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/1/29/ LA RELATIVITE GENERALE sans formules (vous allez voir, en fait c’est assez simple) UN PEU D’EPISTEMOLOGIE La physique est, depuis de nombreux siècles, un processus d’amélioration continu et itératif. Page 3 Un peu d’épistémologie La physique est, depuis de nombreux siècles, un processus d’amélioration continu et itératif : une théorie digne de ce nom doit expliquer les phénomènes observés et prédire des phénomènes nouveaux mais chaque théorie, tôt ou tard, atteint ses limites et s’avère ne pas expliquer certains phénomènes nouvellement observés c’est le rôle de la prochaine théorie de franchir les limites de la précédente et d’expliquer l’inexpliqué. Et ainsi de suite… Tout d’abord, en physique, une théorie digne de porter ce nom, doit apporter de la matière nouvelle à la communauté scientifique. Qu’est-ce que « de la matière nouvelle » pour le physicien ? Les qualités d’une théorie physique Une véritable théorie physique doit avoir trois qualités fondamentales : Premièrement, elle doit être réfutable. C’est Karl Popper (un philosophe épistémologiste) qui l’a dit. En effet, si je construis une théorie expliquant que les grains de sable pensent, aussi élégante, cohérente et brillante que soit ma théorie, elle n’aura pas de succès dans la communauté scientifique, parce que personne ne pourra vérifier ou réfuter ce que je dis. Tout au plus pourra-t-elle intéresser un ou deux poètes, ou deux ou trois gourous de sectes…

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LA RELATIVITE GENERALE sans formules (vous allez voir, en fait c’est assez simple)

UN PEU D’EPISTEMOLOGIE La physique est, depuis de nombreux siècles, un processus d’amélioration continu et itératif.

Page 3

Un peu d’épistémologie

La physique est, depuis de nombreux siècles, un processus d’amélioration continu et itératif :

• une théorie digne de ce nom doit expliquerles phénomènes observés et prédire des phénomènes nouveaux

• mais chaque théorie, tôt ou tard, atteint ses limites et s’avère ne pas expliquer certains phénomènes nouvellement observés

• c’est le rôle de la prochaine théorie de franchir les limites de la précédente et d’expliquer l’inexpliqué. Et ainsi de suite…

Tout d’abord, en physique, une théorie digne de porter ce nom, doit apporter de la matière nouvelle à la communauté scientifique. Qu’est-ce que « de la matière nouvelle » pour le physicien ? Les qualités d’une théorie physique Une véritable théorie physique doit avoir trois qualités fondamentales :

• Premièrement, elle doit être réfutable. C’est Karl Popper (un philosophe épistémologiste) qui l’a dit. En effet, si je construis une théorie expliquant que les grains de sable pensent, aussi élégante, cohérente et brillante que soit ma théorie, elle n’aura pas de succès dans la communauté scientifique, parce que personne ne pourra vérifier ou réfuter ce que je dis. Tout au plus pourra-t-elle intéresser un ou deux poètes, ou deux ou trois gourous de sectes…

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• Deuxièmement, elle doit expliquer les phénomènes observables. C’est-à-dire qu’elle doit permettre au lecteur de cette théorie de comprendre, dans un ensemble logique et cohérent, la raison d’être des phénomènes observables, à partir de principes qui peuvent être admis par tout le monde. Là encore, si je construis une théorie sur le principe que la Terre est plate, aussi élégante, cohérente et brillante que soit ma théorie, elle n’aura de nouveau aucun succès dans le monde scientifique.

• Troisièmement, elle doit permettre de prédire des phénomènes

nouveaux. Elle doit donc orienter la science vers de nouvelles recherches et de nouvelles observations, c’est-à-dire en bref : enrichir la connaissance scientifique.

Le processus itératif d’amélioration des théories Mais, tôt ou tard, on découvre dans chaque théorie physique des limites. La connaissance des physiciens progresse, les moyens d’observation se perfectionnent et permettent de découvrir des détails et des mécanismes de plus en plus fins dans la nature. Alors, de nouveaux phénomènes sont observés par les physiciens et ce qui doit arriver arrive : la théorie physique jusque là en vigueur s’avère ne pas tout expliquer. Force est de constater alors que la théorie physique qu’on utilisait jusque là n’est sans doute qu’une approximation ou un sous-ensemble d’une autre théorie plus fine, plus englobante, plus subtile. C’est cette théorie qu’il s’agit maintenant de découvrir. C’est donc le rôle d’une prochaine théorie, qui occupe ardemment les physiciens à partir de ce moment, d’expliquer ce que la théorie précédente ne savait pas expliquer, mais aussi de conserver une cohérence avec ce que la théorie précédente était capable d’expliquer. Et cette nouvelle théorie devra, de plus, prédire de nouveaux phénomènes qui lui permettront d’accéder au rang noble de théorie physique. Ce processus itératif se déroule ainsi au fil des siècles et des observations et découvertes de plus en plus fines et subtiles. PARCOURS VERS LA RELATIVITE GENERALE C’est précisément ce processus itératif d’enrichissement des théories physiques qui a conduit le monde des physiciens à la Relativité Générale. La question de départ La question de physique de départ visait à expliquer les phénomènes de gravitation. On connaissait bien le phénomène de la pomme qui tombe d’un arbre.

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On savait déjà que la Terre parcourait chaque année une trajectoire elliptique autour du Soleil. On voyait bien que des planètes comme Mercure, Vénus ou Mars parcouraient aussi une trajectoire à peu près elliptique autour du Soleil. Nous comprenions aussi par conséquent que la Terre n’était pas immobile dans l’espace. Elle était lancée à toute vitesse ; mais alors, pourquoi ne sentions-nous pas le vent de la vitesse. Pourquoi avions nous l’impression que la Terre était immobile ? Newton

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Parcours vers la Relativité GénéraleNewton et la Mécanique Classique

La Mécanique Classique

• Explique : la gravitation sur Terre.

• Prédit : la trajectoire des planètes (Kepler)

• N’explique pas : l’aberration de la lumière

C’est Newton qui, le premier, a commencé l’aventure. Il a compris et établi en théorie cohérente deux concepts fondamentaux : la Relativité du mouvement et la Gravitation Universelle, expliquant pourquoi les corps livrés à eux mêmes tombent sur la Terre, et prédisant (avec l’aide de Kepler) les trajectoires des planètes du Système Solaire.

