la méthode d interprétation allégoriq

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 A propos de ce livre Ceci est une copie numérique d’un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d’une bibliothèque avant d’être numérisé avec précaution par Google dans le cadre d’un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l’ensemble du patrimoine littéraire mondial en ligne. Ce livre étant relativ ement ancien, il n’est plus protégé par la loi sur les droits d’auteur et appartient à présent au domaine public. L ’expression “appartenir au domaine public” signie que le livre en question n’a jamais été soumis aux droits d’auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à expiration. Les conditions requises pour qu’un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d’un pays à l’autre. Les livres libres de droit sont autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont trop souvent difcilement accessibles au public. Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce chier, comme un souvenir du long chemin parcouru par l’ouvrage depuis la maison d’édition en passant par la bibliothèque pour nalement se retrouver entre vos mains. Consignes d’utilisation Google est er de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. Il s’agit toutefo is d’un proj et coûteux. Par conséqu ent et en vue de pours uiv re la dif fusi on de ces ressour ces inépuis able s, nous avons pris les dispositions nécessaires an de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. Nous vous demandons également de: +  Ne pas utiliser les chiers à des ns commerciales  Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l’usage des particuliers. Nous vous demand ons donc d’utilis er uniqueme nt ces chi ers à des ns perso nnell es. Ils ne saur aient en effet être employé s dans un quelconque but commercial . +  Ne pas procéder à des req uêtes automatisées N’envo yez aucune requête automatisée quelle qu’elle soit au système Google. Si vous effectuez des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer d’importantes quantités de texte, n’hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l’utilisation des ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. +  Ne pas supprimer l’attribution  Le ligrane Google contenu dans chaque chier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d’accéder à davantage de documents par l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas. +  Rester dans la légalité  Quelle que soit l’utilisation que vous comptez faire des chiers, n’oubliez pas qu’il est de votre responsabilité de veil ler à respe cter la loi. Si un ouvr age apparti ent au domai ne public améric ain, n’en déduise z pas pour autant qu’il en va de même dans les autres pays. La durée légale des droits d’auteur d’un livre varie d’un pays à l’autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier les ouvrag es dont l’ut ilis ation est autori sée et ceux dont elle ne l’est pas. Ne croyez pas que le simple fait d’af cher un livre sur Google Recherche de Livres signie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous vous exposeriez en cas de violation des droits d’auteur peut être sévère. À propos du service Google Recherche de Livres En favorisant la recherche et l’accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le fran¸ oais, Google souhaite contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l’adresse http://books.google.com

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  • A propos de ce livre

    Ceci est une copie numrique dun ouvrage conserv depuis des gnrations dans les rayonnages dune bibliothque avant dtre numris avecprcaution par Google dans le cadre dun projet visant permettre aux internautes de dcouvrir lensemble du patrimoine littraire mondial enligne.Ce livre tant relativement ancien, il nest plus protg par la loi sur les droits dauteur et appartient prsent au domaine public. Lexpressionappartenir au domaine public signifie que le livre en question na jamais t soumis aux droits dauteur ou que ses droits lgaux sont arrivs expiration. Les conditions requises pour quun livre tombe dans le domaine public peuvent varier dun pays lautre. Les livres libres de droit sontautant de liens avec le pass. Ils sont les tmoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sonttrop souvent difficilement accessibles au public.Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte prsentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenirdu long chemin parcouru par louvrage depuis la maison ddition en passant par la bibliothque pour finalement se retrouver entre vos mains.

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    1

  • FACULTE DE THEOLOGIE DE STRASBOURG.

    MTHODE D INTERPRETATIONALLGORIQUE

    A L'CRITURE-SAINTE

    PRSENTE

    A LA FACULT DE THOLOGIE DE STRASBOURG,

    ET SOUTENUE PUBLIQUE! NT

    J['t> Jaiuedi 18 juiffet iSS., ou 5

    POUR OBTENIR LE GRADE DE BACHELIER EN THOLOGIE ,

    PAR

    L. M. ROUVILLE,BACHELIER S-LETTRES,

    DE NIMES (DPARTEMENT DU GARD).

    STRASBOURG,IMPRIMERIE DE G. SILBERMANN , PLACE SAINT-THOMAS, N 3.

    1835.

  • M. BROCH, doyen de la Facult. 4 '

    MM. BRUCH,RICHARD,FRITZ,JUNG,

    W i L LM ,

    Professeurs de la Facult.

    M. FRITZ, prsident de la Thse.

    EXAMINATEURS:

    MM. FRITZ.J u KG.

    WlLLM.

    La Facult n'entend approuver ni dsapprouver les opinions

    particulires au candidat.

  • METHODE D'INTERPRETATION ALLEGORIQUE

    APPLIQUE

    A L'ECRITURE-SAINTE.

    INTRODUCTION.

    Parmi les diffrentes mthodes employes pour expliquer lesSaintes - Ecritures, l'une des plus clbres est celle qui prtendsaisir la pense inspire au moyen des allgories et du sens mul

    tiple. 'L''Allgorie, comme l'indique l'tymologie (xx y{, dire autrechose) consiste exprimer une chose par le moyen d'une autre.

    Ce terme nous parat devoir tre pris dans son sens le plus gnral, et embrasser dans sa signification les apologues, les fables,les paraboles, les types, les emblmes, les symboles, les proverbes,

    les nigmes.Quand , par les rgles d'une saine hermneutique ou par le bonsens, il est reconnu qu'une chose est exprime par une autre, que

    dans un discours, un fait, un objet, un personnage, il y a unevritable allgorie, l'usage de la mthode allgorique est lgitime,et l'interprte devra s'efforcer de trouver sous l'enveloppe du sens

    naturel le sens cach et essentiel.

  • (OMais la mthode d'iaterprtatioa allgorique n'a pas t applique la Bible avec les mmes conditions. On est parti du principe que l'Ecriture avait un sens multiple; qu'outre la significationnaturelle (grammaticale historique) il y avait dans chaque pas

    sage une ou plusieurs significations plus profondes, et en consquence une foule d'interprtes se sont mis avec ardeur la re

    cherche de sens cachs, l o rien n'indique la prsence de l'allgorie, o le sens littral est suffisant, o le rcit historique est

    clair, simple, allant au but.L'usage de cette mthode remonte la plus haute antiquit.Les juifs, aprs la captivit de Babylone, ranimrent leurs esprances non-seulement en acceptant avec avidit les promesses positives et certaines d'un Messie, mais encore en sondant tous les

    mots de leur antique loi, en dcouvrant dans le rcit de leursdestines passes tous les dtails de leurs destines prsentes etfutures 1. Les rveries mystiques et bizarres de la Cabbale 2 sont

    connues. Les partisans de cette cole admirent le proverbe : Qui-cunque dicit narrationes legis alium non habere sensum, qurn

    illius tantm historie , islius crepet spirilus 3.Le Nouveau-Testament lui-mme prsente quelque trace d'interprtation allgorique. Cette mthode fut employe avec plus oumoins de prcision par les pres apostoliques; mais celui de tous les

    anciens docteurs de l'Eglise qui la poussa dans ses dernires limiteset lui donna des rgles et des principes systmatiques, ce fut sanscontredit Origne.

