la révolution surréaliste - n°7, segundo año

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La Révolution surréaliste - N°7, Segundo año

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  • La Rvolutionsurraliste

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • La Rvolution surraliste. 1924-1929.

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  • N 7-

    Deuxime anne 15 Juin 1926LA RVOLUTIONSURRALISTE

    LES DERNIERES CONVERSIONS

    SOMMAIREL'enclume des forces : Antonin Artaud

    Le surralisme et la peinture : Andr Breton.RVES

    Marcel Noll. Michel Leiris.POMES

    :

    Robert Desnos, Philippe Soupault, Paul Eluard,Antonin Artaud, Michel Leiris.

    TEXTES SURRALISTES:

    Louis Aragon. Arp.A la fentre : Paul Eluard.

    Derniers efforts et mort du prvt :Pierre de Massot.

    La dernire nuit du condamn mort :Benjamin Pret.

    Le Pont de la mort : Ren Crevel.CHRONIQUES :

    L'opportunisme impuissant : Marcel FourrierLibert, libert chrie : Maxime Alexandre.

    Protestation : L. Aragon, A. Breton,Georgia : Louis Aragon.Correspondance. Notes.ILLUSTRATIONS :

    Arp, Giorgio de Chirico, Georges Malkine,Andr Masson, Picasso, Man Ray, Pierre Roy,

    Dd Sunbeam, Yves Tanguy, etc.

    ADMINISTRATION: 42, Rue Fontaine, PARIS (IX

  • LA REVOLUTION SURRALISTEDirecteur :

    Andr BRETON42, Rue Fontaine, PARIS (IX') Tl. Trudaine 38-18

  • Alan Ha)

    L'ENCLUME DES FORCES

    Ce fleuve, cette nause, ces lanires, c'est dans ceci que commence le Feu. Le feude langues. Le feu tiss en torsades de langues dans le miroitement de la terre quis'ouvrecomme un ventre en gsine, aux entrailles de miel et de sucre. De toute sa bles-sure obscne il bille ce ventre mou, mais le feu bille par-dessus en langues tordueset ardentes qui portent leur pointe des soupiraux comme de la soif. Ce feu torducomme des nuages dans l'eau limpide, avec ct la lumire qui trace une rgle etdes cils.

    Et la terre de toutes parts entr'ouverte et montrant d'arides secrets. Des secretscomme des surfaces. La terre et ses nerfs, et ses prhistoriques solitudes, la terre auxgologiesprimitives o se dcouvrent des pans du mondedans une ombre noire commele charbon. La terre est mre sous la glace du feu. Voyez le feu dans les trois rayons,avec le couronnement de sa crinire o grouillent des yeux. Myriades de myriapodesd yeux.Le centre ardent et convulsde ce feu est comme la pointe carteledu tonnerre la cime du firmament. Un absolu d'clat dans l'chauffoure de la force. La pointepouvantable de la force qui se brise dans un tintamarre tout bleu.

    Les trois rayons font un ventail dont les branches tombent pic et convergentvers le mme centre. Mais ce centre est un disque laiteux recouvert d'une spiraled'clipss.

  • L'ENCLUME DES FORCES

    L'ombre de l'clips fait un mur sur les zigzags de la haute maonneriecleste.Mais au-dessus du ciel est le Double-Cheval.L'vocation du cheval trempedans la lumire de la force, sur un fondde mur limet press jusqu' la corde. La cordede son double poitrail. Et en lui le Premier des deux est beaucoup plus trange quel'autre. C'est lui qui ramasse l'clat dont le deuxime n'est que l'ombre lourde.

    Plus bas encore que l'ombre du mur la tte et le poitrail du cheval font une ombre,comme si toute l'eau du monde levait l'orifice d'un puits.L'ventailouvert domine une pyramide de cimes, un immense concert de som-mets. Une ide de dsert plane sur ces sommets au-dessus desquels un astre chevelflotte, horriblement, inexplicablement suspendu. Suspendu comme le bien dansl'homme, ou le mal dans le commerce d'homme homme, ou la mort dans la vieForce giratoire des astres.

    Mais derrire cette vision d'absolu, ce systme de plantes, d'toiles, de terrainstranchs jusqu' l'os, derrire cette ardente floculation de germes, cettegomtrie derecherches, ce systme giratoire de sommets, derrire ce soc plant dans l'esprit etcet esprit qui dgage ses fibres, dcouvre ses sdiments, derrire cette main d hommeenfin qui imprime son pouce dur et dessine ses ttonnements, derrire ce mlange demanipulations et de cervelle, et ces puits dans tous les sens de l'me, et ces cavernesdans la ralit,

    se dresse la Ville aux murailles bardes, la ville immensmenthaute, et qui n'apas trop de tout le ciel pour lui faire un plafond o des plantes poussent en sens inverseet avec une vitesse d'astres jets.Cette ville de caverneset de murs qui projette sur l'abme absolu des arches pleineset des caves comme des ponts.Que l'on voudraitdans le creux de ces arches, dans l'arcature de ces ponts insrerle creux d'une paule dmesurment grande, d'une paule o diverge le sang. Etplacer son corps en repos et sa tte o fourmillent les rves sur le rebord deces cor-niches gantes o s'tage le firmament.

    Car un ciel de Bible est dessus o courent des nuages blancs.Mais les menaces douces de ces nuages. Mais les orages. Et ce Sina dont ilslaissent percer les flammches. Mais l'ombre porte de la terre, et l'clairage assourdiet crayeux. Mais cette ombre en forme de chvre enfin et ce bouc ! Et le Sabbat desConstellations.

    Un cri pour ramasser tout cela et une langue pour m'y pendre.Tous ces reflux commencent moi.Montrez-moil'insertion de la terre, la charnire de mon esprit, le commencementaffreux de mes ongles. Un bloc, un immense bloc faux me spare de mon mensonge.Et ce bloc est de la couleur qu'on voudra.

    Le monde y bave comme la mer rocheuse, et moi avec les reflux de l'amour.Chiens, avez-vous fini de rouler vos galets sur mon me. Moi. Moi. Tournez lapage des gravats.Moi aussi j'espre le gravier cleste et la plage qui n'a plus de bords.Il faut que ce feu commence moi. Ce feu et ces langues, et les cavernes de ma gesta-tion. Que les blocs de glace reviennent s'chouer sous mes dents. J'ai le crne pais,mais l'me lisse, un coeur de matire choue. J'ai une absence de mtores, absencede soufflets enflamms. Je cherche dans mon gosier des noms,et comme le cil vibratiledes choses. L'odeur du nant, un relent d'absurde, le fumier de la mort entire... L'hu-meur lgre et rarfie. Moi aussi je n'attends que le vent. Qu'il s'appelle amour oumisre il ne pourra gure m'chouer que sur une plage d ossements.

    Antonin ARTAUD.

  • LE SURREALISME ET LA PEINTURE(Suite) '

    ...Tel homme aux moustachestrop grises pourl'oeiltrop bleu connat maintenant le pire som-meil, auquel prfrent le leur les morts. Lessouris et les rats qui le contemplent ne saven-trop sur quel pied danser. J'ai vu dernirementun de ses portraits. Il a la tte un peu plus peutche sur l'paule et c'est tout.Quel abb Brcmond de misre et d'horreurAiendra d'ici peu nous entretenir de la peinture

    mtaphysique , de la peinture rve et, ce propos, de tout ce que de 1910 1916Chirico lit d'incomparable, et qu'il compa-rera ? J'ai mis, nous avons mis cinq ans dsesprer de Chirico, admettre qu'il etperdu tout sens de te qu'il faisait. Nous ysommes-nous assez souvent retrouvs sur cetteplace o tout semble si prs d'tre et est sipeu ce qui est ! C'est l que nous avons tenunos assises invisibles, plus que partout ailleurs.L qu'il eut fallu nous chercher nous et lemanque de coeur. C'tait le temps o nousn'avions pas .peur des promesses. On voitcomme dj j'en parle mon aise. Des hommescomme Chirico prenaient alors ligure de senti-nelles sur la route perte de vue des Qui-vive.Il faut dire qu'arrivs l, ce poste o il setenait, il nous tait devenu impossible derebrousser chemin, qu'il y allait de toute notregloire de passer. Nous sommes passs. Plustard, entre nous et voix basse, dans l'incer-titude croissante de la mission qui nous taitconfie, nous nous sommes souvent reports ce point fixe comme au point fixe Lautra-.mont, qui suffirait avec lui dterminer notreligne droite. Cette ligne, dont il ne nous appar-tient plus dsormais de nous carter, peuimporte que Chirico lui-mme l'ait perdue devue : longtemps il ne tiendra qu' nous qu'ellesoit la seule. Quelle plus grande folie que cellede cet homme, perdu maintenant parmi lesassigeants de la ville qu'il a construite, etqu'il a faite imprenable 1 A lui comme tantd'autres, elle opposera ternellement sa rigueurterrible, car il l'a voulue telle que ce qui s'ypasse ne pourrait pas ne pas s'y passer. C'estl'Invitation l'Attente que cette ville touteentire comme un rempart, que cette villeclaire en plein jour de l'intrieur. Que de foisj'ai cherch m'y orienter, faire le tourimpossible de ce btiment, me figurer leslevers et les couchers, nullement alternatifs,des soleils de l'esprit! Epoque des Portiques,

    poque des Revenants, poque des Mannequins,poquedes Intrieurs, dans le mystre de l'ordrechronologique o vous m'apparaissez, je nesais quel sens attacher au juste votre succes-sion, au terme de laquelle on est bien obligde convenir que l'inspiration a abandonnChirico, ce mme Chirico dont le principalsouci est aujourd'hui de nous empJier deprouver sa dchance.

    11 m'est dj arriv (*) d'autres propos, deme rfrer l'observation transcrite par Taineet qui porte sur un trs mouvant cas d'hallu-

    L ANGOISSANT VOYAGE Cllirico

    cination progressiveavec intcgriljde la raison.11 s'agit, on s'en souvient, de l'histoire (l'unhomme qui, trait cinq jours au cours d'unemaladie par la dite, suit de son lit les d-marches mystrieuses d'une crature issue deses rves, assise prs de lui dans la pose dutireur d'pine, mature des plus gracieuses etdont la main parfaite, pose sur la couverture trente centimtres des yeux de l'observateur,

    * Voir les il"" 4 et G (-e la R. S. () Cf. Mani/csle du surralisme, p. 11,

  • LE SURREAl 1SME ET LA PEINTURE

    ne se drobe pas lorsqu'avec d'infinies prcau-tions celui-ci va pour la saisir. 0 surprise !il la sent bien telle qu'il la voit ; il tend tousses doigts et les passe lgrement sur le dos dela main magique, dont les contours, la rsis-tance flexible et ferme, la peau fine et tiderpondent fidlement l'illusion de la vue.Alors, de sa main dplie, il embrasse pleine-ment cette main plus petite, il la sent dans lasienne, il palpe ces doigts, ce pouce, ces ten-dons, recouverts d'une peau souple, halitueuseet douce ; il arrive au poignet, mince et bienpris ; il sent parfaitement la tte du radius etcherche le pouls ; mais alors la figure laquelle,appartient cette main chimrique lui dit d'unevoix frache, enfantine et souriante, mais sansrelever la tte : Je ne suis pas malade. L'alit allait lui demander : Qui tes-vous ? lorsqu'on entra dans sa chambre, apportant unbouillon. 11 le prit, sa dite tait finie, et avecelle finirent les hallucinations ; mais il penseque, s'il avait continu, ses agrables chimresauraient de plus en plus compltement rponduaux bonnes dispositions qu'il commenait avoir pour elles, et que finalement il et pusoutenir avec elles ces relations de tous ses sensrunis, sans tre sr pourtant que le contrleimpartial de son intelligence et pu se mainte-nir. Sans tre sr... en vrit il tait bienquestion de cela I Comment ne m'en pren-drais-je pas cet homme qui n'a pas su vivrele plus beau pome du monde ? La peste soitde sa faim malencontreuse et de cet absurdebouillon ! A la place de cet A. M., j'y ai souventsong, j'aurais fait mine de trouver le breuvagetrop chaud et le temps de le laisser refroidir,je congdiais l'tre rel qui, en l'apportant,avait os me dranger. Afin qu'il n'y et plus nouveau que VOUS. Certes je n'aurais pasbu le poison. Mais une fois que nous aurionst bien seuls, j'aurais soulev trs'doucementle bol et je vous l'aurais tendu. Vous l'auriezpris, n'est-ce pas ? 11 n'y a pas de raisons pourque mon geste vous ait lch. Voici le bolsuspendu cinq centimtres au-dessus de monlit. C'est donc bien TOUS qui le tenez, ce n'estplus moi ? 11 me semble que vous n'auriez faitaucune difficult pour boire. Un peu plus tardla servante serait venue reprendre le bol vide.

