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> Réalisé à l'initiative et avec le soutien du FONDS HOUTMAN DIX QUESTIONS AUX MÉDECINS GÉNÉRALISTES SUR LE SUICIDE À L’ADOLESCENCE Prévenir le suicide à l’adolescence Là où le silence, la méconnaissance, l’angoisse et la paralysie tuent. S’informer, c’est déjà agir.

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> Réalisé à l'initiative et avec le soutien du FONDS HOUTMAN

D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Prévenir le suicide à l’adolescence

Là où le silence, la méconnaissance,

l’angoisse et la paralysie tuent.

S’informer, c’est déjà agir.

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1D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Avant -propos

En 1998, le Service de Santé Mentale de l’Université Libre de Bruxelles, dans safonction de coordination exercée conjointe-ment avec la Ligue Bruxelloise Francophonepour la Santé Mentale, a mené une étudeportant sur la problématique du suicide àl’adolescence, et sur sa prise en comptedans les dispositifs de prévention et detraitement en région bruxelloise.

Outre la mise en évidence de statistiquesparticulièrement édifiantes, cette étude apermis de constater des carences préoccu-pantes à tous les niveaux du repérage, dela prévention, du diagnostic et du traitementdes risques suicidaires chez l’adolescent.

Une première série d'initiatives a été priseà partir de ces constats :

- une large diffusion du rapport de l'étude,qui a fait l’objet d’un numéro spécial des Cahiers de la Santé de la CommissionCommunautaire Française ;

- la mise en œuvre d’une coordination au sein du réseau d’enseignement de la Ville de Bruxelles, incluant la diffusiond’une brochure ;

- le subventionnement par le Ministre de la Commission Communautaire Française

de la Région de Bruxelles Capitale d’une recherche-action préventive en milieu scolaire ;

- dans le même temps, la Province de Liègedéveloppait une série d’initiatives similaires.

L’autre grand champ d’actions préventivespotentielles que l'étude a révélé est celuide la médecine générale et pédiatrique. À ce niveau, nous voudrions améliorer la prise en compte de la problématique suicidaire, affiner l’approche diagnostiqueet thérapeutique, accroître le travail enréseau avec les spécialistes de la santémentale de l’adolescent, et enfin encou-rager les démarches de formation des médecins dans la prise en charge des adolescents.

C'est dans cette perspective que la présentebrochure aborde la problématique de la prévention du suicide à l'adolescence sousses aspects les plus pragmatiques, à traversdix questions axées sur la pratique clinique.

Nous remercions le Fonds Houtman qui aactivement soutenu la réalisation de ce projet.

J.-P. MatotD. Hirsch

>>Avant-propos

Là où le silence, la méconnaissance,l’angoisse et la paralysie tuent,

S’informer, c’est déjà agir.

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2D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Tab le des mat ièr es

>> 1 Un adolescent sur cent?

Un adolescent sur dix?

Un adolescent sur trois?

>> 2 Les médecins généralistes sont-ils en

position de jouer un rôle dans

la prévention du suicide à l’adolescence?

>> 3 Quels sont les signes pouvant faire

suspecter l’existence d’un risque suicidaire

chez un adolescent?

>> 4 Comment le médecin généraliste peut-il

trouver sa place et conserver sa fonction

thérapeutique entre l’adolescent et

ses parents?

>> 5 Face à une tentative de suicide,

comment apprécier l’urgence?

>> 6 Quels sont les enjeux de l’adolescence?

>> 7 Comment comprendre la tentative de

suicide chez l’adolescent pour être

en mesure de la traiter adéquatement?

>> 8 Quelles sont les attitudes à adopter

face à un risque de suicide, ou face

à une tentative de suicide?

>> 9 N’y a-t-il plus rien à faire après

le suicide “réussi” d’un adolescent?

>>10 Voulez-vous en savoir plus?

Bibliographie

p 3

p 6

p 8

p 11

p 16

p 18

p 20

p 24

p 29

p 31

p 35

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3D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Le suicide à l’adolescence constitue à l’heure actuelle un problè-me de santé publique majeur. Il repré-sente la deuxième cause de décès chez les sujets masculins de 15 à 24 ansaprès les accidents, et la troisièmecause chez les sujets féminins de cettemême tranche d’âge (immédiatementaprès les affections cancéreuses). Les suicides “réussis” concernent, àBruxelles, un adolescent sur 8.000 (et une proportion homme/femme de 4/1) [6].En outre, les gestes suicidaires tradui-sent l’existence de troubles psycho-pathologiques dont les conséquences à l’âge adulte en termes de morbidité psychiatrique sont lourdes [13, 20, 24, 32].

Les idées de suicide(qui, à la différence de “simples” idéesde mort, impliquent l’idée de mettreactivement fin à ses jours) touchent, àun moment ou un autre, plus d’un ado-lescent sur trois : ces adolescents sontqualifiés de “suicidaires” ; et un peumoins d’un adolescent sur dix passeeffectivement à l’acte [2, 8, 10, 12, 15, 28, 40, 42, 44] :ces adolescents sont qualifiés de “suicidants”. Parmi ceux qui passent à l’acte, un quart récidivera, le plussouvent dans l’année, avec un risquetrès accru d’issue fatale [2, 43, 46].

> Le suicide à l’adolescence en quelques chiffres

Idées de suicide Tentatives de suicide Décès par suicide

Fréquences 1 ado sur 3 1 ado sur 10 1 ado sur 8.000dont dont

1 sur 4 récidive 4 garçons pour 1 fille

Confidences 1 ado sur 3 en parle 1 ado sur 2 en parledont dont

2/3 à un ami, 3/4 à un ami1/5 à ses parents 1/10 à ses parents

>>1

Un adolescent sur cent? Un adolescent sur dix? Un adolescent sur trois?

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4D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

En cas de souffrancepsychologique, c’est dans 60% des casà un pair qu’un adolescent se confie, et ce d’autant plus qu’il présente descomportements suicidaires [5]. L’étudebruxelloise [10, 16] fait apparaître qu’unadolescent sur trois parle de ses idéesde suicide à quelqu’un : dans deux tiersdes cas, à un ami, et seulement dans20% des cas à ses parents. Cela signifieque parmi les adolescents qui ont penséau suicide, seul un sur quinze en a parléà ses parents. Près de la moitié de ceuxqui sont passés à l’acte disent en avoirparlé : les trois quart à un ami, un surdix seulement à ses parents. Dans la toute grande majorité des cas,les parents ignorent que leur enfant a réalisé un geste suicidaire. En outre,pour peu que le geste n’entraîne pas decomplications somatiques significatives,que la volonté de mourir ne soit pasexplicitement évoquée, on parlera plusfacilement d’un “jeune qui a pris desmédicaments” plutôt que de tentativede suicide. Or, un grand nombre de tentatives de suicide d’adolescentsse caractérisent par une faible létalité,surtout chez l’adolescent jeune *. De plus, le motif invoqué paraît souventmineur et les signes annonciateursn’ont pas attiré l’attention [20, 39]. Enfin,après son geste, l’adolescent ne recon-naît pas toujours son intention suicidaire.Ainsi, la valeur authentiquement suici-daire de nombre de gestes suicidairesn’est pas reconnue, alors que plusieursétudes ont montré que le risque de récidive suicidaire était sans relationavec la gravité somatique de la premièretentative [21].

Dans une ville commeBruxelles, un adolescent suicidant surdix seulement rencontrera un profes-sionnel de santé, et une proportion plus faible encore un psychiatre ou un psychologue [16] … La manière dontles dispositifs de prévention et de soinsrépondent au risque suicidaire à l’adoles-cence ne peut donc pas être considéréecomme satisfaisante. En particulier, onnote une importante méconnaissancedes données épidémiologiques maiségalement psychopathologiques actuellesrelatives aux tentatives de suicide del’adolescence. Trop souvent, la gravitéd’un geste suicidaire est évaluée enfonction de l’importance du risquesomatique encouru ; trop souvent, lapsychopathologie du suicide est esca-motée au profit de ses déterminantsmanifestes, événementiels ; trop souvent,sa signification est réduite à la notionrassurante d’“appel à l’aide”, quiméconnaît totalement les mécanismesinhérents au raptus suicidaire.

>>1…

Un ado lescent sur cent?Un ado lescent sur d i x? Un ado lescent sur tr o is?

* un pronostic vital n’est engagé que dans 8 à 16% des cas de T.S. d’adolescents hospitalisés [25]

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5D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Pour ce qui concerne plusspécifiquement les médecinsgénéralistes, plusieurs types de facteurs font obstacle à une prise encharge adéquate des jeunes suicidaireset suicidants :

- leur relatif isolement et une familiari-sation insuffisante avec leréseau de soins spécialisé,

- la difficulté de résister à la dynamiquede banalisation induite par lafamille et souvent par le jeunelui-même,

- les aléas qu’ils rencontrent dans leurrecherche de soutien ou derelais par une équipe psychia-trique disponible dans les situa-tions de crise.

