la révolution surréaliste - n°5, primer año

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La Révolution surréaliste Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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La Révolution surréaliste - N°5, Primer año

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  • La Rvolutionsurraliste

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • La Rvolution surraliste. 1924-1929.

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  • N 5

    Premire anne 15 Octobre 1925

    SOMMAIREUne lettre : E. Gengenbach.

    TEXTES SURRALISTES :Pierre Brasseur, Raymond Queneau, Paul luard,

    Dd Sunbeam, Monny de Boully.POMES

    :

    Giorgio de Chirico, Michel Leiris, Paul luard,Robert Desnos, Marco Ristitch, Pierre Brasseur.

    RVES:

    Michel Leiris, Max Morise.Dcadencede la Vie : Jacques Baron.

    Le Vampire : F. N.Lettre aux voyantes : Andr Breton.

    Nouvelle lettresur moi-mme: Antonin Artaud.Ces animaux de la famille : Benjamin Pret.

    CHRONIQUES :Au bout du quai les arts dcoratifs :

    Louis Aragon.Le Paradis perdu : Robert Desnos.Lon Trotsky : Lnine : Andr Breton.

    Pierre de Massot : Saint-Just : Paul luard.Revue de la Presse : P. luard etB. Pret.

    Correspondance, etc.ILLUSTRATIONS :

    Giorgio de Chirico, Max Ernst, Andr Masson,Joan Mir6, Picasso, etc.

  • UNE LETTREGrardmer, ce 10 juillet 1925

    MESSIEURS,

    Ces jours-ci, un jeune homme a tent de se suicider, en se jetant dans le lacde Grardmer. Ce jeune homme tait, il y a un an, l'abb Gengenbach, et se trouvaitchez les Jsuites, a 1 Lxternat du 1 rocadero, M, rue rran-klin... A cause de cela on a essay d'touffer le scandale Grardmer, mais je sais que le dsir de ce jeune hommetait au contraire qu on ft du bruit autour de ce suicide.Ce jeune homme c est moi. Quand vous recevrez cettelettre, j'aurai disparu, mais si mes renseignements ne voussuffisentpas, je vous autorise vous adresser ma cousine,jypie j YJcy^ institutrice Retoumemer, prs Grardmer.

    Il y a un an exactement, j'tais abb chez les Jsuites Paris et tais appel une belle situation dans le mondeecclsiastique. Il m'arriva une bauche d'aventure amoureuseavec une jeune actrice de l'Odon, la suite d une soireque j'avais passe en civil, au thtre de l'Athne. Onjouait Romance avec M. Sona. La pice, reprsentant! idylled'un jeune pasteur protestant et d'une cantatrice italienne,m avait beaucoupmu. Les Jsuitesfurent au courant.Quelque tempsaprs, j'allai dner,avec mon actrice,

    LE LAC DE GRARDMERLA NUIT

  • UNE LETTRE

    et la dpression mlancolique et devins nihiliste, ayant compltement perdu lafoi. mais restant nanmoins attach la douce figure du Christ si pure, et siindulgente. J'ai maudit tous ceux qui, prtres, moines,vques, ont bris mon avenir parce que j'tais obsdpar la femme, et qu'un prtre ne doit pas penser lafemme. Race de misogynes, de spulchres blanchis,squelettes dambulants !... Ah ! si le Christ revenait !

    J'ai pass tout l'hiver, seul dans un salon..., fai-sant de la musique et lisant. C'est ce moment queje pris connaissance de la R. S. et de votre Enqutesur le suicide, laquelle ne fit que m'ancrer davantagedans mon pessimisme et dans le dsespoir le plussombre... J'y ai vu des cris d'angoisse exprimant ledsir du nant ou l nostalgie d'une vie, d'un au del,o enfin nous pourrons, vads d'ici-bas, tre libres !Je suis venu ici pour me suicider en me jetant dansle lac. J'ai essay de le faire auprs de la villa Katten-dick... J y ai renonc... Mais, je vous permets et vousdemande de faire connatre cet vnement, que l'onvoudrait tenir sous silence, parce que j'ai t ecclsias-tique... C est justement parce que j'ai t ecclsiastiqueque je veux que l'on sache ce que les gens d'Eglise ont fait de moi : un dsespr, unrvolt et un nihiliste...Je vous prie d'agrer, Messieurs, mes salutations distingues.

    E. GENGENBACH.

    P. S.

    Ci-joint ma photographie en abb et en cvil, celle de l'actrice, et unephoto de la Grande-Trappe o j'tais all faire une retraite.

    TEXTES SURREALISTES

    Pierre Brasseur :Dans son chteau vil seule une femme

    noble jalouse des joies du peuple. Un jourelle voit passer le cortge du roi, elle a ri etdepuis il y a cenl ans de cela elle rit.Elle va mourir, je crois, dans vint.1 ans, ellea donc encore vingt ans rire.Le roi avait vu passer le peuple et jaloux deses joies, il a pris un grand glaive d'une mainet il esl all tuer son peuple, habitant jjarhabitant,

    il y a cent ans de cela

    il en a lueun par an, ils taient cent vingt, il a doncencore vingt ans tuer.Quand il m'a dit cela, moi, son meilleurami, je l'en ai dissuad, il m'a regard eldans ses deux yeux j'ai compris que le sel deslarmes faisait l'oeuvre du picon sur le marbrede ses carapaces, cl dieu sait de quelles cara-paces il est envclopj), on voit les larmesquandmme, niais comme des gouttes d'huile sur desglaces.

    Je ne suis pas l'on, el je ne dirai plus cela,non, crois-moi, il ne faut pas tuer, il ne fautpas en rire non plus, il ne faut jamais mriterdes titres que l'on ne nous accroche pas noire naissance, et tout rouge il me cria :

    On me les a peut-tre accrochs puisqu'ilesl combl le vicie, aujourd'hui.

    I.e long et. grand propos qui louche juste l'instant o l'on prononce des mois doublesavec des sens tripleset des couleurs quadruples,avec un seul oeil on en voit plus que lamoiti, domine des choses, il a terme un oeilmais tournant l'autre il a presque tout vusaut un petit coin, un tout petit coin, avecde petits mots dont il essayait de former desguirlandes de baraques qui feraient croireses yeux moins menteurs et susceptiblesd'aimer encore quelque chose mon cielil a un ciel lui, il n'y plante rien car la fumele tout ce qui l'entoure l'empche de voirdistinctement les terrains, de juger de laqualit

    il va btir si les briques tombent

  • TEXTES SURREALISTES

    et y restent, il y a du terrain ; si elles n'yrestent pas, il n'y a rien, que des nuages, il yfaut la place, mme'pour une petite construc-tion d'enfant. Dans le bleu il faut le beau bleu,et dans ce beau bleu, il faut, c'est ma grand'mre qui me l'a appris, que l'on puisse y taillerune culotte de gendarme. Pourra-t-il la tailler ?Elle annoncerait le beau temps, mais ungendarme nain me suffit vtir, disait-il enpleurant ; depuis le matin il cherchait. Lesvoisins le crurent mort. Non et voici la preuve :on l'a retrouv vivant.

    Raymond Queneau:

    Des canons de neige bombardent les vallesdu dsastre permanent. Cadavres prims,les primtres de l'azur ne sont plus chambrespour l'amour et la peste au sourire d'argententoure les fentres de cerceaux de platine.Les mtaux en fusion sont filtrs sur desbuvards de jugeons gants ; puis, concasss,ils sont expdis vers les volcans et les mines.Tranes de plomb, tranes de marbre, min-raux et carbones, monde souterrain o personnene voyagea, n'tes vous pas l'esprit ch auxpieds de la mort ? Limon rouge des ocans,

    lacs mtalliques, jwissons aveugles, alguesblanchtres, mystres de la profondeur, inso-lubles reflets du ciel ! Et voil la priphriedes mtores et les orbites des comtes quis'vanouissent dans la gloire d'un chne plusvieux que la lune. Les astrodes se dispersentsur toutes les nations. Des femmes en re-cueillent pour orner leur piano, des hommestendent leur chapeau, les enfants crient etles chiens pissent contre les murs tachs decervelle.

    Les raisins ne mriront pas cette anne ;les fleurs mourront sans fruits aux premiresclameurs de la subversion des champs. Laterre arable, la marne el: le calcaire, l'humuset le terreau, des hommes les projettent dansl'atmosphre o l'orgueil du travail humainse disperse joyeusement. Les minerais quidchirent si agrablementles mains, les fossiles,le granit et le feldspath, les cristaux, le mica,le sable d'or

    les hommes les ptrissentde leurs doigts sanglants, ils les pitinentafin que leurs pieds mme partagent leurbonheur ; ils creusent sans fin, les tunnelsdeviennent carrires, l'ardeur de ce mondesans vie conquiert l'humanit aux premireslueurs d'un nouvel asctisme.

    VIVE LA FRANCE Met lrnst.

  • TEXTES SURREALISTES

    Araigne gante qui ptrifie au centre denotre plante les poj)es et les fastes despeuples, jjourquoi gardes-tu si longtempsces fossiles dans tes coffres de dentelle ?Donne-nous ces pierres comiques, ces rhom-bodres obscnes, ces rsidus de vie, ces dbrisde vengeances et de sang, afin que nous enriions une dernire fois. Et vous, pouljDes,donnez-nous ces astres et ces passions quevous conservez dans vos cavernes de l'OcanPacifique, sinon la terre se dispersera dansle ciel, et sur chaque arolithe n de sa mort,un homme se desschera dans la puret del'tlier.

    Paul Eluard :L'image d'homme, au dehors du souterrain,

    resplendit. Des plaines de plomb semblentlui offrir l'assurance qu'elle ne sera plus ren-verse, mais ce n'est que pour la replongerdans cette grande tristesse qui la dessine.La force d'autrefois, oui, la force d'autrefoisse suffisait elle-mme. Tout secours estinutile, elle prira par extinction, mort douceet calme.

    Elle entre dans des bois pais, don!: lasilencieuse solitude jette l'me dans une mero les vagues sont des lustres et des miroirs.La belle toile de feuilles blanches qui, surun plan plus loign, semble la reine descouleurs, contraste, avec la substance desregards, appuys sur les troncs de l'incal-culable, impritie des vgtaux bien accords.

    Au dehors du souterrain, l'image d'hommemanie cinq sabres ravageurs. Elle a djcreus la masure o s'abrite le rgne noir desamateurs de mendicit, de bassesse et dejvroslilulion. Sur le plus grand vaisseau quidplace la mer, l'image d'homme, s'embarqueet conte aux matelots revenant des naufragesune histoire, de brigands : A cinq ans, samre lui confia un trsor. Qu'eu faire ? Sinonde l'amadouer. Elle rompit, de ses bras d'enferla caisse de verre o dorment les pauvresmerveilles des hommes. Les merveilles lasuivirent. L'oeillet, de pole sacrifia les cieuxjjour une chevelure blonde. Le camlons'attarda dans une clairire pour y construireun minuscule palais de fraises et d'araignes,les pyramides d'Egypte faisaient rire lespassants, car elles ne savaient pas que lapluie dsaltre la terre. Enfin, le papillond'orange secoua ses ppins sur les paupiresdes enfants qui crurent sentir passer lemarchand de sable. L'image d'homme rve, mais plus rienn'est accroch ses rves que la nuit sansrivale. Alors, pour rappeler les matelots l'apparence de quelque raison, quelqu'unqu'on avait cru ivre prononce lentement cettephrase :

    Le bien et le mal doivent leur origine l'abus de quelques erreurs. *

    * *

    L'absolue ncessit, l'absolu dsir, dcoudre

    tous ces habits, le plomb de la verdure qui dortsous la feuille avec un tajDis rouge dans lescheveux d'ordre et de brlures semant lapleur, l'azurine de teinte de la poudre d'ordu chercheur de noir au fond du rideaudur et renclant l'humide dsertion, poussantle verre ardent, hachure dpendant de l'ter-nit dlirantedu joauvre, la machine se disperseet retrouve la ronde armature des rousses audsir de sucre rouge.

