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10 LA LETTRE VERNIMMEN.NET N° 143 octobre 2016 par Pascal Quiry et Yann Le Fur du Vernimmen 2017 En fait, ce sont des actions attribuées à des salariés et définitivement acquises si certaines conditions de performance sont remplies. C’est dans le Vernimmen 2017 aux pages 613 et 913. Un groupe européen cède sa filiale vénézuélienne et utilise le produit de la vente pour rembourser intégralement sa dette. Son coût du capital : Augmente Reste stable Diminue Je ne sais pas La bonne réponse est qu’il diminue. En effet, vendant sa filiale vénézuélienne, le groupe réduit son périmètre d’activités à l’Europe et donc à ses actifs les moins risqués car il est très peu probable que le risque de ses activités européennes soit plus fort que celui de sa filiale vénézuélienne. Donc ceci abaisse son coût du capital puisque le coût du capital est déterminé par le risque de l’actif économique de l’entreprise. Trop souvent l’erreur est faite au niveau de la visualisation du coût du capital de se focaliser du côté des ressources de l’entreprise à cause du mode de calcul du coût du capital (coût moyen pondéré du coût des dettes et du coût des capitaux propres), en oubliant de voir que le coût du capital est fonction du risque de marché des emplois de l’entreprise. Et que faire varier la structure financière d’une entreprise n’a jamais modifié le coût du capital. C’est dans les chapitres 33 et 37 du Vernimmen 2017. NOS LECTEURS ECRIVENT Le théorème de Modigliani-Miller expliqué par la théorie des options Par Thomas Bouvet (AMF) et Henri Philippe (Accuracy) odigliani et Miller ont apporté à la théorie financière un des théorèmes majeurs de la finance : en l’absence d’opportunité d’arbitrage, de coûts de friction (coûts de transaction, coûts d’information…) et d’impôt sur les sociétés, la valeur d’une entreprise est indépendante de la structure de son financement et est donnée par la valeur actuelle de ses revenus futurs actualisés au taux approprié à sa classe de risque. (Proposition (I) de Modigliani Miller [1958]). Il en résulte (Vernimmen p.736) qu’ « il n’existe pas de structure financière optimale, le taux de rentabilité exigé et donc la valeur de l’actif économique étant constants quel que soit le niveau de l’endettement de la firme ». Dit autrement, les valeurs de marché des dettes et du capital d’une société sont certes fonction du levier financier de l’entreprise, mais leur somme est indépendante du levier et est toujours égale à la valeur de l’actif économique. La démonstration du théorème de Modigliani Miller repose sur un M

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LA LETTRE VERNIMMEN.NET

N° 143 octobre 2016

par Pascal Quiry

et Yann Le Fur

du Vernimmen 2017

En fait, ce sont des actions attribuées à des salariés et définitivement acquises si certaines conditions de performance sont remplies. C’est dans le Vernimmen 2017 aux pages 613 et 913.

Un groupe européen cède sa filiale vénézuélienne et utilise le produit de la vente pour rembourser intégralement sa dette. Son coût du capital :

• Augmente • Reste stable • Diminue • Je ne sais pas

La bonne réponse est qu’il diminue. En effet, vendant sa filiale vénézuélienne, le groupe réduit son périmètre d’activités à l’Europe et donc à ses actifs les moins risqués car il est très peu probable que le risque de ses activités européennes soit plus fort que celui de sa filiale vénézuélienne. Donc ceci abaisse son coût du capital puisque le coût du capital est déterminé par le risque de l’actif économique de l’entreprise. Trop souvent l’erreur est faite au niveau de la visualisation du coût du capital de se focaliser du côté des ressources de l’entreprise à cause du mode de calcul du coût du capital (coût moyen pondéré du coût des dettes et du coût des capitaux propres), en oubliant de voir que le coût du capital est fonction du risque de marché des emplois de l’entreprise. Et que faire varier la structure financière d’une entreprise n’a jamais modifié le coût du capital. C’est dans les chapitres 33 et 37 du Vernimmen 2017.

NOS LECTEURS ECRIVENT

Le théorème de Modigliani-Miller

expliqué par la théorie des options

Par Thomas Bouvet (AMF) et Henri Philippe (Accuracy)

odigliani et Miller ont apporté à la théorie financière un des théorèmes majeurs de la

finance : en l’absence d’opportunité d’arbitrage, de coûts de friction (coûts de transaction, coûts d’information…) et d’impôt sur les sociétés, la valeur d’une entreprise est indépendante de la structure de son financement et est donnée par la valeur actuelle de ses revenus futurs actualisés au taux approprié à sa classe de risque. (Proposition (I) de Modigliani Miller [1958]).

