la gazette des libraires n°5

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la Gazette des libraires Édito Cinquième numéro et un nou- veau thème pour nos huit pages. Nous avons d'abord évoqué entre nous la « petite édition », puis les « petits édi- teurs », pour en venir finale- ment après débat à cette idée : « l'édition à taille humaine ». Dans ce numéro, nous avons donc choisi de vous parler du travail de ces structures qui font de l'édition, de la mi- cro-édition voire même de l'auto-édition. Et qui, au mi- lieu de tous les autres plus ou moins grands éditeurs, auront retenu notre attention et se seront ancrés de manière un peu plus indélébile dans nos esprits de libraires. Il sera question, dans le désordre des éditions Elyzad, Al Manar, Le Port a jauni, des Fourmis Rouges, des Petites Bulles, du Tripode, des édi- tions de l'Agrume, des éditions Alma, Anacharsis, du collectif Bablart, de Lamaindonne, des éditions Le Mot et le Reste, de l'Astrée Rugueuse, Tamyras... Puisque nous tenions vrai- ment à vous parler évidem- ment, des livres mais aussi des structures en elles-même, vous retrouverez dans nos premières pages des articles où il sera question de vous présenter ces maisons que nous avons choisi. Vous trou- verez ensuite, pour chacune d'elles, un coup de cœur pio- ché dans leur catalogue res- pectif (un choix infiniment cornélien on vous laisse l'ima- giner). Gageons que vous trouverez dans ces choix, de quoi garnir le dessous du sapin, et faire des heureux. Toute l'équipe de la librairie vous souhaite de joyeuses fêtes et toujours plus de découvertes et de livres qui changent la vie. N ° 5 Lorsque nous avons choisi de parler pour ce numéro de ce que nous appellerons « l’édition à taille humaine » est très vite apparue la question du « qu’est-ce que ? », comment définir cette idée ? Par quels critères, avec quels outils de mesure, décider de ce qui en est représentatif ou pas ? Si l'on crie souvent à la mort du livre (et avec lui de l'édition et de la librairie), force est pourtant de constater la vivacité d'un secteur qui bien qu'affaibli continue d'être le terreau d'une créativité bien réelle. Il serait évidemment bien peu lucide que de ne pas prendre en compte des faits et une réalité qui démontrent la fragilité de ce secteur. Mais il n'en reste pas moins que l'édition française n'a pas à rougir de son extraordinaire diversité et qu'il est encore plus que possible de trouver sur les tables de nos librairies de véritables trésors. Le paysage éditorial hexagonal a cette réputation d’être l’un des plus productifs qui soit (le phénomène très français de la rentrée littéraire en est d’ailleurs l’exemple). En 2014 le livre représente 3,9 milliards d’euros, soit 55% du marché dit des « biens culturels ». Selon un rapport du Syndicat National de l’Édition (étude sur l’économie du livre – mars 2015), en France on recense « 3000 structures d’éditions actives », pourtant, toujours selon cette étude, « les dix premiers groupes éditoriaux cumulent 60% des ventes totales ». Parmi ces grands groupes on trouvera notamment Editis ou Hachette qui se hissent même au rang des dix leaders mondiaux. Un leadership qui met en lumière de manière assez probante les inégalités majeures au sein d'un secteur qui n'a de cesse de se poser la question de son nécessaire renouvellement. Quoi qu'il en soit, la richesse de ce panorama éditorial qui est le nôtre doit sa diversité à l’ensemble de ses acteurs, grands et petits. Et c’est en ce sens qu’il nous paraît important, si ce n’est primordial en tant que libraires de donner de la visibilité aussi à cette édition là. D’autant plus si l’on considère le fait que bien souvent les mêmes « supers éditeurs » et groupes éditoriaux occupent déjà une place centrale dans la presse spécialisée. Les structures, voire micro-structures dont nous vous parlerons ici, sont de plus ou moins jeunes maisons, elles ont vingt ans, dix, parfois pas plus de deux, quel que soit leur âge, rien ne dément le mérite avec lequel elles mènent leur barque, qui est au moins aussi remarquable que l’audace et la créativité sans cesse renouvelées dont elles font preuve. Ce sont des projets défendus corps et âmes, des lignes éditoriales riches, ludiques, exigeantes et qui se veulent différentes. Ce sont aussi des maisons d'édition dites « locales » (et sur ce terrain, notons que l'édition Marseillaise répond présente avec entres autres, Le Port a Jauni, Wildproject, Le Mot et le Reste, Arnaud Bizalion, Parenthèses, Le Bec en l'air... ). Ce sont des entreprises portées bien souvent par de toutes petites équipes et des aventures humaines aussi riches que ce qu'elles produisent. C'est enfin la promotion d'une certaine idée de la culture qui fait sens à l’heure du toujours plus vite et toujours plus rentable. Pour les libraires indépendants que nous sommes, ce sont aussi autant de garants de cette indépendance que nous tenons à défendre et à revendiquer. Car après tout quel est l’intérêt du métier de libraire si ce n’est celui de défendre ce texte, cet auteur, ce pari fou d’un éditeur de faire sortir le lecteur des sentiers battus et des chemins pré-tracés ? Si ces livres ne sont pas toujours les plus évidents, ni les plus simples à défendre de prime abord, ils sont aussi probablement ceux que l'on a le plus envie de voir dans les mains de nos clients et ceux qui donnent le plus de sens au métier de libraire. Éditer à taille humaine A.B.L. – La playlist de la rédaction – Vous rêvez de savoir ce que l'on écoute dans nos sous-sols quand nos cerveaux bouillonnent pour écrire cette Gazette ? C'est chose faite. Palm Trees – Baxter Dury / Alright – Supergrass / Ya Balad – Bachar Mar- Khalifé / Isobel – Björk / Flower to burn – The Slow Show / Let it glow – Rover / History Eraser – Courtney Barnett / Easy – Son Lux / Let's dance – David Bowie / Thaï Nana – Kazero / The chase is better than the catch - Motörhead Hello / Adèle / Stronger than me Amy Winehouse / Jimmy Jazz – The Clash / After laughter come tears – Wendy Rene / No moon at all – Stacey Kent / Blow up – Kid Francescoli / Stripping – Monika / Mortel – Fishbach / Still D.R.E - Dr Dre / Petit frère IAM /Russian – Caravan Palace / Break on through – The Who / Tombouctou – Inna Modja / Girls just want to have fun – Cindy Lauper/ Red & Black Light – Ibrahim Maalouf / Le gouffre – Bagarre / Big & Black – Cocorosie / Being flat – Mr. Oizo / Silver and gold – Joe Strummer & the Mescaleros Cosmic dancer – T.Rex / In the dark places – PJ Harvey / Miracles – The DØ / Walking with the ghost – Kadebostany / Summer 78 – Yann Tiersen / The Crawl Lanterns on the Lake / Madame rêve – Alain Bashung / Borders – M.I.A / The Sing Bill Callahan / Superstar Sonic Youth / Keep the street empty for me – Fever Ray / Porque te vas - Jeannette

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Pour ce numéro 5 nous vous parlons de l'édition à taille humaine. Autrement dit autant de plus ou moins petites structures éditoriales dont le travail mérite d'être mis en lumière. Le Tripode, Alma, les Petites Bulles, les Fourmis Rouges, Elyzad, Tamyras, L'Astrée rugueuse, l'Agrume.... et d'autres ! Et avec en plus plein d'idée pour garnir le dessous du sapin !

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la Gazette des libraires

Édito

Cinquième numéro et un nou-veau thème pour nos huit pages. Nous avons d'abord évoqué entre nous la « petite édition », puis les « petits édi-teurs », pour en venir finale-ment après débat à cette idée : « l'édition à taille humaine ».

Dans ce numéro, nous avons donc choisi de vous parler du travail de ces structures qui font de l'édition, de la mi-cro-édition voire même de l'auto-édition. Et qui, au mi-lieu de tous les autres plus ou moins grands éditeurs, auront retenu notre attention et se seront ancrés de manière un peu plus indélébile dans nos esprits de libraires.

