, Christine Coste, Camille Sviti, Grégoire Korganow, Jean-Marie Huron, Myriam Léon, Mat Jacob, Patrice Terraz, David Fez, Linda Tuloup, Juliette OutezgPhoto en couverture Mat Jacob / Tendance Floue

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Jean BeunardeauPrésident de la Fondation HSBC pour l’Éducation

Directeur général, HSBC France

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Sommaire

page 5

Entretien page 8

« On apprend à liresi on a conscience des sons »

« Agir pour l’école » œuvre contre l’échec et les inégalités scolaires dès la maternelle.

Rencontre avec Marie Tosques, chargée de mission.

Reportage page 10

Gala !Lors de la soirée « Je m’implique en 2014 »,

les collaborateurs ont assisté à l’annonce des lauréats de l’appel à projets interne

ainsi qu’à un sublime concert de l’orchestre Le Palais royal à Paris (75).

Reportage page 14

Donner des ailes...Un pigeonnier a été installé

au cœur de l’Internat de la réussite de Douai (59) afin de sensibiliser les lycéens à la colombophilie.

Un projet pédagogique et ludique.

Reportage page 26

« Sortez un cahier et un crayon »Cyril Achard, professeur d’histoire-géographie

au collège Jean-Vilar à La Courneuve (93), se bat contre le décrochage scolaire en invitant

des artistes à travailler avec les élèves.

Reportage page 20

Contre les stéréotypesAccompagnés par une compagnie de théâtre, des élèves du collège Édouard-Vaillant à Saint-

Martin-d’Hères (38) réfléchissent, écrivent et jouent autour du thème de l’égalité des sexes.

Reportage page 32

Vercors, notre histoireVingt élèves de 3e ont quitté les quartiers Nord de Marseille (13) pour une résidence d’écriture dans le Vercors. Un film et une

représentation au théâtre ont suivi.

Reportage page 38

Histoires d’eauEn décembre dernier, deux classes

de collégiens de Grigny (91) se sont rendues à l’Institut du monde arabe à Paris pour

une exposition sur « l’or bleu ». Une visite riche en enseignements et en découvertes...

Rencontre et chronique page 44

« On apprend toujours les uns des autres »

La Fondation encourage le parrainage de jeunes, lycéens ou étudiants, issus de milieux modestes.

Trois collaborateurs du groupe nous racontent les raisons de leur implication.

Reportage page 48

Du bout des doigtsLe Coup de cœur 2014 des collaborateurs a

récompensé le projet porté par Caroline Baufle, attachée commerciale à l’agence HSBC de

Chantilly (60). Il vise à équiper en tablettes tactiles un établissement pour jeunes autistes dans l’Oise.

Verbatim

« Ce que j’ai aimé… »Enfants, animateurs et collaborateurs s’expriment sur la Fondation et les expériences vécues.

Paroles directes

Hélène Pelletier, comédienne intervenante

de l’Amin compagnie théâtrale pour « Le jardin planétaire » à Grigny (91)

J’ai accepté de travailler à l’école Aimé-Cesaire alors que le sujet « écologique »

qui m’était proposé ne me convainquait pas spécialement. C’était sans compter sur quelques paramètres qui ont fait

de ce travail une véritable épopée, une belle aventure pleine de surprises et une rencontre

vraie avec les élèves, leur regard, leur sensibilité sur ce qui les entoure.

***

Des parents de collégiens inscrits à Victor-Hugo, à Bourges (18),

au sujet du projet Carmen

C’est ça l’école de la République. Ils ont beaucoup de chance,

ils s’en souviendront toute leur vie.

***

Une déléguée de classe bénéficiaire du projet de l’Afpad

à Pierrefitte-sur-Seine (93)

J’ai beaucoup aimé ces deux séances de formation des délégués de classe

à la médiation et à la gestion des conflits. Elles m’ont beaucoup appris sur

la médiation. Je pense que maintenant je pourrai mieux gérer certaines situations.

***

Kadidiatou, élève de 5e, bénéficiaire du projet « Un film documentaire sur la 6e » au collège

Georges-Clemenceau à Paris (75)

La classe a pris très au sérieux ce film documentaire. On veut que les futurs

6e comprennent en quoi consiste le collège.

Adam, élève au collège Georges-Clemenceau à Paris (75), participant au projet

« Un film documentaire sur la 6e »

Cela m’a permis d’être moins timide que l’année dernière et de mieux m’exprimer.

Je prends plus souvent la parole en classe car j’ai moins peur de me tromper.

Quand nous avons fait des exercices de tournage, il y a eu une ambiance

plus respectueuse entre les élèves. J’ai aimé quand on a fait les exercices pour apprendre à filmer une interview.

***

Une élève de 6e, bénéficiaire de l’association

Le CLiO de Vendôme (41) pour le projet « La clé des contes »

Ce que j’ai aimé, c’était de lire les extraits avant d’écouter le récit d’Anne

(la conteuse Anne Boutin-Pied, ndlr)et de voir qu’elle aussi avait beaucoup

travaillé. Et j’ai compris toute l’histoire !

***

Laure Prieur, enseignante au collège des Caillols à Marseille (13), bénéficiaire du projet

« Toute la lumière sur les Segpa » avec l’association Alhambra Cinémarseille

Les élèves ont beaucoup écrit sur le souvenir, sur leur enfance. En janvier il y a eu de beaux moments, où ils ont livré par écrit (dictée parfois) des parties d’eux-mêmes. C’était

assez fort et surprenant (pleurs de certains en écrivant), totalement en rupture

avec ce qu’ils montraient d’une manière générale. Il me semble qu’il y a beaucoup plus de respect de leurs différences au sein

du groupe, et une capacité à construire du collectif qui est nouvelle.

Une directrice d’écolebénéficiaire de l’association

L’étangd‘art (11)

Quand les enfants entendent dire du mal de l’école à la maison par leurs

parents, en classe ils restent passifs et on a beau savoir, nous les enseignants, comment apprendre des choses aux élèves,

on bloque rapidement dans les progrès obtenus. C’est en faisant venir les parents

et en changeant leur vision de l’école qu’on fera progresser les enfants.

***

Loïc Kervran, collaborateur HSBC engagé dans le tutorat avec

la Fondation Égalité des Chances

Cela se passe très bien avec mon filleul. Nous nous voyons régulièrement, et il a fait part à plusieurs reprises de sa satisfaction

quant au soutien fourni par le tutorat.

***

Mélanie Fondement, collaboratrice HSBC engagée dans le tutorat

avec la Fondation Égalité des Chances

Nous avons un excellent échange avec ma filleule, Inès. Nous évoquons

notamment beaucoup son quotidien en prépa (pression des professeurs, charge de travail…).

En tant qu’ancienne élève de prépa, j’essaie ainsi de l’aider à relativiser

et de la soutenir moralement.

***

Sébastien Montanari, professeur de lettres au collège

Victor-Hugo, à Bourges (18), au sujet du projet Carmen

Les élèves ont énormément progressé dans l’expression orale et dans la confiance en eux.

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Depuis sa création en 2005 sous l’égide de la Fon-dation de France, la Fondation HSBC pour l’Édu-cation a accompagné 145 associations ou insti-tutions partout en France. Le cœur de son action consiste à soutenir des initiatives et des acteurs qui facilitent l’accès à l’éducation de jeunes en milieux défavorisés. Convaincu que la lutte contre

la fracture sociale passe évidemment par l’aide financière, mais aussi par la rencontre, le comité exécutif de la Fondation sélectionne des projets qui permettent d’associer des collaborateurs de HSBC à leur initiative. Ainsi, près de 300 collaborateurs se sont engagés, à titre bénévole, auprès des enfants en 2014.

Pour son projet « Lecture » de lutte contre l’illettrisme et les inégalités scolaires : formation des enseignants de l’Éducation nationale à des outils pédagogiques dédiés à l’apprentissage de la lecture des jeunes enfants, de la grande sec-tion de maternelle au CE1 (voir page 8 l’interview de Marie Toques).

Parce que souvent l’union fait la force, sept fondations d’entreprise se sont alliées sous l’impulsion de l’Admical pour lutter contre le décrochage sco-laire de collégiens. Les salariés des entreprises mécènes, formés par les associations, sont invités à s’engager à leurs côtés.

L’association organise des inter-ventions, animées par des collaborateurs des entreprises partenaires, dans des collèges en Réseaux d’éducation prioritaire afin d’aider les élèves à acquérir de nouveaux comportements et habitudes de travail leur permettant de s’investir pleinement dans leurs études.

Vingt-sept programmes d’activités ou de découvertes artis-tiques ont été ainsi retenus en 2014.

Le comité exécutif de la Fondation HSBC pour l’Éducation, constitué de onze personnalités, se réunit deux fois par an pour définir les orienta-tions de la Fondation et sélectionner les lauréats.

Jean Beunardeau, directeur général de HSBC France.

Carole Diamant, professeur de philosophie, est aussi déléguée générale de la Fondation Égalité des chances, sous l’égide de l’Institut de France.Isabelle Giordano, journaliste, animatrice de télévision et de radio, est également présidente fondatrice de l’association Cinéma pour tous. Marie Rose Moro, pédopsychiatre, psychanalyste, docteur en médecine et en sciences humaines. De formation philosophique, elle est aussi écrivain. Elle est la chef de file actuelle de l’ethnopsychanalyse et de la psychiatrie transculturelle en France.Reza, photographe iranien très impliqué à titre personnel dans l’éducation en milieux défavorisés et l’éducation à l’image à travers l’association Aïna World, dont il est fondateur et président.Odon Vallet, spécialiste de l’histoire des religions et écrivain, il est également mécène pour l’éducation. Chaque année, sa fondation offre des milliers de bourses d’études à de jeunes étudiants.

Marine de Bazelaire, directrice du Développement durable et déléguée générale de la Fondation HSBC pour l’Éducation.Anne-Lise Bapst, directrice de la Communication.Myriam Couillaud, directrice des Ressources humaines.Patrick Doreau, directeur du Centre d’affaires entreprises, Aquitaine Sud.

Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France.

LES PROJETS SOUTENUS

POUR PRÉVENIR LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE DES JEUNES DE MILIEUX DÉFAVORISÉS, LA FONDATION HSBC POUR L’ÉDUCATION SOUTIENT :

POUR FACILITER LA RÉUSSITE SCOLAIRE DE JEUNES DE MILIEUX DÉFAVORISÉS, LA FONDATION HSBC POUR L’ÉDUCATION PROPOSE AUX COLLABORATEURS DES MISSIONS DE PARRAINAGE ( )

LE COMITÉ EXÉCUTIF

Chaque année et pendant une semaine, des col-laborateurs HSBC volontaires accueillent dans leur service des élèves de 3e soutenus par les pro-grammes de la Fondation, dans le cadre du stage de découverte professionnelle instauré par l’Éducation nationale.

des enseignants ont l’opportunité de venir faire un stage de trois jours à HSBC. Cette nouvelle approche leur permet de mieux guider et accompagner leurs élèves dans la construction de leur projet professionnel.

