la jeune pousse nouvelle culture d’entreprise - libération

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15/10/2014 La jeune pousse nouvelle culture d’entreprise - Libération http://www.liberation.fr/economie/2014/10/12/la-jeune-pousse-nouvelle-culture-d-entreprise_1120267 1/4 Accueil Économie EcoFutur La jeune pousse nouvelle culture d’entreprise PATRICK CAPPELLI 12 OCTOBRE 2014 À 17:06 (MIS À JOUR : 12 OCTOBRE 2014 À 17:06) La jeune pousse nouvelle culture d’entreprise (Dessin Rocco) ENQUÊTE Orange, Axa, La Poste, GDF Suez… Nombre de grosses boîtes développent en interne des structures de type start-up ou s’associent à des incubateurs extérieurs pour capter l’innovation. Uber, Airbnb, Blablacar, Booking.com… Les start-up du collaboratif et du numérique bousculent des secteurs entiers de l’économie comme les taxis, la location de voitures, l’immobilier de loisir ou l’hôtellerie. Quelle sera la prochaine victime de ces pure-players à la fois novateurs et agressifs ? Les grands groupes ont compris que ni leur taille, ni leur puissance ne suffiraient à les protéger d’un nouvel entrant plus souple, plus agile, plus innovant. Jusqu’à présent, leur politique vis-à-vis de l’innovation consistait à soutenir des start-up existantes, hébergées par des accélérateurs ou des incubateurs publics et privés, pour utiliser ensuite les nouveaux produits et services inventés par ces jeunes pousses, et parfois les intégrer au sein de l’entreprise via des prises de participations majoritaires. Orange a été pionnier de cette tendance avec son Orange Fab, un accélérateur de start-up situé dans la Silicon Valley qui en est à sa troisième saison, et a été décliné récemment en France, au Japon et en Pologne. Sur le même principe, l’Axa Lab, une ÉCONOMIE

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Comment les grands groupes essayent de recréer une culture de l'innovation en investissant dans des programmes d'incubation interne.

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La jeune pousse nouvelle culture d’entreprisePATRICK CAPPELLI 12 OCTOBRE 2014 À 17:06 (MIS À JOUR : 12 OCTOBRE 2014 À 17:06)

La jeune pousse nouvelle culture d’entreprise (Dessin Rocco)

ENQUÊTE Orange, Axa, La Poste, GDF Suez… Nombre de grosses boîtesdéveloppent en interne des structures de type start-up ou s’associent à desincubateurs extérieurs pour capter l’innovation.

Uber, Airbnb, Blablacar, Booking.com… Les start-up du collaboratif et du numérique bousculentdes secteurs entiers de l’économie comme les taxis, la location de voitures, l’immobilier de loisirou l’hôtellerie. Quelle sera la prochaine victime de ces pure-players à la fois novateurs etagressifs ? Les grands groupes ont compris que ni leur taille, ni leur puissance ne suffiraient àles protéger d’un nouvel entrant plus souple, plus agile, plus innovant. Jusqu’à présent, leurpolitique vis-à-vis de l’innovation consistait à soutenir des start-up existantes, hébergées par desaccélérateurs ou des incubateurs publics et privés, pour utiliser ensuite les nouveaux produits etservices inventés par ces jeunes pousses, et parfois les intégrer au sein de l’entreprise via desprises de participations majoritaires. Orange a été pionnier de cette tendance avec son OrangeFab, un accélérateur de start-up situé dans la Silicon Valley qui en est à sa troisième saison, et aété décliné récemment en France, au Japon et en Pologne. Sur le même principe, l’Axa Lab, une

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cellule de sourcing (réflexion sur les apports externes) installée depuis juillet à San Francisco, apour vocation de «rapprocher Axa des acteurs de la high­tech» selon son responsable,Guillaume Cabrère. De son côté, la Poste a créé le Lab Postal en 2009, pour monter des POC(«proof of concept», étapes de validation concrète dans la mise en place d’un projet nouveau)avec des start-up extérieures au groupe public.