    Chirico, que je tiens pour le hros d'unehistoire semblable, n'a pas su non plus segarder des tentations grossires. Il seraitinjuste, en effet, de penser que son abdicationet ses reniements successifs doivent tre misau compte de la dception que ses premiresrecherches pourraient lui avoir fait prouver.Ce n'est pas au seuil interdit d'un palais, ni parun point blanc sur un tableau noir, ni sur unlancer de gant ternelque nous pouvons accep-ter qu'une telle aventure prenne fin. Chirico,

    qui, en continuant peindre, n'a faitdepuisdix ans que msuser d'un pouvoir surnaturel,s'tonne aujourd'hui que l'on ne veuille lesuivre en ses pitres conclusions, dont le moinsqu'on puisse dire est que l'esprit en est totale-ment absent et qu'yprside un cynismehont.Le bol de bouillon , suivi naturellement debien d'autres bols (l'Italie, le fascisme,

    onconnat de lui un tableau assez infme pourtre intitul : Lgionnaire romain regardantles pays conquis

    l'ambition artistique quiest la plus mdiocre de toutes, la cupidit,mme) a eu tt fait de dissiper lesenchante-ments. La complte amoralit du personnageen cause l'ait le reste. Et il voudrait que noushsitions nous prononcer sur son attitude,en vertu de je ne sais quelle faiblesse sentimen-tale qui nous ferait reporter sur sa personneune i^art de l'motion que ses premires oeuvresnous ont cause ! Que dis-je ? il irait presquejusqu' nous opposer cette vrit laquelleici nous souscrivonstous, savoir que dans letemps un esprit ne peut que rester parfaite-ment identique lui-mme. Aussi pensons-nous bien que de mchantes oeuvres commeson Retour de l'Enfant Prodigue, ses ridiculescopies de Raphal, ses Tragdiens d'Eschyle,et tant de portraits menton fuyant et vainedevise latine ne peuvent tre le fait que d'unmchant esprit. Que Chirico ait joui quelquetemps d'une rare facult de discriminations'exerant sur les apparences extrieures lesplus troublantes, comme tout ce qui, autourde nous, participe la l'ois de la vie et de lamort, et les ait su baigner dans une lumirepropice d'orage, d'clips ou de crpuscule, iln'est rien en cela qui puisse limiter ses tortsen le gardant finalement de s'tre tromp.Tant pis pour lui s'il s'est cru un jour le matrede ses rves I 11 n'est gure moyen, en prsencede certaines de leurs donnes les moins inter-prtables, et pour peu qu'on ait eu le couragede tenir celles-ci pour telles, de donner lechange et d'assumer en toute simplicit lacharge de vivre. Or ce n'est pas en vain queChirico a accompli dans sa jeunesse le voyagele plus extraordinaire qui soit pour nous. Nepourrait-on rpter son sujet la phrase qui,je gage, aura l'ait frissonner, serpentant dansla nuit de l'inconnu, de l'avenir et du froid,les spectateursde l'admirablefilm NOSFERATU :

    Quand il fut de l'autre ct du pont les fan-tmes vinrent sa rencontre ? Si rticentq u'il se montreaujourd'huisur ce point, Chiricoavoue encore qu'il ne les a pas oublis. Dansun mouvement de confiance dont il doit main-tenant se repentir, il m'en a mme nommdeux : Napolon III et Cavour, et m'a laissentendre qu'il avait entretenu avec eux uncommerce suivi. Si, comme je le pense, on fait

  • LE SURREALISME ET LA PEINTURE

    plus tard grand cas de sa contribution l'his-toire fabuleuse d'une poque dont nousferions remonter l'avnement plus loin quenous, et non cependant celui du romantismemais peut-tre aux environs de l'anne 1860,il ne sera pas sans intrt de savoir que l'unedes dates les plus importantes en retenir estpour Chirico celle de l'entrevue sans tmoinsde Napolon III et de Cavour Plombires.C'est, dit-il, sa connaissance, la seule fois quedeux fantmes ont pu se rencontrer officielle-ment, et de sorte que leur inimaginable dlib-ration lut suivied'effets rels,concrets, parfai-tement objec-tifs. Je ne saisau nombre decombien sontles quivoquespersonnages decette espcedont s'est aucours des heurespeuple la soli-tude de Chiricomais, sans qu'illeur accorde tous la mmeimportance, ilspourraient bientre lgion.

    Louis Aragonse souvientcomme moi dupassage dans cecaf o noustions un soiravec Chirico,place Pigalle,d'un enfant quivenait vendredes fleurs. Chi-rico, le dost o urne laporte, ne l'avaitpas vu entreret c'est Aragon qui, trappe de 1 allure bizarrede l'arrivant, demanda si ce n'tait pas un fan-tme. Sans se retourner Chirico sortit une petiteHace de. sa poche et aprs y avoir longuementdvisage le jeune garon, rpondit qu'en effetc'en tait un. La reconnaissance des fantmessous les traits humains il y parat bien excep-tionnellement exerc ; il n'est pas jusqu'un marchandde tableaux qui il doit beaucoupdont il ne nous ait assur qu'il rpond en tousp )ii ts au s gaalement qu'il en a.

    Mystification part, nul de ceux qui ontvcu passagrement pour autre chose que la

    vie, la vie admise, et qui ont prouv l'exal-tation dont ce sentiment s'accompagne, nepeut ensuite y renoncer si aisment. Il nesuffit pas de fixer sur une toile le ciel de tousles jours, une coupe et quelques fruits aigrespour que le tour soit jou. Encore vous deman-dera-t on compte des apparitions qui ont cesset, si vous ne rpondez pas assez vite, devra-t onse dtourner de vous avec mpris. 11 y a ainsides hommes cpii osent parler de l'amour quanddj ils n'aiment plus. J'ai assist cette scnepnible : Chirico cherchant reproduire de sa

    main actuelleet de sa mainlourde un ancientableau de lui-mme, non dureste qu'il cher-cht dans cetacte une illusionou une dsillu-sion qui pourraittre touchante,maisparce qu'entrichant sur sonapparence ext-rieure, il pouvaitesprer vendrela mme loi lo.d eux fois.C'tait si peu lamme, hlas !Dans son im-puissance re-c r er en luicomme en nousl'motion pas-se, il a mis ainsien circulationun grand nom-bre de faux ca-r a c t . r i s s,parmi lesquelsdes copies ser-vilcs, d'ailleurspour la plupartantidates, et

    d'encore plus mauvaises variantes. Cette escro-querie au miracle n'a que Irop dur.

    Si cet homme avait eu quelque tourge il y alongtemps qu'il se serait lass de ce jeu quiconsiste bafouer son gnie perdu*. En dpitde lui-mme, de celte conscience acquise sichrement d'Italien esclave, de cette prisondont il ne s'vadera plus, lui qui s'est vad

    LE DPART DU POTE Chirico

    * Cf. la prlace que, pour sa dernire exposition(du 4 au 12 juin, chez Paul Guillaume), il a laisscrire par l'ignoble crtin Albcrt-C. Haines. Ellesuffirait, je pense, le dshonorer.

  • RVES

    de la libert, nous garderons intacte l'trangeesprance que nous ont donn ses premiresoeuvres. Nous les interrogerons tant quenous vivrons, sans que l'embarrassante per-sonne de leur auteur parvienne nous endtourner. C'est l-mme, nous en sommestoujours aussi srs, l'heure prvue pourl'arrive de ce train, cette heure qui ne peuttarder, c'est parmi ces arcades et quand se seracalm le vent qui monte abominable de laterre lancer verticalement le rouge des ori-flammes, que le livre dont nous avons si long-

    temps contempl la reliure muette s'ouvriraau feuillet marqu. C'est seulementalors qu'ensignes fulgurants se prcisera pour tous le sens,je crois extrmement particulier, de notreintervention. Car nous ne sommes pas, dansla littrature et clans l'art. Toute notre impa-tience vient de ce que nous savons qu'un jour,en ayant bien fini avec tous ceux qu'on nouscompare encore, nous aurons seuls intervenir.

    ANDR RRETON.

    RVESMarcel Noll :

    I

    C'est la rvolution. Le matin de ce jourSade a t conduit en prison par un dtache-ment de chevaux-lgers. Le roi (dont je suisun des conseillers), sa suite et la majeure partiedu peuple qui lui est reste fidle, habitentun ensemble de vieilles maisons (apparemmentl'Hpital Civil de Strasbourg) qui, entouresd'un haut mur et protges de tourelles com-posent la rsidence royale.

    Sans l'avoir vue encore, je sais que je doisaimer la fille du roi, Augustina, qui admire etestime hautement le marquis de Sade qu'ellea vainement protg contre les poursuites deson pre.

    Je suis avec le roi et deux de ses conseillersdans une pice carre dont l'unique fentredomine la route nationale. Accoud, cettefentre, j'assiste cette scne : quelques cava-liers accourent au trot, se dirigeant vers larsidence, sans doute pour y rendre compted'une mission remplie. Une jeune fille que jereconnais aussitt pour tre Augustina, s'lancevers eux et tente d'arrter les chevaux. Maiselle est bientt trane terre et maltraite parles cavalier?. Me rendant compte du dangercouru par la jeune fille, je veux m'lancer audehors pour la secourir. Mais le roi, devinantmon projet, ordonne ce moment toutes lespersonnes prsentes de s'agenouiller l'effetde prier. Eou de colre, je sors mon revolveret le dcharge plusieurs reprises sur le roi.Celui-ci part d'un norme clat de rire et mefait savoir que la meilleure faon qu'il avaitde me punir tait de me laisser tranquille. Ilme tient une sorte de discours o revientconstamment le sens de cette phrase : Laprison ou la mort ne sont pas pour les amou-reux.

    Pendant ce temps, la jeune fille a eu la forcede se traner jusqu' noue porte. Elle est pour-suivie par toute la populace de la rsidencqui l'injurie et la menace de mort. J'ai grandepeine laisser entrer Augustina et empcheles manifestants d'envahir la pice. J'y russispourtant, et bientt, devant moi, se tient lajeune fille, presque nue, le dos couvert destraces de coups de cravache. Je remarquequelques ecchymoses sur son sein droit. Ellem'enlace sans mot dire.

    Des servantes s'empressent bientt autouid'Augustina pour lui laver les blessures quidisparaissent, aussitt sans laisser de traces.Durant tout le temps que durent ces opra-tions, je suis muet, en admiration devant la

  • REVES

    grande beaut de cette jeune fille. Mon motionatteint son comble lorsqu'elle me dit, tout coup : Vous savez, Bataille (je comprends :Sade), ne se doutait pas que Justine... Jen'coute pas'la fin de la phrase, trs frapp del'analogie qUi semble exister entre le nom deJustine que la jeune fille vient de prononceret son propre nom.

