la problématique de l'usage des marques en france et...
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La Problématique de l'Usage des Marques en
France et au Niveau Communautaire
Laurence Julien-Raes, Avocat à la cour, Associé, Responsable Marques France et Gestion de portefeuilles EMEA
Karine Disdier-Mikus, Avocat à la Cour
La problématique de l'Usage des Marques en
France et au Niveau Communautaire
I- Les textes français et communautaires
II- L'action en déchéance
Les actions en déchéance devant les tribunaux français
Les actions contre les marques communautaires
III- Comment éviter la déchéance de la marque?
IV- Les différentes problématiques d'exploitation
L'exploitation par un tiers
L'exploitation partielle
L'utilisation de la marque sous une forme modifiée
La problématique des marques multiples
L'usage en cas d'exportation
Les préparatifs
V- Les justes motifs de non exploitation
VI- La preuve de l'usage
22/09/2011L'usage des marques
Les textes français et communautaires
I- Les textes français et communautaires (1/4)
L'Article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle(CPI):
"Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usagesérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage :
a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditionsdu règlement ;
b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;
c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation.
La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partiedes produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux servicesconcernés.
L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa duprésent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et aprèsque le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.
La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut êtreapportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle aun effet absolu."
22/09/2011L'usage des marques
I- Les textes français et communautaires (2/4)
L'Article 15 du Règlement (CE) N° 207/2009 du Conseil du 26février 2009 sur la marque communautaire:
"1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque communautaire n'a pas fait l'objet par le
titulaire d'un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou
si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux
sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.
Sont également considérés comme usage au sens du premier alinéa:
a) l'usage de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère
distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée;
b) l'apposition de la marque communautaire sur les produits ou sur leur conditionnement dans la Communauté dans le
seul but de l'exportation.
2. L'usage de la marque communautaire avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire."
22/09/2011L'usage des marques
I- Les textes français et communautaires (3/4)
L'Article 51 du Règlement (CE) N° 207/2009 du Conseil du 26février 2009 sur la marque communautaire:
"1. Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office
ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:
a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans la
Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs
pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si, entre l'expiration de
cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un
commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un
délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à
courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération
lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a
appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée; (…)"
22/09/2011L'usage des marques
I- Les textes français et communautaires (4/4)
L'Article 55 du Règlement (CE) N° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire:
"1. La marque communautaire est réputée n'avoir pas eu, à compter de la date de la demande en déchéance ou de
la demande reconventionnelle, les effets prévus au présent règlement, selon que le titulaire est déclaré déchu de
ses droits en tout ou en partie. Une date antérieure, à laquelle est survenue l'une des causes de la déchéance, peut
être fixée dans la décision, sur demande d'une partie.(…)"
22/09/2011L'usage des marques
Les conséquences du non-usage
II- L'action en déchéance(1/3)
Le défaut d'usage de la marque a pour conséquence finale la perte (totale ou partielle) des droits sur la marque
22/09/2011L'usage des marques
II- L'action en déchéance (2/3)
A l'encontre de marques françaises:
Action en déchéance devant les tribunaux:
Action au principal
Action reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon
La nécessité d'un intérêt à agir
Une nécessité créée par la jurisprudence : pouvoir souverain des juges du fond
La nécessité d'un intérêt "légitime" à agir (exemple: moyen de défense à uneaction en contrefaçon)
La nécessité d'une concurrence entre les parties, ou concurrence future
Une similitude d'activités entre les parties peut être suffisante (exemple: CAParis 2 juin 2006, une société ne produisant pas des fromages mais d'autresproduits laitiers, est recevable à agir en déchéance à l'encontre d'une marquedésignant des fromages, dans la mesure où ladite marque compte tenu de lasimilitude entre les produits concernés, risquerait de lui être opposée si ellediversifiait ses activités pour y inclure les fromages)
22/09/2011L'usage des marques
II- L'action en déchéance (3/3)
A l'encontre de marques communautaires:
Demande en déchéance: une action essentiellementadministrative devant l'OHMI
Pas nécessaire de justifier d'un intérêt à agir.