«Partenariats». Mais, depuis quelques mois, plusieurs grandes entreprises françaises sontpassées à l’étape suivante : aider leurs employés imaginatifs à devenir des «intrapreneurs», dontla mission consiste à monter des structures de type start-up en interne. Celles-ci peuvent êtrecouvées dans les locaux de la boîte ou au sein d’incubateurs extérieurs. GDF Suez, par exemple,a choisi cette deuxième possibilité. «Nos collaborateurs vont aller développer leurs idées auxcôtés d’autres innovateurs, en bénéficiant du soutien de structures dont c’est le métier»,explique Jean-Louis Blanc, directeur commercial innovation et nouveaux métiers. Les employéssélectionnés signent un contrat de mise en incubation pour une période définie, un an enmoyenne. Un accord a été signé avec Paris Région Lab et un autre avec le Village, incubateurinitié par le Crédit agricole qui va ouvrir le 15 octobre à Paris dans le VIIIe arrondissement etcompte accueillir une centaine de start-up. Le groupe d’énergie a également lancé, en mai, unRSE (réseau social d’entreprise) entièrement dédié à l’innovation, avec déjà 5 500 inscrits.

A l’inverse de GDF Suez, la Poste a opté, elle, pour un accélérateur interne, Start’inPost, chargéd’accueillir des jeunes pousses externes. «Depuis mai, une équipe dédiée de trois personnes etdotée d’un budget d’investissement est chargée de nouer des partenariats capitalistiques. Onaccorde 20 000 euros à une start­up pendant une période de trois mois pour monter un projet.Elle est ensuite hébergée dans l’entreprise durant neuf mois et travaille en relation étroite avecnos collaborateurs. Nous leur apportons de la puissance à travers notre réseau commercial,notre logistique, nos sites en ligne, et nous en attendons une accélération de notre capacité àdévelopper des nouveaux services et des nouveaux produits», détaille Nathalie Andrieux,directrice générale adjointe en charge du numérique. La Poste envisage une à deux intégrationspar mois et pourra éventuellement prendre des parts dans ces sociétés. La première à rejoindrece dispositif récent s’appelle Heuritech. Spécialisée dans le Big Data, elle a passé le premier testdes trois mois et va entrer en phase d’accélération dans la filiale de marketing relationnelMediapost Communication, présidée par Nathalie Andrieux.

Le leader mondial des gaz industriels, Air Liquide, a lui monté il y a un an I-Lab, une «structured’innovation radicale» dotée de deux missions : créer de la valeur à court terme via desprototypages rapides et engendrer de la croissance sur le long terme (dix à quinze ans) grâce àl’innovation. Deux outils composent le I-Lab : un think tank et un «corporate garage». Lepremier est un groupe de réflexion réunissant des compétences multiples (géographes,architectes, ingénieurs) chargé de trouver des territoires d’intervention nouveaux sur lesquelsAir Liquide est légitime, comme, par exemple, «respirer dans la ville». Deuxième élément dudispositif : le «corporate garage» regroupe une vingtaine de scientifiques et post-docs ensciences humaines chargés de tester concrètement les nouvelles idées. Deux équipes travaillentnotamment sur un projet autour de «l’innovation frugale», pour les populations qui gagnent de3 à 5 dollars (2,4 à 4 euros) par jour. «Le I­Lab prend en charge leurs salaires jusqu’au momentoù ils pourront voler de leurs propres ailes», précise Gregory Olocco, directeur d’I-Lab. Un

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autre intrapreneur maison a déniché une problématique réglementaire autour de l’analyse de laqualité de l’air dans les bâtiments sur laquelle il va plancher.