    Origne partant de l'ide platonicienne que l'homme se composede trois lmens: le corps , l'me et l'esprit (y, ^xi >"/) cher

    1 Seiler, JBiblische Hermeneulik. Erlangen 1800. p. 283. ss. Rosenmllcr,Util. inlerpr. l. s. Hildbnrgh. i^g5. T. I. p. 17 et 88.

    2 Matter , Hist. du Gnosl. T. I p. 94 et ss.

    3 Seiler, p. a83.

  • (3)

    cbe retrouver trois ltnens analogues dans l'Ecriture, et admettrois espces de sens: le sens lilierai qui donne la signification na-turelledes mots; lesens mural qui a rapport la conduite, et lesens

    mystique qui s'applique tout ce qui est spirituel et cleste1. D'aprs Huet, il subdivise le sens mystique en allgorique, quand ils'agit de passages de l'ncien-Testament prfigurant la nouvellealliance; tropologique, quand l'histoire du Nouveau-Testament est

    applique la rforme des murs, et anagogique, quand il estquestion de la vie future 2. Mosbeim admet seulement la distinctiondu sens mystique en allgorique et anagogique: celui-ci se rapportant au mondecleste, et celui-l au monde terrestre 3

    La mthode d'interprtation allgorique travaille par unhomme tel qu'Origne, fut regarde par les interprtes grecs et

    latins qui suivirent, comme la meilleure clef pour ouvrir le trsorde la Bible. La mthode grammaticale tait bonne pour ter l'-corce de l'Ecriture, mais pour en savourer la moelle, il fallaitpossder la science des allgories.

    Basile -le -Grand, Grgoire de Naziance, Grgoire de Nysse,Hilaire de Poitiers, Ambroise et surtout Augustin imprimrent

    cette mthode le sceau de leur autorit4. Ce dernier pre admitpour chaque passage la distinction de quatre sens, caractriss de

    la manire suivante:

    Lit tara gesta docet ; i/ud credas atlegoria,Moralis quid agas, quo tendus anagogia5.

    1 Origne, De prlncipiis. d. de la Rue. L. IV. T. I. p. 168. llomil. 5 in

    Levit. d. de la Rue. T. II. p. 209.

    2 Haet , Observationes et not ad Orig. comm. T. III. p. 27.

    3 Mosheim, Hist.eccls. Yverdan 1776. T. I. p. 286.* Richard Simon , Hist. crit. des principaux comment, du N. T. Rotterdam' 1693.

    ch. 7. 8. g. 14. 17.6 Jausseiis, Hermneutique sacre. Paris 1828. p. 292.

  • (4)Dans le moyen ge, le principe du sens multiple continue tre regard comme un axiome. Les interprtes, pleins d'un respectsuperstitieux pour tout ce qui vient des Pres, ne font, pour laplupart, que recueillir de longues chanes d'explications allgoriques

    des crits d'Origne et de ses imitateurs. Julien, archevque deTolde, admet quatre sens difTrens pour chaque passage; lcuinen compte trois, et ngelom, moine de Luxeuil, d'aprs les septsceaux de l'Apocalypse, en admet jusqu' sept1.

    La rformation, produite en partie par une meilleure exgse,influe son tour sur la science exgtique. Une rvolution s'opre,

    et enfin la mthode allgorique cde le pas une mthode plusrationnelle. Elle ne se tient pas pourtant pour battue. Le concile

    de Trente, en dfendant d'interprter la Bible autrement que nel'ont fait les Pres et les conciles2, autorise indirectement l'usage

    de l'interprtation favorite de l'ancienne Eglise. Les rformateurs etleurs successeurs ont souvent cherch allier le principe allgoriqueau principe historique et grammatical3. Cocceius et son cole sontalls peut-tre plus loin que jamais personne en fait de rveries,

    et de nos jours mme plusieurs ouvrages tablissent ou pratiquentla mthodes des allgories4.

    C'est cette mthode qui a jou un si grand rle dans les tudesbibliques, que nous voudrions essayer d'apprcier. En chercherl'origine, en peser le principe et la prtention s'appuyer sur

    l'Ecriture, et en faire voir rapidement les dangers, telle est latche que nous entreprenons.

    On lsait: le rapport entre la manire d'expliquer l'Ecriture,

    1 Malter , Ilist. de l'gl. i85o. T. IL p. 290 296.2 Canones et decreta cne. Trid Sess. IV.

    3 Math. Flacias , Claeiss s. s. T. II. p. 76 et ss.

    * Voyez entre autres : Olshansen , Ein Wort tibtr tiefern Schriftsinn. 1824. Kaiinc , Chrislus im Allen Test. 1818. Haldane , De l'vidence et de /'nul. de la

    divin. rMl. T. I. p. 227 276. Risler , Hist.de FAne. Test. Toulouse 1829.

  • (5)

    et les dogmes et les prceptes qu'on en dduit, est intime. Unemthode diffrente donnera des rsultats difTrens. Telle croyance,telle pratique, tel dogme mme que les sicles se sont transmis

    de gnrations en gnrations, comme un prcieux hritage, peuvent tre fortement branls, si l'on dmontre que cette pratique,cette croyance ou ce dogme ont pris leur origine dans les dductions d'une fausse exgse.

    Le sicle o nous vivons est celui de l'examen. On ne veut pluscroire, parce que ceux qui nous ont prcds ont cru; on veut

    donner des bases rationnelles toutes nos croyances. Dans lesarts et les sciences on soumet la critique les anciens principes,

    on pse les mthodes usites, on reconstruit les systmes. On neveut avancer que lorsqu'on s'est bien assur que l'on se trouvesur un terrain solide. Et c'est l un vritable progrs. Or, un livre

    existe, la Bible, qui depuis tant de sicles a fait les destinesd'une multitude de nations, qui doit tendre sa bienheureuse

    influence sur toute la terre, et qui seul peut donner la paix ces masses inquites et demandant une foi claire. Qu'il est doncimportant de chercher comprendre la parole divine dans toutesa puret! Examiner la manire dont les anciens interprtes l'ont

    explique, peser leurs principes et leurs mthodes , en faire ressortir la fausset ou la vrit, et ouvrir le chemin une inter

    prtation exgtique appuye sur des bases lgitimes, c'est l unedes tches les plus importantes et les plus ncessaires. Et qu'onne crie pas l'impit; qu'on n'accuse pas le thologien de porterune main sacrilge sur le sanctuaire! La manire d'expliquer la

    Bible n'est point la Bible elle-mme. La vrit rvle est invariable, mais la mthode exgtique peut varier chaque sicle.

    Celle-ci est l'ouvrage de l'homme , celle-l l'ouvrage de Dieu.L'une doit tre reue avec foi et humilit; l'autre peut tre discule, combattue, approuve ou rejete. On manque peut-tre

    de respect l'antiquit en voulant faire autrement que nos pres

  • C6)

    ont fait; mais le principe reconnu que l'humanit est perfectiblejustifie assez ceux qui secouent avec prudence l'autorit trop ab

    solue des sicles passs. Le thologien ne doit pas craindre d'attaquer les vieux prjugs de l'Eglise, de combattre les mthodeserrones, de dblayer le terrain de la religion de toutes les sub

    tilits de la thologie: si ses travaux prsident la bonne foi,l'amour de la vrit et la pit, lui aussi fera beaucoup pourl'avancement du royaume de Dieu.

