la maison de champrosay

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' DE Alphonse Daudet et ses hôtes 1 - .• 1 BERNARD GIOVANANGELI ÉDITEUR

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La maison de Champrosay (Alphonse Daudet et ses hôtes)

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Page 1: La maison de Champrosay

' DE

Alphonse Daudet et ses hôtes

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1

BERNARD GIOVANANGELI ÉDITEUR

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Page 3: La maison de Champrosay

DE

Alphonse Daudet et ses hôtes

Textes écrits

par

Isabelle BOST, présidente de l'Association Maison d!Alphonse D audet.

Anne-Simone DUFIEF, vice-présidente de l'Association Les Amis d!Alphonse Daudet.

Pierre-Jean DUFIEF, président de la Société des Amis des frères Goncourt.

Nadine VOGEL, présidente de l'Association Les A1nis de Frédéric Masson.

BERNARD GJOVANANGELI ÉDITEUR

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Les textes qui composent celle brochure sont le rappel de la journée du 22 septembre 1996 organisée en commun à CbamprosaJ' par les associations Maison d:Aipbonse Daudet, Les Amis de Frédéric Masson, Les Amis des frères Goncourt.

© B ERNARD GIOVANANGELI ÉDITEUR. Paris, 1997. © Collections particulières pour les illustrations dont la provenance n 'est pas indiquée.

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La propriété d'Alphonse Daudet à Champrosay

<< Telle quelle, sans luxe, mais très confortable, pleine d'objets amusants et désuets et de vieux meubles dont quelques-uns assez jolis, cette maison fut une grande diversion pour Alphonse Daudet, elle le rattacha a la vie. Il disait en 7"Îant : CCMot~ propriétain ! C'est incrOJiable !" Vingt ans, il avait fo.llu vingt ans... Cet amour de la campagne qu'il avait toujours eu, mais chez les autres, il pouvait a présent le satiifaire en se cher­chant des coins pour lui, des cagnards bien abrités du vent, des parties de prairies d'oû l'on ne VO)Ittit que des arbres sauvages, dans des bouffées d'air paifumées par la Seine et les plantes d'eau ... » Lucien D audet, Vie d:Alphonse Daudet.

En effet, il ava it fa llu vingt ans de séjours à C ham prosay chez ses beaux­parents, Léonide et Jules Allard, po ur qu'Alphonse D audet se décide à acqué­rir lui-m êm e une maison q ui lui permette de loger sa fa mille pendant la belle sa ison et de recevoir ses nombreux invités.

Une propriété composée d'une maison et d ' un grand terrain allan t jusqu'à la Seine, se trouve en vente à C hamprosay presque en face de la maison des Al lard, aux lieux dits des D auboeufs, des Plantes, de Rochefort et du port Saint-Victor. Alphonse D audet l'achète en 1887. Elle provien t de la succession de M . Pierre-François Cottin, hau t fo nctionnaire de l'Empire, e t appar­tient en indivision à ses en fants, M me Bido ire et M M . Cottin frères. Un des fi ls de Pierre-François

Entrée de la propriété d'Alphonse Daudet route d e Corbeil (actuellement rue Alphonse­Daudet).

Cottin, Auguste Cottin, a acheté la propriété VO!Sll1e (actuell ement 29, rue Alph onse-Daudet) à la suite de M . Frédéric Vil lot, l'ancien p ropriétaire décédé en 1875. Frédéric Villo t était ami d 'Eugène Delacroix et gendre du baron Paul Barbi er, ancien conseiller municipal de D raveil et propriétaire à C ham prosay. La fi ll e d 'Auguste Cott in est m ariée à Frédéric M asson, ami d 'Alphonse D audet et cousin d 'Edmond de Goncourt. La fa mille D audet visite la maison pendant l' hiver et Alphonse D audet se décide immédiatement à l'acheter. Le 5 avril 1887, Alphonse D audet donne pouvoir à maître Gouget, avoué, de le représenter lors de la vente de cette propriété aux enchères publiques, qui a

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li eu le lendemain au palais de justice de Paris. Le 6 avril , le juge tenant l'audien ce publique de la chambre des criées du tribunal civil de première instance du d épartement de la Seine procède à la vente aux enchères publiques en un seul lot de la propriété Cottin . La mise à prix a é té fa ite à 90.000 francs : '' Aussitô t les bo ugies allumées et après qu' il a été donné publiquement connaissance du montant des frais de vente conformément à la lo i, maître M aza avoué enchérit à quatre-vingt-dix mi lle cinquante francs e t maître Gouget avoué à quatre-vingt-dix mi lle cent fran cs en sus des charges . Attendu que pendant la durée de tro is fe ux consécutifs sur cette dernière enchère, il n 'en est pas survenu de plus élevée, n o us adjugeons en consé­q uence à maître Gouget, avoué p lus offrant et derni er enchéri sseur, so us la rése rve pour sa partie du droit de déclarer command dans le délai prescrit par la loi la propriété de la contenan ce de cinq h ectares quarante-six ares q uatre-vingt-quato rze centiares située à C hamprosay, commune de Draveil (Seine-et-Oise) route départem entale numéro vingt-n euf de Villeneuve à C orbeil, moyennant le prix principal de quatre-vingt-dix mille cent francs, en

La maison d 'Alphonse Daudet. Photo prise dans les années 1890 depuis la route de Corbeil. © Bibliotbèqur nntionn!t• dt• Fmnrr.

sus des ch arges e t des frais de vente taxés à la somme de dix-n eu f cent soixante-dix-sept fran cs cinquante centimes. »

Dès la mi-mai 1887, la fa mille s'install e à C hamprosay. Elle fa it très peu de transfo rmations, conserve quasi intacte l' implantation de la maison et d u parc. Alphonse Daudet fa it construire une sall e d 'a rmes et agrandir un petit bâtiment qu'il appellera l'« isba »

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La maison, grande et confortable, est en bo rdure de la route de Corbeil. C'est également le lo ng de cette route q ue se trouva ient les deux précédentes dem eures d'Alphonse Daudet.

« Ob! cette route de Corbeil, la place qu'elle tenait dans ses souvenirs 1 Son er~fance, sa jeu­Jzesse, en étaient comme traver­sées d'une la1ge chaussée toute poudreuse, ot't se déroulaient les grands événements de sa vie. " Alphonse Daudet, La Petite Paroisse. 1895.

Le potager près de la maison de Daudet. En arrière­plan la paro isse de C hamprosay.

C'était une grande maison botogeoise, comme on disait jadis, bâtie sans doute a la fin du règne de Louis-Philippe "· Lucien D audet, ibid.

Elle es t protégée de la ro ute par une grille, fermée par des volets, et une rangée de marronniers et de tilleuls. La porte cochère s'ouvre sur une cour d'honneur, pavée e t sablée, garnie d 'oran gers en caisses. La ma ison compo rte une partie p rincipa le avec au rez-de-chaussée un sa lon, une sall e à m anger et un cabine t de travai l ; au premier étage se tro uvent les chambres de la famill e D audet et au deuxièm e étage, les chambres des invités de m arque (notam­m ent celle d'Edmond de Goncourt). La maison est aussi composée d'une aile à angle droit avec au rez-de-chaussée l'office, un réfectoire pour le personnel, une sall e de bains et à l'étage, les chambres pour le personnel ou les invités. Sur la ga uche, derrière cette aile, se situe une pe tite cour pavée entourée de bâtiments : un pavillon - logem ent du jardinier -, une grande rem ise avec chambre aux graines et réservoir pour les ea ux de Se ine, une remise avec sel­lerie et écurie pour deux chevaux et un grenier à fo urrage .

Le parc à l'angla ise descend jusqu'à la Seine << Ce parc ne ressemble pas à tous les parcs. Il est sem é de constructions

p ittoresques e t de maisonnettes qui lui donnent l'aspect d'un ham eau enfo ui dans la verdure ", écrira Adolphe Brisson en visite à C hamprosay.

La proprié té se d iv ise en deux parties, sé parées par le chemin de la Croix, de C hamprosay à Soisy-sous-Etiolles, dit chemin du bas de C hamprosay. La partie haute, de 3 h ectares et 65 ares, est la p lus impo rtante. La partie basse, en bordure de Seine, fait 1 hecta re et 82 ares.

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Des fenêtres de la ma1son, on peut voir, au-delà du parc, la Seine et les coteaux de Ris-O rangis. Les pièces du rez-de-chaussée donnent sur une te r­rasse à laq uelle on accède par un petit escali er. Vingt-quatre vases en fon te, contenant des géraniums, décorent la terrasse et l'escalier. En bas de ce der­nier, un espace recouvert de gravier, est am énagé avec des bancs, des fauteuils e t des arbustes en po ts (orangers et lauriers roses).

Plus bas, un jardin d'agrém ent où Alphonse Daudet aime se prom en er, un bassin circu laire qu' il a fait agrandir, des terrasses, des massifs, vingt vases posés sur des pilastres et remplis de fle urs (géraniu ms, fuchsias . .. ), un kiosque. A la suite se trouvent un petit potager e t un grand potager, un puits couvert, des arbres fru itiers en plein rapport, cinq bassins et des réservoirs d 'eaux de Seine. Un petit bâtiment en briques masque le potager : il s'agit de l'« isba "• lieu de lecture et salle de bill ard d'Alphonse Daudet, qu' il fait agrandir dès son arrivée.