Il sera question, dans le désordre des éditions Elyzad, Al Manar, Le Port a jauni, des Fourmis Rouges, des Petites Bulles, du Tripode, des édi-tions de l'Agrume, des éditions Alma, Anacharsis, du collectif Bablart, de Lamaindonne, des éditions Le Mot et le Reste, de l'Astrée Rugueuse, Tamyras...Puisque nous tenions vrai-ment à vous parler évidem-ment, des livres mais aussi des structures en elles-même, vous retrouverez dans nos premières pages des articles où il sera question de vous présenter ces maisons que nous avons choisi. Vous trou-verez ensuite, pour chacune d'elles, un coup de cœur pio-ché dans leur catalogue res-pectif (un choix infiniment cornélien on vous laisse l'ima-giner). Gageons que vous trouverez dans ces choix, de quoi garnir le dessous du sapin, et faire des heureux. Toute l'équipe de la librairie vous souhaite de joyeuses fêtes et toujours plus de découvertes et de livres qui changent la vie.

N ° 5

Lorsque nous avons choisi de parler pour ce numéro de ce que nous appellerons « l’édition à taille humaine » est très vite apparue la question du « qu’est-ce que ? », comment définir cette idée ? Par

quels critères, avec quels outils de mesure, décider de ce qui en est représentatif ou pas ?

Si l'on crie souvent à la mort du livre (et avec lui de l'édition et de la librairie), force est pourtant de constater la vivacité d'un secteur qui bien qu'affaibli continue d'être le terreau d'une créativité bien réelle. Il serait évidemment bien peu lucide que de ne pas prendre en compte des faits et une réalité qui démontrent la fragilité de ce secteur. Mais il n'en reste pas moins que l'édition française n'a pas à rougir de son extraordinaire diversité et qu'il est encore plus que possible de trouver sur les tables de nos librairies de véritables trésors.

Le paysage éditorial hexagonal a cette réputation d’être l’un des plus productifs qui soit (le phénomène très français de la rentrée littéraire en est d’ailleurs l’exemple). En 2014 le livre représente 3,9 milliards d’euros, soit 55% du marché dit des « biens culturels ». Selon un rapport du Syndicat National de l’Édition (étude sur l’économie du livre – mars 2015), en France on recense « 3000 structures d’éditions actives », pourtant, toujours selon cette étude, « les dix premiers groupes éditoriaux cumulent 60% des ventes totales ». Parmi ces grands groupes on trouvera notamment Editis ou Hachette qui se hissent même au rang des dix leaders mondiaux. Un leadership qui met en lumière de manière assez probante les inégalités majeures au sein d'un secteur qui n'a de cesse de se poser la question de son nécessaire renouvellement. Quoi qu'il en soit, la richesse de ce panorama éditorial qui est le nôtre doit sa diversité à l’ensemble de ses acteurs, grands et petits. Et c’est en ce sens qu’il nous paraît important, si ce n’est primordial en tant que libraires de donner de la visibilité aussi à cette édition là. D’autant plus si l’on considère le fait que bien souvent les mêmes « supers éditeurs » et groupes éditoriaux occupent déjà une place centrale dans la presse spécialisée.

Les structures, voire micro-structures dont nous vous parlerons ici, sont de plus ou moins jeunes maisons, elles ont vingt ans, dix, parfois pas plus de deux, quel que soit leur âge, rien ne dément le mérite avec lequel elles mènent leur barque, qui est au moins aussi remarquable que l’audace et la créativité sans cesse renouvelées dont elles font preuve. Ce sont des projets défendus corps et âmes, des lignes éditoriales riches, ludiques, exigeantes et qui se veulent différentes. Ce sont aussi des maisons d'édition dites « locales » (et sur ce terrain, notons que l'édition Marseillaise répond présente avec entres autres, Le Port a Jauni, Wildproject, Le Mot et le Reste, Arnaud Bizalion, Parenthèses, Le Bec en l'air... ). Ce sont des entreprises portées bien souvent par de toutes petites équipes et des aventures humaines aussi riches que ce qu'elles produisent. C'est enfin la promotion d'une certaine idée de la culture qui fait sens à l’heure du toujours plus vite et toujours plus rentable.

Pour les libraires indépendants que nous sommes, ce sont aussi autant de garants de cette indépendance que nous tenons à défendre et à revendiquer. Car après tout quel est l’intérêt du métier de libraire si ce n’est celui de défendre ce texte, cet auteur, ce pari fou d’un éditeur de faire sortir le lecteur des sentiers battus et des chemins pré-tracés ? Si ces livres ne sont pas toujours les plus évidents, ni les plus simples à défendre de prime abord, ils sont aussi probablement ceux que l'on a le plus envie de voir dans les mains de nos clients et ceux qui donnent le plus de sens au métier de libraire.

Éditer à taille humaineA.B.L.

– La playlist de la rédaction – Vous rêvez de savoir ce que l'on écoute dans nos sous-sols quand nos cerveaux

bouillonnent pour écrire cette Gazette ? C'est chose faite.

Palm Trees – Baxter Dury / Alright – Supergrass / Ya Balad – Bachar Mar- Khalifé / Isobel – Björk / Flower to burn – The Slow Show / Let it glow – Rover / History Eraser – Courtney Barnett / Easy – Son Lux / Let's dance – David Bowie / Thaï Nana – Kazero / The chase is better than the catch - Motörhead Hello / Adèle / Stronger than me – Amy Winehouse / Jimmy Jazz – The Clash / After laughter come tears – Wendy Rene / No moon at all – Stacey Kent / Blow up – Kid Francescoli / Stripping – Monika / Mortel – Fishbach / Still D.R.E - Dr Dre / Petit frère – IAM /Russian – Caravan Palace / Break on through – The Who / Tombouctou – Inna Modja / Girls just want to have fun – Cindy Lauper/ Red & Black Light – Ibrahim Maalouf / Le gouffre – Bagarre / Big & Black – Cocorosie / Being flat – Mr. Oizo / Silver and gold – Joe Strummer & the Mescaleros Cosmic dancer – T.Rex / In the dark places – PJ Harvey / Miracles – The DØ / Walking with the ghost – Kadebostany / Summer 78 – Yann Tiersen / The Crawl – Lanterns on the Lake / Madame rêve – Alain Bashung / Borders – M.I.A / The Sing – Bill Callahan / Superstar – Sonic Youth / Keep the street empty for me – Fever Ray / Porque te vas - Jeannette

Lamaindonne c’est cette maison aveyronnaise : quelques titres seulement, tous dédiés à la photographie, pensés, pesés, pondus, couvés avec tout le soin dont est capable David Fourré, fort d’une expérience de plus de 15 ans dans l’édition et le graphisme. Chez d’autres éditeurs et en parallèle pour sa propre structure depuis quelques années.

À l’origine de cette passion pour la photographie : un cadeau. Un livre offert par un ami, un déclic, une porte qui s’ouvre. Lorsqu’on demande à David quelle est sa « ligne », il répond qu’il n’en a pas. Au gré de la conversation, pourtant, et au fil des pages feuilletées, j’entends, je vois la rencontre cette ligne si belle et ténue : à la rencontre des reflets du ciel dans les flaques de Montréal (Tôt un dimanche matin, chroniqué un peu plus loin dans ces pages), à la rencontre des chapes de neige dans le désert russe, à la rencontre d’un visage à la beauté si intense

qu’elle en serait violence comme seuls savent l’être le désir et l’amour (Volta).

David Fourré croit au travail, à l’attention portée à chaque image et pour ce que j’ai pu comprendre à ce moment de solitude, de face à soi du photographe tout à son image, entre tension et plénitude, loin du bruit du monde et des modes. Il croit aussi à cette construction en commun et au moment de vie qu’offre la conception d’un livre.

Pour 2016 on souhaite à cette main qui donne de façon si généreuse des paysages à la beauté sombre et des rêves grands comme l’Amérique.

