la diversite culturelle senegalaise, et la convention …

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1 Commission de l’Education, de la Communication et des Affaires Culturelles LA DIVERSITE CULTURELLE SENEGALAISE, ET LA CONVENTION DE L UNESCO : QUELLES LIMITES ? Débat préparatoire à la Conférence interparlementaire sur la diversité des expressions culturelles : motifs limitant les Etats dans le développement de politiques de programmes culturels. Par Dr Omar Ndoye Président de la Commission Santé, Population, Action Sociale et Solidarité Nationale, Assemblée Nationale du Sénégal Rapporteur DE LA CECAC CHARGE DES QUESTIONS RELATIVES AU VIH/SIDA * * * Québec, Canada, les 30 et 31 janvier 2011

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Commission de l’Education, de la Communication

et des Affaires Culturelles

LA DIVERSITE CULTURELLE SENEGALAISE,

ET LA CONVENTION DE L UNESCO :

QUELLES LIMITES ?

Débat préparatoire à la Conférence interparlementaire sur la diversité des

expressions culturelles : motifs limitant les Etats dans le développement de

politiques de programmes culturels.

Par Dr Omar Ndoye

Président de la Commission Santé, Population, Action Sociale

et Solidarité Nationale, Assemblée Nationale du Sénégal

Rapporteur DE LA CECAC

CHARGE DES QUESTIONS RELATIVES AU VIH/SIDA

* * *

Québec, Canada, les 30 et 31 janvier 2011

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2

SOMMAIRE

I. INTRODUCTION

II. LA POLITIQUE CULTURELLE ACTUELLE DU SENEGAL

1°) Le financement de ce secteur

a°) Contribution de l’Etat

b°) Les autres sources de financement

2°) Les programmes et projets exécutés et en cours

3°) Les résultats globaux atteints

4°) Les difficultés du secteur de la culture

5°) Nouvel élan

III. CONCLUSION QUE DOIT-ON ATTENDRE DE LA CONVENTION POUR UNE AMELIORATION DES POLITIQUES CULTURELLES?

I. INTRODUCTION

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3

Le président-poète Léopold Sédar Senghor avait l’habitude de dire que la

culture est au début et à la fin de tout développement. Dès le début des

indépendances africaines, il a choisi de faire de la culture le levier de son

orientation politique.

« La diversité culturelle est une caractéristique inhérente à l’humanité, elle

constitue un patrimoine commun de l’humanité et crée un monde riche et

varié qui élargit les choix possibles, nourrit les capacités et les valeurs

humaines »1.

Ces quelques lignes tirées du préambule de la convention de l’UNESCO sur la

culture, montre à suffisance l’importance qu’il y a à promouvoir et à protéger la

diversité culturelle. Le Sénégal, dès son accession à la Souveraineté

Internationale, a inscrit la diversité culturelle dans le préambule de sa

Constitution. Ainsi, la Culture est devenue le socle de son développement.

Le Président Senghor articula sa politique autour de deux axes fondamentaux

que sont l’enracinement dans les valeurs de la civilisation négro-africaine et

l’ouverture aux autres civilisations. Il a ainsi accordé la priorité à la formation

de l’homme, aux arts et aux lettres et a impulsé un véritable mécénat d’Etat.

Le premier festival mondial des arts nègres a été la consécration de cette

politique culturelle qu’il a voulu faire partager à toute la communauté noire.

Lors de l’ouverture de la première édition de ce festival mondiale des arts

nègres (Fesman), il disait : « A quelque Dieu, à quelque langue qu’elles

appartiennent, les nations sont conviées au dialogue de Dakar, appelées à

combler les fossés, dissiper les malentendus, accorder les différences.

Participant, depuis toujours, mais toujours à distance et par personnes

interposées, à l’édification de la civilisation de l’universel, l’Afrique unie, réunie,

offre, à l’attente du monde, aux lieux et place d’une gigantesque panoplie, le

sens de ses créations artistiques. Elles disent notre vision, notre obsession de

l’homme, parce que du Dieu invisible. Et notre volonté d’aménager la terre

pour qu’y chante la lumière du ciel »(2).SENGHOR a su donc donné au Sénégal

un fondement culturel solide comme il a su le faire au demeurant avec la

francophonie. N’est-ce pas lui qui disait que la francophonie est avant tout

culture ?