Ce programme vise les jeunes élèves talentueux et motivés, issus de milieux défavorisés. De la 4e au baccalauréat, les jeunes bénéficient d’un double tutorat, référent pédagogique et tuteur d’entre-prise, et d’une aide financière (voir article page 44).

réunit des entreprises pour soutenir les projets innovants de professeurs œuvrant dans des établissements

classés en Réseaux d’éducation prioritaire, et particulièrement dans les Internats de la réussite (voir article page 14).

Elle a été créée par les deux ordres nationaux (Légion d’hon-neur et Ordre du mérite) et la Médaille militaire, et sa vocation est d’accompagner du collège jusqu’à l’insertion professionnelle, de façon opérationnelle et individualisée, des jeunes boursiers d’État.

propose à des jeunes colla-borateurs de HSBC de parrainer un étudiant bour-sier ou issu de milieu modeste. Chaque parrainage est formé de manière à ce que le parcours d’études du parrain corresponde à celui du filleul, permettant ainsi de développer les talents des étudiants.

aux Conventions d’éducation

prioritaire de Sciences Po se traduit concrètement par le versement annuel de bourses d’études à des étudiants issus de lycées de Réseaux d’édu-cation prioritaire et le parrainage par des cadres de HSBC France d’étudiants de Sciences Po en 4e et 5e années.

La Fondation HSBC pour l’Éducation, mode d’emploi

SOUTIEN DE L’ENGAGEMENT PERSONNEL DES COLLABORATEURS DANS DES PROJETS D’ÉDUCATION

La Fondation HSBC pour l’Éducation leur réserve, depuis 2012, un appel à projets. Il a pour objet de soutenir l’accès à l’éducation des jeunes de moins de 25 ans issus de milieux défavorisés (voir article page 48).

Paris

4 à 4 Dix-huit

AFFMF

Agir pour l’école(national)

Cinéma pour tous

Collège Georges- Clemenceau

Énergie jeunes (national)

Ethnoart

Eure-et-Loir

CORDD

Fondation Croissance responsable

Frateli (national)

Groupe amical sportif de Clignancourt

IMS Entreprendre pour la cité

Fondation Égalité des chances (national)

Le Palais Royal

Loir-et-Cher

Le CLiO

Cher

Collège Victor-Hugo

Charente

Espace numérique Sud Charente, section de l'AJM

Haute-Vienne

Compagnie O’Navio Théâtre

Somme

Atout lire

Oise

Adapei 60

Puy-de-Dôme

École publique de Saint-Germain-Lembron

RhôneAPFEE, Association pour favoriser l’égalité des chances à l’école

Isère

Ex.i.t.s. Théâtre du Réel

Ardèche

Le Grand Écran

Hérault

Uni'sons

Aude

L’étangd’art

Les 52 associations ou institutions soutenues par la Fondation HSBC pour l’Éducation

Bouches-du-Rhône

AMCP

Alhambra Cinémarseille

Compagnie de la cité

Pourquoi pas nous

Voile Impulsion

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Panorama page 7

Var

Foyer socio-éducatif du collège Gabrielle-Colette

Depuis sa création en 2005, la Fondation HSBC pour l’Éducation a soutenu 145 associations ou institutions.Plus de 60 000 enfants ont bénéficié de son engagement.

One, Two, Three... Rap!

Paris Mozart Orchestra

Sciences Po

Télémaque

Theatraverse

Seine-Saint-Denis

Académie Fratellini

Afpad

Collège Jean-Vilar

CREA

Questions de regard

Val-de-Marne

Collège Paul-Vaillant-Couturier

EDAAV

EssonneCompagnie théâtraleAmin

Hauts-de-Seine

Station Opéra

Yvelines

APMSQ

Les enfants de la batellerie

Joker

Pas à pas

Val-d’Oise

Festival théâtral du Val–d’Oise

Le trait d’union

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Combien compte-t-on d’enfants en difficulté scolaire en France ?Environ 20 % des enfants sortent du cycle 1 (grande section maternelle, CP, CE1) sans maîtri-ser l’écrit. Souvent, ils sont capables de décoder ce qu’ils voient mais incapables de le comprendre et de lire suffisamment vite pour pouvoir l’inter-préter. Et les difficultés vont se poursuivre tout au long de leur scolarité. Il faut savoir que ce sont en effet 90 % des élèves en difficulté à l’entrée en 6e qui étaient déjà en grande difficulté en grande section de maternelle.

Ce chiffre est-il en évolution ces vingt der-nières années ?C’est plutôt constant, mais la situation s’aggrave dans le sens où les élèves forts et moyens pro-gressent, à l’inverse des faibles. Le système scolaire français n’arrive pas à réduire cet échec scolaire précoce.

Y a-t-il eu un moment dans l’histoire où le sys-tème arrivait à le réduire ?Non. On a souvent l’impression qu’il n’y avait pas de difficultés dans l’éducation il y a cinquante ans. Simplement, beaucoup moins d’enfants suivaient des études et les populations étaient différentes. Globalement, le système éducatif n’a jamais réussi à apprendre à lire à tout le monde.

Quelles sont les raisons de cet échec scolaire précoce ?Les raisons sont en partie démographiques, car on a du mal en France à gérer les populations immigrées, et notamment les primo-arrivants.

Mais c’est le cas également pour des popula-tions rurales dans certaines parties du pays… On continue aussi d’enseigner comme il y a un siècle, alors que le monde, la société ont changé. Tout le monde va à l’école, les structures familiales ont évolué, l’environnement technologique a pro-gressé… et l’enseignant est toujours face à une classe de 25 à 30 apprenants. Les programmes ont certes évolué, mais pas la façon d’enseigner.

Que propose votre association pour remédier à ces lacunes ?Nous proposons d’agir à travers l’Éducation natio-nale pour essayer le plus tôt possible de réduire les inégalités et d’amener tous les enfants aux mêmes compétences de base en lecture et en écriture.

Vous préconisez de vous attaquer au problème dès la maternelle.Oui. Dans l’idéal, même avant 3 ans, car certains enfants arrivent en maternelle en sachant très peu s’exprimer et cela complique la tâche des enseignants. Ces enfants ont un manque d’expo-sition au langage. Dans leur famille on parle peu ou mal, souvent par manque de temps.

On sait en effet que plus on s’attaque au pro-blème tôt, plus les chances de réussir sa vie augmentent.Le projet américain Perry Preschool (conduit de 1962 à 2005) a prouvé qu’un programme d’in-tervention sur de très jeunes enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés pouvait influencer leur vie durablement. Cette étude

a démontré que les enfants qui avaient bénéfi-cié de ce projet, en moyenne réussissaient plus leur bac, étaient moins de temps au chômage, passaient moins de temps en prison, commet-taient moins de délits, etc. Cette étude n’a pas été reproduite. Cela demande énormément d’argent. Un adulte est en charge tous les jours de trois enfants seulement, et il visite une fois par semaine les parents. Prendre en charge la toute petite enfance, c’est aussi se substituer d’une certaine façon aux parents, c’est tabou ! Dans nos sociétés, c’est dans le cadre de la famille que l’on apprend à parler à l’enfant. Or la France compte 5 % d'illettrés et 10 % de mal lettrés. C’est difficile de travailler sans bien savoir lire ou écrire. Cela coûte au final beaucoup plus cher à la société…

Comment apprend-on à lire ?L’enfant a besoin d’avoir conscience des sons. C’est ce qu’on appelle la phonologie, qui est au programme en grande section de maternelle et en CP. Les enseignants doivent parvenir à aider tous les enfants à différencier et à fusionner les sons. C’est très difficile à réaliser. Pour arriver à leur faire prendre conscience de ces sons, il faut répéter inlassablement. Tous les ans, deux tiers des enfants des classes de ZEP entrent en CP sans pouvoir différencier les sons. Et c’est impossible en un an de leur apprendre à entendre les sons, à faire le lien entre les sons et les lettres, à les combiner pour lire des mots, puis à lire des phrases et enfin des textes. Cela s’aggrave quand en CE1 l’enseignant doit leur apprendre l’imparfait alors qu’ils en sont toujours à essayer de déchiffrer.

Propos recueillis par Stéphane BrascaEntretien

« On apprend à lire si on a conscience des sons »« Agir pour l’école » œuvre contre l’échec et les inégalités scolaires dès la maternelle. Rencontre avec Marie Tosques, chargée de mission.

Agir pour l’école

Comment intervenez-vous ?Notre association fournit gratuitement des outils pertinents (des manuels pédagogiques spéci-fiques) dès la grande section et propose une façon d’organiser la classe qui permet à tous les enfants de prendre conscience de ces sons. Ainsi, en CP, avec de nouveaux outils fournis, l’enseignant peut amener en fin d’année tous les enfants à un niveau qui leur permet de lire. Enfin, en CE1, l’enseignant entraîne les enfants encore fragiles à augmenter leur vitesse de lecture, et donc leur compréhension de l’écrit.

Votre projet « Lecture » est inspiré par l’expéri-mentation « Parler » conduite par Michel Zor-man dans l’académie de Grenoble entre 2005 et 2008.Oui, notre association est née à l’issue de cette expérimentation et a utilisé les outils créés par ce médecin de santé publique (décédé en 2012) qui a passé vingt ans à faire des recherches sur la phonologie. Il a testé les outils qu’il a créés dans sept classes. Les résultats étaient époustou-flants. À la suite de cela, l’association a été lan-cée pour essayer de reproduire ces résultats sur plus de classes afin de voir si les effets se main-tenaient à grande échelle. Notre projet a com-mencé il y a trois ans, dans 150 classes de grande section choisies par les directeurs académiques (dans des ZEP principalement, à Calais, La Cour-neuve, Montfermeil, Villeneuve-la-Garenne et Boulogne-Billancourt). Ces classes n’étaient pas volontaires, afin que les résultats soient le plus fiables possible. Concrètement, le projet repose sur une organisation spécifique de la classe et de

l’emploi du temps, assez peu répandue à l’heure actuelle. Il s’agit, pour l’enseignant, de ména-ger, chaque jour pendant la classe, des temps d’enseignement en petits groupes de trois à huit élèves, focalisés sur les compétences fondamen-tales d’apprentissage de la lecture, et ce pendant que les autres élèves sont en autonomie. Nous avons formé les conseillers pédagogiques à cette méthode, puis ils ont à leur tour formé les ensei-gnants participant dans chaque circonscription. Lorsque les élèves sont passés en CP, puis en CE1, le fonctionnement est resté le même. Éga-lement, les outils ont été améliorés chaque année en fonction des commentaires des enseignants.

Quand s’est arrêté ce premier projet ?L’expérimentation initiale s’est achevée en juin 2014. L’idée est de continuer avec les enseignants volontaires uniquement. On s’est rendu compte que le projet fonctionnait mieux si les enseignants étaient motivés à plusieurs niveaux. Si un ensei-gnant s’implique énormément en grande section et que celui du CP ne veut pas y participer, c’est

très compliqué car il reçoit les enfants avec cer-taines compétences, mais ne va pas forcément s’appuyer dessus pour leur apprendre à lire. C’est donc plus efficace quand toute l’école participe, et idéalement quand il y a des enseignants sup-plémentaires. Cela permet de doubler les temps de séance et que les enfants soient moins en autonomie.