Une mvaison d'édition qui prend pour nom celui d'un philosophe barbare (Scythe) quasi légendaire du 6ème siècle avant notre ère, connu pour avoir été un des premiers à porter un regard extérieur sur la Grèce et ses mœurs, et assassiné par les siens pour avoir voulu les introduire dans sa patrie: tout

un programme. Basées à la fois à Toulouse et Marseille, les éditions Anacharsis éditent depuis bientôt quinze ans romans, essais et récits documentaires, avec un leitmotiv : décentrer les regards. Cultivant à dessein une interpénétration des genres et des sujets, leurs livres sont un régal pour tous les curieux, de l'amateur au spécialiste. Portés par une envie de faire dialoguer les cultures dans le temps et l'espace, et particulièrement celles de Méditerranée, leurs livres font souffler un vent d'aventure et d'exotisme bienvenu. Au sein d'une production souvent très normée et prévisible, ce catalogue joyeusement éclectique tout en restant cohérent n'a pas d'équivalent. Il se distingue également par une attention forte portée à l'édition des textes tant sur le fond que sur la forme: d'un côté, particulièrement pour les textes anciens, un appareil critique de qualité, et de l'autre des beaux objets, aux couvertures particulièrement soignées et identifiables au premier coup d’œil. À cheval entre des publications « patrimoniales » (Tirant le Blanc) et travaux contemporains tels Captifs et Corsaires de l'historienne américaine Gillian Weiss - qui était venue le présenter à la librairie, et que vous retrouverez dans la proposition bibliographique de la librairie pour l'exposition Made in Algeria - le travail singulier des deux éditeurs d'Anacharsis mérite amplement le détour. Un dernier argument ? Leur principale collection s'intitule Famagouste (son nom seul est déjà une invitation au voyage et à la poésie), du nom de la ville chypriote, et de sa réputation de ville de plaisirs qui était la sienne au Moyen Âge: l'histoire, l'aventure, et le plaisir, de l’Éthiopie du Prêtre Jean à la Conquête de l'Ouest Américain en passant par la Nouvelle Calédonie. Un catalogue sans équivalent, mais à rapprocher de celui des Éditions Alma, dont on vous a déjà souvent parlé : une maison plus jeune, avec de vrais succès à son actif (on leur doit la traduction en France des classiques de Sanjay Subrahmaniam), et des auteurs reconnus: Hans Magnus Enzenberger, Thomas Vinau (qui a écrit pour le groupement de librairie Initiales dont nous faisons partie une nouvelle inédite, que nous nous ferons un plaisir de vous offrir à votre prochaine visite) ou encore François Xavier Fauvelle. Là aussi deux personnes à la tête de la maison et des choix très personnels mais on s'en tiendra là pour les comparaisons. Bénéficiant d'un réseau étendu et qualifié de lecteurs à l’affût des nouvelles façons de raconter l'histoire, la philosophie ou d'aborder la fiction, ils ne publient que des textes contemporains et dûment recommandés et sélectionnés: pas question ici de publier pour occuper l'espace ou tenter un coup. Ils pratiquent également une vraie politique d'auteurs, pour laisser le temps à la pensée d'exister et de s'épanouir, de s'installer dans la durée. Il en résulte des livres curieux, riches et surtout très originaux: qui d'autre oserait publier et porterait le projet d'un livre sur l'histoire des aliments fermentés (Ni cru ni cuit, Marie Claire Frédéric), formidable plongée aux racines de nos civilisations, et sans que nous nous en rendions compte, de la majeure partie de notre alimentation ? Des livres illustrés au format carré, reconnaissables entre mille, à la fois aérés par leur mise en page et denses par leur contenu, tel que Le voleur de Paradis (voir coup de cœur plus bas).Deux maisons, deux catalogues exemplaires et passionnés: il y en a bien sûr d'autres, dont on vous parlera avec plaisir à l'occasion d'autres numéros, ou à la Librairie. Elles sont cependant moins nombreuses celles avec lesquelles nous partageons autant d'affinités, et que nous suivons les yeux fermés, en espérant vous emmener avec nous. Parce qu'un bon éditeur c'est sûrement celui grâce auquel on découvre un sujet dont on ne soupçonnait pas l’intérêt ou même l'existence quelques minutes auparavant !

Raconter le mondeJ.B.

On vous parlait un peu plus haut de l'édition marseillaise, le Mot et le Reste en est l'un des vaillants représentants. Créé en 1996 par Yves Jolivet, le Mot et le Reste ce sont entre vingt et trente titres publiés sur une année et répartis autour de cinq collections : « Musiques » , « Critiques sociales », « Littératures », « Arts visuels » et « Carte blanche ». Pour en citer quelques-uns, les derniers nés chez le Mot et le Reste sont notamment : Music sounds better with you , une histoire de l'évolution de la French Touch par Raphaël Malkin, Basse fidélité, de Philippe Dumez qui donne vie dans ce récit à ses souvenirs (musicaux en grande partie) ou encore le surprenant Les Îles enchantées & L’Archipel des Galápagos de Darwin d'Hermann Melville. Une ligne éclectique donc et en grande partie dominée par la musique. Et même si ce n'est pas là dans nos habitudes, il faut que je vous avoue quelque chose ici, il y a quelques années, dans ma vie de (très) jeune libraire, les éditions le Mot et le Reste furent pour moi une découverte grandiose en même temps qu'une révélation. Découvrir à 19 ans dans les rayons d'une librairie que l'on pouvait écrire sur la musique avec un tel degré de passion, donner l'occasion à des plus ou moins néophytes de devenir des incollables du rock progressif, de l'underground berlinois, du Free Jazz ou même d'assouvir un amour inconditionnel pour Bowie : mais quel bonheur ! Et en toute objectivité, si la littérature musicale doit être un genre, depuis toutes ces années une chose ne s'est pas démentie : Le Mot et le Reste en sont des maîtres.

Music sounds betterwith books

A.B.L.

Belle rencontreL.M.

Bablart ça vous parle ? C'est l'histoire d'une aventure à la fois délirante et ambitieuse de l'artiste Corentin Houzé. Une aventure qui réunit art, voyage, culture et patrimoine. En 2012, après divers emplois, notamment celui de conseiller en création d'entreprises coopératives, Houzé décide de concrétiser ses projets plutôt que ceux d'autrui. L'idée est celle d'une galerie ambulante. En s'emparant d'un vieux van de transport de chevaux, Houzé le réaménage et le transforme en un lieu atypique prêt à accueillir les travaux de nombreux artistes. Le camion est surnommé en France « nez de cochon », Corentin Houzé s'approprie le nom et en fait « un cochon truffier capable de dénicher de vrais talents parmi de jeunes artistes ». Car c'est cela l'enjeu, créer un lieu de partage, un lieu vivant et mobile permettant la promotion et la découverte d'artistes à travers l'Europe. La galerie, réduite par sa taille, mettra en avant des petits formats, surtout des cartes postales, des dessins, collages et photos. Une fois le van en état de marche, c'est le périple qui commence à travers l'Europe pendant presque un an. D'abord en France – La Rochelle, Jonzac, Bordeaux, Toulouse, Avignon...- puis à l'étranger. À chaque fois, Corentin Houzé s'imprègne des villes traversées, s'installant tour à tour sur des lieux alternatifs comme à Leipzig où il s'arrête dans un espace ouvert, partagé en différents espaces, librairie, théâtre, cinéma en plein air. De festival de musique en festival de bande dessinée en Allemagne, en passant par les célébrations berlinoises, le festival culturel de Stockholm, la nuit des Arts à Helsinki, Corentin Houzé promeut et fait se rencontrer divers artistes, de pays différents, nourrissant son projet au fur et à mesure. D'un dessein a priori fou, il interroge, séduit les yeux curieux mais aussi sonde la promotion de l'art. Il met tout en œuvre seul, sans subvention.

