la forteresse noire · 2007. 9. 21. · williams, basil poledouris, chris young, jerry goldsmith,...

31
La Forteresse noire ou histoire d’un chef-d’oeuvre inconnu Interview de Stéphane Piter Propos recueillis par Emmanuel Collot sfm éditions L’éditeur qui édite sfmag

Upload: others

Post on 02-Aug-2021

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

La Forteressenoire

ou histoire d’un chef-d’oeuvre inconnu

Interview de Stéphane PiterPropos recueillis par Emmanuel Collot

sfm éditionsL’éditeur qui édite sfmag

Page 2: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

S’il fallait conférer un terme aux annéesquatre-vingt, ce serait probablement celuide l’inventivité. Aussi, pour ceux quieurent la chance de connaître ces annéesfécondes, la période demeureradéfinitivement attachée à des filmsatypiques, inoubliables, que les plusgrandes innovations des 20 annéessuivantes ne parviendront jamais faireoublier, quelque soient les moyens enpixels mis en avant. C’est probablementparce que les années 80 furent celles d’uncertain artisanat des effets spéciaux

qu’elles contribuèrent durablement à lacréation de films qui sans être à la pointedes techniques, n’ont jamais eu à essuyerla moindre baisse de qualité vis à vis deleurs successeurs que seront les machinesMatrix et compagnie. En Science-fiction,nous eûmes, bien entendu la déferlanteStar Wars, inégalée, même par leséditions spéciales et les préquelles. Puis,ce fut l’insurpassable Blade Runner, dontles effets spéciaux en apprennent encorebeaucoup aux jeunes générationsactuelles de faiseurs de rêves. En fantasy,

page2

La Forteresse noireou histoire d’un chef-d’oeuvre inconnu

Interview de Stéphane PiterPropos recueillis par Emmanuel Collot

Scène de tournage : Michael Mann à gauche

Page 3: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

il y aura le monolithe Conan le Barbare,qui imposa définitivement un genre aucinéma, et un charisme, celui d’ArnoldSchwarzenegger. Là encore, les nouvellesgénérations désireuses de relancer lafranchise Conan, ne pourront sedémarquer du modèle originale qu’à lacondition de faire mieux, ou du moins, deretrouver pour les écran une présencecomme celle d’Arnie. En fantastique, deuxoeuvres marqueront les publics. Toutd’abord, l’incroyable ovni de John MacTiernan, “ Nomads “, bien oublié de nosjours. “ Nomads “ fut le chef-d’oeuvred’un cinéma d’auteur avant tout,cérébrale, profondément humain,plongeant au coeur de la psyché humaine,et nous présentant un Timothy Daltonprobablement dans le meilleur rôle de sacarrière. Il y aura enfin un film, dont lenom est aussi légendaire que sonréalisateur, Michael Mann.

“ La forteresse noire “ est à l’image de cecinéma d’auteur que les majors ont tantcensuré, pour des besoins d’argent ou dedurée à l’écran, une totale réussite et undemi-échec provoqué par une productionpeu encline à distribuer une oeuvre detrois heure. C’est peut-être alors pourcela que, comme pour le 13 è guerrier deMac Tiernan, le film tel que Mann lepensa, tomba étrangement aux oubliettes.Alors que nous approchons de lacélébration du 25 è anniversaire de cefilm en tout point fascinant, voilà qu’unjeune et intrépide innovateur du genres’attaque à une entreprise folle, celle denous donner une version DVD del’intégrale d’un film massacré, tronqué,trop vite oublié. Stéphane Piter, jeune etdynamique innovateur en effets spéciaux,est tombé un jour fou amoureux d’un film.Il en résultera un site Internet alloué au

film fouillé et érudit, des images issuesdes rush non repris par les distributeurs,et une incroyable aventure aux confins dupossible comme des effets spéciaux. Taxéde “ Blade Runner “ du fantastique, “ Laforteresse noire “ marqua longtemps lesesprits de ceux qui s’étaient hasardés à levoir un jour, soit sur grand écran, soit auxdétours d’un obscur vidéo-club.Largement inspiré du livre de PaulWilson, “ Le donjon “, ce film nous offreune version fidèle, même si elle diffère enbien des points, notamment quand àl’aspect de l’attraction principale du film,le démon vampire Molasar.

Une chose est à remarquer, près de 25 ansplus tard, le personnage central du film,n’a pas perdu de sa puissance évocatoire,et son initiateur, Michael Mann, la fiertéd’en être l’auteur. Alors que des milliersde fans se réunissent autour de StéphanePiter, et que des contacts avec lesproducteurs se soient établis, voici que cegénial inventeur de rêves fait le pari de secharger lui-même de donner enfin uneédition DVD digne de ce nom à l’un deschefs-d’oeuvre du genre. Force est dereconnaître qu’il s’en sort haut la main, etqu’il ne tient plus qu’aux producteursd’accorder le feu vert pour faireredécouvrir aux jeunes générations l’undes films les plus saisissants de toutel’histoire du cinéma.

Génial free lance, inventeur de créatures,artiste sculpteur, Stéphane est unpersonnage échappé de l’un de ces filmsde monstres et merveilles. Visage à jamaismarqué par la moue d’un Peter Pan,regard passionné, il est des artistes quigagneraient à réaliser leur rêve. Stéphanedonne le portrait authentique d’ungentleman au grand coeur et la tête pleine

page3

Page 4: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

de rêves. Beaucoup le soutiennent àprésent dans son entreprise folle, l’éditionen quatre DVD de cette merveille. Maisles studios étant ce qu’ils sont, semblentencore rétifs à donner leur aval. A l’heurede l’Europe, à l’heure où les volontésbelles ne manquent pas, mais ne sont pastoujours accompagnées des moyens, ilnous est tout de même permis d’espérerencore et toujours, qu’une édition enfinhonorable de ce chef d’oeuvre voit enfinle jour, pour le plaisir de ses milliers defans de part le monde.

Sf-mag : Stéphane, tu es connu pour êtreun fou d’effets spéciaux, d’où t’est venuecette passion entière qui d’ailleurs occupepas mal de ton temps ?

Depuis mon enfance, je suis passionné parle fantastique et la création visuelle, lesArts, il était naturel que je m’intéresse aucinéma rapidement. Trois films m’ontrévélé mes désirs d’inventions dans cedomaine. J’ai eu la chance d’avoir desprofesseurs également attirés par les Arts,chose qui se perd grandementactuellement. Vers l’âge de 7 ans j’aidécouvert La Belle et La Bête de JeanCocteau et ce fut une découvertemagnifique. Je me disais comment cettebête a été réalisée? Les décors? Lescadrages? J’ai d’ailleurs réalisé monpremier costume de la Bête à cetteépoque ! Le film de Cocteau exposait laBête d’une manière magnifique, c’était

évidement rare d’exposer un telpersonnage dans le panorama du cinémafrançais. Ce film m’a permis de découvrirla toute puissance des rêves et des désirsde création pas le biais du cinéma et dumaquillage. La seconde œuvre fut StarWars de Georges Lucas qui a sans doutemarqué beaucoup de gens et enfin lapierre angulaire et mon Saint Graal : THEKEEP de Michael Mann en 1983 .

Sf-mag : Quel est selon toi ce qui adéterminé cette voie, tu as fait des étudesparticulières qui t’ont amené à te tournervers ce genre assez peu développé enFrance d’ailleurs ?

La Forteresse Noire m’a grandementinfluencé vers mon avenir professionnelactuel. J’étais très curieux de savoircomment un décor ou maquillage étaitréalisé. J’ai donc simplement commencé àme documenter avec les magazines de

page4

Interview de ce faiseur derêve, donc, ce forgeur de

merveilles,

Stéphane Piter,

qui un jour s’est dit commetant d’autres, pourquoi pas... Stéphane Piter sur les lieux du tournage

Page 5: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

cinéma français d’abord puis anglo-saxons. L’Ecran Fantastique, MadMovies en premier lieu puis trèsrapidement Cinefantastique, Fangoria,Starlog, American Cinematographer,Cinefex make up artist et ouvragesmaking of riches en informations. J’aicommencé par dessiner et sculpter à l’aidede matériaux simples comme de l’argileou pâte à modeler et puis au fil du tempsà acquérir les matériaux professionnels telque le latex, les résines polyuréthanes, lessilicones…Pour moi, ma voie était toutetracée, je savais pertinemment mon désirprofessionnel : faire des films et descréations esthétiques. Malheureusement, àmon époque aucune école et voie neproposaient ce que je cherchais. A l’écolele mot « effets spéciaux » était peu connuet parfois mal perçu par mes professeurs.Je me suis pris par la main donc, enautodidacte par la voie de « l’école sur letas » à expérimenter et à me faireconnaître, exposer en festivals et courtmétrages. Il n’y avait que deux écolespubliques en France dans le domained’une carrière cinématographique etquelques autres pour la créations des artsappliqués: Les écoles Louis Lumière etLa Femis pour le cinéma et les EcolesBoulle, Olivier de Serres avec unconcours d’entrée. Ce qui est fortdommage avec ces écoles, c’est qu’onvous demande avant tout un bagagescientifique alors que le cinéma est affairede passions et de sentiments. On vousdemande d’être formaté dans une espècede moule et ce dès le départ…Visiblementj’avais du casser le moule ou visiblementil venait d’ailleurs !La technique est unechose mais l’émotion et l’inspiration uneautre. Quand j’ai une idée en tête, je laréalise sans me poser de questions. Cetteimage ou création est là. J’ai donc tenté à

plusieurs reprises ces concours sans avoiraccès à ces écoles. Qu’à cela ne tienne, jene peux rentrer par la porte principale, jevais tenter la fenêtre ! J’ai effectué mesétudes dans les domaines des Beaux Arts,Arts Picturales et Cinématographiques,Licence des Arts et Lettres, optionmontage cinématographique. Mes ardeursde cinéma restaient inchangées, il étaitd’ailleurs curieux d’étudier des artistescomme Auguste Rodin, Edouard Manet,Vincent Van Gogh, Sandro Botticelli ,Edgar Degas, Paul Cézanne ou encoreClaude Monet qui furent en leur tempssoient toujours exclus des salonsparisiens, incompris, non reconnus de leurvivant ou encore refusés à l’École desBeaux Arts plusieurs fois ! Je me suisformé seul et par expérience. Dès quej’avais un peu de temps libre, je dessinais,sculptais, construisais…C’est uneexpérience non négligeable, uneédification sur du long terme, briquesaprès briques. Je suis actuellement engagéen tant que chef maquilleur, directeur eneffets spéciaux, intervenant artistique desArts cinématographiques et de l’histoirede l’Art. J’ai écrit différents essais à lafacultés des Arts: « Les marionnettes auCinéma » et « Chroniques d’unesymphonie Fantastique » qui est une étudesur la musique de film et son lien intimeavec l’image. Je suis en effet passionnépar la musique de film, celle-ci m’inspirebeaucoup, je travaille souvent dans monatelier en écoutant Georges Delerue, JohnWilliams, Basil Poledouris, Chris Young,Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et biensur Tangerine Dream… Durant toutes mesétudes THE KEEP a résonné comme unécho car rien n’avait été fait au hasarddans ce film et sa qualité visuel était unerecherche permanente pour moi. Un gagede qualité.

page5

Page 6: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

Sf-mag : Raconte-nous un peu le genred’effets spéciaux que tu affectionnesparticulièrement et qui est abondammentillustré sur ton très beau site.