    A ce moment, le roi rapparat, et toute sonattitude indique qu'il a pris une rsolution l'gard de sa fille et au mien. Avant mmequ'il ait prononc un mot, Augustina jette uncri et s'lance au dehors. Je cours la fentreet la vois s'engager une allure folle sur lagrande route. Elle bientt disparu l'horizon

    Ds lors, une grande tristesse m'ayantenvahi, je ne prends plus aucune part d'intrt ce qui se passe autour de moi. J'apprendsencore que le roi est dtrn, sa suite et tousses fidles chasss de la rsidence. La ttebaisse, debout, je sais que dfilent devantmoi tous mes ennemis. C'est un cortge longet lent que je suis plutt tent de prendre pourun hommage rendu ma tristesse que pour ledpart d'un peuple vaincu. Indiffrent, je saisqu'ils sortent, nommes et femmes, par uneporte basse. De temps autre, une main defemme se tend vers moi. Sans me proccuperautrement de cette femme, sans mme regarderson visage, je baise cette main...

    Je suis assis, seul, dans la salle du trneJe ne pense plus la victoire remporte, maisseulementau projet de me mettre la recherched'Augustina. Puis, la nuit s'paississant, je neme rends plus compte que du dcor qui m'en-toure, et de moi-mme, la tte dans mes mainsouvertes, seul.

    II

    C'est Odessa, pendant la rvolution, unsoir. Le crpuscule plutt, car une faible clartde fin de jour parvient pntrer par endroitsdans'Ia salle de spectacleo jenie trouve, assisdans un fauteuil d'orchestre, attendre ladeuxime partie d'un spectacle organis parles nouveaux dirigeants du pays. Le rideau selve bientt sur une clairire de fort lorsquepar une porte ma gauche entre une jeunefemme, trs belle, tout habille de bleu ; d'unbleu-ciel trs clair, trs lumineux,-et qui inondeaussitt la salle d'une trange clart. Je penseque voil la couleur qui tue les scrupules del'homme. La jeune femme que je sais trel'toile de la troupe Jos Padilla traverse lasalle pas lents, se dirigeant vers une loge oest assis un homme seul qui lui fait signe des'approcher. Elle le rejoint et ils se parlent,lui souriant, elle gravement. Au moment o

    ma conscience est touche par cette gravitqu'exprime toute l'allure de la jeune femmeet son visage, je fais de vains efforts pour merappeler en quelles circonstances j'ai puautrefois, la rencontrer. Tout ce que j'obtiens,c'est que je ne lui ai jamais connu cette couleur.Aprs avoir en souriant furtivement, serr lamain de son interlocuteur, elle monte sur lascne par un petit escalier droite de l'or-chestre. Au moment o elle est arrive aumilieu de la clairire, au moment o elle vaparler, je remarque que sa couleur, son rayonne-ment n'a aucun pouvoir sur le vert qui rgnesur la scne. Et elle parle,.et mesure que seprolonge son discours, sa robe plit, plit, etje pense que ce n'est plus qu'un vtementcomme en portent les autres femmes, un vte-ment blanc, d'un blanc ordinaire, un blanc depremire communion, pas mme un blanc derose. Elle parle en termes conventionnels dela pice qu'ils

    viennent d'avoir l'honneur

    de prsenter devant nous , et de son auteurqu'on devine cach dans la fort qui s'tend perte de vue derrire la jeune femme ; c'esten tremblant qu'elle prononce son nGm :FANTOMAS ! Puis elle fait allusion elle-mme,rpondant des questions qu'elle devineposes par des spectateurs. Sa voix devientgrave

    je pense que sa conscience atteint etembrasse tout coup la plus entire, la plusterrible vision d'elle-mme,

    son sourire descne devient un rire dsespr lorsqu'elle diten faisant du bras un geste lent et bas : Jesuis ne un peu partout dans le monde. J'ai cet instant, la vision trs nette d'une carteplanisphre : les Balkans, o je distingue unfourmillement de choses informes, o je sensdes forces obscures se mouvoir ; et l'Asie,toute blanche et comme rayonnante, avecl'ombre de ses hauteurs et l'argent de sesfleuves. Sur le point de me rjouir d'un espoirsoudain,, d'une espce de promesse qui vientde m'tre faite, d'un gage qu'on vient dem'assurer, la jeune femme semble prte s'vanouirsous le coup d'un grand effort qu'ellevient apparemment de fournir. A la vue de sadtresse, je suis aussitt distrait par l'ide deson sacrifice.

    Je descends un trs long escalier qui conduitdans un couloir long et sombre au bout duquelse trouve une cour faiblement claire par lalune d'une nuit agonisante. Je pense lanouvelle journe qu'il va falloir vivre, je penseun peu au sang rpandu (mal rpandu) partoutet je me sens infiniment attrist lorsque jeconstate que tous les scrupules, toutes cesfaiblesses me sont en somme rests qui rendentsi dcevants mes rapports avec les hommeset les vnements. A ce moment, j'aperoisla jeune femme de la veille, se dirigeant vers

  • 8 REVES

    la cour. J'arrive l'atteindre et la trouvetoujours aussi grave, aussi essentiellementsilencieuse. Elle me tend une main que jeserre ; et durant les quelques instants o nousallons cte cte vers la cour qui recule mesure que nous pensons l'atteindre, je songeau heurt douloureux et angoissant de nos deuxpenses. Je sens tout l'irrmdiable de notreunion, sans comprendre, et pourtant avec laforce d'un espoir que je sais tre toujours lemme. Je devine que sous d'autres latitudesnous aurions peut-tre, tous les deux, prfrl'indiffrence...

    Au moment o la jeune femme fait mine dem'enlacer, je suis veill pour des causes tran-gres au rve.

    Michel Leiris :C'est un rve de voyages. Nous sommes

    plusieurs errer dans le continent entier enprenant voitures, auto-cars, chemins de fer.Il y a des crimes dans les stations isoles, leshtels dans lesquels nous descendons sont par-fois attaqus par des bandits et le revolvery est de rigueur. Dans une ville de province,je suis jur et j'assiste une condamnationmort (sans doute celle d'une femme de cham-bre).

    Marcel Noll, qui voyage avec moi, me montredans une rue d'un faubourg de Paris le matelasde 30 mtres de long qu'il emporte toujours envoyage. Deuxcouplespeuvent y dormir,chacun un bout, mais ils risquent de se perdre dansle long tunnel des draps. En route, ce matelassert de valise ; Noll roule son bagage dedanset entoure le tout avec- une courroie.

    Il y a Rimbaud aussi (ou Limbour ?), sousla forme d'un enfant souffreteux, physiquementanalogue ceux que l'on appelle gibier debagne . Il traverse comme tous les person-nages de ce rve plusieurs cycles de mortet de rsurrection.

    Dans une ville que nous visitons, sur unegrande place o se dresse une statue de pltre,un monsieuren redingotequi merappelle le fan-tme de Grard de Nerval apparu une nuitdans ma chambre, il y a un bagne sur le frontonduquel sont gravs ces mots : PALAIS DUGREFFE (je voudrais lire PALAIS' DESGREFFES). Des femmes assez jolies, maisd'allure populacirc et trs pauvrement vtues,se dirigent par petits groupes vers le monu-ment. Je les entends parler entre elles. Ellesdoivent se hter de rentrer au bagne o ellessont dtenues, sinon elles seront en retard etpunies du fouet ou de la torture. C'tait leurjour de sortie ; elles sont alles voir leursmatresses et ont perdu du temps les caresser.

    LA FIN DES MAUVAIS JOURS Pierre Jiuy

    Car ces femmes sont lesbiennes parce que leshommes ne veulent pas d'elles cause de leurvtement misrable et de l'infamie de leurcondition.

    Accompagn de ma fiance, j'entre dans lebagne. Nous voyons d'abordune sorte de clotrele long duquel stationnent un grand nombred'enfants, surveills par des femmes d'aspectaristocratique (et sans doute anglo-saxonnes)qui sont les pouses des geliers (des colons ,ainsi qu'on les appelle)- Ces enfants sonthabills l'anglaise et portent des cartablesde cuir sous le bras. Ce sont les fils des dtenus ;ils attendent l'heure d'entrer en classe.

    Au del du clotre commence le Muse. Celieu tient la fois du Muse Grvin, du MuseCarnavalet, du Parc des Attractions, de l'Ex-position des Arts Dcoratifs, du Salon del'Aronautique et du Jardin des Supplicesd'Octave Mirbeau.

    Nous savons que ce muse est une sorte deMuse de la Peur et nous y pntrons en redou-tant la sorcellerie.

    D'abord, ce n'est pas bien terrible. Il faitseulement assez sombre e1 nous voyons desappareils assez analogues aux ngres-dyna-momtres, mais composs presque uniquementd'ampoules lectriques mobiles, multicolores,figurant des dmons. Ensuite ce sont de vastes

  • POEMES

    stands presque compltement obscurs. Dansl'ombre, on distingue vaguement d'normesavions construits en forme de ttes d'oiseaux.Ces ttes d'oiseaux ont le bec grand ouvert ;c'est tout au fond de la gorge, trange espacenocturne o seules deux ou trois lumiresluisent comme des escarboucles, que se tientle pilote. La vote du crne (haute peu prscomme une maison de six tages) est unecoupole de toile et doit servir de parachute(ici cela se nomme montgolfire).

    Nous n'avons pas encore trs peur (il estvrai que certaines attractions que l'on nousavait dites assez inquitantes ne fonctionnentpas), mais plus loin le spectacle devient pluseffrayant. Il y a comme au Muse Grvin despersonnages de cire qui ont l'air d'tre vivants,mais aussi des personnages vivants qui ontl'air d'tre en cire. Ce sont les bagnards. Ilssubissent des supplices horribles. Partout,j'aperois des chevalets, des brodequins, desgibets, des roues charges de cadavres, despiloris, des escaliers remplis de membres dpe-cs et toutes sortes d'instruments de torturequi me font penser aux Prisons de Piranse.Dans la dernire salle, enfin, des bourreaux,vtus de blouses blanches dissquent deshommes vivants.

    Nous sortons alors du Muse, et nous nousembarquons sur un steamer, afin de visiterle reste du bagne. Un instrument qui ressemble un niveau d'eau est plac au centre du pont, ct de la boussole. Un long tube vertical

    le fait communiqueravec la mer et il indique,mieux que la ligne de flottaison, commentnormalement le bateau doit se tenir sur l'eau.Une dnivellation serait le signe, que le navireprend l'eau ou qu'une forte tempte le menace.Nous sommes au milieu d'une foule, qui secompose d'hommes; de femmes, d'enfants etd'animaux. Le bateau a dj gagn le large,quand une panique pouvantable se produit.Le niveau d'eau s'est affol , ce qui indiqueque nous allons sombrer. Tous les passagers sejettent par-dessus bord et, malgr les effortsqu'ils font pour surnager, ne tardent pas senoyer. Cependant, ma fiance et moi, nousgardons notre sang-froid et restons sur le bateauqui, malgr une grave voie d'eau et: la tempte,parvient regagner la rive, nous ramenant terre sains et saufs.

    On nous flicite de notre courage et on nousmontre, dans le catalogue du Muse, une gra-vure burlesque d'un artiste inconnu, reprsen-tant un accident semblable arriv quelquetemps auparavant un bateau de la mmecompagnie. Je vois des gens qui tentent de sesauver la nage, des paves, et, flottant lasurface de l'eau, des sortes de trpieds ren-verss que je prends pour des kangurous.Mais j'apprends que ce sont en ralit des che-vaux qui sont tombs l'eau la tte la pre-mire et se sont noys. Leurs queues et leursmembres postrieurs raidis mergent seuls, etc'est cela que je prenais pour des trpieds.