Quels sont les premiers résultats ?En fin de grande section, les enfants étaient meil-leurs en conscience phonologique (la difficulté a été réduite de 30 % à 50 % selon le degré d’appli-cation du protocole). En fin de CP, les évaluations ont montré qu’ils étaient toujours meilleurs en conscience phonologique et meilleurs en déchif-frage mais pas encore dans les autres compé-tences (compréhension de l’écrit, lecture rapide de test). On attend les résultats de CE1.

La place de l’enseignant est primordiale dans votre projet. Comment expliquer que certains ne souhaitent pas continuer ?Certains enseignants ont créé leur propre méthode qui a donné d’excellents résultats dans le temps, donc ne sont pas enclins à adopter d’autres outils. C’est compréhensible. Ce qui est compliqué, c’est l’autonomie des élèves. C’est difficile de gérer une classe quand une grande partie fait seule un exer-cice. En CP, par exemple, au début de la matinée, l’enseignant rassemble les plus faibles pour un ate-lier de trente minutes. Il a préalablement distribué du travail aux autres. Il va refaire ensuite un atelier avec d’autres enfants. En tout, dans la journée, il assure au moins quatre séances, cela fait deux heures. C’est nouveau pour les enseignants de laisser les enfants travailler seuls aussi longtemps, ils ont l’habitude de s’adresser tout le temps à toute la classe.

Le dispositif peut-il dépasser cette expérience ?Oui, mais le risque est que cela se diffuse mal, très peu, et finisse par s’évanouir. Les ensei-gnants impliqués dans le projet y sont maintenant attachés, et le poursuivront. Mais sans moyens humains supplémentaires, c’est un combat perdu d’avance dans certaines zones très défavorisées. Ces enfants sont capables tout autant que les autres, mais ils ont besoin de plus de temps les premières années, donc de plus d’enseignants. L’idée est donc de faire du lobbying pour que les moyens nécessaires soient là.

Votre projet utilise aussi beaucoup les tablettes numériques. Est-ce un outil efficace ?Bien utilisée, une tablette équivaut presque à un adulte supplémentaire. L’association a développé une application en phonologie utilisée dans cer-taines classes. Mais il y a encore des résistances vis-à-vis de cet outil. On a peur que l’enfant reste scotché à l’écran, et beaucoup d’enseignants ne sont pas formés aux nouvelles technologies. Nous allons développer une nouvelle application pour le CP pour la bonne raison que plus un enfant lit et écrit plus il sait lire et écrire. C’est basique mais vrai. Une fois compris le mécanisme de base, il saura lire seul, à l’école et en dehors de l’école.

Plus d’informations sur www.agirpourlecole.org

page 9

« On continue d’enseigner comme il y a un siècle, alors que le monde, la société ont changé. »

DR

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Je m’implique

La

revu

e Lors de la soirée « Je m’implique en 2014 » organisée en février dernier au siège de la banque, les collaborateurs ont assisté à l’annonce des lauréats de l’appel à projets interne ainsi qu’à un sublime concert de l’orchestre Le Palais royal.

Gala !

Reportage Texte Catherine Le Gall Photographies Linda Tuloup

page 11

Sur la scène trônent un orgue, un clavecin et un théorbe, une sorte de grand luth créée au XVIe siècle. Les instruments attendent patiemment leurs maîtres. Les hommes, vêtus d’un costume noir, arrivent les premiers sous les applaudis-sements, suivis des femmes en robe de soirée. Le dernier à fouler l’estrade de l’auditorium Benjamin-Rossier est le célèbre chef d’orchestre Jean-Philippe Sarcos. Élégant et élancé, il salue longuement le public. Après un regard com-plice à ses musiciens, il lève sa baguette dans un silence religieux. Une cantate de Vivaldi retentit. Le chef d’orchestre s’anime, dirige d’un geste précis et rapide, tout son corps accompagne la musique. Ensemble vocal et instrumental sur instruments d’époque, Le Palais royal se consacre aux réper-

.

Hasnaa Bennani est soprano au Palais royal. Cet ensemble vocal et instrumental s’est produit au siège de la banque à l’invitation de la Fondation.

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Je m’implique

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Le Palais royal donne des concerts « Coup de foudre », destinés au jeune public issu de quartiers réputés sensibles. Une action soutenue par la Fondation HSBC pour l’Éducation.

Coutel. L’association Adapei 60, portée par Caroline Baufle, a été plébiscitée : elle compte proposer des tablettes numé-riques aux élèves autistes dans un IME afin de favoriser leur apprentissage (voir notre reportage page 48).

Des enfants, il en est encore question quand, au milieu de la représentation, Jean-Philippe Sarcos s’adresse au public avec une chaleur et une décontraction qui tranchent avec le cérémonial de la prestation. Sa présence à cet évé-nement HSBC n’est pas anodine. Avec son ensemble, le

toires classique, baroque et romantique. Se produisant dans les plus illustres festivals en France et à l’étranger, il joue aujourd’hui pour les collaborateurs de la banque. L’initiative en revient à la Fondation HSBC pour l’Éducation, qui l'a invité pour sa soirée annuelle « Je m’implique ». Pour Séverine Coutel, la secrétaire générale de la Fondation, ce concert exceptionnel est une façon de remercier tous les collabo-rateurs qui ont participé aux actions de la Fondation et de la présenter à ceux qui ne la connaissent pas.

Juste avant, la soirée a en effet débuté par l’annonce des lauréats de l’appel à projets interne. « Depuis deux ans, le président de la Fondation a souhaité réserver une partie de ces fonds aux projets dans lesquels les collaborateurs sont impliqués » précise Marine de Bazelaire, sa déléguée géné-rale. Jean Beunardeau, directeur général de HSBC France et président de la Fondation a énoncé les lauréats. Dix-sept associations ont été récompensées pour l'année 2014. « Parallèlement, nous avons demandé à l’ensemble des col-laborateurs d’élire leur “Coup de cœur” », poursuit Séverine

chef d’orchestre donne régulièrement des concerts « Coup de foudre », destinés au jeune public issu d’écoles répu-tées sensibles. La Fondation l’accompagne sur ses actions, qu’il se propose d’expliquer à l’auditoire. « Je souhaite faire découvrir la musique classique aux enfants qui ne la connaissent pas. C’est toujours un moment incroyable. Ces jeunes arrivent avec leurs casquettes et leurs t-shirts siglés au nom de groupes de rap et je me dis “c’est vraiment une très mauvaise idée”. Mais dès les premières notes le miracle se produit, ils nous écoutent dans le plus grand silence. Pour moi, c’est un éblouissement. »

Le combat de ce chef passionné est parti d’un constat : les adeptes de la musique classique ont en général plus de 60 ans, et, si rien n’est fait, elle risque de disparaître du pay-sage culturel… Refusant également la fatalité, Hasnaa Ben-nani, soprano au Palais royal, est convaincue de la nécessité de ces concerts pour faire vivre la musique qu’elle chante : « J’aime beaucoup les concerts “Coup de foudre” même s’ils me stressent plus que les autres. J’ai peur de laisser le

public indifférent. Pourtant, les jeunes sont toujours surpris par ma voix et par le fait que je chante sans micro. »

Il est l’heure de tirer le rideau. Le concert s’achève sous les hourras, et le public s’apprête à quitter le siège. Un dernier clin d’œil à l’implication des collaborateurs dans les actions de la Fondation l’attend dans le couloir qui mène à l’accueil. Une exposition de photographies montre des salariés engagés dans différents projets. Sur l’une d’elles, on peut voir Manuel, les pieds dans l’eau, en train de retirer les plantes invasives qui recouvrent la mare forestière d’Er-menonville. Il a participé, avec la direction des achats, à l’un des chantiers nature organisés en partenariat avec l’Office national des forêts (ONF). Une autre montre une collabora-trice avec sa filleule dans le cadre de projets liés au tutorat. Sur une autre image encore, on peut voir une collégienne répondre au téléphone dans un bureau de la banque lors d’une semaine « découverte des métiers ». Une manière de démontrer aux salariés qui souhaitent dorénavant s’impliquer qu’ils ont l’embarras du choix…

À différentes reprises au cours du concert, Jean-Philippe Sarcos, le chef d'orchestre, se tourne vers le public et lui explique le contexte historique de l’œuvre.

Le Palais royal n'utilise que des instruments d'époque. Cet orchestre célèbre se consacre aux répertoires classique, baroque et romantique.

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Leçon n° 1 : la prise du pigeon. Mettre les deux doigts entre les deux pattes et bien maintenir les ailes pour qu’il ne s’envole pas. « La première fois, les élèves n’étaient pas très rassurés », raconte Michel Fontaine, sourire aux lèvres, en caressant le plumage d’un beau mâle hollandais. « Il y a une manière pour ne pas leur faire mal et qu’ils ne se débattent pas. Il ne faut pas avoir peur », explique, déjà à l’aise, Antony, 15 ans. Depuis la rentrée, sept élèves de seconde et de pre-mière de l’Internat de la réussite de Douai, tous des garçons âgés de 15 et 16 ans, participent volontairement à une expé-rience inédite : un atelier de colombophilie, installé au cœur de cet établissement de briques rouges. Ouvert en 2010, il accueille des jeunes Nordistes de la seconde à la terminale, issus de milieux modestes, d’un bon niveau scolaire mais qui ne bénéficient pas chez eux de toutes les conditions pour réussir leurs études (lire page 19).

Michel Fontaine, agent de service et colombophile depuis l’âge de 13 ans, est à l’initiative de l’installation du pigeonnier dans l’internat de Douai. Il a baptisé son atelier « Les ailes excellence ».

Un pigeonnier a été installé au cœur de l’Internat de la réussite de Douai (59) afin de sensibiliser les lycéens à la colombophilie. Un projet pédagogique et ludique pour un établissement pas comme les autres.

Donner des ailes...

Reportage Texte Camille Sviti Photographies Mat Jacob/Tendance Floue

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Une fois par semaine, les mardis ou jeudis de 17 heures à 19 heures, dans le créneau de l’étude, ces « coulonneux » en herbe – comme l’on dit en langue ch’ti – découvrent cet oiseau aux capacités singulières. « On apprend pas mal de choses sur le pigeon, avance Marc-Hugo, élève en première S : comment il a sauvé des soldats pendant la Première Guerre mondiale, comment il utilise les champs magnétiques de la terre pour s’orienter, comment se déroulent les courses de vitesse… » « Maintenant, je les vois comme des animaux spéciaux, des athlètes, qu’on ne peut pas déménager puisqu’ils reviennent toujours à leur lieu de vie », s’enthousiasme Dimitri, 15 ans. « Ce que je préfère, c’est m’occuper de l’oiseau et le voir grandir. Les courses, ce sera un aboutissement », confie Nathan, qui savait déjà que la colombophilie « servait de passe-temps aux mineurs » du Nord-Pas-de-Calais au siècle dernier.