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Einstein - La Relativité Restreinte

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Parcours vers la Relativité GénéraleEinstein et la Relativité Restreinte

La Relativité Restreinte

• Englobe : la Mécanique Classique

• Prédit : la dilation du temps

• N’explique pas : la déviation des rayons lumineux par le Soleil

Mais il s’est avéré, comme toujours, que cette théorie n’expliquait pas tout. On s’est aperçu que la lumière se propageait à une vitesse finie. La lumière et d’une manière générale, toutes les interactions de l’univers, se propageaient ou se déplaçaient à une vitesse finie. Le monde de Newton n’expliquait pas cela, ou plutôt conduisait à des contradictions. C’est alors Einstein, avec l’aide de Lorentz, qui a construit une théorie dite de la Relativité Restreinte, qui expliquait à la fois la Mécanique Classique de Newton, apportait une réponse aux contradictions de cette Mécanique Classique, et enfin permettait de prédire des phénomènes nouveaux lorsqu’un corps se déplaçait à une vitesse suffisamment proche de celle de la lumière.

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Einstein - La Relativité Générale

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Parcours vers la Relativité GénéraleEinstein et la Relativité Générale

La Relativité Générale

• Englobe : la Mécanique Classique, la Relativité Restreinte

• Explique : la déviation des rayons lumineuxpar le Soleil

• Prédit : les trous noirs, le big bang, le big crunch

• N’explique pas : le monde infiniment petit

Mais de nouveau, cette théorie n’expliquait pas tout. Les progrès de l’Astronomie avaient permis de faire de nouvelles observations très fines, qui ne trouvaient pas d’explications dans la théorie de la Relativité Restreinte. Alors Einstein (encore lui) a trouvé une généralisation de la Relativité Restreinte qu’il a appelée Relativité Générale, permettant d’expliquer les nouvelles observations de l’Astronomie. Sa théorie permettait de prédire de nouveaux phénomènes, comme les trous noirs ou le big bang, par exemple. NEWTON Newton a construit une théorie permettant de comprendre la relation entre le mouvement des corps (sur la Terre ou dans l’espace interplanétaire) et les forces qui s’appliquent sur ces corps. Les trois questions de départ Il s’agissait pour Newton d’expliquer trois phénomènes :

• Pourquoi un observateur enfermé dans une cabine sans fenêtres ne pouvait pas percevoir s’il était immobile ou lancé à une vitesse constante le long d’une trajectoire rectiligne

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• Comment l’application d’une force sur un objet modifiait sa trajectoire et comment on pouvait prédire cette trajectoire

• Pourquoi un livre posé sur une table restait-il sur cette table immobile

Newton a donc établi trois lois de la Mécanique Classique.

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NewtonThéorie : les lois de la Mécanique Classique

Les trois lois de la mécanique de Newton :

• Un corps qui n’est soumis à aucune force est soit immobile, soit sur une trajectoire rectiligne à vitesse constante

• Un corps de masse constante soumis à une force accélère dans la direction de cette force

• Si on applique une force sur un corps maintenu immobile, alors ce dernier applique une force opposée appelée réaction

La première loi de Newton La Première Loi de Newton dit qu’un corps qui n’est soumis à aucune force, ou soumis à un ensemble de forces qui s’annulent, est soit immobile, soit il reste sur une trajectoire rectiligne à une vitesse constante. Il n’y a d’ailleurs du point de vue d’un observateur placé dans le corps en question sans pouvoir voir l’extérieur aucune différence entre l’immobilité et la vitesse constante le long de la trajectoire rectiligne. C’est-à-dire qu’il n’y a aucune mesure physique lui permettant de savoir s’il est immobile ou en mouvement rectiligne à une vitesse constante. Dans un avion, par exemple, en vol stabilisé à haute altitude, lorsqu’il n’y a pas de perturbations atmosphériques : si ce n’est le léger tremblement et le bruit des moteurs, vous n’avez aucunement la sensation d’être lancé à 800 km/h. C’est cet effet bien connu que représente cette première loi de Newton. La deuxième loi de Newton La deuxième Loi de Newton dit que l’application d’une force sur un corps provoque sur ce corps une variation de sa quantité de mouvement

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proportionnellement, dans la même direction et le même sens. Ce qu’on appelle quantité de mouvement, c’est le produit de la masse par la vitesse du corps. Cette grandeur représente ce que nous appelons intuitivement l’élan d’un corps. Essayons de bien comprendre ce que veut dire cette loi. Si je pousse un corps de la main, j’applique sur ce corps une force. En appliquant cette force, d’après la seconde Loi de Newton, je fais varier la quantité de mouvement du corps, c’est-à-dire son élan. Je fais donc croître le produit constitué de la masse et de la vitesse du corps. Comme ce produit croît et que la masse de mon corps reste constante, cela signifie que la vitesse croît. Donc le corps accélère. Nous venons de comprendre que ce que dit la seconde Loi de Newton : elle explique qu’en appliquant une force sur un corps, je produis une accélération de ce corps dans la direction de cette force. Newton a vu que la gravitation sur la Terre est assimilable à une accélération. La Loi de Newton peut alors être lue à l’envers. Cette gravitation-accélération produit une force proportionnelle sur le corps, qui dépend de la masse de ce corps et qui est dirigée dans la même direction et le même sens que la gravitation (vers le bas, en l’occurrence.) C’est la raison pour laquelle la pomme tombe de l’arbre et dit-on, précisément sur la tête d’Isaac Newton. La troisième loi de Newton La troisième Loi de Newton explique que si on applique (au moyen d’un corps A) une force sur un corps B contraint à rester immobile, alors ce corps B applique une force de même direction et de sens inverse sur le corps A. Cette dernière force s’appelle la réaction. C’est la raison pour laquelle un livre posé sur une table reste sur cette table. La force produite par la gravitation appliquée au livre presse le livre contre la table. Inversement, la table par sa réaction se presse contre le livre. La résultante de ces deux forces opposées de même amplitude est nulle. Et par conséquent, d’après la première Loi de Newton, le livre reste immobile sur la table.