    CHAPITRE PREMIER.

    Origine de la mthode allgorique.

    L'origine de cette mthode est multiple.I. Observons d'abord que puisqu'elle a domin pendant tant desicles, et qu'elle a t du got des savans comme des simplescroyans, il faut qu'il y ait eu elle quelque chose qui soit eu rap

    port avec la nature de l'esprit humain.L'homme, fortement soumis l'influence de son lment matriel, est bien plus frapp par ce qui tombe sous ses sens que par

    ce qui s'adresse seulement sa raison. Tout ce qui se prsente sou imagination avec des formes, avec des couleurs, avec une enveloppe quelconque, agit bien plus sur lui que les abstractions etles vrits intellectuelles exprimes d'une manire toute simple.

    Le tableau frappant et lugubre de nos parens, de nos amis, detant d'tres que nous chrissons, cruellement frapps par la mort la fleur de leur ge, nous rendra bien plus srieux que celte

    froide proposition : Nous sommes tous mortels.Il est encore des mes doues d'une sensibilit dlicate, d'unsentiment religieux pronfondment grav dans le cur. Elles

    voudraient pouvoir se dlivrer des entraves du corps, pour s'-

  • (7)

    t \

    lever plus facilement dans le monde spirituel et avoir communionavec l'tre suprme. Elles trouvent un charme inexprimable mditer dans le silence sur les bienfaits de Dieu; elles cherchent

    se mettre en rapport avec l'esprit d'en haut, ouvrir leur cur ses inspirations; et dans ce mysticisme religieux, vritable posie

    du sentiment, elles gotent dj la joie des lus.Ce besoin de l'imagination et du sentiment fut de bonne heureexploit par tons les hommes d'un gnie suprieur qui voulurent

    enseigner leurs contemporains des vrits d'une haute importance. Ils se dclarrent sous une influence surnaturelle. Ils donnrent leurs enseignemens la forme d'allgories, d'apologues, de

    fables, d'emblmes; ils trouvaient par l un moyen de gagner l'attention, et de mieux graver dans la mmoire des vrits qui, exposes sans Ggures, auraient bientt chapp l'esprit. Les potespersonnifirent les puissances de la nature, animrent les objets

    du monde les plus imposans, et peuplrent les cieux, la terre etles eaux d'tres allgoriques. Chez les Grecs comme chez les Ro

    mains, chez les disciples de Confucius, comme chez ceux de Zo-roastre, les mystres d'un premier principe, de la cration , de la

    Providence, de l'immortalit, toutes les grandes vrits religieuseset philosophiques furent reprsentes par des allgories ingnieuses.

    Les hommes d'tat en firent usage pour mettre leurs principes la porte du peuple. Cyrus justifie un roi qui emploie la svrit

    quand la persuasion est impuissante, en se servant de l'apologuedu pcheur qui est forc de prendre avec ses filets les poissons,devenus sourds aux sons desa flte1. Le peuple romain, retir sur lemont sacr, se laisse flchir par l'adroit Mnnius qui lui montre

    la ruine des membres en rvolte contre l'estomac. Les moralistesont souvent couvert du voile de l'allgorie le visage svre de la

    vrit; les ouvrages du Sage phrygien, de l'Affranchi romain, de

    1 Hrodote. Liv. II.

  • (8)

    l'admirable Lafontaine sont immortels, parce qu'ils instruisentavec le charme de la fable.

    Il n'est donc pas tonnant que l'interprtation allgorique desSaintes-Ecritures ait trouv faveur, surtout dans les premiers sicles de l'Eglise. Le merveilleux tait du got du peuple. Denombreux mystres semblaient faire ncessairement partie d'unereligion. Plus une croyance frappait l'imagination, plus elle taitreue avec avidit. Les chrtiens d'origine paenne taient accoutums aux brillans emblmes de leur mythologie, aux crmonies

    symboliques de leur culte, aux oracles mystrieux de leurs devins. La doctrine de Jsus, dans son expression littrale, dutleur paratre trop simple; le culte nouveau ne parlait point assez

    leur sens ; la Bible, explique la lettre, ressemblait un autrelivre. Ils furent donc ports rechercher dans la nouvelle religion les symboles et les mystres dont leur esprit avait besoin;ils interprtrent la Bible comme ils avaient interprt leurs tra

    ditions fabuleuses, et souvent, pour donner un aliment uneardente pit, ils demandrent chaque phrase , chaque mot

    des Ecritures, un enseignement mystrieux, profond, cleste. Oncomprend que les hommes savans, qui expliquaient la Parole,devaient ncessairement s'accommoder ce got universel pour

    les allgories; sous peine d'tre moins utiles la pit, ils devaient,dans leurs homlies, aprs avoir donn le sens littral, en venirau sens allgorique et mystique, qui seul tait regard commel'essentiel, et attirait toute l'attention des fidles1. Et encore de notre temps, o la raison a plus d'empire que l'imagination, il estfacile de voir combien le peuple prend got une interprtation

    mystique et nouvelle qui pique sa curiosit et va davantage son sentiment religieux. Plus vous dcouvrirez de types et d'allgories religieuses dans l'ancienne alliance , et plus vous pourrez, pour

    1 Richard Simon , Hist. des principaux corn. du N. T. Prface.

  • ( 9 )ainsi dire, faire entrer le Nouveau-Testament avec ses plus petits

    dtails dans l'Ancien; plus vous serez got des fidles, amis de cesmystrieux rapports.

    II. D'autres causes plus spciales et moins louables oui donnlieu notre mthode. Elle a t en particulier employe par

    des hommes instruits qui, ne pouvant admettre ou dfendre tousles enseignemens de l'Ecriture avaient recours l'allgorie comme

    un subterfuge commode1.Chez les paens l'histoire des dieux et des hros n'tait qu'untissu de faits, de rcits et d'enseignemens bizarres, absurdes et sou

    vent immoraux. Ces tres suprieurs, qui semblaient devoir donner l'homme le type de la vertu morale, apparaissaient dans les tradi

    tions mythologiques comme ce qu'il y avait au monde de plusvil, de plus corrompu, de plus criminel. Jupiter qui chasse impi

    toyablement son pre de ses tats, Vnus qui excite la dbauche,Mercure qui protge les brigands, Bacchus qui prside aux orgiesles plus dgotantes, cette religion enfin qui favorisait toutes les

    passions, ne pouvait constituer la croyance de l'homme qui rflchissait, et qui trouvait dans sa conscience des inspirations bien

    plus leves. Les philosophes qui, par leurs mditations, s'levaient des ides plus justes et plus morales, et qui derrire le nuage de

    ces myriades de dieux et de desses apercevaient l'aurole brillantede l'Etre absolu, immuable, source de tout bien et de toute vertu,ces philosophes, dis-je, sentaient le vice et les dangers de la

    croyance vulgaire; ils en gmissaient profondment; mais ils nepouvaient s'lever trop ouvertement contres les erreurs domi

    nantes; ils avaient craindre la foule idoltre, superstitieuse etpassionne. Ils ne pouvaient, sans craindre pour leur vie, attaquer

    des traditions enracines dans les esprits et aussi antiques que

    1 Theologische Studien und Kritiken. Hamborg. Jahrgang i85o. Zweites Heft.

    p. juj et 320.