Lancé à l’automne 2013, ce projet pédagogique origi-nal, soutenu par la Fondation HSBC et la Fondation Égalité

des chances, s’est concrétisé au printemps suivant avec la construction du pigeonnier, une sorte de chalet en bois doté de compartiments et de casiers où séjournent désormais 35 pigeonneaux des deux sexes. À terme, il bénéficiera à quelques 80 des 112 lycéens scolarisés dans l’internat. Car trois des enseignants entendent s’en servir comme sup-port à leur matière. Malik Yahiatène, prof de maths : « L’idée est d’utiliser les pigeons pour les études de fonctions, en modélisant le trajet d’une course à l’aide d’un traceur GPS », explique-t-il, avec l’espoir de réaliser cette expérience au printemps, conditions météo obligent. Stéphanie Béclin, prof de SVT : « Il y a l’étude anatomique de l’oiseau et sa place dans l’évolution – ce qui correspond aux programmes de seconde et de terminale. Il y a la génétique : on pourra opérer des croisements pour tenter d’obtenir de meilleurs compétiteurs. Et puis étudier la façon dont ils s’orientent. » Pour Damien Langlet, prof d’histoire-géographie et respon-sable du projet, le pigeonnier est « un point de départ » pour

Les pigeons de Michel Fontaine vont aussi servir de support pour trois matières enseignées au lycée : l’histoire-géographie, les mathématiques et les SVT.

Le lycée de Douai, ouvert en septembre 2010, accueille 112 élèves. Pour Soulaiman (page de gauche) comme pour la

majorité des lycéens, ce projet autour du pigeon est une première.

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évoquer la Première Guerre mondiale – « avec ses pigeons décorés pour leur rôle entre le front et les QG des états-majors » – et travailler sur « l’espace de vie » d’une région « où le pigeonnier est ancré dans la culture ».

Le trio souligne à quel point le cadre de cet internat « propice à l’épanouissement des compétences » et l’ouver-ture d’esprit du chef d’établissement et de son équipe ont favorisé cette aventure. « Ce pigeonnier est un projet un peu à part, explique ce dernier, le proviseur Jacques Ory, parce qu’il est parti de la passion de quelqu’un. » Ce quelqu’un, c’est Michel Fontaine, agent de service, ancien artisan élec-tricien et « coulonneux » depuis l’âge de 13 ans – une pas-sion transmise par son oncle et son grand-père, « mineurs à la fosse 18 de Hulluch » (Pas-de-Calais). Michel anime donc l’atelier, qu’il a baptisé « Les ailes excellence », le nom sous lequel iront concourir les pigeons quand ils auront le bon âge et l’entraînement requis. « D’ici mai, les premiers auront un an et pourront commencer les concours, explique-t-il. Un

bon colombophile doit savoir être patient. » D’évidence, l’homme parvient à transmettre aux gamins son « amour du pigeon » et son goût des courses. Dylan et Thony, élèves de seconde, veulent poursuivre jusqu’en terminale pour voir évoluer les oiseaux, dont seuls quelques-uns ont été bap-tisés : Tornado, un tout noir, Neige, une toute blanche, ou M, comme le chanteur, parce qu’il était revenu les plumes tout ébouriffées après s’être perdu durant deux jours. Soulai-man, 16 ans, en première S, a déjà tout retenu des tactiques de courses, comme celle dite « du veuvage », qui consiste à séparer le pigeon mâle de sa compagne pour l’inciter à regagner au plus vite son bercail. D’ici là, ils vont étudier la reproduction, voir éclore les œufs, visiter un grand centre d’élevage et marché mondial du pigeon en Belgique, opé-rer leurs premiers lâchers… Avec en tête la course phare, le marathon depuis Barcelone, en Espagne, soit, jusqu’à leur pigeonnier de Douai, une distance de « 996 kilomètres et 517 mètres » calculés par GPS. « À vol d’oiseau, bien sûr ! »

Lors de la première session du projet, en novembre 2014, Michel Fontaine a appris aux lycéens à tenir un pigeon en main pour qu’il ne s’envole pas. Une leçon bien retenue par Marc-Hugo et Anthony (ci-dessus).

Les Internats de la réussiteInitiés en 2008 par le ministère de l’Éducation nationale pour promouvoir l’égalité des chances, les Internats de la réussite (ex-Internats d’excellence) sont au nombre de 45 en France. Ce projet éducatif est soutenu depuis sa création par la Fondation Égalité des chances *, créée avec l’impulsion du ministère de l’Éducation nationale pour réunir des fonds privés nécessaires aux ambitions d’ouverture de ce programme. Carole Diamant, sa déléguée, est professeure de philosophie. Elle est engagée depuis toujours dans l’accès au savoir pour tous. Pour elle, ce genre d’internat prouve que « les gamins des quartiers, à condition qu’on leur donne les moyens, sont aussi aptes à réussir que les autres, si ce n’est plus car ils sont très motivés et ont envie de prouver de quoi ils sont capables, loin des clichés ». De nombreux projets pédagogiques en lien avec la société sont menés dans ce type d’établissement. Douai, par exemple, a décidé, dans la rédaction de son projet d’établissement, de mettre en place un large partenariat avec les tribunaux de la ville, s’articulant autour d’une série d’activités particulières en lien avec la justice. L’Œil de la Fondation en a rendu compte à travers un film visible sur son site. SB

* Elle est notamment accompagnée par la Fondation HSBC.

L’atelier sur le pigeonnier se poursuit en cours, comme ici avec Damien Langlet (ci-dessous), professeur d’histoire-géo et responsable pédagogique de ce projet.

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des rapports hommes-femmes. Présentée à l’occasion de la semaine de l’égalité, elle a été écrite au troisième trimestre de l’année précédente par les 4e Segpa, désormais en 3e. Sept de ces adolescents se sont portés volontaires pour interpréter la création de toute la classe. L’idée est d’apporter à leurs cadets matière à réflexion, afin qu’à leur tour ils écri-vent sur le sujet et inventent leurs sketchs. Warren finit par

D’un côté de la scène trois filles, de l’autre quatre gar-çons dont l’un particulièrement agité. Élève en 3e Segpa * au collège Édouard-Vaillant de Saint-Martin-d’Hères, dans l’Isère, Warren a 15 ans. Ce 14 octobre 2014, le fort en gueule a le trac. « Je ne le fais pas, je ne veux pas jouer devant des gens que je ne connais pas. » Dehors, la classe de 4e Segpa attend d’assister à une succession de saynètes sur le thème

Dans le petit auditorium du collège, Alicia est la première à s’installer (page de gauche). Élève en 3e Segpa,

elle joue la fiancée de Warren. Il veut l’épouser. Dans la deuxième scène, la fiancée est alors interprétée

par Fatima (ci-dessus, à droite). Elle converse avec sa mère, jouée par Kaltarina.

Accompagnés par une compagnie de théâtre, des élèves du collège Édouard-Vaillant à Saint-Martin-d’Hères (38) réfléchissent, écrivent et jouent autour du thème de l’égalité des sexes.

Contre les stéréotypes

Reportage Texte Myriam Léon Photographies Patrice Terraz

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accepter de tenir son engagement, mais réclame une der-nière répétition avant l’entrée du public. Malgré ses quatre séances de travail, il se sent encore fragile.

« Ce projet a commencé dans l’urgence, reconnaît Anne-Cécile Maron, la principale du collège. En rentrant des vacances de Pâques [en 2014, ndlr], nous avons obtenu un budget pour sensibiliser les élèves de 4e à l’égalité filles-gar-çons. » L’équipe pédagogique fait alors le pari d’aller au-delà du classique spectacle-débat. « Avec l’appui de la compa-gnie du Théâtre du Réel, qui anime un atelier hebdomadaire au collège, nous avons voulu que les jeunes s’emparent du sujet. » En avril 2014, l’ensemble des élèves de 4e assiste donc à un montage d’extraits du spectacle qui traite de la question de la domination masculine. Puis, encadrés par des artistes, des conseillères conjugales et familiales, des professeurs, ils ont débattu, improvisé, écrit sur ce thème. Les 4e généralistes ont choisi l’option comique en caricatu-rant les scènes de la pièce. La 4e Segpa décide de traiter du mariage à travers quatre saynètes présentées aujourd’hui. Un jeune homme veut épouser une jeune fille. Elle en parle à sa mère, qui lui conseille d’aller demander l’autorisation à son père. Lequel, vautré devant sa télévision, refuse car le prétendant n’a ni métier ni foyer.

Après la représentation, le débat est lancé. Pensez-vous que pour se marier il faille forcément avoir un salaire ? Est-il normal que ce soit le père qui décide ? Si la plupart des élèves ont du mal à s’exprimer, certains osent. « Il faut de l’argent pour se marier, parce que la cérémonie coûte cher. » « Une femme ne doit pas travailler, c’est donc le mari qui ramène l’argent. » « Ils n’ont qu’à s’enfuir sans demander l’avis des parents. » Françoise Antonoff, la conseillère conju-gale et familiale au centre de planification qui intervient au collège, se saisit de cette réplique pour poser une question : « À quel âge pensez-vous qu’il est légal de se marier ? » Beau-coup répondent 14 ans et ne comprennent pas l’ingérence

Après la représentation des quatre scènes, le débat est lancé par la principale du collège Édouard-Vaillant à Saint-Martin-d’Hères. Pensez-vous que pour se marier il faille forcément avoir un salaire ? Est-il normal que ce soit le père qui décide ?

Ulparioribus consequ atatus volum aut am ipsaepresse seruptus magnam, voluptaturio ventiume reptam alitassum, optasped molorrum lab iur, con perferum et elique num quis dollantint voluptia et erumquaepra sam fugit .

La mère, alias Kaltarina, parle du projet du mariage de sa fille à son mari, alias Lorenzo. Lequel refuse, prétextant que le prétendant n’a ni travail ni foyer.

Durant le débat, les scolaires échangent avec Yves Doncque, le directeur artistique de la compagnie du Théâtre du Réel

qui a coaché les jeunes comédiens. Intervient égalementFrançoise Antonoff, conseillère conjugale et familiale.

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Reste à trouver le temps dans le cadre scolaire pour approfondir ce thème aussi complexe que fondamen-tal. « C’est une nécessité par rapport aux questions qu’ils se posent, constate Véronique Perroux, la professeure de musique qui a accompagné les Segpa dans leur réflexion. Pour nous, c’est aussi une manière d’enseigner autrement. Après ce premier jet réalisé dans l’urgence, nous allons pou-voir organiser des temps dédiés en atelier théâtre mais aussi en français, en musique. » Grâce à l’aide de la Fondation HSBC pour l’Éducation, le thème de l’égalité filles-garçons va pouvoir être creusé tout au long de l’année scolaire. Le premier trimestre est consacré à la sensibilisation, le deu-xième à la réflexion et à l’écriture, le troisième à la mise en scène. « Sur le principe, les jeunes parlent aux jeunes, ils déterminent comment aborder le sujet, explique Françoise Antonoff. Ça nous facilite beaucoup le travail ! »* Sections d’enseignement général et professionnel adapté.

de la législation dans ce domaine. La conseillère les informe qu’une dérogation délivrée par la justice peut être accordée aux mineurs. Que l’objectif est d’éviter les mariages forcés.