J’aime être en contact avec la matière.C’est à la fois une lutte et une relationintime avec les choses, j’aime sculpter.Les effets spéciaux seront toujours pourmoi quelque chose de tangible et matériel.C’est idéal pour l’équipe technique et lesacteurs qui jouent devant quelque chose,ils peuvent réagir à une forme en 3dimensions. C’est le côté maquillage etcréatures que j’affectionneparticulièrement. Mes mentors sont DickSmith, Rick Baker, Rob Bottin, StanWinston, Greg Cannom pourmaquillage…Ces artistes sont en lignedirecte avec un Michel Ange ou unRembrandt, j’entends par là l’attitudeémotionnelle dans leurs réalisations.Chaque créature ou élément que j’ai créésont le reflet d’émotions et d’attitudes àun moment d’une vie. Sculpter quelquechose est lui insuffler la vie, c’esttransmettre une partie de soi même danscette création. Elle n’est donc plus et pasun simple morceau de latex inerte et sansvie, il y a de l’affect. Je ne suis pas contreles images de synthèses mais je ne lestrouve pas encore assez émotives ounaturelles. Le mariage parfait de lasynthèse et les effets plateaux restent lestyle Jurrassic Park: les imagesinfographiques interviennent là ou lemaquillage ne peux plus intervenircomme faire courir un t-rex par exemple.Par contre l’interaction entre acteur etéquipe technique reste nécessaire pour leseffets de plateaux, des effets réels. Je nefais aucune distinction entre une peintureou esquisses de Léonard de Vinci et un

travail d’effets spéciaux, donner vie à unecréature, le travail est le même. Commentrendre cette œuvre réaliste ? Quellescouleurs lui donner ? Il y a une rechercheanatomique au départ, un croquis, unesculpture. Il faut lui donner sa texture, sateinte, sa couleur.

Sf-mag : La France a-t-elle rattrapée sonretard ou bien a-t-elle encore beaucoupd’effort à produire ? Il semblerait que, cesdernières années, les effets spéciauxsoient un peu renvoyés au second plan.Comment expliques-tu le fait que c’est unsecteur assez mal représenté en France ?Pourtant, Méliès est fondateur d’uncertain genre à effets spéciaux, à quoiimputes-tu cette carence actuelle, alorsque les belles innovations ne manquentpas ? L’Europe va-t-elle changer quelquechose ?

Vous citez Georges Méliès avec bonheur,on peut parler de Georges Franju, JeanCocteau, Fritz Lang ou Frédéric Murnauégalement. Le cinéma a été créé par noschers frères Lumières, tout de suiteexpérimenté par Georges Méliès et sesfabuleuses aventures fantastiques rempliesd’effets spéciaux en effet. Le cinéma estné en Europe et était la base d’expériencediverses, je pense aussi àl’expressionnisme allemand que nousallons aborder avec La Forteresse Noire.Bref, nous avions le potentiel énormepour atteindre des sommets insoupçonnésmais actuellement, le cinéma en Francereste un « art » et pas une industrie. Avecl’Europe je m’attendais à de grandescréations cinématographiques, de grandsstudios possibles qui ne viennentfinalement pas. Chacun reste dans soncoin. J’ai des espoirs non dissimulés pourLuc Besson et son studio Europa. Il serait

page6

Page 7: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

en effet en mesure de concurrencer lesUSA par la réunion de talents divers. Jerespecte au plus haut point Jean JacquesAnnaud qui réalise des œuvresmagnifiques. Il y a une grande volontémais aussi une difficulté de financementen France c’est très clair. J’ai plusieurslongs métrages qui ne voient pas le jourpar manque de financement. Il y a aussi lanotion de films de genre, je déteste ceterme qui met de côté certains films parrapport à d’autres comme un ghetto. Lefantastique est, à priori, un sous genrepour beaucoup de producteurs. Regardonsun peu l’histoire du cinéma et vous verrezun nombre conséquent de grandréalisateurs qui sont passés pas cette case.En France, je ressens cette difficultécomme un frein énorme à la création. Ona peur en France de se lancer. Aux USA,vous l’aurez compris c’est l’inversepuisque le cinéma est la deuxièmeindustrie du pays, la donne n’est pas lamême, il manque en France des« mentors » tel que Rod Serling ou RogerCorman par exemple. La filmographie dece dernier n’est peut être pasexceptionnelle mais elle peut se targuerd’avoir permis à Joe Dante, Francis FordCoppola, James Cameron de faire leurpremière armes et expériences dans lecinéma. En France, il y a beaucoup detalents sous exploités. La plupart desréalisateurs européens nous ont quittéspour réaliser leurs rêves aux USA : NeilJordan, Ridley Scott, Michael Mann, PaulVerhoeven, et depuis Guillermo Del Toro,Christophe Gans ou Alexandre Ajja.Parfois les intrusions dans le domainefantastique en France n’est pas concluant,en tout cas pour ma part, j’avais d’autresattentes. Mon fantastique ne serait pas desaliens et explosions dans tous les sens,non. J’ai été élevé à Temps X chaque

samedi dans les années 80 et mapréférence reste Twilight Zone. Encoreune série qui a permis à beaucoup dejeunes réalisateurs, compositeurs,décorateurs de faire leurs armes. Je penseet espère à un cinéma de créations ou laréalité aura tendance à basculer vers Laquatrième Dimension.

Sf-mag : Les anglo-saxons et américainssont grandement capables de tenirplusieurs équipes lors d’un tournage,crois-tu qu’en France nous soyonstoujours à un niveau où cela nous estimpossible, hormis les grosses boîtes deproductions ?On est parfaitement capable de réaliser degrands films bien sur, il suffit de levouloir. J’aime le cinéma français pour sasimplicité et son émotion. Qu’attendonsnous pour montrer davantage ? L’Europeest un gage d’histoire fabuleuse ! Levieux continent est gorgé de légendes, demythes, d’histoire humaines.Actuellement les pays de l’est ont biensaisi l’opportunité que le cinéma vaapporter notamment en capitaux. J’aiadoré la dernière version de HannibalRising réalisé par Peter Webber. Uneproduction française, tchèque, italienne etbritannique. Le Silence Des Agneaux estun livre fabuleux ou l’on nous présente leplus célèbre serial killer dumonde :Hannibal Lecter. Cette préquelleaurait pu tomber dans une suite sansintérêt et pourtant le film va s’ancrer demanière réaliste et salvatrice dans nosvieux démons de l’Europe de la secondeguerre mondiale. Voilà ce genre deproductions que j’attends davantage. Lefilm est réaliste, le scénario sans faille,l’image est esthétique et passionnante. Jefais rarement de créatures pour des longmétrages puisque ils sont encore trop peu

page7

Page 8: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

nombreux et c’est bien dommage.L’essentiel passe par des effets réels deblessures, faux corps, vieillissement,accessoires. L’exploitation de mescréatures est présentée sur des spectacles,shows, rencontres avec le public,expositions et événementiels de cinéma. Ily a aussi la partie graphique : storyboardset affiches. La France est remplie detalents sous exploités.

Sf-mag : Raconte nous ta premièrerencontre avec un film comme LaForteresse noire ?

J’ai découvert La Forteresse Noire aucinéma en mai 1984, j’avais 11ans et cechoc positif a été fertile pour mes choixde vie professionnelle, artistique ethumaine. J’avais déjà lu plusieurs foisl’ouvrage de Paul Wilson précédemment.J’appréciais fortement la thématique desopposés qui s’affrontent sur fond deseconde guerre mondiale, période trèstroublée. Je me souviens avoir découvertles première images du film par le biaisde magazines fantastiques qui couvraientles sorties cinématographiques. RaduMolasar, la créature maléfique du filmétait en première page et je le trouvais,esthétiquement parlant très séduisant. Alire ce fameux magazine, je pouvaisdécouvrir de magnifiques images trèsesthétiques, expressionnistes avec unelumière bleu acier dominante. L’aspect duchâteau était monolithique et en totaldésaccord avec toutes les images dechâteaux fantastiques utilisées jusque làcomme par exemple la Hammer. Aucinéma ce fut une véritable révélation, unchoc puissant et définitivementinspirateur. THE KEEP m’a insufflé ledésir de poursuivre dans ce métier, lacréation visuelle au cinéma. Le cinéma

permettait donc d’inventer des mondesqui n’existent pas et de leur donner uneréalité très concrète. Les décors, lamusique, les éclairages et la manière defilmer a enfanté ce que je suis maintenant.Je ne connaissais pas Michael Mann avantTHE KEEP, j’étais davantage habitué àd’autres réalisateurs attitrés de ce domainebien connus. C’est ce qui fait la force deLa Forteresse Noire justement, la visionde Mann ne répond pas aux clichés archisusés jusque là. C’était une vision nouvelleesthétiquement et intellectuellement.Enfin le Fantastique dépassait ce cadreréducteur de film de « genre »souventrejeté par les critiques notamment. J’aitoujours pensé que les réalisateurs defilms fantastiques ont un regard plusacerbe sur le monde que les autres. Ilschoisissent volontairement le fantastiquecomme métaphore de la vie et du monde.Choisir le fantastique c’est un peu« améliorer » ou changer un monde tropcartésien, s’échapper de notre réalitécartésienne et décevante, créer despersonnages magiques, des mondesextraordinaires et quelque part vivreéternellement par cette trace, cettesignature. Dans cette démarche, je nepeux que vous citer quelques monstressacrés du cinéma fantastique, qui furentlongtemps décriés et critiqués pour leurlégèreté cinématographique. : StevenSpielberg a mis tout le monde d’accorddepuis La Liste De Schindler, JamesCameron avec Titanic, Ridley Scott avecKingdom of Heaven.. Guillermo DelToro est aussi un réalisateur quej’apprécie beaucoup Le Labyrinthe dePan est un chef d’œuvre. Des réalisateursancrés dans le fantastique mais au finalprofondément humains. Après THEKEEP bien sur je me suis fortementintéressé au réalisateur et ses thèmes ou

page8

Page 9: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

plutôt son thème. : Les choix que nousfaisons dans la vie et leurs répercussions.J’ai découverts alors un cinéma trèscérébral mais esthétiquement très riche.Michael Mann entretien d’ailleurs unerelation très fusionnelle avec la musique.Elle est une partie très importante de sonpropos.

Sf-mag : Comment s’est élaboré lescénario de départ et comment s’estdéroulé le casting ?

Michael Mann a fait acquérir les droitsd’adaptation auprès de ParamountPictures car les thèmes privilégiés duréalisateur étaient présents dans l’ouvrageJe pense notamment aux choix que nousfaisons dans la vie et leurs conséquences.L’histoire du film ou du livre n’est pasmanichéenne, tout n’est pas noir ou blancmais gris. Chaque personnage va tenterd’assouvir ses ambitions, ses choix etrencontrer ses craintes et ses doutes. Cettethématique reste la base du cinéma deMichael Mann. Le réalisateur a donc écritplusieurs versions de l’histoire. Les FirstDraft et Second Draft rédigésrespectivement en mars et Juillet 82.L’histoire de Mann reste fidèle au livredans ses grandes lignes. N’oublions pasque ce que Mann a filmé une version quiavoisine les 180 minutes !. Ce qui resteactuellement, après passage desproducteurs dure 96 minutes. Laproduction fut prévue pour un montant de6 millions de dollars. Le casting s’estdéroulé très normalement car Michaelsavait pertinemment qui engager. Mannconnaît bien l’Angleterre pour y avoir faitune partie de ses études. Sir Ian McKellen était déjà un acteur confirmé etmembre de la Royal ShakespeareCompany, compagnie très connue et

apprécié, il brûlait les planches depuislongtemps notamment en jouant des rôlescomme Richard 3 ou Amadeus. AlbertaWatson avait été remarqué par son rôle defemme forte dans Le jeu de lapuissance et Le soldat. Le réalisateurvoulait une femme déterminée face auxallemands et la créature issue des enfers.Jurgen Prochnow avait été apprécié enCapitaine courageux dans Le Bateau deWolgang Petersen. Pour la ForteresseNoire, jouer un capitaine rompu aux pirescombats et complètement réfractaires à lapolitique et vanité hitlérienne était idéalpour Prochnow. L’acteur transpiredéfinitivement un côté humain qui ressortdans sa prestation, de vulnérabilité. Cen’est plus une question d’honneur ouquestion de guerre mais bien de salut etde nature humaine qu’il faut préservédans cette enceinte monstrueuse. GavinMc Fadyen, l’un des producteurs était uncollaborateur de Mann à l’école deLondon ‘s International Film School.

Sf-mag : Le lieu principal du tournage futune ancienne carrière creusée au pays deGalle, peux tu nous raconter un peul’histoire du tournage, qui fut trèsconvivial ?

