la folie et ses traitements

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La folie et ses traitements Introduction La folie est un synonyme de l’aliénation mentale c’est-à-dire, une maladie caractérisée par des troubles de l’esprit, passagers ou permanents, et qui rendent l’aliéné étranger à lui-même. C’est seulement au 19ème siècle qu ‘une médecine spécialisée voit le  jour. Jusque-là la folie, pourtant tout-à-la fois étrange et familière à l'Homme depuis son apparition sur terre, a connu de nombreux regards et autant de manières d'être approchée. Historique Au moyen âge La psychiatrie a sa préhistoire qui commence à l’aube des temps avec son cortège de prêtres, de sorciers ou de chamans et leurs corollaires: les fous assimilés à des possédés du diable jusqu’au XIVe siècle, du moins en Europe. A partir du XIVe siècle, un fait social nouveau va surgir en Occident et rejaillir sur le destin des fous de cette époque. En effet, avec la fin des croisades, c’est le déclin du mal arabe venu d’Orient ( la lèpre ) par raréfaction des moyens de transmission humaine de la maladie. Se pose alors un problème institutionnel grave : que faire des léproseries, sorte de grandes bâtisses construites en rase campagne à l’intention des lépreux, et des maladreries aménagées dans le même but à la périphérie des grandes villes ? Les malades atteints de lèpre y croupissaient jusqu’à la fin de leurs  jours mais leur longue survie e ntreten ait un réseau social d’ emplois et de débouch és éc onomique s qui pesait déjà lourd dans l’évaluation politique du gouvernement de l’époque ( 2000 léproseries recensées en France en 1266 sont en rupture d’effectifs et menacent de licencier les nombreux personnels qui y sont affectés ). Par ailleurs l’immense fortune accumulée par ces établissements ( biens fonciers et successions ) risque d’échapper au roi qui entreprend alors d’y remédier en décrétant la maintenance des structures. La renaissance et l'époque classique L’idée vint au pouvoir politique du moment, de remplir ces établissements vidés de leurs occupants lépreux par tous les indésirables de la société d’alors, mêlant déjà indistinctement les prostituées, les délinquants, les opposants politiques, les débiles avec les fous authentiques. C’est donc un très lourd héritage que les malades mentaux vont assumer à partir de l’instant où on commence à les parquer hors des villes dans de grands quartiers réservés. C’est l’époque du « grand renfermement hors de la ville » ( Foucault ) qui prélude à la création ultérieure des asiles psychiatriques pour « pauvres, vagabonds, correctionnaires et têtes aliénées ». Au milieu du XVIIe siècle, un décret royal parachève ces dispositions en fondant le statut de l’hôpital général où l’on enferme pêle-mêle dans un même quartier : les idiots, les fous, les possédés, les vésaniques, les prostituées, les asociaux de tous acabits y compris les opposants politiques avec pour thérapeutique la contention par chaînes et le cachot pour les agités, la mise au travail pour les autres et une possibilité de libération conditionnelle après acceptation contractuelle d’un pacte moral avec l’existence humaine. Sade fut un des plus célèbres internés de Vincennes puis de Charenton. C’est l’époque du grand renfermement dans la ville.

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7/31/2019 La Folie Et Ses Traitements

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La folie et ses traitements

IntroductionLa folie est un synonyme de l’aliénation mentale c’est-à-dire, une

maladie caractérisée par des troubles de l’esprit, passagers oupermanents, et qui rendent l’aliéné étranger à lui-même. C’estseulement au 19ème siècle qu ‘une médecine spécialisée voit le

jour.Jusque-là la folie, pourtant tout-à-la fois étrange et familière àl'Homme depuis son apparition sur terre, a connu de nombreuxregards et autant de manières d'être approchée.