« La première difficulté est de leur faire prendre la parole, explique Yves Doncque, directeur artistique du Théâtre du Réel. Heureusement, en Segpa, les filles ont du répondant, elles ont permis le débat, et les gars ont souvent dû revoir leurs positions. Autre problème, au début les filles et les gar-çons refusaient de jouer ensemble. Les garçons préféraient jouer entre eux, se travestir en femmes plutôt que de dire “je t’aime” à une camarade. » L’expérience démontre immédia-tement l’intérêt d’aborder cette thématique. « 65 % de nos élèves sont issus de familles défavorisées, précise la princi-pale. De ce fait, la prise de recul est moins facile, ils subissent les opinions des autres et croient devoir se conformer à des clichés. C’est l’âge où ils cherchent leur place, c’est notre rôle de les armer pour la trouver. »

Le jeune homme (joué ici par Saïfeddine) rencontre le père. Enfoncé dans un fauteuil virtuel, absorbé par un écran de télé tout aussi symbolique, il ne veut rien entendre. Au grand désespoir de la fille et de la mère, censées attendre la décision finale dans la cuisine. Pour la principale du collège, Anne-Cécile Maron (page de droite, en haut), ce genre d’initiative permet à ces jeunes, très traditionnels en général sur la question de l’égalité entre les sexes, de prendre un peu de recul. Le thème sera toute l’année approfondi en cours afin que les mentalités changent peut-être un peu.

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« Faites comme moi : enlevez votre blouson, votre cas-quette, et éteignez vos téléphones portables. Puis sortez un cahier et un crayon », demande avec fermeté Cyril Achard à la quinzaine d’adolescents qui l’entourent. Debout, au milieu des tables qui forment un cercle autour de lui, ce profes-seur d‘histoire-géographie s’adresse avec l’énergie d’un lutteur à ces garçons et ces quelques filles presque tous habillés en survêtement. Depuis trois ans, il fait un pari : que ces élèves en voie de décrochage scolaire renouent avec l’école. Aujourd’hui, pour ce premier atelier de l’année, l’en-jeu consiste à les mobiliser et leur donner envie de rester. Pour cela, il commence par les compliments : « On n’a pas entendu parler de vous depuis le début de l’année, je suis très satisfait : cela veut dire que ce que l’on a mis en place fonctionne. » Puis il édicte les nouvelles règles, plus strictes que l’année passée : « C’est simple : si ça t’intéresse, tu viens. Si ça ne t’intéresse pas, tu pars. Si ça se passe mal

ou que tu arrives avec dix minutes de retard, tu sors. » Un silence accueille ces paroles, le brouhaha ambiant cesse l’espace d’un instant. « Notre but est que vous retrouviez les outils essentiels de l’élève : le papier et le crayon. Vous allez faire une dictée pédagogique sur le thème de la décep-tion. » La classe s’agite, les élèves s’invectivent, mais bien-tôt le calme revient pour accueillir la première phrase d’une poésie de Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) : « Il est des maux sans noms / dont la morne amertume / change en affreuses nuits les jours qu’elle consume… »

Ces « ateliers cinéma » entament leur quatrième année. Nuance, on ne projette pas ici de films, on n’y apprend pas non plus à en fabriquer. Ils portent ce nom parce que chaque année un ou deux réalisateurs filment dif-férentes sessions pour en tirer un documentaire. En juin, il sera projeté au cinéma L’Étoile, à La Courneuve, en pré-sence des familles.

Comme les autres participants des ateliers cinéma, Médhi, élève de 4e, s’est prêté à la mise en scène de la plasticienne Cathy Achard. Après avoir dessiné ce que lui inspirait le mot « déception », il s’est posé sur un tabouret, les yeux fermés, face à l’objectif de l’artiste.

Cyril Achard, professeur d’histoire-géographie au collège Jean-Vilar à La Courneuve (93), se bat contre le décrochage scolaire en invitant des artistes à travailler avec les élèves. La revue a suivi la première session de ces ateliers basés sur la pédagogie du détour.

« Sortez un cahier et un crayon »

Reportage Texte Juliette Outezg Photographies Mat Jacob/Tendance Floue

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Ce dispositif expérimental est basé sur le principe de la pédagogie du détour. Il vise à donner à des élèves de la 6e à la 3e le sens de l’école en les initiant aux plaisirs de l’art et de la culture. Beaucoup sont des élèves « difficiles », pertur-bateurs dans les classes, régulièrement absents, en grande difficulté scolaire et très souvent en butte à l’illettrisme. Deux heures par semaine, rassemblés en petits groupes, ces volontaires se retrouvent pour ces cours particuliers en compagnie d’un ou deux enseignants et d’intervenants exté-rieurs.

Lorsque Cyril Achard est arrivé dans l’établissement, il y a dix ans, seul un module de soutien scolaire existait pour

ce type d’élèves. « Ici, la première passion c’est le foot et la deuxième la télé. Lorsqu’on va dans ces familles, on cherche l’école à travers des livres ou des cahiers, mais on ne la trouve pas. Faire venir différents artistes dans l’école per-met de décomplexer les élèves et de passer par le jeu pour revenir à la notion d’apprentissage. » L’an dernier, c’est une photographe et un metteur en scène, notamment, qui sont intervenus. Depuis octobre, une plasticienne, Cathy Achard (la sœur de Cyril, ndlr) est présente. Elle attend d’ailleurs la fin de la dictée pour entrer en scène. L’auteur Jacques Jouet la rejoindra dans l’année pour faire des jeux d’écriture, ainsi qu’une photographe qui ambitionne de réaliser des portraits

« Faire venir différents artistes dans l’école permet de décomplexer les élèves et de passer par le jeu pour revenir à la notion d’apprentissage. » Cyril Achard

Cyril Achard, professeur d’histoire-géographie au collège Jean-Vilar, à La Courneuve, est l’instigateur de ce dispositif expérimental qui fait appel à la pédagogie du détour.

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d’élèves dans leur famille. À la fin de l’année, l’ensemble du travail sera exposé au centre culturel Jean-Houdremont de La Courneuve.

Les élèves peuvent participer à l’atelier plusieurs années de suite, comme l’a fait Bisong, 16 ans : il est à pré-sent au lycée mais a souhaité revenir au collège pour suivre l’atelier. « Lorsqu’il est arrivé, il ne savait pas écrire du tout. Aujourd’hui il a réussi à faire sa dictée, même s’il y a des fautes », souligne Cyril Achard, qui savoure la présence de ce lycéen comme une petite victoire. Cathy prend alors la parole tout en distribuant à chacun du matériel de dessin. La consigne est de représenter la déception. Les collégiens s’affairent dans une ambiance dissipée avec les craies, les

pastels et les crayons de couleur. La plasticienne passe der-rière chacun avec un mot d’encouragement : « Ça va aller, tu vas voir. Je suis sûre que tu le peux. » Elle leur demande aussi d’écrire l’émotion qui les traverse et d’ajouter un sym-bole. On peut y lire, entre des bandes, des traits ou des aplats de couleur, « Rien », « Défaite », « Triste », « Amour », « Déception »… Kevin, 14 ans, en 4e, a juste inscrit « Haine » accompagné d’un smiley. À la fin de la séance, l’artiste les fait poser assis sur une chaise devant un fond blanc. Elle les photographie, les yeux fermés. Tous se prêtent à l’exercice, portant en étendard leur message du jour. La matinée touche à sa fin. Rendez-vous est donné la semaine prochaine pour une nouvelle séance.

En juin 2015, le documentaire sur les ateliers sera projeté au cinéma municipal L’Étoile en présence des familles. Au même moment, l’ensemble du travail effectué par les élèves avec les artistes tout au long de l’année sera exposé au centre culturel Jean-Houdremont, aussi à La Courneuve.

Cathy Achard est artiste plasticienne. Son intervention dans les ateliers permet à ces collégiens, en proie à de grandes difficultés scolaires, de renouer avec l’école par le jeu, la pratique artistique, la participation active.

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Vingt élèves de 3e ont quitté les quartiers Nord de Marseille (13) pour s’installer dans le Vercors le temps d’une résidence d’écriture. Un film et une représentation au Théâtre de la Cité témoignent de cette expérience inédite.

Vercors, notre histoire

Reportage Texte Myriam Léon Photographies Jean-Marie Huron

Atelier d’écriture

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Sur la scène du Théâtre de la Cité, Abdoulkarim, Gaël, Sofiane, Naiel, Tony et Jordane saluent le public.

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« Je me sens libre, en dehors de mon quartier où je dois toujours faire attention à quelque chose. Dans la ville, je suis aux aguets. Je suis enfermé entre la sécurité et le danger… Avec les feux et les passages inscrits au sol, les panneaux et les accidents… Changer de paysage, c’est changer d’air en se sentant plus ouvert à la nature. Ici je me sens libre. Ici le stylo glisse plus facilement et l’encre coule plus rapi-dement. » Devant le public du Théâtre de la Cité, ce 11 juin au soir, Gaël Issouf, fier, droit, beau, envoie son texte. Avec lui, cinq autres adolescents ont trouvé le cran de sortir des quartiers Nord pour venir monter sur scène. Ses mots sont nés lors d‘un atelier d’écriture dans un petit village du Vercors (Isère), à 1 200 mètres d’altitude, au milieu de nulle part.

Tout a commencé en 2012 au sein du collège Henri-Wallon (14e arr.). Un professeur d’histoire, Fayçal Benzine, par ailleurs comédien amateur au Théâtre de la Cité, a l’idée de mettre en place des ateliers d’écriture et de mise en scène au sein de son établissement. Julie Villeneuve, comé-dienne, metteuse en scène et écrivaine, le soutient dans son projet. Des collégiens adhèrent. On slame, on déclame, on s’exclame en toute liberté. Mais l’initiative laisse au bout

d’une première année scolaire un sentiment d’insatisfaction. « Nous voulions que ce travail décolle, explique Florence Llo-ret, réalisatrice et co-directrice du Théâtre de la Cité. Alors nous avons cherché un espace où les artistes, les élèves et les professeurs puissent vivre une aventure commune. Pour fabriquer avec des adolescents, il faut les nourrir, leur donner de la littérature, des sensations, des paysages. Il faut sortir de l’endroit où on vit pour prendre conscience qu’il

nous modèle. » Vingt élèves de 3e quittent alors leur univers de béton pour se retrouver à Gresse-en-Vercors, au pied du Grand Veymont. « On voulait un ailleurs silencieux, avec des arbres et des reliefs, explique Fayçal. J’ai fait le lien avec le programme en évoquant la résistance dans le Vercors. Ce gîte où les téléphones ne captaient pas, où il n’y avait ni Internet ni télévision, c’était l’endroit idéal pour enseigner

Fayçal Benzine, professeur d’histoire au collège Henri-Wallon (14e arr.), est à l’origine du projet. En 2012, il a mis en place des ateliers d’écriture et de mise en scène au sein de son établissement avec le soutien de Julie Villeneuve, comédienne, metteuse en scène et écrivaine.