'' [. . .} C'étrtil celle ancienne resserre à outils que Richard avait aménagée en salle d'armes, en .faisant poncer et vernisser les poutres du plafond et les revêtements en sapin des murs, ce qui donnait à la p ièce, avec des na/les jetées et des pièces de tapis d'Orient, un semblant d'mpect russe "· Alphonse Daudet, ibid.

Pl us bas, le parc se d ivise en deux pa rties : à d ro ite un bois, à gauche des jardins et des terrasses. De larges allées de marronn iers ou de tilleuls, bordées de bancs, traversent le parc et les jard ins, ains i que des chemins recouverts d'a rceaux où grim pen t rosiers et vigne. Les jardins sont plantés de vign e, d'arbres et arbustes d'agrément, de mass ifs fl euris (œill ets, p ivoines, lis . .. ) e t se term inent, près du chem in du bas de Champrosay, par un tenn is. Les ter­rasses sont recouvertes de vases fleuris. Qyand Alphonse Daudet achète la propriété, il acq uiert par la même occasio n les plants prêts pour le prin­temps : 1500 boutures de gérani um s, 100 giro flées, 200 fuchsias, etc.

En bas, une allée de tilleuls, appelée "allée du curé" longe le chem in du bas de Champrosay. Le curé de Draveil était un fi dèle des dîne rs du jeudi. On accède au chemin par une grille en demi-lune qui existe toujours.

Plusieurs bâtiments, un véri table petit village, en touren t la chapelle Sainte­H élène, propriété de la commune de D raveil. O n retrouve aujourd'hui les traces de la plupart de ces maisons d'habitatio n :

la maison Limonea u Poirier, q ui comporte tro is logemen ts de rapport. le pavillon Qyantinet, derrière la chapelle. la m aison Coca.

" Ces Huchemrd, ces wrieux loccttaires de Daudet, ces deux êtres .faisant partie des sept âmes dont il est, ainsi qu'il le dit, le seigmm: Ce man~ à l'aspect desséché d'un sauvage, celle femme, a)1ant carrément renoncé à son sexe, à l'air jovialement gouaillew; à la ressemblance avec Got, ce ménage passant sa vie à pêcher ou à courir la forêt de Sénart à la recherche de chenilles les plm rares, et wltivant dam son tout petit jardin les plus belles roses de la terre, ces gens se piquant le nez tom les dimanches avec un petit v in blanc du Poitou, en compagnie de mm iciens, de chantwses, de farceurs, ces petits bomgeois parisiens dans un intérieur au mobilier de Robinson Cmsoé, re·venm

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aux vraies et franches joies de la vie de la nature "· Jo urnal des frères Goncourt, [lundi 25 juin 1888].

Le pavillon de travail d'Alpho nse Daudet.

::· ::·

Q.1and il s emménagent, une des maisons est libre. Jules Ebner, le secrétaire d 'Alphonse D audet, s'y installe avec sa famille.

Alp honse D audet fait construire une salle d 'armes en 1888, po ur son fil s Léon et am énage un des bâti­m ents en ate lier de peinture pour Lucien. D e la m aison , on accède à la chapelle en passant derrière l' isba par un chemin couvert d'arcades sur lesquelles po usse de la vigne.

Le bas de la propriété, entre le chemin du bas de Champrosay et le chemin de contre-halage, comprend des bois, des taillis, des arbres et des arbustes d'agrément. C'est là que se trouve le cabinet de travail hexago­nal qu'Alphonse Daudet adopte tout de suite. C elui-ci existe toujours. Il comporte deux p ièces, sur deux niveaux. D e ses fenêtres, on peut voir couler la Seine.

La v1e à Champrosay es t tranquille, proche de la nature :

" j'ai été élevé de bonne heure par mon père - qui était un très grand éducateur -dans cette idée, que si l'on voulait écrire, il jàllait avoir la vie la p lus régulière, la plus normale et la plus tranquille qui soit. A lphonse Daudet était partisan, pour le roman­ciet; pom· le p!Jilosopbe, pour le journaliste, de la famille, de son abri et rifuge et -après une jeunesse qu'il avait eu assez omgeuse - de la conduite régulière de la vie "· Léon D audet, Études et Milieux littéraires. 1927.

C'est donc une vie régulière, proche de la nature qu'il s'efforce de mener et de faire mene r à sa famille. Les premières années, Alphonse D audet pro­fite de la région. Il canote sur la Seine avec ses amis et avec Léon Alard, son

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beau-frère. << Il n'est pas un repli du fl euve que je n'aie explo ré, jadis, pas une île où je n'aie déjeuné en joyeuse compagnie. O h ! ces îles de la Seine, l'île d'Amour, près de Corbeil, e t ces bras de l'orge si verdoyants, e t ces cabare ts où l'on confectionne, avec du vin bleu, de si savoureuses m atelotes ! [ ... ] », confiera-t-il à Adolphe Brisson venu lui rendre visite. Il fa it de grandes promenades dans les champs avec son fils aîné ou dans la fo rêt de Sénart à la recherche de champignons et de châtaignes - la réco lte éta it alo rs mangée en famille le soir. Mais lorsqu' il achète la propriété Cottin, D audet est déjà malade et éprouve des difficu ltés à marcher. Il ne peut

Plus fa ire que des promenades dans d Le parc vu e la ma1son. le parc au bras de sa femme, de son secré taire, Jules Ebner, ou de ses amis. Ces promenades deviennent même de plus en plus diffic iles et il est parfois obligé de rester toute la journée sur la terrasse qui domine la vallée de la Seine. Ce parc a donc pour lui une grande importance : c'est le seul lien direct qu'il conserve avec la campagne et les bois qu' il apprécie tout particulièrement.

Alphonse Daudet est toujours très fier de m ontrer son << domaine '' · Cependant, il préfère les endro its sauvages aux massifs trop sophistiqués. Parlan t d'Edmond de Goncourt, Léon Daudet nous d it (dans Les Œuvres dans les H ommes. 1922) :

" Il fallait l 'en/encire, se promenant avec mon père el ma mère, dam les allées du parc de Champrosa)l, lesquelles clé-valaient, en pente douce, vers la Seine, et expliquant

Le tilleul plan té par Edmond de Goncourt.

ti lleul derrière la maison d'Alph onse à cet emplacement en est un rejet .

'· ., .. · . .;: ._

qu'il fo l/ait abal!re tel ou tel arbre à cause de la vue. Mon père, appuyé sur sa canne, ajustait son monocle, regardait l'arbre, comme tm médecin, à l'hôpital, regarde tm enfimt condamné et répli­quait : "VoJIOJH, Goncourt, il ne fa it de mal à personne, cet arbre. Il n)! a, s'il obstrue l'horizon, qu'à se déplacer un peu par rctpport à lui. " "

Edmond de Go ncourt a1me beau­coup le jardinage, mais plus à la manière d'un citadin. Il a planté un

Daudet. L'arbre que l'on vo it aujo urd'hui

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La journée d 'Alphonse Daudet se déroule de façon très régulière. Le matin, il passe une heure ou deux sur un banc circulaire à l'ombre d'un frêne pleu­reur, dans la partie gauche du parc. Il aitne aussi rester sur la terrasse, face à la Seine, installé dans une sorte de guérite d 'osier. Il y passe parfois des jour­nées e t des soirées entières. Après le déjeuner, Alphonse Daudet descend au bras d'Ebner, son secrétaire, jusqu'au pavillon h exagon al en pierre, au bord de la Seine. Là il lit et écrit. Julia Daudet vient le rejoindre et travaille à ses côtés. Pendant ce tetnps, Léon étudie : il prépare ses exam en s (après avoir échoué au con cours d ' in ternat, il renoncera à la m édecine en 18 91 pour se consacrer à J'écriture). Lucien, lui, passe son tetnps entre le jardin et la laite­rie. Edn1ée se repose, gardée par sa nourrice. Enfin les enfants rejo ignen t leurs parents près de la Seine. En fin d'après-n1idi, lo rsque la chaleur décroît, tous partent en promen ade. ~and Edmond de Goncourt es t à Champrosay, c'est Léon qui est chargé d'aller le chercher. L'ami laisse là son travail en train et tout le n1onde monte dans le landau fan1ilia l pour aller vers Corbeil, Brunoy, Etampes. Parfois, Edtnond de Goncourt fa it arrêter la voiture pour acheter un jouet pour la petite Edmée, sa fi lleule. Le soir, le gong de la maison retentit pour prévenir de l'arrivée d'un voisin qui s'invite à dîner. Toute la fan1 ille rejoint alors la maison en traversant le parc. Après le dîner, Alphonse, Julia et les enfants vont jusqu'au p otager adtnirer le coucher de soleil sur la Seine, puis regagnent lentement la maison. Les enfants vont se coucher. Alphonse et Julia restent dans le cabinet de travail, au rez-de-chaussée à travailler jusqu'à 11 heures-minuit. Alphonse Daudet écrit debout appuyé sur un haut pupitre, sa fetnm e s'installe sur un canapé à côté.

« Le jeudi soir tout était dijflrent. Le petit garçon qui n~aimait que la campagne et la solitude close et protégée par ses

parents~ craignait tous ces amis qui parlaient à haute voix, qui rompaient les calmes habitudes. » Lucien Daudet, ibid.