    POMESPOMES A LA MYSTRIEUSE

    O DOULEURS DE LAMOUR !

    0 douleurs de Vamour !Comme vous m'tes ncessaires et comme

    vous m'tes chres.Mes yeux qui se ferment sur des larmes

    imaginaires, mes mains qui se tendentsans cesse vers le vide.J'ai rv cette nuit de paysages insenss etd'aventures dangereuses aussi bien dupoint de vue de la mort que du point devue de la vie

    qui sont aussi le point de vue de l'amour.Au rveil vous tiez prsentes, douleurs

    de l'amour, muses du dsert, musesexigeantes.

    Mon rire et ma joie se cristallisent autourde vous. C'est votre fard, c'est votrepoudre, c'est votre rouge, c'est votre sacde peau de serpent, c'est vos bas de soie

    et c'est aussi ce petit pli entre l'oreille etla nuque, la naissance du cou

    c'est votre pantalon de soie et votre finechemise

    et votre manteau de fourruresvotre ventre rondc'est mon rire et mes joiesvos pieds

  • POEMES

    NATURE MORTE : TABLE, MONTAGNE,ANCRES ET NOMBRIL Arp

    et tous vos bijouxEn vrit comme vous tes bien vtue et

    bien pare.

    O douleurs de l'amour, anges exigeants,voil que je VOIS imagine l'image mmede mon amour

    que je vous confonds avec luiO douleurs de l'amour, vous que je cre et

    habille,votis vous confondez avec mon amour dontje ne connais que les vtements et aussi

    les yeux, la voix, le visage, les mains,les cheveux, les dents, les yeux.

    J'AI TANT RV DE TOIJ'ai tant rv de toique tu perds ta ralitEst-il encore temps d'atteindre ce corps

    vivant et de baiser sur cette bouche lanaissance de la voix qui m'est chre.

    J'ai tant rv de toique mes bras habitus en treignant ton

    ombre se croiser sur ma poitrine nese plieraient pas au contour de ton corpspeut-tre.

    Et que, devant l'apparence relle de ce quime hante et me gouverne depuis desjours et des annes

    je deviendrais une ombre sans doute,O balances sentimentales.J'ai tant rv de toi qu'il n'est plus temps

    sans doute que je m'veille. Je dorsdebout le corps expos toutes les appa-rences de la vie et de l'amour et que toi,la seule qui compte aujourd'hui pourmoi, je pourrais moins toucher ton frontet tes lvres

    que les premires lvres et le premier frontvenu.J'ai tant rv de toi

    tant march, parl, couch avec, ton fantmequ'il ne me reste plus peut-tre, et pourtant,

    qu' tre fantme parmi les fantmes etplus ombre cent fois que l'ombre qui sepromne et se promnera allgrement surle cadran solaire de ta vie.

    LES ESPACES DU SOMMEILDans la nuit il y a naturellement les sept

    merveilles du monde et la grandeur et letragique et le charme.

    Les forts s'y heurtent confusment avecdes cratures de lgende caches dans lesfourrs.

    Il y a toi.Dans la nuit il y a le pas du promeneur

    et celui de l'assassin et celui du sergentde ville et la lumire du rverbre et cellede la lanterne du chiffonnier.

    Il y a toi.Dans la nuit passent les trains et les

    bateaux et le mirage des pays o il faitjour. Les derniers souffles du crpusculeet les premiers frissons de l'aube.

    Il y a toi.Un air de piano, un clat de voix.Une porte claque. Une horloge.Et pas seulement les tres et les choses et

    les bruits matriels.Mais encore moi qui me poursuis ou sans

    cesse me dpasse.Il y a toi l'immole, toi que j'attends.Parfois d'tranges figures naissent l'ins-

    tant du sommeil et disparaissent.

  • POMESQuand je ferme les yeux des floraisons

    phosphorescentes apparaissent et sefanent et renaissent comme des feuxd'artifice charnus.

    Des pays inconnus que je parcours encompagnie de cratures.

    Il y a toi sans doute, belle et discrteespionne.

    Et l'me palpable de l'tendue.Et les parfums du ciel et des toiles et le

    chant du coq d'il y a 2.000 ans et le cridu paon dans des parcs en flamme etdes baisers.

    Des mains qui se serrent sinistrementdansune lumire blafarde

    et des essieux qui grincent sur des routesmdusantes.

    Il y a toi sans doute que je ne connais pas,que je connais au contraire.Mais qui prsente dans mes rves s'obstine

    s'y laisser deviner sans y paratreToi 'qui restes insaisissable dans la ralit

    et dans le rve.Toi qui m'appartiens de par ma volont

    de te possder en illusion mais quin'approches ton visage du mien que mes

    yeux clos aussi bien au rve qu' laralit.

    Toi qu'en dpit d'une rhtorique facile oule flot meurt sur les plages,

    o la corneille vole dans des usines enruines,

    o le bois pourrit en craquant sous unsoleil de plomb,

    Toi qui es la base de mes rves et qui secouemon esprit plein de mtamorphoses etqui me laisses ton gant quand je baiseta main.

    Dans la nuit, il y a les toiles et le mouve-ment tnbreux de la mer, des fleuves,des forts, des villes, des herbes, despoumons de millions et millions d'tres.

    Dans la nuit il y a les merveilles du monde.Dans la nuit, il n'y a pas d'anges gardiens

    mais il y aie sommeil.Dans la nuit il y a toi,Le (jour aussi.

    SI TU SAVAISLoin de moi et semblable aux toiles, la

    mer et tous les accessoires de la mytho-logie potique,

    Loin de moi et cependant prsente toninsu,

    Loin de moi et [plus silencieuse encoreparce que je t'imagine sans cesse,

    Loin de moi, mon joli mirage et mon rveternel, tu ne peux pas savoir.

    Si \tu savais.Loin de moi et peut-tre davantage encore

    de m?ignorer et m'ignorerencore.Loin de moi parce que tu ne m'aimes pas

    sans doute ou, ce qui revient au mme,que j'en doute.

    Loin de moi parce que tu ignoressciemmentmes dsirs passionns.

    Loin de moi parce que tu es cruelle.Si tu savais.Loin de moi joyeuse comme la fleur qui

    danse dans la rivire au bout de sa tigeaquatique, triste comme sept heures dusoir dans les champignonnires.

    Loin de moi silencieuse encore ainsi qu'enmaprsenceetjoyeuseencorecommel'heureen forme de cigogne qui tombe de haut.Yves Tanguy

  • POEMES

    Loin de moi l'instant o chantent lesalambics, l'instant o la mer silen-cieuse et bruyante se replie sur lesoreillers blancs.

    Si tu'savais.Loin de moi mon prsent tourment, loin

    de moi au bruit magnifique des coquillesd'hutres qui se brisent sous le pas dunoctambule, au petit jour, quand il passedevant la porte des restaurants.

    Si tu savais.Loin de moi, volontaire et matrielmirage.Loin de moi c'est une le qui se dtourne

    au passage des navires.Loin de moi un calme troupeau de boeufs

    se trompe de chemin,s'arrte obstinment au bord d'un profond

    prcipice, loin de moi, cruelle.Loin de moi, une toile filante choit dans

    la bouteille nocturne du pote. Il metvivement le bouchon et ds lors il guettel'toile enclose dans le verre, il guette lesconstellations qui naissent sur les parois,loin de moi, tu es loin de moi.

    Si tu savais.Loin de moi une maison achve d'tre

    construite.Un maon en blouse blanche au sommet de

    Vchafaudage chante une petite chansontrs triste et, soudain, dans le rcipientempli de mortier apparat le futur de lamaison : les baisers des amants et lessuicides deux et la nudit dans leschambres des belles inconnues et leursrves mmes minuit,

    et les secrets voluptueux surpris par leslames de parquet

    Loin de moiSi tu savais.Si lu savais comme je t'aime et, bien que

    tu ne m'aimes pas, comme je suisjoyeux, comme je suis robuste et fier desortir avec ton image en tte, de sortirde l'univers.

    Comme je suis joyeux en mourir.Si tu savais comme le mondem'estsoumis.Et toi, belle insoumise, aussi comme tu es

    ma prisonnire.O toi, loin-de-moi qui je suis soumisSi tu savais.

    NON L'AMOUR N'EST PAS MORT

    Non l'amour n'est pas mort en ce coeuret ces yeux et cette bouche qui proclamaitses funrailles commences.

    Ecoutez j'en ai assez du pittoresque et descouleurs et du charme.

    J'aime l'amour, sa tendresse et sa cruaut.Mon amour n'a qu'un seul nom,qu'une seule forme.Tout passe. Des bouches se collent cette

    bouche.Mon amour n'a qu'un nom.,qu'une forme.Et si quelque jour tu t'en souviensO toi, forme et nom de mon amour,Un jour sur la mer entre l'Amrique et

    l'Europe,A l'heure o le rayon final du soleil se

    rverbre sur la surface ondule desvagues,

    ou bien une nuit d'orage sous un arbredans la campagne ou clans une rapideautomobile,

    Un matin de printemps boulevard Males-herbes,

    Un jour de pluie,A l'aube avant de te coucher,Dis-toi, je l'ordonne tonfantmefamilier,Que je fus seul t'aimer davantageet qu'il est dommage que tu ne l'aies pas

    connu.Dis-toi qu'il oie faut pas regretter les choses :Ronsard avant moi et Baudelaire ont

    chant le regret des vieilles et des mortesqui mprisrent le plus pur amour.

    Toi quand'^u seras morteTu seras belle et toujours dsirable.Je serai mort dj, enclos tout entier en

    ton corps immortel,en ton image tonnante prsente jamais

    parmi les merveillesperptuellesde la vieet de l'ternit,

    mais si je visTa voix et son ^accent, ton regard et ses

    rayons,L'odeur de toi et celle de tes cheveuxet beaucoup d'autres choses encore vivront

    en moi,

  • PARAVENT (XIX- SICLE)

  • ' + POEMES

    En moi qui ne suis ni Ronsard ni Baude-laire,

    Moi qui suis Robert Desnos et qui pourt'avoir connue et aime,

    Les vaux bien;Moi qui suis Robert Desnos, pour t'aimerEt qui ne veux pas attacher d'autre rpu-

    tation ma mmoire sur la terre mprisable.

    COMME UNE MAIN A L'INSTANTDE LA MORT

    Comme une main l'instant de la mort etdu naufrage

    se dresse ainsi que les rayons du soleilcouchant,

    ainside toutes parts jaillissenttes regards.Il n'est plus temps, il n'est plus temps

    peut-trede me voir,Mais la feuille qui tombe et la roue qui

    tourne,Te diront que rien n'est perptuel sur

    terre,Sauf l'amour d'un pote,Et je veux m'en persuader.Des bateaux de sauvetage peints de rou-

    getres couleurs,Des orages qui s'enfuient,Une valse suranne qu'emportent le temps

    et le vent durantles longs espaces du ciel.Paysages.Moi je n'en veux pas d'autres que l'treinte laquelle j'aspire,Et meure le chant du coq.Comme une main, l'instant de la mort,

    se crispe, mon coeur se serre.Je n'ai jamais pleur depuis que je teconnais.