Durant le projet, l'idée était d'arriver à l'autofinancement grâce à la vente des œuvres. On peut imaginer que l'objectif premier restait l'aventure. De ce périple, on retiendra l'envie, l'engouement, l'avidité à promouvoir l'art autrement. On retiendra un projet fou, fait de rencontres, celles de pays, celles d'artistes et de publics toujours différents. À travers Bablart, Corentin Houzé livre une expérience hors du commun, une expérience riche et palpitante. Après son tour d'Europe, il commence à créer de plus en plus. Dans un premier temps, surtout des cartes postales faites à partir de bribes de conversations qu'il entend, puis façonne ses propres textes, avant d'écrire sur quelques murs du quartier du Panier à Marseille. On commence à le reconnaître grâce à sa typographie qu'il a lui-même inventée, ses tampons. De ses cartes postales naissent des ouvrages, l'Art de jeter ses déchets à Marseille -objet d'un autre article de la gazette- et plus récemment Le mouton tombé des nuages, conte illustré pour petits et grands. Corentin Houzé ne laisse pas indifférent, et quelque chose laisse à penser qu'on continuera de le rencontrer d'une manière ou d'une autre...

Et si on partait avec Bablart ?C.S.

Dans ce nouveau numéro de la « Gazette des libraires », on a tenu à vous parler de ces éditeurs qui ne bénéficient pas d'une grande visibilité dans les médias et qui ne constituent pas les têtes de gondoles des librairies. Et puisque la vague des parutions de la rentrée et des prix littéraires est passée, pourquoi ne pas tenter les chemins de traverse et prendre le parti de sortir de l'ordinaire ? Car il est de notre devoir, en tant que libraire indépendant, de vous proposer autre chose que le Goncourt ou le Renaudot à mettre au pied du sapin... Nous parlerons donc dans cet article de trois éditeurs qui ont à cœur de défendre une certaine vision de la Méditerranée : loin des clichés, de l’exotisme et du folklore. Ces maisons décloisonnent notre manière d'aborder le monde, nous poussent à la curiosité et à la découverte. C'est grâce à des éditeurs comme Al Manar, Elyzad ou bien encore Tamyras que l'on peut sortir de nos préjugés, mais loin de nous l'idée de les cantonner à ce rôle -qui n'est d'ailleurs pas le leur- c'est bien leur qualité littéraire que l'on veut avant tout louer ici. En effet, tous trois sont dotés d'une ligne éditoriale exigeante, toujours à l’affût de textes qui peuvent créer l'émulation.

Les éditions Al Manar (qui signifie phare en arabe classique) ont vu le jour au sein de la galerie du même nom tenue par Alain et Christine Gorius : c'est en 1996, que ces deux amoureux d'art et de littérature décident d'allier leurs deux passions et de créer une maison d'édition qui rapprocherait le texte et l'image. À l'origine uniquement centrée sur la poésie, la ligne éditoriale a depuis été élargie et comprend désormais des textes de fiction (nouvelles et textes brefs) mais le principe de départ est quant à lui immuable: le texte est mis en dialogue avec des illustrations et devient alors

un espace de rencontres entre l’écrivain et l'artiste. Al Manar réussit le savant mélange entre un fonds de qualité et des objets d'une grande beauté. Le catalogue, riche d'environ 300 titres, recèle de véritables bijoux qui nous plongent instantanément dans l’émerveillement. On constate au premier coup d’œil qu'un véritable travail d’orfèvre est effectué en ce qui concerne la typographie : de fait, la majorité des livres sont composés au plomb et imprimés sur Bouffant ou vélin d'Arches par des imprimeurs réputés.

Dirigeons-nous à présent en Tunisie où les éditions Elyzad ont été crées en 2005 par Elisabeth Daldoul. Cette jeune maison d'édition tunisienne est axée sur une littérature résolument moderne où des auteurs confirmés (Leïla Sebbar, Colette Fellous entres autres) côtoient des nouveaux talents (Yamen Manai ou bien encore Kamil Hatimi). Elyzad, portée par la volonté de créer des passerelles entre les deux rives de la méditerranée, se veut la représentante d'une écriture plurielle où des voix singulières peuvent se faire entendre. La maison tunisienne revendique ainsi une littérature empreinte de diversité, ancrée dans le monde et qui pousse le lecteur à se questionner. À l'instar d'Al Manar, nous tenons également à saluer l'aspect extrêmement soigné des ouvrages -et notamment la collection de poche et ses magnifique couvertures.

Nous nous acheminons enfin au Proche Orient et plus particulièrement au Liban à la rencontre de Tamyras, une maison d'édition de référence en langue française. Cet éditeur tend à diffuser les valeurs et la culture de la Méditerranée par le biais de différents domaines : romans, essais, beaux-livres, jeunesse, etc. C'est à Tamyras que l'on doit la publication en langue française des textes les plus emblématiques de l'artiste pluridisciplinaire Etel Adnan, auteur incontournable dont nous parlerons d'ailleurs dans le coup de cœur consacré à cette maison d'édition.

Symboles d'une édition de création et innovante, ces trois éditeurs sont mus par un même désir d’entraîner le lecteur dans la découverte du monde méditerranéen, de ses auteurs, de sa culture, etc. En nous donnant à entendre ces voix de l'ailleurs, c'est un tout nouvel horizon littéraire qui s'ouvre à nous.

Un nouvel horizon littéraireF.C.

Sur la page d’accueil du site du Tripode, et sur leur catalogue, on peut lire : « Littératures – Arts – Ovnis », cette entrée en matière pourrait bien définir leur ligne éditoriale à elle seule. Ajoutons à cela quelques lignes de l’édito de leur tout récent catalogue papier : « « J’appris à suivre tous les chemins et j’en devins un moi-même » cette phrase de Charlotte Salomon, le Tripode la fait sienne, Goliarda Sapienza et tant d’autres auteurs que nous publions auraient pu l’écrire. » Et le fait est que cela résume merveilleusement bien l’esprit des incomparables éditions du Tripode. Une toute jeune maison donc, puisque le Tripode n’existe que depuis deux ans (une émanation de feu les éditions Attila), comme beaucoup des structures éditoriales que l’on vous présentera ici, c’est une réduite et brillante équipe qui mène la barre au Tripode. Il y a Frédéric Martin, son créateur et directeur d’édition, Lucie Eple, assistante d’édition et Juliette Maroni, graphiste. Et un catalogue à en faire pâlir plus d’un. Au Tripode on a ainsi l’art et la manière de surprendre, de surgir là où on ne les attend pas, de le faire, et de le faire extrêmement bien. L’art aussi de faire se côtoyer des monstres sacrés de la littérature (Goliarda Sapienza, Edgar Hilsenrath, Jacques Roubaud…) des textes incroyables et puissants (Sigolène Vinson, Pierre Cendors, Charles Stenvenson Whrigt...) des plumes contemporaines sans nulle autre pareilles (Marie Redonnet, Jacques Abeille, Juan José Saer…), mais aussi une éminente figure de l’illustration italienne des années 20 (Antonio Rubino), une fabuleuse anthologie d'entretiens publiés par la Femelle du Requin depuis vingt ans (Vertiges de la lenteur, 2015 ) ou encore un travail titanesque qu'est celui qui à permis la publication de Charlotte Salomon, vie ou théâtre ? Le plus fou dans cette incroyable diversité ? Sa cohérence. L'empreinte de l'enthousiasme comunicatif de cette équipe pour leur travail se ressent dans chaque ouvrage publié. Frédéric Martin, créateur des éditions du Tripode a cet amour incommensurable du livre et cette capacité inouïe et instantanée à vous donner envie de lire tout ce dont il vous parle avec une passion telle que l'on n'en croise pas si souvent.

Impossible dans ces quelques lignes de vous faire part de toute la richesse et de toute la diversité de ce catalogue, charge à vous de vous y plonger, encore et encore. Avec une garantie néanmoins : il y a de véritables trésors à la clé.