Livre bouteille. Industrie, services, banque, assurance : tous les secteurs veulent engendrer desinnovations «disruptives». Et même certains qu’on n’attendait pas sur ce terrain, commel’agroalimentaire. Pernod Ricard a ainsi créé BIG (Breakthrough Innovation Group, «grouped’innovation de rupture») début 2012, pour «imaginer des produits qui vont changerdrastiquement la perception, l’usage et l’expérience du consommateur», explique son directeurgénéral, Alain Dufossé, qui cite en exemple Nespresso ou iTunes. Niché au fond d’une cour prèsde la place de la Bastille à Paris, BIG est installé dans un loft qui accueille sept personnes. Samission repose sur trois piliers : la collecte d’information à partir de 800 sources et15 correspondants dans toutes les régions du monde ; «l’idéation», qui produit des concepts, etla mise au point de prototypes. Deux ans et demi plus tard, BIG a accouché de son produitdisruptif sous le nom de code «Projet Gutenberg» : un contenant rectangulaire de 70 cl quiressemble à un livre associé à un plateau connecté. Design, recyclable et branché, ce livrebouteille, qui n’a pas encore d’appellation commerciale, peut se connecter à une tablette ou unsmartphone en wi-fi, offrant ainsi une bibliothèque exhaustive de cocktails… Les brevets sontdéposés, le produit va être finalisé et devrait atterrir dans les salons d’ici quelques mois.

Le Crédit agricole, qui proclame avoir une PME sur deux comme clientes et financer un quart del’économie, s’intéresse aussi de près aux start-up. Outre la création du Village dans ses locaux, labanque a monté sa propre structure, nommée Castor, une équipe de quatre personnes chargéede faire la liaison avec les «digiculteurs», une communauté qui associe développeurs et clientsde la banque, qui a déjà mis au point vingt-cinq applis utilisées par les clients. «Les avantagesdes start­up sont l’agilité, l’enthousiasme et la capacité de prendre des décisions rapidement,alors que dans les groupes, les circuits de décision sont souvent complexes», estime BernardLarrivière, directeur de l’innovation à la Fédération nationale du Crédit agricole.

Le leader mondial de l’assurance, Axa, vient, lui, de lancer Start In, un concours interne mondialpour développer des applications destinées à être incluses dans ses produits. Quatre applis ontdéjà été élues : Are You OK ? (détection d’une activité anormale dans le quotidien des personnesâgées), My Quick Help (application d’urgence pour géolocaliser et envoyer un SOS par SMS,mail ou appel), AXA Glass (les clients peuvent prendre des photos de leurs objets de valeur) etAXA Activ-Track (créer un partenariat avec une entreprise spécialisée dans le «trackingd’activité»). «Le problème, c’est de rendre ces idées opérationnelles. Nous arrivons à générerdes idées, mais il faut ensuite intégrer ces solutions dans nos offres, c’est là que ça devient unpeu plus compliqué», avoue Nicolas Moreau, PDG d’Axa France.

Échec . Tellement compliqué, que, pour le consultant Philippe Méda, du cabinet conseil eninnovation Merkapt, toutes ces initiatives pour générer de l’innovation en interne sont vouées àl’échec ! Sur son blog, il a listé les «dix raisons pour lesquelles votre incubateur interne vaéchouer en moins de deux ans» (1). «Ces structures répondent en fait à deux objectifs : faire dumarketing interne et externe. En interne, les groupes disent à leurs employés : "vous allez tousêtre intrapreneurs et devenir responsables de projet." Dans la réalité, la plupart des idées descollaborateurs ne sont pas bonnes et les projets échouent après trois à six mois. Pour l’externe,

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c’est un moyen de montrer que non, on n’est pas obsolète, et qu’on est au fait des dernièrestechniques et méthodes de management à la mode. En fait, on a plus de chance de créer de lavaleur en achetant des centaines de tickets d’Euromillions qu’en investissant dans cesdispositifs», pense carrément Philippe Méda. Pourquoi ? «L’innovation est avant tout unproblème culturel. Pour se prémunir du risque posé par les nouveaux entrants du numérique,il faut de la vision et du courage», répond le consultant de Merkapt. Pour lui, il faut parexemple «mettre en place des circuits d’accélération de carrière pour certains managers qu’onva sortir du "puits de gravité" que représente l’entreprise pendant un à trois ans, afin qu’ilsapprennent de nouvelles façons de travailler». Mais toujours sans garantie qu’ils invententle service innovant de demain en quelques mois…

(1) «Dix raisons pour lesquelles votre incubateur interne va échouer en moins de deux ans» :http://www.merkapt.com/entrepreneuriat/strategie/dix-raisons-lesquelles-incubateur-interne-va-echouer-en-moins-ans-10456

Dessins Rocco

Par Patrick Cappelli Dessins Rocco

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