  • C 10 )

    l'origine des socits. Socrale buvant la cigu pour avoir, disait-on,port la jeunesse l'impit, tait l pour les effrayer. Que leurrestait-il donc faire ? C'tait de trouver et d'expliquer le vritablesens de ces fables, ou de donner toute force une significationfigure des rcits historiques , dont le sens naturel tait intolra

    ble. Ils n'anantissaient point ainsi les traditions populaires, ilsne faisaient qu'en tirer un meilleur parti, tout en ayant l'air de

    croire au fond de toutes ces fables. Et le peuple les laissait tranquilles1.

    Ce fut par un motif analogue que les Juifs d'Alexandrie mirenten honneur l'interprtation allgorique de leurs livres sacrs. Les

    paens avaient pu lire leur code traduit en grec; et ds-lors leursdogmes si nouveaux pour une foule idoltre, leurs crmonies sibizarres, leurs prceptes souvent si peu naturels, avaient excit la

    drision gnrale; leur culte et leur dieu taient devenus l'objet derailleries mordantes ; les philosophes combattaient leur prtention possder la seule religion rvle, en extrayant de leurs livres de

    longues pages qui paraissaient indignes d'une inspiration divine. Ilfallait donc parer ces attaques; et l'arme qui leur paraissait la plussre, c'tait la mthode de tourner en allgories tout ce qui, dansleur volume sacr, pouvait choquer les paens. Aristobule donna leplus de vogue cette manire de dfendre la foi de leurs pres. IL

    alla plus loin: pour en montrer l'excellence, il essaya, dans uncommentaire spirituel sur la loi, de faire voir que toutes les brillantes spculations des philosophes grecs pouvaient se retrouver

    dans lesenseignemens de Mose; et l'on comprend combien souventil dut tre forc de laisser de ct le sens naturel2.

    Dans tous les sicles de l'Eglise et de nos jours encore, l'interprtation allgorique a t occasione par cette impuissance pr

    1 J. A. Tnrrettin, De sacr s. interpretatione. Francoforli 1776. p. n5.

    2 Matter, Hist. du Gnost. p. 56 et ss.

  • tendue de dfendre l'explication littrale de tel livre, de tel passage,de telle phrase de la Bible. Que d'efforts n'a-t-on pas faits pourdonner un sens mystique et tolrable l'inceste de Lotb, tant

    d'antres scnes de la vie des patriarches qui paraissent peu morales!Il n'y a qu' suivre de sicle en sicle l'interprtation du Cantique

    des Cantiques. Ce livre, dans son sens grammatical, prsente lesdescriptions les plus voluptueuses de l'amour. Comment un livre

    canonique aurait-il un tel contenu? Et presque tous les interprtesont entass allgories sur allgories pour arriver un sens digne

    de Dieu. Si vous tez, est-il dit dans le Mose dvoil, si voustez la signification mystique des crmonies lvitiques, ne pourra-

    t-on pas demander avec raison, quoi faire ces arcbes, ces propitiatoires, ces tables, ces chandeliers, ces grils et tout cet appareildu tabernacle? ' L'intention de ces thologiens peut tre louable,

    mais peut-elle se justifier?III. Ce qui peut encore avoir conduit la mthode dont nous traitons, c'est la ncessit o l'on s'est cru de faire concorder le contenu

    de l'Ecriture avec des principes philosophiques ou religieux adopts l'avance. Les noplatoniciens, par exemple, croyant que l'me mane

    de la divinit , avait en elle les principes de toutes les connaissances,et que, pour les dcouvrir, il suffisait de s'interroger dans le silencede la mditation , taient arrivs penser que les grandes ides

    philosophiques et religieuses, drivant d'une source commune, devaient se retrouver les mmes dans tous les systmes de religion et

    de philosophie 2. De l leurs efforts pour coordonner tous ces systmes et la ncessit de recourir aux allgories pour dcouvrir lesmmes enseignemens dans les thories de Platon et dans les loisde Mose, dans les traditions mythologiques de la Grce et dans

    l'Evangile. Ce fut cette cole qu'Origoe puisa son grand amour

    1 Desbergeries, Le Mose dvoil. Genve 1760.

    2 Mosheim , Hist. tccl T. I. p. i83 et a83.

    a.

  • pour la mthode allgorique et qu'il apprit a faire dire l'Ecrituretout ce que lui inspiraient son imagination et son gnie inventif.

    Dans l'Eglise chrtienne bien de fausses manires d'envisagerl'Ancien-Testament ou certaines parties de ce livre ont conduit au

    mme rsultat. On s'est dit l'avance : le livre de l'ancienne alliance a eu pour but de prparer la nouvelle; les aptres, et leMatre lui-mme , ont reconnu que l'intelligence des oracles de lapremire conomie conduisait la connaissance de la seconde ; doncil faut expliquer l'Ancien-Testament par le Nouveau, donc le

    Nouveau est tout entier dans l'Ancien 1. Et puis, sans bien chercher comment la rvlation des Hbreux est vritablement lieavec celle des Chrtiens, on laisse de ct le sens naturel, on tord

    les passages; dans les vnemens, dans les paroles, dans les personnages de l'Ancien-Testament, on veut, toute force, retrouver les

    personnages, les paroles et les vnemens du Nouveau. Ce rcitqui vous parat si touchant, o vous voyez un homme religieuxvictime de la jalousie de ses frres, vendu des trangers, triom

    phant de la passion criminelle d'une femme, rcompens de savertu par la charge la plus honore dans la cour du roi , et faisant

    ensuite le bonheur de sa famille et de son peuple, ce rcit ne reprsentera pas seulement les voies admirables de la Providence ,qui d'un ct protge l'homme de bien et de l'autre prpare les

    destines temporelles du peuple hbreux, mais il devra ncessairement, -par la volont de cette Providence,, avoir eu pour principal but de prfigurer la vie du Christ. Si vous tez l'histoire

    de Joseph ce sens profond qui convient si bien pour tous les dtails l'histoire de Jsus, vous en dtruisez toute la sublimit,disent certains thologiens, vous en faites un rcit ordinaire;

    1 II afin, Theologische Sludien und Kritiken. i83o. T. III. p. 3ai. Risler ,Hist. de l'Ane. Test. L'autenr , dans sa prface , pose le principe que dans l'Ancien-

    Testament il faut toujours chercher Jsus-Christ , et Jsus-Christ crucifie.

  • comme si dans la Bible le sens simple et naturel n'tait pas assezbeau par lui-mme! Comme si ce qui est clairement enseign n'tait pas assez profond , assez lev pour instruire l'homme sur son

    salut et le guider dans le chemin de la vertu ! On veut donner l'Ecriture plus qu'elle ne prsente. Comme ces traducteurs quiprtent des beauts leurs auteurs, ils veulent donner un nouvelclat la parole divine; ils veulent tre plus sages que l'Espritsaint qui a guid la plume des auteurs inspires!