La pré-production du film a duré estcertain temps dans la mesure ou l’équipetechnique, John Box en tête, cherchait lelieux idéal pour le cadre de THE KEEP.Au départ, ils cherchaient un véritablechâteau oû placer l’histoire. Angleterre,France, Allemagne et Roumanie ont étépassés au crible mais rien necorrespondait aux attentes du réalisateur.Et puis au Pays de Galles, zone fortconnue pour ses exploitations de pierresdont l’ardoise, une carrière abandonnéefut finalement retenue. Je comprends

page9

Page 10: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

COMPLÈTEMENT le choix de MichaelMann pour cette carrière abandonnée pourl’avoir visitée plusieurs fois. Elle n’estguère facile à trouver et il faut avoirclairement les images du film en tête poursavoir que ce sont les différents lieux detournages. Le lieu est « hypnotique » eneffet, vraiment très beau, très esthétique.La pierre avec le soleil prend une couleurargent, violette, bleu, vert émeraude etnoire quand il pleut. C’est donc un choixévident pour placer l’histoire de THEKEEP, à l’image des personnages quichangent, se transforment pendant ledéroulement. Les lieux sont inaccessiblescar c’est un puit de 180 mètres de haut,personne ne peut accéder à pieds. Celavous laisse une idée du tournage puisquela production a du construire un ascenseurpour pouvoir donner accès auxtechniciens, acteurs…Chaque élémentétait descendu avec un grue et manquaitde chuter à cause du vent violent ensurface. Le tournage ne fut pas aisé surplusieurs points. La logistique devaitprendre effectivement en compte ladescente et la remonté du matériel et detoute l’équipe technique. Cela prenaitdonc un certain temps d’où un retardgrandissant sur le planning. Le temps lui-même ne fut pas forcément à l’affaire.Cela était très bon pour l’ambiance dufilm ; la pluie et le froid étaient excellentspour symboliser la région reculée du Colde Dinu en Roumanie. Mais une fois quevous étiez au fond de la carrière, aveccette pluie et ce froid, le moral étaitentamé. Les tournages sont parfois long,vous deviez attendre un temps certainavant de remonter et aller vous réchauffer.Michael Mann est réputé, comme StanleyKubrick ou bien d’autres, à filmerplusieurs prises de la même séquence afind’obtenir CE qu’il cherche. Imaginez

donc être toute une nuit dans le froid et lapluie dans une région reculée del’Angleterre, perdue au milieu de nul part.La fatigue gagne parfois rapidement.L’espace restreint du site et le nombreconséquent de techniciens transformait lesol en boue et les décors en bois et plâtrecommençait à prendre l’eau. Le sitenécessitait de grands projecteurs qui nerésistaient pas au froid. Problèmestechniques à répétition bien sur, mais quifont partie de tous folklore de tournage.Et n’oublions pas la sacro sainte traditionen Angleterre : A 16h, tout le mondes’arrête pour prendre le thé !

Sf-mag : On se dit souvent déçu par lesadaptations au cinéma des romans issusdes littératures de l’imaginaire. Tu as lu leroman de Paul Wilson avant ou aprèsavoir vu le film ?

J’ai découvert le livre avant le film. LeDonjon écrit par F. Paul Wilson était unbest seller en 1980. L’histoire du livreprésentait une sorte de microcosme del’humanité et la résurgence des démons.Le livre est une montagne, le film est uneautre montagne. N’oublions pas que lefilm est inspiré par le livre de Wilson, onfait souvent l’erreur de dire adaptationfidèle. Lire un ouvrage et imaginer unfilm dans sa tête est une chose, adaptercet ouvrage avec de vraie images en estune autre. Le film est esthétique, c’est unrêve éveillé, un conte de fée pour adulte.Il faut donc intégrer ces notions pourcomprendre le langagecinématographique. Il y aura toujours unfossé énorme entre un écrit et une image,qui à priori, reste définitive. Mais commedans les écrits de Lovecraft, à un momentdonné quand Wilson écrit « il vitl’innommable et s’évanouit » il faut bien

page10

Page 11: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

donner une allure tangible à lacréature…Dans le livre, Molasar est unesorte de Vampire habillé comme zorro. Lacréature dans le film peut prétendre àautre chose de plus intéressant.J’ai trouvé légitime et fort intéressant decontacter Paul Wilson à propos de THEKEEP puisqu’il est le créateur original del’histoire. Je l’ai fait en toute sincérité etsans aucun esprit partisan de ma part carj’aime le livre et le film : Ils sont deuxvisions différentes. Pour ma part les 2restent complémentaires car pour ceux quine comprennent pas complètement lefilm, le livre permet d’appréhender lesscènes coupées manquantes. Etant unvisuel, mon affection ira à l’image carMann a tenté de dépasser le livre pourcréer un conte pour adulte sur l’humanité.J’entretiens de très bonnes relations avecPaul Wilson et je sais fortement qu’iln’adhère pas au film PARCE QU’IL n’ajamais eut accès à la version longue dufilm. Il est écrit au générique de LaForteresse Noire : « BASED on PaulWislon’s Story ». Ce n’est pas uneadaptation fidèle mais une interprétationlibre d’après l’histoire d Wilson. L’auteuravait largement eu le temps de donner sonpoint de vue un peu « acerbe » sur letravail de Mann. La création de www.the-keep.ath.cx a permit de faire découvrirdes images inédites du montage initial etj’espère pour le public et pour l’auteurleur faire comprendre qu’un autre filmexiste quelque part. un film beaucoup plusproche de l’histoire originale. Biens suron ne peut être forcément d’accord avecl’aspect de Molasar dans le film (unvampire dans le livre) mais Mannsouhaitait dépasser ce stade et enfanter unmal plus général, une entité du mal et pasun vampire. D’ailleurs dans le film, lesvictimes sont dévorées au niveau de

l’âme, l’énergie. Ce n’est pas sanglant.THE KEEP est un film d’auteur, pas unfilm « commercial » au sens stricte duterme. Le script original du film se tienttout à fait, les scènes manquantesactuelles donnent des informations sur lapsychologie des personnages et surtoutleur relation/motivation. Il est curieux devoir que très récemment THE KEEP aété adapté en Comics (IDW Publishing)en 5 numéros. Il semble que Paul Wilsonlui-même est été confronté à un autremédium que l’écriture. Comment donnerune image à un texte ? Ce n’est pas sisimple et aussi, Paul Wilson a dumalheureusement se résoudre aussi àcouper certaines informations de l’histoireoriginale pour l’adaptation BD. Dans lepremier numéro, le dessinateur reprendvisuellement presque les mêmes plans queMann pour la version cinématographique.Un livre est forcément beaucoup plusdense qu’une image. Vous vous faitesvotre propre film dans la tête, c’estinfiniment plus riche mais est-cefilmable ? Est-ce réalisable en 3dimensions ? Je suis heureux d’avoir surconserver de très bonnes relations avecPaul Wilson malgré ma très grandepassion pour le film de Michael Mann.J’ai préféré conserver une très grandeouverture d’esprit. Il aurait pu me rejeterd’emblée. Je pense que Paul Wilson aautant envie que moi de découvrir enfin laversion longue de THE KEEP. Mais ilexistera toujours une différence entre unlivre et une version ou adaptation filmiquede cette œuvre. Regardez SHINING deStanley Kubrick, on ne peut dire queStephen King est content durésultat. DUNE de David Lynch ou lesadaptations de John Harrison, qu’en penseFranck Herbert ? Il faut définitivementarrêter de faire des comparaisons entre

page11

Page 12: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

deux sources artistiques différentes ou lesnotions de « goût » et préférencesartistiques interviennent. Dans chaqueinterprétation il y a un point de vue, del’affectivité et de la subjectivité. Il resteque Michael Mann a réussit à créer uneatmosphère vraiment unique avec LaForteresse Noire, bien loin de celle dulivre que j’apprécie aussi. THE KEEPs’apparente à un cerveau ou idéesconscientes et inconscientes surgissent ets’affrontent. oû la moralité, le doute, lasurvie, l’envie et la trahison serencontrent, votre pire cauchemar est bienvous-même. Le mal surgit de votreinconscient à l’image de Molasarrencontrant le Major Kaempffer. Paul Wilson peut accepter un autre pointde vue par rapport au film maintenant,considérer que c’est du « cinéma » et unfilm esthétique, une autre vision de sonouvrage. Je pense que Wilson estconscient maintenant des difficultés queMann a rencontrées et qu’un autre filmexiste bien quelque part. La question estaussi de savoir quels étaient les droits etoptions sollicités par Paramount surl’œuvre de Wilson car l’écrivain aurait puêtre davantage impliqué sur le projet viaune close contractuelle. Je ne connais pasexactement les termes des optionsachetées par Paramount. En l’occurrence,Michael Mann se « base » sur l’histoire,ce n’est donc pas une adaptation linéaireet fidèle. C’est un autre point de vue del’histoire ou des thèmes. On peutapprécier ou non mais la critique doit êtreconstructive d’où mon ambition de révélerce que je n’ai jamais douté de la part deMichael Mann, un film cohérent reprenantcertaines grandes lignes du livre tout en yintégrant un esthétisme et des beautésformelles indéniables. Paul Wilsontravaille actuellement sur un possible

remake, une version télévisuelle avecdifférents épisodes comme une série. Cequi permettrait une intégration pluslongue d’informations visible à l’écran.Ce serait sans doute le meilleur partie prispour l’écrivain : Etre impliqué commeconseiller artistique. Wilson a une visionde son œuvre que personne d’autre nepeut avoir. En fait THE KEEP est unefrustration pour beaucoup de personnes :L’écrivain qui ne retrouve pas forcémentson œuvre, le réalisateur qui a du subirdes coupes monstrueuses sur son film, lepublic dont je fais partie qui s’impatienteà découvrir enfin le vrai film. Le studioréagit actuellement comme un studio , ilregarde simplement son catalogue defilms et leur incidence au box office. LaForteresse Noire n’a remboursé que lamoitié de son budget initial, c’est doncune œuvre mineure et sans intérêt. C’estbien sur, une erreur de penser cela.L’écrivain n’a jamais vue la versionlongue du film, il a pourtant été invité en1983 à visiter les studios Sheppertondurant le tournage. Il était enchanté àl’époque, ce sont ses mots, d’avoir été letémoin de la scène ou les deux soldatsouvrent le mur pour libérer Molasar de saprison. L’écrivain a ensuite découvert laversion massacrée au cinéma comme tousles spectateurs. L’écrivain était emballé etpositif par la première partie du film,beaucoup moins pour la seconde partieCependant lors d’une diffusion du filmsur une télévision américaine, l’auteur aété surpris de découvrir un morceau descène coupée illustrant un grand passagede son livre : Après le combat entreGlaeken et Molasar, Eva retourne dans

les sous-sols de THE KEEP retrouver lecorps inanimé de son amant. Nousdécouvrons alors le reflet de Glaekendans l’eau. Nous ne pouvons que prendre

page12

Page 13: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

conscience qu’il existe bien quelque partdes portions du film non utilisées. Ce queje souhaite également soulever ici est quela durée du film TV était bien de 96minutes comme la durée exploitation ensalles de cinéma. Il semble qu’il existeune mesure contractuelle ou le film nepuisse dépasser les 96 minutes lors de sadiffusion. Le montage télévisuel laisseapparaître un autre montage de séquencesà l’intérieur de cette durée limitée. Il y adonc bien des séquences et imagesoriginales, archives supplémentairesquelque part. Dans ce cas précis de cettediffusion américaine, TROIS autresséquences connues dans la version salleavaient disparues au détriment d’une finalternative ce qui rendait le film encoreplus incompréhensible. Je ne peuxqu’émettre encore une fois ma viverévolte au non respect de l’œuvre

Sf-mag : Pense-tu que Michael Mann s’enest bien sorti, vu les coupes inévitablesquand on adapte un roman ?