HistoriqueAu moyen âgeLa psychiatrie a sa préhistoire qui commence à l’aube des tempsavec son cortège de prêtres, de sorciers ou de chamans et leurscorollaires: les fous assimilés à des possédés du diable jusqu’au

XIVe siècle, du moins en Europe.A partir du XIVe siècle, un fait social nouveau va surgir en Occident et rejaillir sur le destin desfous de cette époque. En effet, avec la fin des croisades, c’est le déclin du mal arabe venu d’Orient( la lèpre ) par raréfaction des moyens de transmission humaine de la maladie. Se pose alors unproblème institutionnel grave : que faire des léproseries, sorte de grandes bâtisses construites enrase campagne à l’intention des lépreux, et des maladreries aménagées dans le même but à lapériphérie des grandes villes ? Les malades atteints de lèpre y croupissaient jusqu’à la fin de leurs

jours mais leur longue survie entretenait un réseau social d’emplois et de débouchés économiques

qui pesait déjà lourd dans l’évaluation politique du gouvernement de l’époque ( 2000 léproseriesrecensées en France en 1266 sont en rupture d’effectifs et menacent de licencier les nombreuxpersonnels qui y sont affectés ). Par ailleurs l’immense fortune accumulée par ces établissements( biens fonciers et successions ) risque d’échapper au roi qui entreprend alors d’y remédier endécrétant la maintenance des structures.

La renaissance et l'époque classiqueL’idée vint au pouvoir politique du moment, de remplir ces établissements vidés de leurs occupantslépreux par tous les indésirables de la société d’alors, mêlant déjà indistinctement les prostituées,les délinquants, les opposants politiques, les débiles avec les fous authentiques. C’est donc un trèslourd héritage que les malades mentaux vont assumer à partir de l’instant où on commence à lesparquer hors des villes dans de grands quartiers réservés. C’est l’époque du « grand renfermementhors de la ville » ( Foucault ) qui prélude à la création ultérieure des asiles psychiatriques pour «pauvres, vagabonds, correctionnaires et têtes aliénées ».Au milieu du XVIIe siècle, un décret royal parachève ces dispositions en fondant le statut del’hôpital général où l’on enferme pêle-mêle dans un même quartier : les idiots, les fous, lespossédés, les vésaniques, les prostituées, les asociaux de tous acabits y compris les opposantspolitiques avec pour thérapeutique la contention par chaînes et le cachot pour les agités, la mise autravail pour les autres et une possibilité de libération conditionnelle après acceptationcontractuelle d’un pacte moral avec l’existence humaine. Sade fut un des plus célèbres internés deVincennes puis de Charenton. C’est l’époque du grand renfermement dans la ville.

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La RévolutionEn pleine révolution française un grand médecin parisien exerçant à l’hôpitalgénéral de Bicêtre, Philippe Pinel, obtient de la convention la libération desenchaînés et la séparation des fous et autres possédés de la masse desdélinquants et asociaux. C’est la première reconnaissance officielle du fou.

Cependant la société continue à se protéger de ce dernier qui lui resteétranger ( alienus = étranger ) et maintient son isolement mais dans desconditions particulières concédées à Pinel. Pour mieux protéger ceux qu’ilconsidérait comme malades, Pinel et son élève Esquirol édifient une méthodehumaine d’observation et de classification des désordres mentaux ainsi que les

moyens de les traiter. Ils furent les fondateurs de la révolution chez les Fous, en substituant auxchaînes et aux mauvais traitements, un régime de douceur. Et toujours grâce à eux, l’hôpital de laSapêtrière, autrefois destiné aux indigents ainsi qu’aux femmes condamnées à la détention futtransformé en Centre d’accueil où les maladies nerveuses et mentales sont traitées avec humanité.Les fous et, avec eux, les idiots et les arriérés, sont alors répertoriés et classés selon uneméthodologie particulière qui leur permet d’échapper au pouvoir politique en devenant des maladesqui étaient alors confiés à la garde de médecins-aliénistes investis d’une mission sociale deprotection. Rejetés par la population et le corps médical de l’époque, les médecins-aliénistes etleurs malades condamnés à vivre ensemble derrière les mêmes murs tissent un ensemble d’inter-relations qui sera longtemps caricaturé mais servira plus tard à l’édification d’une politique desanté mentale plus humaine et plus proche de la population. Pendant tout ce temps les aliénistesdépourvus de moyens thérapeutiques efficaces peuvent à loisir consacrer l’essentiel de leur tempsà observer, décrire et classer les symptômes, édifiant ainsi une histoire de la maladie qui constitueun véritable monument scientifique, dont la psychiatrie contemporaine porte encore l’héritage.