    J'aime trop mon amour pour pleurerTu pleureras sur mon tombeau,Ou moi sur le tien,il ne sera pas trop tard.Je mentirai. Je dirai que tu /?/

  • POEMES

    ESST-CE3 3L.E3 V !E3 3NT T ?Est-ce le vent qui m'apporte tout coup

    ces nouvellesL-bas des signaux des criset puis rienla nuitC'est le vent qui secoue et qui chanteIl trane derrire lui tout un fracas et une

    lente poussirequelque chose de mouquelque choc qui est la paresseune de ces mduses mortes qui pourrissenten crachant une odeur rosec'est le vent qui pousse ces pauvres bateaux

    bleuset leur fume morosequi secoue ces arbres malheureuxet c'est lui encore qui enivre les nuagesil rase l'herbeJe sais que c'est lui qui pousse jusqu'

    moicette morne lumire et ces ombres san-

    glantesc'est- lui toujours qui fait encore une fois

    battre mon coeurAinsi ce coup de poing que j'entends et qui

    frappe une poitrine nuecette galopade de chevaux ivres d'airIl dcouvre le chemin qui mne l-basdans ce pays rouge qui est une flammeParis que je vois en tournant la tteil me pousse en avantpour fuir cet incendie qu'il alimenteJe m'accroche au bord de cette terrej'enfonce mes pieds dans le sablece sable qui est une dernire tapeavant la mer qui est lqui me lche doucement comme un brave

    animalet qui m'emporterait comme un vieux bout

    de boisJe ne lutte pasj'attendset lui me pousseen soufflant toutes ses nouvellesen me sifflant les airs qu'il a rapports de

    l-basil s'crie que derrire moi

    une ville flambe dans le jour et dans lanuit

    qu'elle chante elle aussicomme au jugement dernierJe jette tout mon poids sur ce sol chaudet*je guette tout ce qu'il ditIl est plus fortMais lui cherche des allisil est plus fortil cherche des allis qui sont le pass et le

    prsentet il s'engouffre dans mes narinesil me jette dans la bouche une boule d'airqui m'touffe et m'coeureIl n'y a plus qu' avanceret faire un grand pas en avantLa route est devant moiil n'y a pas se tromperelle est si large qu'on n'en voit pas les

    limitesseulement quelques ornires qui sont les

    sillages des bateauvcette rouie vivanir qui s'approcheavec des langves et des Iraspour vous dire que cela ira tout seulet si viteCette route bleue et vertequi recule mais qui avancequi n'a pas de cesse et qui bonditEt lui toujours qui siffle une chanstn de

    routeet qui frappe dans le doset qui aveugle pour que l'on ait pas peurMoi je m'accroche au sable qui fuit entre

    mes doigtspour couter une dernire fois encorece tremblement et ces crisqui firent remuer mes bras et mes jambeset dont le souvenir est si fortque je veux l'couter encoreque je voudrais le toucherEt lui ne m'apporte qu'un peu de ce

    souffleun peu de la respiration du grand animalbien aim

    Encore trois jours sur cette terre

  • i6 POEMES

    avant le grand dpart comme l'on ditMe voici tout habill enfinavec une casquette et un grand foulard

    autour du coules mains rouges et la gueule en avantMe voici comme un grand lche

    un incendie ou bien une belle catastropheces autres que j'oublieComme ils taient dj mortsples et crachant ce qu'ils appellentleur

    meje renifle moi pendant ce temps-l

    SCNE RITUELLE fcoiwelle-Bi elugne

    qui oublie toutet qui sait encore tout de mmeque les autres dans le fond derrirederrire les forts et toute la campagneau milieu de leur ville qui bouge commeune toupieles autres les amis ont le mal de terreet ils sont l qui attendent on se sait quoi

    avec mon nez en coupe-ventl'odeur du sel et l'odeur du charbonEncore trois jours et voici la merque je vais toucher avec mes pieds de cotonet puis il y aura l-bas plus loin derrireun morceau de verrequi deviendra un fil de verreou un nuage

  • POEMES '7

    on ne saura plus trs bienOn n'aura juste te tempsde regarder uns foiset de dire au revoiret puis il n'y aura plus rien du toutla terre sera coucheet la mer s'lvera dans l'aube bleueEncore trois jours pour penser ceux qui

    restentet qui taient comme des membresqu'on ne pouvait dtacher de soisans souffriret voilvoil mon corps qui se brise en mille mor-

    ceaux cause de l'clatement de l'impatienceet qui devient comme un peuple de fourmisque tout l'air rend ivres.

    Trois jours que cette tempte crache etvomit

    tout ce qu'elle a aval sur sa routetrois jours que rien, n'est plus sacrpour ceux qui taient bien tranquillesau coin du feuet qui maintenant ont peurque tout ce qu'ils possdaientleur dgringole sur le crneTrois jours que cette mer qui sifflaitpour charmer les voyageursse batcontre cette terre qui allait la nourriret qui se dresse aujourd'hui pour chassertous ceux qui voulaient oublierleur paysMaintenant il semble qu'une heureune treizime heureait sonnet on ne l'attendaitTout ce monde qu'on allait quittertremble et rageet puis celle qui semblait si bonnesi doucea pris une grande colreon la voit qui serre ses milliers de poingset qui les jette en avantpour faire peurAlors il faut attendre encoreattendre les secondes et les journesqui glissent tout de mme

    On a plus besoin de s'accrocherni au sable ni la mmoireon est clou l. comme un vieux papiercontre un murOn regarde ce qui se passe dans la rue travers la vitre d'une fentreon en ferme les yeuxet on entend le morceau de musiqueque joue le ventavec ses coups de rafaleset ses fltes dans les fentes

    Allons Allons on trouvera bien de quoi seconsoler

    Ce n'est pas la peine tout de mme de setourmenter

    et de croire que tout cela va finir d'un seulcoup

    On rira encore un peu et puis on boirabeaucoup

    tellement que la terre et la mertournerontcomme elles le font tous les jours et toutes

    les nuitsAllons /liions ce n'est pas la peine de

    pencherla tte et de se dire comme je suis malheu-

    reuxet de faire des choses et des choses qui ne

    serviront pasOn n'a qu' se laisser glissercomme adans le sommeil et dans la fatigueet puis oublier tout ce ventqui rageparce qu'il est tout de mme impuissantet qu'il ne fera pas cette fois encorecrever la terreAllons Allons mettons nos gantsnos manteaux et -nos drapeauxen attendant la, pluie et la nuiten attendant le dpartVoil la mer et bientt le soleilVoil la mer et cette brise qui, est sucreVoil une dernire fois la terrequi se secoue comme un. chien couvert de

    pucesPhilippe SOUPATJLT.

  • 8 POEMES

    VIVRE ICIQuand je l'ai vue, je l'ai perdueLa traced'une hermine sur les vitres givres,Une toile, peine une toile, la lumire,Ses ongles sur le marbre veill de la nuit.

    Je ne parle plus pour personne,Le jour et la nuit se mlent si bien dans

    la chevelure,Sous mon regard, sous ses cheveux elle se

    fane,Etre vertueux, c'est tre seul.

    Inconnue, elle tait ma forme prfre,Je n'avais pas le souci d'tre un homme,Et, vain, je m'tonne d'avoir eu subirMon dsir comme un peu de soleil dansl'eau froide.

    Paul ELUARD

    INVOCATIONA LA MOMIE

    Ces narines d'os et de peaupar o commencent les tnbresde l'absolu, et la peinture de ces lvresque tu fermes comme un rideau

    Et cet or que te glisse en rvela vie qui te dpouille d'os,et les fleurs de ce regard fauxpar o tu rejoins la lumireMomie, et ces mains de fuseauxpour te retourner les entrailles,ces mains o l'ombre pouvantableprend la figure d'un oiseau

    Tout cela dont s'orne la mortcomme d'un, rite alatoire,ce papotage d'ombres, et l'oro nagent tes entrailles noires

    c'est par l que je te rejoins,par la route calcine des veines,et ton or est comme ma peinele pire et le plus sr tmoin

    Antonin ARTAUD.

    CYCLE

    Collier sous-marinl'odeur des rgnes se propage en ondes

    de plusieurs couleurssur plusieurs kilomtresDchargez l'alcool sur mes mains et la

    lueurma tte sera le bariltesson d'intelligence ensanglantant les

    paumesd'un petit maraudeur venu du cielnomm Louis et g de 14 ans et demi

    Les requins passent et repassentils flairent le pigel'horrible pige des maisonsdes fentres guillotineLes Suicids des derniers jours avec les

    Saints des derniers jourspourrissent quelque partl-bas en Amriqueo le sel est la gemme plus prcieuse que

    le gelle ciel qui n'est qu'un gel

    DM Simbeam

  • POEMES >9

    Caressez les onyx sur les vagues les draguesde la peur

    Le cadavre d'un roi remont d'une fossedans une lourdearmurepourrit tristementLe destin vertbral poursuit sa course faussemalgr les mains les pierres et les achoppe-

    ments

    Cblez le filigranedosezpesezCorde se casse et crie : O est le puits ?

    Le puits est un oiseau sans tteun oeuf coch une vitre un soleilun paquebot sur une mer paisseet lourde comme le sang

    le sang qui fait tourner les rouesquand les chars outrepassent les bornescouronnes de fruits mrs chafauds en

    aurolesJe ne crois pas que la moisson soit ftecar un insecte minuscule que je connais

    fort biena perc l'un des fruitsa long longuement les moindres couches

    du pulpeles a ronges dlicieusementet s'est log au fond

    sans que cela trouble en rien les draguesni les rois

    Quand les machines ailes diviseront lahauteur

    en autant de couches irrversibles qu'il y ade strates en mon cerveau

    les cerf-volants dclancheronl des arcs-en-ciel de foudre

    et les claironscomme des murs tomberont en poudre

    Si je perdais mes yeuxSi de ma poche entrebille dans la fissure

    des nues

    sortait un revolver fumantcanon solaire

    les obstacles de neige les poulpes d'herbeptrifie

    dcocheraient un cri froid :

    Animation concave des nues

    Quand les spirales d'angle paralyses parl'absolu s'affaisseront

    outrs de chair plus creuses que la pailledes mottes de terre s'envolerontet les poissons que coagule la profondeur

    pril d'argile ha des os

    MARQUESA Marc-Aurle

    Lire l'avenir dans le marc de cafLivrer ses amis pour un marc d'argentLisser son oesophage avec du marc ancienLiqufier un cadavre avec un marc de

    soude

    LE FER ET LA' ROUILLE

    A Jacques BaronSi je passe l'espace crie et le sabre des

    minutesaiguise son tranchant d'os sur la meule

    du tempsles chiens d'orage jappententre les courroiesengendreuses d'tincelles et de tournois de

    lancesle sable coule le long des escaliers du sangchaque marche est une ogive portail ouvert

    deux battantspassent les aigles qui circulent travers

    le val vierge des osun squelette rompt la corde Silence Indice

    des lvresdes lvres clates gui saignent du berceaugonfle l'audace des sortilges le jeu des

    bagues\'et des flauxtambour voil brl le soir par le spectre

    des sicles

  • TEXTES SURREALISTES

    la serrure siffle quand je parle mmevoix basse

    la clef m'invite au bal des ferronneriessanglots si longs Carthage surnaturelleles poutres frles brisent l'espacele silex est un aigle un vol sinueux d'exilses ailes sont des couteaux qui ancrent dans

    la terreun circuit majuscule mais que le feu saura

    franchirarmure de l'videnceVous savez bien que je pleurerai peut-trele soleil s'veilleraitLingot d'astronomieentre terre et ciel une comte s_e balancesa cheveliore est faite de dsLes victuailles au palais riche en joies

    sacrilgesfumaient Les prtres levrent tous ensembleune pierre en forme de mtoreet marqurent leur front du sang de la

    vengeanceUn poignard un collier de cristal une plaiebante de fruits mrs tendus sur sa claie

    Que le ciel soit solide ou bien vague charmela vengeanceest un astre toile vendangePlus basjuste sous la colombeentre les quatre griffes qui engendrent

    chacune l'un des points cardinauxune rivire se fige.Proie nourricire des flots qui en font leur

    pturedes cailloux tendres roulent : ce sont les

    fils-des piochesIls s'arrachent deux par deux des routes

    sans douceurreines d'obscurs travaux battant comme des

    clochesMais la frayeur ?Un dlire souterrainl'annonce la, frayeurLes entrailles de la terre se groupent en

    forme de maisonil s'ennuierait entre mes doigts comme un

    serpent de flammesserpent ruisselant de tteset pourri, de sanglots

    Michel LEIRIS.