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4

Grace à ce fondement culturel sur lequel Senghor a conçu le développement de

son pays, le Sénégal est devenu un Etat avec la culture comme moteur de

développement. Ce legs culturel du Président-poète a été perpétué par les

Présidents Diouf et Wade.

Le Sénégal a été le deuxième pays africain après l’ile Maurice a ratifié la

convention de l’Unesco relative à la protection et à la promotion de la diversité

des expressions culturelles (110 Etats dont 50 membres ou observateurs de la

francophonie). Dire du Sénégal que c’est un pays de culture est donc une

lapalissade eu égard à son passé et à ses orientations fortement empreintes de

culture.

1 Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité culturelle : octobre 2005

2 Discours d’ouverture lors de la première édition du FESMAN : Avril 1966 au Sénégal

II. La politique actuelle du Sénégal

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5

Les politiques d’ajustement structurel des années 80 ont été un facteur de

ralentissement du dynamisme culturel du Sénégal. Cependant, une reprise en

mains de la culture par les autorités a été tentée au cours des années 2000.

C’est en cette période que furent mis en réseaux des acteurs culturels à travers

des cadres fédérateurs comme la coalition nationale pour la diversité culturelle

et le réseau des acteurs socioculturels.

Ce choix politique a donné naissance à plusieurs projets et programmes

inspirés par :

la Loi 96-07 du 22 mars 1996, portant transfert des compétences aux régions et aux communautés rurales, qui crée les conditions juridiques d’une prise en charge de la politique de développement culturel national par les collectivités locales, plus généralement par les populations elles mêmes ;

la « Lettre de Politique de Développement du Secteur de la Culture », signée en juillet 1999 et qui constitue un cadre de synthèse des orientations stratégiques et des objectifs les plus pertinents, tout en mettant en perspective les possibilités de valorisation de la dimension économique du secteur.

Les principes directeurs de ces textes fondateurs découlent des objectifs

politiques, économiques et sociaux de l’Etat contenus dans le document de

stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) et déterminent les missions du

Ministère qui se sont traduites par la mise en œuvre de programmes et

d’activités dans les domaines suivants :

- les arts vivants (théâtre, musique, danse, etc.), - les arts visuels (arts plastiques, photographie, artisanat d’art, etc. - le cinéma et l’audiovisuel, - le livre et la lecture, - les langues nationales, - l’alphabétisation, - la francophonie.

Le Département de la culture appuie aussi les initiatives des collectivités

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6

locales, du mouvement associatif, des opérateurs, acteurs et entrepreneurs

culturels.

En outre, le Sénégal dispose d’un patrimoine culturel régi par deux textes :

- le décret n° 2001

- 1065 du 11décembre 2001, relatif à l’établissement d’un inventaire des

sites et des monuments du Sénégal présentant un intérêt historique,

archéologique, culturel et naturel.

- l’Arrêté n°

05.2006 * 002711/MCPHC/DPC portant publication de la liste des sites et

monuments historiques classés et fixant leur régime ainsi que celui des

fouilles, découvertes et biens culturels.

1°) Financement du secteur et allocation des ressources

L’Etat occupe la première place dans le financement du secteur de la culture à

coté d’autres sources de financement.

a°) Contribution de l’Etat : évolution et allocation de 2006 à 2008

De 2006 à 2008, le Ministère a bénéficié d’un volume total de ressources

financières qui s’élèvent à plus de 30 millions d’Euros.

Ces budgets bien que connaissant une tendance générale à la hausse avec un taux

de croissance annuelle moyen de 33 % restent très insuffisants.

Ces ressources financières se répartissent, en moyenne à 7 % de fonctionnement,

44 % d’investissement, 12 % de personnel et 37 % de transfert.

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7

Tableau 1 : Contribution de l’Etat

Années

Rubriques

2006 2007 2008 Total

Fonctionnement 634 712 000

= 969.025

euros

520 172 000

= 794.155

Euros

342 186 000

= 522.421

Euros

1 497 070 000

= 2.885.605

Euros

Investissement 1 370 000 000

= 2.091.603

Euros

2 129 000 000

= 3.250.381

Euros

5 406 500 000

= 8.254.198

Euros

8 905 500 000

= 13 596 182

Euros

Personnel 685 559 000

= 1.046.654

Euros

767 689 500

= 1.172.044

Euros

950 214 500

= 1.450.708

Euros

2 403 463 000

= 3.669406

Euros

Transfert 2 197 010 000

= 3.354.213

Euros

2 312 010 000

= 3.529.786

Euros

2 912 010 000

= 4.445.816

Euros

7 421 030 000

= 11.329.815

Euros

Budget total 4 887 281 000

= 7.461.497

Euros

5 728 871 500

= 8. 746.367

Euros

9 610 910 500

= 14.673.145

Euros

20 227 063 000

= 30.881.012

Euros

Source : DGB

b°) les autres sources de financement

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Au niveau de la coopération multilatérale

-L’Union Européenne (UE)

-L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF)

-L’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture

(UNESCO)

-L’Organisation Islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture

(ISESCO).