La Forteresse Noire et la créaturemaléfique Molasar m’avaient fait une trèsgrande impression de puissance,l’incarnation d’une énergie et c’était bienle but de Michael Mann. Cependant lefilm présentait des séquences très longueset magnifiquement clipées et d’autres oules ellipses temporelles étaient violentes.La cohérence et le déroulement del’histoire me semblaient trop rapides parendroit. Les trop grands sauts temporelsn’étaient pas forcément justifiés et j’aitoujours pensé que le film diffusé en sallen’était que la partie immergée d’uniceberg monstrueux. Surtout si on fait leparallèle avec le livre de Paul Wilson, desséquences entières manquaient. Ce n’étaitpas possible que l’on puisse filmer des

images et des séquences aussimagnifiques, oniriques, relevant dudomaine des rêves, et passer à côtéd’autres séquences importantes pour lacohérence du récit. C’est à ce momentprécis, en 1984, que j’ai commencé àregrouper magazines, images, documentsautour de THE KEEP. La chosetroublante qui revenait très régulièrementétait les nombreuses photographiesinexistantes dans le montage actuel, cequi impliquait une simple réflexion : Laproduction a-t-elle du temps à perdre pourphotographier gratuitement ces scènes ?Plus je cherchais plus THE KEEPrévélait son véritable visage. Bien sûr audébut j’étais jeune et mes moyens limitésmais j’ai toujours gardé un espace librepour cette recherche et cela faitmaintenant plus de 24 ans que je réunisdes documents rares et originaux liés aufilm. Comme un puzzle géant, mon actions’illustre vers un hommage très appuyépour la version d’origine désirée parMichael Mann. La version actuelle de 96minutes est un montage d’exploitation desproducteurs. Le film original de MichaelMann approche les 180 minutes. Essayezdonc d’imaginer en 1983, un filmFantastique de 180minutes ! Seuls LesDix Commandements, Ben-Hur,Laurence d’Arabie ou encore Autant enemporte le vent peuvent se targuer d’unetelle durée. J’ai mûrit avec La ForteresseNoire qui m’a révélé ses secrets etcontinue encore à les révéler. Une autreboucherie existe après la sortie du film,c’est son édition VHS en vue del’exploitation locative…Quelle charcutageencore ! Le cinéma est une tout autreexpérience que la télévision. MichaelMann a toujours affirmé penser àl’expérience de cinéma et non celleprévue dans le petit cadre. Ayant une

page13

Page 14: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

multitude de version du film, il est TRÈSmalheureux de découvrir le film dans saversion PAN AND SCAN dans la mesureou le film n’a absolument pas été pensédans ce sens ! Le film est filmé en FocusAnamorphique 2 /35 :1.Une image donctrès particulière lié au thème du film. Uneimage de cinéma est comme une peinturede Delacroix, Vinci ou Caravage. Chaqueélément y a sa place et sa fonctiond’information. Pourriez vous imaginer LeJugement dernier de MichelAnge, L’Ecole d’Athènes de Raphaël, LaScène de Leonard de Vinci ou encoreGuernica de Pablo Picasso recadrés entrès gros plan ? Absolument pas ! C’est lamême chose ici. Le film ayant été déjàcoupé dans sa durée initiale, il est doncparfois difficile de suivre de manièrecohérente l’histoire. Alors si d’autresinformations disparaissent du cadre c’estencore pire ! Je suis révolté par la manièreavec laquelle ce film été traité dans sontransfert vidéo, le son stéréo est devenumono et l’image n’a aucunement étécorrigée en fonction des séquencestournées. Voici quelques exemples lesplus représentatifs : Lorsque Glaeken(joué par Scott Glenn) rencontre pour lepremière fois Eva à l’hôtel, Glaeken n’aaucun reflet dans le miroir derrière eux,seule Eva est reflétée. Dans la versionvidéo, le cadre se fait sur les deux acteursau premier plan, nous ne distinguonsaucunement le miroir en arrière plan !C’est pourtant une information importantepour l’histoire faisant directementréférence au mythe du vampire, Glaekenn’a aucun reflet dans le miroir ! Cette idéeest présente dans le livre de Wilson, etn’oublions pas que l’histoire se dérouledans les Carpates, en Roumanie. Cetteseule scène en dit long sur le film dans saglobalité. Dans une autre scène coupée,

Glaeken fait état de sa solitude et sonsentiment de non-existence. Dans la finoriginale, encore une scène coupée !Après son véritable combat à mains nuesavec Molasar, Glaeken voit son refletdans le lac de The Keep, il est devenuhumain. L’histoire et les images sont donctout à fait cohérentes ! Autre séquence enpan and scan révoltante, Glaeken a étéexécuté par les allemands à l’entrée deTHE KEEP, un plan montre Eva enpleurs agenouillée au bord du pont àl’extrême droite du cadre 2 /35 :1 ,version pan and scan elle a littéralementdisparue ! Seul un plan sur les roches estvisible ! Le Pan and scan est égalementun charcutage des films. Il n’y a que lesfilms de Stanley Kubrick qui résistent etpassent bien le passage du Pan and Scancar Kubrick aimait filmer en 4 :3. LeSystème Pan And Scan fait perdre 40 à50% des informations dans une image detype cinémascope.

Sf-mag : Plus précisément, que ne voit-onpas du livre dans l’adaptationcinématographique. Il y a déjà le fait queles soldats possédés par Molasar et quimassacrent les leurs n’y figure pas, quoid’autre exactement ?

Je vais vous parler de la version longuedu film, en me référant aux scripts et auximages inédites en ma possession. Laversion actuelle, sortie en salle est uneboucherie. Comme je le disais, la duréed’un long métrage pèse beaucoup pourson exploitation salle, rajouter à cela unréalisateur relativement jeune. MichaelMann avait 40 ans pour THE KEEP etc’était son deuxième long métrage.Rajouter des producteurs qui necomprennent pas forcément la finalité duprojets (le film devait initialement sortir

page14

Page 15: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

en juillet 1983 comme le blockbuster del’été). La version de Mann avoisine les180 minutes, une durée absolument pasexceptionnelle pour le réalisateur quidepuis flirte régulièrement, et pour notreplus grand bonheur, avec les 2h30 enmoyenne. Voici quelques élémentsimportants issus du livre que noustrouvons dans la version longue :

- La scène d’ouverture avec les camionsallemands est plus longue. Ils apparaissenttrès éloignés dans le cadre, marchant versune longue progression parmi une merd’arbres.- A l’arrivée des allemands, le PèreFonescu, le gardien et le gérant de l’hôtelfont état de leur inquiétude face àl’installation des allemands dans LaForteresse. Fonescu reprendra une phraseimportante du livre « When the darknessfalls, it falls on us all » « Quand leténèbres tombent, elles tombent sur noustous ».- Lorsque les deux allemands découvre lacroix argentée et la déplace, une séquenceà suspens dépeint la résurgence d’uneforce invisible qui approche les soldats.Le Capitaine Woermann découvre lescadavres de ses hommes et l’ouverturedans le mur ; c’est la panique parmi lessoldats. Woermann sera longtempssceptique jusqu’à qu’il soit témoin d’uneattaque. - La relation entre le prêtre orthodoxe etProchnow est plus développée, ils serespectent mutuellement.- La relation entre Scott Glenn et AlbertaWatson est beaucoup plus étoffée etsubstantielle. Elle est effrayée au départpar Glaeken (rappelant Molasar) et elle nese jette pas dans son lit au bout d’uneminute comme dans le montage actuel.- Le rapt à l’arrivée des allemands est plus

effrayant, les villageois sont littéralementterrorises.- En prenant le bateau pour la Roumanie,Glaeken se fait attaquer par Carlos, lepropriétaire du bateau qui tente de luivoler ses pièce d’or. Glaeken le tue et lejette par-dessus bord au moyen d’uneforce surnaturelle.- Le gardien de La Forteresse est lepremier à être assassiné par les soldats deProchnow car ils pensent qu’il est al’origine des meurtres des soldats. Il esttué avec la hache de l’un de ses deux fils.- Les villageois deviennent fous etl’aubergiste devient violent avec Eva etlui fait des avances sexuelles.- Le combat final entre Glaeken etMolasar se fait au sommet de LaForteresse, c’est un duel à mains nues,Molasar tente d’achever Glaeken et lepiège avec la lumière du jour. De leurcombat ils chutent tous les deux àl’intérieur de l’édifice.- Eva en pleurs sur le pont abandonne sonpère pour retrouver Glaeken dans lescaves de La Forteresse. Elle le trouveinanimé par un rayon bleu (opposé deMolasar de couleurs rouge). De sonamour elle le réanime et on peut découvrirleur deux reflet sur la surface de l’eaud’un lac proche. Glaeken est devenu« humain ».- Glaeken , Eva et Cuza s’enfuientt avecle bateau de Carlos en méditérranée . Lamer est une image classique et reposantechez Michael Mann.

Sf-mag : Un autre point a beaucoup pluaux spectateurs, c’est cette histoired’amour liant l’ange Glaeken à la belleEva, est-ce aussi prégnant dans le roman ?

Effectivement, ce n’est pas aussi rapideque dans le montage actuel. Ils

page15

Page 16: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

apprennent davantage à se connaître, c’estbeaucoup plus cohérent et réaliste. Eva apeur de Glaeken au départ, elle l’épie, lesurveille et fouille dans ses affaires ce quidonne lieu à une réplique humoristique« involontaire » : Eva ouvre la grandeboite en bois de Glaeken et y trouve lalame métallique. Glaeken survient alors etlui demande si elle espérait le trouver« dedans »...Glaeken est hypnotique avecEva, tout comme Molasar hypnotise Cuza.Glaeken fait part à Eva de son état degrande solitude, notamment de ne pas voirson reflet dans les miroirs, le sentiment denon existence. Eva tient une placeimportante dans l’histoire, c’est en effet laseule femme et les éléments gravitentautour d’elle. Molasar s’en sert pourconquérir la confiance de Théodore Cuza.Je me demande d’ailleurs si le scénariod’ Highlander, filmé plusieurs annéesaprès n’a pas « emprunté » la notiond’immortalité de Glaeken qui, après lecombat avec le démon devient un simplemortel…L’amour d’Eva pour Glaeken vafinalement le sauver de sonimmortalité…Tel un accouchement, Evaredonne vie à celui-ci après son combatavec le diable. Cette idée est présentedans le livre et dans le film.

Sf-mag : Qu’est ce qui fut déterminantpour toi dans l’impact que possède lefilm, le fait d’un équilibre parfait entredes moments de pure terreur et desuperbes séquences mystico-poétique, lamise en abîme de trop longs dialogues,une ingénieuse mise en perspective dumal à l’état pur ?

C’est avant tout son aspect esthétique trèsfort. Un film hors norme, une sorted’ovni. Le film peut être lu sous différentspoints de vue, telle une fable historique

(la seconde guerre mondiale et sabarbarie), moraliste, psychanalytique(Molasar qui vient de l’inconscient et dusubconscient collectif), métaphysique (lebien contre mal). Un film passionnantparce qu’il touche le conte gothique etLovecraftien. Il existe beaucoup desymboles tel que la couleurnoire symbolisant la mort, l’inconscient,le néant et l’angoisse de l’inconnu.L’architecture même de La ForteresseNoire est réfléchie dans sonfonctionnement, rappel directe àl’architecte d’Albert Speer. Tout opposedans THE KEEP, la notion manichéennedu bien et le mal bien sur mais passeulement. Les personnages sont plutôt« gris » personne n’est blanc ou noir.Selon ses choix et décisions, lespersonnages tentent d’exploiter l’autrepour assouvir leurs ambitions. Le Villageest d’un blanc presque innocent, humideet archaïque. La Forteresse Noire estmonolithique, complexe, noire etasséchée. C’est une espèce de muraillequi coupe la communication avecl’extérieur. La Forteresse peut devenirétouffante, claustrophobique. Le titreoriginal est d’ailleurs ambigu : THEKEEP qui peut vouloir dire Le Donjon,Le Château ou la prison. L’architectureprône à la fois la défense et la sécurité. Iln’y a pas de mousses à l’intérieur, pas denids d’oiseaux, tout y est sec, stérile etasséché comme vampirisé de l’intérieur.La poussière tient également un rôle, lescorps qui tombent en cendres sans aucunsang, l’idée de crémation dans cet espaceredoutable remplis de doute, de brouillardet d’incertitude, d’inconnu. L’église est àl’opposé de THE KEEP séparé par unpont, zone de passage vers une autredimension. La croix est une icône trèsforte et connotée. Dans la théologie de la