Arrivent voisins, amis, journalistes, écrivains et artistes confirmés ou non, connus ou inconnus. Presque tout ce que l'époque compte de personnalités fréquente les jeudis de Champrosay. Ce sont trois génération s qui se retrou­vent autour d'Alphonse Daudet : celle d'Edmond de Goncourt (né en 1824), celle d'Alphonse Daudet (né en 1840) et celle de ses enfants Léon e t Lucien (nés en 1867 et en 1878).

D ès la n1ort de son mari, Julia vend la propriété (vide de m eubles) à M et Mn1e An1iot. Ceux-ci la transmettent ensuite à leur p etite-fi ll e, Yvonne Amict, mariée avec un avoué parisien, Jacques Perrody. Puis Mme Perrody la vend en 1946 à une communauté religieuse. La maison s'appelle alo rs le prieuré Saint-Jean. La partie de terrain en bord de Sein e est séparée de la propriété et vendue. En 1969, l'Association de santé mentale du 13e arrondissement de Paris devient propriétaire de la n1aison et du terrain situé en tre la route de Corbeil et le chemin du bas de Champrosay. En 1988, le parc est vendu à

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un constructeur et en 1991 la matson est acqutse par M. et Mme Bost, les actuels propriétaires.

Depuis la mort d 'Alphonse D audet, les différents propriétaires de la mat­son , conscients de l'intérêt patrimonial de ces lieux, ont veill é à ne rien détruire de l'h armonie du site. Si les bâtiments et le parc ont manq ué d 'entre­ti en, comme d'ailleurs d e nombreuses dem eures de notre région, rien n'est venu les défigurer. Une procédure de classem ent du site est en cours, ams1 qu'un projet de réhabilitation et de mise en valeur du parc.

Isabelle BOST

Alpho nse Daudet.

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Alphonse D audet à Champrosay

La grand p ublic associe Alphonse D audet au M idi et très peu à l' Il e-de­France. Cela tient à la notoriété des Lettres de mon Moulin et de Tartarin de Tarascon qui ont fa it complètement oubli er les années passées à Champrosay. Or, l' Ile-de-France est très importante dans l'œuvre d'Alphonse Daudet comme dans sa vie.

D audet quitte Nîmes à 9 ans, il s' in stalle à Lyon jusqu'à l'âge de 16 ans et monte à Paris à 17 ans. Il retournera dans le Midi pour des vacances (à Fontvieille chez les Ambroy), mais il n 'y habitera plus jamais. Il vivra qua­rante années à Paris : cela justifie am plemen t que l'on s'in téresse à l'i nspira­tion parisienne dans son œ uvre et à la place de C hamprosay.

Pourquoi CbamprosaJ' ?

Daudet découvre la région de Draveil grâce à sa femme ; Julia Allard était la fi lle de Léonide et Jules Allard, petits industriels (menuiserie-ébénisterie) du fa ubourg Saint-Antoine, et également poètes et écrivains - ils publièrent Les marges de la vie et se montraient fiers des félicitations de Victor Hugo à qui ils avaient envoyé leur recueil à Guernesey.

Avec les All ard, D audet pénètre auss i dans un milieu républica in. Ju les All ard avait été impliqué dans la conjuration de Barbès. Léon ide All ard éta it la fi lle du maire de Vigneux et son père éta it propriétaire du châtea u de Vigneux, un très vaste domaine construit à la Renaissance et te rminé au XVIIIe siècle, dont le plus bel ornement étaien t des cascades et de nom­breuses pièces d'eau.

Le premier domicile des Daudet se ra do nc ce château de Vigneux ; en effet, il s se marient le 1er janvier 1867 et dès mai, s'y installent jusqu'en octobre 1867. C'est à Vigneux, lors des six mois de villégiature, qu'Alphonse Daudet rédige Le Petit Chose :

<< C'est seulement l'été venu, sous les ombrages elu château de Vigneux dont on voit la toiture italienne et les hautes fittaies se dérouler dam la p laine de Villeneuve-Saint­Georges que je m'ai remis a mon interminable roman. Six mois délicieux, loin de Paris, alors bouleversé par celle exposition de 1867 que je ne voulus pas même aller voir 1

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j'écrivais Le Petit Chose, tantôt sur un banc moussu au fond du parc, troublé par des bonds de lapins, des glissements de couleuvres dcms les bruyères, ou bien en bateau sur l'étang qui s'irisait de toutes les teintes de l'beure dans un ciel d'été; et encore, les jours de pluie, dam notre cbambre où ma femme me jouait du Cbopin, que je ne peux plus entendre sam me figurer l'égouflemmt de la pluie sur les boules vertes des cbar­milles, les cris rauques des paom, les clameurs de la faisanderie parmi les odeurs de fleurs, d'arbres et de bois mouillé. ,,

Daudet et son épouse Jul ia.

Le châtea u va être vendu en 1868, après la mo rt de son propri étaire, Jacques Navoit, grand-père de Juli a D audet. Ce domaine représentait un énorme capital qu'aucun de ses quatre enfants ne pouvait reprendre. De son vivant, cette vente prévisib le réjouissait le vieux monsieur, personnage assez terrible que D audet a transposé dans son ro man Fromont jeune et Ris/er ainé sous le nom de Gardinois :

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« Avec le vieux Gardinois - dit Daudet -j'ai fait de la peine à quelqu'un que j'aime de cœu1· (sa belle-mère), mais je n'ai pas pu supprimer ce f:ype de vieillard égoïste, terrible, de parvenu implacable qui pmfois sur la terrasse de son parc, enveloppant de son grand regard avide, les grands bâtiments de la firme et du château, les bois, les cascades, disait à ses erifants : "Ce qui me console de mourù; c'est qu'ap1·ès moi, aucun de vous ne sera assez riche pour conserver tout cela !" [. . .} »

Les acheteurs s'empressent de détruire le ch âteau et construisirent une « villa type casino '', nous dira Lucien Daudet.

Les Allard vont louer la propriété de Delacroix pendant trois saisons (étés 68, 69, 70). Alphonse et Julia se sont installés dans l'atelier de Delacroix. C'est là, que D audet écrit Tartarin de Tarascon (reprise d'un avant-texte paru dans un journal sous le titre de << Charpatin, tueur de lions » en 1865).

I.:été 1870 est marqué par l'invasion prussienne ; Alphonse Daudet se casse la jambe à C hamprosay et cet acciden t l'empêchera de rentrer à Paris avant l'automne. Il n'y aura pas de villégiature en 1871 pour des raisons politiques.

En 1872, les Allard rachètent et aménagen t une maison qm se trouve en face de la côte de Ris-Orangis, actuellement au n° 22 de la rue Alpho nse­Daudet. Po ur Daudet, 1872 est une année d 'échecs littéraires : L es Contes du Lundi se sont mal vendus, I.:Adésienne et Lise Tavernier ont été des << fours ».

Daudet envisage presque de renoncer à la carrière d'écriva in et de devenir fonctionnaire. Il avait été secrétaire du duc de Morny et il pense retrouver un emploi dans l'administration. Il faudra une énergique intervention de Julia pour qu'il ne renonce pas à la carrière littéraire.

Il est très déprimé et décide de passer six mois dans la maison de ses beaux-parents. En voici une description par Edm ond de Goncourt :

« Une grande maison blanche, sans caractère, à laquelle sont accolés un tas de petits communs, réserves, d'appentis, de bâtiments de guingois, mis de niveau paT deux ou trois marches, d'escaliers montant ou descendant et reliés pm· des portes sous lesquelles les gens un peu grand doivent se baisse1: Une maison combinée pour loger trois ménages avec des potées d'enjànts 1 [. . .} »

Dans cette maison du << haut de la Côte » cohabitent Léonide et Jules Allard , Léon, Julia et Alphonse D audet, puis Lucien (né en 1878) et Edmée (t:ée en février 1886). S'ajoutent à la m aisonnée le fils des Allard, Léon, qui a épousé Anna Daudet, la petite sœur d'Alphonse, avec qui il a eu trois enfants, et également la grand-mère Navoit ; Vincent et Adeline Daudet, parents d 'Alphonse Daudet complètement ruinés sont bien souvent invités. Cette m aison de villégiature n'était ouverte que l'été, et l'hiver les Allard habi­taient leur hôtel particulier de la rue Saint-Gilles au Marais.

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Léon et Lucien Daudet.

La vie quotidienne y devint diffi­cile au fil des séjours estivaux ; les collatéraux ne s'entendaient pas tou­jours très bien . Léon Allard était également romancier, mais n'avait guère de succès ; sa m ère, dont il é tait le préféré, jalousait le renom littéraire de son gendre. Cela don­nait quelques tensions e t frictions qui devinrent si fortes qu'Alphonse et Juli a décidaient souvent de p artir villégiaturer ailleurs. Ils coupaient le séjour en deux pour ne pas avoir à rester de juin à octobre ; ils se sont rendus plusieurs fois en Suisse, ainsi qu'en Bretagne.

En 1886, la na issance d'Edmée donne un prétexte pour déménager et au printemps 1887, ils font l'acquisition de la maison, q ui est actuellement au 33 rue Alphonse­D audet.

Le domaine couvre alors six hectares, depuis la rue jusqu'à la Seine c'est une propriété d'agrément et de semi-rapport.