Pourtant, l’analyse de la littérature spécialisée relative aux facteurs derisque de décès par suicide à l’adoles-cence permet de conclure que la miseen œuvre systématique, devant toute tentative de suicide, même d’apparencebénigne, d’un bilan psychiatrique, constitue la pierre angulaire de toute démarche de prévention secondaire.Encore faut-il cependant qu’un tel bilansoit effectué par un clinicien expérimentéen psychiatrie de l’adolescence, et intègre une investigation approfondiedes liens entre la psychopathologie del’adolescent et la dynamique familiale.

Cette collusion entre l’adolescent, quibien souvent nie l’intention suicidaire,les parents, qui préfèrent s’en tenir àcette version, et le médecin, conduitpar ses propres contre-attitudes à entériner les mouvements de déni, estprobablement un des facteurs majeursqui entrave la mise en œuvre précoced’une intervention thérapeutique énergique, et aboutit aux récidives suicidaires beaucoup plus fréquemmentmortelles [2, 21, 31, 43, 46].

>>1…

Un ado lescent sur cent?Un ado lescent sur d i x? Un ado lescent sur tr o is?

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6D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

La réponse est clairementpositive : en effet, selon l’enquête“Santé Mentale des Jeunes en Régionde Bruxelles-Capitale” [10], si les adoles-cents en général parlent relativementpeu de leurs difficultés psychologiquesau médecin généraliste, cette proportionest cependant d’autant plus significativequ’il existe un risque suicidaire : dansl’ensemble de l’échantillon d’adolescentsreprésentatif étudié (n= 2209), un adoles-cent sur treize (7,7%) a déjà consulté ungénéraliste parce qu’il se sentait déprimé,anxieux ou désespéré ; cette proportionest de 1 sur 21 dans le groupe des adolescents n’ayant pas connu d’idéationsuicidaire, de 1 sur 9 dans le groupe ayantdéveloppé des idées de suicide, et de 1 sur 5 dans le groupe de ceux qui ontréalisé un geste suicidaire. Les adoles-cents qui ont tenté de se suicider ontdonc davantage recours au dispositif de soins que ceux qui malgré leurs idéessuicidaires ne sont pas passés à l’acte ;

ceux-ci consultent cependant davantageque ceux qui ne signalent pas d’idéationsuicidaire.

D’autre part, la fréquence de consultationchez le médecin généraliste pour desplaintes physiques variées (notammentdes maux de tête, de la fatigue) est signi-ficativement plus importante au coursdes six mois précédant l’enquête chez lesjeunes présentant une idéation suicidaire,et est encore accrue chez ceux qui onteffectué un geste suicidaire. Leur consom-mation de médicaments pour diversproblèmes (maux d’estomac, troubles dusommeil, nervosité) est plus importante.Les demandes de certificat médical pour absentéisme scolaire doivent retenir l’attention du praticien.Tous ces motifs de consultation consti-tuent des occasions précieuses pour le médecin traitant d’ouvrir le dialogueavec l’adolescent pour lui donner l’occa-sion d’exprimer un malaise plus diffus.

> Fréquences de consultation chez le médecin généraliste pour des plaintes d’anxiété ou de dépression

Adolescents Adolescents Adolescents Moyennenon suicidaires suicidaires suicidants

1 sur 21 1 sur 9 1 sur 5 1 sur 13

>>2

Les médecins généralistessont-ils en position de jouer un rôle dans la prévention du suicide à l’adolescence?

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7D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Lorsqu’un adolescent ou une famille consulte, la situation est différente selon que le médecin connaît ou non la famille. Le fait d’être le médecin traitant offreune bonne opportunité pour pressentiret repérer les difficultés que peut rencontrer un adolescent et mettre enplace un suivi. Cette “familiarité” dumédecin peut cependant avoir aussi sonrevers, lorsqu’il est perçu comme étantl’allié d’un ou de plusieurs membres de lafamille. Dans d’autres cas, les difficultésde l’adolescent, et a fortiori un gestesuicidaire, seront source de honte et la famille s’abstiendra tout simplement de prendre contact avec son médecintraitant, préférant consulter ponctuelle-ment un médecin ou une institutionavec lesquels la relation pourra êtreensuite interrompue. Dans un tel contexte,le relais de l’information vers le médecintraitant, permettant la continuité dessoins, est particulièrement important àfaire accepter à l’adolescent et à safamille.

Enfin, il faut savoir que notre vigilancese heurte malgré tout au caractère sou-vent imprévisible du moment du passa-ge à l’acte suicidaire [29] : “dans l’étudede Choquet et Davidson (1984), 55% desadolescents suicidants affirment ne pasavoir prémédité leur geste, 71% n’ontprévenu personne de leur intention, et76% n’ont effectué aucun préparatif”.

>> 2…

Les médec ins généra l i s tessont - i l s en pos i t i on de j ouerun rô le dans la prévent ion du su ic ide à l ’ ado lescence?

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8D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

À l’adolescence, la prévention du suicide ne peut se limiter au dépistage destroubles dépressifs tels qu’ils se manifestent chez l’adulte. D’une part en effet, la dépression chezl’adolescent s’exprime moins fréquem-ment sous la forme clinique qu’on rencontre chez l’adulte (douleur morale,ralentissement psycho-moteur), maisdavantage au travers de conduites dangereuses, de troubles somatiques,d’un effondrement scolaire, de vécus de morosité et d’ennui, de fugues, de troubles du comportement ou de l’alimentation. La dépression de l’ado-lescent prend donc souvent une formemasquée [26], qui risque, si on ne la reconnaît pas à temps, de se dévoiler brutalement par le geste suicidaire. D’autre part, le suicide chez l’adolescentn’est pas aussi étroitement corrélé avecla dépression clinique que chez l’adulte :on ne retrouve en effet une dépressionclinique que dans 40% des TS de l’ado-lescence [7]. Pourtant, à un niveau plusprofond, il y a presque toujours une pro-blématique d’échec et de dévalorisation.Les liens entre TS à l’adolescence etangoisse doivent être soulignés. En particulier, l’expression somatique de l’angoisse, sous forme de symptômesphysiques, est fréquente : nombre d’ado-lescents suicidants se sont adressés à

leurs parents ou médecins pour de tellesplaintes physiques peu de temps avantleur TS. Par ailleurs, une angoisse paniquepeut amener un geste suicidaire [23].

Ainsi, face à la fréquente absence d’expression directe par l’ado-lescent, vis à vis des adultes, de l’idéationsuicidaire, c’est essentiellement à partirde signes indirects que les parents et/oules professionnels doivent suspecterl’existence d’une idéation suicidaire,voire d’un risque de passage à l’acte.Malgré leur fréquence et leur possiblebanalité à l’adolescence, certains signespeuvent constituer des témoins d’alarmepermettant de cibler une population àrisque, et de développer une approchepréventive :

- difficultés scolaires (échec, décrochage,absentéisme,…),

- troubles du comportement (isolement,agressivité, vols, fugues,…),

- plaintes somatiques récurrentes (troubles du sommeil, fatigue,céphalées, maux de ventre,…),

- défauts d’étayage familial (absence de communication, conflits chroniques, discorde parentale,défaillance parentale, troublespsychopathologiques chez lesparents, violences et abus).

>>3

Quels sont les signes pouvantfaire suspecter l’existence d’un risque suicidaire chez un adolescent?

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9D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Au niveau familial, on constate une sur-représentation desconflits et séparations parentales, del’instabilité socio-familiale, chez les ado-lescents suicidaires par rapport à lapopulation générale au même âge, ainsiqu’un relatif déficit de la fonction pater-nelle dans ces familles, ou encore unesur-représentation de la psychopatho-logie chez les parents de ces adolescents.Les liens entre l’adolescent suicidaireet son entourage sont souvent fusionnelset exclusifs, sur le mode du tout ou rien,ce qui rend l’adolescent très vulnérable àla moindre variation de distance venantdes proches. Ainsi, il suffit parfois d’unévénement apparemment banal auregard d’un tiers, pour qu’un sentimentintense d’abandon, d’échec, de rejet, de désespoir, de honte, et/ou de rage,mène au geste suicidaire.

Une attention accrue vis-à-vis des adolescents en échec ou en décrochage scolaire se justifie pleinement au vu des nombreuses études qui établissent un lien statistiquesignificatif entre échec, décrochage,absentéisme, fugue, indiscipline à l’école et comportements suicidaires [9,30],lien qui est retrouvé de manière trèsnette dans l’étude bruxelloise [34,35].