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NewtonPrédictions : le mouvement des planètes par Kepler

Grâce aux trois lois de Newton, on peut retrouver les lois que Kepler a créées pour calculer les trajectoires des planètes autour du Soleil : ce sont des ellipses.

A l’époque de Newton et ensuite pendant plusieurs siècles, ces trois lois ont permis d’expliquer sans faille les phénomènes observés. Kepler avait décrit le mouvement des planètes autour du Soleil, sous la forme de différentes lois (les lois de Kepler). Les planètes décrivant des ellipses autour du Soleil. Un des foyers de ces ellipses se trouve au centre de gravité de l’ensemble Soleil + planète. Comme la masse du Soleil est beaucoup plus grande que celle de la planète, on peut pratiquement confondre le centre de gravité commun avec le centre du Soleil, mais il est faux théoriquement de dire que le foyer de l’ellipse est le Soleil. On retrouve les lois de Kepler au moyen de la théorie de Newton.

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NewtonPrédiction : la loi d’addition des vitesses

Dans la Mécanique Classique de Newton, les vitesses s’additionnent :

Un homme se déplace à 1 m/s dans un train qui avance à 10 m/s : la vitesse de l’homme est de 11 m/s par rapport au sol.

Dans la Mécanique Classique, les vitesses s’additionnent normalement. RELATIVITE RESTREINTE D’EINSTEIN Les limites et les contradictions de la théorie de Newton Mais, la théorie de la Mécanique Classique a fini par montrer ses limites. En particulier, lorsqu’on s’est aperçu que la lumière se propageait à une vitesse finie, des contradictions importantes ont commencé à se dégager de la théorie de Newton. En effet, d’une part, on savait que la vitesse de la lumière était finie et que c’était une sorte de vitesse limite qu’aucun objet ni aucune interaction entre deux objets ne pouvait dépasser. Par ailleurs, la théorie de Newton prévoyait ce qu’on appelle la loi d’addition des vitesses. Supposons un instant qu’un individu soit situé dans un train lancé à 200 km/h. Supposons qu’il se déplace à la vitesse de 2 km/h à l’intérieur de ce train, dans les couloirs et dans la même direction que le train. Alors nous savons bien que notre individu se déplace en fait à la vitesse de 202 km/h par rapport au sol. Nous avons en effet calculé la vitesse de l’individu par rapport au sol en additionnant la vitesse de l’individu par rapport au train (soit 2 km/h) à la vitesse du train par rapport au sol (soit 200 km/h.) Einstein aimait faire ce qu’on appelle des expériences de pensée. Faisons en son honneur, nous aussi, une expérience de pensée : supposons un instant que notre train se déplace à la vitesse de la 200 km/h. Supposons maintenant que notre individu tienne une lampe de poche allumée. Alors, la vitesse d’un rayon lumineux de cette lampe de poche serait égale à la vitesse de la lumière plus 200 km/h. Catastrophe ! Cela signifierait que nous avons réussi à

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fabriquer un rayon lumineux dont la vitesse de propagation est supérieure à la vitesse de la lumière. C’est contradictoire avec l’observation. La théorie d’addition des vitesses de la Mécanique Classique de Newton est donc mise en défaut.

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Relativité Restreinte d’EinsteinProblème : contradiction de la vitesse de la lumière

Principe : la vitesse de la lumière c est finie et constante.Les limites de la Mécanique Classique de Newton:

c10 m/s

10 m/s + c > c

La loi d’addition des vitesses de la théorie de Newton est contradictoire avec le fait que la vitesse de la lumière c soit finie

Le Principe de Relativité Einstein est parti de cette contradiction pour construire une nouvelle théorie tenant compte de cette vitesse limite universelle qu’est la vitesse de la lumière. Le génie d’Einstein a consisté à partir d’un principe très simple, appelé Principe de Relativité, qui affirme que les lois de la nature sont les mêmes dans tous les référentiels galiléens. Qu’est-ce qu’un référentiel galiléen : c’est un repérage de l’espace qui est soit immobile, soit lancé à une vitesse constante sur une trajectoire rectiligne. Tiens, nous avons déjà entendu parler de vitesse constante sur une trajectoire rectiligne ; mais où donc ? Ah oui : à propos de la première Loi de Newton. Par ce principe, Einstein donne un nouveau sens, une nouvelle envergure au principe exprimé par Newton dans sa première Loi. Newton disait qu’un corps immobile et un corps sur une trajectoire rectiligne à vitesse constante possédait une même propriété de n’être tous deux soumis à aucune force. Einstein avance d’un pas décisif : non seulement ils ont cela en commun, mais de plus, toutes les lois physiques sont identiques pour ces deux corps. Bien. Mais qu’est-ce que ce principe va nous apporter de nouveau ? Nous y voilà : si les lois de la physique sont les mêmes dans tous les référentiels galiléens (comprendre : tous les corps immobiles ou tous les corps lancés à une vitesse constante le long d’une trajectoire rectiligne), alors en particulier ils ont tous pour constante universelle la vitesse limite de la lumière. Cette vitesse, notée

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c, valant à peu près c = 300 000 km/s, est donc la même pour des rayons lumineux émis depuis un référentiel galiléen immobile ou depuis un référentiel galiléen se déplaçant à 10 000 km/s. C’est l’expérience de Michelson qui a permis de mettre en évidence l’invariance de la vitesse de la lumière, quelle que soit la direction de cette lumière. Cela revient bien évidemment à nier la loi d’additivité des vitesses de la Mécanique Classique de Newton ! Et cela revient à dire qu’il doit y avoir une nouvelle loi d’addition des vitesses, plus subtile, qui tient compte de ce Principe de Relativité. La nouvelle loi d’addition des vitesses

Page 11

Relativité Restreinte d’EinsteinThéorie : l’addition relativiste des vitesses

Pour résoudre cette contradiction, il faut que les vitesses ne s’additionnent pas simplement comme le fait Newton.Einstein a déduit une loi « d’addition relativiste » des vitesses qui contraint les vitesses en dessous de c :