    Le fleuve se dtend, passe avec adresse dansle soleil, regarde la nuit, la trouve belle et son got, passe son bras sous le sien et redoublede brutalit, la douceur tant la conjonctiond'un oeil ferm avec un oeil ouvert ou duddain avec l'enthousiasme, du refus avec laconfiance et de la haine avec l'amour, voyezquand mme la barrire de cristal que l'hommea ferm devant l'homme, il restera pris parles rubans de sa crinire de troupeaux defoules, de processions, d'incendies, de semailles,de voyages, de rflexions, d'popes, dchanes,de vtements jets, de virginits arraches,de batailles, de triomphes j^asscs ou futurs, rieliquides, de satisfactions, de rancunes, d'en-fants abandonns, de souvenirs, d'espoirs, defamilles, de rac es, d'armes, de miroirs,d'enfantsde choeur, de chemins de croix, de chemins de1er, de traces, d'appels, de cadavres, de larcins,de ptrifications, de parfums, de promesses,de piti, de vengeances, de dlivrances

    -dis-je--

    de dlivrances comme au son desclairons ordonnant au cerveau de ne ])Jus selaisser distraire par les masques successifs etfminins d'un hasard d'occasion, aux prunellesdes haies, la cavalcade sanglante et plus douceau coeur de l'homme averti de la paix que lacouronne des rves, insouciante des ruines dusommeil.Dd Sunbeam.

    --

    Quand une femme meurt, les poissonsrient. A chaque travail corresjxind une couleur.A chaque jour suffit sa queue. L'eau ne couleque clans les livres.

    Ainsi parla le vieillard. Et moi je sortis.J'allai o vont nos jambes quand nos yeux ontle courage d'affronter l'air pur ci faisantabstraction des march.es nuptiales. Des as-siettes jilates se renvoyaient les mots d'ordrecomme des bulles de savon au bout de raquettesde nacre. Des boutons se roulaient sur le sol(ma vue leur donnait le delirium tremens).Les femmes avaient dj cess de m'intresseret j'en tais rduit me souhaiter mes anni-versaires plusieurs fois par an. Le vieillardqui avait un jour de carme prtendu queles poissons riaient de la mort des femmes(quelles femmes ?) devait maintenant jaunirau bout de quelques aiguilles de sapin. Moi,je restais l, en proie aux poissons apprivoisset aux araignes dlicieuses de Montmartre.Et que faire ])ar ces journes limitrophes destemps stupides et ces nuits bordes d'vne-ments affligeants, que faire sinon gratterdsesprment le sol aux exigences inronce-

  • TEXTES SURREALISTES

    vables ? Je prvoyais dj le jour o il mefaudrait creuser ma propre tombe avec desclats de verre, des morceaux de bouteillesbrises pour y enfouir des partitions de mu-sique inepte, nouvelles marseillaises d'escar-gots paludens ou cardiaques. A chaquequestion l'Amour me rpondait cent trente .Je jxmvais lui demander n'importe quoi, larponse tait la mme. : Cent trente. Il n'yavait de varit et de ressource que dans lafaon de poser les questions et de recevoirles rponses. Je posais une bouteille sur unergle pour savoir si la mer me soutiendraitlongtemps, et huit heures ajirs un groupede poulains accourait de l'horizon et faisaitle cercle autour de moi : je les complais, ilstaient cent trente. Je pendais chacunede mes fentres un oeil d'esclave noir trempdans du lait de vache et le lendemain malinje recevais cent trente invitations centtrente congrs diffrents, etc., etc.

    Mon aventure finale l'ut celle-ci : un jourje rencontrai prs d'un gout collecteur deuxfemmes qui m'apprirent en riant comme desfolles que j'avais, par mgarcle, la veille,cras un certain nombre de tubes de verresur lesquels elles avaient crit Vive l'arme avec le sperme du marchal Lyautey. Aprsleur avoir lait l'amour, je rsolus de savoirce qu'il en tait et prenant un tube de. verreanalogue ceux qu'elles m'avaient dcrits, jel'emplis d'eau de mer et le lis avaler monchat que j'enfermai aussitt dans une salleinoccupe du muse Guimet, Le lendemainmatin j'allai le voir et lui lis de nouveauabsorber le tube qu'il avait rendu l'air libre.Cela dura cent vingt-neuf jours. Le cent tren-time malin, comme je voulais saisir le tubede verre, je remarquai qu'il portait une inscrip-tion. Je lus : Vive l'Arme .

    Monny de Boully:Enrouler les rails autour de son bras clos

    comme la sphre, des ventails clestes, ceux(pie je ferais brler si j'tais inquisiteur,montre-bracelet mordue par \mu minute veni-meuse. Beaucoup plus lentement, bloc inou,atonie hysl ro-pileplique donn la premireaventure, celle qui n'osa demander la baguenoire, porte-malheur vivant. Je lui lanceraiune boule flamboyante, je tournerai la tteet je lancerai, je jetterai mon regard commeune miette aux jioissons chinois. Passons,passons en contre-sens, moyen unique pourdiviser jusqu' l'infini chauve quoique ce soit,mme cette, soif, inassouvissablesable. 0Myst-rieuse couleur, si lu fardes le visage de lafemme, c'est toi que j'adorerai et non la femmeamoureuse de l'aurore, attentive l'aurore,horrible aurore, horrible horreur des heuresen attendant l'aurore d'or. Le risque brillerasur le disque, roulera, coulera comme unelarme, ce qui nie l'ait songer l'inquitudedont je voile mes gestes, pauvres baisers,calmes peurs. Venir l'aide de ces rencontres,

    elles n'en ont pas besoin, ce qui ne manquerajias d'arriver involontairement. Je vois levitrail et sur les tiges mtalliques qui sondentle sacrifice que je fais, que je dsire qu'on fassecomme on passe. Elle me jnie de renouer lenoeud blanc, elle m'assure que la blancheurdgouttera comte le lait des perles. Et je luidis : Si les perles sont vraies je te les donnerai,si elles sont fausses, je les avalerai comme lecoq de la fable. Tu as autant d'imaginationqu'un jmits dessch , rpondit-elle en cra-chant un baiser que j'vitai en fermant lesyeux et cpii fit blanchir un cheveu sur le cafnoir. Donc, roule/., saccadez voire respiration,elle est jeune, elle jene, elle rajeunit dansla chaleur du nid, ouvrage que j'ai toujoursconsidr comme le fruit d'une intelligencemditant uniquement des crimes impunis-sables Ingnieusement, frop support, tropaccul, charade-rbus, que supposer, cpii siq>-plier?Il m'est loisible de former une paulede cire tellement absurde cjue les parolesd'admiration que vous cacherez dans la jochesecrte de voire syntaxe passeront leurs ttes(souris camoufles en trous de serrure) parle trou de la serrure boulonnire-gillle-fleur-fivreuse. Un lil pass entre les orteilsc'est le salut de votre inquitude clans unefort germanique balance par le vent, balan-oire abandonne, feuilles folles, feuillagesfous, loups dont l'lgance bondissante obligeles toiles l'aire l'amour. Pour moi, unevalise voltigeant dans l'air limpide ne cache,aucun secret. Un secret la cache, c'est pluscomprhensible, mais tout aussi faux. J'ai ditqu'elle n'a pas de secret : elle confientdes faux-fuyants pliables jusqu' disparition,

    l'icusso 1925.

  • POEMES

    ESPOIRS

    Les astronomes potisants sont bien joyeux.La journe est radieuse la place pleine de

    soleil.Sur la vrandah ils sont penchs.Musique et amour. La dame trop belleJe voudrais mourir pour ses yeux de velours.

    Un peintre a peint une norme cheminerougeQu'un pote adore comme une divinit.J'ai revu cette nuit de printemps et decadavres

    Le fleuve charriait des tombeaux qui nesont plus.

    Qui veut vivre encore Les promesses sontplus belles.

    On a Mss tant de drapeaux sur la garePourvu que l'horloge ne s'arrte pasUn ministre doit arriver.Il est intelligent et doux il souritIl comprend tout et la nuit la lueur d'une

    lampe fumante pendant que le guerrierde pierre dort sur la place obscureIl crit des lettres d'amour tristes et ardentes.

    UNE VIE

    Vie, vie, grand rve mystrieux ! Toutesles nigmes que tu montres ; joies et clairs...Visions qu'on pressent.

    La voiture de dmnagement tourne l'anglede la rue.

    Portiques au soleil. Statues endormies.Chemines rouges ; nostalgies d'horizons

    inconnus.

    Belles journes affreusement tristes,volets clos.

    Et l'nigme de l'cole, et la prisonet la caserne ; et la locomotive qm sifflela nuit sous la vote glace et les toiles.

    Toujours l'inconnu ; Vveil le matin

    et le rve qu'on a. fait, obscur prsage,oracle mystrieux ; que veut dire le rvedes artichauts de fer ; j'ai mal la gorge,mes pieds sont froids, mon coeur hlasest brlant car la grande musique del'espoir chante toujours en lui ; maisVamour me fait souffrir, il est si doux dese promener avec l'amie les soirs d'hiver l'heure o de ples lumires s'allumentdans la cellule de chaque prisonnier.

    Et spar d'elle on souffre comme...

    L'enfant rveill dans l'heure la plusprofonde de la nuit

    Par le bruit affreux de l'orage court piedsnus la fentre et regarde la lumirelivide des clairs l'eau couler torrentsdans les rues alors le souvenir du pre quivoyage en des pays lointains

    Lui serre le coeur... et il pleure.Sa chambre est dans l'ombre Vaprs-midiCar le soleil le triste soleil d'hiver tourne

    et descend lentement. Prs de sa maisonil y a une gare et une grande horloge touteneuve

    Eclaire quand vient l'obscurit.Souvent la nuit le bruit des voituresEt des passants attards l'empche de

    dormirAlors il allume sa bougie et dans le

    grand silence il regarde d'tranges tableauxqui, pendent ses murs.

    Prs de son lit il a aussi un verre d'eauet un pistolet automatique,, et une photo-graphie de femme au regard triste ettonn.

    Et maintenant il attend, il cherchel'uiiati

    Une guerre est finie, on veut apprendreun nouveau jeu.

    Je veux que mes ongles soient poliscomme de l'ivoire et mes yeux beaux etpurs.

    Je mprise celui qui ne s'intresse pas mot. Dans la ville on n'entend pas lechant du, coq. La dtonation de la poudresans fume est plus sche et plus forte.Bouchez-vous les oreilles, le coup va partir.

  • POEMES

    UNE NUIT

    La nuit dernire le vent sifflait si fort que jecroyais qu'il allait abattre les rochers encarton.

    Tout le temps des tnbres les lumireslectriques

    Ardaient comme des coeursDans le troisime sommeil je me rveillai

    prs d'un lacO venaientmourir les eaux de deux fisuves.

    Autour de la table les femmes lisaient.Et le moine se taisait dans l'ombre.Lentement j'ai pass le pont et au fond de

    Veau obscureJe vis passer lentement de grands poissons

    noirs.Tout coup je me trouvai dans une ville

    grande et carre.Toutes les fentres taient closes, partout

    c'tait silencePartout c'tait mditationEl le moine passa encore ct de moi. A

    travers les trous de son cilice pourri jevis la beaut de son corps ple et blanccomme une statue de l'amour.

    Au rveil le bonheur dormait encore prsde moi.

    Giorgio de CHIRICO (1911-1913.)

    SOLEILS FURIEUX Andr Musson.

    LE SCEPTRE MIROITANT

    LA FRONDE

    Michel LEIRIS.

  • POEMES

    AU HASARD

    Au hasard une pope, mais bien finiemaintenant.