page16

Page 17: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

Rédemption, c’est une ancre ou unhameçon qui emprisonne le démon.Glaeken est l’autre facette de Molasar,Woerman est celle de Kaempffer, Cuzacelle du père Fionescu, etc. Je suis trèspassionné par Molasar, il est trèssculptural, en direct lignée d’une statue deMichael Ange ou de Dubroeucq, Rodin ouLe Bernin …. Il existe certainement uneliaison psychanlytique entre Cuza , le pèred’Eva qui empêche sa fille des’émanciper, de grandir , qui la brime lorsde sa liaison avec Glaeken. Tout commeDieu demandant à Abraham de tuer sonfils Isaac, Molasar provoque Cuza contresa fille. On a souvent critiqué l’aspect deMolasar et pourtant, elle est très logique.Michael Mann fait référence aux divinitésgrecques, romaines mais égalementEgyptiennes. L’aspect physique trèsmusclé fait directement référence auxstatues de la seconde guerre mondialedemandées par le régime totalitaire. ErnoBreker, Joseph Thorak ou RichardSchiebe avaient des consignes strictespour construire et ériger fièrement dessurhommes de plus de 3 mètres de hauten bronze. Enfin l’aspect difforme faitécho à la culture juive : le Golem, censéprotéger les juifs des oppresseurs. Cettecréature, à base d’un assemblage soitd’argile ou d’éléments divers, est magiqueet puissante. Le crâne de Molasarressemble à un casque allemand, sesteintes et motifs reprennent les couleurs etmotifs de la pierre de THE KEEP. Cemonstre est difforme à la fois redoutableet bienfaiteur. Le film dans son intégralitéfait écho à de multiples référencesartistiques, littéraires et picturales. Ellestouchent les origines judaïques,orthodoxes, germaniques, slaves.L’expressionnisme allemand par seséclairages très prononcés y est évident, la

séquence d’ouverture est un hommage auNosferatu de Murnau, Cuza pactise avecMolasar comme Faust (l’un des filmsfavoris de Mann) avec le Diable pourvivre éternellement et rajeunir. La repèrede Molasar ressemble à une peinture deL’Enfer de Dante…Les murs de LaForteresse comptent 16807 croix en nickelargenté, c’est un multiple duchiffre« 7 »et il est logique que Molasars’assemble dans l’intervalle de 7jours. Nous pouvons également relever lelien des chiffres antre les impairs et pairs.La plaque du commando arrivant àl’extérieur dans le village indiqueSS16832. 8 est la moitié de 16 et 16 de32. Dénominateur commun: 2 . Lesopposés, le bien et le mal, la dichotomie.Pour être davantage pointilleux, 832divisé par 16 donne 52. Cette forme estopposée visuellement, prenez unecalculatrice et vous verrez l’effet« miroir ». Tous ces détails de « cultures »ont été rejoints par le fait de contacter lesartistes originaux du film. Je suis encontact avec beaucoup d’entre eux etmalheureusement, le temps joue contremoi. Je tente de recueillir témoignages etimpressions des gens impliqués sur cefilm qui fut difficile à enfanter étantdonné les difficultés techniquesrencontrées à l’époque. Nick Maley, PaulWilson, Graham Attwood, Michael Carter,Howard Blake, Edgar Froese, WolfKahler, Gavin Mc Fayden, AlbertaWatson et bien d’autres ont toujours lagentillesse de répondre à mes questions etde garder un contact très amical. C’est unréel bonheur de discuter avec ces artistes.De mon ambition de faire renaître le film,je rends hommage à l’ensemble desartistes impliqués que je respecteprofondément.

page17

Page 18: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

Sf-mag : Le traitement du fascisme par leréalisateur est cru et réitère bien le climatd’une époque terrible, crois-tu que nousne devons pas perdre de vue le fait que lefascisme peut s’installer du jour aulendemain ou est-ce selon toi quelquechose de totalement impossible dans lespays dits démocratiques de nos jours ?

Il est intéressant de citer deux dialoguesdu film. Le premier entre le Père Fonescuet l’autre le scientifique Théodore Cuza :PF-« Un jour vous vous mettrez à croireau Divin… »TC-« Vous croyez en Dieu, moi je Croisen l’homme …»Et le deuxième oû Kaempffer s’adressantà Molasar :K-« D’où est ce que vous venez ? »M-« Je viens….de toi. »

Le bien et le mal réside en nous c’estindéniable, impossible à dissocier. Làréside uniquement le désir et les choixque nous faisons de basculer d’un côté oude l’autre…Il n’y a pas si longtemps, auKosovo, pays voisin de la Roumanie et deVlad Tepes, aurait pu voir renaîtreMolasar, auto proclamé « empereur auKosovo » !. Actuellement, des génocidessont encore d’actualité, en Afrique,Afghanistan. Les droits de l’homme sontinexistants encore chez d’autres, onpratique l’infanticide, la préférencemasculine, etc. On est encore très loin dela béatitude et de l’entente cordiale. Lapaix est une utopie, le déchirement le painquotidien de l’être humain. Il suffit deprendre quelques secondes de recul etregarder notre planète…2000 ans déjà ettoujours la même chose. C’est dansl’homme que réside la colère, l’envieprompt à basculer vers l’horreur ultime. Ily a une horreur de la chair, je souligne par

là une violence physique. On peutsouligner les violences psychologiquesdésormais, la pression psychologiqueexercée sur les gens. Le fascisme peutdémarrer avec l’administratif c’estd’ailleurs comme cela que les allemandssont arrivés au pouvoir le siècle dernier.Une administration peut broyer, écraser.La société elle-même est devenue assezviolente actuellement. La violence d’unlicenciement, d’une délocalisation, d’uneaccusation erronée qui va balayer touteune famille. Il n’y a pas besoin d’allerloin pour subir de la violence. Lefascisme commence indéniablement par lemanque de respect de l’autre, le refus derespecter la différence. Il faut profiter dechaque goutte de bonheur en ce basmonde, en effet. On ne reste paslongtemps, on ne fait que passer et dansmon cas, je tente, par mes créations dem’éloigner des horreurs du quotidien encréant des mondes et images irréelles,esthétiques, fantastique. C’est bien ladéfinition du mot fantastique : l’intrusiond’un élément surnaturel dan notre réalité.Si je me rend au cinéma c’est avant toutpour découvrir le lointain, d’autresmondes, d’autres entités, voyager et mesortir quelques instant de notre réalitéparfois trop décevante.

Sf-mag : Cette confrontation entre deuxanges, la lumière et les ténèbres estfaussement manichéenne, d’où vientexactement cette vision des choses, le faitque toutes les religions viendraient de cemême point central ?

Le cinéma de Mann est toujours parparabole, il ne donne pas complètementles solutions. J’entends par là un échangeentre le spectateur et le film. Chaque planest une peinture et tous les éléments sont

page18

Page 19: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

à disposition dans le cadre. Il suffit deregarder c’est évident parfois. Mannpense simplement que le public estsuffisamment intelligent et avec uneculture pour comprendre certaines de sesimages. Le bien et le mal sontindissociables. Je ne croix pas en Dieumais en l’homme, dans sa dualité qui luipermet d’aller vers l’avant, d’êtreambitieux. En regardant de plus prêtMolasar et Glaeken ne sont pas noir etblanc du tout ! Molasar sauve Eva d’unviol allemand, son apparition est illustréepar Puer Matius Est Noblis ditGLORIA. Il n’apparaît pas négatif et sesintentions peuvent être légitimes. Demême que Glaeken va tuer Carlos de sespropres mains, il manque de faire lamême chose aux gardes frontaliers. Iltente ensuite de séduire Eva pour lui aussiarriver à ses fins. Je pense que Mann necroit pas en Dieu (également) mais dansl’homme d’ou la phrase de Molasar àKaempffer « Je viens de toi ». Le malétait tellement fort chez ces allemands quele mal a trouvé une forme tangible pourapparaître. Dans la vraie fin,Glaeken combat Molasar et remporte lecombat mais…on peut considérer qu’unepart de Molasar fait partie de Glaekendésormais devenu un humain. Un humainremplit de doute, de crainte, de failles.Dans le script original, après le combatdes deux entités, celles-ci tombent dansun tunnel du temps (comme 2001) etchutent dans un désert rouge. Ce désertest sans doute le lieu d’origine des deuxentités avant d’être scindées en deuxparties distinctes. Il y a bien des parabolesreligieuses dans le film, La croix en tau,les apparitions divines de Molasar, lecombat corps à corps comme l’archangesaint Gabriel terrassant le démon et leurenvol/chute dans la Forteresse. Et

n’oublions pas que Glaeken utilise unsceptre pour le démon.

Sf-mag : Il y a également un point de vueFaustien dans ce film, la tentation du pèred’Eva, qui est également une illustrationbrillante du pacte faustien. Le mal, ententant même des justes, serait doncquelque chose de bien plus grand que lesmonstruosités de la seconde guerremondiale, et pourtant, Molasar montrebien que la guerre vient également de lui.Est-ce le même point de vue global quiest développé dans le roman ou bien y-a-t-il eu des modifications ? Car, si onréfléchi bien, c’est finalement le mal quitriomphe dans le film, offrant au bien unsacrifice pour simplement éviter unArmaggedon. L’amour sauve-t-il ? Et sioui, un ange pris d’amour pour unefemme ne semble pas y avoir droit ?

J’apprécie toutes ces questions, encoreune fois, je me réfère à la version longuecomplètement cohérente ! Le montageactuel de 96 minutes nous laissecomplètement sur notre faim. L’imagegelée de Eva est une tromperie. L’angeGlaeken a bien le droit de trouver l’amouret c’est bien Eva qui va lui offrir. Faustest l’un des films favoris de MichaelMann. En fait tous les protagonistes quivont passer par La Forteresse Noire vontêtre changés, celle-ci révèle qui vous êtesvraiment dans cette ambiance de chaos.Cuza va être trompé par les pouvoirs etles reflets du mal. Molasar lui faitmiroiter la fin des allemands. Kaempferse targue d’appeler Jésus à sa rescousseface à Molasar brandissant sa croixdérisoire volée à Woermann d’une balledans le dos. Dans le livre Woermann esttué par Molasar et devient un pantindésarticulé qui va tuer Kaempffer. Dans le

page19

Page 20: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

film Woermann est sauvé finalement,j’entends par là qu’il n’est pas unevictime du monstre Molasar mais d’unmeurtre. Son âme semble être sauvée.Dans la vraie fin, comme dans le livre,Molasar ne se laisse pas sacrifier commedans le montage actuel. C’est un vraicombat corps à corps et il tente et essayede corrompre Glaeken également.Molasar -« Kill me and you eliminatedyour reason for being…Kill me and youkill yourself!”

Dans l’ouvrage, Radu Molasar estvraiment issu de la lignée des boyards, uncontemporain de Vlad Tepes. C’estvraiment un vampire avec cette ambiguitéd’être quelque chose de plus terribleencore. Le film, d’emblée, place Molasarcomme LE démon et pas un vampire ausens strict. Il vampirise les âmes et lesénergies. Le Donjon de Wilson nedémarre pas à cette histoire seule. Lapréquel existe et elle s’appelleDEMONSONGS. C’est une nouvelled’une vingtaine de pages ou Molasar etGlaeken se rencontrent pour la premièrefois. C’est à ce titre que La Forteresse estconstruite pour emprisonner le mal. LaForteresse Noire devient le lieu destentations et des transgressions. Ce qui està noter c’est le déroulement de l’histoirequi prend place en 1941. Il reste donc uncertain temps avant que le régime desallemands ne chute véritablement.

Sf-mag : Molasar est-il un nom trouvé auhasard par l’auteur ou bien y aurait-il danssa racine un terme plus primitif, commeMoloch ? L’auteur a-t-il été questionnésur cette possible parenté ? Y-a-t-il desparentés autres, car on devine demultiples combinaisons, tant dans lesformes nominales que dans les archétypes

usités ainsi que leur fonction dans cetteparabole aux multiples résonances ?

Molasar à l’envers c’est une divinitédiabolique appelé Rasalom ou Thot. C’estune divinité qui existe dans la cultureégyptienne, c’est même un Dieu. Molasarse prénomme Radu comme Radu VladTepes dit « Dracula ». Molasar était uncontemporain de Vlad l’empaleur et jedirais même peut être l’inspirateur desatrocités commises par Vlad Tepes. Celajuste pour démontrer que l’origine deMolasar remonte à la fin des temps. Pourle nom de Glaeken dit« trismesgistus »,cela veut dire « moissonneur »en grecque.

Sf-mag : Parlons un peu effets-spéciaux,peux tu me raconter en quoi ceux utiliséspour ce film demeurent vingt-cinq ansplus tard aussi impressionnants ?