Avant la représentation, la co-directrice du théâtre, Florence Lloret (premier plan) et Julie Villeneuve, comédienne et metteuse en scène (deuxième plan), donnent les dernières indications aux jeunes comédiens.

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e « Ici je me sens libre. Ici le stylo glisse plus facilement et l’encre coule plus rapidement. » Gaël Issouf

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autrement. » Cofinancée par la Fondation HSBC pour l’Édu-cation, la résidence s’est déroulée sur deux semaines, une en octobre 2013, l’autre en janvier 2014. Si les jeunes ima-ginaient des vacances où ils allaient se la couler douce, le voyage a été tout autre. Accompagnés par six adultes, ils ont appris à vivre ensemble, à partager les tâches ménagères, à s’adapter à une autre ambiance familiale. Ils ont marché, réfléchi, rampé dans la campagne comme des résistants. Mais ils ont surtout écrit, lu, dansé, répété devant les autres.

Loin de leur établissement classé « ambition réussite », ils ont exploré leurs limites, sans échec cette fois. « Cette piste de ski que j’observe au loin me fait glisser dans mes pensées, pourtant je ne sais pas skier. » Tony Shamassi, 15 ans, résume ainsi cette situation où la puissance de la relation au paysage et à l’histoire devient moteur de la créa-tion. Abdoulkarim Mohamed n’aime toujours pas écrire, mais « aime bien » ce qu’il a écrit. Loin de sa tour, il s’est autorisé la poésie : « La part manquante de la neige est la couleur. » Julie Villeneuve a su les décomplexer. Elle leur a lu des poètes qui déstructurent la langue. Raconté que Proust, Balzac, Cocteau faisaient des fautes d’orthographe. Démon-tré que l’erreur, le lapsus ou le néologisme contiennent du sens. « Sortir de leur lieu de vie a facilité l’exercice. Quelque chose a changé avec le groupe, d’autres liens se sont tissés.

Ça leur a permis de s’émerveiller, de retrouver une curiosité enfantine. Les carapaces sociales sont tombées. » Toutes les séances commencent par une lecture. Puis, la comé-dienne lance une piste. « Qu’est-ce qui te donne la force de vivre ? » L’objectif est de ne pas chercher la maîtrise, le beau, mais de dire ce que l’on ressent au fond de soi sans arriver à l’exprimer.

Après une demi-heure, les textes écrits, pondus sur le fil, sont lus. Il règne dans ces résidences un esprit de perfor-mance. Puis, le groupe repart sur une nouvelle piste. « J’ai été émue de voir quelque chose naître chez certains d’entre eux. Ils découvraient qu’ils avaient un monde, des mots qui touchaient les autres. J’ai été étonnée par la singularité des chemins qu’emprunte chacun pour s’exprimer. J’ai assisté à la rencontre d’Abdoulkarim avec les livres, il y cherchait les mots qui lui permettraient de s’exprimer. J’ai vu Tony avide d’écriture, il ouvre un robinet et quand c’est fini, il lui faut vite une autre piste. Tous ont écrit au moins un texte éblouissant », raconte Julie.

Pour garder une trace de cette expérience, Florence Lloret a tout filmé. « Au Théâtre de la Cité, nous aimons faire récit des projets que l’on mène. Ici, l’originalité c‘est que nous ne voulons pas à tout prix monter un spectacle de fin d’année. » À la place, cette résidence est restituée

Les textes ont été écrits dans le Vercors. Une sélection est lue par six collégiens volontaires. Michel André, le co-directeur du théâtre, leur enseigne comment mouvoir leur corps, parfaire leur diction, évoluer devant le public.

lors d’une séance de cinéma suivie d’une lecture. Pendant quatre-vingts minutes, Vercors, notre histoire1 permet de partager ce moment où les phrases sont nées, où les professeurs sortent de leurs habits d’enseignants, où les gamins entrent dans la peau de leurs ancêtres…

Six d’entre eux ont décidé d’aller plus loin et d’inter-préter sur scène une sélection de textes. Ces volontaires prennent sur leur temps pour travailler leur diction, leur posture, leur concentration. Michel André (co-directeur du théâtre) les confronte à leurs corps d’adolescents dégin-gandés, leur peur de regarder dans les yeux, leur difficulté à faire groupe. Bousculés, ils tiennent, progressent. Le soir de la représentation, ils assurent et bluffent le public. « J’aimerais qu’ils en tirent de la confiance en soi, raconte Anne-France Claeyman, la professeure de français qui a

accompagné avec Fayçal les élèves dans leur atelier. Au col-lège, ils sont bloqués à l’oral. Ils se sentent jugés, alors que là ils sont portés par leur beauté, leur qualité. » Sofiane Tra-belsi ne parvient pas à définir cette expérience, mais il sait qu’elle lui a fait du bien. « Julie m’a poussé, même quand je n’en avais pas envie. J’ai été surpris d’écrire ces textes, vu que je ne parle presque jamais ; je préfère lire, parce que l’écriture c’est lent. Sur scène je suis à l’aise, alors que je suis timide dans la vie. J’aimerais poursuivre cette expé-rience, elle m’a montré que j’avais des capacités même si je n’arrive pas à travailler à l’école. »

(1) Vercors, notre histoire, réalisé par Florence Lloret. Sortie en automne 2014 du DVD, accompagné d’un recueil des textes des vingt élèves. Infos sur www.maisondetheatre.com

« Sur scène je suis à l’aise, alors que je suis timide dans la vie. J’aimerais poursuivre cette expérience, elle m’a montré que j’avais des capacités même si je n’arrive pas à travailler à l’école. » Sofiane Trabelsi

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En décembre dernier, deux classes de collégiens de Grigny (91) se sont rendues à l’Institut du monde arabe à Paris pour une exposition sur « l’or bleu ». Une visite riche en enseignement et en découverte...

Histoires d’eau

Reportage Texte David Fez Photographies Bertrand Desprez

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Il pleut à verse. Une pluie glacée qui n’incite pas la cohorte d’adolescents à rester sur le parvis de l’Institut du monde arabe (IMA). À toute vitesse, les deux classes de 4e et de 3e du collège Jean-Vilar de Grigny (Essonne) s’en-gouffrent dans le magnifique espace dessiné par l’architecte Jean Nouvel, provoquant un vent de panique dans le sas de sécurité. Deux professeurs et deux assistants pédagogiques accompagnent leurs élèves, trempés jusqu’aux os, pour une visite de l’exposition « L’or bleu dans le monde arabe ». Durant près de deux heures, ils vont découvrir de nombreux objets liés à l’utilisation millénaire de l’eau et parler de cette ressource essentielle mais limitée… Réchauffement clima-tique, industrialisation, agriculture intensive, accroissement de la population, urbanisation galopante vont de pair avec une raréfaction de l’eau, source de vie, mais aussi de mala-dies et de conflits.

Aurélie Berger-Ammari, professeure de français des 4e, y voit une façon de prolonger les cours en classe aussi bien en géographie et en éducation civique que dans sa matière. Elle confie travailler sur une poésie avec ses élèves, qui ont déjà visité en octobre dernier dans leur CDI une exposition

autour de ce thème. Manifestation organisée par l’IMA avec le soutien de la Fondation HSBC*. Pour Fériel Saadi, en charge du projet à l’Institut, cette collaboration avec le collège a pour but de développer chez les collégiens une conscience et une attitude éco-citoyennes. Des ateliers ont suivi jusqu’à cette visite aujourd’hui, menée à la veille du départ en vacances de Noël. Beaucoup ont déjà la tête dans les cadeaux, et les professeurs, comme les deux conférenciers de l’IMA, les rappellent gentiment et fermement à l’ordre.

Comme la pluie s’est interrompue, on décide de grim-per sur la terrasse panoramique. Paris est au pied de ces ados de banlieue pour qui la capitale, si proche pourtant, reste une destination exceptionnelle. On reconnaît plus facilement Beaubourg que « Notre-Dame de je ne sais pas quoi ». Les professeurs en profitent pour égrener les diffé-rents monuments de Paris. Lætitia Lafond, une collaboratrice HSBC (conseillère entreprises à l’agence Paris Mathurin) se prête également au jeu. « On a reçu un mail de la Fondation nous proposant d’accompagner les deux classes. Étudiante, j’étais engagée dans une association de soutien scolaire. Je n’ai plus le temps de m’impliquer dans un projet à long

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terme, mais je suis partante pour des opérations ponctuelles comme celle-ci. » Même refrain du côté d’un autre collabo-rateur du groupe, Sylvain Bernard, chargé d’animation et du développement du réseau, qui a déjà participé dans le passé à une action avec l’ONF, partenaire dans le Programme eau HSBC en France.

Alors que le ciel se gonfle à nouveau de nuages gris, le groupe entreprend de se mettre à l’abri. « On redescend en silence, s’il vous plaît », demande Annie Suret, la confé-rencière chargée de la classe de 4e. Des cris fusent, non pas en réponse à cette invitation, mais en réaction à la lec-ture de la carte du menu du restaurant gastronomique de l’Institut. « La bouteille d’eau d’Évian à 8 euros, c’est des ouf ici ! » L’or bleu est cher ! La transition est idéale pour aborder le sujet du jour. En premier lieu, Annie Suret rap-pelle que notre corps est constitué de 80 % de ce liquide vital. Comme notre Terre d’ailleurs, surnommée d’une seule voix par les 4e « la planète bleue ». La conférencière pour-suit sa visite en évoquant l’islam, le prophète, la prière. Un magnifique tapis protégé par une vitrine lui permet de faire la liaison avec l’eau. « Avant la prière, on doit faire… ses

Sur le toit-terrasse de l’Institut du monde arabe, les adolescents de Grigny découvrent tout Paris.

La classe de 4e du collège Jean-Vilar de Grigny est prise en charge par Annie Suret. Durant deux heures, cette conférencière à l’IMA a commenté l’exposition « L’or bleu dans le monde arabe ».

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Réchauffement climatique, urbanisation, agriculture intensive vont de pair avec une raréfaction de l’eau, source de vie, mais aussi de maladies et de conflits.

devant des livres, des cartes, des vases, des poteries, des sculptures merveilleusement conservés. Dans les rangs, on commence à avoir faim. Nordine, « le rigolo de la classe », se fait remarquer par ses apartés bruyants. Pour calmer un peu leur impatience, les adultes décident de leur faire prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur afin de rejoindre la salle de conférence du sous-sol. Les deux classes sont rassem-blées pour une présentation en images de l’eau aujourd’hui. Ses multiples usages sont évoqués : domestique, agricole, hygiénique, industriel, touristique. Le scandale dénoncé par Élodie Roblain, en charge à l’IMA du travail éducatif, concer-nant le gaspillage dû aux nombreux parcours de golf dans les pays du Golfe, en Tunisie et au Maroc, laisse les élèves

un rien dubitatifs. Ils se montrent plus intéressés à l’évo-cation des réservoirs, oasis et aqueducs, ou des barrages produisant de l’électricité. Mamadou est encore celui qui a réponse à tout.