Action reconventionnelle dans le cadre d'une action encontrefaçon devant les Tribunaux des marquescommunautaires
22/09/2011L'usage des marques
Comment éviter la déchéance de la marque?
III- Comment éviter la déchéance de la marque
(1/3)
1) Exploiter la marque telle qu'enregistrée
2) Faire un usage sérieux de la marque, c'est à dire l'utiliser conformément à safonction essentielle qui est de garantir au consommateur l'identité d'origine desproduits ou services pour lesquels elle a été enregistrée en lui permettant de lesdistinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance
Exemple: une exploitation à titre d'enseigne, de nom commercial ou dedénomination sociale ne constitue pas un usage de marque
3) Faire un usage public, non symbolique, sérieux et effectif
Les tribunaux vont ainsi tenir compte de l'ensemble des faits et circonstances propres à établir la réalité del'exploitation commerciale de la marque, en particulier les usages dans le secteur économiqueconcerné, la nature des produits ou services, les caractéristiques du marché, l'étendue et lafréquence (et durée) de l'usage.
Les instances communautaires vont plus particulièrement tenir compte du lieu, de la durée, del'importance et la nature de l'usage effectuée.
4) Exploiter la marque pour tous les produits et services désignés dansl'enregistrement
5) Exploiter la marque en France pour les marques françaises, et dans un pays del'UE pour les marques communautaires
6) Exploiter la marque dans les 5 ans de son enregistrement
22/09/2011L'usage des marques
III- Comment éviter la déchéance de la marque
(2/3)
La computation des délais
La déchéance est encourue quand la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dansun délai de 5 ans.
Point de départ du délai pour une marque déjà exploitée
Le délai commence à courir à la date du dernier acte d'exploitation sérieux de lamarque.
Point de départ du délai pour une marque jamais exploitée
Pour les marques françaises: le délai commence à courir à partir de la date de la publicationde l'enregistrement au Bulletin officiel de la propriété industrielle
Pour les marques communautaires: le délai commence à courir à partir de la date del'enregistrement de la marque communautaire.
22/09/2011L'usage des marques
III- Comment éviter la déchéance de la marque
(3/3)
Reprise d'usage possible à tout moment
Sauf
Si la reprise intervient dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu
connaissance de l'éventualité de cette demande.
22/09/2011L'usage des marques
Les différentes problématiques d'exploitation
L'exploitation par un tiers
L'exploitation partielle
L'utilisation de la marque sous une forme modifiée
La problématique des marques multiples
L'usage en cas d'exportation
Les préparatifs
22/09/2011L'usage des marques
IV- Les différentes problématiques d'exploitation
(1/7)
IV- Les différentes problématiques d'exploitation
(2/7)
L'exploitation de la marque par un tiers
L'Article L. 714-5 du CPI assimile à un usage sérieux l'usage fait avec leconsentement du propriétaire de la marque:
Nécessité d'un accord du déposant (même implicite)
Autres exemples notamment:
Les licences
La location-gérance de fonds de commerce
L'exploitation par une société appartenant au même groupe que la société titulaire
Le contrat de distribution à l'intérieur d'un même groupe de sociétés
22/09/2011L'usage des marques
IV- Les différentes problématiques d'exploitation
(3/7)
Les cas d'exploitation partielle
En France
La solution ancienne (avant 1991): L'usage de la marque pour certains produits ouservices exonérait le titulaire de la marque de prouver une exploitation pour les autresproduits ou services revendiqués s'ils étaient considérés comme similaires