Ils l'achètent à M. Cottin, haut fonctionnaire de l'Empire : 112.000 francs or, frais compris. Daudet écrit à son cousin que « ce n 'est pas une folie ! »

et de fait, il laissera à sa mort 550.000 francs or, ce qui correspond à une très belle fortune, ana logue à celle de Zola .

Les lieux se composent d'une maison et d ' un parc qUI présente la particu­larité d 'être << semé » de petites constructions, ce qui était conforme à l'esthé­tique d'un parc bourgeois à la fin du siècle dernier :

D'abord, La petite paroisse, c'est-à-dire des maisonnettes qUI JOUxtent une petite chapelle, d'o ù le terme << paroisse », et qu i sont louées. Lorsque l'une d'ell e deviendra vacante, Alphonse y installera son secrétaire : Ju les Ebner. Alphonse D audet l'avait rencontré en 1870 ; celui-ci travaillait au j ournal offi­ciel et ne donnait à D audet que ses dimanches.

Dans l'aile de la ma ison était installée une salle de bains, luxe rare à la campagne !

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Au bord de la Seine, était construit un pavillon hexagonal qui devint le cabinet de travail favori du romancier. C'es t là qu 'il écrivit l' Immortel en 1888.

En remontant de la Seine vers la maison, on trouvait l'Isba, qui était un pavillon bas rectangulaire, décoré à l'intérieur de bois, ce qui évoquait vague­m ent l'architecture russe, d'où ce nom d'isba . C'est là que Daudet allait faire la sieste, lire son journal. ..

Il y avait également un atelier de peinture aménagé pour Lucien D audet et une grande bâtisse qui servait d'orangerie pendant l'hiver et de salle d 'escrime pendant l'été. Alphonse Daudet avait été un très bon escrimeur, m ais ne pou­vait plus en 1887 se livrer à ce sport. En revanche, Léon D audet s'y adon­nait, ce qui lui a servi dans la suite de sa carrière ! ...

Un tennis pour Lucien surtout, adepte d'un sport qui était alors très chic et très snob.

On doit ajouter les constructions végétales plus légères : un grand nombre de charmilles, de tonnelles, de roseraies ... Pourtant, ce parc n'était pas très bien entretenu. En effet, Daudet voulait absolument lui laisser l'aspect le plus naturel possible ; il avait même réservé un endroit où les jardiniers n'avaient pas le droit d'aller.

En outre, un long verger et un grand potager servaient à alimenter la table de Champrosay, mais également celle de Paris. Q!land il y avait des surplus, ils étaient vendus au marché de Corbeil.

Derrière la maison, il y avait une écurie pour les chevaux, une étable où se trouvait une vache qui fournissait le lait pour les enfants, et des ânes pour les promenades d'Edmée, puis du petit Charles, fils de Léon et de Jeanne Hugo.

Cette ma1son pouvait passer pour une maison relativement luxueuse. Si on en croit le témoignage de Lucien D audet « C'était une maison confortable ... ,, Mais lors­que Lucien écrit ces lignes, il est devenu le familier de l'impératrice In térieur de la ma•son photographié en 1937.

Eugénie : il s'est habitué à un luxe de plus en plus grand, aussi est-il difficile de lui accorder un total crédit !

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L'avis d'Alphonse Daudet sur sa maison, celui qu'il livre à une aime peintre Virginie Demant-Breton es t très intéressant :

<<j'ai deux cabinets de travail, celui que vous connaissez près du salon où je ne fais que transcrire et épurer ce qui est dt{jà écrit, mais ce n'est pas là que je compose. Dans cette demeure confOrtable et cossue, je ne me sens pas chez moi. Il me semble que je suis chez un botngeois riche, l'un de ceux à qui je reprochais leur opulence, l'un de ceux à qui je montrais le poing quand j'étais le pauvre Petit Chose. je vous jèrai voù· tout à th eure mon vrai chez-mot~ le toit rustique sous lequel je me retire aux heures où je n)! suis pour personne . .. ,

Daudet dans le fond de sa propriété bordant la Seine.

C'est une opm10n qui peut paraître surprenante mats elle est corroborée par Edmond de Goncourt en juillet 1890 :

<< Le pauvre ami disait, quelques instants après, en se promenant de·vant la grille du fond du parc : «Comme je fois bien le monsieur d'une grande propriété... Out~ le mon­sieur qu'on promène dans une petite voiture ou le monsieu1· qui donne le bras à une sœur . .. Car c'est toujours comme ça dans les grandes propriétés r ,

A l'époque où il acquiert cette propriété, Daudet a réussi sur le plan mon­dain et professionnel, m ais depuis 1884 il souffre d'une grave maladie, le tabès, consécutif à un accident syphilitique (une paralysie des cordons m édul­laires arrières) ; il en est arrivé à n e pl us pouvoir marcher et ressent de vio­lentes douleurs.

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La vie quotidienne a Cbamprosay

La vie quotidienne à Cham.prosay était consacrée au travail et aux plaisirs d ' une villégiature fami liale : promenades et parties de canotage ... La vie cul­turelle était intense le jeudi, jo ur où les D audet recevaient. C hamprosay était bien relié à Paris ; trois trains permettaient de venir passer l'après-midi ; géné­ralement, le maître de m aiso n envoyait un break à la gare de Ris-Orangis pour aller chercher les invités, m ais certains venaient tout simplem ent à pied en traversant le pont de Ris.

Les visiteurs appartenaient au monde des lettres et des arts. Les intimes étaient gardés à dîner et les autres ne venaient que pour l'après-midi. Le nombre des convives variait énormément d'un jeudi à l'autre. Aucune contrainte dans ces réceptions à la campagne :

« [. . .} Nous arrivions a toute beure, libres d'errer dans les méandres ou d'écouter l'enchanteur assis a l'orée du jardin avec le grand vieillard aux cheveux d'argent [Edmond de Gonco~u"lj... ''

Les familiers de la m aison étaient entre autres : François Coppée (un voi­sin), Nadar qui avait une maison à l'ermitage de Sénart, Drumont qui villé­giaturait à Soisy-sous-Etiolles ... Les habitués du salon D audet à Paris étaient très nombreux et il est difficile de savoir avec précision quels sont ceux qui sont venus à Champrosay et ceux qui sont venus rue de Bellechasse. Tous les témoignages de l'époque citent en vrac une cinquantaine de noms m ais sans préciser s'il s'agit d ' invités de la rue de Bellechasse, à Paris, ou d'amis qui fai­saient le voyage de C hamprosay.

Daudet aimait beaucoup la musique. Lorsqu' il pouva it orgam ser un petit concert après dîner, il en était ravi.

Augusta Holmès, que Daudet appréciait tout particu lièrement a très sou­vent chanté ses m élodies à Champrosay.

Emma Calvé, cantatrice, q ui a créé le rôle de Saph o est venue avec Massenet présen ter en ava nt-première l'opéra à Daudet qu i ne pouvait plus se déplacer.

Daudet n'était guère am ateur de peinture, mais Ju lia appréciait cet art ell e rappelle la venue un jeudi de Whistler

" Autre figure originale, près du parc de Cbamprosay, en nos jwdis littéraires, celle de Wbistlet; si baudelairien d'aspect, de rire, de paradoxe... Sa vot~Y: résonne encore devant cette petite véranda. Et son discours capricieux traite avec bonheur de tous les sujets : art, liuérature, souvenirs, accidents de sa v ie d'artiste a Paris comme a L ondres [. .. } " Extrait du }oumal de Julia D audet.

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Les portraits de q uelq ues-uns des écriva ins q u1 aim aient à ven1 r à C ham prosay retrouver Al phonse et Ju lia D audet. A gauche, de haut en bas : C . Leconte de Lisle, J. K. Huysmans, I. Tourgéniev, G. Flaubert ; au milieu e n haut : T . de Banvi lle ; à dro ite, de hau t en b as : E. de Goncourt, G . de Maupassant, Sully-Prudho m me, F. Coppée. © Bibliothèque nationale de France.

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Cette maison de Champrosay p araissait à Daudet suffisamment lo in de la capitale pour être transformée en « centre culturel », car l'écrivain estimait que la campagne procurait une indispensable liberté vis-à-vis des journaux, des théâtres ... Il avait m êm e envisagé de fonder une revue :

« ll faut que je vous confie un projet. Depuis longtemps, on me sollicite pour fonder une revue. Un éditeur de New Yorfl m'a offirt dernièrement la direction d'un magazine à des conditions superbes, avec 1 million de capital ... Mais une autre idée m'est venue : celle de créer au fond de ma solitude, un journal que j'appellerai '' le journal de Champrosay » et dans lequel je dirai chaque semaine mon mot su1· ce qui se passe. Le mot du philosophe qui voit les événements de très loin et qui les juge sans passion . .. »

Daudet meurt le 16 décembre 1897. Julia vient passer l'été 1898 à Champrosay et elle y est en proie à une dépressio n nerveuse qui va l'amener à vendre la maison. Elle la vend dès 1899 et ne retournera plus dans la région de Champrosay-Draveil.