    IV. ces principales causes qui expliquent l'origine de la mthoded'interprtation allgorique, nous pourrions en ajouter une autre

    qui montre pourquoi tant de docteurs de l'Eglise l'ont pratiqueavec prdilection. C'est que cette mthode ne demande pas beaucoup de science, beaucoup de rflexion, beaucoup de connaissance

    du cur humain1. Avec de l'imagination et un peu d'esprit il estfacile de trouver pour un commentaire ou pour un sermon de

    longs dveloppemens allgoriques. Les pages brlantes d'un romansont plus faciles crire que les pages consciencieuses et rflchies

    d un bon ouvrage d'histoire ou de science. C'est ce que reconnatsaint Jrme lui-mme quand il dit: Allegorice interpretatus sutn

    Abdiam, eu/us historiam nesciebam.Telle nous parat tre l'origine de la mthode allgorique; origine qui, notre avis, n'en lgitime point l'usage.

    CHAPITRE II.

    Du sens multiple.

    Notre mthode s'appuie sur le principe du sens multiple, formul ainsi : F'erba scriptur tantum ubique significant, quantum

    significare possunt. Essayons d'en apprcier la valeur.

    1 Ernesli , Institutio interpretis N. T. Lipsi 1761, partis secnnd, cap. IX.

    . 5. Tnrretin , De S. S. int. p. i a3.

  • ( 4)Sans doute, si Dieu avait voulu, il aurait pu faire que chaquemot de la Bible et plusieurs sens galement itnportans, et il aurait

    eu soia de nous ea avertir, et de nous apprendre trouver danssa parole tout ce qu'elle peut contenir. Mais n'ayant aucune dclaration positive qui justifie le sens multiple, nous devons nousen tenir la nature des choses.

    Le sens d'un mot, d'un discours est ncessairement l'ide oul'ensemble d'ides, que celui qui parle ou crit veut attacher ce

    mot ou ce discours.Un mot peut tre employ dans son sens propre ou dans son sensfigur. Le premier est celui pour lequel il fut invent; le secondest celui qu'il a emprunte pour rendre une ide analogue celle

    qu'il dut exprimer dans son origine.De mme un discours peut avoir un sens propre ou un sensfigur. Le sens propre est celui auquel donne naissance la signification naturelle des mots. Le sens figur est un sens analogue aupremier, et que celui-ci est destin faire natre dans l'esprit.

    Maintenant l'usage est l pour nous apprendre que toujours unmotet un discours ne sont employs que dans le sens propre ou danslesens figur; que si le sens propre conduit aune absurdit ou une

    invraisemblance, c'est le sens figur qu'il faut prendre, et que celui-ci ne doit tre admis que lorsqu'il parat ncessaire 1. Il pourra bienarriver que dans quelques cas trs-rares on sera en doute poursavoir lequel de ces deux sens il faut donner un passage. Lesrforms prendront au figur ces paroles de la cne: Ceci est mon

    corps; les catholiques les expliqueront la lettre. C'est au contexte,c'est au bon sens, c'est l'hermneutique dcider la question;mais toujours nous semble-t-il qu'on ne doit reconnatre qu'un

    sens unique2.

    1 Ernesti, Inst. int. N. T. Partis primas. Sect. i.c. i.2 La thorie des prophties double accomplissement ferait-elle exception cette rgle, ainsi que celle du sens allgorique de quelques types lgaux....? Le

  • Que serait, en effet, un livre o toute histoire serait double outriple, o chaque parole aurait un sens cach, o chaque personnage, chaque nom propre, chaque mot enfin, serait une nigme

    deviner, et encore une nigme laquelle on pourrait donnerplusieurs solutions galement plausibles?

    Sans doute l'homme qui est dans le dlire peut faire entendredes discours dsordonns, se perdre en phrases dcousues et susceptibles de plusieurs sens; mais on sait bien l'importance qu'on

    attache ses paroles. Sans doute, un auteur ingnieux peut vouloir amuser ses lecteurs en leur exposant des rcits nigmatiques,en excitant leur esprit par le choix faire entre plusieurs significations galement probables et galement piquantes. Sans doute,

    un oracle imposteur peut donner des rponses ambigus et quel'vnement est sr de justifier : les gens clairs savent quoi s'entenir.

    Mais un livre qui ne se propose nullement de plaire et d'amuser, un livre srieux qui traite des sujets les plus graves et lesplus importans, un livre qui peut faire le bonheur ou le malheurde ceux qui l'tudient, peut-il et doit-il tre crit d'une manire

    nigmatique, obscure, sens multiple?Un code de lois dont chaque article pourrait s'interprter deplusieurs manires diffrentes et souvent opposes, serait un mauvais code; il autoriserait tous les abus, le juge s'en servirait pour

    punir l'innocent et sauver le coupable. Un dit qui ne ferait connatre que d'une manire ambigu la volont d'un prince, seraitdes plus dangereux. Un ami qui vous donnerait des conseils qu'ilvous serait impossible d'exactement comprendre , manquerait de

    bonne foi votre gard.Mais qu'y a-t-il de plus important qu'un livre qui contient la

    principe da sens multiple, restreint ces cas particuliers, aurait bien perdu de

    sou invraisemblance.

  • ( 'S)

    parole divine, qui annonce la volont du ciel, qui doit dirigernotre conduite, et nous amnera notre salut ternel? Certes, si

    un conseil, si un dit, si un code doivent tre exposs clairementet sans ambigut, combien plus un livre tel que la Bible, doit-iltre dpouill, du moins dans les points essentiels, de pagesamphibologiques, captieuses, difficiles et impossibles bien comprendre?

    Eh quoi! j'ouvre le livre de la rvlation; j'y cherche les preuvesde sa divinit; je lui demande les moyens de mon salut; et cela,il faut le trouver au-dessous de l'enveloppe de la lettre! Un v

    nement qui montre la manifestation providentielle de Dieu, unprcepte qui, dans son sens naturel, me dvoile la sagesse du lgislateur, un patriarche dont la vie me touche et m'instruit, ne

    doivent m'intresser que par le rapport prtendu qu'ils ont avecla nouvelle alliance! Ce qui doit faire mon salut, ce qui doit

    donner mon me sa nourriture spirituelle, je ne suis pas srde le trouver; ou bien, pour y arriver, j'ai suivre une marchearbitraire qui mne difFrens rsultats! Un tel livre serait unprsent fatal aux hommes; et la divinit aurait trouv un plaisircruel leur commander de chercher dans sa parole ce qu'ils neseraient pas srs de dcouvrir!

    Mais la parole divine, nous objectera-t-on, ne sera-t-elle pasplus profonde que la parole humaine ? La pense rvle nesera-t-elle pas plus tendue, plus mystrieuse, plus significative

    que la pense si troite, si borne, si confuse de l'homme?Sans doute, les vrits ternelles, les vrits absolues, les vritsmystrieuses qui appartiennent au Grand-tre, sont immenses et

    dpassent la porte de notre entendement. Mais qui peut nousassurer qu'il ait voulu nous les rvler dans toute leur profondeur, qu'il ne se soit pas born nous faire connatre la portionseule de ses mystres que nous tions en tat de saisir, et qui taitsuffisante pour notre salut? Et la portion qu'il lui a plu de nous

  • ('7 )

    manifester, aurait-il voulu la couvrir d'un voile difficile ou impossible soulever?