Ainsi, parmi les éléments d’appréciation d’un risque suicidaire, on retiendra particulièrement :

- la qualité et la souplesse des liensfamiliaux : des antécédents desuicide ou de maladies psychia-triques dans la famille proche,une absence de soutien familialeffectif, soit du fait de rupturesou de dissociations familiales, ouencore face à un déni des difficul-tés dans le chef des parents, sontdes facteurs de risque majeurs ;

- la notion d’antécédents d’abus sexuels,qu’il s’agisse d’inceste ou d’abusextra-familiaux ;

- la qualité et la souplesse des liens ami-caux : l’étayage sur les relationsavec des pairs, l’appartenance àun groupe, renforcent le narcis-sisme de l’adolescent et lui per-mettent de disposer d’un éventaillarge de modèles d’identificationet de contre-identification ;

- l’insertion scolaire et l’existence d’unecertaine valorisation à ce niveau– pour peu qu’elle ne constituepas un poids écrasant pour l’adolescent – est incontestable-ment un autre point d’appui précieux permettant de rétablirun équilibre compromis ;

- la manière dont l’adolescent ressentson corps : comme pour ledomaine scolaire, le vécu d’unfonctionnement corporel et d’une

>> 3…

Que ls sont l es s ignes pouvantfa i r e suspecter l ’ ex i s tenced ’un r i sque su ic ida i r e chez un ado lescent?

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10D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

image corporelle satisfaisantsconstitue un facteur d’équilibre,à condition qu’il ne s’agisse pasd’un hyperinvestissement rigideet angoissé, qui peut à l’inversetémoigner d’une fragilité inquié-tante ;

- la consommation de drogues, si elle estrégulière – et a fortiori solitaire –ou si elle concerne des droguesdures, est un signal d’alarmeimportant ; mais à côté des drogues reconnues comme telles, les alcoolisations répétéesreprésentent un danger qui peutêtre plus significatif encore ;

- dans le même registre, des aspectsd’impulsivité, une agressivitéexplosive et incontrôlée, sontdes éléments qui rendent plusprobable un geste suicidaire ;

- enfin, la recherche d’une symptoma-tologie psychiatrique constitue,comme on le verra au chapitre 6,un élément essentiel de l’évalua-tion du risque.

>> 3…

Que ls sont l es s ignes pouvantfa i r e suspecter l ’ ex i s tenced ’un r i sque su ic ida i r e chez un ado lescent?

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11D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Face à un adolescent endifficulté, la première consultation estessentielle, à la mesure des enjeux quisont présents d’emblée. Le médecin sedoit d’en tenir compte, et devra s’inter-roger avant tout sur le contexte danslequel il est consulté. Cette réflexioninitiale lui permettra souvent d’éviter lesécueils les plus dangereux pour la suitequi sera réservée aux traitements etdémarches qu’il proposera. Elle viseraen particulier à tenter de définir pour quil’intervention du médecin est demandée,pour qui elle paraît indiquée, et enfinpour qui elle peut effectivement êtremise en œuvre. Selon le cas, le “patient”du médecin sera l’adolescent lui-même,dans d’autres, la famille, dans d’autresencore, les parents.

Dans cette optique, uneévaluation correcte du degré de dépen-dance de l’adolescent vis à vis de sesparents, et du moment évolutif où il sesitue par rapport à eux est essentielle,dans la mesure où cette dépendance est toujours présente, comme le signaleWinnicott [47] : “ce qui caractérise la classed’âge que nous examinons, c’est l’alter-nance rapide entre une indépendanceinsolente et une dépendance régressiveet même la coexistence en un mêmemoment de ces deux attitudes extrêmes”.Il en découle la nécessité de concilier

avec doigté une écoute privée, respec-tueuse, protégée par le secret, de l’ado-lescent, et un dialogue ouvert avec lesparents qui ont tout autant besoin de sesentir compris. Le positionnement adé-quat du médecin généraliste par rapportà l’adolescent d’une part, aux parentsd’autre part, constitue une des grandesdifficultés et un enjeu déterminant dansl’accès aux problématiques des adoles-cents. De la justesse de l’interventionva en effet dépendre la possibilité dedécaler des situations de crispation oud’impasse en permettant à chacund’exprimer sa façon de percevoir etressentir la situation sans exclure undes protagonistes. Cette pratique, quin’est pas aisée à acquérir, peut bénéficierde discussions professionnelles avecdes confrères, voire de formationsspécifiques.

> Le contact avec l’adolescentÀ cet égard, un intérêt pour les adoles-cents et une curiosité pour leurs diffi-cultés constituent bien entendu unecondition préalable qui ne va cependantpas de soi. L’adolescent en effet n’a passon pareil pour confronter l’adulte à sespropres contradictions et limites. Il faitégalement ressentir à son interlocuteurles tendances antagonistes qui l’habi-tent et le paralysent : ne plus vouloir êtretraité comme un enfant mais bénéficier

>>4

Comment le médecin généralistepeut-il trouver sa place et conser-ver sa fonction thérapeutiqueentre l’adolescent et ses parents ?

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12D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

d’une sollicitude, d’une disponibilité etd’une attention égales voire accrues dela part des adultes, sans que cela nesoit remarqué ; être autonome maisdisposer de la sécurité de la dépendancequ’on refuse ; pouvoir défier et attaqueravec excès la société des adultes poursentir tout à la fois sa solidité, sa résis-tance mais aussi sa tolérance et sonestime, afin d’acquérir la capacité des’approprier ses valeurs essentielles enles transformant suffisamment que pourne pas se sentir nié et anéanti par elles.Il n’est donc pas rare que le médecinressente le même sentiment d’impasseet de paralysie que celui qui habitel’adolescent qui le consulte.Dans ce contexte, la rencontre avec cetadulte différent des parents mais investicomme eux de la fonction de “prendresoin” qu’est le médecin, en outre dépo-sitaire d’une connaissance de l’intimitédu corps et de ses secrets, est poten-tiellement mobilisatrice. L’instauration d’un climat de confianceconstitue dès lors un des premiersenjeux de la consultation. Il s’agit,comme l’écrit Jeammet [17], de “trouverla bonne distance relationnelle avec l’adolescent qui attend d’être deviné etcompris sans passer par l’humiliationde devoir exprimer une demande, maisredoute tout autant d’être dépossédé desa maîtrise, des secrets dont il s’entoure”.Dans cette perspective, il s’agit d’éviterles attitudes “copain” peu authentiquesqui sont ressenties comme des tentati-ves de séduction et sont de ce fait into-lérables pour l’adolescent ; celui-ciattend de rencontrer un adulte qui restedans son statut, mais qui soit intéressé

par ce que peut vivre et ressentir soninterlocuteur : l’essentiel pour l’adoles-cent est de faire l’expérience d’une ren-contre authentique, personnelle, avecun médecin qui souhaite l’écouter vrai-ment. La complaisance et le paternalismesont donc à proscrire.Il sera parfois nécessaire d’aider l’ado-lescent à exprimer verbalement ce qu’ilressent, à surmonter sa pudeur et àabandonner ses attitudes de prestance,sans pour autant tomber dans le piègede l’interrogatoire persécuteur, que cer-tains adolescents suscitent par leursréponses elliptiques ou monosyllabiques.Il peut être utile à cet effet d’exprimer à l’adolescent les sentiments qu’onpourrait avoir soi-même dans la situationoù il se trouve : cette manière de montrerune capacité d’identification peut permettre à l’adolescent de se dévoilersans trop se compromettre. Dans lemême ordre d’idées, le fait de pouvoirévoquer avec simplicité un sujet sensiblepeut avoir un effet déculpabilisant quisoulage l’adolescent. Cela peut se faireen évoquant l’expérience acquise avecd’autres adolescents, ce qui permet dene pas être trop direct tout en rassurantl’adolescent sur sa “normalité”.

Le respect du caractère privé d’unentretien en tête-à-tête avec un adoles-cent est bien entendu une condition de l’établissement d’une relation deconfiance ; il sera par contre utile dediscuter avec l’adolescent de ce que lemédecin pourra être amené à évoquer,le cas échéant, avec les parents, etsous quelle forme ; il convient ainsi dene pas accepter d’entrer dans un jeu de

>> 4…

Comment l e médec in généra l i s tepeut - i l t r ouver sa p lace et conser versa fonct ion thérapeut ique entr e l ’ ado lescent et ses parents?

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13D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

complicité malsaine qui aurait pour effetde disqualifier le médecin dans sa fonc-tion soignante et de paralyser toutepossibilité d’intervention thérapeutique.Mais, tout autant, il faut éviter de sedisqualifier aux yeux de l’adolescent, parexemple en faisant part aux parents, endehors de la présence de l’adolescent,du contenu d’un entretien précédentavec lui.

Le maintien d’une position de neutralitéà l’égard des parents est évidemmentimportante : si l’adolescent n’a pasbesoin d’entendre son médecin calquerses propos sur ceux d’un parent, il nepeut pas davantage supporter, alorsmême qu’il vitupère contre eux, que lemédecin croie qu’il les déteste autantqu’il le dit.