Les professeurs leur distribuent des grandes feuilles de documentation et des photos qu’ils devront coller en groupe. Ça souffle dans les rangs. « C’est normal qu’ils soient un peu crevés à cette heure. Mais ils apprécient vraiment ces sor-ties culturelles. Beaucoup d’enfants, de confession musul-mane, ne connaissent pas bien la culture arabe et l’histoire de l’islam. Ici, on va au-delà des connaissances superficielles et traditionnelles. Et le fait que cette part de leur histoire leur soit consacrée dans un musée est très valorisant », explique Aurélie Berger-Ammari, la professeure de français. Il est un peu plus de midi. Les deux classes s’extirpent de l’IMA pour rejoindre leur bus pour Grigny et un sandwich bien mérité. Il fait beau désormais sur Paris.

* Le partenariat soutenu par la Fondation, entre l’IMA et le collège, s’est poursuivi en 2014 autour de l’exposition « Ville arabe, ville durable ».

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ablutions. L’eau sert aussi à purifier. » Les élèves opinent du chef. « Dans les religions juives et chrétiennes, l’eau tient aussi ce rôle purificateur. » À quelques mètres du groupe des 4e, la conférencière des 3e, Marie-Georges Nida, s’arrête devant une jarre inclinée. Elle est en terre, vierge de toute décoration, faite à la main. « À quoi sert-elle ? Je vous donne un indice, elle est poreuse. » Silence dans les rangs jusqu’à ce que Mamadou, chemise et pantalon noirs, ose lever un doigt timide. « Elle sert à filtrer l’eau. » « Bravo ! » Le jeune garçon de 14 ans vient de justifier son statut de bon élève sous les yeux de sa professeure. « Dans les pays chauds comme ceux du monde arabe, le problème est de trouver de l’eau potable », explique la conférencière. « Les riches se procuraient ce type de jarre pour leur consommation per-sonnelle. Depuis longtemps, les hommes savent qu’une eau impure peut être dangereuse pour eux. C’est pour cette rai-son qu’on boit aussi dans les pays arabes beaucoup de… » À l’unisson, « thé » est proclamé.

On passe dans la partie hammam. Tout le monde connaît mais peu savent que cette salle de bains antique est le prolongement des thermes romains. On passe encore

Lætitia Lafond (ci-dessus), une collaboratrice HSBC, était présente pour accompagner bénévolement les collégiens de Jean-Vilar. Un autre collaborateur, Sylvain Bernard, avait également souhaité s’impliquer dans cette visite.

Après la visite de l’exposition sur « l’or bleu », les deux classes se retrouvent dans l’auditorium avec Élodie Roblain, chargée du travail éducatif à l’IMA.

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« On apprend toujours les uns des autres »La Fondation HSBC pour l’Éducation encourage depuis sa création le parrainage de jeunes, lycéens ou étudiants, issus de milieux modestes. Deux collaborateurs du groupe nous racontent les raisons de leur implication.

Tutorat

Rencontre Propos recueillis par Stéphane Brasca Photographies Grégoire Korganow

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Jalil Berrada, 55 ans, Global Head of Master Data Management chez Software Delivery, parraine Amré Abouali.

Pour quelles raisons avez-vous parrainé un étudiant ?

J’ai eu pas mal de chance dans ma vie, c’est normal de rendre cette chance qu’on m’a donnée à des personnes qui sont talentueuses, méri-tantes, mais n’ont pas toutes les clés pour accé-der à la réussite à laquelle elles ont droit. Quand la Fondation m’a proposé de parrainer un étudiant via l’association Frateli, j’ai donc tout de suite accepté. J’ai déjà parrainé une filleule avec cette association, dont je suis membre depuis quatre

ans. Je trouve aussi très bien que notre entreprise s’engage concrètement pour une société plus di-verse et plus juste.

Quelle définition donnez-vous du parrain ?Il est un accompagnateur, un conseiller qui

permet de bien se préparer dans ses études et son orientation professionnelle. Je ne lui impose rien, bien entendu, je ne fais que l’aider. Sans re-pères, même un bon élève peut faire de mauvais choix. Amré Abouali est au lycée Charlemagne en maths spé. C’est un garçon d’origine égyptienne, que j’ai rencontré une fois pour l’instant. Il était en pleines révisions au début du parrainage. Je ne voulais pas le déranger, mais il savait qu’il pouvait

à tout moment me téléphoner ou m’envoyer des mails. On a échangé au sujet de l’importance de bien se présenter à l’oral, d’intervenir le plus se-reinement possible, avec une certaine assurance. L’important est de rester disponible pour son fil-leul, surtout dans des moments cruciaux comme la préparation de concours d’écoles d’ingénieurs. Je m'en souviens encore lorsque je préparais les concours de Polytechnique et des Mines. À la dif-férence d’Amré, mon père a été l’un des premiers ingénieurs du Maroc, il m’a donné les bonnes clés pour aborder les concours. C’est plus facile de réussir quand on a dans sa famille ou ses proches de bons exemples à suivre.

Pierre Sorbets, 63 ans, responsable du secteur public à HSBC France, parraine Samia Bertal.

Pour quelles raisons avez-vous parrainé une étudiante ?

En mai 2013, j’ai participé à une rencontre or-ganisée par la Fondation Égalité des chances dans les locaux de l’Internat d’excellence de Port-Royal, avec des parrains et des parrainés potentiels. C’est là que j’ai rencontré Samia. Elle a 19 ans, elle est étudiante en maths spé au lycée Saint-Louis. C’est la première fois que je m’implique de cette façon. Je donne des cours à Sciences Po et à Assas, mais cette situation est bien dif-férente. C’est agréable de faire autre chose que son métier et d’avoir l’impression d’être utile en aidant des personnes moins privilégiées que soi. Cela m’apporte énormément de voir le monde à travers des yeux plus jeunes, plus neufs. Enfin, je crois qu’il est fondamental de participer, en tant qu’entreprise et en tant que citoyen, à améliorer

l’égalité des chances dans notre pays, c’est une question cruciale pour notre avenir commun. Sa-mia et moi nous sommes rencontrés quatre fois seulement car elle était très prise par ses cours, mais le contact a été maintenu par téléphone et par mail. Nous avons discuté de tout, d’études bien sûr, d’orientations professionnelles – je lui ai d’ailleurs fait rencontrer des jeunes femmes collègues ingénieures à la banque –, mais aussi d’actualités, de culture, de politique…

Quelle définition donnez-vous du parrain?Un soutien moral, un accompagnateur, une

personne accessible en permanence, un coach en somme ! Beaucoup de jeunes sont coachés depuis leur plus tendre enfance via leurs parents, les proches, les copains des mêmes milieux, les profs des meilleures écoles. C’est important d’essayer de compenser ce déséquilibre, qui rend d’ailleurs le parcours de Samia encore plus exem-plaire ! En fait de coaching, je lui ai fait part de la

méthode de travail que j’ai élaborée comme étu-diant (HEC, Sciences Po, Ena) puis comme actif. Elle consiste à avoir un minimum d’estime pour soi mais sans complaisance, puis à apprendre à se connaître et se gérer pour bâtir et suivre une discipline de vie. C’est comme pour le sport : pour être prêt le jour J, il faut préalablement avoir trouvé son équilibre : d’abord le chercher, puis l’aménager en fonction de son métabolisme, de ses points forts et faibles. J’ai insisté auprès de Samia sur l’importance – au-delà de l’effort – de se ménager des plages de récupération, de se faire plaisir, donc de préparer positivement ses examens afin d’y arriver à la fois décontracté et totalement mobilisé. Je lui ai aussi rappelé qu’on réussit pour soi, en fonction de ses objectifs, et non de la pression des familles ou du désir de sa-tisfaire leurs ambitions. Samia a eu la gentillesse de me dire que ces conseils lui avaient été utiles, cela fait bien sûr plaisir, surtout venant d’une per-sonne aussi courageuse et dynamique.

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À savoir

L’Institut Télémaque a été créé en 2005, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, pour permettre à des jeunes brillants et motivés, issus de milieux modestes, de réussir leur scolarité, pour promouvoir l’égalité des chances et contribuer à la relance de l’ascenseur social. Pour cela, des parrains venus du monde de l’entreprise (dont HSBC) accompagnent tout au long de l’année leurs filleuls et en profitent pour leur ouvrir de nouveaux champs socioculturels. Ces filleuls bénéficient également d’un référent pédagogique, en l’occurrence un professeur de leur établissement d’origine. L’Institut Télémaque compte 34 entreprises partenaires, 90 établissements scolaires associés, 300 parrains et autant de filleuls. 26 passaient leur bac en juin dernier : 4 ont obtenu la mention très bien, 9 la mention bien, 8 la mention assez bien, et 4 ont été admis sans mention.

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En septembre 2014, Nisrine a fêté ses 16 ans. Un an d’avance pour cette élève de terminale, mais aussi trente points d’avance aux épreuves du bac de juin ! Pourtant, à son arrivée en seconde à Louis-Le-Grand (Paris), le choc fut important. La collégienne du 18e arrondissement découvrait alors un autre monde. Celui de l’élite, de la compétition, d’un emploi du temps surchargé, mais aussi un environnement socioculturel aux antipodes de celui qu’elle avait connu. Ici, on se prépare à poursuivre les meilleurs cursus. Ici, on puise dans sa famille, ses relations, les sources d’identification optimales qui permettent d’envisager en toute confiance un avenir prometteur.