    TEXTES SURRALISTESLouis Aragou :

    Les cavernes les jets d'eau les dieux les petitsponts de. sel les saisissements la fureur dormirles guirlandes les miroirs soi-mme la prire cheval le gouffre les larmes d'autres dchi-rures dans le ciel d'autres clairs pareils ausourire c'est au-dessus de ces arabesques,de ces funrailles de la lumire, que le signeplus s'est lev pour inviter sa croisade, laterre sainte des additions, les fantmes blancsque nous sommes quand rveills en sursautpar les baisers des meubles nous surgissonssur les matelas rays soulevant de nos genouxles draps encore baigns dans le rve Ah lesdrles de pinces linge, que nous faisons.Et cette croisade il y aura grand monde il yaura l'pouvante et le sursaut d'autres couplesdes clibataires des enfants en cartes jouer( cause de l'avenir) des vieillards en allu-mettes ( cause du pass) des femmes desfemmes : des fentres. On dira c'est par icila Palestine et les casquettes sauteront au-dessus des arbres, et retomberont dans la

    grille. Et puis le vent ayant courb la croixcelle-ci, ne sera plus que le signe indicateurdes carrefours sur les plaques bleues des routeset laquelle des routes emprunter devant l'in-connu blanc qui en annonce au moins deuxaux plerins avides. La foule des croisss'arrte et dlibre : tout coup le multi-plicateur des chemins se. met tourner se met tourner tourne et c'est une toile un feud'artifice la roue le cercle et se dforme,l'ellipse et plie, le patin glace, sur le cieldes feuilles o les nids de bouviers taientaccrochs comme des pingles au bras d'unhomme qui ne veut pas oublier ce qu'il doitfaire. Nous cherchions une croix et nous trou-vons un patin. Quel pied s'adapterait cepatin surgi ? Les croiss comparent leurs piedsPieds des enfants en forme de coccinelles Piedsdes vieillards en forme de scarabes Pieds deshommes en forme de domination Pieds desfemmes en forme de baiser Pieds Pieds Piedssemblables, et dissemblables nuage de la mul-titude pieds alligns le long de la vie feston

  • TEXTES SURREALISTES Itde la foule palpitante mais, le patin st sigrand qu'il n'est pas un pied assez petit assezparfait pour s'y exactement ajuster : en vainon chercherait parmi les voyageurs la Cen-drillon cleste dont la pantoufle est le soleil,une erreur de prononciation a trompce peupleJamais ! O donc ai-je rv d'un patin tran-

    chant comme une pe Par piti, enfoncezce patin dans mon coeur.

    Sur les toits rouges de mes yeux s'ouvrentles nnuphars des larmes bizarre marcageen plein jour mais dj c'est: la nuit de trentependant sa migration dlirante Lesigneplus

    disez-vous quelle erreur, un mot s'tait cachderrire le tournant de la montagne. Il n'yavait crit sur le ciel que deux mots Plus-Jamais, et le pied qui s'ajuste ce patin dudsespoir ce pied ne foule pas les chemins ilprfre fouler mon coeur qui gmit Plus-ans qui baisse en veilleuse les aigrettes des

    Pieasso

    aventurires. O genoux croiss nigmes de mondestin j'avais cru pouvoir vous rpondresphinx des bas de soie sous le point d'interro-gation bleu du tabac j'avais compt sansSolange La Solitude j'avais compt sans lesreflets et les bagues du soir. La gazelle du gaz peine avait elle couru les rues o tremblait

  • TEXTES SURREALISTES

    la rclame polaire que dans ce- pays de fan-tmes familier l'excs avec les revenants depierre et les chuchotantes ombres du fauxamour je reconnaissais sa fourrure de fris-sons, Solange et Solange tait l muette commele ciel toile avec ses mains d'alcool et l'che-vlement de ses pas. A l'abri de cette passanteadorable en vain j'imaginais que j'tais unepierre transparente un dcor des tropiquesl'enfant des les sans nom qu' peine une mainvacillante au plus bleu de la carte au hasardsitue, mon existence prenait l'accent tragiquedu cristal elle ne l'a plus quitt et voici lacloche d'alarme et je me rveille en sursautO es tu Solange Ho Solange elle ne rpondpas il n'y a qu'une grande flamme blonde unpeu plus loin dans ce paysage d'acier Solangeserait elle un songe elle tient par un bout deson nom la terre et par l'autre au ciel del'imaginaire elle s'vanouit dans ma mmoireet sa prsence trangement l'absence estpareille elle se lve sur ma vie comme un astreinvisible elle est plutt un signe du zodiaqueune influence plantaire qu'une lueur ou unsoleil. J'entre dans la zone d'attraction qui luisert d'charpe ou de harpe le doux chantque celui de Solange perdue dans la fortnous sommes fort l'un l'autrecouple bizarreo chacun reste seul couple fait pour le malheuret les draps noirs des sparations volontairescouple de feux follets dans la bruyre blanchedes rendez vous. Maistoi magie, blonde coute :peut tre me suis je tromp, j'ai cru recon-natre ton haleine la vitre de ma chambrepourtant tu devrais tre en ce moment ailleurssi c'est ailleurs que s'tendent les dsertspeupls d'aiguilles mais les cristaux de tesregards et tes floiaisons de caresses remontentlentement au fond du verre de mon coeur,encore une fois Solange prends si seulement tuexistes cette main qui doit tre la mienne.Elle sourit elle ne croit pas ma ralit,noussommes hants l'un par l'autre irrmdia-blement seuls ensemble au bord d'une cuved'oubli: je lui parle du monde tu sais le mondeelle secoue le monde avec ses cheveux ples.Ce que j'ai aim ne l'effraye pas elle n'estjalouse que de ce qui m'obscurcit chaqueminute est une flambe, de ma bouche il sortdes poignards elle les reoit sans un mot elleen fait des bouquets pour ses chapeaux defume. Ma main la mord elle devient incendie.Es tu l dans l'aveuglement Solange, on peut peine dire que la solitudeest l. Nous sommesdonc en plein dans le sicle des apparitionscelle-ci ne sait rien du cimetire o elle surgitmes tempes en sont les tombes Je t'aimeanantit les croix sinistrement penches versl'avenir Solange oh ce nom comme une vapeurau dessus des morts agite.

    Ce qui n'est ni le ciel ni la mer ni les varechsni l'ombre ce qui n'est ni le sang ni les vautoursni la diversitdes bois de menuiserie ni la dlec-tation coupabledes dormeurs ce qui n'est ni lamorsureni l'amorce ni la mort ni le mouvementce qui vient tout coup ce qui pourtant dferlecommeune grande tole constelle et l'ivressedu vin s'est enroul avec un bruit bizarre audestin qui poursuit l'enfant du songe au songengendreur l'enfantdusongeet je lenommeainsicar j'ai les yeux bleus. C'est l'anne du beigeet du bleu la mode est aux baisers les femmesont compris enfin le charme des grands ven-tails de caresses elles vont sur les promenadesavec de petits chiens blonds et des ombrellesqui sont mes mains. Ah les souliers adorablesqu'on fait aujourd'hui ce sont des frlementslgers comme des feuilles des feuillages fansou des effleurements. La mode est la naissancedes fleurs elle est au coeur des arbres elle est l'aubier elle est l'aube et relevez ce voilepar o s'chappent les oiseaux tenant dansleur bec un nuage. Cette saison nous ne rever-rons plus les grands rires sauvages nous nereverrons plus ces clats de couteau la neigeaux pleurs solides ni les vtements d'alcoolnoir ni la broche de trois heures du matin queles lgantes portaient ngligemment piquesau travers de mon coeur. Cela ne se l'ait plusmon cher un chapeau comme le vtre un cha-peau de jalousie aux bords de prcipice. Jetezvos gants de rage et vos mouchoirstremblantscette anne les mains sont vivantes cette annede ciel et de sable est ddie la fracheur :on rencontre partout des paysages qui s'envont dormir prs d'une source. Les petitesfilles ont eu des jouets merveilleux qui disentl'avenir 5 dans les jardins publics on remarqueune nouvelle espce de sourire oh joli rubandes bouches. Les spectacles sont l'unissondu costume il vient de s'ouvrir un thtre.oil nesefaitrienquesouffler une briseembaumepar les varits de l'orge et des seigles qui sontinnombrables c'est l le dernier opra possible.Ce qui chante est comme le passage d'unbras trs pur. Les music-halls sont devenustransparents et travers leur dluge deplumes on voit la vie qui est une immenseplage australe l'indcise apparition du soleilavec de grands peignes poignards plongs dansles cheveux blonds du rivage. Dans lescabaretschantants une peuplade inconnue fait desnumros de murmures. Un peu plus tard onnous promet des danseuses de bue Parisverra bientt les fameuses toiles filantes quise sont accroches dans la Croix du Sudle snobisme sera aux clipses sans doute : maison ne fumera pas les verres on les boira;

  • TEXTES SURREALISTES i3

    MORT D'UN OISEAU A ndr Maison

    Arp :la mdaille se lve tandis que le soleil, aprs

    cinquanteans de service, se retire dans les rouescalcines de la lumire.

    c'est l'homme qui a remplac les rveille-malin par les tremblements dterre, les aversesde drages par des averses de grle, l'ombrede l'homme rencontrant < elle d'une mouchecause une inondation, c'est l'homme aussiqui a appris aux chevaux s'embrassercomme des prsidents, avec ces onze queueset demie l'homme compte dix objets et demidans la chambre meuble de l'univers : lespouvanfails portant dans leurs boutonniresdes volcans et geysers, les devantures desruptions, les talages de la ficelle de laveles systmes de monnaie solaire, les ventrestiquetes, les murs rass par les potes, lespalettes des csars, les natures compltementmortes, les curies des sphinx et les yeux del'homme ptrifi en louchant sur sodome.

    entre dans les continents, sans frapper, maisavec une muselire de filigranes.

    les feuilles ne poussent jamais sur les arbres,comme une montagne vue vol d'oiseau ellesn'ont pas de perspective, le spectateur setrouve toujours dans une position faussedevant une feuille, quant aux branches,troncset racines je dclare que ce sont des menson-ges de chauves, comme un lion qui flaire fro-cement un succulent couple de jeunes maris,le tilleul pousse docilement sur les plainesplanchai es. le start du chtaignieret du chnese fait au signe du drapeau, le cyprs n'estpas un mollet de ballet eucharistique.

    attels quatre devant les quatreprcdents,comme les cimetires des ventriloques ou leschamps d'honneurs, les insectes en sortent,voici ve la seule qui nous reste, elle est lacomplice blanche des voleurs de journaux, voicile coucou, l'origine del pendule,le bruit de sesmchoires ressemble celui d'une forte chutede cheveux, ainsi on compte parmi les insectesle pain vaccin, le choeur des cellules, lesclairs au-dessous de quatorze ans et votrehumble serviteur.

    le ciel des marines a t dcor par destapissiers expressionnistes qui ont suspendu,un chle fleurs de givre, du temps de la rcoltedes diamants conjugaux on rencontre sur lesmers d'immenses armoires glaces flottantsur leur dos. la glace est remplace par desparquets cirs et l'armoire elle-mme par deschteaux en Espagne, ces armoires glaces selouent comme ring des sages-femmes et descigognes pour y faire leurs innombrablesrounds ou comme tabourets de gigantesquespieds rouilles qui y reposent et qui font parfoisquelques pas dessus, pampam. c'est pour celaqu'on nomme aussi les mers pampas car pamveut dire pas et deux pas font pampam.

    vous voyez donc qu'on ne consume monsieurson pre que tranche par tranche, impossibled'en finir en un seul djeuner sur l'herbe etle citron mme tombe genoux devant labeaut de la nature.