Si l’on vous a déjà parlé de l’Agrume dans cette feuille de chou, c’est surtout avec la Revue Citrus, l’une des trois cordes que vous trouverez à l’arc merveilleux de cette petite maison. Et si l’on utilise ici le terme « petite maison », sachez que c’est à la manière des petits pimousses : petits mais costauds.

L’Agrume a été créée en 2011 par Chloé Marquaire (directrice artistique) et Guillaume Griffon (éditeur), un projet né de l’envie de publier Dora , formidable bande dessinée de Minaverry. Pour ceux qui l’auraient déjà lu, nul besoin de souligner ici l’immense pertinence de cette volonté, pour les autres, pas de panique, nous vous en parlerons plus loin dans cette Gazette. Rapidement, la maison d’édition prend deux directions : d’une part il s’agira de s’adresser aux adultes dans une collection joliment intitulée « littérature graphique » où il va être question de sujets de société portés par l’illustration. D’autre part de s’adresser aux plus jeunes dans des livres qui auront tous ce point commun d’être vecteurs d’une « lecture originale et ludique ». Au noyau dur que constituent Guillaume et Chloé, citons aussi Léa Chevrier, graphiste de son état, Chloé Pathé, rédactrice en chef de la Revue Citrus ( ) et Stéphanie Vernet qui gère les droits étrangers par♥ l’intermédiaire de The Picture Book Agency. Voilà donc pour l’idée, et les êtres humains derrière le nom.

Autant vous le dire tout de suite, peu de place ici pour l’impartialité ou l’objectivité (et encore que, même objectivement…), nous sommes des inconditionnel(le)s de l’Agrume. Des fans si l’on ose dire. Et quelque part, cela doit être assez symptomatique du génie qu’il y a dans les publications. Dans tous les ouvrages publiés par l’Agrume, les mots portent l’illustration, et l’illustration porte le texte. Chaque livre est un objet précieux dont on sait au premier regard toute l’attention qui lui aura été portée avant de se retrouver sur les tables de nos librairies, puis dans vos bibliothèques. Il y a évidemment en première ligne, tout le talent, l’imagination et la créativité des auteurs et illustrateurs : Julie Delporte, Asa Grennwall, Minaverry, Julia Wertz, Vincent Godeau, Cléa Dieudoné, Amandine Momenceau, pour ne citer qu’eux (et il n’y a pas qu’eux !). Mais il y a ensuite dans le travail accompli par l’équipe de l’Agrume cette chose qui fait que l’on choisi d’être éditeur – ou libraire : une passion sans faille pour le livre et tout ce que ce mot magique peut être, devenir et signifier. C’est cela que l’on retrouvera dans chacune des publications de l’Agrume.

« Littératures – Arts – Ovnis »A.B.L.

Petits mais costauds A.B.L.

Née il y a de cela 4 ou 5 ans, L'Astrée rugueuse est cette toute petite maison d'édition dont Sylvain Maestraggi est à l’origine. L’Astrée rugueuse, du nom d’un coquillage habitué de nos côtes méditerranéennes, celui-là même qui donne avec son opercule l’œil de Sainte Lucie porte bonheur dont on fait des bijoux. Références mêlées aux abysses et leurs mystères, aux cieux non moins mystérieux, à l’obscurité de ces mêmes fonds, à la lumière –Lucie vient de lux, lumière en latin- au doux et au rugueux. Comme des échos à l’activité du photographe. Chacun des deux ouvrages de Sylvain Maestraggi peut se voir comme une œuvre à part entière. Pour chacun en effet l’engagement est total et sans compromis. De petits tirages -entre 500 et 600 exemplaires- et une qualité à toute épreuve : texture et couleur du papier, choix de la typographie, reliure… Rien n’est laissé au hasard, la maîtrise est parfaite. Loin d’en devenir figé le livre devient l’écrin d’où surgit la poésie. D’ailleurs à la question « quelles maisons d’édition vous interpellent ? » il répond maisons de poésie : Ypsilon, Eric Pesty, pour leur travail soigné et exigeant. Pas étonnant, donc, lorsqu’on s’est penché sur l’un ou l’autre de ses livres. Quant à la question des projets, Sylvain répond qu’il est AVANT TOUT photographe, que le livre est un support, vecteur privilégié pour diffuser ses images et raconter ses histoires. Mais qu’il a besoin de ce temps de latence et de calme propre à la création. Laissons à l’Astrée rugueuse ces heures, ces jours, ces longs mois s’il le faut. Du moment qu’à la fin nous sommes ravis par ses images.

Waldersbach © Sylvain Maestraggi

Une poésie en imageL.M.

À bien y regarder, lorsque l'on se penche sur le catalogue des Fourmis Rouges nous saute aux yeux cette évidence : chaque ouvrage est une aventure en elle même, plus qu'une « ligne éditoriale » comme le défini le jargon du métier c'est un esprit que l'on retrouvera dans ce catalogue. Un catalogue qui – pardon pour le jeu de mot tiré par les cheveux – fourmille véritablement. En ce sens qu'il existe chez les deux éditrices que sont Valérie Cussagnet et Brune Bottero, un éclectisme à toute épreuve et qui semble donner la possibilité à chaque ouvrage de développer son univers propre, et par définition unique en son genre.

Une chose est sûre, ce qui prime dans les choix éditoriaux des Fourmis Rouges sont à n'en pas douter des univers graphiques grandioses et une propension tout aussi grandiose à s'adresser aux enfants. Du monde poétique, onirique et déroutant de Frédéric Marais, à la truculence de Delphine Jacquot en passant par la drôlerie de Mryzk & Moriceau, la douceur de Fleur Oury, la sensibilité dingue d’Emmanuelle Houdart, la pertinence du duo François Morel / Martin Jarrie, les explosions de couleurs de Julien Roux ou encore l'imagination débordante de Delphine Perret (et une fois de plus il ne s'agit là que d'une partie de tous les talents abrités par les Fourmis Rouges) difficile quand on est sensible à une certaine idée des livres pour enfants de ne pas tomber en amour pour cette maison d'édition. Les Fourmis Rouges font parties de ces éditeurs qui ont pris le pari de proposer quelque chose de différent, qui ont pris le risque de se lancer (avec un bagage assez « rassurant » de la part des deux créatrices, mais qui n'enlève rien à la beauté du geste), et qui ont su en l'espace de quelques années trouver non seulement leur place mais aussi leur public. Ce qui finalement est la meilleure preuve de leur réussite !

La petite bête qui monte, qui monte …

A.B.L.

« Il pleut sur Marseille, le port a jauni », chantait Jacques Menichetti dans une célèbre chanson des années 1990 : une sorte d'invitation au voyage, une ouverture vers la mer, un regard d'enfant sur la Méditerranée. C'est dans cet esprit bariolé, de découverte et de dialogue que s'inscrit Le Port a jauni, une petite maison d'édition marseillaise qui propose des livres bilingues pour enfants, en français et en arabe. Mathilde Chèvre, qui en est la directrice, a su réunir dans cette maison d'édition son amour pour le dessin et l’illustration, sa passion pour la langue et la culture arabe, et l’envie de créer un projet qui aille en direction des enfants.