Elle lo uera un château, le château de la Roche près d'Amboise. Puis, elle l'achètera. Voici un extrait de son journal (été 1898) :

« Son Champrosa)l qu'il aimait tant, je veux y rem.vre une saison de lui ; je retrou­verai au b01·d des allées et des détours son pas hésitant et son active conversation. j e m'arrêterai aux mêmes endroits d'où ce paysage de Seine-et-Oise lui plaisait le mieux : En haut du potage1; oû l'on voit le plein ciel, les nuits d'étoiles, ou sur la terrasse qu'il mpentait vers le soir avec des repos dans sa guérite d'osie1; tm peu penchée, a)1ant gardé quelque chose de son attitude à lui . ..

je suis venue ici - écrit-elle dans son journal été 1898 - comme en pèlerinage et pour savoir si je pourrais me réaccoutumer d'y v ivre. Quelle absence de lUJ~ pm-tout si visible et si sensible 1 De son cabinet de travail, je ne puis conserver la distribution ancienne, qui nous le montrait à toute beure dans le jour de sa ftnêtre, penché sur son haut pupitre, les J'eux sur ses cahiers, et tout de suite quand on entrait, l'accueil de son sou1·ù·e, vers le salon ou vers la terrasse. Je l'ai vu là 12 ans, travaille!; souffrù; goûter aussi, les heures de repos avec la lecture de son Montaigne ou de son Balzac, ou quelque 1-elation de lointains VOJ'ages ... Il se promenait de long en large sur la véranda, su1·tout vers le soi1; car les jours de grosse pluie ou d'omge, il s)! fixait dans sa cabane d'osie1; tout frémissant du trouble atmosphérique [. .. ] "

La région de ChamprosaJ' a inspiré de nombreux ouvrages de Daudet

Sa n otoriété actuelle est due à trois ouvrages d e jeunesse, tous écrits avant 1872 ; et il n e faut pas oublier que pour ses contemporains, il était avant tout un romancier réa liste et naturaliste. Ces ouvrages là, qui l'ont fait connaître même si aujourd 'hui no us les conn aissons moins, sont largem en t inspirés par l' Il e-de-France et cette région de Sénart.

« Robert H elmont " (1873) est une nouvelle autobiographique qlll raconte la guerre d e 1870 dans la forêt de Sénart.

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Fmmont jeune et Ris/er aîné (1874) se passe partiellement dans le château d e Savigny-sur-Orge, transposition du château de Vigneux.

La forêt de Sénart et le village d'Etio lles sont décrits dans j ack (1876). Le roman La Petite Paroisse se passe dans le vill age de Champrosay et ses

environs immédiats. D audet transpose une anecdote concernant l'édification de la petite chapelle d édiée en 1866 par Napoléon Qyantinet à sa femme adultère et repentante.

La Féd01·, qui m et en scèn e une actrice, se dérou le à Villeneuve-Saint­Georges. Daudet évoque la plaine de Wissous (actuellement Orly) ou la route du pavé du Roi ...

On a vu en Daudet un romanCier << impressionniste "· Or, Champrosay proposait des sujets et des m otifs qui avaient inspue a la fois des peintres impressionnistes et des romanciers. Ce regard renouvelle l'inspiration de l'écri­vain. L'expérien ce que fait Daudet dans la forêt de Sénart est ana logue à celle de D elacroix, au Maroc ; dans les deux cas, il s'agit de la découverte des cou­leurs. Comme le peintre, le romancier m éridional découvre que les couleurs sont plus vives sous les cieux gris, comme le sont les cieux d ' Ile-de-France que sous l'ardente lumière du Midi.

Il note sur ses carnets après une promenade en forêt de Sénart :

'' j e sais maintenant ce qu'est la lumière du Nord. L es objets y rayonnent comme par eux-mêmes el pour ainsi dire sans le secom·s de la lumière de là-haut. Le soleil ny est pas. L es couleurs dansent comme des souris - rayonnement intérieur - lumière concentrée ... Au lieu de notre grand épatpillement lumineux du Midi. Toul cela encore très vergue dans ma tête mais je sens que jy suis ! Dans le Mid1~ la lumière est sur les objets, dans le Nord, elle est dedans ! [. . .} ''

Cette attention à la lumière et aux couleurs, qu i sont très caractéristiques de la description impressionniste telle que la pra tique Daudet dans ses romans, on peut dire que c'est un legs de Ch amprosay ...

Anne-Simone DUFIEF

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Edmond de Goncourt à Champrosay

Daudet était fasciné par les grandes amitiés littéraires et il eut l' impression de vivre avec Edmond de Goncourt l' une de ces relations exceptionnelles.

H istoire d'une amitié

L'histoire de cette amitié rem onte à 1865, très précisément au 5 décembre de cette année-là. Alphonse était venu soutenir de ses applaudissements la "première" d 'une pièce des frères Goncourt, Henriette M aréchal ; Julia Allard, qui ne connaissait pas encore son mari, était aussi dans la salle. Les Goncourt et le futur m énage Daudet n e firent que s'apercevoir lors de cette soirée par­ticulièrem ent houleuse. La rencontre effective eut lieu après la mort de Jules, chez Flaubert, qui joua le rôle de relais entre la jeune génératio n (Daudet ou Zola) et les grands aînés (Tourguéniev ou Goncourt). D audet devint vite l'un des familiers des diman ch es de la rue Murillo ; il participa régulièrement aux dîn ers qui rassemblaient les amis de Flaubert, baptisés « dîners des auteurs sif­flés », en ironique rappel des échecs théâtraux de chacun des convives. C 'est en souvenir de ces rencontres chez Flaubert que beaucoup plus tard Daudet et Zola suggéreront à Edmond de reprendre le flambeau et de réunir réguliè­rem ent auto ur de lui quelques écrivains. Le fam eux "grenier d 'Auteuil" devait ouvrir ses portes en février 1885.

Edmond ressent tout de suite une réelle sympathie pour les Daudet, même si son regard res te critique en ces premiers temps d'une amitié. Ayant reçu le jeune m én age à Auteuil pour un déjeuner, l'écrivain n ote dans son journal, le 5 juin 1874 : << La femme, qui n'est pas jolie, me paraît une bonne, une dis­tinguée n ature. » Ql!ant à Daudet, Goncourt lui trouve << l' apparence d ' un tén or d 'une ville du Midi » mais il raie ensuite cette formule.

Malgré ces quelques réserves commence alors une longue période d'inti­mité heureuse. Goncourt est l'hô te des D audet dans leurs d omiciles successifs de Paris : à l'h ôtel de Lamoignon, puis place d es Vosges, avenue de l'Observatoire et enfin rue de Bellechasse, à p artir de 1885. L'été, Edmond fait des séjours à Champrosay et toute l'année, dîners o u soirées théâtrales permettent de se revoir. C ertaines occasions de retrouvailles sont rituelles ; les deux écrivains ont leur << jo ur >> ; les D audet reçoivent le jeudi tandis

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qu'Edmond ouvre les portes du "grenier" le dimanche. Chaque année on visite ensemble le sa lon de peinture puis l'on mange chez Ledoyen. Goncourt es t un sédentaire impénitent mais les Daudet réussissent à l'entraîner avec eux dans le Midi et lui font visiter Les Baux, Arles, Avignon, Saint-Rémy lo rs d'un séjour chez les Parrocel en septembre 1885.

Edmond, célibataire solitaire, va peu à peu s'intégrer à la fami lle Daudet. Il s'intéresse aux enfants, leur fait des cadeaux. Il sera le parrain d'Edmée, baptisée le 6 novembre 1886 à Sainte-Cloti lde ; il sera le témoin de Léon, qui épouse, à la mairie du XVIe, Jeanne Hugo, le 12 février 1891. Edmond devient pour ces en fa nts une sorte de vieil o ncle, soucieux des étrennes de chacun. Le "veuf" d 'Auteuil s'épanouit au milieu de ce bonheur familia l, de ce bonheur sous la lampe cher à D audet.

Portrait d'Edmond de Goncou rt vers 1885 par A. A. Baudran. Coll. A1. Alain Barbier Srtinll' /lllaril'.

Pour Goncourt, Alphonse devient le substitut de Ju les, une sorte de double du frère disparu. Misogyne et ombrageux, l'écrivain n'avait connu des rap­ports humains vraiment harmonieux qu'avec son frère. La relation fraternelle constituait donc pour lui une sorte de modèle idéal qu'il voulut reproduire dans son amitié avec Alphonse. Edmond va construire peu à peu l'image d'un Alphonse, doub le de Ju les ; il se p laît à multiplier les ressemblances mora les,

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psychologiques ; il trouve à D audet une ironie qui était celle de son frère ; la conversation d'Alphonse, alerte et bri llante, fascine Edmond qui croit entendre les brillantes improvisations du cadet disp aru.

D audet est conscient de cette présence en arrière-plan d e leur amitié et il évoque la figure du mort aux moments solennels de la vie de son ami. Léon Daudet rappelle les propos tenus par son p ère lors du fame ux banquet offert à Goncourt, en présence de Poincaré ; dans son discours, Alphonse insiste sur « la qualité d'une amitié où s'alliait le souvenir d e Jules de Go ncourt et par ce souvenir quelque chose de fraternel. . . , Et lors des derniers instan ts de Gon court à Champrosay, D audet est à ses cô tés ; il rappelle les propos qu'il tint au m o urant dans le m ém orial d ' Ultima : « Sa belle figure aux pau­pières appesanties semble écouter ce que je lui dis de son frè re Jules, qu'il a aimé par-d essus tout ».