Au niveau de la coopération bilatérale :-La Chine-le Japon-la Belgique-la France-

les Etats unis…

Les partenaires nationaux : - la Fondation Frederich Hebert- la fondation

SONATEL- EIFFAGE- SOCOCIM- AGF…

La modicité de ces allocations issues de cette coopération constitue un des freins

les plus importants pour mener à terme certains programmes.

2°) Programmes et projets exécutés et en cours

En application de sa lettre de mission, le Département ministériel de la culture

a élaboré et mis en œuvre au cours des dernières années les projets et

programmes suivants :

- réalisation d’infrastructures et d’équipements, - appui à la décentralisation de l’action culturelle, - inventaire des sites et monuments historiques, - numérisation du fonds des archives culturelles, - financement des initiatives privées, - animation de la scène artistique et littéraire nationale, - formation et de renforcement des capacités, - consolidation des relations de coopération culturelle entre le Sénégal et

le reste du monde, - « éducation de qualité pour tous (EQPT2)», - Programme national de développement de la culture (Pndc)

3°) Résultats atteints

La mise en œuvre de ces programmes a permis d’atteindre les quelques résultats

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suivants :

Construction et équipement de huit (8) complexes culturels régionaux ;

Construction de la Direction du patrimoine culturel

Erection de quatre (4) centres régionaux en pôles logistiques et techniques d’appui à l’action culturelle décentralisée. A cet effet, Ziguinchor, Thiès, Fatick et Louga ont été équipés de matériels et logistiques performants dans l’optique de consacrer leur autonomie vis-à-vis de Dakar. Chaque pôle couvre deux à trois régions

Réhabilitation de la Maison de la Culture Douta Seck qui est un centre polyvalent de recherche, d’animation et de diffusion culturelle à vocation nationale et internationale

Institution du Service du «Spectacle Sons et Lumières », comme structure d’appoint technique et matériel aux manifestations culturelles

Organisation biennale décentrée du Festival national des Arts et Cultures

Organisation de la Biennale de Dakar qui constitue la principale vitrine des arts visuels d’Afrique et de sa diaspora ;

Organisation de la Foire internationale du Livre et du Matériel didactique (FILDAK), rendez-vous biennal des professionnels du livre et de l’imprimé ;

Organisation des Journées nationales du Patrimoine culturel ;

Inventaire des sites et monuments historiques classés ;

Réhabilitation de 30 sites et monuments historiques ;

Inscription du «Kankourang» sur la liste des chefs d’œuvre du patrimoine immatériel de l’UNESCO ;

Classement des îles de Saint Louis et de Gorée sur la liste du patrimoine mondial ;

Classement transfrontalier des mégalithes de Sine Ngayene (Région de Fatick) sur la liste du patrimoine mondial ;

Numérisation du fonds des archives culturelles ;

Construction et Equipement de vingt deux (22) Centres de Lecture et d’Animation culturelle (CLAC), installés en zones rurales et périurbaines ;

Edition de 293 000 manuels (brochures, guides, textes législatifs) en langues nationales ;

Enrôlement de 2 132 000 personnes de 1993 à 2008 dans les programmes d’alphabétisation ;

Codification de 18 langues nationales

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Malgré les résultats enregistrés, le secteur de la culture peine à jouer son rôle

de moteur de développement du fait de nombreux problèmes auxquels sont

confrontés les acteurs culturels.

4°) DIFFICULTES DU SECTEUR DE LA CULTURE QUI FREINENT LES

PROGRAMMES

En dépit d’un énorme potentiel et du rôle important qu’il joue sur le plan socio-économique, le secteur de la culture n’a pas atteint les niveaux de performances souhaités, du fait de multiples contraintes dont les plus importantes sont :

La dégradation de la production culturelle :

Elle est engendrée par la prépondérance de l’informel dans le secteur ; la

faiblesse de la professionnalisation des acteurs ; l’insuffisance des capacités de

production et d’adaptation des acteurs culturels aux diverses mutations du

secteur et un déficit de capacité à mettre de la plus-value sur le potentiel

créatif existant.