Né en 2001 sous une forme associative, Le Port a jauni a toujours accompagné sa production éditoriale d’un travail très actif d’ateliers et d’activités avec les enfants à Marseille, à Casablanca, au Caire ou à Beyrouth, pour créer des ponts entre les deux rivages de la Méditerranée. Le catalogue du Port a jauni se construit autour de deux axes éditoriaux qui se croisent et s'entremêlent : d'une part, il publie des créations originales écrites en français et traduites par la suite en arabe ; le sens de lecture est ainsi « double », car la partie en français se lit « à l'occidentale » (de gauche à droite) , alors que le texte arabe commence où le premier se termine, et se lit donc de droite à gauche. D'autre part, depuis 2010 Le Port a jauni a enrichi sa production éditoriale de traductions de livres publiés dans différents pays arabes, devenant ainsi la première maison d'édition jeunesse en France à s'investir dans l'achat des droits et dans la traduction de livres en arabe. Trois beaux titres sont issus pour l'instant de cette démarche, Abracadabra, Elle et les autres et Sept vies, d'abord publiés respectivement au Soudan, au Liban et en Egypte. On est pourtant bien loin de l'atmosphère orientaliste des contes des Mille et une nuits ; Le Port a jauni nous propose des livres qui parlent aux enfants (autant qu'aux adultes) de choses simples, proches et quotidiennes, aux accents souvent poétiques et lyriques : une lettre d'amour, un enfant qui traverse la ville à la recherche de son jouet, une promenade en bord de mer. Mathilde Chèvre veut proposer des œuvres qui explorent le domaine de la sensibilité enfantine, de l’émotion et qui abordent aussi des thèmes plus existentiels, comme la perception de soi ou la question de la marginalité. L'aspect matériel du livre revêt une importance particulière dans les publications du Port a jauni : le sens de lecture double, ou inversé, et la présence de l'écriture arabe plongent les lecteurs dans une autre atmosphère, ouvrent le regard et invitent à la curiosité et à la découverte.

Vous voulez connaître la recette parfaite pour goûter aux ouvrages du Port a jauni ? Mettez ensemble la douceur d'un conte chuchoté à un enfant, les couleurs poussiéreuses du soleil d’Égypte, ou les teintes fines des tissus de Damas, ajoutez-y la délicatesse de la calligraphie arabe, et alors il peut bien pleuvoir sur Marseille, avec Le Port a jauni, nous nous plongeons dans la Méditerranée.

Le Port a jauni, une promenade entre les deux rivages de la Méditerranée V.G.

Lancée en 2013, cette toute jeune maison d'édition jeunesse a bénéficié de la générosité d'internautes sur un site de lancement de projet. À sa tête, Caroline Petit, éditrice, directrice artistique et auteure défend son projet novateur : des livres pour enfant tournés sur la richesse des illustrations avec une place importante aux jeunes artistes avec un fort potentiel ludique et créatif. La particularité de ce projet réside dans la volonté d’être bien plus qu'une maison d’édition. Véritable prolongement du travail d'éditeur, une galerie virtuelle vient défendre le travail des illustrateurs. Sur le site internet notamment avec pour chaque auteur une fiche de présentation, des vidéos, des coloriages à télécharger, et surtout la possibilité d'acheter leurs dessins (vente en ligne d’œuvres originales et numériques). Pour aller plus loin encore, l'idée est d'aller au plus près du public visé avec la mise à disposition d'outils et de matériel pédagogique sous la forme de fiches qui accompagnent le catalogue virtuel, offrant la possibilité aux adultes (professionnels ou non) d'accompagner la lecture (organisation de séances avant/pendant/après la lecture du livre, activités à imprimer et leurs corrections, fiche sur l'auteur, l'illustrateur et lien vers le site). Autre possibilité avec le service d'exposition « clefs-en-main » qui comprend la mise à disposition d’œuvres (originales en location et numériques à l'achat) ainsi que du matériel pédagogique favorisant les échanges et la médiation entre les professionnels et les enfants. La première fut consacrée aux albums sans texte (origine et histoire du genre) en parallèle de la parution de l'album C'est quoi cette grosse bête de Maria Elina destiné aux enfants de 6 à 7 ans. Outre le fait de chercher à faciliter le travail des professionnels qui ouvrent l'esprit des enfants à la lecture, à l'imagination et à l'envie de découvrir toujours plus, Caroline Petit vise, en valorisant l’inter-profession, à favoriser la médiation culturelle et à faire en sorte que chaque enfant ait cette chance d'aiguiser sa capacité à voir/lire les images, de les interpréter et de s'émerveiller !

Éditrice et directrice artistique Caroline PetitGraphiste, Macha Kassian-Bonnet.Catalogue 9 titres de 4 à 7 ans.

Pas question de bullerM.D.

Les coups de cœur

La femme au colt 45 – Marie Redonnet ( Le Tripode – à paraître Janvier 2016)

Dans un style qui oscille entre roman et théâtre, Marie Redonnet nous entraîne sur les traces de Lora Sanders, actrice de théâtre forcée de quitter son pays de toujours : l’Azirie, en proie à un régime despotique. Il y aura la capture de Zuka, son mari (et metteur en scène controversé) au moment du départ, il y aura la traversée, le passeur, l’arrivée en terre inconnue. Les premières déconvenues. Et son colt 45. Un parcours tortueux et sans compromis, où l’humanité profonde des uns n’a d’égal que la cruauté des autres. Avec La femme au colt 45 , Marie Redonnet signe un roman bouleversant, abrupt et sobre où il est question d’un exil, d’une vie qui bascule, d’une femme à la rencontre d’elle-même et de liberté retrouvée.

A.B.L.

Une femme française en Orient - FLORE( Éditions Poscart, Décembre 2014)

Quand on ouvre ce livre au papier mat et texturé, c'est un monde qu'on redécouvre. Par le regard de Flore, photographe franco-espagnole née en 1963, l'Orient est dévoilé avec sensibilité et délicatesse. Accompagnés d'une introduction de Natacha Wolinski et d'une citation de Marcel Proust, ces cinquante-et-un tirages en noir et blanc argentiques, virés au sélénium, nous font voyager de façon mystérieuse et énigmatiques dans plusieurs pays de la Méditerranée tels que le Maroc, la Tunisie, ou encore l’Égypte. À travers ces photographies vaporeuses, nous sommes immergés dans son propre voyage qui a duré quatre ans. Au fil des pages se dégage un univers particulier et propre à la photographe, une atmosphère où la lenteur entre en écho avec la douceur du noir et blanc. Comme un voyage initiatique, on retrouve à travers cet ouvrage les traces des premiers artistes et photographes, des fragments intemporels qui effacent nos points de repère. Le rythme est très lent, mélancolique, et c'est cette histoire d'amour avec les pays du Maghreb et du Moyen-Orient qui nous est retransmise avec simplicité. On se promène dans les rues désertes, dans les salons de thé, dans de petites ruelles sombres. Le silence règne dans ces espaces insoupçonnés, où on erre comme dans un rêve. Les motifs, le froissement des tissus, les feuilles de palmiers, sont mêlés à des cafés vides et à la solitude des hommes qu'on aperçoit de loin. L'ombre et la lumière sont conjugués avec justesse, donnant ainsi une sensation de calme absolu : le temps est comme suspendu. Flore se sert de sa propre enfance et de ses souvenirs pour retracer un parcours à travers ces pays qui méritent d'être toujours redécouverts. Ce qu'elle retranscrit dans ses photographies, c'est non seulement la beauté de ces lieux, mais aussi leur rapport au temps et à la modernité. Cet ouvrage nous ramène à la simplicité, mais aussi à nos propres errances.Feuilleter ce livre, c'est comme faire un voyage introspectif, aller à l'essentiel, et laisser notre regard nous emporter dans la poésie de ses images.

A.B.

Le voleur de paradis : le bon larron dans l'art et la société (XIVe-XVIe siècles) - Christiane Klapisch-Zuber

(Alma , Octobre 2015)

Il n’est présent que dans un des quatre Évangiles, et pourtant celui que l’on appellera le Bon Larron, crucifié en même temps que le Christ, est entré dans la postérité. C’est son itinéraire dans l’imaginaire chrétien que Christiane Klapisch-Zuber reconstitue pour nous. « Aujourd’hui même, tu seras avec moi au Paradis ». Ces quelques mots prononcés par le Christ sur le Golgotha sont à l’origine de débats théologiques et artistiques qui, de l’Orient où ils sont apparus, ont rejoint l’Occident, et particulièrement l’Allemagne et l’Italie. Un message d’espoir et de pardon envers celui qui partage sa souffrance et voit en lui le Fils de Dieu, par opposition au Mauvais Larron qui se rit de lui. Sous la plume de Christiane Klapisch-Zuber, on découvre les différentes figures qu’il a incarnées, jusqu’à devenir le Saint de la Bonne mort, symbole de rédemption. Ainsi, on suit non seulement les évolutions stylistiques qui accompagnent les représentations de la Crucifixion et leurs détails, souvent moins anodins qu’il n’y paraît, et l’évolution des mentalités, jusqu’à la Réforme. Ce n’est donc plus seulement un passage des Évangiles que l’on explore sur les traces de l’auteur, mais un pan de l’Histoire des idées. Un grand et beau livre dont le propos érudit et dense est servi par une iconographie riche et éclairante.

