la dépendance affective

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La dépendance affective Résumé de l'article Depuis la parution du livre "Ces femmes qui aiment trop", on parle beaucoup de "dépendance affective". Nombreux sont les hommes et les femmes qui se définissent maintenant dans ces termes parce qu'ils se reconnaissent dans la description de l'auteur. Michelle Larivey souligne en quoi il est inexact et dangereux de traiter cette forme de recherche de l'amour comme une assuétude comparable à l'alcoolisme. Elle montre comment les solutions que suggère cette vision ne peuvent être efficaces. En s'inspirant de sa conception du transfert et des besoins, elle explique ce qu'il y a de "sain" dans cette recherche douloureuse qu'on appelle la "dépendance affective". Elle précise aussi les causes essentielles des impasses qu'on y rencontre souvent. Table des matières A. Introduction B. Suis-je dépendant affectif? C. La dépendance au plan affectif 1. L'imp ortance des besoins a ffecti fs 2. Les variations dans les besoins D. Le vrai problème de la "dépendance affective" 3. Peu de contact avec ce qu'elle ressen t 4. Une expres sion camouflée E. Conclusion F. Comment vous servir de ce texte À la lecture de cet ouvrage, plusieurs concluent que la dépendance est pathologique et qu'il faut s'en débarrasser. Les personnes qui se considèrent atteintes de ce mal cherchent typiquement à s'en sortir en se raisonnant et en tentant d'éviter les personnes qui les attirent naturellement.

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La dépendance affective

Résumé de l'article

Depuis la parution du livre "Ces femmes qui aiment trop", onparle beaucoup de "dépendance affective". Nombreux sont leshommes et les femmes qui se définissent maintenant dans cestermes parce qu'ils se reconnaissent dans la description del'auteur.

Michelle Larivey souligne en quoi il est inexact et dangereux detraiter cette forme de recherche de l'amour comme uneassuétude comparable à l'alcoolisme. Elle montre comment les

solutions que suggère cette vision ne peuvent être efficaces.En s'inspirant de sa conception du transfert et des besoins, elleexplique ce qu'il y a de "sain" dans cette recherche douloureusequ'on appelle la "dépendance affective". Elle précise aussi lescauses essentielles des impasses qu'on y rencontre souvent.

Table des matièresA. IntroductionB. Suis-je dépendant affectif?C. La dépendance au plan affectif 

1. L'importance des besoins affectifs2. Les variations dans les besoins

D. Le vrai problème de la "dépendance affective"3. Peu de contact avec ce qu'elle ressent4. Une expression camouflée

E. ConclusionF. Comment vous servir de ce texte

À la lecture de cet ouvrage, plusieurs concluent que ladépendance est pathologique et qu'il faut s'en débarrasser. Lespersonnes qui se considèrent atteintes de ce mal cherchenttypiquement à s'en sortir en se raisonnant et en tentant d'éviter

les personnes qui les attirent naturellement.

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 J'entends souvent des témoignages comme les suivants:

"Après un an de séparation, je souffre encore beaucoup. Je pense à elle chaque jour. Est- ce de la dépendanceaffective?"

"Je tombe facilement amoureux et dépends beaucoup desfemmes. Est-ce ça qu'on appelle être dépendant affectif?"

"J'ai besoin de contacts sexuels avec les femmes. C'est une question d'équilibre. Est-ce de la dépendanceaffective?"

"Je ferai tout pour ne pas déplaire à la femme que j'aimeet tout pour lui plaire. Je m'oublie. Ce n'est pas grave. Ilme semble que ce serait plus grave de la perdre."

Comme vous le constaterez à la lecture de cet article, je n'aipas la même vision de cette problématique et de ses solutions.Vous comprendrez pourquoi je déplore l'existence de cediagnostic de "dépendance affective" en tant qu'étiquette decomportement maladif.

Vous verrez également pourquoi je parle plutôt de la"dépendance au plan affectif". Je situerai cette problématiquedu point de vue de la croissance psychique afin d'aider àdéceler les véritables enjeux qu'elle recèle. C'est dans un autrearticle que je présenterai les solutions et les directions surlesquelles débouche cette façon de voir.

Mais cette insécurité a un autre effet, encore plus grave: elle

amène ces personnes à remettre en question leurs besoinsaffectifs. Tout ce qui concerne leur attachement, leur soif derelation, leur besoin d'aimer et d'être aimées leur apparaîtcomme pathologique. Ces gens se demandent même s'ils sontnormaux d'avoir des réactions émotives fortes.