    LA NUIT D'AMOUR Georges Malkine

  • A LA FENTREJe n'ai pas toujours eu cette sret, ce pes-

    simisme qui rassure les meilleurs d'entre nous.Il lut un tempso mes amisriaient de moi.Je n'tais pasle matre de mesparoles. Unecer-taine indiff-rence. Je n'aipastoujoursbiensu ceque je vou-lais dire, mais, leplus souventc'est que je n'a-vais rien dire.La ncessit deparler et le dsirde n ' et r e [pasentendu. Ma viene tenant qu'un fil.

    Il fut un tempso je ne sem-blais rien comprendre. Mes chanes flottaientsur l'eau.

    Tous mes dsirs sont ns de mes rves. Et

    j'ai prouve mon amour avec des mots. A quellecrature fantastique me suis-je donc confi,

    dansquelmondedouloureux etravissant mo nimaginationm'a-t-elle enfer-m ? Je suissr d'avoir taim dans leplus mystrieuxdes domaines, lemien. Le langagede mon amourn'appartient pasau langage hu-main, mon corpshumain ne tou-che pas la chairde mon amour.Mon imagina-tion amoureusea toujours tassez constante

    et assez haute pour que nul ne puisse tenterde me convaincre d'erreur.

    Paul ELUARD.

    COURSE D'AUTOS Man Ray

    DERNIERS EFFORTS ET MORT DU PREVOT

    // Andr Breton.

    Chacun donc est sur ses positions, s'observe,lorsqu'clate comme un coup de feu la Jac-querie. Je n'ai malheureusement ni les loisirsni la place, dans ce bref essai, de disserter sili-ce soulvementpopulaire, provoqu par l'admi-rable paysan Guillaume Karl ; l'essentiel estque je signale ici la sincre attitude rvolu-tionnaire d'Etienne Marcel qui fait aussittalliance avec les insurgs. D'abord parce qu'ilconnat la misre effroyable des serfs et qu'ily compatit, ensuite parce qu'il devine com-bien de force vitale est en puissance,l. I llasce sont des hommes qui, dfaut de savoiituer, savent mourir et toute cette troupeindisciplineet Fanatique va se faire hacher enquelques semaines par les armes coalisesdu Dauphin et de la noblesse. Voil le beauspectacle patriotique auquel on nous convie :les patriciens franaismassacrant la plbe, d'islede France, sans risque, comme le bouchergorge un mouton, l'abattoir. Non, il n'yaura pas assez de tout le sang noble rpandu,en 1792, pour effacer le souvenir de cette cure ;

    il faut encore pour notre vengeance une jac-querie rebours. Le temps n'est pas loignqui la satisfera. Les victimes que je dsigneraine manquent pas si le bourreau que je pressensrpond, le jour venu, mon appel.

    Se resserre l'encerclement de Paris par lestroupes du rgent. La misre est clans la place.La famine commence ses ravages et voici lahaine qui succde l'amour. La populationrend Marcel responsable de tous ses maux.Les sales bourgeois, tout bas, souhaitent saperte, eux qui arboraient hier le chaperonmi-rouge, mi-bleu, avec un fermoir de mtalmaill,

    en signe d'alliance de vivre etmourir avec lui . Des mgres murmurentquand il passe, impassible et solennel ; parfoisl'une d'entre elles, plus hardie, ribaude auxyeux canailles, aux fesses provocantes,s'appro-che et, sur le pav qu'il va fouler, lance unjet de salive. Alors, il continue sa route, aussiddaigneux dos affronts et des menaces qu'ill'avait t des agenouillements et de l'ado-ration.

  • DERNIERS EFFORTS ET MORT DU PREVOT 25

    Les jours tristes se succdent, les dfections.Un un, furtivement, parce qu'ils saventcommettre une faute, les membres des Etatsabandonnent leur chef. L'infmeparti royaliste, la tte duquel prore le bourgeois Jean Mail-lard, prend nettement parti contre le prvt,rclame son incarcration, sa mise en jugementet fait des voeux publics pour le retour triom-phal du rgent. Le peuple qu'affole la faminerclame la tte de Marcel.

    Un soir (j'aime de l'imaginer sans lune,glacial, dsolant, ce soir !) le prvt des mar-chands songea pendant de longues heures,devant son feu, l'avenir : d'hallucinantesformes lui apparaissaient emmy les flammes,ressuscitaient tout le pass. Qui, lorsqu'ildevine la mort assise sa droite, ne caresse depenses tendres les blancs cheveux de samre ? un coup de vent parfois saccageait letrsor, chavirait les bches. Alors, il se penchaitdavantage, son dur profil se confondait avecses rves.....

    L'impossible, ne l'a-t-il point essay afind'viter les dsastres qu'il pressentait ? Maispuisque le duc de Normandie se complatdans la mauvaise foi, Etienne certes ne luiservira pas d'otage. Charles de Navarre,l'ambitieux prince, n'est pas trs loin derrireles murailles ; il suffit d'un signe, d'un appel :on le sacre roy de France. Qu'est-ce qu'unchangementde dynastie pour Marcel ? qu'est-cemme que la France ? il a us sa vie pourl'humanit tout entire, jamais spcialementen faveur de cette patrie, si impatiente de lerenier, si avide de le voir mourir. Trahir sapatrie , existe-t-il au monde une expressionaussi dnue de sens ? qui blasphme Dieu,sans y croire, celui-l n'est pas raisonnable ?et Marcel ne croit ni la patrie, ni en sonDieu.

    Cette nuit, il ne dort pas, il envoieun message Charles le Mauvais qui transmet sa rso-lution de lui livrer Paris. A son reu, Charlesde Navarre rpond, par ses missaires, qu'ilse tient prt entrer dans Paris et ceindrela couronne. Etienne Marcel, dlest du poidsqui l'oppressait, prend les cls de la cit.Il les palpe, les considre : on peut ouvrir uneville, pas son coeur. Un amant ne regarde pasavec une telle fixit le corps de sa matresse,lorsqu'elle le dcouvre. Il joue avec les cls,maintenant, comme une courtisane avec sonmiroir, les aligne sur une table, par rang detaille. Ce n'est pas sans un pre ricanementintrieur qu'il contemple, entre ses mains,brillante comme un minuscule poignard, cellepar quoi va changer la destine du'un pays.Un seul tour de cette cli, la France ne seraplus la France. La dlibration ne l'embarrasse

    pas davantage et, voici que, suivi de quelquesrares amis, le prvt, par les plus troitesruelles et les plus malodorantes, gagne labastille Saint-Denis. Sur son passage, s'lventles grognements de ses compatriotes, cochonsqu'il engraissa et dont il mprise aujourd'huila sale viande.

    En marchant, Etienne Marcel soliloque : Il n'est pas une minute de mon existence oje ne fus prt mourir. N'ayant espr de lavie rien, j'attends tout de la mort. Car lamort ressemble l'amour qui, sur un lit dfait,couche, pour des chevauches adorables, lareine de France et son palefrenier. 11 en vaainsi de sa soeur qui galise tous les tres,enfin, sous le marbre des tombeaux. La mort,l'amour ! jambes entrelaces, paupires closes,extase des couples vanouis ! Les grandesamoureuses et les moribondes, rien ne les dis-tingue et la grce du corps qui se donne, jela compare l'abandon du corps qui se raidit.Le spasme de la volupt, je l'imagine moinsdoux encore que le rle de l'agonie. Nuitssilencieuseso du fond de l'espace se rpondentla mort et l'amour, comme deux bouchestoiles, nuits de baisers, d'offrandes, de renon-cement et d'adieux, voici qu'en ce clair matin,je vais vous. Si je dois succomber demain,tout l'heure, que dis-je, l'instant, ce serasans regrets. Cet amour de la mort que j'entre-tenais en secret, n'tait-ce pas la seule excusevalable par quoi je me donnais des raisons devivre ?

    Ils arrivent devant la bastille Saint-Denis.Le prvt se dtache, du groupe. Comme ils'apprte ouvrir les portes, voici que reten-tissent des cris, une foule glapissante les entoureA la tte de ces hideux bourgeois,dont lagueule ferait vomir les chiens, reconnaissezJean Maillard, capitaine quartenier de la ville,qui se repat l'avance de son ignominie.Tout de suite, il dsigne Marcel qui resteinsensible ses outrages ; il l'accuse de hautetrahison. Les amis du prvt dgainent.Jusqu' sa fin, pacifique, Marcel, qui les dominetous de sa haute taille, essaie, mais en vain,d'apaiser les fureurs rciproques. Il se dtourne,pour haranguer les siens. C'est alors cpieMaillard le lche rampe comme une hyne,renifle sa victime. Puis, subitement, saisissantune lourde hache, il assne, par derrire, uncoup formidablesur le crne du prvt. Le sangruisselle ; la cervelle, ce flocon de neige, jaillitcontre le mur. Une seconde, Marcel restedebout, puis, comme un grand aigle foudroy,s'abat, au seuil de cette porte qu'il n'ouvrirajamais (1358"). Pierre de MASSOT.

    Extrait d'un livre paratre : Etienne Marcel, prvtdes marchands.

  • LA DERNIRE NUIT DU CONDAMN A MORT

    Letemps de mettre mes cheveuxetj e suis vous.

    C'tait moi qui parlais et j'tais juch surune des plus hautes branches d'un chtaigniercentenaire. Il pleuvait beaucoup. Des enfantsjouaient au pied de l'arbre. A l'intrieur dutronc qui tait creux et ne tenant gure quepar l'corce, une poule pondait continuel-lement des oeufs qu'elle brisait, sance tenante, coups de bec.

    Mon interlocuteur, un jeune fermier desenvirons enlevait son bouc et le mettait danssa poche quand il tait fatigu, le soir surtout,en fumant une grosse pipe de verre bleu,laquelle n'tait autre qu'un isolateur videt muni d'un tuyau de roseau.

    Je descendis de mon arbre et prenant monami par le bras je partis la chasse, quoique cette poque de l'anne les rglements envigueur ne le permissent point.

    A ce moment, la porte de ma cellule s'ouvritavec fracas et un enfant de huit ans tranantune petite chvre entirement noire entra,prcdant une foule de gens, que je ne connais-sais i>as. Parmi eux se trouvait mon dfen-seur. Il tenait une paire de bretelles qu'ilfixait obstinment et ses lvres remuaientprononant des paroles que. je n'entendaispoint. Bonjour, Papa lit l'enfant et il poussala chvre sous le lit.

    L'un des hommes qui m'taient inconnuss'approcha de moi et me dit :

    Benjamin Pret, vous savez ce qui sepasse.

    Moi Non.Lui Ecrivez ce que vous voudrez.M< 1 Je n'ai pas crire.Lui Bien habillez-vous.

    NATURE MORTE : PAOLOET FRANCESCAArp

    Je m'habillai, me rasai avec soin, dcrochaipar habitude mon ampoule lectrique, lusquelques versets de la Bible et un chapitredes 11.000 verges et annonai que j'tais prt.

    En route la conversation ne languit point.J'entretins mon dfenseur de mes projets.Sitt sorti de prison je comptai reprendre maprofession que je considrais comme la plusbelle de toutes. Je me proposais de violer etd'assassiner ensuite avec des procds de tor-ture indits, une jeune fille que j'avais rencontre un jour sur la route d'Epinal et quej'avais suivie jusqu' son domicile non sanslui dclarer qu'elle tait la plus belle de toutes,et que si elle me laissait l'aimer je serais infi-niment heureux. Elle sourit un peu et me donnaun petit oiseau qui n'avait qu'une patte. Je legardai longtemps. Il vivait dans la poche demon veston ; tenez, l.