    Tous les actes sont prisonniersD'esclaves barbe d'anctreEt les paroles coutumiresNe valent que dans leur mmoire.

    A.u hasard tout ce qui brle, tout ce qui ronge,Tout ce qui use, tout ce qui mord, tout ce

    qui tue.Mais ce qui brille tous les joursC'est l'accord de Vhomme et de l'or,C'est un regard li la terre.

    Au hasard, une dlivrance.Au hasard l'toile filanteEt l'ternel ciel de ma tteS'ouvre plus large son soleil,A l'ternit du hasard.

    NE PLUS PARTAGER

    Au soir de la folie, nu et clair,L'espace entre les clioses a la forme de mes

    paroles,La forme des paroles d'un inconnu,D'un vagabond qui dnoue la, ceinture de

    sa gorgeEt qui prend les chos au lasso.

    Entre des arbres et des barrires,Entre des murs et des mchoires,Entre ce. grand, oiseau tremblantEt la colline qui l'accable,L'espace a la forme de mes regards.

    Mes yeux sont, inutiles,Le rgne de la poussire est fini,La chevelure de la route a mis son manteau

    rigide,Elle ne fuit plus, je ne bouge plus,Tous les ponts sont coups, le ciel n'y

    passera plus,Je peux bien n'y plus voir.

    Le monde se dtache de mon universEt, tout au sommet des batailles,

    Quand la saison du sang se fane dansmon cerveau,Je distingue le jour de cette clart d'homme

    Qui est la mienne,Je distingue le vertige de la libert,La mort de l'ivresse,Le sommeil du rve,

    O reflets sur moi-mme ! o mes refletssanglants !

    Paul ELUARD.

    Robert DESNOS

    SE TUER

    Ce n'est pas la grandeur royaleQui s'en ira avec les fleuvesJe suis envahi par cette pourpre loyaleDu temps o toutes les nuits s'abreuvent

    L'espoir du plus grand est torduDans la flamme insouciante du rveCe sont les absences de couleurs morduesDe couleuvres de lvres mortelles du glaive

    Enlever l'assaut cette certitude des champsTout le bleu de l'herbe et ce ciel vermeilLes cryptogames dans la houille et les

    chantsDans les chambres berces au del du

    sommeil

    Plonger plus que la vie dans cette rivireO brlent les jours venir mourir de

    rireScaphandrier noy sur une civireExact au rendez-vous o la mort se mire

    Marco RISTITCH.

  • POEMES

    CHACUN POUR SOI

    Allez-vous en Dgotant personnage,vousn'tes pas irrductible ; tre dangereuxn'est qu'un verbe

    vous aurez de mesnouvelles

    me faire a moi quifait

    oh !

    je vous trangle

    allons bon

    je me trane enfin vos pieds

    mesrotules dvient chaque pardon

    tonoeil est fixe tu aurais peur si je te faisaistrembler, crains-moi

    mes dents vontpousser si mordre est mon fort, j'hsite

    so7s ta montre

    minute ta vie, remonteta vie, perds ta montre, roule dans les, lestapis ne sont en somme que de la poussireartificielle

    tu te colles tes propresvitres et ce qui est plus fort, tu n'aspas honte du rouge

    regarde dans l'escaliersi la concierge n'coute pas au balai dupalier

    reviens identique si tu le peux

    aussi fou, aussi simple, si

    si,-

    si

    pourquoi hurles-tu ? je le sais moi carje suis parallle avec les morts-

    j'ai vules autres mourir l'envers comme lesmoines prient eu pantoufles et voient leursmes monter aux deux en chaussures

    tues une bte qui mange sans le moindre

    hoquet trois petites soeurs des pauvres

    tu as peur des vrais pauvres

    tes yeuxgercs glissent sous ta peau par des crevasses

    avare ! tu ne veux donc rien perdre

    tues indigne de porter un tel nom qui estle tien malgr tout

    tais-toi tu me dirasla mme chose

    il me suffit de savoirque tu vas parler pour moi

    est-ce pourcela que je tombe l'instant prcis o jepoussais le cri qui devait, clairer ma route{en courant) excuse-moi mon, cher avec monpardessus bleu

    -

    les agents n'y verrontque du feu.

    Pierre BRASSEUR.

    LA COLOMBE DE L'ARCHEMauditsoit le pre de l'pousedu forgeron, qui, forgea, le fer de la cogneavec laquelle le bcheron abattit le chnedans lequel on sculpta le lito fut engendr l'arrire-grand-prede l'homme qui conduisit la voiluredans laquelle la mrerencontra Ion pre !

    Robert DESNOS.

    PHOTOGRAPHIE COMMUNIQUE PAR M ANDR MALRAUX (Japon)

  • TERRE LABOUHtt Juan Mit'.

    REVES

    Michel Leiris :l Entrant un soir clans ma chambre, je

    m'aperois assis sur mon lit. D'un .oup de poingj'anantis le fantme qui a vole: mon apparence.A ce moment ma mre parat au seuil d'uneporte, tandis que par la porte d'en face entreson double, exactement semblable elle. Jecrie trs fort, mais mon frre survient, accom-pagn lui aussi de son double, qui m'ordonnede me taire.

    2 Une rue de banlieue, la nuit, entre desterrains vagues. A droite un pylne mtalliquedont les traverses portent sur chacun de leurspoints d'intersection une lampe lectrique allu-me. A gauche une constellation reproduit, ren-verse (la base dans le ciel et la pointe vers laterre), exactement la forme du pylne. Le cielest couvert de floraisons (bleu fonc sur fondplus clair) identiques celles du givre sur unevitre. Les lampes s'teignent tour de rle, etchaque fois que la lumire de l'une d'elles s'va-nouit, l'toile correspondante disparat aussi.

    Il fait bientt tout lait nuit.

    3 Dialogue entre Andr Breton et RobertDesnos

    :

    A. />'., R. 1'.

    La tradition sismotrique...A'. D. (se transforme en pile d'assiettes).

    4 Je pars en bateau-mouche

  • REVES iltiennent, nues, et le visage masqu ; un jeunehomme, dsign par le sort, part minuit d'unvillage voisin et s'introduit dans la crypte lesyeux bands. Il doit faire l'amour avec lesjeunes filles, jusqu' ce qu'il ait reconnu l'uned'entre elles, rien qu'au toucher, et si celle-cide sor ct l'a reconnu il est tenu de l'pouser).

    5 Je suis au bord de la mer, sur une plagedu genre de Palm-Beach, avec une amie nommeNadia. Pour s'amuser me faire peur et savoirsi j'aurais du chagrin c!c sa mort, Nadia, quisait trs bien nager, veut faire semblant de senoyer. Mais elle se noie pour de bon, et l'on merapporte son corps inanim. Je commence parpleurer beaucoup, puis je finis par me consoleren faisant ce petit jeu de mots :

    Nadia, naade noye.

    VUE DE MALAGA

    Max MoriseI

    Les personnages de ce rve datent de quelquesannes. Mon pre et ma mre sont encore dans laforce de l'ge, mes frres et soeurs encore jeunes.Pour moi, je suis tel qu'aujourd'hui. Ma familleconstitue, avec quelques personnages que je neme rappelle pas avoir jamais rencontrs l'tatde veille, une association de conspirateurs. L'ac-

    tion se passe clans une ville de proportions res-treintes. Chaque quartier, maison ou rue de cetteville est figur par une petite chambre ou uneportion de jardinet limit de murs. Le tout tientsur les pentes de l'un de ces monticules sillonnsd'alles tortueuses que l'on voit dans certainsjardins publics et que l'on qualifie pompeuse-ment de labyrinthes. L'exigut des lieux etla pnombre qui y rgne contribuent nous;pntrer d'un insupportable sentiment d'op-pression. La place la plus vaste du pays estune terrasse qui domine la mer ; c'est l'endroitde prdilection o nos oppresseurs (la presquetotalit des habitants) viennent en pleinsoleil taler leur luxe et leur insolence. Monpre, le chef de la conjuration, a d s'exiler Cannes, ville que clans les lettres qu'il nousfait parvenir secrtement il nomme Bazanpour garer les recherches de la police. Ceslettres contiennent de magnifiques exhorta-tions la patience et au courage et, lorsquenous nous runissons en grand mystre pour enfaire lecture, elles nous arrachent des larmesd'motion et de rage. Dans les lieux publics,par exemple table, les conjurs doivent fairesemblant de ne pas se connatre afin de ne pasdonner prise aux soupons des ennemis. Mal-heureusement il y a des gaffeurs qui laissentparatre leur indignation lorsqu'un des conspi-rateurs est arrt ou malmen, et mes frres etmoi sommes obligs de les rappeler l'ordre parsignes ou en faisant : Chut ! Je ne me rappelleque quelques pisodes de cette lutte contre lepouvoir tabli. Une fois je passe dans un vesti-bule avec un de mes frres qui ne manque pas'l'astuce pour bafouer les espions ; je l'engage une extrme prudence car j'ai l'impression quenous sommes pis. Et en effet, je ne tarde pas apercevoir derrire une porte une tte qui sedissimule mal. Je monte sur un chafaudage dechaises et je me laisse tomber sur la porte cpiise brise et dmasque trois femmes, parentes etamies de ma famille qui ne m'ont jamais tsympathiques ; elles ne savent comment se dis-culperdu flagrant dlit d'espionnage;je triomphe.Une autre fois je pars en mission avec: un OUdeux compagnons. Nous quittons la ville minus-cule et nous arrivons, par contraste, sur unelarge et longue route borde de trs hauts arbreset traversant d'immenses champs que nousdevinons s'tendre perte de vue, car la nuitest obscure. Mais notre dpart a t vent ; onlance notre poursuite les automobiles despompiers. Nous nous dissimulons dans un champde bl d'o nous pouvons observer les pharesdes rouges voitures et les casques luisants deceux cpii les montent sillonnant les routes noc-turnes ; les trompes avertisseuses excutent clsairs trs mlodieux o les deux notes qui annon-cent habituellement le passage des pompiers ne

  • REVES

    reviennent que rarement et comme matire broderies ; chaque voiture est munie, la faondes arroseuses municipales, d'un dispositif quienvoie au loin de part et d'autre de la route delarges gerbes d'eau ; les pompiers, la vue des-quels l'obscurit nous drobe, battant toute lacampagne, esprent ainsi nous atteindre ; maisnotre abri est. bien choisi et nous chappons auxgouttes d'eau. Au bout d'un long moment, nousentendons enfin les pompiers bredouilles s'enretourner vers leurs casernes. Le coeur lger dupril vit, nous poursuivons notre mission.