Cette remise en question vient en partie du fait que l'auteur de"Ces femmes qui aiment trop" assimile la forte attirance du"dépendant affectif" à une assuétude pathologique comme la

dépendance à l'alcool ou à la drogue de l'alcoolique et dutoxicomane. Ce rapprochement est, à mon avis, dangereux et

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largement injustifié.

En réalité, l'alcoolique et le toxicomane ont recours auxstupéfiants et aux euphorisants pour éviter le contact avec

leurs besoins affectifs et leurs émotions. Ces besoins sonttypiquement négligés au point de prendre une grande intensité.En consommant des substances toxiques, ces personnes sedistraient de leurs besoins affectifs et de la souffranceoccasionnée par leur manque. On pourrait comparer ce qu'ilsfont à l'assoiffé du désert qui s'injecterait de l'héroïne pour neplus souffrir de la soif. Il mourrait déshydraté, mais peut-êtresans éprouver clairement sa souffrance!

Il est certain que les stupéfiants et les stimulants ne combleront jamais les besoins affectifs. Même les alcooliques et lestoxicomanes ne sont pas dupes de cela. Mais ils ont souventpeur et se sentent démunis devant l'ampleur de leurs besoins.Malheureusement, l'accent qu'on met sur la dépendancephysique dans le cas de ces assuétudes contribue à dévierl'attention des véritables raisons qui ont mené à laconsommation abusive.

En plus, lorsqu'on considère ces assuétudes comme desmaladies, on voile en grande partie la responsabilité de lapersonne dans son choix d'évitement. On concentre alors letravail thérapeutique sur l'arrêt du comportement pathologiqueplutôt que sur l'apprivoisement des besoins affectifs etl'apprentissage à les combler. En agissant ainsi, on s'empêchede régler le problème de fond.

En laissant croire que la "dépendance affective" équivaut à uneassuétude, on empêche de trouver des solutions saines auxinsatisfactions affectives et aux façons de réagir qui lacomposent. On laisse croire qu'il s'agit d'une maladie plutôt qued'une tentative maladroite de trouver satisfaction. On priveainsi la personne de tout moyen réel d'y remédier par elle-même. On laisse entendre qu'il s'agit d'une forme d'assuétudequi ne peut être résolue que par un contrôle de la volonté et unévitement systématique des tentations. Ceci interdit à toutesfins pratiques au "dépendant affectif" de répondre à ses besoinsémotifs fondamentaux.

C. La dépendance au plan affectif 

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Les êtres vivants ont besoin d'air et d'eau pour survivre. Ils sont dépendants deces éléments et de leur environnement où ils les trouvent. Ils peuvent mêmedevenir "obsédés" par ces éléments dans certaines circonstances.

Imaginons la situation suivante. En expédition dans le désert, nous arrivons aubout de nos réserves d'eau. Si nous n'avons pas de moyen de nous ravitailler àproximité, il est certain que nous deviendrons obnubilés par l'eau. Plus lemanque se fera sentir, plus notre vie, nos pensées et tous nos efforts serontorientés vers un seul but: trouver une oasis.

Peut-on qualifier notre groupe de "dépendants physiques"? Nous n'y penseronscertainement pas, car il nous semble normal d'avoir besoin d'eau et de nousmobiliser pour en trouver. Il est sain, si on en manque dramatiquement, que sarecherche devienne la priorité de notre vie. Ce que nous trouverions anormal, ceserait de danser pour faire tomber la pluie, de tourner en rond en espérant

trouver de l'eau, ou d'implorer l'eau d'apparaître... On considérerait certainementcomme pathologique le comportement d'un membre du groupe qui demeuraitpassif en souhaitant ardemment que l'eau se rende à sa bouche. S'il persistaitdans cette méthode jusqu'à risquer sa vie, on le croirait auto-destructeur.

1. L'importance des besoins affectif  

Les êtres vivants n'ont pas que des besoins physiques, ils ont également desbesoins affectifs. Ceux-ci ne sont pas aussi palpables et sont encore mal connus.Mais on en sait assez, à l'heure actuelle, pour conclure à l'importance d'yrépondre. On sait par exemple, qu'un bébé tombe dans un état de torpeur

("marasme") s'il n'est pas soigné, avec une attitude au moins bienveillante. Ilpeut même en mourir. On sait aussi pourquoi un enfant risque de développer desproblèmes psychiques graves s'il reçoit, du parent qui en prend soin et sur unepériode prolongée, un message fondamental de haïne camouflé dans un discourspositif.