    Mon dfenseur tait un homme charmant quicomprenait la vie et mesure que je parlaisje le sentais gagn mes ides, mes ambitions.Tuer n'est-ce pas le plaisir le plus dlicat quisoit donn l'homme.

    Tenez, lui disais-je, quand je me sens unpoignard long et effil en main et que ce poi-gnard plonge dans la poitrine d'une filletteou travers la face d'un de ces hommes qui,le soir, en bras de chemise, lisent le journal leur fentre.

    Je sentais que cette vie le tentait et il m'ett agrable que cet homme qui m'avaitdfendu aux assises avec tant de talent con-tinut aprs moi l'oeuvre que j'avais entre-prise : La gnralisation du crime. Pour ce,je dveloppaisles arguments qui me semblaientles plus favorables ma thse, et quand nousarrivmes dans la cour de la prison aprs untemps qui me parut, ou trs court ou trslong (il est si difficile d'apprcier le temps),il tait tout dispos assassiner un des person-nages qui nous accompagnaient, afin disait-il,de nous enfuir la faveur du dsarroi quecauserait son geste.

    Arriv clans la cour de la prison, je vis laguillotine, et me trouvai sans transition aucunedans un tat d'excitation sexuelle surprenant.Je crois que si j'en avais eu la possibilit,j'aurais pu aimer successivementune quinzainede femmes. Nanmoins je me dominai etm'adressant M. Deibler je lui demandai lapermission de m'entretenirun instant avec legardien-chef de la prison.

    Je dis ce brave homme, combien j'taisattrist de le quitter et quel souvenir agrableje conservais des relations amicalesqui s'taient

  • LE PONT DE LA MORT a7

    Andr Masson

    tablies entre nous. Pour lui prouver ma sym-pathie je lui dclarai que j'allais semer dans lacour de la prison, du ct le plus expos ausoleil un noyau de cerise et lui fis promettred'apporter tous ses soins sa culture. Quandil m'eut fait cette promesse je lui reprsentaicombien m'tait doux de penser que dansquelques annes, alors que le noyau seraitdevenu un arbre, il recueillerait des fruitsdlicieux. Je lui demandai seulement d'endonner une poigne ceux qui viendraient,comme moi, expier leurs crimes, encore que. jejugeasse point que mes crimes mritassentun chtiment quelconque. Mon dfenseurm'approuvait

    -

    Cher ami

    Ce fut au tour de l'abb de me dire que je nene devais pas mourir avant d'avoir demand Dieu pardon de mes fautes. Cette fois, je memis en colre, et haussant les paules lui disrudement que je n'avais aucune faute mefaire pardonner. Il fit un signe de croix prci-pit et se mit dire son chapelet en silence cequi me gnait beaucoup.

    M. Deibler s'avana vers moi et avec unepolitesse qui me toucha beaucoup me demandasi j'tais prt. Sur ma rponse affirmative, il mefit la toilette habituelle du condamn mort.L'opration termine je m'avanai, soutenupar M. Deibler et mon dfenseur vers la guillo-tine prs de laquelle se tenaient les aides.Tous trois nous chantions le Die Wacht amRhein. Au loin un piano mcanique tordait la5e symphonie de Beethoven.

    Au moment de passer sur la bascule je deman-dai tlphoner.

    A qui me dit M. Deibler.

    N'importe, lui dis-je, je veux simplementtlphoner.

    11 ne voulut pas me refuser. Je demandaiun numro. C'tait celui d'un amiral, qui sansme laisser le temps de parler m'annona qu'ilallait quitter Paris pour se rendre bord de-son navire. Il devait prendre part aux manoeu-vres navales dans la Mditerrane. Je raccro-chai l'appareil. On me jeta sur la basculeJe me trouvai dans le mme tat d'excitationsexuelle que lorsque la guillotine m'taitapparue. M. Deibler s'en aperut et enjoignit un de ses aides de me satisfaire.

    Puisqu'il va mourir et qu'il n'y a pasde femmes ici, disait-il, vous pouvez bien lesatisfaire.

    Jamais de ma vie jouissance n'avait taussi complte, il est vrai que j'allais mourir.Effectivement quelques minutes aprs, lecouperet de la guillotine tombait sur ma tte.Justice tait faite, comme on dit...

    Benjamin PRET

    LE PONT DIE L.A. IMIOiRTNavigateur du silence, le dock est sans cou-

    leur et sans forme ce quai d'o partira ce soir,le beau vaisseau fantme, ton esprit. Autrefoistu te contentais d'allumer de faciles chansonset seul l'incendie des pianos mcaniques clai-rait ta nuit. Dans la rue perpendiculaire unengresse assise sur le seuil de sa chambre coucher, de sa chambre travailler, ds quele passant l'avait dpasse, renonait samajest vnale, et dans le ruisseau, unique

    souvenir d'un Congo originel, ramassait pleines mains

    -

    des dbris de lgumes, despapiers gras. Et ce n'tait pas seulement pourse venger de son indiffrencequ'elle bombardaitl'homme, mais cette reine devenue mgre la fin du compte se changeait en oiseau, voletaitautour du promeneur, sa victime, roucoulaitsi gentiment que lui, oublieux des taches surson veston, se demandait soudain si les co-lombes, au coi.traire d'une opinion professe,

  • 28 LE PONT DE LA MORT

    ne sont pas de couleur noire. Et. elle, inspire,tandis qu'elle nettoyait ce qu'elle-mmeavaitgt, trouvait de quoi sduire. Elle s'emparaitde l'tranger, se pavanait son bras et aveclui, revenue jusqu' son taudis, montrait desdents si blanches, que dames putains, sescollgues, frissonnaient dans leurs chiffonsroses.

    Les marins qui avaient assist tout cemange riaient grands coups. Ils taientconnaisseurs en bons tours et, par exemple,savaient com-ment pour quel-ques centainesde francs, sousprtexte d'unetraverse prixrduit, on per-suade aux Afri-cains

    qui ap-prendraitla peurde la chaleuraux fils du so-leil ?

    de se

    laisser rtir prsd'une chauffe-rie. Le bateaurendu au port,il suffisait dedboulonner lesplaques de tlequi tenaient pri-sonniers cespassagers sp

    -

    ciaux. Simplehistoire, deshommes brunssont devenusdeshommes bleus.Grce despierres qui rem-placent dansleurs pauvres poches Parc-en ciel plat des por-tefeuilles marocains, leur corps prend avec dupoids une discrtion suffisante pour qu'on leslaisse doucement, doucement glisser jusqu'aucentre mme de cette obscurit clapotante, quiclans quelques heures, l'aube, pour les poissonset les navigateurs redeviendra la mer. la vie.

    Or, quel soir ? Enfin, les prostitues ouicompris que les pieds n'taient pas faits pourdes tortures de velours noir mais pour unenudit de peau mme une nudit de sable.Mors les talons, sur lesquels, depuis des sicles,

    elles chaviraient, tous les talons se sont briss,et des fleurs sans semence ont jailli du maca-dam. Parce que nul mensonge ne pouvait plustre tolr, ft-il celui si mince des semellesde ficelle, les voyous ont jet plus loin quel'horizon leurs espadrilles. Eclatez couleurs.Les criminels ont les mains bleues. Et vous,filles, si vous voulez des bouches rouges, passezsur vos lvres le doigt tach de vos derniresamours. Au font des ocans, tous les Africainscrdul'S

    cui voulurent faire des voyages bon

    compte et mou-rurent prs deschaufferies, res-suscitent. Sansdoute bienttseront-ils pois-sons, puisquedj leurs jam-bes deviennenttransparentes.Ecoutez leurschansons sansmot, la lu-mire des mons-tres lectriquesLes hyppocam-pes appuient surleur nombril,comme sur lebouton d'unesonnette lectri-que. Est ce poiu-le th? Mais non,Des forts d'eau,ils montent,points d'interro-gation tte decheval, jus-qu'aux yeux dessavants euro-pens, qui cla-

    tent dans leur peau terrestre. Le vaisseau ian-tme crit sa danse en plein ciel. Les murss'cartent entre lesquels on voulut enchanerles vents de l'esprit. Derrire les plis d'un ve-lours trop lourdement paisible s'allume unsoleil de soufre et d'amour. Les hommes dumonde entier se comprennent par le nez. Ungeyser imprvu envoie au diable des pierresdont on a tent d'habiller le sol. 11 y a un pontde la plante minuscule la libert.

    Du pont de la mort, venez voir, venez tousvoir la fte qui s'allume. Bin CREVEL.

    VERSAILLES

  • CHRONIQUESL'OPPORTUNISME IMPUISSANT

    Si l'on considre d'une part l'opportunismepolitique des gouvernements capitalistes

    quelles que soient les formes revtues par cesgouvernements

    et d'autre part les intrtsvitaux de la classe ouvrire, on est frapp deconstater fin- compatibilit absolue qui existeentre eux.

    A l'poque de l'volution conomique ducapitalisme o nous sommes parvenus, l'im-prialisme, qui est comme l'a crit Lnine,

    la dernire tape du capitalisme , il apparatclairement que cet opportunisme politique,grce auquel la bourgeoisie dans la plupart despays d'Europe, a pu chapper la rvolutionproltarienne, est impuissant remdier auxconditions conomiquesprsentes, qui rendentplus aigu, dans toutes ses manifestations, lalutte des classes.

    En vrit, la cause rvolutionnaire s'hiter-natioi.alise chaque jour davantage, et elle s'lar-git aussi chaque jour davantage au fur et mesure que tous les rvolutionnaires mettenten concordance leurs rvoltes, ou plutt lesidentifient la mme cause : la rvolution pro-ltarienne.

    Ceux qui ne comprennent pas qu'une vic-toire des

    rebelles rifl'ains sur les troupesfranco-espagnoles

    ou sur les diplomatesd'Oudjdaest un vnement rvolutionnaire,

    au mmetitre que la grve des mineurs anglais,sont incapables de rien comprendre la rvo-lution. (Bien entendu je ne parle pas ici de laclasse ouvrire dont le rle historique en tantque classe rvolutionnaire demeure entier,mme lorsqu'elle n'a pas conscience de ce rlehistorique, mais de cette partie des idologuesbourgeois

    pour reprendre cette expressionde Marx,

    parvenus l'intelligence thoriquede l'ensembledu mouvement rvolutionnaire.)

    Il est bien certain d'autre part, que les mani-festations violentes de l'action de classe danstel ou tel pays ont pu tre rendues efficaces ouannihiles par une bonne ou une mauvaisetactique de combat de la fraction avance etorganise du proltariat. Les bolchevicks ontpris le pouvoir en 1917..., les communistes alle-mands ont laiss passer leur heure en octobre1923. Mais, en dfinitive, le sort de la rvolu-tion mondiale ne s'est pas encore jou. Certesla rvolution russe a donn la classe ouvriresa premire organisation puissante de combat :un Etat proltarien, une arme rouge. Mais ilserait drisoire pour des communistes de pr-tendre s'en tenir ce. seul acquit et d'attendre

    duseul Etat sovitiste de nouvelles conqutesrvolutionnaires. 11 est trop vident, au con-traire, que le sort mme de l'U. R. S. S. (100mil-lions de paysans pour 9 millions d'ouvriersenviron) est troitement li de nouvellesactions de masses du proltariat dans les Etatscapitalistes les plus volus.

    Il me_semble impossible d'analyser ici_dansl'ensemble des faits conomiques, la Situationparticulire de