    Nous pouvons nous abuser; mais il nous semble que c'est avecbeaucoup de hardiesse qu'on veut donner l'Ecriture un sensqu'elle ne prsente point naturellement. Quel grand avantage

    trouve-t-on ce que tel vnement de l'Ancien-Testament en reprsente un autre du Nouveau; que tel nom propre indique un

    mystre vanglique, que tel patriarche soit la figure de Jsus-Christ? La foi des contemporains n'en tait pas augmente, puisqu'ils ne connaissaient pas ce qui tait figur. Les Juifs seuls pu*

    rent tre amens au christianisme, par quelques rapports frap-pansque, d'aprs leur habitude d'interprter leurs livres sacrs,ils regardaient comme des preuves de l'autorit de la nouvelle religion. Pour nous, grces en soient rendues Dieu, nous avons

    d'autres preuves qui nous tmoignent puissamment de la divinitde la Bible. La doctrine de Jsus, si conforme notre nature et

    nos besoins, une prophtie videmment reconnue, nous montrentbien plus le doigt de Dieu que tous ces rapports fugitifs et arbi

    traires.

    CHAPITRE III.

    Des preuves tires de VEcriture-Sainte en faveur de la mthodeallgorique.

    11 est vident que si l'Ecriture-Sainte recommandait cette mthode, comme on l'assure, il faudrait l'admettre avec humilit.Mais examinons les passages sur lesquels on s'appuie, et voyons

    s'ils ont la porte qu'on leur donne.Ces passages sont de deux classes; les uns qui, par des dclarationsgnrales, semblent recommander la mthode des allgories; les

    autres qui paraissent la mettre en pratique.3

  • Dans la premire classe on met d'abord i Coriath. 10, 6. M.a Or ces choses oat t pour nous desfigures, ** Toutes ces

    choses leur arrivaient pour servir defigures, W * Paul veut,dans ce chapitre, loigner ses lecteurs des dangers que leur prsen

    taient les repas consacrs aux idoles. Il leur rappelle pour cela cequi est arriv leurs pres qui, ayant reu comme eux des grcessignales de la Providence, ont cependant pch contre Dieu.

    Paul ne voit pas dans la transgression de leurs pres une figurede la transgression des chrtiens qui sacrifieraient aux idoles, mais

    une leon dont ces derniers doivent profiter. Aussi dit-il au v. 11 :Ces choses sont crites pour nous instruire. Le mot T doit doncrecevoir dans le passage allgu le sens de exemple, leon.

    Coloss. 2, 17: Car ces choses n'taient que l'ombre de cellesqui devaient venir, mais le corps en est en Christ. L'aptre recommande de ne condamner personne au sujet du manger ou duboire, ou pour la distinction d'un jour de fte ou de nouvelle lune.

    Il appelle les prceptes de l'ancienne loi qui amenaient ces condamnations, des ombres , ftuts ; c'est--dire des prceptes d'une im

    portance presque nulle en comparaison des sublimes enseignemensde l'Evangile. Le mot

  • ( -9)rituelle et mystique. Evidemment ce passage ne peut avoir ce

    sens. D'aprs le contexte, la lettre, y/i^.*, c'est la loi de Mosequi porte des sentences de mort contre ceux qui ne l'observent

    pas, et l'esprit, mm/*, c'est l'Evangile, qui donne la vie ternelle ceux qui croient1.

    II ne nous semble donc pas qu'on puisse avec raison infrer deces passages que des objets ou des vnemens de l'ancienne al

    liance aient t destins figurer des objets ou des vnemens dela nouvelle. Ils indiquent seulement des rapports de ressemblanceou d'infriorit entre les deux conomies; mais ces rapports tien

    nent la nature ds choses.La seconde classe de passages que nous ne pouvons numrerici, renferme ceux o certaines paroles , certains traits de l'ncien-

    Testament sont cits dans le Nouveau dans un sens diffrent de celuio conduit l'interprtation ordinaire. Ainsi, dans Matb. a, i5, ces

    paroles d'Ose 1 1, i : * J'ai appel mon fils hors d'Egypte sont appliques Jsus-Christ, tandis que le prophte ne parle que du peuple

    d'Isral. De telles applications se retrouvent tout moment dansle Nouveau-Testament. Mais les passages de ce genre, que les par

    tisans de l'interprtation allgorique donnent comme la pierreangulaire de leur difice, sont les suivans:

    i Corinth. 9, 9. Paul, pour faire voir que le ministre de laparole divine doit vivre de sa prdication, s'appuie sur ce prcepte

    de la loi: Tu n'emmuseleras point le buf qui foule le grain. *Gai. 4 22 et suivans. Dans ce passage, Paul dit positivementque l'histoire d'gar et de Sara doit s'entendre allgoriquement:Ara KTI MnyeftvfUt

  • (20)

    Comment douter de l'excellence de fa mthode allgorique, nousdisent les thologiens qui la dfendent, lorsque les aptres eux-

    mmes l'ont employe, lorsqu'ils s'en servent pour tablir des vrits de la plus haute importance?

    Nous observons d'abord qu'en admettant mme l'existence dessens typiques et allgoriques, nous concevons que les aptres,

    aids d'un secours surnaturel, pouvaient facilement les dcouvrir;mais qu'il n'en est pas de mme des interprtes passs et modernes,qui ne peuvent nullement prtendre la prrogative de l'inspiration.

    Mais essayons de nous faire une ide juste de la nature de larvlation, et voyons si nous ne pourrons pas nous expliquer quelle

    a t la marche des aptres et de Jsus-Christ lui-mme en appliquant ainsi certains passages de l'Ancien-Testament.

    Quand on parle de rvlation, d'enseignemens inspirs par l'esprit de Dieu lui-mme, on s'attend n'y trouver que des chosestoujours leves, toujours grandes, toujours sublimes; il semblequ'on doive entendre la voix de Dieu, parlant l'arme des

    cieux; la Bible, d'aprs un sentiment naturel et bien louable,semble ne devoir contenir que du divin.

    Cependant, en y rflchissant, on reconnat bientt que ce livrene pouvait recevoir toute la perfection absolue que rveille ennous l'ide de son auteur. L'un des attributs que l'homme se plat magnifier dans son Crateur, c'est la sagesse, cette sagesse, par

    laquelle la Providence, dans ses conseils admirables, sait si biencombiner les moyens avec le but qu'elle dsire. Si Dieu voulantclairer les hommes leur avait adress le langage qu'il adresse auxanges qui entourent son trne, toutes les intelligences clestes

    doues de facults suprieures aux ntres, son langage n'auraitpas t compris de nous. Comment l'homme, qui est sous l'influence

    de la chair, dont l'esprit est si born, dont le cur est souvent sicorrompu, comment pourrait-il avoir des oreilles pour entendre,

    des yeux pour voir, de l'intelligence pour saisir la vrit absolue?

  • (ai )

    II fallait que Dieu se mt sa porte, qu'il mesurt ses enseigne-mens sur l'tendue de son intelligence, qu'il approprit sa rvlation aux temps et aux peuples diffrons; en un mot, il fallait qu'il

    s'accommodt toutes les circonstances dans lesquelles l'hommese trouvait plac.