Le XIXes et le XXes

En 1838, le Parlement français, après de longs débats, adopte une loi réglementant lesinternements et destinée à protéger les malades et corollairement la société. La loi du 30 juin 1838dresse une barrière entre la société et le malade dans un but louable de protection des individusaliénés. Elle permet l’internement dans un établissement crée par la loi, d’abord l’asiledépartemental puis l’hôpital psychiatrique devenu centre psychothérapique départemental puiscentre hospitalier spécialisé.En 1850, une seconde loi prolonge et précise la première. Les patients colloqués (qui ont fait l’objetd’une étude scientifique) n’avaient aucun droit, ils n’avaient pas de carte d’identité, ils n’avaient pasle droit de se défendre, ils n’avaient pas le droit de chercher du travail … Ces personnes étaientinternées et n’avaient pas le droit de sortir de l’établissement sans être accompagnées. Il n’y avaitpas de limitation dans le temps, elles étaient internées des années durant.

La nouvelle loi du26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux asupprimé la collocation et ses contraintes.Quelles sont les améliorations ?-Abrogation pure et simple de la loi de 1838 et de 1850 sur le régime des aliénés- Disparition pure et simple de l’autorité communale dans la procédure- Introduction du débat judiciaire ou les droits de la défense doivent pouvoir s’exprimerpleinement- Révision régulière et obligatoire de la situation du malade- Droit renforcé du malade au traitement appropriéLa nouvelle loi consacre des évolutions positives à savoir :- le passage du malade « aliéné » à la personne malade mentale un statut conforme à la dignitéhumaine.- le passage « l’asile » à l’hôpital psychiatrique et établissement des soins intensifs et spécialisés.

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La nouvelle loi contribue donc à l’amélioration dufonctionnement de l’image de marque de l’hôpitalpsychiatrique.

A l’issue de la dernière guerre mondiale qui a vu

les aliénistes français s’insurger contre lasolution finale proposée par les propagandistesnazis pour résoudre le problème social queposent les malades mentaux et en conséquencepartager leur sort misérable dans des asiles

voués à la famine, un groupe de médecins décidés et dynamiques ont élaboré un système de soinsaux malades mentaux qui a été officiellement accepté et imposé comme un choix gouvernemental le15 mai 1960 par M. Bernard Chenot alors ministre de la santé. Cette politique nouvelle de santémentale péniblement mise en application depuis lors repose sur deux principes fondamentaux :- Tout malade mental a droit selon ses aptitudes à une vie familiale dans la cité et sa prise encharge thérapeutique doit reposer sur la compétence des soignants et la collaboration active del’entourage familial mais aussi administratif ;- Toutes les activités de prévention, dépistage et traitement à toutes les phases de déroulementde la maladie mentale doivent être le fait d’une même équipe de soignants assurant la continuitédes soins.A cet effet sont mises en place sur tout le territoire national des structures de sectorisationgéographique dont le pivot est une unité d’hospitalisation rénovée autour de laquelle fonctionnentdans un même secteur des dispensaires, des consultations, des foyers de post-cure, desétablissements spécialisés, animés par une équipe de secteur mobile et coordonnée par un médecin-chef de secteur. L’organisation des secteurs dans un département est confiée à un conseil de santémentale coiffé par la DDASS.