Disons simplement que les effets spéciauxne sont pas révolutionnaires mais qu’ilssont à leur parfaite place dans le film. Lesmattes sont tout à fait réussies, les effetsde consumations également. L’effet brumeperdure longtemps et c’est un personnageà part entière, ce brouillard constant etprésent ou les personnages se perdent etrencontrent leurs démons. J’avoue être enextase devant Molasar qui m’a hanté etqui me hante encore. Son aspect etfinalement sa complexité en font unpersonnage intéressant et très esthétique..Son côté également assemblage enfonction de son évolution est très belle ettrès visuelle, on passe de l’idée, del’aspect de fumée, puis un écorché pourterminer avec une forme complète,difforme et monstrueuse mais néanmoinsfière et au port altier. Molasar s’intègreparfaitement à son lieud’emprisonnement, il reprend les motifs

page20

Page 21: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

de la pierre notamment l’ardoise. Le filmrentre dans ces films des années 80 quin’étaient peut être pas fortunés mais quinéanmoins avaient de l’ambition et desidées. Ma culture cinématographiques’ancre pleinement à cette période et jecherche à retrouver en tant que spectateuret créateur les sensations éprouvées àcette époque. Je pense à Dark Crystal,Conan, Fog, Creepshow, Hurlements,The Thing, Wolfen, Bram Stoker’sDracula et les Star Wars bien sur.Depuis beaucoup d’autres films ont copiéscette phase de transformation.

Sf-mag : Quels ont été les principauxproblèmes auxquels le réalisateur s’est vuconfronté en terme d’effets-spéciaux, eten quoi son entreprise est au final unetotale réussite sur le plan visuel ?

Il n’est pas aisé de contrôler de la fuméeet du brouillard, c’est facile plus ou moinsen studio mais certainement pas enextérieur. Nous sommes dans un filmexpressionniste, c’est dire la place trèsimportante de la fumée pour les effets delumières qui viennent couper « aucouteau » les visages ou les décors.Michael Mann a mis un certain temps àvisualiser Molasar. Une première versionde l’écorché, un robot mécanique, fututilisé puis jugé trop statique. Leréalisateur a préféré avoir un humain dansun costume pour lui donner davantage devie. La première version de Molasarmesurait près de 4 mètres, elle correspondà sa première apparition entourée defumée. Ce robot ne fonctionnait pastoujours et la fumée était très difficile àcontrôler. Comme tous réalisateurs,Michael Mann souhaitait faire plusieursessais de lumières, notamment pour lesyeux rouge incandescents du mal. Près de

80 versions de lentilles furent construiteset c’est finalement bien le laser (nouveau,très cher pour l’époque) qui rendaitcorrectement. Le plan de travail s’estparfaitement déroulé selon le scriptversion longue avec le vrai combat entreMolasar et Glaeken. C’est Wally Veevers(superman de Donner) qui devaits’occuper des effets spéciaux visuelsfinaux, à savoir mettre en relationplusieurs séquences et créer l’effetfantastique des pouvoirs des deux entitéset l’aspect même de Molasar. Celui cidevait notamment être beaucoup moins« physique/réel », davantage énergétique.Il n’est d’ailleurs pas le principalpersonnage du film, le montage actuelprésente la chose sur le côté fantastiquealors que Molasar et les effets « magiquesou surnaturels » ne sont là que pourillustrer et renforcer les déchirementsentre les hommes. Molasar n’est que laconcrétisation du malaise et du mal.Toutes les séquences de combat finaldevaient elles aussi, présenter des effetsoptiques puissants. Wally devaitcoordonner toutes les séquences d’effetsmagiques et les grandes scènes finales.Malheureusement, l’artiste décéda durantle début de la post production. Tous lesplans nécessaires avaient été filmés maisil n’y avait plus personne pour les relier.Wally Veevers n’avait rien storyboardé etrien communiqué de son art. Voici donc leplus grand écueil que Michael Mann a durencontrer pendant le tournage. Laproduction n’a pas souhaité engager unnouveau technicien pour cette tâche,Mann s’est heurté à beaucoup deproblèmes techniques pour finaliser sonœuvre. Ajoutez à cela des tensions entretechniciens oscarisés puissants etproduction, problèmes logistiques et detemps sur les décors, dépassement de

page21

Page 22: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

budget que Mann a comblé avec sonpropre salaire (n’est-ce pas une réelleforme d’investissement ? James Cameronn’en a-t-il pas fait de même pourTITANIC ?)…Tout cela fait partie detout folklore de tournage et ne me choqueaucunement, ce sont les aléas destournages. Un réalisateur désire un plan,l’équipe technique se doit de lui offrir ceplan même si c’est l’heure du thé ! ) Cequi reste c’est que Mann a monté SAversion au final, comme prévue mais a dusubir la fameuse projection test aux USA.Le film est diffusé en amont à un publicdésigné arbitrairement. C’est en fonctionde l’état d’esprit et commentaires de cetteprojection que le sort du film se signe. Lefilm a donc été coupé de moitié pourrépondre à quelques exigences publiqueset exploitations /séancescinématographiques normales. Je suisbien sur complètement contre cesprojections test, elle ne veulentstrictement rien dire et ne sont passignificative d’un vrai public ! Ce genrede public est tellement versatile. Avec lesévolutions actuelles en matières d’effetsspéciaux optiques, la possibilité desuperviser certains effets manquants oueffectués pauvrement à l’époque sonttotalement possibles actuellement. Jeprends l’exemple du DVD de STARTREK de Robert Wises (un filmParamount Picture aussi) qui s’est vunettoyé et assemblé de séquences d’effetsspéciaux vacants en 1979. Alors maquestion : Que faites vous ParamountPicture ? Y a-t-il donc une réelleségrégation entre les films ? MichaelMann n’est il donc à ce point pasintéressant ? La renaissance du film dansson intégralité serait un succès assuré, sivous cherchez quelqu’un pour cette tâche,je suis volontaire !

Pour THE KEEP, beaucoup d’autreslongs métrages ont largement puisés dansles thématiques et les aspects de celui-ci.Je pense à LEGEND de Ridley Scott quia d’ailleurs une fin en totale harmonieavec le script d’origine de Michael Mann.Prison de Renny Harlin, Sanctuary deMichele Soavi, Hellraiser de CliveBarker… La Forteresse Noire a été malperçu pour l’époque, incompris par laproduction et le résultat final est celuid’un film charcuté qui ne peut pasforcément (suite logique), plaire au publicpuisque incomplet. Tout ce que nousfaisons nous forme et nous donne del’expérience. Si Mann n’avait pas faitTHE KEEP en son temps, il n’en seraitpas là aujourd’hui. Comprenez vous ceque je veux dire ? C’est une pierre àl’édifice complet. Je ne renie pas ce quej’ai fait étant plus jeune, ça fait partie demon histoire et de mon évolution. Cen’est peut être pas abouti comme nousl’aurions voulu mais c’est là ! Alors si il ya une possibilité de présenter ce qui était àl’origine, pourquoi ne pas le faire ? Il esttoujours difficile de donner matière à uneidée et je sais de quoi je parle. MichaelMann réalise un cinéma très fin, j’entendspar là un dialogue et une relation avec lepublic. Il ne vous prend pas par la main etn’explique pas tout, c’est un échange. Il ya une multitude d’informations dans lecadre et il suffit de regarder etd’éventuellement aller se documenter.Métaphores, allégories, l’image de Mannest comme une peinture. Ce qui est surc’est que Mann reste en constanteexpérimentation, il fut cependant lepremier à nous offrir Hannibal Lecter aucinéma et si vous y regardez de plus prêt,Molasar n’est pas loin dans ce film. Onpeut retrouver beaucoup de planssimilaires à THE KEEP. (Le générique

page22

Page 23: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

qui descend du ciel -THIEF, THEKEEP, MANHUNTER). Il est trèscurieux de voir le remake deMANHUNTER appelé DRAGONROUGE, toute la première moitié du filmest calquée sur celle de Mann. Le remakese targue même d’avoir reprit le mêmedirecteur de photographie Dante Spinottichoisit par Mann à l’époque! Je suisheureux qu’ Anchor Bay ait racheté lesdroits d’éditions DVD de MANHUNTERcar 3 éditions collector furent éditées avecbonheur dont la version longue du filmsupervisée par Mann lui-même.

Sf-mag : Crois tu que les réalisateurs denos jours soient encore capables deréaliser de tels films sans les inévitablesimages de synthèses ?

Je pense que certains réalisateurs issus desannées 80 gardent à l’esprit le potentield’une vraie réalisation d’effets spéciauxdevant la caméra et pour les acteurs et nese servent que de la synthèse pour desplans complexes ou impossibles. Je penseà Guillermo Del Toro notamment avec lesHellboy et Le Labyrinthe de Pan. Jepense aussi à Peter Jackson avec latrilogie de Tolkien. Jackson est partie derien avec Bad Taste, Brain Dead . il étaitjuste passionné et collectionne toujoursles figurine de cinéma. Tout comme SamRaimi, ils n’ont pas fait d’école de cinémamais gardent en eux les émotions. Lasynthèse est désormais un outil mais il nefaut pas en abuser car le côté esthétiqueen prend indéniablement un coup. Trop desynthèse tuent les intentions duréalisateur. Beaucoup de choses ontchangé dans l’approche d’un tournage àcause de la synthèse. Prenons un exemplesimple, les cascades. Les artistescascadeurs devaient au préalable prévoir

une réelle technique de cascade enpensant à ce que rien n’apparaisse dans lecadre. Maintenant il savent que tout peutêtre effacé par ordinateur c’est donc lasolution facile. Il va y avoir deux groupesdistincts de la manière de réaliser desfilms : les gros Blockbusters et les filmsplus intimistes. Je le répète, les effetsspéciaux maquillages ou de synthèses sontdes outils et pas une finalité. Les effetsspéciaux en soi ne peuvent être que lesujet principal du film, ce qui importe estun bon scénario, une bonne histoire. C’està ce moment que les effets viennentconcrétiser les rêves du réalisateur.

Sf-mag : Beaucoup de fan le clament hautet fort, Mann devrais faire un retour aumême genre de film. Michael Manns’attellera-t-il un jour à la réalisation d’unfilm fantastique de la même envergure oucela fait-il parti d’une phase de sa vie deréalisateur à laquelle il ne reviendrajamais ?

Je serai heureux que Mann en effetretourne sur un tel film. Cependant si on yregarde d’un peu plus prêt Michael Mannn’a jamais quitté ses thèmes et son sujet.Le réalisateur aime la ligne tendancieusequi se trouve entre le bien et le mal, là oùl’on peut basculer d’un côté ou de l’autre.C’était bien ce thème dans THE KEEP.Chaque personnage est prompt à chuterpour ses ambitions, à pactiser avec lediable. Glaeken et Molasar, bien sur, maiségalement Cuza, le scientifique qui chutedans le désir de renaissance et devengeance. Théodore Cuza ira jusqu’àdénoncer, lui un juif, à Kaempffer le nazi,l’arrivé de Glaeken au village. Le pèreFonescu tombera dans le vice et l’hérésieet blasphèmera son Dieu…On trouve lamême chose dans MANHUNTER,

page23

Page 24: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

l’inspecteur Will Graham est un profiler.Il doit s’imprégner des désirs et espritd’Hannibal Lecter, le serial Killer poursauver les futures victimes d’un autretueur. Graham est sur la corde raideprompt à devenir aussi fou que Lecter.Heat nous présente deux côté de lasociété : un inspecteur et un braqueur.Les deux côtés sont présentés etfinalement assez similaires. Lequel desdeux serait prompt à franchir la ligne ?Même chose pour Le Dernier desMohicans, Révélation, Ali, Collatéral etMiami Vice: jusqu’ou Sonny Crockettpeut il jouer son rôle avec Gong Li ?C’est tellement tentant de devenir le rôlequ’on se donne. Où est la part de rêve ?Où est la réalité ? Qui suis-je finalementdevant une situation nouvelle ? Le cinémade Mann a gagné en maturité et enmaîtrise visuelle. Il y a une quête del’expérimentation dans son cinéma, larecherche de nouvelles techniques etprocédés. On le voit avec le HD surCollatéral et Miami Vice. Pourquoi ceprocédé? Pour coller au plus prêt de sespersonnages, être littéralement dans lefilm. La Forteresse Noire était égalementune expérience de cinéma, un voyage versl’inconscient collectif, la résurgence dumal tapie au fond de nous. Je ne considèrepas vraiment que le film pour leréalisateur soit comme du fantastique. Il ya Molasar bien sur et des élémentssurnaturels, des pouvoirs magiques, maisla version actuelle est justement réduitesur ces éléments. Mann pensait davantageaux comédiens, aux personnages du filmet leurs réactions face au mal. Pour THEKEEP, le réalisateur a du être confronté àdes concrétisations difficiles aux niveauxtechniques. Il y avait une limitation dansles possibilités et le décès de WallyVeevers au poste des effets optiques n’a

rien arrangé. Actuellement le réalisateurest en pré production sur plusieurs projets.Le premier est l’histoire de l’espion russeAlexandre Litvinenko et le second TheFew qui raconte l’engagement d’un piloteaméricain en Angleterre pendant laseconde guerre mondiale. C’est encoredes histoires de choix et répercussions.Pour le second projet, il serait fort àpropos de révéler THE KEEP au bonmoment. Michael Mann n’a pas oublié lefilm dans les tréfonds de sa mémoire.Toute carrière connaît des hauts et des basmais c’est ce qui forme l’édifice global.On ne peut oublier la pierre de LaForteresse Noire. La technique decinéma a peut être évoluée mais Mannfilme avec des séquence identiques, cen’est donc pas au hasard. Regardez etcomparez les deux séquences intimes deTHE KEEP et Miami Vice. Elles sontidentiques et filmées par le même regard,la même intégrité.