    11

    Sur la plate-forme du* tramway qui gagnel'extrmitde l'avenue Plenri-Martin,ma soeur (?)et moi. Il faut dire que dans le rve.qui vasuivre il rgne la plus grande confusion sur lesexe et l'identit apparente des personnages,quoique leur individualit ne laisse place aucun doute. Ma compagne qui descend la pre-mire gagne l'entre du bois. Justement le pres-tidigitateur grotesque est malade aujourd'hui etil a laiss dans le tramway sa fausse mous-tache, sa canne, son bouclier et quelques autresaccessoires. Je me dguise en prestidigitateurgrotesque et je m'apprte rejoindre la per-sonne qui m'accompagnait: elle est vtue enCartouche, moins que ce ne soit en Courrierde Lyon et brandit un gros revolver en fer blanc ;nous nous livrons une mimique hurluberlue.Nous sommes cerns entre d'inexorables gen-darmes et: de sombres"alguazils qui se saisissentbrutalement:de nous ; nous protestons vivement.Mon ami s'crie

    : Je suis Monsieur *** et

    voici mon ami MonsieurMorisc. Ce n'tait qu'uneplaisanterie. Nous n'en sommes pas moinsenferms sans mnagements dans une grandesalie sans fentre en compagnie de quelques gar-diens. Ce procd arbitraire et vexatoire nousindigne au plus haut point. Un moment, noussommes trois prisonniers et quatre ou cinq gar-diens ; une bagarre clate ; je suis aux prisesavec le plus robuste des hommes qui nous ontenlevs ; sa main est deux fois plus large quela mienne ; il me triture, il me gifle, il me brise,le lche (l ) ! ce Tu dois bien boxer , lui dis-jepour l'amadouer. lin effet, il me dcoche quel-ques coups de poings, aprs quoi il fait cmelquesreprises tle boxe avec mon ami qui est de taille ni rsister. Le chef de nos gardiens est unhomme terrible et mystrieux, son attitude nousinquite. Je ne saurais dire tout ce qui se passependant les jours qui suivent. Chaque fois quej'entends du bruit derrire la. porte, j'essaye de

    (1) Ce. passade la'ouc me semble tre l'cho l'unemanipulation laquelle mon ami, le docteur 1-'..., s'estlivr !a \ cille sur ma personne : compression des yeuxpour mesurer le rllexe oeiilo-cnrcliitqiio.

    signaler notre prsence, mais les gardiens merabrouent. Je perds de plus en plus l'espoir desortir jamais de ce lieu et mon esprit est enproie une trange angoisse, malgr la douceuret la bont grandissante de mes compagnes. Ah !s'il n'y avait pas cette vieille maquerelle quinous commande. Les jours passent ; nous savonsmaintenant que notre fin est prochaine ; le dpitde notre impuissance nous prend la gorge ;l'incertitude de ce qui se prpare pour nous estsurtout intolrable ; l'assassinat ? la guillo-tine ? et pour quelles fins ? Mon amie pleuredoucement. Un jour notre matre nous apparattransform ; il est vtu d'une longue houppe-lande.grise ; son visage est grave ; il a l'air trsbon. Peut-tre est-il le chef de quelque Ku-Klux-Klan ? Comme nous tions injustes pour lui. Ildistribue chacun de nous une poigne de petitsobjets

    : une ampoule contenant du mercure, uneampoule contenant un liquide incolore, un mor-ceau de charbon tendre et mat et un autre objetdont je ne me rappelle plus l'apparence. A cemoment, un dplaisant vieillard ouvre la porte ;mais nous n'avons plus envie de fuir. J'ai rapi-dement gliss ma poigne d'objets dans la pochedroite de mon manteau ; le matre m'approuved'un regard. Une fois l'importun vieillard cong-di, il nous explique enfin quel va tre notre sort.Nous allons tous ensemble avaler ces singulirespilules, puis nous nous coucherons et notre espritprouvera des joies ineffables et s'purerajusqu'atteindre une subtilit inconcevable. Le matrenous numre et nous dcrit par avance les phasesde notre enchantement ; la drogue qui agira endernier lieu possde des proprits erotiques etnous procurera un inespr rve d'amour. Jedemande au matre : ce C'est mortel ?

    Oui.

    Bien. Mes compagnons, pntrs de la volupt

    profonde et absolvante des martyrs, se couchentet absorbent tour tour les singulires pilules.Je me couche mon tour. Le matre va de l'un l'autre et se couche le dernier.. C'est ici le lieude tracer le plan du local dont nous sommesles vivants fantmes.

    A.

    Mon lit.li.

    LU du maille.('..

    Lit cie nia sivur.1).

    Lit

  • RVES

    Ils sont tous au lit et je les observe ; ils com-mencent s'endormir sous l'effet du charme. Lematre s'est couch sans juger utile de constatersi j'avais aval ma drogue ; cette marque deconfiance me remplit de jcie. De fait, je rie l'aipas avale ; une secrte lchet me retient. J'aijet sur mes jambes mon manteau dont la pochedroite contient toujours les singulires pilules.J'ai peur de la mort. Et pourtant, atteindre lesublime comme l'a promis le matre ! Je songe fuir, me glisser hors de mon lit et gagnerla porte en rampant. Mes yeux se portent surmon camarade le gelier ; ses yeux sont grandsouverts et nie glacent d'effroi ; si l'on me dcou-vrit tentant de fuir, le chtimentserait justementterrible. Est-ce la noblesse ou la bassesse de moncoeur qui m'attache mon lit ? Je ne sais. Mapense se concentre sur le contenu de la pochedroite de mon pardessus ; mesure que la nuits'avance, avec une peur dcroissante et une joiegrandissante, mon tre sent se dvelopper en luiune apptence de plus en plus invincible pour lecontenu de la poche droite de mon pardessus ;je sens que ie vais avaler les singulires pilules ;vers le petit matin mon dsir est son comble etje suis prt m'unir au mystre. Mais ce dsirtait-il bien sincre ? ou n'ai-jc simul cettelvation de mon esprit que parce que je savaisque le mdecin allait arriver et que je ne medciderais au geste que trop tard? C'est ce queic ne.saurai jamais. Le mdecin entre. Aussittje me saisis des singulires pilules et je tente deles porter ma bouche ; on m'en empche.L'espace d'une seconde, je mesure toute mavilenie et, puisque je ne suis pas capable defaire en rve, que serait-ce clans la vie. Alorsj'clate en sanglots, j'injurie le malencontreuxmdecin, je m'crie : Docteur, docteur, voicice qu'ils ont aval ; sauvez-les, je vous en sup-plie ! Mais le mdecin, une espce d'escogriffe, la vue des singulires pilules, est pris de paniqueet ordonne son aide de dtruire cela car celapeut tre dangereux. Cependant, un un, lesdormeurs se rveillent, le visage illumin d'unejoie intrieure. Ma tendre soeur m'enlace de sesbras et m'entrane dans le large couloir par olongtempsavant on nous a amens. Nous suivonslongtemps ce couloir. Nous descendons desmarches. Nous rencontrons Jacques Baron quifait une grande exposition de peinture dans uneglise. Je n'aime pas beaucoup ses Christs ni* anges.

    Un peu plus tard (je suis dans la maison quej'habitai Sceaux avec mes parents), quoique ledner soit servi, mon pre dsire par hygineprendre le train pour Paris aller-ct-retour avantde se mettre table. A.ussi bien Desnos n'est pasencore rentr et nous le retrouverons la garedu Luxembourg. Le train est 35. Nous avons

    juste cinq minutes ; htons-nous, d'autant plusque mon pre ne marche qu' petits pas. Monfrre Andr nous accompagne ; Jean nous rat-trappera, c'est pourquoi je laisse la porte du jardinentr'ouverte. A peine avons-nous fait quelquespas que nous apercevons marchant vers nousRobert Desnos, vtu d'une tenue militaire : mol-letireset pantalon kaki, courte veste chatoyante,chemise blanche largement: ouverte sur le cou,chchia. Il arbore un sourire panoui et joue aufoot-ball avec un gros caillou. Il a pris un trainplus tt qu'il ne pensait. Qu', cela ne tienne,nous irons quand mme Paris ; c'est excellentavant les repas. Desnos continue, chemin faisant, jouer au hockey ; je me mets de la partie avec,quelques autres ; ce qui m'tonne et me vexe,c'est que Molire est plus adroit ce jeu queBraque et que moi-mme. Nous croisons RolandTuai qui, lui aussi, garde quelques vestiges de ses'vtementsmilitaires, commeune teinte,des perons.Il parle plusieurs femmes en blanc et ne daignepas nous apercevoir. Cependant, dans le groupenombreux cls marcheurs une conversation a priscorps. Ma mre (comme elle est. jeune !) m'in-terpelle ; elle nie demande si, dans les momentsqui prcdent le rveil, mes rves ne prennentpas un caractre tout fait particulier. Eneffet, dis-je ; par exemple, j'en ai fait un tout l'heure qui est trs curieux ce point: de vue.Seulement il est assez long et il faudrait que jevous le raconte entirement si cela ne vousennuie pas trop. lit je commence raconterle rve prcdent. Une jeune femme, que j'aimebeaucoup (qui est-ce ?) m'interrompt: et j'ai lastupfaction de l'entendre continuer ma placele rcit de mon propre rve. Elle, rit de mon naftonnemenf, car, l'en croire, il est bien faciled'en faire autant. Elle continue donc le rcit: avecexactitude sauf quelques erreurs ; par exemple,le prestidigitateur grotesque qui apparat: lacantonnade au dbut de mon rve est dans saversion un facteur et joue un rle actif. Cepen-dant nous arrivons la. gare. Le train me parat:bien tragique. O l'ai-je donc dj vu ?

    La foudre tombe sur la grange o je me suisrfugi. Un mouvement involontaire pour regar-der le globe de icu l'attire sur moi. Le temps decompter jusqu' trois et je suis mort.

    Au prochain numro :Glossaire : j'y serre mes gloses : M'cbci

    Lcins.Le surralisme et lapeinture: Andr Breton.Ces animaux de la famille : Benjamin

    Pret.

  • DECADENCE DE LA VIE(Suite *)

    C'tait un soir o, ne sachant que faire, j'allaisaprs l'infortune dans les rues vaguement clai-res, vaguement curieuses, mais surtout insup-portables, devant moi avec un spectre mescts.

    Mes amis ne m'avaient peut-tre pas aban-donn, mais par quelque effet du hasard, ilsne m'apportaient aucune saveur nouvelle ce got de l'existence dont j'ai l'habitude defare grand tat. Ils n'avaient pour moi pasassez d'attentions dlicates, pas assez d'intrtou de sympathie, vraiment, pouvais-je m'int-resser alors leurs petites dfaillances ou mme ces sursauts d'nergie qu'ils talaient avecde multiples efforts, avec des rires effroyables,des rires sans suite et sans lendemain. Us mon-traient des dents pointues et des visages tirscomme des couteaux par les affres du plaisirstupide qu'ils ont l'habitude de prendre versles heures nocturnes et pour des raisons que jene qualifierai pas, car moi-mme j'y souristrop souvent par manque de rflexion et parceque je me croyais oblig de passer le temps.Aprs tout je n'ai que faire des gens qui meregardent agir. Je ne veux pas avoir de tmoinsni de contradicteurs, les inconsquences de maconduite ne regardent que moi-mme et lespas que je fais dans le dgot universel n'ontpas besoin de laisser de traces. Lorsque je meretrouve dans les gouts en comptant les marchesdes terreurs vritables, j'aime me frapper lapoitrine et me demander pardon pour desraisons simples et sans intelligence et pris desourire comme les employs de banque devantun jeu de cartes.

    Ici se trouve une lettre :

    A demain, ma chre amie, demain oumme bientt. Tout ce que nous disions il y aquelques semaines quand nous nous regardionsen nous prenant pour des gnies cause dequelques notions banales du temps et de l'espacequi nous faisaient mal. Mais pour moi tait-cedonc un caprice enfantin cette petite secondeo j'hsitais vous baiser la main. Non pluttvous devriez mieux me considrer parce quetout de mme, tout de mme... Tout ce quenous disions tait-il donc faux ?

    Vous avez bien des torts, ma pauvre amie,

    bien des torts envers moi. Evidemment je nevaux pas mieux aprs tout que les tristes sires

    qui vous font la cour (!) Mais si, pendant uneseule minute, vous aviez la bont de regardermes yeux rougis par ia fivre effroyable et latristesse qui me consument et si vous aviez alorsla bont de me sourire, rien ne s'opposeraitplus ce que je devienne un charmant garon.

    ce Auquel cas rien ne s'opposerait non plus ce qu'un caporal gendarme vous apporte mesvingt ans sur un plat d'argent, pendant qu'unphonographe jouerait des airs charmants !

    Trop de gens sont capables de me considrer la lgre pour me comprendre.

    Je suis dans une fort sans toiles, dans unecuve sans vin et je bois la sueur de mon frontpour tancher la soif.

    Je cultive dans un pot de fleurs des brebisgares.

    Je trinque avec des nuages, avec des clochesd'chos et de fiel, avec vos yeux et mme avecmon coeur !

    Et je rougis des rponses des hommes lorsqueje dis les seules paroles idales dont je suiscapable.