> Le contact avec les parentsIl est toujours utile d’avoir en mémoirel’heureuse formule de Winnicott [47] selonlaquelle “les parents se trouvent en trainde payer pour permettre à leurs enfantsde les provoquer”. En effet, dans satentative de créer un lien avec l’adoles-cent, le médecin risque aussi de ne pasprendre assez en compte la souffranceet les angoisses des parents. Or, consul-ter un médecin pour qu’il aide leurenfant est une démarche difficile pourtout parent, qui véhicule toujours unedimension d’échec par rapport à l’espoird’être les parents parfaits d’enfantsparfaits. Le contact avec les parents doitdonc viser notamment à leur restituerune confiance suffisante dans leur fonc-tion parentale ; à ce titre, les “conseilséducatifs” qu’on pourrait donner aux

parents, et que certains demandent,sont peu utiles. Il sera plus profitable deréfléchir avec eux aux motivations quisous-tendent des attitudes éducativesapparemment inadéquates, notammenten référence à leurs propres expériencesd’adolescents, et de recommander, avecAlsteens [1], “l’indispensable patiencedont nous cherchons à rendre capablesles parents d’adolescents”.

> L’approche de la familleLes éléments du fonctionnement de l’adolescent et de ses parents sont bien entendu à situer dans la perspectivedu fonctionnement du groupe familial,auquel participent les frères et sœursde l’adolescent, mais souvent égalementla famille élargie, et en particulier sesgrands parents. Il est utile de garder àl’esprit que chaque membre de la familleexprime à travers son fonctionnementdes aspects qui lui appartiennent enpropre, mais également des aspects qui sont communs au groupe familial ;chacun occupe une place et une fonc-tion dans un ensemble dont l’équilibredoit continuellement être remanié pourrester adapté aux changements qu’im-pose la réalité, dont en tout premier lieuceux qui sont liés au temps qui passe. Il est donc toujours très éclairant pourle médecin de chercher à appréhender,avec l’adolescent et les parents, lecontexte et les enjeux familiaux globauxau sein desquels la relation entre l’ado-lescent et les parents vient s’inscrire :on pourra alors voir apparaître des liensinsoupçonnés entre les difficultés del’adolescent et ce qui est en train de sejouer pour d’autres membres de la

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Comment l e médec in généra l i s tepeut - i l t r ouver sa p lace et conser versa fonct ion thérapeut ique entr e l ’ ado lescent et ses parents?

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famille : maladie ou décès d’un grandparent, départ d’un frère aîné, entrée àl’école primaire d’une petite sœur, etc…

> Le maniement de la consultationa) Situation où l’adolescent consulte (ou est amené

en consultation) avec des plaintes physiques sans

cause médicale évidente, mais sans qu’il évoque

non plus spontanément des difficultés personnelles

ou familiales.

L’absence de pathologie somatiquesignificative oriente le médecin versune expression somatique de difficultésd’ordre personnel ou relationnel. Le plussouvent, l’hypothèse d’un tel lien ne s’estpas encore présentée à l’adolescent, etil n’est pas évident qu’il soit d’embléeen mesure de l’entendre évoquer. Il estsouhaitable dans ce cas de prendre letemps de diriger la consultation aveclégèreté vers le mode de vie général del’adolescent, sur le ton de la conversationpour certains domaines : “comment vontles études ? quels sont tes projets ? qu’enpensent tes parents ?” ; et dans un registre plus médical pour d’autres :“consommes-tu de l’alcool, du tabac,des drogues ? te sens-tu souvent fati-gué sans raison ? as-tu des problèmesd’appétit, de poids ?”. À cette occasionpeuvent apparaître des signes d’appeld’une zone de conflit ou de difficulté.Parfois, l’hypothèse que les symptômesphysiques puissent avoir un lien avectel ou tel aspect conflictuel de la vie del’adolescent peut être soulevée à cestade ; d’autres fois, il sera préférablede s’abstenir, lorsque domine chez l’ado-lescent la crainte de perte de contrôle,les vécus d’intrusion ou la projectionsur l’adulte de fantasmes omnipotents.

Quoi qu’il en soit, il est important de nepas gommer la plainte initiale, qui cons-titue le lien le plus sûr avec le médecin.Celui-ci devra à la fois rassurer mais en même temps montrer qu’il prend la plainte au sérieux : la prescriptiond’un traitement symptomatique et/oud’un examen complémentaire auracette fonction et permettra en outre deproposer un rendez-vous une ou deuxsemaines plus tard pour s’assurer de la bonne évolution des choses et/oud’aller éventuellement plus loin dansl’investigation et la compréhension de ce qui se joue pour l’adolescent.>

b) Situation où l’adolescent consulte avec

des signes d’appel de difficultés psychologiques

et/ou relationnelles diverses, a priori sans

mention d’un risque suicidaire.

Dans ce cas de figure, l’adolescent arrivechez le médecin avec sa propre lecturede ce qui ne va pas pour lui ; le fait qu’ilparle de ses difficultés, même si c’estsur le mode de la banalisation, de l’ironieou de la colère, indique qu’il a atteint unstade où il se sent débordé, et où sesressources personnelles et amicalessont insuffisantes pour ne pas se sentirdans une impasse. Il y a donc toujoursune certaine urgence dans une tellesituation. Face à cette pression qu’ilressentira parfois de manière intense,le médecin a tout intérêt à réaménagerun espace d’intervention suffisammentconfortable, pour lui-même comme pourson patient : il n’est pas possible de toutrésoudre en une consultation, pas plusque de tout gérer seul… Ainsi, il estsouvent utile de sérier les ordres depriorité, et de concevoir un programme

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permettant de se donner du temps etdes moyens : proposer à l’adolescent un rendez-vous suffisamment rapprochépour approfondir certains aspects deses difficultés ; voir avec lui quelle aidepratique à court terme il est possible de lui apporter ; évoquer la possibilitéde prendre l’avis d’un psychologue…

Une question à discuter avec l’adolescentest de savoir s’il est préférable de lerevoir seul ou avec ses parents ; plusieurséléments entrent en ligne de compte. Tout d’abord, un entretien avec lesparents suppose d’avoir suffisammentbien appréhendé la problématique danslaquelle se situe l’adolescent ; si ce n’estpas le cas, il vaudra mieux le revoir seulpour tenter de se faire une meilleureidée des enjeux sous-jacents.

Ensuite, la réaction de l’adolescent face à une telle proposition est trèsimportante :

- s’il l’accepte passivement, il peut êtrepréférable de postposer, carcette passivité peut témoignerd’un risque de fermeture del’espace de communication àpeine entrouvert ;

- s’il y réfléchit et y adhère, elles seragénéralement opportune ;

- s’il la refuse, elle est probablementnécessaire, voire indispensable,mais risquée et demandant à lafois une préparation soigneuseet une habitude du maniement detels entretiens, ce qui amènerale médecin à revoir l’adolescentseul tout en restant attentif à

ne pas s’embarquer dans unerelation individuelle où il pourraitse sentir très vite piégé etdémuni.

Revoyant l’adolescent seul, le médecinaura à se situer, en fonction de sa sensi-bilité propre, dans une position d’écouteet d’intervention authentique, qui à lafois soutienne son patient mais puisseégalement lui faire sentir les limites del’aide qui peut lui être apportée dans cecadre, et donc amener progressivementl’idée d’une consultation spécialisée etce qui peut en être attendu de différentet de complémentaire par rapport à laconsultation médicale. Il est importantde ce point de vue que l’adolescentpuisse sentir cette proposition commene se substituant pas aux consultationsavec son médecin – ce qui est toujoursvécu comme un rejet ou un abandon –mais venant s’y associer.

Le même principe prévaudra égalementdans une situation de consultation fami-liale.

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S’il est vrai que la gravitémédicale de la TS n’est pas nécessaire-ment révélatrice de l’intensité du désirde mort et de la pathologie, on ne peutcependant nier que le degré de violencede l’attaque corporelle reflète souvent la profondeur des troubles identitaireset psychopathologiques.Beautrais (1996) a comparé un grouped’adolescents suicidants qui ont effec-tué des tentatives de suicide entraînantun risque vital à un groupe témoin dontles tentatives de suicide ne présentaientpas de risque somatique. Les critèresretenus étaient la nécessité d’unehospitalisation de plus de 24 heures ensoins intensifs, d’interventions chirurgi-cales autres que superficielles, de trai-tements médicaux autres qu’un lavagegastrique et une observation de routine,et enfin les tentatives de suicide parpendaison ou par armes à feu.

Cette étude a montré que quatre typesde facteurs, mutuellement indépendants,sont liés au risque somatique immédiatdéterminé par les tentatives de suicide :

1°) la mauvaise qualité de l’insertionsociale, en particulier l’absencede qualification scolaire, le faible niveau économique,l’instabilité résidentielle ;

2°) les problèmes familiaux, mésententeparentale, mauvaise qualité desrelations avec les parents ;

3°) les antécédents d’abus sexuels,qu’ils soient intra – ou extra-familiaux ; l’étude de Ottino [33],confirmant celle d’autres travaux [11] montre qu’une histoirede traumatismes sexuels (viols ou inceste) est deux fois plusfréquente chez les adolescentsayant effectué une tentative de suicide ;

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Face à une tentative de suicide, comment apprécier l’urgence?