Ce facteur contraintles vitesses sousla limite de c

Additions des vitesses

0

100000200000

300000400000

500000600000

700000

0

4000

0

8000

0

1200

00

1600

00

2000

00

2400

00

2800

00

km/s

km/s

limite c

classique

relativiste

On voit bien que la contradiction de la théorie de Newton ne se révèle que lorsqu’on fait des raisonnements (ou des expériences de pensée) avec des vitesses proches de la vitesse de la lumière. Pour les petites vitesses (10 km/h, 300 km/h, etc.), il n’y a aucun problème (en apparence) à additionner les vitesses entre elles, parce que le résultat de ces additions reste très largement inférieur à la vitesse de la lumière (qui, soit dit en passant, est extrêmement grande lorsqu’on la compare aux vitesses des corps telles que nous les expérimentons sur la Terre.) Einstein est donc parti de ce Principe de Relativité tout simple, et a exprimé mathématiquement que les rayons lumineux se déplacent à une vitesse finie identique dans deux référentiels galiléens de vitesses différentes. Le simple fait d’exprimer cette nouvelle contrainte en expressions mathématiques, puis de faire ensuite quelques calculs pas très complexes, a conduit à découvrir une nouvelle loi pour « additionner » les vitesses. Cette loi introduisait dans l’expression de Newton de la simple addition de deux vitesses un facteur qui

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variait en fonction du rapport entre la vitesse d’un référentiel par rapport à l’autre, et la vitesse de la lumière. Si la vitesse d’un référentiel par rapport à l’autre était petite par rapport à la vitesse de la lumière, alors le facteur en question était tellement petit qu’il devenait négligeable dans la nouvelle loi, et cette nouvelle loi était complètement équivalente à l’ancienne loi d’addition des vitesses de Newton. Si la vitesse d’un référentiel par rapport à l’autre était proche de celle de la lumière, alors le facteur dont nous parlons devenait grand et commençait à modifier l’ancienne loi d’addition de Newton pour l’empêcher d’additionner normalement les vitesses, pour empêcher justement que la résultante des deux vitesses ne dépasse la vitesse de la lumière. La théorie Et voilà : le tour était joué. Einstein avait construit la théorie de la Relativité Restreinte. Cette théorie expliquait parfaitement toute la Mécanique Classique de Newton pour les vitesses petites par rapport aux vitesses de la lumière ; elle résolvait les contradictions de la théorie de Newton lorsque les vitesses devenaient proches de celle de la lumière. C’est bien. Mais vous allez me dire : que prédisait-elle ?

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Les prédictions de la Relativité Générale La contraction des longueurs et la dilatation du temps

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Relativité Restreinte d’EinsteinPrédictions : la contraction des longueurs, la dilatation du temps

Cette loi des vitesses relativistes a des conséquences spectaculaires et bien connues :

• Les sommes de vitesses proches de c se « contractent », pour rester inférieures à c

• Une vitesse, c’est le rapport d’une longueur à une durée, donc les longueurs se « contractent » aux vitesses proches de c…

•… et le temps se « dilate » ou s’écoule plus lentement aux vitesses proches de c

De nombreux phénomènes (on dit : des phénomènes relativistes.) En particulier, puisque les vitesses ne s’additionnaient plus normalement pour des vitesses proches de celle de la lumière, c’est un peu comme si le temps ne s’écoulait plus de la même façon dans un référentiel lancé à grande vitesse, si on le comparait par exemple à un référentiel immobile ou se déplaçant à une vitesse petite par rapport à la vitesse de la lumière. En effet, la vitesse c’est le rapport d’une longueur par une durée. Si les vitesses ne s’ajoutent pas normalement, et qu’elles tendent à ne jamais dépasser la vitesse de la lumière, c’est que la vitesse résultante dans ce calcul d’addition de vitesse un peu spécial (nous dirons addition relativiste) est inférieure à ce qu’elle aurait dû être dans un monde non relativiste. La vitesse, nous l’avons vu, est la division d’une longueur par une durée. Cela signifie donc que la longueur (au numérateur) est inférieure à ce qu’elle aurait été dans un monde non relativiste, et/ou que la durée (au dénominateur) est supérieure à ce qu’elle aurait été dans un monde non relativiste. En fait, on s’aperçoit par le calcul que c’est un peu des deux. Dans un monde relativiste, les longueurs se contractent lorsqu’on s’approche de la vitesse de la lumière, et aussi le temps s’écoule plus lentement lorsqu’on s’approche de la vitesse de la lumière. Il existe également un loi de contraction relativiste des masses.

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Le voyageur de Langevin

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Relativité Restreinte d’EinsteinPrédictions : le voyageur de Langevin

Les jumeaux de Langevin ne sont plus jumeaux

Je suis immobile. Le temps s’écoule normalement sur Terre! Mon frère

jumeau reviendra de son voyage moins âgé

que moi

A grande vitesse,le temps s’écoulemoins vite pour moi! Je vieillis

moins vite que mon frère jumeau

Vitesse prochede celle de lalumière

Le temps s’écoule plus lentement lorsqu’on s’approche de la vitesse de la lumière. Qu’est ce que cela signifie ? Cela veut dire qu’un voyageur interstellaire qui se déplacerait à grande vitesse (entendez une vitesse comparable à celle de la vitesse de la lumière) verrait le temps s’écouler plus lentement. Cela voudrait dire qu’il va moins vieillir que son frère jumeau resté sur Terre immobile. Ce phénomène a été raconté sous le nom du voyageur de Langevin.

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L’aberration de la lumière

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Relativité Restreinte d’EinsteinPrédictions : l’aberration de la lumière

L’aberration de la lumière « déplace » les étoiles

L’observateur sur laTerre croit observer l’étoile dans la direction θθθθ, au lieu de

θθθθ’. C’est un effet relativiste dû au fait que la somme

relativiste des vitesses de l’étoile et de la lumière créent un décalage angulaire apparent.

V

V

C

θθθθ’

θθθθ

La théorie de la Relativité Restreinte a également permis d’expliquer un phénomène optique constaté par les astronomes au XVIIIème siècle et inexpliqué jusqu’alors. Il s’agit du phénomène d’aberration de la lumière. Lorsqu’un observateur est embarqué sur un corps à une vitesse relativiste (comprenez : à une vitesse suffisamment proche de la vitesse de la lumière pour générer des phénomènes relativistes) s’il regarde les rayons lumineux issus d’un objet, alors l’angle sous lequel il les voit est différent de la réalité. Les rayons semblent provenir d’une direction différente de celle de la réalité. C’est le cas de la position de certaines étoiles, compte tenu de la grande vitesse à laquelle la Terre tourne autour du Soleil.