Cette fraternité de substitution jo ue un rôle d ifférent pour chacun des deux auteurs. D audet trouve en Go ncourt un grand frère pro tecteur qui l'aide aux m om ents difficiles, ce qui va d 'ailleurs provoquer rivali tés et querelles avec le frère selon la loi du sang, Ernest D audet. Po ur le solitaire d 'Auteuil, cette amitié est un m oyen de s'intégrer à une famille, d 'échapper à une solitude d e plus en plus pesante. Le misogyn e accepte m êm e de m ettre un bém ol à sa critique des femmes en fave ur de Julia Allard-Daudet, en qui il voit une dis­cip le. Il est vrai que Julia écrivait bien , comme une femme de l'époque p ou­vait écrire bien ; elle n 'es t pas dénuée d e talent et m ériterait certainem ent d 'être déco uverte comme écrivain . On sait m al d 'aill eurs quelle part précise elle prit à la réd action des œ uvres de son m ari.

Pourtan t le ciel ne fut p as to ujours sans nuages . Il était d 'ailleurs difficile qu'avec le caractère susceptible de Goncourt il en fût autrem ent.

Il y a entre les d eux h ommes, d es différents de sensibilité. To ut d 'abord, Goncourt est un esthète, un collectionneur, un bibliophile et accuse p ar exemple D audet d 'ouvrir ses livres sur grand pap ier avec un e allumette. D audet es t un musicien et Goncourt détes te la musique : nous constatons une totale ignoran ce d ans le j ournal du mouvem ent musical m oderne. D 'autre p art, Gonco urt est un grand visuel alors que D audet n'a p as du tout la m êm e sensibilité. Edmo nd a besoin constamment, comme Proust p lus tard, du tru­chement de l'art pour appréhender le réel alors que D audet souhaite saisir les choses de m anière beaucoup p lus immédiate. N os auteurs ont parfois des conceptions très d iffé rentes d e la littérature. Po ur Goncourt, elle est avant tout une sorte de sacerdoce et l'on doit to u t lui sacrifier, m êm e la vie de famille, alors que, pour D audet, la valeur première, c'est la famille.

M ais les tiraillements du trio viennent d 'ailleurs q ue de ces différends de sensibilité. Les potins, comme toujo urs, vont alimenter les querelles et éveiller les susceptibilités. D es rumeurs m alveillantes vont accuser Julia de vouloir cap­ter l'héritage d'Edmond. Par ailleurs, Julia va défendre la cause des femmes et

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ell e s'enfl amme contre les propos par trop misogynes de son hôte. Mais les dissensions les plus fortes viennent des vell éités académ iques d 'Alpho nse Daudet. Celui-ci critique l'Académie française dans un roman L'Immortel puis ensuite il songe à une éventuell e élection . Le père de la future académie Goncourt o bserve avec beaucoup d 'am ertume les hésitations de son héritier testamentaire.

La publica tion du journal ensuite et la crainte des ind iscrétions sur les D audet vont créer, à la fin de l'existence d 'Edmond et d 'Alphonse, une méfi ance profonde dans leur intimité amicale. En 1892, dans une interview, Jean Lorrain va déclarer que le journal posthume était féroce pour les D audet et cette révélation va engendrer un fro id durable avec Julia.

En cette fin de siècle, les écrivains sont devenus très médiatiques, la presse va s'emparer de ces désaccords pour les amplifier et l'on va jusqu'à parler de rupture entre Goncourt et D audet. Va même alors naître la rumeur d'un Goncourt martyrisé par Julia dans ses derniers instants, rumeur accréditée par la le ttre d'une jeune femme qui était amoureuse de Goncourt - Pauline Zell er - mais, il s'agit là d ' une légende comme en témoignent la correspon­dance, le j ournal et le très beau texte d' Ultima.

Goncourt à Cbamprosay

Goncourt est ven u souvent clans ces li eux de C hamprosay où il devait mo urir. Le j ournal no us rend compte d ' une première visite, le 8 jui llet 1874. Edmond a alors été reçu dans une m aison que les parents de Ju lia, les Allard,

Bo rd de Seine à Champrosay.

ava ient achetée en 1868. Goncourt es t imméd iatem ent séduit par cette vie de fa mill e à laq uell e il va peu à peu s' inté­grer et don t les D audet offren t, à ses yeux, un modèle idéal mais il est très déçu pa r la bana­lité de l'ameublement. Nous sommes lo in des raffin em en ts de la " maison d'un artiste "· Il o bserve avec un peu de déda in cet intéri eur bana l, « pe tit bo ur­geois , et il note dans le j ournal le 8 juillet 1874 : << Je va is pas­ser ma jo urnée chez Alphonse D audet, à C hamprosay, le pays

affectionné par Delacroix. Il h abite dans une maison bourgeoise, avec un bout de jardin joliment dessiné [ ... ] Ajoutez que ces aimables gens, ainsi que le logis, m'apparaissent sous un jour mélancolique en raison de l'absence de

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toute rech erche élégante ou artistique, bizarre ou cocasse. C'est le campement le plus désastreusem ent bourgeois, où l'on ne voit ni un tableau ni une gra­

vure ni un bibelot, ni mêm e un chapeau de paille un peu exotique. Là, rien, absolument rien, qui ne soit la chose commune, banale, la ch ose de tout le monde. Je ne peux me faire à cela chez les gens qui font profession libérale et ces milieux qui jurent si entièrement avec une profession d'art, m e jettent à la lo ngue - c'est bête, mais c'est comme cela - dans une profonde tristesse. , La gare de Ris-Orangis.

Goncourt viendra par la suite régulièrem ent à Champrosay pour une période annuelle de quinze jours, trois semaines ou m êm e un mois. D 'après le j ournal, il arrive généralement le 9 juillet et p arfois, il revient passer une semaine en septembre.

Le voyage n'est pas long, m ais il est pour Goncourt une péripétie et une épreuve. Goncourt est constamment inquiet de la gare où il doit descendre, des h oraires de train ... La correspondance fourmille de lettres où il demande - c'est un véritable radotage - à quelle heure il doit descendre, quel train il doit prendre ... Voici un exemple, mi-juillet 1885 : Daudet renseigne son hôte par une dépêche : « Votre train est gare de Lyon. Ligne de Corbeil. 15 h 15 . Il es t direct ou à peu près. Prenez votre billet pour Draveil-Vigneux. Nous se rons là avec le landau et nous ferons une route charmante [ .. . ] ,, Ce genre de lettre pré­cise et répétitive tém oigne de l' inquiétude de l'écrivain. Parfois, c'est la catastrophe ! Goncourt, d istrait, arrive à C hamprosay en voyageur sans bagages. << En montant en chemin de fer avec le jeune m énage, je m'aperçois au m oment où le train part que j'ai laissé mon sac de voyage sur un banc de la gare. Léon télégraphie de Villen euve-Saint-Georges, m ais la so irée se passe sans le sac. J e vais mêm e inutile­ment à la gare de Ris-Orangis, sur les minuit, par la nuit la plus noire. Je me L'allée des peupliers.

couche un peu embêté, le sac de voyage est vieux, les bouchons des flacons et les couvercles des boîtes désargentés ; m ais il y a dedans des rasoirs de Stockholm, les seuls que j'ai rencontrés tou-

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JOurs coupants, il y a un petit mtrotr qut servait à ma mère, enfin des objets de toi lette d 'une h abitude de trente ans [ ... ] , [Lundi 10 juillet 1893].

Autre mode de déplacement, rarement utilisé pour se rendre chez les Daudet, le coche d'eau, le bateau qui descend la Seine. La chaleur et la réver­bération rendent le voyage estival assez pénible et c'est un moyen que l'on emploie peu volontiers.

Le visiteur a ses m anies. Il commande à l'avance la m arque de son eau minérale et surto ut son édredon. Edmond doit fa ire effort pour se résoudre au moindre déplacement et chaque fois il es t très inquiet de multiples détails, qui témoignent de son ca ractère profondém ent anxieux.

Alphonse Daudet et Edmond d e Goncourt à C hamprosay.

Pourtant la vie à C hamprosay est une vie paisible, patriarca le. Goncourt s' intéresse au jardin. En octobre 1887, il no te : << Ce soir chez D audet, où je suis venu passer deux jours pour conseill er des coupes et des percées dans le parc [ ... ] "· Goncourt fait avec Alphonse, qui se dép lace de p lus en p lus dif­fi cilement, le tour de la pelouse, l'un au bras de l'autre. Ils s'assoient un peu plus bas, au bout de l'a llée de pommiers, puis c'est un déjeuner intime, sou­vent fami lial, parfo is avec des amis. D ans la salle à m anger, o n peut se retrou-

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ver à vingt convives et m ême plus. Les plus assidus sont Drumont (qui vient en voisin), Coppée, Masson, Rosny, Rodenbach, Massenet ...

~elques fêtes traditio nnelles ponctuent la villégiature et notamment la fê te d'Alphonse, le 2 aoû t qui est l'occasion d 'un très grand repas.

A Champrosay, Edmond est le témoin du début des amours de Léon et de Jeanne Hugo. Tém oin aussi des excentricités de Madam e Lochoy, la mère de Jeanne Hugo, qui arrive précédée d'un traiteur en habit et qui fait recou­vrir les murs de sa chambre de tentures, car elle trouve que les papiers muraux sont de m auvais goût.