    Le monde croit encore la surface de sestangs glauques, aux carillons de ses sornettes,, ses petites promenades dans l'intelligence, ses muses d'animaux railleurs, ses com-plaintes hystriques. Pauvres, pauvres bougres !

    Et vous qui vous dites mes amis, nous tous,gnies merveilleux que je contemple en silence,vous qui me montrez des chemins merveilleuxet des roches de chvrefeuille, savez-vous doncla grande fatigue dont vous me voyiez accabl,savez-vous donc pourquoi je pleure lorsquevous vous butez aux cailloux rigides d'unepoque impossible et parce que souvent jene peux pas vous suivre, vous vous dtournezde mes yeux ? Je n'ai pas cette force miraculeusequi vous fait rsister aux vents des marespurulentes, je ne peux vous suivre qu'en metranant sur les genoux et tout hasard jeregarde si quelque source folle n'est pas sur cechemin pour y baigner mes mains sanguino-lentes.

    Sans autre forme, je ne tiens pas passerpour un imbcile. C'est trop simple.

    Voil maintenant des paroles clbres, medirez-vous ? Pauvres, pauvres tres ! Les jour-nalistes qui liront cela, s'amuseront beaucoupde ma jeunesse et mme de cette candeur. Tantmieux donc, mes amis, je n'ai pas encore perduces alvoles fraches qui me vont si bien auteint !* Voir le n 3 de la R. S.

  • DCADENCE DE LA VIE i5Vous vous croyez subtils parce que vous

    avez de la barbe et des principes, parce quevous ventripotez et redondez parmi les sou-coupes et les bires lourdes, parce que vousavez les ongles mal faits ou parce que voussentez un peu cette bonne encre d'imprimerie !Vous suez pour faire un mauvais papier et voussavez peut-tre l'usage des termes techniques.

    Tant pis pour vous, je ne me plais pas dansvotre milieu de cuistres crasseux et d'andouillcs.

    Les femmes ne sont pas des tres ordi-naires dont on s'imagine la pire horreur.Enfantement, maladies, servitude. Lesfemmes ne sont pas ces femmes laidesni mme les femmes laides. Elles n'ontpour elles cpie la joie du jour des larmesde la lune ou la pluie des dluges d'acier.Femmes parfaites du temps et de l'espace,habilles d'glantines ou de liserons, femmesmauditesau front pur, l'oeil clair. Femmesaccourues au bord de la Seine de l'Orientcomme un sang d'une belle rougeur.

    CHAPITRE

    D'o vient l'homme la plusdurable des jouissances de soncoeur, cette volupt de la mlan-colie, ce charme plein de secretsqui ie fail vivre de ses douleursel S'aimer encore dans le senti-ment de sa ruine ?(Seiinnconr

    Obcrman).

    Je cherche une histoire vous dire, unehistoire dans les tressaillements de ma mmoire,mais je n'ai pas beaucoup vcu.

    Non, je n'ai pas beaucoup vcu peut-tre,mais j'ai peut-tre quelque chose dire carsi j'ai pu concevoir que je pouvais encore exister,c'est qu'il m'a fallu bien autre chose que lasimple force de caractre la porte de toutesles bourses, bien autre chose que l'image de lafolie populaire et bien autre chose que les simplesconsidrations agrables que je pouvais fairesur ma personne et si je parle assez souventavec tristesse, il ne faut s'en prendre qu' monterrible penchant pour la posie, ce magistralpenchant que des tres infmes ont toujourscherch contrarier dans mon enfance.

    Non je n'ai pas beaucoup vcu mais ii mesemble que j'ai quelque chose dire.

    Parmi les forts vierges o mes pas n'ontlaiss que des traces de cendre, parmi les payset les mers mauvaises, parmi l'imaginationdes races et les ruines de leurs enseignements,parmi mes oiseaux de tempte, parmi les animaux

    sauvages l'poque o je frquentais les dserts,parmi les petites rues froides o le vent siffle faire peur, parmi les dsirs, parmi mes pomes,parmi mes amis, il y a peut-tre un seul motqui me touche, une seule syllabe trs douce ettrs tendre comme les fraises des bois. O lemiracle d'un nom prononc au hasard et quime touche, qui fasse vibrer sur mes joues unelarme fige depuis l'poque de ma naissance.

    Et pour ce nom qui serait de toute faon unnom de femme, la terre immdiatement folledeviendrait un boeuf pourri sans consistancevoguant parmi les rves nocturnes des plantes

    ADAM ET EVE Picasso.

    austres jamais dtournes de leurs devoirs.La vie s'est ouverte pour moi dans un jardin

    de plumes ridicule et frais. Pour vivre, je man-geais des oiseaux minuscules vivant prs dessources et tous d'un blanc lumineux.

    Aprs cela, ce fut la prison.La prison avec ses grillages de glaces incas-

    sables et ses murs abstraits, si hauts qu'ilsdpassent le ciel et ne laissent entrevoir queleur gris taciturne, la prison avec toute sa hon-teuse tratrise, la prison parmi les prtres fauxet terriblement noirs, en un mot, les prtresqui ont terrifi mon enfance. O pauvre de moiqui fus cette victime maudite !

    J'tais un colier brutal, vague et solitaire,mais j'tais un colier de cristal.

  • \6 DCADENCE DE LA VIEJ'avais assez de coeur et j'imaginais autrement

    mes camarades qui furent tous de vritablesvoyous. La richesse des uns et le travail desautres, voil qui n'tait pas pour me satisfaire.J'avais dans mon coeur cette- lumire incertaine,mais terriblement brlante qui me conduisaitpar del les tableaux noirs et les pupitres fan-tmes vers l'infini ternel de la posie tout entireet c'est pourquoi je me plais raconter cettehistoire, aprs tout peut-tre extraordinairementfausse.

    Je ne veux plus reconnatre les individus quime mprisrent cette poque parce que monesprit s'pouvantait devant leurs menaces etparce qu'ils ont voulu me perdre dans un butsr.^ial.

    Un soir, figurez-vous un soir o la pluie finedu printemps transperce chaque minute lecoeur fragile d'une prostitue de 15 ans, jefaisais des rves par del l'amertume et versun palais souple et gracieux, situ quelquepart dans le monde moderne o devait vivreune femme blonde et douce qui je voulusoffrir mes ivresses.

    J'allai par des sentiers de ronces aprs avoirquitt la ville, j'allai comme un jeune fou per-fide pour contempler son motion et je laissaiquelque lambeau de mon coeur toutes leshaies de mriers en fleurs :

    Demain tu partiras vers les plantes follesLes glaces qui brisrent nos deux coeurs enlacsO plaintes de ces nuits je m'en souviens peineLes corbeaux s'envolaient avec la nudit.

    Il en est bien qui savent jouer de tant de jeuxde rves et de pardons et de grandes parolesMais j'ai mieux travaill dans la chair ternelle bientt donnez-moi vos plus douces paroles.

    O voir o j'ai cueilli parmi vos cheveluresdes couronnes de miel jemmes bien aimesJ'ai mis sur vos paules un beau manteau de neigeci. c'est parmi le feu que je baisais vos pieds

    Il y avait des ombres avec des yeux mortset mes lvres taient rouges d'un sang trs Immainet pour chanter ainsi que les potes en ftej'ai cueilli dans vos mains deux gouttes de rose.

    C'est ainsi que mon voyage travers la foliecommenait ! Mais cette poque, ne connaissantde vritables potes, j'tais plus heureux et jem'abandonnais aux songes les plus purs.

    Il y avait bien d'autres aventures qui metorturaient l'esprit. Toujours monde imagi-naire comme je brandissais ton emblme sacr !

    Paris tait une fe. Les rues troites parcouruespar de multiples toiles s'envolaient vers leciel. Celles-l que je reconnaissais pour les avoirvues par ma fentre dpolie, c'est--dire qu'ellesbrillaient depuis toujours dans mon coeur.

    Des hommes d'armes moyennageux se dispu-taient prs de moi la conqute des lumires etdu bruit tandis que je suivais les pas de trflede quelques princesses voiles, trs tard clansles ombres du crime. Les mots magiques memontaient au cerveau quand il s'agissait de leursfourrures parfumes. Enflamm de leur posses-sion, les nombres s'chappaient de mon esprit ;je n'avais plus qu'un esprit de fourrure etcach du regard vitreux des voleurs d'mes,dissimul derrire les tranes de leurs robes, jeme jetai dans leurs bras pour l'infini.Quelquefois je suivais les belles automobilesjetes comme des gants sur les routes polies etparfaitement nickeles pareilles aux diamants ;je suivais, je suivais des apothoses de rvesplus loin que l'avenir, toutes les formes de lamatire soluble dans mes esprances !

    Mais pourquoi donc ces armes se bat-taient-elles au pied de mes rves ?

    Ces troupeaux d'individus qui se rendaientchaque jour vers les champs de carnage, hideuxet vils et prts toutes les dfaillances! Il yavait vraiment pour ma jeunesse trop de vieil-lards, et trop de gens capables de rire.

    Croyez-vous donc que vous tes d'accord,misrables humains ? Croyez-vous donc quevous pouvez rire encore devant toutes vos putr-factions ? Et vous qui m'avez jet dans les .brasde ces marchands, ces instituteurs repus dontla seule mchancet permet encore l'existence,supposez-vous donc que je vous pardonneraide sitt, pauvre socit !

    Oui, je n'ai jamais pu traner que des sandalessinistres au milieu des forats de mon enfance.

    Un jour

    il ne pouvait en tre autrementje partis vers une caravane pour chercher

    savoir si la ralit exista.Les sources coulent, au milieu des campagnes,

    parfaites avant de s'embourber au milieu desvilles, les fantmes ne sont pas des sources, maisaussi grands qu'ils apparaissent ils sont lesvrais miroirs de notre vie.

    'Maintenant que je suis perdu pour toujours

    dans le sens des hommes, cela va bien fairede leur dire toutes ces choses. Je vous lgue auhasard, vous autres, spectres, nagez clans vosrivires froides sans songer qu'il y a aussi ceux-lmmes que vous avez condamns : les rveursdu moment.

    Et voil que je rencontrai des prophtes.Ils sont couverts d'toiles et ne marchent passur la terre, mais on les voit quelquefois dansla pnombre des magies surhumaines et danstoutes les failles de l'intelligence.

  • DECADENCE DE LA VIE'7

    CONVERSATIONAVEC LES PROPHTES

    Moi.

    Je n'aime pas les hommes parce qu'ilsont l'intelligence' leur image. Vous convenezque je suis sacrifi la vengeance de l'humanit

    Ier prophte.

    Venez avec nous, Monsieur,il n'y a pas de salut pour vous de ce ct-ci dela rivire.

    2e prophte.

    Il y a d'autres emblmessacrs que l'on donne aux potes. Il y a desftiches inoubliables que vous porterez sur votrefront.

    Ier prophte.

    Il ne faut pas se laisser aller la drive parce que tout le monde n'est' pasfait l'usage des potes. Si votre, coeur clateavant l'aube, n'oubliez pas de soigner votrecoeur.

    Moi.

    Mais je n'ai pas de Coeur, ie n'ai rienconnu au monde qui puisse m'en tenir lieu.

    7er prophte.

    Ceci est inexact.

    Moi.

    Oui, c'est inexact, je n'oublierai pasque les quelques toiles qui volent de mes mainssont des parcelles d'mes que j'aimai au hasarddes terres accidentelles.

    2e prophte.

    L'amour est une lgendeinconnue des hros, parce que les hros sontvains, mais la terrible solitude des potes, lasolitude aux dents d'acier qui les mord nuitet jour, apporte dans sa brise des tres non-pareils, des. femmes d'une beaut incompa-rable et les mes s'en vont dans les prcipicesde toute puret, follement dsespres, lemanque d'audace !