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4°) la présence de troubles psychia-triques : 90% des adolescents du groupe à “risque somatique”,contre 30% du groupe témoin,reçoivent un diagnostic psychia-trique répondant aux critèresdiagnostiques internationaux(DSMIII-R), essentiellement destroubles affectifs, des addictionset des troubles “antisociaux”.Cette proportion, qui se retrouvedans la plupart des études [33, 37, 38,

41] *, permet d’affirmer que l’exis-tence d’une pathologie psychia-trique constitue un indicateur de risque majeur chez les ado-lescents suicidants ; elle met en évidence la nécessité de toutmettre en œuvre pour rendrepossible un diagnostic spécialisé.De plus, l’étude de Brent **montre bien que c’est parmi les adolescents souffrant d’unepathologie psychiatrique qui nebénéficient pas d’un traitementspécialisé que se recrutent préférentiellement ceux qui vont se tuer. De telles données devraient suffire à convaincre les méde-cins qui redoutent encore lesrisques d’une “psychiatrisation”des tentatives de suicide chez lesadolescents : ne pas tout mettreen œuvre pour qu’un jeune sui-cidant soit examiné rapidementpar un psychiatre formé à laclinique de l’adolescence, peutêtre considéré, en l’état actuelde nos connaissances, commeune faute médicale.

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Face à une tentat i ve de su ic ide , comment appréc ier l ’ urgence?

* Marttunen [27] a étudié, selon la méthode des “autopsiespsychologiques”, le profil des adolescents décédés parsuicide en Finlande sur unepériode d’un an (1987-1988).Sur les 53 décès répertoriés en un an, la moyenne d’âgeétait de 17,4 ans, et les moyensles plus fréquents la pendaisonet les armes à feu. 94% desadolescents ont été reconnus,par une méthode d’investigationa posteriori auprès de leursproches, comme répondant auxcritères diagnostiques d’aumoins une pathologie psychia-trique : états dépressifs majeurschez la moitié des garçons etdeux tiers des filles, abus oudépendance alcoolique chez unquart des garçons et la moitiédes filles, psychoses chez 11%des garçons et 22% des filles,troubles de la personnalitéchez un tiers de garçons etplus de la moitié des filles.

* Brent [3] a comparé les caracté-ristiques d’un groupe d’ado-lescents décédés par suicideet d’un groupe d’adolescentshospitalisés en psychiatrie en raison de tentatives ou derisques suicidaires. Les deuxgroupes ont des taux similairesd’antécédents suicidaires et dediagnostics psychiatriques, dontdeux tiers de troubles affectifs ;par contre, plusieurs variablespermettent de les distinguer :la présence de troubles affec-tifs bipolaires ou de plusieursdiagnostics psychiatriquescumulés, la moindre fréquencede traitements psychiatriquesau cours de la vie, la dispo-nibilité d’une arme à feu à la maison, caractérisent le groupe des adolescentsdécédés.

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Dans le processus dedéveloppement normal, ce dont ils’agit pour l’adolescent, ce n’est pas de“faire le deuil” de l’enfance, c’est-à-direvivre une rupture de ses investissementsaffectifs, mais bien de les transformerprogressivement. Cette transformationest imposée à l’adolescent par plusieurstypes de contraintes. Les unes clairementexternes ; ce sont les images socialesde l’âge adolescent véhiculées par l’école, la culture, etc. Les autres au statut plus incertain ; ce sont évidemmentles modifications corporelles liées à lapuberté et la surcharge d’excitation quiy est liée ; c’est aussi l’accession à denouvelles modalités de fonctionnementcognitif caractérisées par le passageaux opérations abstraites, (l’ “intelligenceopératoire formelle” de Piaget), à partirde 12-13 ans.

Sous tous ces aspects,le jeune adolescent est confronté à unprocessus de transformation, qui crée destensions dont les plus fortes concernentles parties de soi qui sont liées auxparents internes idéalisés – particulière-ment à la mère de la petite enfance – et où se concentrent les fantasmes detoute puissance.

Il s’agit pour l’adolescent detransformer ces fantasmes detoute puissance (et non pas,comme on le dit parfois, de lesabandonner) pour les adapterdavantage à la réalité vécue:

on ne peut plus éviter de se situercomme fille ou garçon, et doncde ce point de vue, de se sentirà jamais “incomplet” ; mais cette“castration” de la différence des sexes s’accompagne del’accession au monde de lasexualité des adultes, ce quichange sensiblement les repèresde la différence des générations,qui n’est plus soutenue par uneréalité corporelle : de l’universlimité des “petits”, celui de papaet maman, on passe à l’universpotentiellement illimité des“grands”, celui de tous les hom-mes et de toutes les femmes dumonde ;

>> 6Quels sont les enjeux de l’adolescence?

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on ne peut plus éviter non plus de prendreconscience de l’écoulement dutemps, et donc de la réalité de la mort, celle de ses parents etla sienne ; mais en même tempson accède à la génitalité, et doncà la promesse de prolonger sapropre existence dans desenfants à venir ;

enfin, on ne peut plus penser que laréalité est ce qu’on connaît, maison découvre que ce qu’on connaîtdéjà, ainsi que tout ce qu’onconnaîtra à l’avenir, n’est qu’unaspect d’une réalité qui nouséchappe dans sa totalité ; il fautaccepter l’idée que le monden’est pas construit pour et autourde soi, qu’on n’est qu’un pointinfime d’un univers qui nousignore ; mais en même temps, la pensée peut désormais sedéployer sans support concret etouvre un champ potentiellementinfini, celui de la découverte etde la connaissance.

>> 6…

Que ls sont l es en jeux de l ’ ado lescence?

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La période de l’adolescen-ce implique un remaniementprofond de l’image que l’adoles-cent a de lui-même et des autres,parmi lesquels figurent en toute premièreplace ses parents. Ceux-ci, de la mêmemanière, sont confrontés à la modifica-tion inévitable de leurs rapports avecleur enfant ainsi qu’à un changementdans leur fonction parentale qui ne vapas de soi. Cette mutation nécessairedes images de soi et des autres, et doncdes rapports entre parents et enfant,rend compte de la fréquence des situa-tions de crise personnelle et familialedépourvues de dimension psychopatho-logique et sans conséquence dommage-able sur le plan du développement del’adolescent.Il serait cependant dangereux de renon-cer à distinguer les manifestations nor-males d’une recherche tâtonnante d’unnouvel équilibre des perturbationspsychopathologiques qui traduisent desratés ou un blocage dans les processusd’autonomisation conflictuelle de l’ado-lescence. Des recherches épidémio-logiques et des études prospectives ontmontré en effet que “les troubles autresqu’une angoisse et des sentimentsdépressifs modérés et transitoires nedisparaissent pas avec l’âge” [22]. Toutetentative de suicide témoigne d’uneimpasse préoccupante dans le proces-

sus de développement, qui ne se résou-dra pas d’elle-même.

Pour autant, et tout particulièrement àl’adolescence, les tentatives de suicidene relèvent pas d’un mode de fonction-nement psychique ni d’une pathologiepsychiatrique spécifique. On ne retrouved’ailleurs pas, le plus souvent (75% descas), de pathologie psychiatrique avé-rée. Comme on l’a vu au chapitre 5, laprésence d’un tel diagnostic augmentestatistiquement le risque de récidive.

1°) La tentative de suicide peut révélerune dépression de l’adolescence.Ce diagnostic est plus difficle àposer que chez l’adulte, car,comme l’écrit Jeammet [18],“contrairement à l’adulte, l’ado-lescent ne se plaint pas directe-ment d’être déprimé. Ce seraitavouer ce qu’il vit comme unefaiblesse et reconnaître unedépendance contre laquelle il estjustement en lutte. Le seul faitd’en parler et de pouvoir s’admet-tre déprimé témoigne déjà d’uneconfiance envers l’adulte qui àelle seule peut soulager le vécudépressif”. Cette remarque estessentielle car elle va permettreau praticien de ne pas mécon-naître les états dépressifs chez

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Comment comprendre la tentativede suicide chez l’adolescent pour être en mesure de la traiter adéquatement?

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l’adolescent. Pour suspecter cediagnostic, il ne faut pas attendreque l’adolescent fasse spontané-ment état d’une tristesse profon-de, d’un sentiment d’impuissance,d’une incapacité à faire des projets ou d’idées suicidaires :engagé, à partir de la puberté,dans la voie difficile du dégage-ment de sa relation d’enfant avecses parents, beaucoup d’adoles-cents déprimés ressentent leurétat, et davantage encore sareconnaissance, comme unedangereuse régression. Dans ce contexte, exprimer des senti-ments dépressifs signifie pourl’adolescent reconnaître qu’iln’est pas auto-suffisant, et qu’ilressent le besoin de faire appelaux adultes dont il voudrait précisément se passer.