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RELATIVITE GENERALE D’EINSTEIN Les limites de la Relativité Restreinte

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Relativité Générale d’EinsteinProblème : la précession du périhélie de Mercure

Les limites de la Relativité Restreinte : la précession du périhélie de Mercure inexpliquée

Alors même que la Relativité Restreinte permettait d’expliquer certains phénomènes inexpliqués, il restait toutefois des phénomènes astronomiques qui n’avaient toujours pas d’explication. Par exemple, la planète Mercure suivait une trajectoire assez proche de ce que pouvaient expliquer les théories de Newton et de la Relativité Restreinte, mais… pas tout à fait. On constatait que l’ellipse sur laquelle se déplaçait Mercure subissait à chaque rotation de Mercure un décalage (qu’on appelle du nom barbare de précession du périhélie de Mercure : précession est un mot savant pour dire que l’ellipse subit une rotation autour de l’un de ses axes ; périhélie est le point de l’ellipse-trajectoire qui se situe au plus proche du Soleil.) Une bonne portion de ce décalage était bien expliqué, mais il restait un petit décalage que les calculs de la théorie de la Relativité Restreinte ne parvenait pas à expliquer. On observait également un décalage apparent de la position de certaines planètes, lorsqu’elles étaient très proches de l’alignement du Soleil, quand on les observait lors des éclipses solaires. Ce décalage n’avait pas d’explication dans le cadre de la Relativité Restreinte et de l’aberration de la lumière en particulier. Il fallait donc une nouvelle théorie. Einstein était là.

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L’équivalence masse-énergie – l’équivalence gravitation-accélération

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Relativité Générale d’EinsteinThéorie : l’équivalence entre masse et énergie

L’équivalence masse-énergie est déduite de la Relativité Restreinte :

Si un noyau était entièrementdésintégré, sa masse seraitconvertie en une énergie mc2,ce qui représente une énergieconsidérable à cause du termec2 qui est très grand.

De nouveau le physicien eut une idée de génie. Dans le cadre de la Relativité Restreinte, les développements des calculs avaient permis de montrer qu’il y avait une relation très étroite entre l’énergie et la masse. C’est le fameux E = mc2. Cette formule signifiait que l’énergie et la masse étaient de même nature. C’étaient deux phénomènes simplement reliés par une constante universelle.

Page 17

Relativité Générale d’EinsteinThéorie : le Principe d’Equivalence

L’équivalence masse-énergie conduit à l’équivalence gravitation-accélération : c’est le Principe d’Equivalence

a

g

Pour l’observateur dans la cabine, l’accélération a ou la gravitation g ont le même effet sur la pomme et ses sensations

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Quels étaient les phénomènes connus associés à l’énergie d’une part, et à la masse d’autre part ? L’accélération était une forme d’énergie. Einstein savait en effet depuis Newton que l’accélération était en relation étroite avec les forces, c’est-à-dire la transmission d’énergie entre un corps et un autre. Par ailleurs, la masse et la gravitation avaient une nature commune. La gravitation était une conséquence de la présence de masse. Les corps de grande masse produisaient une gravitation importante, les corps de faible masse produisaient une gravitation faible. Donc, s’il y avait équivalence entre masse et énergie, c’est qu’il y avait équivalence entre gravitation et accélération. Dire qu’un corps était soumis à une accélération était équivalent à dire qu’un corps était soumis à une gravitation. C’est le Principe d’Equivalence d’Einstein. Einstein avait de nouveau réalisé une de ses favorites expériences de pensée : si on imaginait un homme placé dans une cabine noire, sans possibilité de voir à l’extérieur ; l’homme ainsi enfermé ne pourrait pas distinguer au moyen de mesures physiques si sa cabine était soumise à une accélération ou si sa cabine était soumise à une gravitation. Par exemple, s’il était soumis à une accélération vers le haut et qu’il lâchait une balle de tennis, celle-ci lui semblerait tomber vers le sol, comme s’il était sur Terre. En réalité, c’est la cabine qui étant accélérée, finirait par « rattraper » la balle de tennis. S’il était immobile mais soumis à une gravitation, il verrait le même phénomène : la balle tomberait sur le sol de la cabine. Notre homme ne pourrait donc pas distinguer s’il était soumis à la gravitation ou à une accélération. L’énergie déforme l’espace-temps

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Relativité Générale d’EinsteinThéorie : la déformation de l’espace-temps (1)

Accélération, gravitation, masse, énergie sont fondamentalement un même phénomène.La masse ou l’énergie déforment l’espace temps.Ce sont ces déformations qui provoquent les accélérations et les trajectoires non rectilignes uniformes

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Einstein eut alors une nouvelle idée : si gravitation et accélération étaient un même phénomène, c’est donc que la masse avait le pouvoir de modifier le comportement de l’espace et du temps et provoquer en son sein un déplacement différent des objets qui s’y trouvent. Par exemple, un objet lancé sur une trajectoire rectiligne à une vitesse constante se mettait à accélérer, ou à changer de direction, etc. Donc la masse déformait l’espace et le temps, c’est ce qui modifiait la trajectoire de l’objet. Mais la masse, c’est l’énergie. Voilà quel était le secret de l’univers : l’énergie déformait l’espace temps. Et c’est cela qui animait les corps dans l’espace, sur Terre et autour de nous !

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Relativité Générale d’EinsteinThéorie : la déformation de l’espace-temps (2)

Dans la théorie de Newton, les corps se déplacent suivant diverses trajectoires (droites, ellipses, paraboles, etc.)

Dans la théorie de la Relativité Générale d’Einstein, les corps se déplacent toujours en ligne droite, mais c’est l’espace qui, déformé par l’énergie ou la masse, déforme les lignes droites.

Dans un espace courbe, ce sont les géodésiques (plus court chemin le long d’une surface courbe) qui remplacent les lignes droites.