    Et le monde ne s'coule plus avec l'ordre,le monde est un tombeau, une trange merpeuple de maladies purulentes puisque l'amourest sur les montagnes, dans les cortges d'azuret dans les puits de sang.

    Et je souhaite qu'il y ait peu de mondesaussidsesprs que celui qui ne connat pas l'amour !

    Moi.

    Alors les sentiers ne sont point mortelset les aiguilles de l'espace n'prouventpoint nospas, les aiguilles sur lesquelles nous corchonsnos espoirsde neiges.

    Je songe ainsi mes amis. Il y a dj quelquesannes que je les vis pour la premire fois aumilieu des troubles de l'humanit sauvage. Etdepuis lors j'ai appris bien des choses avec eux,j'ai fix bien des rves que mes faibles concep-tions ne faisaient qu'entrevoir.

    Ainsi, par les routes sombres j'ai appris ne pas dchoir devant la face du ciel. Avec euxnous allons dans les rues vides o passe le signedes temps retrouver, nous allons avec lesfantmes stigmatiser d'amres passions.

    O vanit, que ces paroles !Aujourd'hui je ne vois rien de. large ni de

    grand dans l'espace, rien que des cendres quiappellent la mort, mon enfance fatale et creusequi n'apporta jamais rien que la cruaut. C'estla ralit la face de scie qui s'abat sur moncou et qui m'indique de me taire. C'est le dgotque je partage dans mon existence depuis tantd'annes. Ainsi pourquoi ces mots vont-ilsse perdre dans l'hcatombe des autres verbes,puisque toute mon ambition consiste soignerma damnation !

    Aprs tout, mes amis, pourquoi m'avez-vousfait dire tant de choses ? 11 serait bien prfrableque vous pleuriez des paroles simples.

    LETTRES D'AMIS

    PREMI!'RE LETTREJe suis, mon cher, perdu pour vous. Nul ici

    ne songe au rveil des morts ni mme sesennuis, mais TON s'habille confortablement.

    L'ON aime aussi se promener et lire. L'ins-truction fait des progrs considrables dansle sens de la largeur. Ainsi, j'ai rencontr plusieurssquelettes avec des gants jaunes et des chapeauxde soie.

    Ne pourriez-vous aller demander au vestiairedu Etc.. si l'on n'a pas retrouv mes yeux ?

    DEUXIME.LETTREVraiment quel dlicieux passe-temps que d

    faire sa correspondance au milieu d'un livre !Si tous les romanciers le savaient, je supposeque le monde serait bien emmerd.

    A part cela je cherche toujours le moyen deretrouver cette perle qui doit: voguer quelquepart: sur les ocans.

    TROISIEME LETTREJ'accorde peu de sens la valeur de ma

    pense qui de moins en moins tente quelquesefforts.

    Est-ce que les Buttcs-Chaumont ont ren-contr la terre ferme ? Je ne l'espre pas.

    Avec beaucoup de succs.Bien vous.

    Jacques BARON.

  • JL.JEJ VA. M T=> I Ft, E3Ce roman imag

    comme l'auteur l'appelle-

    est extrait du n 6 de la revue Tmoignages,paraissant Belgrade sous la direction deM. Marco Rislitch. Ce numro est entirementconsacr l'activit des fous et contient, outrel'article introductif trs document de M. Dou-chan Maiitch, un grand nombre de dessins,lettres, essais et autres crits choisis dans lesarchives des asiles d'alins ou prsents pardes psychiatres de Serbie.

    Dans leurs stratagmes el leurs ruses pourla conservation de l'intgrit individuelle, dansl'chec de leurs incommensurables efforts pourmaintenir le lien causal entre les phnomnes,leurs cycles et cercles, nous croyons entrevoirles paves de ce monde du libre arbitre, du

    surrel, travesti en presque simple rel. Objec-tivement, il en est ainsi. Car abstraction faitedu douloureux vertige qu'prouve celui quiencore une fois essaye vainement de s'adapteraux catgories de la raison pure dissimuleaussi, partout, dans toutes les lois, rgles,mthodes, systmes, organisations ou orga-nismes?

    Les fous ont la foi. Nous n'avons que quelquestmoignages et le raide escalier des preuves.Les blanches sirnes hurlent la lune. Lesmontagnes s'animent et engloutissent les fortsen se confondant avec les vagues des vaguesocans de la mort.

    M. de B.

    Le profil de Ruben Benjamin Roscnlhal, protagonistedu roman du sicle, des eaux troubles.

    Le vieux tuteur, professeur de Ruben ; le sont qui aitt dvou, Ruben. 11 se le rappela mme quand celui-cieut KC ans.

    M. Abraham Scluijma Roscntlial, pre de Ruben etcrateur du lluicle Paracclsc, le mdicament qui gurittout.

    Le fantme que Ruben aperut pour la premire foisdans sa douzime anne lorsqu'il coucha pour la premirefois avec une femme, M11"' Adclinc Dillenseger, son professeurde franais, ge de -Cl ans et qui senlait le permanganate.Ce fantme le poursuit toujours de sorte qu'il devientimpuissant dans les mollirais dcisifs.

    Monsieur le chef de la police a 15lc en Slovnie.Perscuteur de Ruben.

    Depuis que Ruben apprit le secret de la maladie de sasoeur et eelfo scne terrible entre elle et leur pre, depuisce temps chaque fois qu'il s'imagine sa soeur, elle se prsenteil ses yeux sous la forme de cette plainte grotesque

    M"L1 Adclinc Dilicnseger, professeur de franais.

    Le chef de l'asile des pauvres ; le protecteur d'enfantsrefuse le petit Ruben.

    L'diteur de lonians bon march pour jeunes et vieux,premier diteur de Ruben.

  • LE VAMPIRE I9

    Cela n'est pas une femme ! C'est un journaliste et c'este premier critique de' Ruben.

    Le grand dsir de la vie de Ruben. Je le conois dansce symbole.

    M. Zlatko. Personne ne sait ce qu'il est, ce qu'il faitni de quoi il vit.

    Le directeur d'un thtre pour lequc Ruben travaille.Le directeur s'occupe surtout des dames du ballet et despices dites

    a succs .

    L'avocat d'Abraham Schlujma Rosenthal, M. "VladimirPotchelaz.

    Trois jurs du grand tribunal la sance principale.Ils posent Ruben des questions auxquelles celui-ci, dansun comrrencementde folie, ne rpond que par : Vampire-Vampire.

    L'avocat gnrai qui exige qu'on punisse exemplairementRuben pour parricide.

    C'est ainsi que Ruben s'imaginait son pre quand, dansun accs de folie, il rpondait cl toutes les questions par Vampire-Vampire.

    >

    Le prsident du jury au moment o Ruben est condamna vingt ans de prison.

    Ceci est le symbolede laralit de mon corps.

    Mais c'est ainsi que je lesens.

    La ligne d'en bas est le symbole de mon moi rel, celled'en haut, de mon moi comme je le sens.F. N.

    Asile d'alins de la ville de Belgrade.(Traduit par Monny de Boully.)

  • LETTRE AUX VOYANTESA Georges Malkine.

    MESDAMES,

    il en est temps : de grce faites justice.A cette heure des jeunes filles belles tomme lejour se meurtrissent les genoux dans lescachettes o les attire tour tour l'ignoblebourdon

    .

    blanc. Elles s'accusent de pchsparfois adorablement mortels (comme s'il pou-vait y avoir des pchs) tandis que l'autrevaticine, bouge ou pardonne. Qui trompe-t-on ici V

    Je songe ces jeunes filles, ces jeunesfemmes qui devraient'mettre toute leur con-fiance en vous, seules tributaires et seulesgardiennes du Secret. Je parle du grandSecret, de l'Indrobable. Elles ne seraient plusobliges de mentir. Devant vous commeailleurselles pourraient tre les plus lgantes, les plusfolles. Et vous couter, peine vous pressentir,d'une main lumineuse et les jambes croises.

    Je pense tous les hommes perdus dans lestribunaux sonores. Ils croient avoir rpondreici d'un amour, l d'un crime, lis fouillentvainement leur mmoire : que s'est-il doncpass'1? Ils ne peuvent jamais esprer qu'unacquittement partiel. \ous infiniment malheu-reux. Pour avoir l'ait, ce qu'en toute simplicitils ont cru devoir faire, encore une lois pourn'avoir pas pris

    .

    les ordres du merveilleux(faute d'avoir su le plus souvent comment lesprendre), les voici engags dans une voie dontle plus douloureusement du monde ils Unirontbien par sentir qu'elle n'tait pas la leur, etqu'il dpendit d'un secours extrieur, alatoiredu reste par excellence, qu'ils refusassent clansce sens d'aller plus loin. La vie, l'indsirablevie passe ravir. Chacun y va de l'ide qu'ilrussit se l'aire de sa propre, libert et Dieusait si gnralement: celle ide est timide.Mais l'pingle, la fameuse pingle qu'il n'arrive.quand mme pas tirer du jeu, ce n'est pasl'homme d'aujourd'hui qui consentirait enchercher la tte parmi les toiles, il a pris, lemisrable, son sort en patience et, je croisbien, en patience ternelle. Les intercessionsmiraculeuses qui pourraient: se produire en salaveur, il se l'ait un devoir de les mcon-natre. Son imagination est un thtre enruines, un sinistre perchoir pour perroquetset corbeaux. Cet homme ne veut, plus en fairequ' sa tte ; chaque instant: il se vante detirer au clair le principe de son autorit. Uneprtention aussi extravagante commande peut-tre tous ses dboires. Il ne s'en prive pasmoins volontairement de l'assistance de cequ'il ne connat, pas, je veux dire de ce qu'ilne peut pas connatre, et pour s'en justifiertous les arguments lui sont bons. L'inventionde 'la Pierre Philosophale par Nicolas Flamelne rencontre presque aucune crance, pour

    cette simple raison que le grand alchimiste nesemble pas s'tre assez enrichi. Outre, pour-tant, les scrupules de caractre religieux qu'ilput avoir prendre un avantage aussi vulgaire,il y a lieu de se demander en quoi eut bienpu l'intresser l'obtention de plus de quelquesparcelles d'or, quand avant tout il s'tait agid'difier une telle fortune spirituelle. Ce besoind'industrialisation, qui prside l'objectionfaite Flamel, nous le retrouvons un peupartout : il est un des principaux facteursde la dfaite de l'esprit. C'est lui qui a donnnaissance cette furieuse manie de contrleque la seule gloire du surralisme sera d'avoirdnonce. Naturellement, ils auraient tousvoulu tre derrire Flamel, lors de cetteexprience concluante et qui n'eut d'ailleurs,sans doute, t concluante que pour lui. Il enest de mme au sujet des mdiums, qu'on atout de suite voulu soumettre l'observationdes mdecins, des savants et autres ignares.Et pour la plupart les mdiums se sont laissprendre en llagrant dlit de supercherie gros-sire, ce qui pour moi tmoigne, de leur probitet de leur got. Il est bien entendu que lascience ollicielle une fois rassure, un rapportaccablant venant renforcer beaucoup d'autresrapports, de nouveau l'Evidence terrible s'im-posait. Ainsi, de nous, de ceux d'entre nous qui l'on veut bien accorderquelque talent ,ne serait-ce que pour dplorer qu'ils en fassentsi mauvais usage et que l'amour du scandale

    on dit aussi de la rclame-

    les porte desi coupables extrmits. Alors qu'il reste desi jolis romans crire, et des oeuvres potiquesmme, qui de notre vivant, seraient lues etqui seraient, on nous le promet, trs appr-cies aprs notre mort.Qu'importe, au reste ! Mesdames, je suisaujourd'hui tout votre disgrce. Je sais quevous n'osez plus lever la voix, que vous nedaignez plus user de votre toute-puissanteautorit que dans les tristes lirtiitcs lgales .Je revois les maisons que vous habitez, autroisime tage, dans les quartiers plus oumoins retirs des villes. Votre existence et lepeu qu'on vous tolre, en dpit de toute laconduite qu'on observe autour de vous, m'ai-dent supporter la vacance extraordinaire decette poque et ne pas dsesprer. Qu'est-cequ'un baromtre qui tient compte du varia-ble , comme si le temps pouvait tre incer-tain '? Le temps est certain : dj l'hommeque je serai prend la gorge l'homme queje suis, mais l'homme que j?ai t me laisseen paix. On nomme cela mon mystre maisje ne crois pas (je ne tiens pas) et nul ne croittout l'ait pour soi-mme l'impntrabilitde ce mystre. Le grand voile qui tombe surmon enfance ne me drobe qu' demi les

  • LETTRE AUX VOYANTES-

    21

    tranges annes qui prcderont ma mort.Et je parlerai un jour de ma mort. J'avance enmoi, sur moi, de plusieurs heures. La preuveen est que ce qui m'arrive ne me surprend quedans la mesure exacte o j'ai besoin de neplus tre surpris. Je veux tout savoir : je peuxtout me dire.