L’insuffisance de la décentralisation culturelle :

Elle est caractérisée par :

- un déficit de l’aménagement culturel du territoire national marqué par

une concentration des infrastructures et des évènements culturels à

Dakar ;

- un processus de décentralisation qui stagne au niveau des chefs lieux de

régions ;

- une absence de prise en compte de la culture dans les instruments de

planification régionale (Plan régionaux de Développement, Plans locaux

de Développement, Plans d’Investissement Communaux) ;

- l’absence d’une rubrique culture dans la nomenclature budgétaire des

collectivités locales.

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Un déficit de culture de gestion axée sur les résultats :

Il résulte du manque de plan de travail des organes administratifs ; du faible

niveau d’élaboration de projets ; de la faible capacité d’absorption des

ressources et de la pratique insuffisante de suivi et évaluation dans les projets

du Ministère.

L’insuffisance d’informations statistiques :

Elle est caractérisée par une indigence du secteur en études, une absence de

définition d’un champ opératoire de la culture, l’inexistence d’une approche

pragmatique pouvant permettre d’appréhender, de façon holistique, les

interactions entre les différents processus culturels et enfin, le manque de

classifications et de normes statistiques internationales permettant de

recueillir et de diffuser au plan international des données comparables, des

pratiques informelles en cours dans le milieu.

Ces principales difficultés, du fait de leur caractère transversal, sont vécues par

toutes les différentes filières.

La musique

La Direction des Arts a la charge d’accompagner cette discipline. Mais,

l’insuffisance du personnel constitue un handicap majeur pour l’accomplissement

de cette mission.

En termes d’appui logistique, le Spectacle Sons et Lumières (SSL) a été institué

depuis 1990 pour apporter son soutien aux organisateurs de concerts et autres

manifestations musicales. Cependant, l’ampleur de la demande à laquelle ce

service doit faire face est sans commune mesure avec les moyens actuellement

disponibles. En effet, pour des besoins estimés à 30 000 Watts, le disponible n’est

que de 3000 watts pour la sonorisation. Le SSL est chargé non seulement d’assister

le FESNAC mais aussi, de couvrir les manifestations éparpillées sur l’ensemble du

territoire national. Autre problème à relever pour le SSL, l’exiguïté et le caractère

inadapté de ses locaux. En effet, le stockage du matériel ne se fait pas dans les

conditions optimales de sécurité.

L’Orchestre national, pour sa part, peine à accomplir l’intégralité de sa mission. Le

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matériel de sonorisation est dans un état de vétusté tel qu’il est quasiment hors

d’usage et le matériel roulant est inexistant. Le personnel est non seulement

insuffisant mais souvent exposé à des situations de précarité sociale.

Le théâtre

Le théâtre a perdu la place qu’il occupait dans les années 70. L’engouement a faibli

et le public a déserté les salles pour d’autres formes d’expression comme la danse

et le cinéma. La compagnie du théâtre national Daniel SORANO demeure un

fleuron confronté aux problèmes qui ont pour noms : insuffisance des recettes due

à la mise à disposition souvent gratuite de la salle, un très fort pourcentage de la

masse salariale par rapport à la subvention de l’Etat (451 000 000 F CFA

en 2007= 688.559 euros), absence de matériel roulant (mini bus et véhicule de

liaison).

Le théâtre sénégalais a subi des mutations avec l’avènement de la télévision. Les

réalisateurs de téléfilms sénégalais sont confrontés à l’absence ou la rareté de la

formation dans le domaine de la rédaction de scénarii et de l’écriture dramatique.

En dépit de la multiplication des compagnies, le théâtre sénégalais a du mal à

atteindre son public. Les espaces de diffusion sont singulièrement rares. Le

potentiel économique et de création d’emplois est presque annihilé par la

concurrence de la télévision. En outre, il n’existe aucun financement

spécifiquement destiné au théâtre. Différents problèmes existent et constituent

autant d’handicaps en ce qui concerne les espaces de création et de diffusion, la

promotion, la formation, etc.