J.B.

Tôt un dimanche matin : journal de Montréal - Julien Coquentin , préface de Gilles Mora

(Lamaindonne, Septembre 2013)

Pour commencer : une très belle couverture. Et de circonstance puisqu’il s’agit d’une rue de Montréal, photographiée un dimanche matin. Un matin neigeux où l’on perçoit tout le coton de la neige, dont quelques flocons échappés s’aventurent jusqu’à nous, spectateurs à l’abri. Julien Coquentin, alors infirmier là-bas, y a tenu un journal, photographiant chaque jour la ville qui l’accueillait.

Pour donner naissance à ce livre, il a choisi de ne présenter que les clichés pris tôt, les dimanches matin. Tôt un dimanche matin : titre emprunté à Edward Hopper… Le dimanche matin comme repère et métronome d’une ville qui respire, tantôt sous la neige tantôt sous la pluie. Rarement sous le soleil. Cette eau sous toutes ses formes qui recouvre tout d’un manteau blanc, ou au contraire d’une pellicule luisante, réfléchissante ; les images sont alors ponctuées des reflets du ciel. De fait les lumières sont tour à tour tamisées ou scintillantes. Comme ce moment qui échappe à la réalité –le dimanche n’est-il pas ce jour « off », « en dehors »- qui échappe aux règles, au rythme d’un travail souvent contraignant et parfois même douloureux. Ce moment où l’on peut se soustraire sans conséquence au « Quotidien » dévorant. Julien Coquentin capture ces moments de grâce ordinaire, où se mêlent à la fois liberté ponctuellement retrouvée et abandon, ainsi que toute la poésie qui en émane.

L.M .

Le livre du camp d'Aguila, Rajab Bou Houaiche Al-Mnefiprésentation et traduction de Kamal Ben Hameda

( Elyzad, Octobre 2014)

L'écrivain libyen Kamal Ben Hameda est, comme nombre de ses compatriotes, habité voire hanté par le poème écrit par Rajab Bou Haiche Al-Mnefi lors de son emprisonnement dans le camp d'Aguila. Aguila fut un camp de concentration pendant l'occupation italienne, les conditions de vie y étaient épouvantables et seulement un tiers des 125 000 prisonniers survécurent. Le poème devient un chant de résistance qui se transmet à l'oral de génération en génération et encore aujourd'hui les Libyens

sont capables de le réciter par cœur. Afin de situer le poème dans son contexte historique, le témoignage de deux anciens détenus du camp a été rajouté en fin de livre. En offrant une traduction française de ce texte fort et qui résonne encore aujourd'hui, Kamal Ben Hameda perpétue un salutaire devoir de mémoire.

F.C.

Coffret Etel Adnan, réunit : Sitt Marie Rose, Au cœur du cœur d'un autre pays (traduction française Éric Giraud), Paris mis

à nu, Des villes et des femmes : lettres à Fawwaz(Tamyras , Juin 2015)

Les éditions Tamyras viennent de publier un coffret inédit regroupant quatre œuvres majeures de l’extraordinaire artiste libanaise Etel Adnan : Sitt Marie Rose , Paris mis à nu , Au cœur du cœur d'un autre pays et Des villes et des femmes . Son écriture, non seulement sublime et pleine de grâce, est également extrêmement percutante par les sujets au centre de son œuvre: la guerre civile libanaise, l'exil ou bien encore la condition des femmes. Une œuvre indispensable à découvrir sans tarder!

F.C.

L'art de jeter ses déchets à Marseille – Corentin Houzé(Corentin Houzé - 2014)

Bablart conduit Corentin Houzé à Marseille en 2013. Il s'y arrête puis y reste. Naît alors l'envie de se lancer dans ses propres créations. Après avoir fait découvrir d'autres artistes, c'est maintenant de son travail dont il est question, mettant en scène idées et projets. Il commence par une série de cartes postales, illustrant quelques facettes bien senties de la ville marseillaise. C'est grâce au

succès de l'une d'entre elles, « Vous voulez vous sentir marseillais ? Jetez moi sur la voie publique » que se concrétise l'idée d'un ouvrage, L'Art de jeter ses déchets à Marseille, ouvrage qui nous intéresse particulièrement ici. Le fil conducteur du livre est le détournement du pictogramme « ne pas jeter sur la voie publique ». Fait de tampons et de collages, Houzé s'amuse y à décliner un constat probant à Marseille, celui de jeter à tout va ses déchets, sans autre forme de procès. La ville devient pour l'auteur un puits à images, une manière de dire un réel. En un condensé de situations tout aussi déroutantes que risibles, Houzé illustre, donne à voir une pratique typiquement marseillaise. Tout en étant très drôle, l'ouvrage n'est pas seulement ludique, il relève d'un détournement qui interroge et déconcerte. L'Art de jeter ses déchets à Marseille est hilarant ou désespérant, c'est selon. Si il est question d'un constat populaire du moins grotesque mais tourné en dérision, il n'en n'est pas moins qu'il interroge. Les réactions divergent en librairie, signe qu'Houzé ne fait pas seulement sourire mais interroge notre rapport à ce qui n'est pas qu'un sujet d'actualité mais bien la nécessité d'un changement. Houzé finit par mettre son lecteur face à une réalité du quotidien somme toute hallucinante. D'un premier abord naïf, le texte devient tangible. En un mélange d'absurdité et de poésie, Houzé se joue du quotidien et nous livre ici une pépite de drôlerie et de réalité piquante.

C.S.

Avec quelques briques, Vincent Godeau (l’Agrume, Mars 2014)

Avec quelques briques raconte l’histoire d’un petit garçon qui ne mange que des briques, à tel point qu’autour de son cœur s’est bâtie une véritable, et d’apparence infranchissable, forteresse. Mais alors que faire de faire de ce que l’on ressent, et des trop pleins de ce cœur enfermé ? Ce sera là tout le pari de cette jolie histoire. Avec un univers graphique hors norme et un sens prononcé de la simplicité (en apparence… !) Vincent Godeau nous embarque dans un monde de poésie et de douceur où les mécanismes tout en finesse de ce

fabuleux pop-up font mouche à tous les coups. A.B.L .

La nuit des morts - José Angel Manastraduit de l'espagnol par Anouk Minkine

(Anacharsis, Avril 2015)

Un roman choral sur Alexandre le Grand, pour mettre en scène toutes les facettes de sa personnalité et de son histoire. Le Roi, le conquérant, l'ami, mais aussi le fou, le guerrier... Des palais de Macédoine aux rives de l'Indus en passant par la Perse, c'est toute cette épopée, une des plus grandes de notre histoire, qui s'anime devant nous, à la fois grande aventure et portrait psychologique en forme de kaléidoscope. Morts et vivants racontent « leur » Alexandre, lui distillent conseils et mises en garde et José Angel Mañas donne à leurs récits des airs à la fois tragiques et épiques, comme un hommage aux grands textes classiques. Hommes et civilisations sont mortels, mais leurs récits restent dans les mémoires.

J.B.

Les Algériens au café, textes rassemblés par Leïla Sebbar

illustrations Sébastien Pignon (Al Manar, Avril 2003)

Les algériens au café est un recueil de huit nouvelles d'auteurs algériens ou qui portent l'Algérie dans leur cœur. Azouz Begag, Leïla Sebbar, Mohammed Kacimi, Maïssa Bey, Jamel-Eddine Bencheikh, Vincent Colonna, Noureddine Saadi et Albert Bensoussan nous livrent des textes autour de la relation des algériens au café, lieu de rassemblement qui sert tour à tour de refuge, d'exutoire, de recueillement ou d'évasion. Les récits sont accompagnés de dessins croqués sur le vif par Sébastien Pignon qui parvient à capter au plus près les postures et gestes des habitués des cafés.