    Ce n'est pas si gratuitement que j'ai parlde votre immense pouvoir, bien que rien n'galeaujourd'hui la modration avec laquelle vousen usez. Les moins difficiles d'entre vousseraient en droit de laire valoir surnous leur supriorit, nous la tien-drions pour la seule indniable. Jesais : tant donnes les horriblesconditions que nous fait le temps

    pass, prisent, avenir quipeut nous empcher de vivre aujour le jour '? Il est question tout couj) d'une assurance dans un do-maine o l'on n'a pas admis jus-qu'ici la moindre possibilit d'assu-rance, sans cptoi toute une partiede l'agitation humaine, cl la plusfcheuse, serait tombe, ('elle assu-rance pourtant, Mesdames, vous latenez sans cesse noire disposition,ellene comporte gure d'ambiguts.Pourquoi latifir que vous nous ladonniez pour ce qu'elle vaut?

    Car on ne vous fche pas tropen vous infligeant un dmenti surlel ou Ici point o l'informai iond'un autre peut passer pour p-remploire, comme s'il vous prenaitfantaisie de me dire que j'ai le res-pect du travail. Il esl probable, dureste, que vous ne le diriez pas,que cela vous esl interdit : toujoursest-il que. lu porte; de voire interven-tion ne saurait tre la merci d'uneerreur apparente de cet ordre. Cen'esl pas au hasard tpte je parled'intervention, 'l'oui ce qui m'estlivr de l'avenir tombe clans unchamp merveilleux qui n'esl rienmoins que celui de la possibilitabsolue el s'y dveloppe cote que cote. Quela ralit se charge ou non de vrifier par lasuite les assertions (pie je liens de vous, jen'accorderai pas une importance capitale celte preuve arithmtique, comme le feraientIons ceux qui n'auraient pas I cil l c pour leurcompte la mme opration. De ce calcul paittonnements qui lait que je suppose chaqueinstant le problme de ma vie rsolu, adop-tant pour cela les rsultais arbitraires ou non,mais toujours grands, (pie vous voulez bienme soumettre, il se peul que je me proposede dduire passionnment ce que je ferai. Jedois, parat il, nie rendre en i hino vers i'.KSlcl y courir pendant vingl ans de ; rends dan-gers. Deux lois sur ('eux je rue le suis laissdire, ce qui esl tissez Lroiiblanl. Indirectementj'ai appris aussi que je devais mourir d'ici l..Mais je ne pense pas que de deux chosesl'une

    .J'ai loi clans tout ce que vous m'avez

    dit. Pour rien au monde je ne voudrais rsister la tentation que vous m'avez donne, disons :de m'attendre en Chine. Car aussi bien grce vous j'y suis dj.

    11 vous appartient, Mesdames, de nous faireconfondre le l'ait aetomplissable et le l'aitaccompli. J'irai mme plus loin. Cette diff-rence qui passait pour irrductible entre lessensations probables d'un acronaufe et sessensations relles, que quelqu'un se vantajadis de tenir pour essentielle et d'valuer avec

    J'IRAI... LE CHIEN DE VERRE Chirico.

    prcision, dont il s'avisa me me de tirer, eumatire d'attitude humaine, d'extrmes cons-quences, cette di Ht renie cesse de jouer oujoue tout diffremment ds que ce n'esl plusmoi qui propose, qui nie propose, cl que jevous permets de disposer de moi. Ds lorsqu'il s'agit pour moi de la Chine cl non, parexemple, de Paris ou de l'Amrique du Sud,je nie transporte par la pense beaucoup plusl'acilemenl en Chine qu'ailleurs. Le chien a aperdu pour moi une grande partie de sonintrt. Par contre, on din.il que des portess'ouvrent en Orient, que l'cclo d'une ajJla-lion enveloppante me parvient, qu'un souille,cpii pourrait, bien tre celui de la Libert, l'ailfoui a cou]) rsonner la vieille caisse de l'Ku-rope, sur laquelle je m'tais endoimi. (.'esl croire qu'il ne me manquait que d'tre pr-cipit par vous, de lo ut mon long, sur le solnon plus comme on esl pour guetter mais

  • 22 == LETTRE AUX VOYANTES pour embrasser, pour couvrir toute l'ombreen avant de soi-mme. Il est vrai que presquetout peut se passer sans moi, que'laiss lui-mme mon pouvoir d'anticipation s'exercemoins en profondeur qu'en tendue mais sil'aronaute vous constatez par avance quec'est moi, si c'est moi l'homme qui va vivreen Chine, si cette puissante donne affectivevient saisir ces .voyageurs inertes, adieu labelle diilrence et 1' indiffrence mticu-leuses ! On voit qu' sa manire l'action mesduit aussi et que je fais le plus grand cas del'exprience, puisque je cherche avoir l'ex-prience de ce que je n'ai pas fait ! Il y a desgens qui prtendent que la guerre leur a apprisquelque chose ; ils sont tout de mme moinsavancs que moi, qui sais ce que me rservel'anne 1939.

  • NOUVELLE LETTRE SCR MOI-MMECHER.

    C'est en ce moment pour moi une salepoque, toutes les poques d'ailleurs sontclgueulasses dans l'tat o je suis. Vousn'imaginez pas quel point je puis tre privd'ides. Je n'ai mme pas les ides qui pour-raient correspondre ma chair, mon tatde bte physique, soumise aux choses etrejaillissant la multiplicit de leurs contacts.

    Et la bte mentale n'en parlons pas. Ce quej'admire, ce pour quoi j'ai apptit, c'est la bteintelligente qui cherche, mais qui ne cherchepas chercher. La bte qui vit. Il ne faut pasque l'agrgat de la conscience se dfasse,tic qui me fait rire chez les hommes, chez tousles hommes, c'est qu'ils n'imaginent pas quel'agrgat de leur conscience se dlasse; n'importe quelle opration mentale qu'ils selivrent ils sont srs deleur agrgat. Cet agrgatcpti remplit chacun des interstices de leursplus minimes, de leurs plus insouponnablesoprations, quelque stade d'claircissementet d'volution dans l'esprit que ces oprationssoient parvenues. Il ne s'agit pas de cela,il ne s'agit jamais de cela. Car si l'on devaittoujours penser sa pense, n'est-ce pas, pasmoyen de penser, de se livrer une op-ration mentale, suprieure ce qui est pro-prement la pense. Et non pas l'exsudat, lascrtion de l'esprit, mais le mcanisme decet exsudt. J'estime avoir assez emmerd leshommes par le compte-rendu de mon con-tingentement spirituel, de mon atroce disettepsychique, et je pense qu'ils sont en droitd'attendre de moi autre chose que des crisd'impuissance et que le dnombrement demes impossibilits, ou que je me taise. Maisle problme est justement que je vis. Ce cptiest capable d'arracher les hommes leurs terres, ces ferres figes de l'esprit enferm dansson cercle, c'est ce qui sort du domaine de.la pense proprement dite, ce qui pourmoi est au-dessus clos relations de l'esprit.Je suis comme un aveugle au milieu desides, toute spculation cpti ne srail pasun constat, une simple agitation de phno-mnes connus m'est interdite, mais le mal y regarder de prs est que je ne vois la nou-veaut, ou pour mieux dire la ncessit d'au-cune opration intellectuelle. Il n'y a pas dechoc dans l'esprit qui m'apparaissc le rsultatd'une Ide, c'est--dire d'une conflagrationnourricire de forces au visage neuf.J'en suis au point o je ne sens plus les idescomme des ides, comme des rencontresde choses spirituelles ayant en elles le magn-tisme, le prestige, L'illumination de l'absoluespiritualit mais comme de simples assemblagesd'objets. Je ne les sens plus, je ne les voisplus, je n'ai plus le pouvoir qu'elles me secouentcomme telles, et c'est pourquoi probablementje les laisse passer en moi sans les reconnatre.Mon agrgat de conscience est rompu. J'ai

    perdu le sentiment de l'esprit, de ce qui estproprement pensable, ou le pensable en moitourbillonne comme un systme absolumentdtach, puis revient son ombre. Et bienttle sensible s'teint. Et il nage comme deslambeaux de petites penses, une illuminationdescriptive du monde, et quel monde !

    Mais au milieu de cette misre sans nomil y a place pour un orgueil, qui a aussi commeune face de conscience. C'est si l'on veut laconnaissance par le vide, une espce de criabaiss et qui au lieu qu'il monte descend.Mon esprit s'est ouvert par le ventre, et c'estpar le bas qu'il entasse une sombre et intra-duisible science, pleine de mares souter-raines, d'difices concaves, d'une agitationcongele. Qu'on ne prenne pas ceci pour desimages. Ce voudrait tre la forme d'un abomi-nable savoir. Mais je rclame seulementpour qui me considre le silence, mais unsilence intellectuel si j'ose dire, et pareil mon attente crispe.

    Antonin ARTAUD.

    LA PETITE FILLE AU CERCEAU PUassn

  • CES ANIMAUX DE LA FAMILLE

    L'oiseau de vers luisants.ANDR BRETON.

    Dans le grand cercle blanc coup, de dis-tance en distance,de petites barrires decristal, se tenait la grande ourse dont le silenceest aussi favorable que ses cris sont nfastesaux navigateurs perdus dans les prairiesogivales longtemps parcourues, au sud del'quateur, par les girafes borgnes, employes,dans l'antiquit, pour la dcoration muraledes temples levs la gloire de Minerve,par les hommes aux yeux mous, esclavesde la gerboise qu'ils gardaient ternellementdans leur estomac, comme un talisman destin les prserver des atteintes du froid et del'excessive chaleur. Soudain, l'instant ole soleil gesticulait la faon d'un homme ivre,la grande ourse lana un cri si dsespr quele soleil cessa de s'agiter et laissa tombersur la terre des milliers de petites bulles desavon sur lesquelles on lisait : MNAGERIEDES VIVANTS. Ces bulles devaient creveravant de toucher le sol. Or, il arriva quequelques-unes d'entre elles se posrent surla pointe des gramines qui tapissaient legrand cercle blanc. Aussitt on entendit;des cris pouvantables, capables de rveillerles volcans, capables mme de rendre auxmontagnes le souvenir de leur grandeur dchueet, des bulles, sortirent des tigres du Bengalequi s'brourent rejetant; autour d'eux despluehures de cacahutes et des bobines defil coudre qui se droulrent; lentement,avec la majest d'un pape bnissant unefort vierge clans laquelle se cache le jaguarqui, un jour, alors que le prlat sera plongclans une. prire aussi fade qu'une dcoration un militaire tu par son propre revolverqu'il avait, dirig contre son coeur parce qu'ilestimait appartenir l'arme ennemie, luiarrachera d'un coup de dents des partiessexuelles qui lui sont aussi inutiles qu'unelanterne sourde un explorateur, au moisde juillet midi.