Les études prospectives attestent ducaractère de gravité des étatsdépressifs de l’adolescence, quine s’amendent pas spontanémentet occasionnent des troublesgraves à l’âge adulte. Outre l’importance du risque suicidaire,celui d’un enkystement de“défenses narcissiques”* lourdesde menaces pour l’avenir de l’adolescent doit balayer le soucide ne pas “psychiatriser”, quimasque trop souvent un refus de responsabilité.

D’autant que des interventionsparfois limitées, au niveau del’adolescent et/ou de sa famille,sont susceptibles de relancertrès rapidement le mouvementévolutif :

“... Reconnaître qu’un trouble existe,qu’il est grave, dans la mesureoù il hypothèque l’avenir, maisqu’il peut être soulagé par untraitement, est souvent moinsnocif que de faire comme si rienn’allait très mal, ou comme si la souffrance était liée seulementà des facteurs contingents, sur lequel le sujet n’avait pasd’impact ou qu’il ne pouvait com-battre que par des agissements.La première attitude permet aumoins de transmettre à l’adoles-cent l’espoir que quelque chose,dans sa vie psychique, peutchanger et que cela dépendégalement de lui” [4].

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Comment comprendre la tentat i ve de su ic ide chez l ’ ado lescent pour êtr een mesure de la t ra i teradéquatement?

* On entend par là des défensesvisant à dénier l’existence detout besoin affectif à l’égardd’autrui, vécu comme unedépendance intolérable etmenaçante pour un sentimentd’estime de soi trop fragile ;ces défenses se traduisent par des comportements, des attitudes, des vécus et des fantasmes omnipotentset mégalomaniaques.

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2°) Les décompensations psychotiquesde l’adolescence constituent, àcôté des états dépressifs, l’autregrande catégorie diagnostiquepsychiatrique à envisager chezl’adolescent suicidant. Dans cescas, le retrait, la claustration,l’inhibition, qui peuvent en impo-ser pour un état dépressif, se trou-vent colorés par des bizarreriesdu comportement, une rupturedu contact qui devient inaffectif.D’autres fois, l’angoisse est plusmassive, se traduisant par descomportements d’allure caracté-rielle, des états d’agitation, desfugues inexplicables.

3°) La majorité des tentatives de suicidechez l’adolescent surviennentcependant en dehors d’un syn-drome psychiatrique de dépres-sion clinique ou de psychose. La signification psychopatho-logique de ces gestes suicidai-res n’est pas univoque. Elle estliée aux avatars du processusde transformation psychologiquepropre à l’adolescence, décritau chapitre 6 :

- un sentiment de trop grande fragilitédes liens avec les parents rendpérilleux l’accès à la génitalité,qui implique un réaménagementprogressif des modalités de cesliens ; le corps pubère apparaîtalors comme l’ennemi qui menaceles liens, et les tentatives pourcontrôler ce corps sont undéterminant important des comportements addictifs à

l’adolescence, de l’anorexie à la prise de drogues, mais égale-ment des gestes suicidaires ;

- l’idée de la mort constitue à l’évidenceune limite radicale aux fantasmesomnipotents, parmi lesquelscelui de l’immortalité occupeune place prépondérante.Concrètement, cela signifie pourun certain nombre de jeunesadolescents que ce qu’ils n’ontpas reçu dans leur relation d’enfant avec leurs parents, ou cedont ils se sentent excessivementet exclusivement dépendants, ilne leur sera plus jamais possiblede le recevoir sous cette forme ;ce constat est étroitement lié à l’avènement de la capacitégénitale : la sexualité humaine estsans retour, ce n’est pas pourrien qu’Adam et Eve ont étéchassés du Paradis. Lorsquecette idée est trop intolérable,ces adolescents ont besoin depenser que dans le jeu de quitteou double il peuvent toujoursquitter ; l’idée de suicide, de cepoint de vue, est paradoxalementau service d’un fantasme d’im-mortalité.

Il faut rappeler ici que le fonctionnementmental des adolescents suicidaires(ceux qui ont des idées suicidaires) sedifférencie de celui de la minorité (20%)de ceux qui passent à l’acte [19]. Il est fréquent que l’adolescent fantasme samort, “joue” avec des idées de suicide,élabore parfois des scénarios autour du fantasme du suicide, comme moyens

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Comment comprendre la tentat i ve de su ic ide chez l ’ ado lescent pour êtr een mesure de la t ra i teradéquatement?

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de maîtriser mentalement l’angoisse demort, de maîtriser le vécu de passivationface au corps pubère, ou encore deretourner contre soi la dimension agressive inhérente au processus dedéveloppement. Mais il est important sur le plan cliniquede faire la différence entre l’adolescentqui “joue” avec l’idée de la mort et celuiqui se met dans des situations réellescomportant un risque de mort ; le premiertente de lier l’angoisse par une élabora-tion fantasmatique, le second met enacte ce qu’il n’est plus en mesure depenser. De la même manière, il faut éga-lement différencier l’adolescent qui semet en danger par ces “prises de risque”,de celui qui réalise un geste suicidaire.Dans ce dernier cas en effet, un degréde plus est franchi, dans la mesure oùce qui permet au sujet de poser l’actesuicidaire, c’est précisément le fantasmed’immortalité, qui prend le pas sur laconscience d’une existence indéfecti-blement liée au corps. C’est à ce titreque toute tentative de suicide témoigned’une rupture temporaire du sens de laréalité et de la continuité du sentimentd’exister.

Lorsque, après une tentative de suicide,l’adolescent se retrouve dans son corpset dans le monde réel, le choc de cetteréalité efface ce moment d’omnipotence.Beaucoup d’adolescents qui ont fait unetentative de suicide expriment le caractèreprofondément douloureux d’avoir à faireà nouveau l’expérience de se réveillerdans la médiocrité d’un corps, d’un lit,d’une chambre, du monde. Le souvenirde cette douleur constitue pour certains

une protection contre une répétition dugeste suicidaire. Dans le meilleur descas, lorsqu’elle s’accompagne d’unmouvement de réinvestissement de laréalité soutenu par l’entourage et par uneprise en charge psychothérapeutique,elle peut également être l’occasiond’une réappropriation par l’adolescentde quelque chose de sa propre vie et de son identité : c’est ainsi qu’on peutentendre certains adolescents parlerrétrospectivement de “leur TS” commed’un événement marquant de leur évolution personnelle.Dans d’autres situations, on peut aucontraire constater une ritualisation desidées ou des gestes suicidaires, qui dansla répétition tiennent lieu de prothèsepour l’identité défaillante de l’adolescent,et de modalité de retrouvaille privilégiéeavec l’omnipotence infantile.

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Comment comprendre la tentat i ve de su ic ide chez l ’ ado lescent pour êtr een mesure de la t ra i teradéquatement?

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A. Au cours d’une consultation, l’adolescent évoque

l’existence d’idées “noires”

L’attitude du médecin visera tout d’abordfaire sentir à l’adolescent que le messagea été entendu, qu’il est pris au sérieux et qu’il suppose que quelque chose soitmis en œuvre pour modifier la situation ;mais aussi transmettre à l’adolescent lefait que le médecin est capable de faireface aux idées de mort qui lui sont com-muniquées, sans dramatisation inutile,et qu’il peut aider l’adolescent à trouverles moyens de penser et de comprendrequelque chose à leur propos.

Dans cette perspective, il sera importantd’explorer avec l’adolescent la commu-nication intrafamiliale, et de chercher àmettre en évidence ce qui fait éventuel-lement obstacle, chez l’adolescent lui-même et dans la manière dont il ressentl’attitude de ses parents à son égard, àce qu’un dialogue puisse s’engager surles difficultés qu’il traverse.

À travers cette double exploration, dumonde interne de l’adolescent et despossibilités d’étayage familial, le méde-cin tentera de situer son jeune patientsur un continuum qui va des “simples”idées noires, moment de décourage-ment passager que l’ouverture crééepar la discussion et les ressources pro-

pres de l’adolescent ainsi que de sonentourage familial vont permettre desurmonter, jusqu’à un projet de suicidedéjà installé.

Dès lors qu’un certain niveau de désespoir, de sentiment d’absence d’issues, de violence intense et de ragesusceptible d’être retournée contre soi,est mis en évidence, le médecin doitpouvoir exprimer clairement et motiverson inquiétude à l’égard de la situationde danger dans laquelle se trouve l’ado-lescent, et faire part de sa déterminationà agir en conséquence. Ceci supposenotamment de faire part à l’adolescentde la nécessité,

- primo, de suivre de près, par desconsultations rapprochées, l’évolutionde son état psychologique et de sasituation,

- secundo, de voir avec lui de quellemanière son environnement familialpourra être mobilisé dans un avenirproche, et

- tertio, de compléter l’aide médicale pardes entretiens psychothérapeutiques,individuels ou familiaux, chez un thérapeute spécialisé avec lequel le médecin a l’habitude de collaborer.