Sf-mag : Comment s’est déroulée lacollaboration entre Enki Bilal et l’équipedes effets spéciaux ? A l’époque, c’étaitassez rare qu’on fasse appel à un françaispour ce genre de prouesse. L’artiste a-t-ilseulement participé au costume ou bien a-t-il également pris part à la réalisation desdécors ?

Il semble que Enki Bilal ait été appelédurant le tournage pour finaliser la bête.Mann ne devait pas être satisfait desdesigns élaborés par l’équipe en place. Larencontre a été assez rapide mais au finall’entente fut cordiale parce que le sujets’y prêtait. Bilal est arrivé au bon momentavec les bonnes réponses. La créatureétait le pilier central où gravitaient lespersonnages et les deux premiers stadesde conception étaient finalisés et filmés.

page24

Page 25: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

Enki Bilal a travaillé sur l’habillage dusquelette en lui donnant des traits, ceux deScott Glenn. L’artiste s’est rendu àLondres aux studios de Shepperton avecson matériel professionnel : Un crayon etune gomme. Michael Mann tournait surplusieurs plateaux mais a prit le tempsd’informer Bilal de ses souhaits.Heureusement que le contact fut très bon,ce n’est pas forcément évident d’arriversur un plateau de tournage et des’entendre rapidement avec le réalisateur.Visiblement Michael Mann a du découvrirquelques planches de Bilal dans HeavyMétal/Métal Hurlant et connaître LaFoire aux Immortels. Bilal a du effectuerplusieurs aller retour aux studios deLondres pour voir l’évolution réelle de sescroquis. Au tout début il est logique queMann ait envoyé Bilal sur les plateauxextérieurs au pays de Galles afin des’imprégner de l’aura du film ainsi que dela couleur spéciale et froide des pierres.Enki Bilal a été le révélateur de la penséede Mann sur Molasar, ses peurs, sescraintes, son esthétisme. J’ai eu l’occasiontrès rapide d’échanger quelques mots avecEnki Bilal au téléphone. Bilal est devenuun réalisateur de films également trèspersonnels et esthétiques. Je souhaitevéritablement avoir un jour un réelentretien convivial avec lui autour du filmet surtout découvrir quelques esquisses deMolasar. Ce film est peut être vécucomme une petite aparté pour ledessinateur mais il est pourtantcomplètement solidaire de son univers. LaForteresse Noire est devenue un véritable« film culte » depuis. Ma démarche atoujours été de réunir un maximum desouvenirs, impressions, documents autourdu film. La vie est courte etmalheureusement beaucoup d’artistes dufilm ont disparu. J’aurais beaucoup

apprécié m’entretenir avec John Boxnotamment, le responsable des décors…

Sf-mag : Revenons au film en lui-même,on sait, comme tu nous l’a expliqué, quele réalisateur avait tourné une finalternative, et qu’il existe une versionlongue inédite à l’écran. Beaucoupconnaissent ton combat pour faire sortirenfin un DVD comportant cette versionintégrale. Pourrais-tu nous nous dire où çaen est ?

THE KEEP fait partie de moiintimement, je me sens très proche del’univers artistique du film, du goût et del’atmosphère aérienne, vaporeuse. Jesculpte beaucoup de choses en pierre,j’aime les vieilles pierres et adore lesmontagnes. Molasar trône au milieu demes autres créations, il représente lacristallisation de mes désirs et de mesenvies artistiques. Le Fantastique n’estpas pour moi un sous genrecinématographique ! C’est là ou l’on créédes choses non réelles. Comment lesrendrent crédibles et réalistes alors ? Lefilm est avant tout un conte de fée pouradulte, il y a donc certains repères àconsidérer. Sa forme très visuellenotamment. J’ai trouvé que, depuis 1999,il était grand temps de mettre à profittoutes mes connaissances et tenter deprésenter une partie de ma collectionpersonnelle autour de THE KEEP. Cequi m’a poussé également à créerwww.the-keep.ath.cx c’est le fait quebeaucoup de journalistes écrivaient tout etn’importe quoi sur le film, j’étais à la foistrès peiné et révolté par ces écrits sanscompter sur mes propres motslittéralement déformés ou détournés pardes journalistes peu scrupuleux.. Ladeuxième raison était de montrer aux

page25

Page 26: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

Studios Paramount Picture moninvestissement sincère pour LaForteresse Noire. Mon site est presqueun dialogue direct avec eux si ils prennentle temps de bien lire. J’ai ce désir très fortd’avoir l’opportunité de participer à lacréation d’une édition DVD digne de cenom pour THE KEEP. Mes idées sonttrès claires et prêtes. Sur mon site, vouspouvez découvrir une première versiond’un DVD possible mais depuis j’ai entête, notamment pour la date anniversairedes 25ans une édition Prestige 4 DVDgrâce à l’ensemble des documents et desconnaissances en ma possession. THEKEEP est un film culte, chose queParamount ne semble pas intégrer oucomprendre, il existe des milliers de fansde part le monde et la création de monsiteweb m’a en fait révélé totalement cefait. Au départ, je pensais me faire plaisiret rectifier les erreurs écrites dans lesjournaux autour de ce film. On meconnaît maintenant comme une sorte degardien du film. Il était temps pour moide crier l’amour que je lui porte. Dans denombreuses rencontres publiques,festivals, exhibitions d’effets spéciaux, onme sollicite pour expliquer ce film. Lesgens restent surpris lorsque je cite le nomde Michael Mann, car ils le connaissentsous bien d’autres films à succès : Heat,The last of the Mohicans ou MiamiVice. D’ailleurs, si l’on observe bienl’entière filmographie de Mann, LaForteresse Noire s’intègre totalementdans ses thèmes du bien et du mal, lesoppositions. Ce qui me pousse tous lesjours est ma passion pour le film et le faitque Michael Mann est bien l’un des plusgrands réalisateurs actuels. Tous ses filmssont pensés et réfléchis. THE KEEP,dans sa version d’origine, ne déroge pas àla règle. Mes découvertes confirment cette

idée et je ne vois pas pourquoi onlaisserait dans les ténèbres de Paramountun film qui mérite enfin de retrouver lalumière. L’édition DVD est une secondenaissance pour le film, une autre chance.THE KEEP en 1983 semblait peut êtretrop ambitieux et pas encore suffisammentmaîtrisé par Michael Mann à cetteépoque. Attention, je ne parle pas du filmréalisé mais de son exploitation. MichaelMann n’a pas eut le final cut sur son film.Il y a bien d’autres films qui ont subit uncharcutage en règle depuis, je pense àJohn MC Tiernam et le 13eme guerrier.

Voici le détail de mon prototype « 25èmeanniversaire de La Forteresse Noire ». UnDVD pas comme les autres !

DVD n’1:- Edition remasterisée de THE KEEP.- Version salle 1983, 96mn.- Dobly surround System, - Piste musicale isolée.- 5.1 Sound system.- Introduction de Michael Mann.DVD n’2:- Edition Spéciale Michael MannDirector’s Cut Version, version longueremastarisée et complétée par denouveaux effets spéciaux, 180mn.- système 5.1.- Piste musicale isolée.- Commentaire Audio de Michael Mann.- Commentaire Audio de Sir Ian McKellen/ Gabriel Byrnes/ Alberta Watson/Scott Glenn.- Commentaire Audio de Paul Wilson.DVDn’3:- Musique complète de Tangerine Dreamsur THE KEEP; Matériel inédit.DVD n’4:- Making of Edition Spéciale « Garder ledémon à l’intérieur : Les Chroniques

page26

Page 27: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

de La Forteresse Noire » incluant lesinterviews de l’équipe du film, l’écrivainPaul Wilson, Mike Carter, Ian Mc Kellen,Alberta Watson, Scott Glenn, GabrielByrnes, Alex Thomson, Gavin McFadyen, Nick Maley, Enki Bilal, BobBadami, Dov Hoening and TangerineDream team (Edgar Froese, JohannesSchmoelling, Chritopher Franke)…

Documentaire Edition Spéciale “L’Art deLa Forteresse Noire” :- Clip “The art of Michael Mann”- L’architecture de THE KEEP.- Le romantisme de Faust dans “THEKEEP.- Le design de MOLASAR.- Bandes Annonces de THE KEEP.- Clips de THE KEEP featuring TangerineDream music.- Scènes coupées et alternatives, rushs.- Documentaire Making Of UK de laBBC- 1983”.- Documentaire Making Of” US.- Montage de la fin alternative.- Montage du combat final.- Affiches, matériel publicitaire de THEKEEP.- Galerie de photos (lobby cards, photosde tournage).- Storyboards de THE KEEP/ THE KEEPStoryboards.- Scripts originaux de THE KEEP.- Les paysages de THE KEEP lieux detournage.- Travaux inspirés par THE KEEP.- Mondes fantastiques de Stéphane Piter.

Il y a la possibilité pour deux autresversions en HD-DVD.

Une petite partie des documents du DVDn’4 issus de la collection privée dewww.the-keep.ath.cx « THE ART OF

THE KEEP »seront d’ailleurs présentésen exclusivité mondiale à différentsFestivals en France autour d’expositionset événementiels sur de « LAFORTERESSE NOIRE ».

Quelques dates de rendez-vous :

- Festival « MAKINGOF41 » deRomorantin les 21, 22 et 23 septembre2007. http://www.festivaldumakingof.com/

- Festival « EFFETS STARS » du Graudu Roi les 4, 5 ,6 et 7 octobre 2007.http://www.effet-star.com/partenaires.html

Sf-mag : Revenons à la musique. Mannest connu pour ses ambiances sonoresainsi que la luminosité qui imbibent laplupart de ses films. Que peux-tu nousdire sur ses choix, et comment le groupeTangerine Dream a été appelé à oeuvrersur une oeuvre à laquelle il est parvenu àinsuffler une réelle splendeurmétaphysique et romantique ?