Les arts plastiques

En ce qui concerne les arts plastiques, la création et la diffusion constituent les

nœuds gordiens faute d’espaces adaptés. La plupart des professionnels évoluent

dans des situations de promiscuité ; leurs ateliers sont installés dans des sites à

usage d’habitation ou parfois même dans la rue. L’Etat a aménagé et mis à la

disposition des artistes un espace dit Village des Arts. Son budget est entièrement

supporté par le Ministère de la Culture, du Patrimoine historique classé, des

Langues nationales et de la Francophonie. Ce village est le seul qui existe sur

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l’ensemble du territoire national en dehors de celui de Thiès qui est en phase

d’achèvement. Des problèmes identiques sont à signaler en ce qui concerne les

espaces de diffusion. En effet, seule une galerie officielle existe. C’est la Galerie

nationale d’Art qui accuse un déficit de matériel roulant, de personnels qualifiés

et de ressources financières.

En ce qui concerne le cas spécifique des Manufactures sénégalaises des Arts

décoratifs de Thiès, il convient de déplorer la modicité de leur subvention qui

s’élève à 192.366 Euros, pour des charges salariales estimées à 233.984 Euros.

Ainsi le Ministère se trouve chaque année, dans l’obligation de procéder à des

transferts ou d’en référer au Premier Ministre pour combler le gap. A noter par

ailleurs, l’obsolescence du matériel technique (métiers à tisser datant de 1972) et

roulant (une R18 qui date de 1981, une 404 acquise en 1976).

Le cinéma

Le cinéma sénégalais a connu un net fléchissement au cours des deux décennies

80 et 90. Comme symptôme à cette crise, il y a la diminution drastique du nombre

de salles de cinéma qui, de 1970 à nos jours est passé de 70 à 15 salles. L’actuel

Fonds d’Aide au Cinéma n’arrive pas à satisfaire les demandes qui lui sont

adressées. Le nouveau Fonds de Promotion cinématographique et audiovisuel

dont le montant a été fixé par le Chef de l’Etat à 4.580.000 euros, tarde à être mis

en place. Le développement du sous secteur devrait être accompagné d’une

bonne politique de formation. En la matière, il n’existe aucun cadre formel, les

techniciens sénégalais étant formés soit sur le tas, soit grâce à des initiatives

d’institutions académiques étrangères. De surcroît la formation ne s’intéresse

qu’aux réalisateurs ; d’où la nécessité de former proportionnellement des

producteurs, des distributeurs et des critiques pour un développement équilibré

de l’industrie cinématographique et audiovisuelle.

La photographie

Elle constitue une branche des arts graphiques, que nous retrouvons dans la

plupart des expositions collectives (Biennale de Dakar, Salon national des Artistes

plasticiens du Sénégal, Biennale de la Photographie de Bamako, etc.,). Elle apporte

une contribution de taille dans le domaine de la création et un soutien technique

aux Technologies de l’Information et de la Communication. Cependant, La

formation constitue une préoccupation majeure des professionnels. Il n’existe en

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14

effet aucune structure formelle de formation à la photographie au Sénégal. Le

sous secteur n’est pas non plus suffisamment structuré et réglementé pour être

plus efficace et productif.

Le livre et la lecture

Ils sont des compétences dévolues à la Direction du Livre et de la Lecture (DLL). Les

statistiques révèlent l’existence de 36 maisons d’édition, 83 bibliothèques

publiques dont 11 bibliothèques régionales, plusieurs Centres de Lecture et

d’Animation culturelle (CLAC) et dix CLAC arabo-islamiques. En ce qui concerne

l’édition, le Fonds d’Aide a financé l’édition de 18 ouvrages en 2004, 30 en 2005 et

31 en 2006.

Les principales difficultés du sous secteur sont :

- les locaux non adaptés à la mission de la direction (exigüité et vétusté des salles),

- l’insuffisance du fonds documentaire, - le déficit en personnels qualifiés, la gestion des bibliothèques étant confiée

généralement à des agents bénévoles formés sur le tas, - l’insuffisance du parc automobile, en comparaison de l’étendue du champ

d’intervention de la direction (ensemble du territoire national).

La mode et le stylisme

Le savoir faire des stylistes et modélistes sénégalais n’est plus à démontrer dans la

mesure où ce secteur a donné de réels motifs de satisfaction aussi bien dans son

organisation, dans ses résultats que dans son ouverture sur l’étranger. Cependant,

la filière souffre du monopole exercé par la région de Dakar. Les autres régions du

pays regorgent de potentialités mal valorisées faute d’espaces d’expression (show

room, manifestations spécialisées). En outre, bien que l’exercice de la profession

relève du Département, les écoles de formation sont placées sous la tutelle du

Ministère de la Jeunesse. Ce qui apparaît comme une incohérence structurelle.