Il en résulte (Vernimmen p.736) qu’ « il n’existe pas de structure financière optimale, le taux de rentabilité exigé et donc la valeur de l’actif économique étant constants quel que soit le niveau de l’endettement de la firme ». Dit autrement, les valeurs de marché des dettes et du capital d’une société sont certes fonction du levier financier de l’entreprise, mais leur somme est indépendante du levier et est toujours égale à la valeur de l’actif économique.

La démonstration du théorème de Modigliani Miller repose sur un

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raisonnement d’arbitrage qui, malgré sa simplicité de démonstration (Vernimmen pp. 737 et 738) n’a pas convaincu immédiatement l’ensemble de la communauté financière. Encore aujourd’hui, et même si ce théorème n’est plus remis en question, ses conséquences sont souvent ignorées. Certains oublient qu’il n’y a pas de repas gratuit, que la magie de l’effet de levier occulte le coût du risque…

La théorie des options, par le regard complémentaire qu’elle offre sur le bilan d’une entreprise, apporte une autre manière de vérifier ce théorème.

Partons d’un bilan économique simplifié, avec seulement deux catégories de ressources pour l’entreprise : les fonds propres et les dettes financières. Les dettes d’exploitation sont extraites du passif et sont prises en considération dans l’actif économique.

Le bilan économique simplifié

Pour simplifier, les dettes financières ont une échéance unique T, date à laquelle devra être remboursée la somme contractuellement due (N). La valeur à l’instant t de cette dette Dt dépend du risque qu’elle supporte et correspond à la valeur actualisée à un taux intégrant le coût

du risque (r) de la somme due (N)7 (VAr(N)T–

t).

Si cette dette ne supportait pas de risque, son rendement serait plus faible, égal au taux sans risque rf (r > rf). La différence entre la valeur de la dette sans risque et la dette portée par l’entreprise correspond au coût du risque Rt. Nous pouvons donc retrouver la valeur de la dette risquée par différence entre la valeur de la dette risquée et le coût du risque.

Dt = VAr(N)T–t = VArf(N)T–t – Rt

Regardons ce bilan par le prisme des options (cf. Vernimmen – Chapitre 38 Endettement, capitaux propres et théorie des options) :

- A l’échéance de la dette, l’actionnaire pourra obtenir la différence, si elle est positive, entre la valeur de l’actif économique et le montant à rembourser de la dette. Sinon, les fonds propres ne vaudront rien. L’actionnaire est ainsi le détenteur d’une option d’achat sur les actifs de la société à un prix d’exercice égal au montant de la dette à échéance. La valeur des fonds propres est égale à la valeur d’une option d’achat sur les actifs de la société à un prix d’exercice égal au montant de la dette à échéance Ct(N).

- Les créanciers sont prioritaires sur les actionnaires. A l’échéance de la dette, ils seront remboursés du montant dû sauf à ce que la valeur de l’actif économique soit inférieure à ce montant, auquel cas le remboursement sera amputé de la

7À l’échéance, DT est égal à N si la société est effectivement en mesure de rembourser sa dette.

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différence entre le montant dû et la valeur de l’actif. La situation du créancier est celle d’un titulaire d’une créance certaine simultanément vendeur d’une option de vente sur les actifs de la société. La valeur de la dette est donc égale à la valeur actuelle au taux sans risque d’une dette sans risque diminuée de la valeur d’une option de vente sur les actifs de la société à un prix d’exercice égal au montant de la dette à échéance Dt = VArf(N)T–t – Pt(N).

La théorie des options permet de démontrer facilement qu’en l’absence d’opportunité d’arbitrage, à tout moment la valeur d’un actif S est égale à la valeur d’une option d’achat sur cet actif à un prix d’exercice quelconque K, diminuée de la valeur d’une option de vente sur cet actif à ce même prix d’exercice K et augmentée de la valeur actuelle au taux sans risque de ce prix d’exercice K.

St = Ct(K) – Pt(K) + VArf(K)T-t

Si cette égalité n’est pas vérifiée, il existe des opportunités d’arbitrage, c’est-à-dire la possibilité de réaliser des gains sans risque. Supposons par exemple que l’option d’achat est surévaluée par rapport aux autres éléments de l’égalité : Ct(K) > St + Pt(K) – VArf (K)T–t

L’arbitrage serait alors le suivant (vente de ce qui est surévalué et achat de ce qui est relativement sous-évalué) :

En t

Vente de l’option d’achat + Ct

Achat de l’option de vente – Pt

Vente à découvert de l’obligation +VArf(K)T–t

Achat de l’actif –St

_________

Gain >0 (par hypothèse)

en T

Si ST < K si ST > K

Exercice de l’option d’achat vendue en t ? 0 –(ST – K)