L'enfant a besoin, pour se développer harmonieusement, d'être traité commeune personne à part entière et d'avoir l'opportunité de répondre à ses besoins.C'est même indispensable à sa santé mentale. Mais c'est vrai aussi chez lesadultes.

Nous continuons d'avoir des besoins affectifs tout au long de notre vie. Nousdevons les satisfaire pour conserver notre équilibre affectif et notre santémentale. C'est même important pour notre santé physique! De plus en plus, ondécouvre l'effet néfaste des manques affectifs sur la santé physique.

Ainsi, l'adulte de 30 ans a encore besoin d'affection et il en aura toujours besoin.À 50 ans une personne a encore besoin d'être appréciée et reconnue. Quel quesoit son âge, celui qui vit une existence peu nourrissante, tend à déprimer. Quin'a pas connu quelqu'un qui a sombré dans la dépression ou même est mort parmanque affectif?

 Je pense à cet homme qui demeure replié dans sa solitude par peur du contact

dont il a besoin. Je le vois perdre sa vitalité et se maintenir en vie grâce à desoccupations répétitives et terre à terre. Je pense aussi à cette jeune femme

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abandonnée par son amant. Je la revois, piaffant indéfiniment dans la peine et larage, en négligeant ses besoins affectifs laissés en plan au départ de son amant.En persévérant dans cette attitude, elle peut se rendre à la dépression et même

 jusqu'au suicide. Je me rappelle aussi ce cadre d'entreprise usé, brisé, et devenudéfaitiste à force de voir ses efforts et réussites banalisés. Je vois le vieillard quise laisse dépérir parce qu'il n'a plus la possibilité de contribuer à quelque chosequi soit valable à ses yeux.

 Tous ces gens ont besoin d'affection, d'être importants pour quelqu'un qu'ilsaiment ou encore d'être reconnus par quelqu'un qu'ils estiment. L'absence desatisfaction entraîne toutes sortes de symptômes et de troubles psychiques etphysiques, tout comme les carences au plan physique le font.

2. Les variations dans les besoins 

Lorsqu'ils sont comblés, les besoins sont la plupart du temps invisibles. Je ne sens

pas la faim, mon besoin de manger disparaît quand je viens de prendre un bonrepas. Je suis également peu consciente de mon besoin d'être aimée si je visavec des personnes dont l'affection me comble. J'apprécie alors tout simplementmon état de satisfaction et j'en profite sans même y penser. Tout comme au planphysique, le besoin ne fait surface que lorsqu'il est en souffrance, lorsqu'il netrouve pas de réponse adéquate.

L'urgence et l'intensité du besoin varient aussi d'un moment à l'autre ou d'unepériode à l'autre de notre vie. Ils varient même selon les personnes avec qui noussommes en contact. Comme au plan physique, c'est le degré de satisfactionactuel qui détermine combien chaque besoin est crucial, intense ou urgent.L'individu dont le système manque sérieusement de fer se met, par exemple, à

rêver de persil; il se jette sur la première botte de persil qui lui tombe sous lamain. De la même façon, l'individu qui souffre d'un manque affectif a tendance àêtre obnubilé par ce besoin.

 J'ai déjà expliqué, dans d'autres articles, pourquoi les besoins importantsinassouvis donnaient souvent lieu à une préoccupation obsédante et à descomportements répétitifs menant inexorablement à l'impasse. Voyez plusparticulièrement:

• Les noeuds dans les relations• Aux sources du transfert• Conquérir la liberté d'être soi-même•

 Transfert et droit de vivre

D. Le vrai problème de la "dépendance affective"

On parle habituellement de "dépendance affective" lorsqu'une personne dont lesbesoins affectifs sont urgents et intenses répète constamment un scénario nonsatisfaisant qui la conduit à une impasse. Mais ces caractéristiques ne sont pasréservées aux personnes qu'on étiquette "dépendantes affectives".

 Toute personne arrive à l'âge adulte avec des déficits affectifs substantiels.

Chacune cherche naturellement à répondre à ces carences. La recherched'assouvissement prend souvent un caractère urgent à cause de l'intensité du

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manque qu'elle veut combler. Tout ça est relativement normal pour tout adulte; ilfaut plus pour qu'on puisse parler d'un problème de "dépendance affective".