F.C.

Waldersbach, Sylvain Maestraggi(L'astrée rugueuse , Décembre 2014)

Dans son travail de photographe Sylvain Maestraggi entretient un rapport fort et privilégié avec la littérature, en effet avec Marseille, Fragments d'une ville il se mettait sur les traces de Walter Benjamin, et proposait un récit photographique captivant en 99 prises à travers tout Marseille. Les clichés son empreints d'une luminosité que seul le ciel d'ici peut

produire et c'est avec un sens du cadrage inouï et une sensibilité palpable que le photographe nous permet de voir, re-voir, et même redécouvrir Marseille. Dans Waldersbach , il s'inscrit cette fois dans travail de Georg Büchner et son magistral Lenz, avec ce même fil conducteur, les 45 photographies de Waldersbach suivront le récit que Büchner fait du séjour du Pasteur Oberlin dans cette ville du bas-Rhin. Les prises en noir et blanc évoquent des décors quasi lunaires et la poésie et le dépouillement qui s'en dégagent font de cet objet un livre hors norme.

A.B.L.

David Bowie, L’avant-garde pop , Mathieu Thibault(Le Mot et le Reste, Septembre 2013)

On aurait pu être tenté à la sortie de ce livre de se dire, encore un livre sur Bowie. Le fait est que ce monstre sacré de la musique depuis trente ans à déjà plusieurs fois occupé le terrain des librairies. Alors oui, mais en fait non. Mathieu Thibault réussi la prouesse de parler certes encore de Bowie, mais avec un regard différent et surtout une autre approche. Ce dont il va s'agir ici, ce n'est pas seulement de l’œuvre musicale de Bowie mais de tout le cheminement qui justement mène à Bowie, toute l'influence de George Orwell, David Lynch, Allen Ginsberg, William Burroughs etc.

Mathieu Thibault livre un travail titanesque et exhaustif qui ne fait qu'ajouter au caractère génial (et on insiste sur le sens du mot génie) de celui qu'on surnomme le caméléon.

A.B.L. Dora , Minaverry(l'Agrume, Septembre 2012)

Dora Bardavid grandit entre Buenos Aires, Berlin et Bobigny et l'histoire qui nous est racontée se déroule au début des années 1960. Dans les premières pages on apprend que Dora travaille aux archives allemandes, pas n’importe quelles archives, le Berlin Document Center où sont réunis tous les documents possibles et imaginables sur le N.S.D.A.P. (Parti nazi), les S.S., et les S.A. (les « chemises brunes »). Difficile de définir ce qui fait de cette bande dessinée un œuvre majeure et incontournable tant il y aurait d'arguments pour le justifier. En même temps que l'on voit cette jeune fille de 16 ans, grandir, se défaire de sa peau d'enfant et d'adolescente dans une quête de sens profonde et émouvante, on plonge aussi dans une enquête sans pareille. Une quête de vérité que mène Dora, à la poursuite de hauts dignitaires nazis et notamment du Docteur Joseph Mengele (connu pour être le médecin nazi du camp de concentration d'Auschwitz), Minaverry écrit tout à la fois une véritable page d'Histoire dont la portée dramatique est celle que l'on vous laisse imaginer et donne même temps à son personnage principal, Dora Bardavid une consistance incroyable, faite de sensualité, d'une personnalité hors du commun et d'un sens de la justice aigu. Inclassable et surtout incontournable.

A.B.L.

La roue de Tarek, Mathilde Chèvretraduction en arabe Georges Daaboul

( Le Port a jauni, Février 2014)

Pauvre Tarek ! Il a perdu son jouet préféré, un vieux pneu qu'il aime faire rouler partout en ville. Mais où se serait-il enfui cette fois ? Comment le retrouver ? Quelqu'un l'aurait-il volé ? Tarek part à sa recherche dans les rues de la ville, il traverse le souk, il demande aux passants, il croit voir sa roue à tout bout de chemin, mais – hélas – ce n'est jamais elle. La retrouvera-t-il à la fin de sa course ?Avec la simplicité et la douceur d'une pâtisserie au miel, Mathilde Chèvre recrée pour nous l'atmosphère de la vie quotidienne d'une ville du Moyen-Orient : les illustrations son simples et aux traits forts, mais la gouache, la plume et l'encre de Chine restituent la sensation d'une élégance typiquement syrienne. Mais le plus étonnant c'est que le livre lui même s'amuse à jouer avec l'histoire du petit Tarek : comme le pneu qui roule, le sens de lecture tourne aussi au fil du texte, le livre bascule, fait un quart de tour et puis un autre encore, pour s'adapter au sens de l'écriture arabe, de gauche à droite. Dans chaque page, le texte français est effectivement doublé par sa traduction en arabe : quel bonheur de se plonger dans une écriture différente, aux accents sinueux et à la musicalité orientale ! On en ressort avec plein les yeux et, la sensation d'avoir voyagé, le temps d'un récit, à l'autre bout de la Méditerranée.

V.G.

Les aventures improbables de Peter et Herman ou le tour du monde en 25 escales , Delphine Jacquot

(Les Fourmis Rouges, Octobre 2013)Nous voici partis à la découverte du monde avec Peter, artiste taupe au style vestimentaire fort élégant, et Herman, cigogne de son état. Et soyez prêts parce que vous allez voir du pays : le Groenland, le Pérou, l'Angleterre, l'Italie, la Russie, le Japon, vous n'êtes pas au bout de votre périple. Avec un sens du détail incroyable et une drôlerie sans pareil Delphine Jacquot vous embarque dans un voyage fantasque et fantastique. Dépaysement garanti ! (et comme il fût incroyablement dur de choisir un seul livre, citons aussi le génial les Farfelus de Miguel Tanco) A.B.L.

Imagier de la journée de Monsieur Lapin, Corinne ZanetteImagier des saisons des petites bêtes, Gabriella Corcione et Ingrid

Chabbert (les Petites Bulles, Octobre 2015)

Ces imagiers cartonnés sont les deux dernières parutions des éditions les Petites Bulles. L'accent est porté sur les dessins et aussi sur leur originalité. En effet, ce sont des livre trois en un : il s'agit à la fois d'une histoire, d'un « cherche et trouve » et d'un imagier avec des mots qui sortent de l'ordinaire. Les deux illustratrices ont chacune un univers enchanteur, doux et propice à développer l'observation et l'imagination des enfants. Il y a donc l'Imagier de la journée de Monsieur Lapin de Corinne

Zanette et L'Imagier des saisons des petites bêtes de Gabriella Corcione (illustrations) et Ingrid Chabbert (textes). Dans l'un, nous suivons Monsieur Lapin qui court après son chapeau dérobé par un oiseau toute la journée. On aborde alors les chiffres, les contraires et tout plein de vocabulaire. Dans le second c'est l'évocation du temps qui passe et la météo au sein de la maison familiale de ces petites bêtes. Leur spontanéité et leur simplicité vous séduiront. Dès 1 an.

M.D.

Le Jeu des 7 erreurs Par Liora , Anaïs et Ismaël

nos trois stagiaires pendant cette semaine de bouclage !

Sept erreurs se sont glissées entre ces deux photos, à vous de les retrouver !

Ont participé à ce numéro de la Gazette des libraires :

Anaïs Ballin-Lecoq / Jérémie Banel / Anaïs Baseilhac / Floriane Caprioli / Marion Duhoux / Laetitia Martel / Valéria

Gonzalez Y Reyero /Chloé Sauvageot

Conception graphique et mise en page :

Anaïs Ballin-Lecoq

Ceci est un message

personnel

On te souhaite bon vent, mais attention : on

t'attendra tous de pied ferme en Juillet. Pars vite, mais ne reviens

pas trop tard.Cœur cœur love

etc.