J’ai le plus grand respect pour MichaelMann, d’autant plus que j’ai reçu unelettre de sa part à propos de www.the-keep.ath.cx et où il approuve ma passioncontinue autour de THE KEEP, qu’il estheureux que son film , même incomplet,ait pu m’inspirer autant. C’est pour mapart quelque chose de très positif dans lamesure où le créateur lui-même ne reniepas THE KEEP et m’invite, à motscouverts, à continuer. J’aimerais révélerau monde CE que Mann avait en tête et afilmé en 1982/83 à l’âge de 40 ans. THEKEEP a été un projet des plus ambitieuxà cette période pour Mann, le réalisateuraime tenter et aller vers l’avant, tester denouvelles techniques, de nouveaux

page27

Page 28: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

procédés et proposer une véritableexpérience à vivre au cinéma. C’est pourcela que vous constaterez que MichaelMann n’a pas de compositeur de musiquede film attitré comme Steven Spielberg etJohn Williams par exemple. Mannrecherche à chaque film la tonalité quireprésente le mieux le son et lessentiments/émotions de son film. THEKEEP était ambitieux dans la mesure ouil prend à contre courant tous les clichésfantastiques du genre. Au lieux d’unemusique symphonique gothique, leréalisateur va utiliser quelque chose detrès avant-gardiste et expérimental maisen total accord avec les images(Allemands mécaniques et musiquerépétitive générique. Molasar est del’énergie, la synthèse et la musiquesynthétique représentant les mauxhumains. L’aspect onirique, conte, rêvesavec l’emprunt de Walking in the air deHoward Blake est également présent…)Je pense sincèrement que Paramount, dèsle départ, n’a pas saisi le caractèreartistique que Mann envisageait. Il suffitde voir le merchandising autour du filmnotamment avec un jeu de société ou lesallemands combattent Molasar dans lechâteau. Ce qui reste c’est que Mann amonté SA version au final, comme prévuemais a du subir la fameuse projection test.Mann s’est alors heurté à beaucoup dedivergences artistiques du studio. Ce n’estpas la première fois que Tangerine Dreamtravaille avec Mann sur ce film. Legroupe allemand avait composé lamusique de son précédent film Thief/LeSolitaire avec James Caan. Mann cherchedes tonalités et en particulier une seuletonalité que nous trouvons dans chacun deses films. Les compositeurs ont beauchanger, il se dirige vers la même texturesonore : Trevor Jones, Jan Hammer, Elliot

Goldenthal, Lisa Gerrard, Pieter Bourke etmême Moby ont donner corps auxsentiments du réalisateur. TangerineDream travaille avec de très longsmorceaux très texturés, c’était idéal pourle film par l’utilisation de grandes nuéesmusicales à l’image des séquences defumée vaporeuse, de slow motion (imageau ralenti), de rêves. Tangerine Dream estdoué pour son côté expérimental et leurmusique fonctionne parfois sur plusieursniveaux. Pour le réalisateur, un film c’est50% image et 50% musique. Elle tientdéfinitivement une place primordiale. Iln’existe d’ailleurs pas de cd officiel de labande originale du film. Le film lors de sasortie fut une catastrophe et pour cause !Première erreur :La durée anormale dufilm, et, deuxième erreur : un choix demarketing très hasardeux chezParamount : Sortir le film sur les écransau mois de Décembre 1983 !. Il estévident que ce n’est absolument pas unlong métrage de fêtes de fin d’année !Paramount Picture, détenant les droitsmusicaux, n’a pas souhaité se lancer dansles éditions des partitions. Depuis il estrare d’attraper quelques sons originaux.Seul Tangerine Dream a édité pour sesconcerts quelques bootlegs. Ces disquessont intéressants mais vous ne trouverezque très peu de sons issus du film. Je doisavoir 20 cd différents avec des sons dequalité diverses .La véritable bandeoriginale complète reste à créer.Voici quelques repères pour les cd de lamusique : - TDI Label # TDI010CD édité en 1997 et1999.- Bluemoon Label BM- 12 ,Editionbootleg de 1995- Orange Records de 2001 et 2003.- TDI The Keep Vol 54- Alternate view2004.

page28

Page 29: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

Sf-mag : Côté merchandising, on peutvoir sur ton site de remarquablessculptures de Molasar et des figurinesvraiment réussies. Crois-tu qu’en France,une réussite à la manière d’un MacFarlaneavec sa firme Spawn, serait possible ?

Tout est possible si on se donne lesmoyens. Les statuettes dérivées de bandesdessinées sont très demandées qu’ellessoient issues de BD belges commeTINTIN ou les mangas qui font fureur ence moment. Les résines Leblon Delienneou Pixit sont de qualité et fonctionnentamirablement. La firme Attakus a réussitsa progression sur la licence Stars Warségalement, véritables pièces de collection.Les figurines Oxmoz sont très demandéesaussi. Je serai heureux aussi de proposerdes créations pour de tes éléments dedécors bien sur. Je réalise parfois aussides gargouilles, j’apprécie beaucoup cesanges démoniaques à la fois grotesques ettrès esthétiques sur nos architecturesmédiévales. Comme vous le savez lesgens au moyen âge n’avaient pas accès àla culture, pas de bibliothèques. La seulemanière de connaître l’histoire de la Bibleétait la cathédrale avec ses bas reliefs quifonctionnaient comme une gigantesquebande dessinée à ciel ouvert. L’histoire deDieu était racontée par des imagessculptées. Il faut imaginer également lesédifices et les statues complètementpeintes de couleurs vives rouges, jaune,bleues…La couleur était fait pour attirerles spectateurs, attirer les curieux et leurinculquer l’histoire du monde. Lesgargouilles étaient comme des rappels àl’ordre du salut de l’âme prompt à bondirsur les passants ! En plus de leur fonctionarchitecturale (gouttières pour évacuerl’eau) elle étaient toutes différentes et très

visuelles ! Nos figurines demerchandising actuelles sont un peu nosgargouilles d’aujourd’hui. Batman assissur un fronton observant la ville deGotham, Predator sur le Chrysler tower.Ce qui est sur c’est que j’ai effectivementpensé à une figurine Molasar possibledans le cadre d’objet de collection, unesérie limitée. Le côté merchandising enFrance se développe davantagemaintenant et les prix sont plusraisonnables. Quand j’étais plus jeune,c’était un luxe de faire importer unefigurine ou un livre making of des USA.

Sf-mag : Beaucoup parlent de LaForteresse noire comme du Blade Runnerdu fantastique, penses-tu qu’il mériterait,comme tu le souhaites, quelque vingt-cinqans plus tard, d’être enfin disponible dansune édition honorable pour tout ceux quine l’ont jamais vu ?

Il est exact que Blade Runner va bientôtêtre édité dans une édition sublime, UnBoxset de plusieurs DVD, J’attends celaavec grand plaisir aussi dans la mesure ouRidley Scott est un fabuleux réalisateur etBlade runner une perle de la sciencefiction elle-même adaptée de Philip Kdick.Pour ma part, j’ai effectué toutes lesdémarches possibles au niveau des ayantsdroit. J’ai contacté à plusieurs reprisesParamount Pictures au Départementcréatif, Ils connaissent ma requête.Michael Mann connaît bien mon existenceet ma démarche et j’espère trèssincèrement un jour avoir la chance depouvoir discuter simplement du film aveclui. Il faut bien comprendre qu’en 1983,tout le monde s’est plus ou moins acharnésur lui, la presse notamment. THE KEEPa été une réelle souffrance, une frustration

page29

Page 30: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

puisque le montage actuel n’est pas SAvision. Ma plus grande peur était depasser pour un de ces fans de plus, unfanatique, alors que ma démarche estsincère et mon propos professionnel. Ledépartement créatif de Paramount Pictureconnaît également ma démarche. A quandune réelle collaboration ? Je reste ouvert àtoutes possibilités. Si c’était possible, il ya longtemps que j’aurais racheté les droitsdu film ! Superman 2 vient de ressortiren DVD, je précise ici la version deRichard Donner refusée par Warner. Cefilm date de 1978, le DVD inclut tout unluxe de suppléments en tous genre. Jepeux citer L’Ecorciste –Lecommencement de Renny Harlin,réalisateur d’après le film abandonnéDominion de Paul Schrader! PeterJackson a refilmé la séquence mythiqueperdue des araignées sur Skull Island pourl’édition DVD King Kong de 1933. Ilsuffit de le vouloir vraiment de la part dustudio. Le marché du DVD est unpotentiel très riche surtout pour leséditions spéciales, le public est en attentede cela. Qu’on ne vienne pas me dire queParamount Picture, grand studioAméricain aurait égaré toutes les archivesd’un film de 1983 d’un budget de 6millions de Dollars !…Prêtez moi doncles clés de vos caves et archives MrParamount ! Et que ce jour soit larenaissance de Molasar dans toute sasplendeur! Je garde un très ferme espoiren cela.

Sf-mag : Quels sont tes projets pour lesannées à venir, hormis ton combat sansfin pour faire qu’une édition collector dece chef d’oeuvre sorte un jour ? Serais-tuégalement tenté par la réalisation d’unfilm fantastique, et si oui, te sentirais-tude le réaliser sous la férule d’un cinéma

européen plus ambitieux ???

Complètement ! J’adore faire des images,je dessine d’abord, c’est un cadre, unepeinture. Depuis longtemps je développeplusieurs projets finalisés. Plusieurs courtmétrages en recherche de financements etsurtout deux longs métrages entièrementécrits, storyboardés avec dessins de préproductions, designs des costumes, desdécors, des effets spéciaux. Le premiers’appelle Elven et le second Le Horlad’après Guy de Maupassant. Ce sont desprojets ancrés dans notre bonne vieilleEurope, issue de notre culture et histoire.Il n’y aucun alien qui débarque del’espace ou de serial killer avec unmasque ou tronçonneuse qui court aprèsles gens. Mais ce film est ancré dans laréalité et qui va progressivement glisservers le surnaturel. La chose très triste estla disparition de Michel Serrault il y apeu. J’appréciais vraiment cet homme etlui avait réservé un rôle à sa mesure dansce projet : Sigmund Freud. Il aurait étéparfait dans ce personnage. Je pense àtoutes ces images dans ma tête,esthétiques bien sur. Le casting parfaitserait avec Ewan Mc Gregor et NicoleKidman pour un casting international. Jeles avais adoré dans « Moulin Rouge »,un couple qui fonctionne très bien àl’écran. Je pense aussi à Jodie Foster,Isabelle Caré, Guillaume Canet. Je n’aiaucunement la prétention de passer dujour au lendemain aux commandescomplètes de ce projet, bien que les idéessont claires. J’aimerai assez être à ladirection et département artistique. En faitj’ai pleins d’idées mais parfois je me disque je suis né du mauvais côté del’atlantique ! J’ai toujours en tête lanotion de cinéma « spectacle », une visionanglo-saxonne du cinéma. Et puis ce qui

page30

Page 31: La Forteresse noire · 2007. 9. 21. · Williams, Basil Poledouris, Chris Young, Jerry Goldsmith, Marco Beltrami et bien sur Tangerine Dream… Durant toutes mes études THE KEEP

se perd en France et Europe c’est lanotion de mécène. Je n’ai pas encorerencontré de producteur capable de resterlongtemps sur un projet. La plupart desgrands réalisateurs financent maintenanten grande partie leur projet pour garder lecontrôle de son côté artistique (RidleyScott), et d’autres ont la chance d’avoirun producteur fidèle prêt à les suivrentdans n’importe quels projets (Spielberg,Gans, Bay…) Cela dépasse alors lesimple cadre professionnel mais plutôtl’amical. Je cherche encore monproducteur.

Sf-mag : A combien estimes-tu le prixd’une telle réalisation à l’heure actuelle ?Et même avec les moyens en argent,penses-tu que nous ayons les moyensartistiques pour constituer un poidsconséquent face aux majors américaines ?

Grosse production évidemment encoopération avec différents pays del’Europe puisque ce serai un filmd’époque... Nous ne pouvons pasforcément lutter contre les majorsaméricaines. C’est une réelle industriebien rôdée, bien huilée. Mais il fautsérieusement que l’Europe deviennel’Europe! C’est-à-dire soit on fait leschoses ensemble ou alors on retourne auxpays séparés par nos frontières. Nousavons trop besoin des films extérieurspour l’exploitation salle en France. Etpuis il faut avouer tout de même que toutn’est pas à jeter dans le cinéma américain.Il y a bien sur les films de l’été, les filmsde modes mais aussi des films d’auteurs.

Sf-mag : Merci Stéphane, et à très bientôt,nous te soutenons tous...

Je vous remercie également de vous êtes

intéressé à mon propos et ma quête dugraal. Souvent on prend les maquilleursd’effets spéciaux pour de simples faiseursde monstres, J’espère avoir éclairé un peuplus les avis et avoir été clair et explicatif,que ma passion fut communicative. Peutêtre à une prochaine fois pour vousannoncer que Michael Mann a eut lagentillesse de me confier les clefs de saforteresse en Roumanie…En tous les casje travaille hardiment pour le film etnotamment pour le 25e anniversaire dufilm qui approche. Je me ferai un plaisirde vous communiquer les festivités sielles aboutissent correctement. Excellentecontinuation !

Emmanuel Collot, août 2007

page31