    Qu'on lise, en y rflchissant tous les livres de l'Ancien-Tesla-ment, etcette accommodation paratra vidente depuisla premire

    page jusqu' la dernire. Si on n'en tient pas compte, on risque dene pas saisir le but d'une foule d'institutions et de prceptes qui

    se trouvent en particulier dans le Penlateuque*. mesure que lanation choisie se dveloppe, cette accommodation devient moins ncessaire , et est, en effet, moins employe. Elle ne cesse jamais

    compltement. La rvlation que nous apporte Jsus est encorebien marque de l'empreinte de l'poque, du pays et des hommesqui la reurent d'abord. Le Sauveur lui-mme s'accommode sou

    vent aux circonstances: il ne dclare pas d'abord qu'il est le Messiepromis; il se soumet la loi de Mose, en dclarant seulement qu'il

    est venu l'accomplir; il ne heurte pas de front les prjugs de sanation; il ne dclare que vers la fin de sa carrire ses aptres

    qu'il doit mourir sur une croix.Maintenant, en admettant comme suffisamment tablie cettethorie de l'accommodation, restreinte toutefois dans de sages li

    mites, nous croyons pouvoir soutenir que la manire dont Jsus-Christ et les aptres appliquaient certains passages de l'Ancien-Testament n'est qu'un cas particulier de l'accommodation gnrale.

    Les Juifs, au temps de la prdication de l'Evangile, avaientpour leurs livres sacrs un attachement qui allait quelquefois

    jusqu' la superstition. Non-seulement ils en recevaient avec foi etjoie les enseignemens, mais encore ils en adoraient, pour ainsi

    dire, la forme matrielle. On sait ce que furent dans la suite les

    Cellerier , Introduit. anc. Test. Gnre i83a. p. 386

  • ( 22 )

    Mazorles, occups pendant plus de six sicles compter les lettres, les mots et les phrases de la loi, examiner scrupuleusement

    toutes les formes varies des caractres. La Bible, en effet, taittout pour ce peuple malheureux. L il voyait son antique gloire,le choix glorieux que Dieu avait fait de ses pres; l il trouvaitles promesses positives d'uu meilleur avenir, d'un Librateur qui

    rtablirait Isral. La Bible tait pour lui le livre sybillin par excellence. La nation, les familles, les individus le consultaient

    l'envi dans toutes les circonstances importantes. On ne se bornaitpas y prendre ce qui tait clairement enseign; mais on y re

    cherchait, la faveur des allgories, ce qu'une interprtationgrammaticale avait peine y trouver. On voulait lire dans l'histoire du pass celle de l'avenir. Une simple ressemblance, un rap

    port quelconque entre les hommes, les vneraens, les objets d'autrefois et ceux du prsent, tait un oracle providentiel. Tout raisonnement qui s'appuyait sur un tel rapport, que le passage et

    en vue ou non l'objet en question, tait pleinement victorieux.Les sentences et les beaux traits de la Bible taient gravs dansle cur et dans l'esprit des Hbreux; celui qui savait les appli

    quer la circonstance du jour, tait un homme vers dans lesEcritures. On citait les passages de la Bible comme nous citons un

    vers de Virgile ou une sentence de Cicron, quand nousy voyonsun moyen de mieux rendre notre pense. L'Ecriture l'a dit! ou sim

    plement il est crit! Ces mots produisaient un effet magique; lepeuple s'inclinait et croyait.

    Ce que nous disons ici est confirm par les ouvrages des Juifscontemporains de Jsus et des aptres, par les paraphrases chal-daques, le midraschim ou commentaire allgorique, par les

    ouvrages de Josphe et de Philon. Nous ne rappellerons ici qu'unpassage de Josphe qui rapporte qu'on ne regardait comme sages

    parmi les Juifs que ceux qui avaient acquis une grande connais

  • (33)

    sauce de la loi, et qui pouvaient dvelopper la force, la vertudes livres sacrs 1.

    Maintenant, nous le demandons, qu'y a-t-il d'tonnant queJsus-Christ et ses aptres, ayant prcher la nouvelle rvlation un peuple si fortement attach a loi, se soient accommodes

    ses habitudes intellectuelles, et aient quelquefois donn des passages de l'Ancien-Testament un sens allgorique? Cette accom

    modation tait ncessaire. Pour attirer l'attention des Juifs, pourles disposer en faveur de la vrit vanglique, il fallait leur fairevoir les nombreux rapports qu'elle avait avec la loi de Mose etles crits des prophtes. Les vritables prophties, le but gnral

    de l'ancienne conomie de prparer la nouvelle, ne leur eussentpas su (H; il leur fallait des ressemblances frappantes, nombreuses,mystrieuses, prsentes de leur manire et d'aprs leur got.

    Ces mots: afin queft accomplie lEcriture, qu'il y et vritableprophtie ou simple rapport, taient le plus souvent un argument

    irrcusable. Aussi voyons-nous tout moment dans le Nouveau-Testament des citations faites dans un semblable esprit. Et sur

    tout, remarquons-le bien , c'est dans les livres adresss principalement des Juifs, des Juifs ignorans et aveugls par des prjugs, que cette mthode est le plus suivie. La premire moiti de

    l'ptre aux Hbreux, consacre prouver la divinit de Jsus-Christ, ne contient que des raisonnemens la manire des Juifs,et qui, employs aujourd'hui pour dfendre une cause, pourraient lui tre dfavorables. Qu'on ne s'tonne donc plus de trou

    ver dans l'Evangile des citations qui n'ont pas dans l'Ancien-Testament le sens qu'une sage critique leur donne naturellement;

    et surtout qu'on comprenne pourquoi saint Paul, s'adressant auxCaltes, dpourvus de sens, leur montre la supriorit de la

    1 Josphe , Antiq. jud. L. XX. ch. dentier.

  • nouvelle alliance sur l'ancienne par l'allgorie d'Agar et de

    Sara1.

    CHAPITRE IV.t

    Dangers de la mthode allgorique.

    Nous serons bref sur cet article, parce qu'il ne faut qu'un peude rflexion pour reconnatre le mal que peut faire une tellemthode.

    \Ellena riend'arrt. L'interprtation, d'aprs la grammaire,l'histoire et des principes prouvs, conduit des rsultats certains;ils peuvent bien tre quelquefois contests, mais dans le plus grand

    nombre des cas, ils sont galement admis de tout le monde. Aucommencement Dieu cra le ciel et la terre. " La grammaire

    la main et le bon sens pour guide, vous ne pourrez jamais donnerqu'une signification cette phrase. Il n'en sera pas de mme avec lamthode allgorique: dans celte simple phrase, vous pourriez dcouvrir de profonds mystres. Vous devrez toujours rechercherplusieurs sens diffrens; mais ces sens, il n'y aaucune rglequi vous

    indique comment vous pouvez les trouver, jusqu' quel nombreil faut les porter, de quelle manire on peut les apprcier.