    Mais, si lent et si majestueux que soit ledroulement d'une bobine de fil coudre, ilarrive bien un jour o la bobine accepte avec,rsignation sa sfupide nudit, cependant quele lil forme sur la plaine" une longue ligne, droitesi on a pris la prcaution de. toujours conserverle. mme but. Alors, s'il pleut, ce ne sont plusdes gouttes d'eau qui tombent sur le sol maisdes hrons qui, avec leur bec, ont tt l'ait dedcouvrir la nappe d'eau souterraine ogmissent des poissons aveugles qui n'ontd'autre plaisir que de l'aire entendre leur voixsonore a travers les profondeurs obscurescl, jusque-l, silencieuses de cet immenselac qui, d'ailleurs n'est un lac que par lavolont de son frre le gymnote.

    O ! gymnote, mon ami, qui donc dira aux

    prtres, ces escrocs sans envergure dont lespieds sont semblables la pourriture de leurtte que si, un jour d't o les fruits dontla maturit est proche, la fantaisiet'en prenait,il suffirait d'un seul de tes regards beauxcomme le droulement d'une bobine de fdpour qu'ils soient semblables aux restes d'unpauvre homme, un pauvre imbcile d'hommequi a servi sa patrie toute sa vie pour mourirune aprs-midi, en cueillant des pissenlitsdont il pensait faire une salade pour soitdner. Les pourceaux l'ont moiti manget, c'est pourquoi, aprs sa crmation il nereste plus de lui que cette balle qui l'avaitbless dans quelque combat stupide contreles Pavillons-Noirs. Et voil, gymnote, ceque. tu pourrais faire d'un cur.

    Mais voici la nuit ! Une nuit peuplede bananes. Alors que, sous la vote rougeo les sangsues glissent silencieusement commedes mains frleuses, un homme se lve aumilieu de son sommeil, tire les rideaux desa fentre et jette ses meubles dehors, puis,dbordant soudain d'une allgresse immense,comme un typhon cpti, de son pied, balaieles montagnes inutiles, il descend les escalierscomme un chat-tigre la poursuite d'unehutre sur un rail de chemin de 1er o passentd'heure en heure, des express internationaux.Ses meubles sont l ; mais, dj, de l'armoire glace ventre sortent 1.000 flamants rosesissus de ses chemises et de ses caleons. Alorsprenant tmoin les girofles qui ont prisracine dans son matelas, il disparat, commeune mouche. ; mais alors qu'une mouche nedisparat pas pour tout le monde, on ne lereverra jamais.Cependant, peu peu, son mobilier donnenaissance toute une. l'aune pour laquelleune flore nouvelle se. cre. Le grand chevalde bataille aux oreilles d'argent et aux dentsde terre se dresse au milieu du peuple alamcls rats jaune mouchets de gris qui s'en-fuient, rpandant en guise de crottes deminuscules papillons aux couleurs clatantes,lesquels aprs avoir volet un laps de tempsqui n'est comparable qu' l'puisement pro-gressif d'un nomme -qui, un beau matin,considrant Pallux des voyageurs dans unegrande gare de. Paris a dcide de ne plus mangeret observe cette rsolution je ne dirai pasjusqu' ce que mort s'ensuive, car avant d'enarriver l, un brave rhinocros, de l'espceditecochon-mangeur-dcpied-de table, s'avancede son pas pesant comme un lac et, calculantmentalement le nombre de pieds de tablencessaires pour lui rendre, la sant, puis lenombre d'arbres ncessaires pour l'aire cespieds de table, juge plus expdiai' de le manger

  • " CES ANIMAUX DE LA FAMILLE ===== 25

    mais, auparavant, il se dresse sur ses pattesde derrire et, corne en l'air, il fait sesfrres et ennemis, un discours :

    DISCOURS DU RHINOCROS

    O ! vous qui tes mes frres parce que j'aides ennemis, songez, songez au sort du baobabqui se lamentedans la cuisinedu roi parcequ'onveut l'accommo-der en salade.Pauvre baobab ! toi, orgueil dela rive droite duRhin, toi qu'onavaitapporldansce pays, si petitque tu tenais dansun d coudre etque les femmes entevoyantdisaient:

    O/i / qu'il estpetit, qu' il estcharmant! Com-me il ferait bontre couch sousSon ombre avecson amant ! Et,sous la poussenergique des la-vandires qui,tous les lundis,venaient uriner tes pieds, leur dososseuxappuysurton tronc, qui leurfaisait l'effetd'unmembre viril se,frlant contreelles, tu tais de-venu cette bellecouve d\iplryxqui s'enfuit silen-cieusementl'ap-prochedes chlamydosaurcs, lesquels, somme loulc,ne te voulaient aucun mal mais dsiraient seu-lement te demander d'o tu tenais celte fourrurequi te fait ressembler l'entre d'une station demtropolitain, l'hiver, alors que la neige tombecomme un moineau qui ne sait pas encore seservir de ses ailes lesquelles ne sont, la vrit,que deux gaufres qu'une fillette de quatre ansramassera pour les offrir sa poupe. Sa pou-pe ! Ah parlons-en de ce poisson-volant qui senourrit de son vol, saccadcommeles paroles d'unfivreux en proie au dlire. O dlire ! C'est grce toi qu'un condamn mort, la veille de sonexcution, sentant dj glisser sur son cou lecouperet de la guillotine, arracha ses cils elses sourcils qu'il noua les uns aux autres et filensuite tourbillonner au-dessusde sa tte en guisede fouet en criant : Au feu ! Au feu ! IA'Spanthres sont brles ! n Les panthres n'taient

    AVIS

    La folie est la prdominance de l'abstraitet du gnral sur le concret et la posie. Lafolie n'est, qu'un rapport comme le raison-nable, !c rel. C'est une ralit, une, raison.Je trouve l'activit scientifique un peufolle, mais hu-

    mainement d-fendable.

    Mon affaireest la mtaphy-sique. Et nonpas la folie. Etnon pas la rai-son.

    Je 11c memetspas en scne.Mais la pre-mire personnedu singulier ex-prime pour moitout le concretde 1 ' h omme.Toute ni taphysique est -la premire per-sonne du sin-gulier. Touteposie aussi.

    Lit secondepersonne, c'estencore la pre-mire.

    Aujourd'hui,il n'y a plus derois, ce sont lessavants qui di-sent : Nousvoulons. Bravesgens.Ils croient toucher le pluriel

    : ils ne con-naissent pas leur vipre.

    Louis ARAGON.

    pas brles mais un fakir leur avait promenune. barre de fer rougir au feu sur l'chin el,de blanc qu'elles taient, elles devinrent ce qu'ellessont : un serpent naja qui trne la place d'unprofesseurde. chimie mort subitement, au momentde commencer son cours, pour avoir aval, unporc-pic. que sa myopie lui avait fait confondreavec une amande. El le naja dlient loulc lascience des professeurs passs cl futurs, telleenseigneque les lves en sont merveills.

    Benjamin PI'.UKT.(A suivre.)

    LE PIGE Jean MM.

  • Picasso,

    CHRONIQUESAu bout du quai, les Arts Dcoratifs !

    Dans un monde o l'esprit ne soutient, negonfle plus leurs draperies de pierre les penses l'orme humaine perdent peu peu leur rled'apparition sous l'corce murale que bour-souflait jadis je ne sais quel levain issu de lalangueur et de la mlancolie. Elles vonts'elaant, sous le doigt de la quitude, aulinteau tranquille o la raison trouve enfinsa satisfaction minrale el le plaisir ngatifde l'usage prvu, et rcompens, Biend'absurdene vient plus troubler ce visage calcaire, nile regard, ni le tourment. Enfin c'en est l'aitdes architectures hantes, l'habitant serachez lui sous ce portique, il trouvera la paixdans ce dsert de murs. Tout se mesure l'ut le, l'emploi resplendit au moindre moellon,el si quelque souvenir au del de l'immdiatmensonge aux intempries et la destructionramne ce lieu bti aux proportions aujourd'huilyriques de l'usine el du hangar, il esl permisde se demander si ce n'esl pas, pure convulsiondu pragmatisme, une sorte de dificationncessaire du travail el de ses modes, unprincipe fortifi par sa carence, et comme unsanglot du cinieiil arm, l'hystrie des mat-riaux dans leur adaptation

    .aux conventionsde l'homme, ses calculs intresss, sesl erreurs.

    Cet tal de confusion o l'esprit ne retrouveplus sa nourriture, celte trahison des demeures,la prfrence donne au confort de l'instinct

    sur le confort de l'intelligence, toute signi-fication renie, un pareil bouleversementcomment l'homme l'et-il permis, lui quiimagina les Sphinx, s'il l'et envisag dansl'abord ? Mais c'est cpi'il avait prt la main l'apparition d'un concept, cpt'il ne ralisapas dans ses dveloppements inluctables,qu'il admit, et dont le voici en 1925 le jouet.

    L'art dcorai il se. prsentait comme une

    classification commode, o ,'on voyait surtoutl'occasion d'lever des artisans modestes etmconnus la considration qu'un peupleassez barbare rservait aux musiciens et auxvlocipdistes. Cela flattait un principe dedmocratie idale.

    Avec quelle rapidit celle simple distinctionest-elle devenue une affaire d'tat, el l'tatl'a-l-il travestie en notion philosophique,c'est ce cpie rvle l'exposition de Paris.Et personne qui lasse la critique de celtenotion, qui montre qu'elle n'esl point pure,toute emmle au contraire de considrationssociales, qu'elle embrasse au hasard toutesles pnombres de l'art et du commerce, tousles compromis hypocrites qui permettentla tromperie dans des marchs o tour atour une fable n'esl plus une tabl mais undieu, puis une fable lotit de mme lire di-ses pieds cl de ses rallonges. Dans celle grandefoire, personne qui ne veuille avoir travaillpour l'ternit, cl. du mme coup pour les

  • CHRONIQUES *7commodits -quotidiennes.

    C'est beau, etpuis c'est bien conditionn.

    L'hypothquesur l'avenir est immdiatement monneyable.Dsormais on s'entend sur le sens pcuniairedu mot moderne, et qu'on nous laisse la paixavec la peinture et son train, d'o l'utilitest absente.' Bientt, aujourd'hui mme, onne peindra plus que pour aller avec un ameu-blement. L'usage roi. Le style et la disciplinerefont par ce dtour imprvu une entrede music-hall qui ne me porte pas sourire.Le Grand Art, Dada vous avait donn penserl-dessus. Mais la Dcoration ! Eh bien moi,je prfre aprs tout le Grand Art.Que l'homme se limite ; qu'il prenne son aise ses airs de roseau pensant, ses airspenchs de roseau pensant ; qu'il prfre,les yeux baisss, s'adonner des guridons regarder le ciel et apprivoiser les toiles :c'est toujours le positivisme qui triompheavec l'appui officiel et les coups de chapeaudu ministre. Il parat qu'on ne pourra fairedisparatre les btisses de l'exposition qu'avecde la dynamite. Qu'on en garde un peu pourla statue d'Auguste Comte, place de la Sor-bonne. Il nous faut faire maison nette d'unesprit domestique qui s'est rpandu depuiscinquante annes dans les villes et les coeurs.A l'office, je vous prie, les dcorateurs et les"savants timides. Nous n'avons pas assezde nos carrefours et de notre vie, nous n'avonspas assez de tout l'univers pour le gnieambitieux, inutile et dvorateur.

    Louis ARAGON.

    Le Paradis perdu

    i

    ULYSSE PRCHACQLos hommes no sont pas tous entaches (le pch originel.

    Il est des privilgis qui possdent une me innocente etdes sens vierges. Tels autrefois furent le douanier Rousseauet J.-P. Rrisscl, tels sont, aujourd'hui, les peintres Miroet Dd Sunbeam, les potes comme Benjamin Pret etUlysse Prchaeq, ceux-l sont rserves les visions deriide.n e