La différence fondamentale entre la théorie de Newton et la théorie de la Relativité Générale réside dans l’interprétation des trajectoires des corps. Pour Newton, les corps se déplacent suivant diverses trajectoires. Si les corps ne sont soumis à aucune force externe, ils se déplacent suivant des lignes droites. S’il sont soumis à certains assemblages de forces, ils se déplacent suivant des ellipses ou des paraboles, ou d’autres courbes. Pour Einstein, dans la théorie de la Relativité Générale, les corps se déplacent toujours en ligne droite. Mais les lignes droites de la Relativité Générale se déforment sous l’effet de la déformation de l’espace-temps. C’est l’énergie ou la masse qui déforme l’espace-temps. C’est donc l’énergie ou la masse qui déforme les lignes droites.

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La courbure de l’espace-temps

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Relativité Générale d’EinsteinThéorie : l’énergie courbe l’espace-temps

Tous les corps se déplacent le long des géodésiques (pseudo « lignes droites ») d’un espace « chewing-gum » déformé par l’énergie et la masse. Ceci se traduit par :

La courbure de l’espace-tempsest représentée par un tenseurdans une variété différentiable(modèle d’espace géométrique non plat)

L’énergie est représentée parun tenseur (outil mathématiquepour calculer les transformations) qui contient la masse, l’impulsion et la pression

Il y a équivalence entre énergie et courbure

L’idée étant posée, il restait à formaliser une théorie sur ces bases. Comment définir la déformation de l’espace-temps en termes mathématiques ? L’espace-temps tel que nous le connaissons depuis deux ou trois millénaires est plat. C’est-à-dire que le temps s’écoule régulièrement, et les axes de coordonnées qui nous servent à nous repérer dans l’espace sont rectilignes. Ce que dit la théorie d’Einstein, c’est qu’à proximité d’un corps massif, ces axes de coordonnées et ce temps sont déformés. Au lieu de rester rectilignes, il deviennent curvilignes (c’est-à-dire se déforment en courbes.) C’est un peu comme si je repérais l’espace-temps par un grand quadrillage en 4 dimensions (3 dimensions pour l’espace et 1 dimension pour le temps), et que la présence d’un corps massif déformait ce quadrillage pour que les différentes lignes droites du quadrillage devenaient des courbes, y compris celles du temps. C’est difficile de le représenter dans un espace de dimension 4, parce qu’on ne peut pas le dessiner. Mais on peut imaginer ce que cela représente, en l’imageant à partir d’un espace de dimension 2. Imaginons un quadrillage sur une feuille de papier. Les lignes de ce quadrillage sont des lignes droites. Maintenant, déformons la feuille de papier en la tordant et la cintrant : les lignes droites deviennent des courbes. C’est exactement cela qui se passe dans l’espace-temps de dimension 4. A proximité d’un corps massif, la feuille de papier en dimension 4 de l’espace-temps se déforme. Einstein a utilisé des techniques mathématiques assez complexes (on appelle cela le calcul tensoriel et la théorie des variétés différentiables) pour traduire en équations la notion de déformation et de courbure de l’espace-temps. Mais sur le fond, même si ces équations sont très

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complexes, l’essentiel est de comprendre que les équations d’Einstein ne disent rien d’autre que le fait que l’énergie provoque la déformation de l’espace temps. L’énergie peut être de différentes sources : la masse, l’impulsion (c’est-à-dire la vitesse d’un corps massif), la pression d’un gaz, etc. La déformation de l’espace-temps provoque les phénomènes que nous connaissons : les petites déformations provoquent des effets tels que ceux décrits par Newton (la pomme qui tombe de l’arbre) ; les déformations plus importantes (en particulier lorsque les objets se déplacent à grande vitesse) provoquent sur le temps des déformations qui conduisent aux effets de la Relativité Restreinte ; les déformations encore plus importantes (en particulier les lorsque les objets sont très massifs) provoquent de nouveaux effets tels que la courbure des rayons lumineux. Les prédictions de la Relativité Générale La courbure des rayons lumineux

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Relativité Générale d’EinsteinPrédictions : déviation des rayons lumineux

Les rayons lumineux sont déviés par la courbure de l’espace-temps à proximité d’une masse importante

Position apparente de l’étoile

Positionréellede l’étoile

Trajectoire dela lumière sansl’effet de laRelativité Générale

En effet, dans cette nouvelle théorie, c’est l’espace-temps tout entier qui se déforme. Donc tous les phénomènes qui le parcourent sont impactés par cette déformation. Les trajectoires des objets massifs sont déformées : par exemple les planètes qui se trouvent à proximité du Soleil très massif se déplacent le long d’ellipses à vitesse variable au lieu de se déplacer sur des trajectoires rectilignes à vitesse constante, les comètes qui entrent dans le Système Solaire se déplacent le long de paraboles à vitesse variable au lieu de se déplacer sur des trajectoires rectilignes à vitesse constante. Les trajectoires des rayons lumineux sont également déformées : par exemple, si un rayon lumineux

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provient d’une étoile lointaine et se dirige vers nos yeux en passant tout près du Soleil, le rayon lumineux va être dévié sensiblement à cause de la déformation de l’espace-temps à proximité du Soleil. Notre œil et notre cerveau sont tellement habitués à considérer que les rayons lumineux sont rectilignes, qu’ils imaginent que la planète est placée à un endroit différent de la réalité (dans le prolongement du rayon lumineux tel qu’il semble arriver à notre œil.) C’est un des phénomènes qui a pu être directement observé par les astronomes et qui a pu confirmer directement la validité et la capacité de prédiction de la Relativité Générale. En 1919, cette prédiction put être directement vérifiée, à l’occasion d’une éclipse solaire le 29 mai qui permit d’observer le décalage apparent des étoiles dans le voisinage de l’axe du Soleil. Le mirage (ou lentille) gravitationnel(le)

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Relativité Générale d’EinsteinPrédictions : le mirage (ou lentille) gravitationnel(le)

Positionréellede la galaxie

Deux positionsapparentes de lagalaxie dues aumirage provoquépar la RelativitéGénérale

Corpstrès massif incurvantla trajectoire de l’image de la galaxie

Une conséquence de l’effet de déviation des rayons lumineux est le mirage gravitationnel ou la lentille gravitationnelle. Lorsqu’un objet lointain comme une galaxie par exemple, est vu dans l’alignement d’un corps très massif (une autre galaxie) les rayons lumineux issus de la galaxie lointaine sont incurvés à proximité du corps massif. Des rayons peuvent passer d’un côté du corps massif, et d’autres de l’autre côté. En conséquence, l’observateur a l’impression de voir deux galaxies. De la même manière, on peut observer plus de deux copies de l’objet distant. Par exemple, la croix d’Einstein, découverte en 1894, résulte d’un effet de lentille gravitationnelle produisant la cinq images de la même galaxie, sous forme d’une sorte de croix.