    2 Ellefavorise l'esprit de parti. II s'en suivra que ce sera lamthode avoue d'un dogmatisme passionn. Vous avez une opinion thologique faire prvaloir; vos adversaires s'enfermant

    dans le sens d'une interprtation rationnelle, vous tes impuissantcontre eux eu vous servant de leurs armes; mais voici que lamthode allgorique et mystique, si heureusement trouve, vient votre secours, et vous met en main de nouvelles armes, selon

    1 Saint Paul nous explique lai-mme dans quel esprit il citait ainsi l'Ecriture :

    Je me suis montr Juif avec les Juifs pour gagner les Juifs. ... ( 1 Corinth. 10 , 1Q.)

  • vous, irrsistibles. Mthode chrie, par laquelle on est sr de pouvoir faire dire la Bible tout ce que l'on veut!

    5* Elle nuit aux tudes. De plus, elle est attrayante; elle nedemande pas des travaux approfondis; il ne faut qu'un peu d'imagination et d'esprit, et alors on trouve des trsors de mystres,

    une abondance infinie de sens nouveaux, piquans, rveillantvivement l'attention du lecteur ou de l'auditeur. Que d'autress'occupent d'apprendre les langues anciennes, d'tudier les com

    mentaires, de se livrer un examen long et consciencieux, pourn'arriver qu' une signification platement historique; pour vous,

    vous aurez l'avantage de trouver bien vite sur un chapitre donndes dveloppemens curieux, et, s'il est ncessaire, interminables.

    4 Elle manque de respect la Bible. Oui , mais que devient laBible avec votre interprtation arbitraire? Quel rle lui faites-vousjouer? Le rle d'un homme plusieurs langues. Vous en faites

    le jouet de votre imagination, le thme de vos rveries. Vous cherchez embellir, orner, enrichir la majestueuse simplicit dela parole de Dieu. Que diriez-vous d'un ami qui, recevant de vousune lettre parfaitement claire, en dduirait, force de subtilits

    des propositions diffrentes ou contraires celles que vous aviezdans l'esprit?

    5 Elle rend la Bible inaccessible au peuple. Tout le monde,avec tantsoit peu deculture intellectuelle, peut comprendre facilement les magnifiques enseignemens de Jsus-Christ et de l'Ancien-Testament , ceux du moins qui sont ncessaires au salut , quand on

    les interprte de la manire la plus ordinaire. Mais si vous attachez la vritable intelligence de la Parole la dcouverte des' sens

    cachs, le peuple est priv du bienfait de cette Parole, parce qu'ordinairement il ne se croit pas assez de sagacit et de gnie pour se

    livrer la recherche de ces sens sublimes.6 Elle est trs propre faire des incrdules. Enfin, si celtemthode contribue votre dification, Dieu en soit lou! Mais ne

    4

  • (a6)prtendez pas imposer aux autres l'explication que TOUS donnez

    de la Bible. Les ennemis de la rvlation sont autour de vous,vigilans et prompts profiter de tous les endroits faibles que vousleur prsenterez. On a beau s'lever contre la raison, c'est toujours (a raison qu'il faut revenir. Allez eux avec vos sens allgoriques

    et dites-leur que dans l'adultre de David avec Batbscbab il y aun grand mystre, et ils rejetteront la Bible et vos sens allgoriques. Ou ne peut s'imaginer combien cette fausse mthode d'in

    terprtation a fait d'incrdules. Toutes les fausses religions ont employ cette mthode : les paens et les hindoux allgorisaient; lesmahomtans allgorisent. Les chrtiens allgement aussi; doncle christianisme ayant besoin pour se soutenir d'employer les

    mmes armes que les religions paenne, indienne, mahomtane,doit tre rang dans la mme classe que ces dernires. Pour notre

    part, nous excusons le souris moqueur qui nat sur la bouche desincrdules, en lisant des interprtations telles que celles dontnous allons citer quelques exemples.

    Gdon (Juges VII) choisit trois cents soldats pour attaquer lesennemis d'Isral. Augustin pense que ces trois cents hommestaient une figure de la croix de Jsus-Christ mourant pour nous,

    parce que la lettre T des Grecs qui signifie trois cents, est faitecomme une croix. Avant Augustin, Ambroise et Clment d'Alexandrie avaient vu dans les trois cent dix-huit serviteurs d'Abrahamune figure prcise de la croix; parce que trois cents s'exprimeavec la lettre T, et que dix-huit se marque avec les lettres , et ..qui sont les premires du nom de Jsus 1.

    Tout le monde connat la fameuse allgorie de saint Augustinsur les deux espions envoys dans la terre promise. Le fils de

    Dieu, dit-il, est appel la vigne, car c'est lui qui tait figur par

    1 Contant de la Molette , Nouvelle mthode pour entrer dans le vrai sens de l'Etang.

    Pari 1777. T. I. p. 180.

  • (27 )

    la grappe de raisin que les deux espions rapportrent de Canaan ,suspendue un bton, pour marquer le Sauveur suspendu lacroix. Les deux hommes qui portent la grappe reprsentent les

    Juifs et les paens; celui qui allait le premier, tournant le dos auraisin, est l'emblme des Juifs qui ont tourn le dos au Messie;

    les paens, au contraire, qui ont embrass le christianisme, sontfigurs par celui qui marchait le second en regardant la grappe1.

    Pierre Lombard a cru voir les aptres dans ces mots d'un psaume :les fils des bliers. Les aptres , dit-il , sont des bliers; car avec lesdeux cornes de l'Ancien et du Nouveau-Testament ils ont t plusforts que les hrtiques, et ont renvers, comme par la duret de

    leur front, les superstitions et les idoles. De l vient, ajoute-t-il,que la mitre des vques porte deux cornes 2.

    Nous serions embarrasss de choisir entre les rveries de Cocceiuscelles qui sont les plus bizarres. II trouve la France et l'Espagnedans la montagne de Myrrhe et la colline d'encens de Cant. 4, 6;le concile de Trente dans Gant. y, 8. 9! L, dit-il, nous est direc

    tement dpeint le concile de Trente sous l'emblme d'un palmier,qui est un arbre lev, d'une belle verdure, mais qui ne portepas de bons fruits. Le sommet et les hautes branches de cet arbre

    sont le pape et les vques.... s

    A la lecture de ces explications et de tant d'autres semblables,n'est-on pas port crier l'impit? Ne doit-on pas dire avec le

    grand Calvin : Pestilentissimum est delirium3! . . Totam scriptu-ram ludendo pervertunt...1 Fictitias expositiones , qu literali

    sensu abducunt, non modo negligamus tanquam dubias , sed for-titer repudiemus tanquam exitiales corruptelas 6!

    1 Augustin. T. X. p. 288.

    2 Contant de la Molette. T.I. p. 171.3 Joan. Ga\vim,Inomn(sPaulitpist.Comm. Gen.lSl. p. 184. adl. iCor. 10,11.

    * P. 175. adl. i Cor. 9, 9.

    5 P. 346. adl. Gai. 4, 4-

  • (a8)

    THESES ET CONCLUSION.

    I. La mthode allgorique, telle que nous l'avons entendue,n'est point lgitime par son origine.

    II. Elle repose sur un principe vicieux.

    III. Elle ne peut s'appuyer sur le Nouveau-Testament.

    IV. Elle est dangereuse pour la religion.

    V. Elle doit donc tre rejete et faire place une mthodeclaire, rationnelle, panharmonique.

    FIN.