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Quelles sont les attitudes à adopter face à un risque de suicide, ou face à une tentative de suicide?

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B. Lorsque le médecin est informé qu’un de ses jeunes

patients a réalisé un geste suicidaire

Il faut considérer comme tel tout acteauto-agressif, quelle que soit sa béni-gnité apparente sur le plan des moyensmis en œuvre et des conséquencessomatiques encourues, même si l’inten-tion délibérée de mourir n’est pas expli-citement reconnue. Il est souhaitableque le medecin reçoive personnellementl’adolescent seul, et qu’il reçoive égale-ment les parents, avec ou sans l’adoles-cent en fonction de ce que les uns et lesautres souhaitent d’une part, mais surtouten fonction de ce que lui-même pensepouvoir être le plus utile. À ce niveau,c’est la conviction profonde que peutavoir le médecin de la gravité de lasituation qui lui permettra de trouver les mots et de poser les actes qui luipermettront de mobiliser l’adolescent etsurtout sa famille, puis de les engagerfermement à entreprendre une démarchede traitement spécialisé.Rappelons ici que l’étude bruxelloise [16]

a mis en évidence le fait que si une tentative de suicide sur six passe par unservice d’urgence hospitalier, dans deuxtiers des cas, ce passage n’a pas permisque l’adolescent soit examiné par unpsychiatre ou un psychologue. Ainsi,l’envoi à un service d’urgence hospitaliern’est donc pas une panacée, dès lors quece service ne dispose pas d’une équipepsychiatrique intégrée ; mais de plus, lefait de savoir qu’un adolescent suicidanta été amené dans un service d’urgenceshospitalier ne devrait jamais amener lemédecin de famille à faire l’économied’une intervention personnelle, visant au

minimum à s’assurer de ce qu’un suivispécialisé a bien été mis en place et sepoursuit.L’attitude à adopter par le médecinrejoint le cas de figure précédent, celuid’un risque suicidaire identifié, avec tou-tefois un degré de directivité supplémen-taire qu’autorise le passage à l’acte et lamobilisation qu’il a déclenchés. Ainsi, unsoin tout particulier sera mis dans lesmodalités et les délais adéquats de relaisavec un spécialiste, ou, le cas échéant,en fonction de l’évaluation clinique, avecune structure hospitalière *.L’hospitalisation doit être conçue commeun temps d’une prise en charge permet-tant d’instaurer par la suite, dans de bonnes conditions, un traitement psycho-thérapeutique ambulatoire.Il sera important, pour le succès de l’entreprise, que le médecin puisse endéfinir les modalités concrètes avec l’adolescent et ses parents, de préféren-ce réunis à cette occasion, afin d’évitertout malentendu ou manipulation, enrespectant à la fois la confidentialité vis-à-vis de l’adolescent, et la responsabilitéparentale. Il cherchera donc à préciseravec eux qui fait quoi, dans quel ordre etavec quel délai ; à quel moment et dequelle manière les informations seronttransmises.

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Que l l es sont l es att i tudes à adopter face à un r i sque de su ic ide , ou face à une tentat i ve de su ic ide?

**Les données sur le devenirdes adolescents suicidantshospitalisés dans un service depsychiatrie montrent que 36%de ces suicidants ont une évo-lution nettement favorable, 14%une évolution lentement positive,25% d’état stationnaire et 25%d’évolution négative [24]. Il fautbien entendu tenir compte dansl’analyse de ces chiffres qu’ilsconcernent une populationd’adolescents suicidants plus“lourde” que la moyenne,puisque ayant nécessité unehospitalisation psychiatrique.

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Par la suite, il sera également nécessairede définir, avec les intervenants spécia-lisés (psychiatre ou psychothérapeute,médecin hospitalier), qui assurera lafonction de garant de la continuité dessoins *. Il est utile de signaler à cetégard les résultats d’une étude suisse [33]

qui montre que le maintien en traitementest corrélé avec l’intensité de la priseen charge initiale : des entretiens trèsrapprochés avec l’adolescent et safamille pendant les premières semainesapparaissent comme une condition pourqu’une véritable alliance thérapeutiquepuisse s’instaurer.

C. Situations où l’orientation vers un psychiatre ou un

psychologue d’adolescent se heurte au refus ou plus

souvent à l’opposition passive de la famille.

Il s’agit fréquemment des situations lesplus graves. Outre des consultationsrépétées à son cabinet avec l’adoles-cent et sa famille, le médecin disposede la possibilité de se déplacer à domi-cile pour rencontrer un adolescent endanger qui refuse de se faire aider. Il estcependant important dans de tels casque le médecin ne reste pas seul encharge de la situation. Il peut être utilequ’il prenne contact lui-même avec unspécialiste pour exposer la situation etrecevoir un avis quant à son maniement.Des échanges avec un ou des collèguesgénéralistes peuvent également permet-tre de prendre du recul par rapport à lasituation et de dégager de nouvellesvoies de mobilisation en ayant recoursau réseau spécialisé.

Un point particulièrement délicatconcerne l’identification des situationsgraves où peut être posée l’indicationd’une mise en observation hospitalière,contre le gré de l’intéressé, dans lecadre de la loi sur la protection desmalades mentaux. Il est évident qu’unetelle mesure doit être réservée à dessituations où le risque suicidaire est net,le plus souvent dans un contexte detroubles psychiatriques symptomatiqueschez l’adolescent, et où la famille estréticente ou est dans l’incapacité demettre en place ou de maintenir un suivispécialisé. Une concertation avec unpsychiatre d’adolescent sera souhaita-ble, afin d’identifier les situations où laprocédure normale, passant par unedemande adressée par la famille – ou à défaut par le médecin lui-même – auJuge de Paix, peut être suivie, ou cellesqui au contraire nécessitent le recours àla procédure d’urgence via le Procureurdu Roi. En cas de passage de la famillepar un service d’urgences psychiatriqueshospitalier, il est souhaitable que le

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Que l l es sont l es att i tudes à adopter face à un r i sque de su ic ide , ou face à une tentat i ve de su ic ide?

*En effet, le fait qu’une prise encharge spécialisée soit mise enplace ne constitue qu’une condi-tion nécessaire mais non suffisan-te. Le taux d’interruption préma-turée de traitements ambulatoiresest élevé, de l’ordre de 75% [45].Cependant, dans cette étude, la proportion de ruptures inter-vient pour une large part avantmême le début d’une prise encharge psychothérapeutique.En examinant le taux d’interrup-tion prématurée des patientsqui n’ont pas d’emblée refusé letraitement, Ottino [33] arrive à unchiffre de 37%. Il constate alorsque les ruptures de traitementne sont pas plus fréquentesdans cette population d’adoles-cents suicidants que chez lamoyenne des consultants (envi-ron un tiers des cas), ni plusprécoces.

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médecin puisse prendre contact – àdéfaut de pouvoir être présent – avec le psychiatre hospitalier et rester ainsiun recours pour la famille, souvent désorientée par le caractère relativementimprévisible et toujours angoissant del’évolution de ce genre de situation.

D. Prescription de psychotropes à l’adolescent

Elle doit faire l’objet d’une réflexionapprofondie. Elle suppose au préalablela définition d’un projet thérapeutiqueglobal et sa mise en œuvre effective ; un tel projet comporte notamment unemise au point diagnostique spécialisée(permettant notamment d’identifier ou deconfirmer un syndrome dépressif ou unedécompensation psychotique, pour les-quels un traitement antidépresseur ouantipsychotique peuvent s’avérer indi-qués) : la prescription isolée de psycho-tropes chez un adolescent constitue eneffet une erreur thérapeutique.En ce qui concerne l’indication des anti-dépresseurs, le diagnostic différentielentre un syndrome dépressif et d’autrestableaux cliniques exprimant une pro-blématique dépressive est importante.En effet, dans les syndromes dépressifsproches au niveau symptomatique deceux de l’adulte, qui se signalent en particulier par le ralentissement psycho-moteur, les difficultés de concentration etles troubles somatiques (perte d’appétit,insomnie), l’efficacité des antidépres-seurs est de l’ordre de 70% des cas, àcondition que le traitement soit prescrità doses efficaces et pendant une duréesuffisante. Signalons tout de même quele taux de réponse au placebo est nette-

ment plus important que chez l’adulte,de l’ordre de 60% [36], ce qui peut être lié à l’effet thérapeutique en soi de la reconnaissance familiale et médicale de l’état dépressif de l’adolescent, et de la mobilisation qui en découle.Actuellement, les nouvelles moléculesantidépressives qui ont largement rem-placé les tricycliques, permettent d’ob-tenir une efficacité équivalente avecpeu d’effets secondaires et surtout unemeilleure sécurité en cas de risque desurdosage suicidaire.En dehors des syndromes dépressifsfrancs par contre, l’efficacité des anti-dépresseurs devient très aléatoire etl’observance du traitement assez médio-cre. La prescription d’antidépresseursdans ces situations peut cependantavoir un effet anxiolytique ; l’indicationd’une prescription doit être discutéedans le cadre plus général des effetssymboliques, positifs ou négatifs, qu’ellepeut avoir pour l’adolescent et sa famille.