« Au collège, je m’ennuyais un peu », se souvient aujourd’hui Nisrine, qui décrochait d’excellentes notes sans trop forcer. Un paradis perdu tant il a fallu travailler, en cours, à la maison, pendant les vacances, pour suivre le rythme dès la seconde. « Elle ne s’est jamais découragée. Elle a compris très vite comment s’adapter à ce nouvel univers », rappelle avec une pointe de fierté Corinne Leger-Licoine, la directrice chez HSBC de GBAO (Global Banking Agency and Operation) qui la suit depuis trois ans. « Elle a dû beaucoup travailler au début pour se mettre à niveau, pour accepter des notes en dessous de ce qu’elle connaissait. Et une fois pas-sé ce cap en seconde, elle est devenue une élève comme les autres. » La filleule timide et réservée de Corinne avec

le temps a pris plus d’assurance, élargi son cercle d’amis au sein de Louis-Le-Grand. « Nisrine est devenue débrouil-larde, autonome. Elle a moins besoin de moi aujourd’hui pour aller au cinéma ou au théâtre… elle a des copines avec qui sortir », raconte dans un sourire sa marraine. La lycéenne a surtout beaucoup de travail : « C’est chaque année beaucoup plus chargé. » Louis-Le-Grand ne connaît aucune relâche. Durant les vacances, elle suit des stages intensifs ou part en séjour linguistique. « Avec Corinne, on se voit un peu moins mais on continue de déjeuner ensemble une fois tous les mois en moyenne. » Les mails, les coups de fil sont plus rapprochés. « J’ai toujours besoin de son soutien, de ses conseils. C’est une chance de l’avoir à mes côtés, de savoir qu’elle est disponible. En juin, elle m’a invitée à la rejoindre à la banque, où elle devait faire une présentation devant son équipe. J’étais très impressionnée car je ne l’avais jamais vue dans ce rôle, celui de chef de troupe. »

Nisrine s’est rendue aussi quelques fois chez Corinne. Au fil des années, une relation forte, amicale s’est nouée. Même si, précisent encore et toujours l’une et l’autre, une marraine n’est pas un parent de substitution, ni une filleule un enfant en plus. « On s’apprécie beaucoup, chacune enri-chit l’autre avec sa culture, son parcours de vie », avance Corinne. « Au début, je ne comprenais pas pourquoi cette femme qui n’était ni de ma famille ni une proche pouvait

Enrichissement mutuelSuite de notre chronique consacrée à Corinne Leger-Licoine, collaboratrice HSBC et marraine depuis 2012, via l’Institut Télémaque, de Nisrine, lycéenne à Louis-Le-Grand à Paris. L’ado timide d’hier est devenue une jeune fille autonome.

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s’intéresser à moi, à mes études, à mon avenir. Je ne com-prenais pas sa motivation », reconnaît Nisrine. Trois ans après, elle ne se pose plus la question. Très vite, la jeune fille a saisi la dimension humaine dans l’accompagnement d’une personne méritante: lui donner des clés, lui permettre d’élar-gir son horizon, cela de façon totalement désintéressée. La jeune fille s’est rendu compte que le tutorat apportait aussi au tuteur. « Plus tard, si je le peux, j’aimerais aussi accompa-gner un jeune. Je voudrais redonner ce que j’ai reçu. C’est une chance dans ma vie que je souhaite partager. »

Plus tard, Nisrine se voit faire une prépa scientifique pour intégrer une grande école d’ingénieurs. Oubliés les projets de devenir médecin… Profession alors encouragée par ses parents. « Elle fait son chemin personnel, remarque Corinne. C’est important de suivre ses propres rêves, de se projeter dans le futur en fonction de ses seuls désirs. » À la fin de l’année scolaire, le baccalauréat général sanctionnera ses trois années passées au lycée. Nisrine est confiante. Ad-mise à Louis-Le-Grand grâce au dispositif « Les cordées de la réussite » qui réserve quelques places à d’excellents élèves de collèges situés en ZEP, elle a mesuré le chemin parcouru. Elle sait aussi qu’une fois bachelière, le dispositif de l’Institut Télémaque s’achèvera. « Récemment, Nisrine m’a demandé comment on allait faire alors, révèle Corinne. Je lui ai promis qu’avec ou sans dispositif, on continuera ensemble. »

Chronique

Tutorat

Propos recueillis par Stéphane Brasca Photographies Grégoire Korganow

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Comme chaque vendredi, Caroline Baufle vient cher-cher sa fille Valentine à l’institut médico-éducatif (IME) Les Étoiles. La semaine passée dans cet établissement pour enfants et adolescents autistes s’achève. Le temps du week-end chez ses parents s’annonce, à l’instar des vingt-trois autres pensionnaires que compte l’IME d’Étouy géré par l’Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales (Adapei) de l’Oise. Depuis l’ouverture, en 2012, de l’institut, il en va ainsi chaque fin de semaine. Entre les bâtiments réservés aux activités de jour et ceux dédiés à l’internat, la cour arborée se vide. Les chambres de la partie IME où sont rassemblés les enfants de 5 à 12 ans, comme celles de l’IMPro, situées dans leur prolongement et réservées aux 12-20 ans, ont déjà été pré-parées pour leur retour le lundi matin.

Le Coup de cœur 2014 des collaborateurs a récompensé le projet porté par Caroline Baufle, attachée commerciale à l’agence HSBC de Chantilly. Il vise à équiper en tablettes tactiles un établissement pour jeunes autistes dans l’Oise. Un outil qui aide à mieux s’exprimer et communiquer.

Du bout des doigts

Reportage Texte Christine Coste Photographies Bertrand Desprez

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Grâce à la Fondation HSBC pour l’Éducation, les pensionnaires de l’institut médico-éducatif (IME) Les Étoiles ont désormais des tablettes à disposition qui facilitent leur communication avec autrui.

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Valentine, 16 ans et demi, volubile dans ses explications, parle des cours donnés par Audrey Mulon, l’enseignante spé-cialisée de l’Éducation nationale qui vient à mi-temps pour faire classe à une poignée d’entre eux. Elle évoque aussi les courses au supermarché, programmées tous les lun-dis après-midi pour les repas de la semaine, et enchaîne sur les ateliers de boxe et d’équitation qu’elle pratique d’autres après-midi. La conversation court aussi sur les tablettes tac-tiles qui progressivement vont être introduites auprès des pensionnaires de l’IME, qui, à la différence de Valentine, connaissent un déficit de langage et d’autonomie.

« Dès l’ouverture, il en a été question, souligne Sébas-tien Anselme, chef de service de l’établissement Les Étoiles. Depuis plusieurs années, des chercheurs ont observé la rela-

tion positive qu’entretiennent les autistes avec l’ordinateur, outil de communication, d’apprentissage et d’autonomie lar-gement utilisé en Amérique du Nord. » Encore fallait-il pou-voir financer leur achat. « Le fonctionnement de l’Adapei, gestionnaire de cet IME, dépend des financements publics mais également des dons de mécènes », rappelle Sébastien Anselme. Aussi lorsque Caroline Baufle, attachée commer-ciale à l’agence HSBC de Chantilly, a été informée de l’appel à projets interne (lire p. 54) de la Fondation, elle a déposé une candidature et défendu son projet d’achat de ces tablettes.

Le dossier accepté a permis de pourvoir les trois IME de l’Oise, dont celui d’Étouy. Aux Étoiles, Thierry Moulaek, édu-cateur spécialisé, et Mélodie Nodot, en charge de l’adapta-bilité des tablettes, vont peu à peu les introduire tant auprès

Vingt-quatre jeunes autistes, divisés en deux groupes d’âge (5-12 ans et 12-20 ans), fréquentent du lundi au vendredi l’institut. Ce dernier propose des accompagnements pluridisciplinaires permettant la mise en œuvre d’un projet global, éducatif, pédagogique, thérapeutique, social et pré-professionnel. L’internat favorise l’acquisition de l’autonomie des actes de la vie quotidienne et permet à chacun de s’exprimer à son rythme.

« Depuis plusieurs années, des chercheurs ont observé la relation positive qu’entretiennent les autistes avec l’ordinateur, outil largement utilisé en Amérique du Nord. »

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évite les troubles du comportement », explique l’éducateur. Demain sera donc un autre jour, avec ces tablettes chargées d’alléger et de simplifier le quotidien de chacun. Pour l’ins-tant, seulement Vanessa, Abary et Laureleen ont eu une tablette entre les mains. « Pour eux c’est un jeu ; pour nous, éducateurs, c’est un nouvel outil à mettre en place en fonc-tion des besoins de chacun, certains ayant plus de difficultés de motricité que d’autres. Chaque tablette sera à terme per-sonnalisée, et l’appropriation propre à chacun. » Comooty et Habilooty, créées par la société Ezooty basée à Lannion (Côtes-d’Armor), sont les deux applications utilisées ; la première propose une collection d’icônes parlantes ou non et pouvant être enrichies de photos, la seconde permet la construction d’une séquence de gestes à faire les uns après les autres lors d’une activité.

D’ores et déjà, Thierry et Mélodie ont noté la rapidité de Vanessa, Abary et Laureleen, qui ont compris en une seule séance la manipulation qui leur permet d’exprimer leur souhait. Il reste encore à améliorer l’étui de protection de la tablette, d’introduire d’autres pictogrammes, d’autres séquences, de suivre de manière concomitante le compor-tement de ses utilisateurs et ses bienfaits sur la communica-tion, l’apprentissage. L’IME d’Étouy est pilote en la matière. Son personnel comme les parents de ces enfants connaissent ô combien l’importance et l’enjeu de l’écoute, de l’attention, de l’intonation de la voix ou du geste, et le mieux-être ou bien-être apporté par la capacité de pouvoir s’exprimer.

Adapei 6020, rue de la Mare, 60240 LavilletertreTél. : 03 44 49 53 41

« Pour eux c’est un jeu ; pour nous, éducateurs, c’est un nouvel outil à mettre en place en fonction des besoins de chacun, certains ayant plus de difficultés de motricité que d’autres. Chaque tablette sera à terme personnalisée. » Thierry Moulaek

Thierry est l’éducateur spécialisé chargé des tablettes (photo de droite). Elles vont progressivement remplacer les classeurs de la méthode PECS, qui consiste en un échange d’images ou séquences d’images entre les autistes et leurs interlocuteurs.

des petits et des grands qu’auprès des éducateurs ou autres personnels en contact avec les enfants. Ils se substitueront entièrement, dans deux ou trois ans, au système de com-munication reposant sur la méthode PECS, qui consiste en un échange d’images ou séquences d’images entre les autistes et leurs interlocuteurs. Grâce à un classeur composé de pictogrammes visuels correspondant à tel ou tel besoin (« j’ai soif », par exemple), tels sentiment ou impression, telle activité usuelle, d’apprentissage ou de détente, chacun peut s’exprimer. « Le pictogramme leur permet de commu-niquer avec tous leurs interlocuteurs, du lever au coucher, et

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C’est après avoir reçu un mail de la Fondation concernant l’appel à projets interne que Caroline Baufle, attachée commerciale à l’agence de Chantilly (Oise), a décidé de présenter la candidature d’Adapei 60. Cette association, dont elle est membre, gère notamment l’IME Les Étoiles, où vit en semaine sa fille Valentine. « Je me suis dit qu’il fallait tenter le coup. Fournir des tablettes à des jeunes autistes relève de l’éducation, donc entre dans le champ de la Fondation. J’ai préparé très vite, avec les membres de l’association, un dossier. » En février dernier, son projet a été choisi, comme seize autres. Il pourra être soutenu durant trois ans par la Fondation, un engagement dans le temps très appréciable dans l’univers associatif. Cerise sur le gâteau, il a également été élu « Coup de cœur des collaborateurs ». Une récompense qui ravit Caroline et rend très fière sa fille Valentine. C’est la deuxième année que le groupe HSBC soutient financièrement des associations portées par des collaborateurs. Cette sélection est faite par le comité exécutif de la Fondation, présidé par Jean Beunardeau. SB

« J’ai tenté ma chance à l’appel à projets interne. »

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Tous les vendredis, Caroline Baufle vient récupérer sa fille Valentine à l’IME Les Étoiles.

Direction la maison pour un week-end en famille.

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