La gestion du patrimoine

Au plan budgétaire, la Direction du Patrimoine culturel qui occupe aujourd’hui un

espace quatre fois plus grand qu’avant, a du mal à couvrir les frais de maintenance

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15

et d’entretien de ses locaux.

La question de la mobilité se pose de manière prégnante. Faute de crédits

d’entretien, le matériel roulant acquis il y a trois ans, est aujourd’hui dans un état

de délabrement avancé. Signalons que le Bureau d’Architecture et des

Monuments historiques (BAMH) emploie depuis 20 ans 16 agents dont 15

contractuels. Son budget de fonctionnement s’élève à la modique somme de

2 500 000 FCFA = 3817 Euros

Les langues nationales

Le sous-secteur des langues nationales est confronté à un certain nombre de

contraintes :

- non maîtrise de données statistiques et indicatrices pertinentes pour déterminer la qualité des enseignements ;

- insuffisance des ressources financières et humaines ; - non efficacité de la décentralisation des activités relatives à l’alphabétisation

au niveau des collectivités locales et des communautés. Malgré toutes ses contrariétés qui constituent un frein certain au développement culturel du Sénégal, la naissance de la convention culturelle de l’Unesco a suscité un grand espoir de relance. 5°) Nouvel élan Depuis que le Sénégal a ratifié en novembre 2006 la convention de l’Unesco adoptée en octobre 2005, la diversité culturelle a été boostée. En effet, la culture a connu ces dernières années un nouvel essor. Elle attire de plus en plus l’attention des autorités qui ont défini une politique cadrant plus avec le contenu de la convention. C’est ainsi que la diversité des expressions culturelles a été un peu plus priorisée. Les sénégalais redécouvrent les valeurs culturelles et la richesse des activités relevant de ce patrimoine. Notre pays met en exergue ses différentes facettes culturelles qui sont l’objet d’attentions particulières des populations et des étrangers. La politique menée par le gouvernement encourage fortement l’initiative privée à travers des subventions favorisant l’organisation annuelle de manifestions culturelles dans toutes les régions du pays. Ces dites subventions malgré leur modicité participent à la promotion de la diversité des expressions culturelles au Sénégal. De ce fait, l’initiative privée, encouragée, se traduit aujourd’hui par la multiplication des événements culturels

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à travers tout le pays. Ainsi, chaque ethnie a son festival et ses manifestations culturelles propres qu’elle organise annuellement. Le festival devient une opportunité de réunir les enfants du terroir autour d’activités appartenant à l’ethnie et favorise les échanges commerciaux et économiques. A titre d’exemple l’on peut citer : - le Festival de Ritti (instrument de musique traditionnel peul) organisé par les Peuls, populations nomades du nord du Sénégal ; - le festival des peuples de l’eau organisé par les Lébous de la presqu’ile du cap vert, populations autochtones qui vivent au bord de l’eau, - le Khoy qui est une rencontre à dimension culturelle au cours de laquelle les « Saltigués Sérères» (tradipraticiens) prédisent l’avenir, - les 72h de Dioum pendant lesquelles les populations du Fouta revisitent le folklore et les différentes facettes de la culture « Al Pulaar », - le Kankourang à Mbour où les populations, pendant plus d’un mois, font revivre les épopées du génie protecteur de leur ville, -le festival des peuples Bassarie (population fortement conservatrice vivant à la frontière entre le Sénégal et la Guinée Bissau) pendant lequel, la richesse culturelle millénaire de ce peuple est revisitée, -les manifestations culturelles des peuples djollas (ethnie majoritaire de la région naturelle de la Casamance) -le festival Mandingue ou remémoration de la culture des peuples qui ont jadis occupé une partie de l’empire du mandingue (actuelle région naturelle de la base Casamance et du Mali) …etc.

Le Président WADE, dans sa démarche culturelle, n’a pas hésité, malgré la crise et les difficultés économiques, à mobiliser des dizaines de milliards pour l’organisation du troisième festival mondial des arts et nègres (Fesman 3) du 10 au 31 décembre 2010.