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La précession du périhélie de Mercure

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Relativité Générale d’EinsteinPrédictions : précession du périhélie de Mercure

La précession du périhélie de Mercure est expliquée par la Relativité Générale.

La courbure del’espace-temps,provoquée par lesplanètes et le Soleilvoisins, déforme latrajectoire elliptiquede Mercure, et entraînesa précession

Un autre phénomène a pu être expliqué de la même manière : il restait une partie de la précession du périhélie de Mercure qui n’était pas expliqué ni par Newton, ni par la Relativité Restreinte. La Relativité Générale et sa courbure de l’espace-temps apportait clairement la réponse à ce dernier mystère de la précession du périhélie de Mercure. En effet, au XIXème siècle, on avait constaté que l’orbite de Mercure se déplaçait de 574 secondes d’arc par siècle. On pouvait alors expliquer le déplacement de 531 secondes d’arc par l’impact de la gravitation des autres planètes. On pensait alors qu’il devait exister une dixième planète expliquant les 43 secondes d’arc manquantes. En 1915, les calculs d’Einstein montrèrent que la Relativité Générale expliquait un déplacement complémentaire de 42,98 secondes d’arc, ce qui fut en parfait accord avec l’observation.

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Les trous noirs, c’est troublant

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Relativité Générale d’EinsteinPrédictions : les trous noirs

Les trous noirs, un phénomène troublant…

La masse au centre dutrou noir est si grandeque les rayons lumineuxse courbent et ne peuvent pas s’échapper.Ils sont aspirés etrestent prisonniersdu trou noir… qui porteainsi bien son nom !

Quelles sont les autres grandes prédictions que la Relativité Générale permet de faire ? Il y en a de nombreuses : la première est la notion de trou noir. Puisque l’espace-temps se déforme à proximité de très grandes masses, on pouvait imaginer un corps très massif tel qu’une étoile s’effondrant sur elle-même, tellement massif que la déformation de l’espace-temps en sa proximité provoquait un repli sur lui-même, empêchant tout rayon lumineux de s’échapper. D’après la Relativité Générale, ces corps pouvaient exister, et comme aucun rayon lumineux ne pouvait s’en échapper, ils devaient être… noirs. On les appela trous noirs. Forcément, personne n’a encore « vu » de trou noir dans l’espace. Mais on a pu en suspecter un certain nombre d’entre eux, compte tenu de phénomènes astronomiques qui indirectement suggèrent la présence à proximité d’un trou noir. Les calculs de la Relativité Générale prédisent également des ponts reliant des trous noirs à leur homologue dans un hyperespace : les trous blancs. Ces ponts s’appellent des trous de vers, et devraient permettre le voyage instantané d’un point à l’autre de l’espace, tout en voyageant dans le temps. Intéressant pour les vacances, non ?

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Le big bang et le big crunch

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Relativité Générale d’EinsteinPrédictions : le big bang et le big crunch

Le big bang, le début de notre histoire

La Relativité Généraleprédit assez bienl’histoire de l’Univers, àpartir de ses premièresmicrosecondes jusqu’àaujourd’hui.Deux Univers sont possibles :• L’un est en expansion pourl’éternité depuis sa naissance :le « big bang ».• L’autre est en expansionactuellement, mais s’écroulerasur lui-même dans le futur, enun « big crunch ».C’est la mesure de la densitéde l’Univers qui permettra detrancher…

La Relativité Générale a permis également de prédire que l’univers est en expansion permanente, résultant d’un big bang initial. Comment ce big bang a-t-il été prédit ? On considère la totalité de l’univers comme un objet physique, sur lequel on applique les équations d’Einstein. Les calculs (complexes encore une fois) de résolution de ces équations conduisent à trois types de modèles. Tout d’abord, une première solution est un modèle d’univers statique et plat. On sait que ce n’est pas le cas, puisqu’il n’est pas statique et qu’il n’est pas plat mais curviligne. Une deuxième solution est un modèle d’univers en expansion éternelle (c’est un modèle d’univers dit « ouvert »). De cette solution, on déduit qu’il y a eu forcément un commencement à cette expansion : il s’agit du Big Bang. Une troisième solution est un modèle d’univers replié sur lui-même, qui n’a pas une étendue infinie. (c’est un modèle d’univers ni « clos ».) Cet univers est également en expansion, il est donc parti également d’un Big Bang. Mais, contrairement au modèle de la deuxième solution, ce modèle d’univers finira par atteindre un maximum dans son expansion, et commencera alors à s’effondrer sur lui-même, jusqu’à aboutir à un Big Crunch.

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Application de la Relativité Générale : le GPS

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Relativité Générale d’EinsteinApplication : le GPS

Sans Einstein, le GPS n’existerait pas…

Le GPS calcule la position d’une voiture en mesurant les temps nécessaires aux rayons électromagnétiques pour parcourir la distance satellites/voiture.

Pour localiser la voiture au mètre près, il faut :

• tenir compte de la dilatation du temps de la relativité restreinte sur les satellites ���� erreur = 0,1 ns/s, entraînerait 10 mètres d’erreur au bout de 5 minutes !

• tenir compte de la courbure de l’espace-temps au voisinage de la Terre par la relativité générale, qui ralentit les horloges au sol ���� erreur = 0,5 ns/s, entraînerait 5 mètres d’erreur au bout de 5 minutes !