E. De l’importance de ne pas travailler seul

Les difficultés, brièvement soulevées dansles chapitres qui précèdent, de l’aborddes problématiques adolescentairesimposent pratiquement au médecin dedisposer de ressources tierces. Avoirl’occasion de réfléchir à sa pratiqueavec des collègues, mais égalementcollaborer avec un ou quelques pédo-psychiatres, psychologues et/ou équipesde santé mentale qu’il connaît person-nellement, en qui il a confiance et à quiil peut adresser les patients en vued’une intervention spécialisée, constituepour le médecin généraliste un dispositif

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Que l l es sont l es att i tudes à adopter face à un r i sque de su ic ide , ou face à une tentat i ve de su ic ide?

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quasiment indispensable. Ceci pose laquestion de la constitution d’un réseauutilisable par le médecin généraliste.Trois critères doivent ici prévaloir : la qualité, la disponibilité et surtout la diversité et la complémentarité des différentes ressources de ce réseau.

De ce dernier point de vue, on distinguera :

- le recours à des psychiatres oupsychologues d’adolescents,ayant l’habitude de travailler avecles parents (critère de qualité),pour adresser la majorité dessituations ; de préférence lemédecin disposera de ressourcesde ce type en pratique privéemais également en pratiquepublique (service de santé men-tale, consultations hospitalières,centres de planning familial),pour les patients qui ont des dif-ficultés financières ; la disponibi-lité de ce type de ressources doitse situer, pour ce qui concerneun adolescent en risque suicidai-re, endéans la semaine ; toute-fois, dans certaines situations àhaut risque, un contact entre lemédecin et le psychiatre ou lepsychologue doit permettre quele délai soit réduit, de manièreexceptionnelle, à 24 ou 48 heures ;

- la ressource d’une équipe pluridiscipli-naire de psychiatrie de l’adoles-cence pour les cas “lourds”,notamment ceux où des troublespsychiatriques chez les parents,

des situations de marginalisationou d’exclusion sociale, maiségalement le caractère de vio-lence ou d’impulsivité rendentun traitement en cabinet privépeu praticable (services desanté mentale, certaines consul-tations hospitalières) ; la disponi-bilité dans ces cas ne se jouepas tant au niveau du délai –bien souvent un rendez-vousendéans deux voire trois semai-nes est suffisant ; elle se joue plu-tôt en termes de capacité d’unetelle équipe de “s’accrocher” auxpatients, dans la durée, pour res-ter un pôle de référence stabledans un itinéraire thérapeutiquesouvent chaotique et discontinu(critère de qualité) ;

- la ressource d’un service d’urgencespsychiatriques, ou à défaut d’unservice d’urgences générales,servant de recours et de solutiond’attente dans les cas, assezrares, où il n’est pas possibled’attendre une consultation, oudans les situations de “crise”particulièrement bruyantes. Ici, le critère de qualité résideradans la capacité d’accueillir touttype de demande, de “gagner dutemps” pour canaliser le déborde-ment et permettre une orientationthérapeutique en dehors de lacrise la plus aiguë.

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La situation où le médecinest informé de la survenue du suicide d’un adolescent,heureusement peu fréquentedans la pratique d’un médecingénéraliste, est particulièrement difficile mais également importante àtraiter. Le médecin doit bien entendufaire preuve d’une grande disponibilitépour entendre le désespoir, la culpabilité,la révolte des parents, mais il faudra biensouvent aller au devant d’une demandequi ne se manifeste pas. En effet, il y a souvent dans ces situations dramatiques un enfermement de lafamille dans sa souffrance, un recroque-villement accentué par les sentimentsde culpabilité toujours teintés d’unecolère, difficile à reconnaître, à l’égarddu suicidé. Il sera donc souvent néces-saire que le médecin de famille proposelui même aux parents, individuellementou à deux, de les accompagner danscette traversée de l’abîme par desconsultations qu’il n’hésitera pas à provoquer et à relancer.Cette démarche thérapeutique n’est pasfacile pour le médecin en tout premierlieu parce que la plongée dans une tellesouffrance est une réelle épreuve pourlui, le confrontant à sa propre culpabilité,à son impuissance, et à la réalité brutalede la fragilité de l’humain. Il est pluscommode de “respecter” le silence des

parents, mais ce silence est rarementun choix, il témoigne d’une sidérationqui peut paralyser les forces de vie, ets’avérer destructrice pour les membresde la famille endeuillée.

Ceci conduit à mettrel’accent sur les grands oubliésde ces situations de deuil traumatique par suicide :les frères et sœurs de l’adolescentdécédé, et en particulier les plus jeunes.Trop souvent, il est laissé aux parentsseuls la lourde tâche de “gérer” la réac-tion de la fratrie au suicide ; or, le plussouvent, c’est là aussi un silence pesantqui vient étouffer les besoins de penserensemble le traumatisme subi. Un silence qui témoigne pour les enfantsde l’épouvantable souffrance de leursparents, et qu’ils se gardent de ce faitde troubler : ils se trouvent de ce fait privés de soutien parental et souventcomplètement seuls pour affronter la douleur de la perte et sa violence,pour chercher le sens de ce qui s’abatsur la famille, et ce d’autant plus qu’ilssont plus jeunes. Il entre donc dans la tâche du médecin de sensibiliser les parents à cette dimension, et d’envi-sager la manière dont ils pourront mobiliser les ressources leur permettantd’entendre, de laisser une place, de supporter, d’accompagner, la souffrance

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N’y a-t-il plus rien à faire après le suicide “réussi” d’un adolescent?

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de leurs enfants en surplus de la leur. Le médecin pourra également dans certains cas offrir une écoute attentiveà l’un ou l’autre des frères et sœurs,seuls ou ensemble selon la demande,leur permettant d’exprimer des sentimentsde culpabilité ou de colère. Là encore,le médecin aura à évaluer avec cesadolescents confrontés à leur souffranceface au suicide d’un frère ou d’une sœur,l’opportunité de conseiller un entretienavec un psychologue ou un psychiatred’adolescent.

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N’y a - t - i l p lus r i en à fa i r e après l e su ic ide “réuss i ” d ’un ado lescent?

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>> 10Voulez-vous en savoir plus?

Livres et articles à propos de l’adolescence

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Livres et articles à propos des aspects psychologiques de la dépression et du suicide à l’adolescence

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>>10…

Vou lez - vous en savo i r p lus?

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Colophon:

Cette brochure a été élaborée par

Jean-Paul Matot, pédopsychiatre, directeur del’Association pour le développement des traite-ments, de la prévention, de la formation et de larecherche en santé mentale à l’ULB (SSM-ULB)

Denis Hirsch, psychiatre, Centre de Guidance dela Ville de Bruxelles

Ont également participé à l’élaboration de cette brochure:

Dr Claire Boveroux, Dr Bernard-Marie Dallemagne,Dr Marie-Hélène Dubois, Dr Stéphanie Duhoux, Dr Javier Fernandez, Dr Marie-Pierre Van Eetvelde

Conception et réalisation :David Joblin

Graphisme et mise en page :Marie-Noëlle Jacmin

Éditeur responsable : M. Vainsel, 60 C, Avenue de la Toison d’Or 1060 Bruxelles

[26] Matot J.-P. (1990a) : Syndrome dépressif, probléma-tique dépressive et abord de la position dépressiveà l’adolescence. Neuropsychiatr. Enf. Adol., 38: 479-484

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Bib l i ograph ie

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37D I X Q U E S T I O N S A U X M É D E C I N S G É N É R A L I S T E S S U R L E S U I C I D E À L ’ A D O L E S C E N C E

Mieux comprendre la problématique, la prendre en compte auquotidien, accroître le travail en réseau, encourager les démarches deformation… autant d’initiatives qui contribuent à développer des solutionsinterdisciplinaires dans le domaine de la santé et du meilleur dévelop-pement des enfants et des adolescents.

Quant à la problématique du suicide à l’adolescence,l’étude du Service de Santé Mentale de l’ULB a montré à quel point lasituation était préoccupante.

C'est pour cela que le Fonds Houtman (O.N.E.) a souhaitédonner des suites à ce projet en finançant cette brochure dontla vocation n'est autre que de mieux informer pour mieux mobiliser lesmédecins généralistes.

>> Fonds Houtman

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