En juillet 1890, les nuits de Champrosay sont encore paisibles . En 1893, cela a bien changé. Edmond note dans son j ournal : « D es nuits au sommeil interrompu par la criaillerie du petit Hugo-D audet, dont le réveil est toujours colère. »

Les préoccupations de la journée sont des promenades en landau, en forêt de Sénart, des visites aux voisins : Nadar, M asson, des visites à l'observa to ire de Flammarion à Juvisy, des soirées musicales, car les D aude t aiment la musique : Alphonse joue du piano, Julia aussi. O n va déguster des m atelotes à l'auberge des Vieux Garçons dans les enviro ns. Ces séjours vont approfon­dir la sensibilité à la nature d'Edmond et élargir la connaissance du peuple qu'i l observe dans ce passage du journal du 17 septembre 1888 : << Au retour d'une promenade en landau, où no us avons traversé Essonne, ces o uvriers à panier noir au bras, avec la fatigue molle de leur démarche, avec la tristesse qu 'emportent au deh ors les ouvriers de l' usine, du travai l enfermé, avec la pâleur de leur visage dans le crépuscule, nous ont laissés tous m élanco­liques ... »

Mais pour Edmond, C hamprosay est d 'abord le village d e l'amitié. D ans ses lettres à Alphonse, constamment, il évoque cette amitié, cette sollicitude des D audet. Dans une lettre de remerciem ents après un long séjour, Goncourt fait un peu d'humour, et il exprime sa reconnaissance chaleureuse pour la gentillesse des D audet à son égard : << D eux fois m erci au maître de maison affectueux qui venait tous les soirs s'assurer si les fenêtres de son vieux confrère étaient bien fermées . Trois fois m erci à l'affectueuse m aîtresse de mai­son qui regardait dans l'assiette de son voisin s'il restait quelque chose [ .. . ] ,

C'est dire q ue les critiques adressées à D audet après la mort d 'Edmond de Goncourt, décédé à C hamprosay, étaient injustifiées .

Pierre-Jean DUFIEF

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Lettre d'Alph o nse Da udet à Edmo nd de Goncourt re lative à l' installatio n à C hamprosay

[juin-début juillet 1887]

Dimanche, j'a i emballé les liv res, remué d es papiers et ta nt de po us­sière qu'il m 'a été impossible de sortir mê me po ur Auteui l. J'en étais p lus embêté que vous.

On s' installe, la vache aussi et les orangers. Je souffre toujours ma1s j'ai du calme et des tas d e coins silencieux pour gém ir et traîner mon corps.

La Dame est rayonnante. Sa maison est ordon née et jolie. Edmée semble y avoir goût. On se ra tout à fa it contents lo rsque vous occupe­rez votre belle chambre.

Je vous embrasse pour no us tous.

La dernière lettre d'Edmond de Goncourt à Julia D audet

30 JU111 (1 8)96

Chère Madame, Les pelouses m e son t éga les, e t les menus même q uoique je

m 'avoue un difficile - me son t inférieurs. C'est surtout la bonne amitié de la maison qui fai t d e mo n séjour à C hamprosay, un séjour heureux dans la tranqu ille et tendre acceptation d u mot, et votre invitatio n m'a fait un vrai p laisir.

[ ... ] Mille choses affectueuses à tou te la fami lle.

:;-

Ces documents annexes so n t extra its de l'éditio n de la Correspondrmrt' Edmond

de Goncourt-Aipbome Dnudet établie par M. et Mme D ufief. Droz, 1996.

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Frédéric M asson à Champrosay

Champrosay a été le lieu de villégiature des Cottin, riches propriétaires parisiens. Ils avaient hérité leur fortune de leurs ancêtres, cultivateurs depuis le XVIIe siècle dans les plaines du nord de Paris au pied de la butte Montmartre : La C h apelle, puis La Villette. Le passage Cottin, situé près de la basilique du Sacré-Cœur et représenté par Utrillo dans une de ses œuvres, ainsi que la grande croix de pierre placée sur le parvis de l'église Saint-Pierre de Montmartre rappellent le souvenir de membres de cette famille.

Ces travailleurs robustes, intelligents et opiniâtres acquirent des terrains pour l'extraction du réputé p lâtre de Paris dont l'exportation se faisait jusque vers les Antilles et la Lo uisiane, d'où le no m de Carrières d'Amérique.

Pierre-François, l'aïeul qui s'est le premier établi à C hamprosay, avait suc­cédé à son père mort en 1820 comme directeur de l'exploitation. Il la vend it quelque trente ans plus tard après qu'elle fut épuisée et se retira des affaires.

C'était un homme de haute taille, que le travail n'avait jamais fait plier. Sa force impressionnante alliée à la magnifique silho uette qu'il conserva

jusqu'à sa mort le faisa it surnommer par ses proches << le vieux chêne » .

Une anecdote fami liale le montre séparant deux de ses ouvriers q ui se bat­taient en prenant chacun des deux protagonistes sous un bras .

Il vivait à Paris mais passait la belle saison à Champrosay avec sa famille dans la m aison où mourut son épouse en 1871, où naquit en octobre 1886, deux ans après son décès, une de ses arrière-petites-fill es et qui fut ensuite acquise par les Daudet.

Il avait su se fa ire aimer et apprécier des habitants de Champrosay et sa générosité le faisait considérer comme l'ami et le bienfaiteur de tous.

Aussi lorsqu 'il mourut dans sa propriété le 5 décembre 1884, âgé de 87 ans, tous les habitants eurent à cœur d'assister à un service fun èbre célébré à Draveil et d'accompagner le cercueil porté par les pompiers depuis Champrosay.

La maison v01sme, dont le portail s'ornait de deux sculptures représentant des lions, appartint au second de ses cinq enfants prénommé Auguste.

Né en 1826, avocat et docteur en droit, il fut nommé auditeur au Conseil d'État puis maître des requêtes, et poursuivit une brillante carrière culminant en 1866 lorsqu'il fut attaché au cabinet d'Eugène Rouher, ministre d 'État de Napoléon III. La confiance que le pouvoir témoignait à Auguste Cottin lui fit exercer en réalité les éminentes fonctions de ch ef de cabinet. Très attaché à la famille impériale, dont lui-même et son épouse, née Adèle Anthoine-

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Prélard, fréquentaient les réceptions aux Tuileries auss i bien qu'à Compiègne, il quitta son poste à la chute de l'Empire.

Il fit ensuite de fréquents voyages en Angleterre pour apporter son soutien et ses hommages à l'Empereur jusqu'à la mort de celu i-ci en 1873 et fut de ce fait sensible au to n passionné d'une brochure po litique intitulée L'Empereur est mort, lancée spontaném ent par un jeune biblio thécaire du ministère des Affaires étrangères, nommé Frédéri c M asson, que la défaite de Sedan avait je té dans les rangs bonapartistes. Sans doute le jeune homme y avait-il rencontré le fi ls aîné d 'Auguste Cottin, Robert, aussi fidèle que son père à la famille impériale qu'il avait eu l'occasion d e côtoyer avec ses parents.

La maison Cottin-Masson à C hampro say.

D ' une intelligence brillante, il fut n omme m specteur des Finan ces à l'âge de 26 ans et épo usa la fi ll e de M aurice Richard, ministre de l'Instructio n publiq ue et des Beaux-Arts dans le cabinet O llivier e t directeur du journal bonapa rtiste L'Ore/re, fo ndé en 1871, dans lequel M asson fut rédacteur à par­tir d e m ai 1873 .

C han1prosay devint ainsi le lieu de rencontres et de discussions passion­nées en faveur du jeune prince impéri al, auquel Auguste Cottin donnait en Angleterre des cours d e droit. Cette communauté de pensée et d'idéal poli­tique favori sa des projets d ' unio n entre Frédéric et M arguerite, la sœur aînée de Robert Cottin. C'est en mai 1874 qu 'eut lieu le m ariage et le jeune m énage retrouva souvent le res te d e la famille dans la propriété des bords de Seine.

Lors de l' in stall ation d 'Alphonse D audet dans la m aison de l'aïeul les relations de voisinage entre les familles s' établirent à la bo nne franquette par­d essus le mur commun : bava rdages, prêt de livres .

M ais Edmond de Goncourt, ami commun aux deux familles, va transfo r­mer ce rapport banal en liens d 'amitié.

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II y faudra du tem ps car Frédéric M asson a, selon le tém oignage du j ournal, tenu rancune à D audet de ce q u'il ait é té p résenté en 1882 à la prin­cesse Mathilde par Edmond, privilège que ce dernier avait, selo n ses dires, accordé huit ans plus tô t au jeune couple M asson. Faut-il ajo uter foi à ce fai t

A C hamprosay en 1884 . Sur le balco n, de gauche à droite : Mme Auguste Cottin, née Ad èle Antho ine-Prélard (1829-1903) ; Pierre-François Cottin, entrep reneu r ayan t exploité les carrières d e plâtre sur lesquelles a été aménagé le parc d es Buttes-Chau mo nt (1797-1884) ; Frédé ric Masson, gen dre d'Auguste Cottin (1847-1923) ; Ro bert Cott in, inspecteu r des Finances (1853-1920) ; Auguste Cottin (1826-1 902), con seiller d 'État. En bas : M me Robert Cottin, née J ean ne-Marie Richard (1860-1949) ; François Cottin , méde­cin (1869-1950) ; Mme Frédé ric Masso n , née Marguerite Cottin (1852-1932). Coll. M. R. Collin.

alors qu'Auguste Cottin était de longue date lié avec la fa mille impériale et donc bien p lacé pour présenter lui-mêm e ses enfants à la princesse ?