La solution actuelle (depuis 1991): L'exploitation de la marque pour des produits ouservices similaires à ceux revendiqués dans l'enregistrement n'est plus assimilé à un usagesérieux
Au niveau Communautaire
Réintroduction d'une déchéance partielle de la marque: La Cour de Justice européennea écarté la déchéance d'une marque alors que le produit marqué n'était plus commercialisé,parce qu'il y avait encore fourniture de pièces détachées, accessoires ou services aprèsvente directement rattachés à ce produit anciennement commercialisé (CJCE Ansul BV11mars 2003)
22/09/2011L'usage des marques
IV- Les différentes problématiques d'exploitation
(4/7)
L'utilisation de la marque sous une forme modifiée
En application de l'Article 5C2 de la Convention d'Union de Paris pour la Protectionde la Propriété Industrielle, les textes législatifs français et communautairesprévoient que l'usage d'une marque sous une forme modifiée qui n'en altère pas lecaractère distinctif est assimilé à un usage sérieux de la marque
22/09/2011L'usage des marques
Exemples de qualification ou de refus de
qualification d'usage sérieux sous forme modifiée
Marquedéposée
Usage prouvé
Décision Commentaires Référence
SEVEN
la distinctivité résulte de la répétition du chiffre "7"
CA Paris 1er juin 2005
GENIUS W Prontole caractère distinctif n'est pas
altéréCA Paris 21 septembre
2001
le point n'altère pas le caractère distinctif
OHMI 28 février 2006
DARIA FRES la modification de police n'altère pas le caractère
distinctif
OHMI 27 mars 2007
CINEFILLa suppression du tiret n'altère pas le caractère
distinctif
CA Paris 7 février 2001
les modifications substantielles altèrent le
caractère distinctif
CA Paris 24 novembre 2010
THE BRIDGE
la marque déposée et l'usage prouvé ne diffèrent que par une variation négligeable
TPICE 23 février 2006
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IV- Les différents types de problèmes
d'exploitation (5/7)
La problématique des marques multiples: Harmonisation de la jurisprudence française et communautaire
En cas de dépôt de plusieurs marques par une société, la preuve del'exploitation d'une des marques ne permet pas de faire échec à ladéchéance des autres marques, non exploitées dans la forme tellequ'enregistrées, et ce quand bien même, il s'agirait de différencesde détail n'en altérant pas le caractère distinctif.
Les tribunaux et l'OHMI considèrent, en effet, qu'en déposant plusieursmarques, le titulaire a lui-même considéré que le caractère distinctif desmarques déposées était différent.
Exemples: La société A & F est titulaire de plusieurs marques françaises et communautaires, incluant
les marques "Abercrombie" et "Abercrombie & Fitch". La cour considère que l'exploitationd'une des marques de la société ne prouve pas l'exploitation de ses autres marques (Cass.Com. 16 février et 9 nov. 2010)
22/09/2011L'usage des marques
IV- Les différentes problématiques d'exploitation
(6/7)
L'usage en cas d'exportation, importation ou transit
L'article L. 714-5, alinéa 2, c) et l'article 10, 2 b) de la directive n° 2008/95/CEassimile à un usage sérieux “l'apposition de la marque sur des produits ou leurconditionnement, exclusivement en vue de l'exportation” (CA Paris 10 mars2006).
Cependant: La jurisprudence a récemment estimé que "l'usage dans la vie desaffaires qui renvoie à l'univers économique suppose l'existence d'un lien avecun client et ne peut s'entendre de la circulation de marchandises entre filialesappartenant au même groupe dans un but de gestion et d'organisation interne".Ainsi, ni l'apposition de la marque sur des produis en usine, ni la détention desproduits dans un entrepôt, ni l'exportation n'implique une commercialisation ouune relation avec le client (Cass. Com. 10 juillet 2007 N°05-18.571).