Exercice de l’option de vente achetée en t ? K–ST 0

Achat de l’obligation vendue à découvert en t – K – K

Revente de l’actif acheté en t + ST + ST

_________ _________

Gain 0 0

Au cours de cette opération, l’investisseur pourrait donc réaliser en t un gain, sans prise de risque, puisque quelle que soit l’évolution du cours de l’action, le résultat est le même. Lors du débouclage du portefeuille en T, il réalisera une opération blanche. Une telle opportunité d’arbitrage n’a pas vocation à perdurer…

La démonstration de Modigliani Miller repose sur l’arbitrage, ce qui a fait dire à Merton Miller 30 ans après avoir publié en 1958 la première version de leur théorème, que la relation de parité Put-Call n’est rien de plus que la Proposition (I) présentée différemment8 : la valeur de marché des dettes et du capital d’une société sont certes fonction du levier financier de

8 « The familiar Put-Call Parity Theorem is really nothing more than the MM Proposition I in only a mildly concealing disguise », Merton H. Miller in “The Modigliani-Miller Propositions After Thirty Years”, Journal of economic perspectives, Vol. 2, N°4, pp 99-120, [1998].

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l’entreprise, mais la relation de parité montre que leur somme est indépendante du levier ; la somme des deux est toujours égale à la valeur de l’actif économique.

Il ressort en effet de la relation de parité, At = Ct(K) – Pt(K) + VArf(K)T-t, que si la valeur des fonds propres (Ct(N)) et la valeur des dettes (VArf(N)T-t – Pt(N)) sont fonction du levier financier (donc de N), leur somme est indépendante du levier puisque cette relation se vérifie quel que soit K. Si tel n’était pas le cas, un arbitrage rentable et sans risque serait possible.

Pour s’en convaincre, supposons un actif qui vaudra AT en T et dont la valeur présente est différente selon que la structure financière utilisée pour acquérir cet actif soit sans ou avec dette financière.

Le prix de revient de l’actif peut se déduire de la somme des valeurs des sources de financement, fonds propres et dettes.

– Sans dette, le prix de revient de l’actif est égal à la valeur des fonds propres de la société qui les porte : At = Ct(0).

– Avec une dette de valeur faciale N, le prix de revient de l’actif est égal à la somme des fonds propres et des dettes : A’t = Ct(N) + VArf(N)T-t – Pt(N).

Si A’t > At, alors il est possible de réaliser un arbitrage rentable et sans risque :

A’t > At signifie que Ct(N) + VArf(N)T-t – Pt(N) > Ct(0).

Le portefeuille d’arbitrage serait constitué de la vente d’une option d’achat de prix d’exercice N sur l’actif At, de la vente d’une obligation sans risque de valeur N à l’échéance (c’est-à-dire un emprunt au taux sans risque d’un montant dû à l’échéance N), de l’achat d’une option de vente de prix d’exercice N sur l’actif At et de l’achat d’une

option d’achat de prix d’exercice nul sur l’actif At.

Ce portefeuille assure un gain certain immédiat sans coût ni risque puisque quelle que soit l’évolution de l’actif en T, il n’entrainera ni gain ni perte :

En t

Vente de l’option d’achat +Ct(N)

Vente à découvert de l’obligation +VArf(N)T–t

Achat de l’option de vente – Pt(N)

Achat de l’option d’achat +Ct(0) _________

Gain > 0 (par hypothèse)

en T

Si AT < N si AT > N Exercice de l’option d’achat vendue en t ? 0 –(AT – N)

Achat de l’obligation vendue à découvert en t –N –N

Exercice de l’option de vente achetée en t ? N – AT 0

Exercice de l’option d’achat achetée en t ? + AT + AT

_________ ________

Gain 0 0

L’investisseur aurait à nouveau réalisé un gain sans risque à l’investissement. Or, en l’absence d’opportunité d’arbitrage il n’y a pas de gain certain à coût nul. Donc A’t=At.

Au final, la relation de parité Put-Call apparaît comme l’outil idéal pour comprendre la proposition de Modigliani-Miller : les hypothèses requises (l’absence d’opportunité d’arbitrage, de coûts de

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friction et d’impôt sur les sociétés) sont plus généralement respectées, les arbitrages peuvent être plus facilement mis en œuvre avec l’utilisation de produits dérivés.

Les conclusions de la Proposition (I) posée par Modigliani et Miller dès 1958 sont bien confirmées via la relation de parité : la valeur d’une société ne dépend pas de la manière dont elle est financée. Il en résulte également que le coût du capital, considéré comme le taux de rendement attendu pour un actif économique, dépend uniquement du couple risque-rentabilité qui est propre à cet actif économique et pas de la manière dont il est financé.

* * *

Thomas Bouvet et Henri Philippe sont les auteurs chez Economica de Options et Finance d’entreprise que vous pouvez vous procurer en cliquant ici.

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