Ce qui est certain c'es t que Frédéric M asson est timide. << M e présenter à une maison inconnue, son ner, d em ander, m onter, être regard é est un quasi supplice » écrit-il à son ami Goncourt. C'est pourquo i il do it faire un gros effort sur lui-m êm e p our se présenter à la porte de Mme D audet, lors du pre­mier lon g séjo ur d 'Edmo nd à C hamprosay durant l'été 1885 << dans cette m ai­son combinée po ur loger trois m énages avec des potées d 'en fants ,, que D audet occupe avec ses beaux-parents. M ais il apprend, désolé, << déconfit ,, que son ami est parti depuis le m atin. << Le sam edi au moment o ù je vo us pen sais aller cherch er je vous vis fuir comme une ombre en partie de

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campagne. Dimanche nous fûmes semblables et voilà comme je ne près de vous. ,,

à no tre tour déjeuner dans des bo is invrai­vous a1 point vu ni serré la main étant si

Tou t de m êm e, la glace est pagne alliée à la proximité du

rompue et la détente des relations à la cam­voisinage lorsque les Daudet s' installent dans

la maison mitoyenne donnent lieu à des heures charmantes. Qle ce soit chez les D aud et, où Marguerite et Julia jouent du piano à quatre m ains tandis que les hommes d ébattent de littérature, d ' histoire o u de po litiq ue, o u lo rs des dîners parisiens chez les Masson , Edmond se trouve toujours au cœur d e ces rencontres .

A Champrosay, l'on dîne avec Mistral, Rosn y et les hôtes habituels ou l'on part sur les bords de Seine se régaler d e matelote da ns une au berge.

Les soirées d 'été d an s le jardin favori sent les souvenirs ; alo rs m es­dames Daudet et Masson se laissent aller aux confiden ces. Qlant à Frédéric, avec sa fougue coutumière, il entretient ses amis sur Napoléon jusq u'à ce que ceux-ci cri ent grâce et échafaude devant eux la construc­tion de l'œuv re historique monu­m entale q u' il prépare, son futur Napoléon el sa Fa mille qu 'il publ iera en treize volumes. Frédé ic Masson e t son épouse, en compagnie

de leurs nièces. Coll. !11me / / . de Margerie. Les liens d 'amitié avec les Goncourt se sont développés dès

an s lorsque sa sœur aînée se m aria en des deux frères, le diplomate Édouard

l'enfance d e Fréd éric. 1860 avec le cousin Lefebvre.

Il avait treize et grand ami

Edmond et J ules prirent en affection cet étrange garçon solitaire et fier qui rêva it d'écrire et que bien entendu la fréquentatio n de ces écrivains d éjà confirmés fascinait. En cachette, il lisait leurs livres q u'il dérobait dans la bib liothèque de son beau-frè re et y nourrissait son admiration.

D es souvenirs évoqués d urant sa petite enfance par un ami de sa fam ille, général de la Grande Armée, l'ava ient si profondément bo uleversé qu 'il s'était juré de raconter la grandiose expérien ce. Cette biographie était son premier essai historique et avait le Premier Empire po ur cadre, la fidé lité à l'Empereur pour suj et. Il avait dû y m ettre tout son cœur, d e même q ue dans les poèmes qu'il composa pendant d e nombreuses années, la versificatio n étant une d e ses pass10ns.

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M ais Jules à qui il avait confié son m anuscrit le dissuada d e continuer tant qu'il n'aurait p as affermi son style. A vingt-cinq ans, il serait temps de publier. Telle était la confiance en l'ami que m ême si l' injonction était dure à accepter, il attendit l'année 1872 pour faire p araître ses premiers o uvrages .

La mort avait déj à h élas fauché Jules, l'ami, le confident, l'artiste, celui dont les dons si no mbreux et m anifes tes l'avaient fait nommer par Frédéric « le prince charmant ''· Sa disparition lui laissa une profonde et durable bles­

sure. Edmond lui restait. Il avait é té le grand aîné toujours bienveillant, le men-

tor de l'en fant privé de son père, assassiné par les ém eutiers de juin 1848, et avait comblé tous ses rêves d 'adolescent. Il lui en conse rvait « une constante et respectueuse admiration, un dévouem ent entier, tous les sentiments que j'ai eus d 'enfance et que chaque année a mieux enfoncé en mon cœur et en m on esprit » lui écrivait-il dans l' ultime lettre qu'il lui adressait en juin 1896.

Durant ces trente-cinq ans d 'amitié il avait reçu de ces princes de la litté­rature, de ces peintres et ciseleurs de m ots, de ces m agiciens du style d'ines­timables joies esthétiques et une grande leçon d 'écriture qui les mettait pour lui à la plus haute place. Qli po uvait les atteindre sur ces sommets ?

« Les h ommes m édiocres seuls font école ,, es timait Frédéric M asson . Ils fu ren t po urtant les guides de ce garçon qui rêvait d 'histo ire depuis

l'en fance. Leur m éthode de travail, utilisée po ur leurs romans , leur conceptio n de

l' histoire qu'ils mirent à p rofit dans leurs études sur la société française au XVIIIe siècle, leur passion de la vérité, lui firent mieux comprendre ce qu'il souhaitait faire et cette volonté « d'arriver p eut-être, selon ses dires, à m ar­cher au pas derrière ceux qu'il voulait suivre » .

C'était en 1872. Dix ans plus tard il ava it la première consécration d 'un prix de l'Académie

française pour Le marquis de Grignan, petit-fils de Mme de Sévigné. C es lignes adressées à Edmond indiq uen t clairem ent ce qu ' il savait devoir

à ses amis : << C'est à vous que ce livre devrait être d édié, car c'est vous qui avez introduit dans l'étude de l'histoire les procédés que j'ai tenté d'appliquer p our retrouver m on petit bonhomme. »

Une autre décennie passa, pendant laquelle il avait commencé une ample moisson de d ocuments sur N apoléon pour construire cette œ uvre grandiose et novatrice à la gloire de son héros. En travailleur infa tiga ble, il composa jusqu 'à sa mort, en 1923, une soixantaine d 'œuvres par lesquelles il acquit cette place d'historien au caractère o riginal e t ce titre, qui fut pour lui un titre de gloire, << historien de N apoléon », que ses contemporains, et les plus fam eux parmi eux, lui ont reconnu et que tous les passionnés d ' histoire napo­léonienne apprécient encore de nos jours à leur juste va leur.

Bien que la reconnaissance officielle, qui le conduisit de son élection en 1903 à l'Acad émie française au secrétariat perpétuel en 1919, n ' eùt pas été appréciée des Goncourt, Frédéric M asson ne manqua jam ais de proclamer ce qu'il leur devait. Il le fit en particulier la joie au cœur et avec le sentiment de venger ses amis, lors de sa réception sous la Coupo le face à Ferdinand Brunetière le détracteur d es écrivains, << l'ennemi littéraire »

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Frédéric M asson s'est, tout au long de sa carrière, montré digne de ses amis Goncourt qui ont marqué ses œuvres de leur empreinte et qu'il nomma toute sa vie avec admiration et reconnaissance ses « maîtres ».

Après la mort d'Auguste Cottin en 1902 d ans sa propriété surplombant la Seine, puis le décès de son épouse à Paris en 1903, la m aison aux lio ns fut vendue. Mais déjà depuis 1896 et 1897 les chères voix venant du jardin voi­sin s'étaient tues et Champrosay avait cessé d 'avoir pour Frédéric Masson l'attrait des années passées. La grande bâtisse n'était plus le havre de paix et le lieu d'échanges intellectuels ferti les où il avait poli ses p remières œuvres au contact des h ô tes de ses beaux-parents et d es Daudet.

Une page de la vie de l'historien était d éfinitivem ent tournée.

Nadine VOGEL

Frédéric Masson de l'Académ ie fra nçaise. Coll. Mme A. de Margerie.

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Remerciements

Cette brochure n 'aurait pu être réalisée sans le concours de M m es Cécile Brunet, Thérèse Daudet, Annie de Margerie, Françoise Rousset, de M M . Barbier Sainte Marie, Ro bert Cottin, M arcel Pasdeloup et du Groupe de recherche d'histo ire locale de Ris-O rangis. Qye tous veuillent bien trouver ici l'expression des rem erciements des auteurs et de l'éditeur.

Maquette couverture et pages in térieures Bernard G iovanangeli

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Achevé d'imprimer sur les presses de l'imprimerie La Laborieuse

à O rléans (Lo irer)

D épô t léga l mars 1997

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Alors qu'il était au faî te de sa notoriété, Alphonse Daudet avait fait l'acqui­sition, en 1887, d' une grande propriété à Champrosay.

Ce village de Seine-et- Oise était alors un lieu de villégiature très recherché par les artistes et les fa milles fortunées de la bourgeoisie.

La maison de · campagne de Daudet, la seule que l'écrivain ait jamais possé­dée, devenait à la belle saison un « centre culturel , important. Là se réun is­saient régulièrement aussi bien les gra nds noms des lettres et des arts (Mistral, Rodin, Massenet, Zola) que les jeunes talents.

Cette brochure évoque plus particulièrement le souvenir de deux de ces hô tes - Edmond de Goncourt et l'historien Frédéric Masson - et restitue par l'image et le texte un peu du charme d'une époque.

ISBN 2-909034-08-9 PRIX 70 F