Le GPS (Global Positioning System) que nous connaissons tous, permettant aux automobilistes d’être guidés par des satellites, n’existe que grâce à la Relativité Générale d’Einstein. En effet, la localisation d’une automobile par le système GPS, se fait grâce à la mesure du temps de propagation d’un signal électromagnétique depuis un satellite jusqu’au récepteur GPS placé dans l’automobile. En calculant ce temps de propagation entre trois satellites et l’automobile, le récepteur GPS peut déduire la position de l’automobile en effectuant un calcul de triangulation. Le principe en est assez simple : le calcul de la distance avec le premier satellite permet de dire que l’automobile se trouve sur une sphère ayant pour centre le satellite et pour rayon la distance calculée (la sphère est l’ensemble des points situés à une distance constante du centre constitué par le satellite.) Le calcul de la distance avec le deuxième satellite place l’automobile sur une deuxième sphère. L’automobile se trouve donc à l’intersection de ces deux sphères, c’est-à-dire sur un cercle, car l’intersection de deux sphères est un cercle. Enfin, le calcul de la distance avec le troisième satellite place l’automobile sur une troisième sphère. L’intersection entre les trois sphères est un point et permet finalement de déterminer la position exacte de l’automobile. Le système GPS utilise en fait jusqu’à 18 satellites, car d’autres paramètres sont nécessaires tels que le temps exact pour déterminer et augmenter la précision de la mesure de la position de l’automobile. En pratique, quatre satellites sont nécessaires pour déterminer la position de l’automobile, et des satellites

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supplémentaires permettent d’améliorer la précision de la position exacte de l’automobile. Exacte ? En théorie oui. En pratique, tout dépend de la précision des calculs effectués pour déterminer la distance du satellite à l’automobile. En fait, ce que calcule le récepteur GPS, c’est le temps de parcours d’un signal électromagnétique transmis par le satellite vers le récepteur GPS. Pour obtenir une précision de localisation de l’automobile à 1 mètre près, il faut une précision sur le temps de parcours du signal électromagnétique de 3,3 nanosecondes (3,3 milliardièmes de seconde.) Cette précision requise est très importante : à ce niveau de précision, les effets de la Relativité Restreinte et de la Relativité Générale ne sont plus du tout négligeables. Il est nécessaire de tenir compte des effets de ces deux théories. En particulier, les satellites sont en mouvement en orbite au dessus de la Terre. Leur vitesse relative par rapport à la surface de la Terre est voisine de 14 000 km/h. A cette grande vitesse, la dilatation du temps due à la Relativité Restreinte produit un ralentissement des horloges dans les satellites de 0,1 ns/s. Cet effet, s’il était négligé, provoquerait une erreur de 10 mètres dans la localisation de l’automobile au bout de 5 minutes ! De plus, les satellites sont plus éloignés de la Terre (20 000 km d’altitude) que les récepteurs GPS des automobiles. En conséquence, l’effet du champ gravitationnel de la Terre est différent. Par conséquent les horloges au sol dans les récepteurs GPS sont soumises à une énergie gravitationnelle plus importante que dans les satellites. Et par conséquent, les horloges des récepteurs GPS dans les voitures sont ralenties par rapport à celles des satellites. C’est un effet de la Relativité Générale, compte tenu de la déformation de l’espace-temps due au champ gravitationnel de la Terre. Le ralentissement des horloges au sol est de 0,5 ns/s. Cet effet, s’il était négligé, provoquerait une erreur de 5 mètres au bout de 5 minutes ! La Relativité Restreinte et la Relativité Générale sont donc bien présentes dans notre quotidien, sans que nous en soyons vraiment conscients. Mais les calculateurs rapides des récepteurs GPS sont là pour effectuer les calculs compliqués qui permettent de fournir à l’automobiliste une localisation fiable. Vous regarderez maintenant votre GPS d’un œil nouveau…

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MAIS QUE RESTE-T-IL A DECOUVRIR ?

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Mais que reste-t-il à découvrir ?L’unification de la physique, la théorie des cordes

Les physiciens ont-ils donc tout compris au fonctionnement de l’univers ?

Non, ils ne sont pas encore au chômage : il reste à unifier la physique de l’infiniment grand (Relativité Générale) et la physique de l’infiniment petit (Physique Quantique)

Jusqu’ici, les tentatives d’unification n’ont pas encore abouti : (la théorie des cordes)

?

Citons Einstein : « La plus belle chose que l’homme puisse éprouver, c’est le mystère des choses »

Après cette magnifique théorie de la Relativité Générale, on a l’impression que la messe est dite. La physique de l’univers n’aurait plus de mystère. Que font donc nos physiciens ? Rassurez-vous : ils ont encore du travail. Le principal enjeu aujourd’hui de la physique est de réunir dans une même théorie cohérente les deux principaux modèles de l’univers. L’univers à grande échelle est décrit par la Relativité Générale. L’univers à petite échelle est décrit par ce qu’on appelle le modèle standard et la physique quantique. Ces deux théories vivent aujourd’hui côte à côte. Mais elles ne sont pas unifiées. La Relativité Générale est impuissante à expliquer les phénomènes de l’infiniment petit (la structure des atomes, le comportement des atomes, les réactions nucléaires.) De même, la physique quantique et le modèle standard ne savent pas expliquer l’univers à grande échelle. En particulier les problèmes de compatibilité des deux théories physiques tournent autour de la gravitation. Qu’est-ce que la gravitation : est-ce un rayonnement ? est-ce une particule (le graviton) ? Comment la gravitation interagit-elle avec les autres forces de l’univers infiniment petit (interaction forte et faible au sein d’un noyau d’atome) ? Tout cela est mystérieux. Les physiciens ont imaginé la Théorie des Cordes pour tenter d’unifier ces deux théories fondamentales. C’est toujours un dossier ouvert, et les résultats ne sont pas encore probants. Certains physiciens pensent que la Théorie des Cordes a fait fausse route, et qu’il faudrait chercher dans de nouvelles directions. Mais cela est une autre histoire, que je raconterai peut-être un autre jour…

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Notre catalogue de Conférenceries

12/04/08 : Les langues sémitiques (Pascal)

05/07/08 : L’image du loup en Europe (Thomas)

09/11/08 : Les lichens : des végétaux unis pour la vie (Sylvie)

25/12/08 : Sur les traces d’Aristote (Christian)

28/02/09 : La relativité générale (Pascal)

Pour en savoir plus :www.lespascals.org, chapitre « Conférenceries »