22/09/2011L'usage des marques
IV- Les différentes problématiques d'exploitation
(7/7)
Les préparatifs d'exploitation
Exemples en France:
des démarches administratives visant la commercialisation de tabac constituent unpréparatif sérieux d'usage (CA Paris 28 mai 2003)
la seule fabrication d'étuis en vue d'une future commercialisation de parfum relève desimples actes préparatoires ne caractérisant pas un usage sérieux (CA Versailles 9 mars2000)
Exemples au niveau Communautaire:
"l'usage de la marque doit ainsi porter sur des produits et des services qui sont déjàcommercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l'entreprise en vue de laconquête d'une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, estimminente" (CJCE 11 mars 2003 et CJCE 27 janvier 2004)
la tenue d'une réunion, une étude de marché, une enquête consommateurs, une demandede licence, des copies de documents publicitaires et informatifs pour le lancement duproduit marqué, un site Internet, des copies d'enquête consommateurs ne constituent pasdes actes préparatoires démontrant un usage sérieux (OHMI 23 juillet 2007)
Une appréciation de plus en plus sévère
22/09/2011L'usage des marques
Les justes motifs de non exploitation
V- Les justes motifs de non exploitation (1/2)
Les justes motifs de non exploitation en France
Autorisations administratives:
Exemple: le titulaire d'une marque dans l'attente de la réponse de l'Agence dumédicament à sa demande d'autorisation de mise sur le marché (TGI Paris 1er
juin 1999)
Litiges potentiels ou en cours
Exemple: une société assignée en contrefaçon et qui cesse l'exploitation de samarque par précaution (TGI de Strasbourg 13 janvier 2004)
Difficultés financières
Exemple: le titulaire d'une marque qui fait un usage sérieux et ininterrompue desa marque jusqu'à la liquidation de son entreprise puis qui cesse cetteexploitation durant la liquidation (CA Paris 25 janvier 2006)
22/09/2011L'usage des marques
V- Les justes motifs de non exploitation (2/2)
Deux conditions cumulatives au niveau Communautaire (CJCE14 juin 2007)
L'appréciation des conditions doit être faite au cas par cas par les juridictions de renvoi.
Un motif indépendant de la volonté du titulaire
exemple: la prise en compte de juste motifs est refusée quand les procéduresjudiciaires invoquées par le titulaire ont été initiées par lui-même (OHMI 25juillet 2007)
Un lien direct avec la marque rendant l'usage impossible oudéraisonnable
exemple: "des justes motifs peuvent résulter d'une exploitation […]excessivement onéreuse" (TPICE 23 février 2006)
22/09/2011L'usage des marques
La preuve de l'usage
22/09/2011L'usage des marques
VI- La preuve de l'usage (1/2)
En France, la preuve peut être apportée par tout moyen maisles éléments de preuve doivent être appréciés de manièreglobale:
22/09/2011L'usage des marques
Exemples de preuves admises Exemples de preuves non admises
Exemplaires d'étiquettes, de bordereaux de livraison d'étiquettes, de factures d'imprimeur, de bons de commande
d'étiquettes en nombre
Emballages, barèmes de prix, catalogues de factures, photographies, annonces dans
des journaux, déclarations écrites faites sous serment ou solennellement
Site Internet (vente en ligne de produits) à condition que le site cible spécifiquement
les consommateurs français et que d'autres documents soient fournis pour
établir l'importance de l'usage
Dépliant représentant une photographie d'un produit de la marque
Des procédures judiciaires intentées pour faire protéger la marque
Déclarations provenant de fabricants deproduits marqués, déclaration d'un
dirigeant de la société titulaire, copies de factures, photographies
Des documents utilisés pour prouver l'usage d'une autre marque similaire de la
société
VI- La preuve de l'usage (2/2)
Au niveau Communautaire, les éléments de preuve doiventégalement être appréciés de manière globale:
22/09/2011L'usage des marques
Exemples de preuves admises Exemples de preuves non admises
Catalogues, factures contenant des chiffres de ventes, déclarations sous serment
Photos de produits et d'emballages de produits dans différents magasins et factures
fournissant suffisamment d'informations
Factures contenant les ventes de produits, des captures d'écran du site de la société
contenant des informations sur les produits, des échantillons
Des catalogues incluant des produits marqués mais ne démontrant pas une
distribution des produits ou le nombre de produits vendus
Des catalogues, cadeaux, articles de journaux, photos ne démontrant pas la
l'intensité de l'usage
Des factures, photos d'emballages, emballages et captures d'écrans de sites
internet