La situation en Belgique jusqu'au milieu du 20esEn 1840, le jeune gouvernement crée un plan l’amélioration de la condition des aliénés. Le nombred’établissements psychiatriques qui existent alors dans le pays au début du siècle sont de 54 dont6 appartenaient à l’Etat. Les autres sont soit à l’autorité publique, soit à des particuliers, soit à descorporations religieuses.Au niveau législatif, l’article 1er de la loi dit que « nul ne peut ouvrir ni diriger un établissement destiné aux aliénés sans une autorisation du gouvernement » . Donc l’ouverture d’un de ces centresne peut se faire que sous un arrêté royal de même que la nomination du directeur. Sous le régimede la loi de 1850, le directeur pouvait choisir ces médecins et sous le régime de 1873, c’est leministère de la justice qui nomme les médecins.En 1904, la Belgique compte 29 asiles d'aliénés pour hommes, 32 pour femmes et 4 pour enfants,tant publics que privés. Même dans les institutions publiques, les soins et la gestion quotidiennesont souvent encore assurés par des congrégations religieuses. Ainsi à Liège, ce sont les frèrescellites qui tiennent l'hospice des insensés dit de Volière, pour les hommes, établissement quidépend pourtant de l'Assistance Publique. De même pour Sainte Agathe, qui héberge des femmes,sous la surveillance des Soeurs de St-Charles Borromée. Il a fallu attendre 1931, suite à un arrêtéministériel, pour la création d’un jury évaluant les connaissances des candidats.La rigueur de la loi est vigoureuse quant à l’installation matérielle. C’est le règlement généralorganique qui détermine les conditions. La surveillance des établissements est confiée au procureurdu roi qui est tenu de visiter tous les 3 mois les divers asiles d’aliénés.

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TraitementDepuis le Moyen Age jusqu’à nos jours s’est affinée et multipliée une pharmacopée de la folie. La «camisole chimique » a donc une longue histoire. Celle-ci montre des engouements pour telle ou tellesubstance, sans que l’on puisse discerner un quelconque progrès dans le traitement des maladiesadhoc. Très tôt, il y a la recherche du médicament, potion ou préparation, qui calme l’agité oul’insensé, qui le calme et l’abrutit. Ainsi, en matière de sédatif et de calmant, les praticiens duXVIIIe siècle prônaient, usaient et abusaient de la valériane, du bromure de potassium et de lateinture de digitale. On a aussi saigné les fous, abondamment, comme les autres…Passé les années 1800, on saigne moins, mais l’on purge à tour de bras. Purgatifs, laxatifs etémétiques ne guérissent pas la folie, mais au moins ils ont l’avantage « d’occuper l’esprit du malade»… Encore que, pour beaucoup d’aliénistes renommés, les chocs violents provoqués par desdiarrhées ou par des vomissements peuvent être salutaires pour le traitement de la mélancolie oucelui des manies. Ajoutons à cet inventaire les irritants : sétons, cautères, ventouses et autresvésicatoires ; le délire thérapeutique conseillant aussi l’application de cire bouillante sur l’épiderme,la flagellation avec des orties fraîches, voire le saupoudrage des vêtements de l’aliéné avec le bonvieux poil à gratter !L'invention de l'électricité permettra l'utilisation de l'électro-choc. Le type de médicamentsutilisés aujourd'hui s'est considérablement affiné mais leur effet abrutissant et dépersonnalisantqui donne la sensation d'être "devenu un légume", en font une des pratiques dénoncées de manièretrès virulente par ceux qui souffrent de maladies mentales.

Bibliographie :F. G. ALEXANDER et S. T. SELESNICK,Histoire de la psychiatrie – Pensée et pratique psychiatriques de la préhistoire à nos jours , collection U, Armand ColinFoucault M., Histoire de la folie à l’âge classique , éditions GallimardLiberman R.,Handicap et maladie mentale , presses universitaires de France

L.Saint-Vincent, La Belgique charitable , Bruxelles, Librairie nationale, 1904Zysberg A., On a toujours soigné les fous, dans Magazine de l’histoire n° 21 Mars 1980Quétel Cl., D'où vient la loi de 1838 sur les aliénés ?, dans l'Histoire , n°116, novembre 1988

Sources internet :* www.fgov.be, site de la communauté française consulté le 18/05/02* www.fndup.be , site de la faculté de droit de Namur, consulté le 18/05/02

IllustrationsJ.Bosch, L'excision de la pierre de la folie , Madrid, Prado, dans Tout l'oeuvre peint de Jérôme Bosch , Flammarion, 1967Portrait d'une folle, dans l'histoire des femmes , collection Mémoires de l'humanité , Larousse, 1992L'hospice des insensées, Sainte-Agathe à Liège , bâtiment construit aux 17e et 18es siècles; ildevient asile en 1847; actuellement en cours de transformation pour devenir un hôtel de luxe,(photo personnelle).