Cette haute opportunité culturelle qui a duré 21 jours, a célébré 16 disciplines, des arts anciens au design en passant par la danse et la musique. Sur la Place dakaroise de l’Obélisque où se trouvait la plus grande scène, ainsi que dans d’autres villes du pays qui avaient leurs festivals «labellisés Fesman», se sont notamment produits les plus grands artistes africains et de la diaspora. De nombreuses conférences ont réuni des intellectuels et créateurs de tous horizons. Le Brésil était le pays invité d’honneur. Le Fesman a enregistré la participation de 7000 artistes africains et acteurs culturels de la Diaspora, dont plus de 3000 musiciens et 300 groupes de musique. Il va certainement favoriser un apport dans plusieurs secteurs économiques.

Toutefois malgré les efforts consentis par nos Etats en vue de promouvoir et de

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développer des politiques et des programmes culturels, force est de reconnaître qu’il ya beaucoup encore à faire et les résultats escomptés ne sont souvent pas atteints. L’apport de la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles peut être à ce niveau déterminant.

II. CONCLUSION

QUE DOIT-ON ATTENDRE DE LA CONVENTION POUR UNE AMELIORATION DES POLITIQUES CULTURELLES?

L’apport attendu de la convention après sa ratification par le Sénégal (2éme

pays africain à l’avoir ratifié après l’ile Maurice), est le renforcement de

l’accompagnement dans la stratégie de protection et de promotion de la

culture. Les pays en voie de développement, avec le soutien des Institutions

internationales, gagneraient à mieux s’approprier la convention à travers

toutes ses dispositions pour une bonne application de leur politique et

programme culturel, gage de développement économique durable.

Cependant, comment l’UNESCO, la francophonie et l’APF vont s’y prendre pour

réussir ce pari ? La Conférence du Québec amorcera sans nul doute des

hypothèses d’évolution pertinentes.

Par ailleurs, la convention doit-être mieux vulgarisée au niveau des Etats pour

que les pays prennent conscience que la culture est un maillon fort de leur

développement.

En définitive, il s’agit pour la francophonie et l’APF aujourd’hui, après avoir joué

un rôle important dans la naissance puis dans la ratification de cette

convention, de passer à sa mise en œuvre comme nous y invite notre secrétaire

général Monsieur Jacques LEGENDRE. Il faut reconnaitre toutefois que ce

combat n’est pas gagné d’avance. Il s’agit, entre autres, de demander aux

chefs d’Etat d’accorder une place plus importante à la culture dans leur

politique de développement notamment en augmentant le budget du secteur.

Aussi, au delà de la robe d’avocat que l’APF nous demande de porter pour un

plaidoyer fort dans nos pays respectifs, il convient de faire participer les chefs

d’Etat et de gouvernement à la promotion de la convention à travers des

Page 18: LA DIVERSITE CULTURELLE SENEGALAISE, ET LA CONVENTION …

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rencontres comme celle-ci dont les conclusions pourront servir de tremplin

pour une documentation efficiente.

Toujours à propos de notre rencontre d’aujourd’hui et de la perspective qui est

la nôtre de vouloir participer activement à la mise en œuvre de la convention

sur la protection et la promotion des diversités culturelles, nous proposons des

questions dont les réponses pourront peut-être constituer une véritable

charpente dans le déroulement de notre programme de mise en œuvre de la

convention.

Comment promouvoir la culture pour qu’elle soit un vecteur de

développement dans les pays sous développés ?

Comment peut-on aider les pays à faibles ressources à faire de la culture

un levier de développement ?

Comment peut-on encourager le dialogue des cultures notamment entre

les pays du nord et ceux du sud ? N’y a-t-il pas un déséquilibre en faveur

des pays du nord de par des moyens financiers plus importants ?

En quoi la culture peut-être un tremplin pour le développement

notamment dans les pays du sud ?

Quel lien existe-t-il entre culture et développement économique ?

Si oui, comment faire ressortir de manière claire ce lien afin de rendre les

Etats moins frileux quant à l’adoption et le financement de politiques

culturelles ?

Enfin, quel sera le plan d’action de l’APF pour accompagner la mise en

œuvre de cette convention ?

Nous saisissons l’opportunité offerte par la célébration des 5 ans de la

convention pour magnifier l’effort considérable que l’Etat du Québec a joué

dans la naissance et la ratification de la convention.

SOURCES

Convention de l’Unesco de 2005

Lettre de politique du secteur de la culture du ministère de la culture