C'est à la longue, si cette recherche demeure stérile, qu'elle devient destructrice.Parce qu'elle s'appuie sur des moyens inadéquats, elle est alors vouée à l'échec,tout comme le serait celle d'un assoiffé qui ferait des incantations pour obtenirde l'eau dans le désert. Ce n'est pas le fait d'avoir besoin d'eau qui est leproblème. De même, ce n'est pas le fait d'avoir besoin de l'autre qui estpathologique chez la personne dite "dépendante affective". Ce n'est pas le faitd'avoir besoin d'affection, d'être reconnu comme ayant une valeur ou commeétant aimable par une autre personne qui crée l'impasse.

Ce n'est pas d'avantage le fait de choisir des personnes peu adéquates pourcombler ses besoins qui est le vrai problème. La dépendance est inhérente à lavie; les besoins qui en font partie sont normaux et les personnes élues pour lescombler sont choisies d'instinct. Cet instinct est fiable car il la mène justementvers des personnes qui permettent de compléter des situations incomplètes (de

régler ses transferts).

Mais si ce n'est ni le besoin, ni le choix des personnes pour y répondre qui sontproblématiques, où donc est le problème? Les impasses destructrices de la"dépendance affective" sont bien connues; il doit bien y avoir quelque chose quine va pas!

Ce qui est au coeur du problème, ce qui en fait un comportement pathologique,c'est le fait de ne pas porter son besoin. C'est cet évitement fondamental quidonne lieu à toutes sortes de comportements disfonctionnels et même aberrants.

Ceci n'est pas toujours bien clair. La personne consciente de son besoin d'êtreaimée et qui se "désâme" pour obtenir l'affection peut nous apparaître comme"portant son besoin". Elle est toute au service de l'autre, elle se sacrifie souventau nom de son amour, elle renie ce qu'elle ressent pour ne pas déranger l'autre.Plus: elle lui dit très clairement qu'elle veut qu'il l'aime et le met en situation dele lui prouver. Que pourrait-elle faire de plus pour prouver à l'autre combien il estimportant et pour obtenir son amour en retour?

Mais justement, il ne s'agit pas de faire plus, mais de faire autrement. Voyons cequi me fait dire que cette personne en mal d'amour n'assume pas son besoin,même si elle semble y accorder une importance considérable.

1. Peu de contact avec ce qu'elle ressent 

Cette personne est généralement "mal dans sa peau". Le plus souvent, elle neressent à peu près que l'angoisse ou l'anxiété. Et elle agit à partir de cetteangoisse: demandes pressantes à l'autre, gestes généreux à son égard, contrôlepour obtenir ce qu'elle désire et calmer par là son angoisse.

Le plus souvent, elle cherche avant tout à se débarrasser de son angoisse. Il estrare qu'elle tente de trouver ce que cache cette angoisse (Voir "L'angoisse etl'anxiété" ). Si elle le faisait, elle découvrirait diverses préoccupations, divers

sentiments. De la même façon, elle s'abandonne rarement à ressentircomplètement ses émotions (Voir "La vie d'une émotion"). Si elle le faisait, elle

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comprendrait mieux ce qui se passe en elle et serait davantage en mesured'identifier ses besoins (et non seulement ce qu'elle veut de l'autre). Une fois sesbesoins plus clairs, elle saurait aussi ce qu'elle doit exprimer (plutôt que demettre toute son énergie à faire exprimer l'autre).

Cette personne évite ainsi le contact avec son expérience parce qu'elle "est mal"avec elle-même. Non seulement a-t-elle peur du contact avec elle, mais en mêmetemps, elle ne s'accorde pas assez d'importance pour vouloir s'arrêter sur cequ'elle ressent. Elle cherche donc avant tout à s'éviter. Mais plus elle s'évite decette façon, plus elle devient inconfortable et angoissée.

En plus, elle est profondément convaincue que ce sont la considération del'autre, son amour et son respect, qui apaiseront son angoisse et la rendrontconfortable. Paradoxalement, en attendant ainsi de recevoir de l'autre desmarques de considération sans oser déclarer ouvertement qu'elle les recherche,elle perpétue sa faible estime d'elle-même. Elle manifeste peu de respect et deconsidération pour ce qu'elle vit en le reniant aussi facilement.

Dans ce contexte, on ne peut s'étonner qu'il soit presque impossible pour cettepersonne d'identifier ses besoins. On n'est pas surpris, non plus, qu'il lui soit trèsdifficile de les exprimer directement.

2. Une expression camouflée 

 Tout comme elle refuse ce qu'elle ressent et le traite comme peu important,cette personne a les mêmes objections à l'égard de son ressenti. Elle ne seconsidère pas assez importante pour communiquer ce qu'elle vit vraiment. Ellene parvient pas à faire, à celui dont elle veut l'amour, une expression claire et

authentique comme:

"Je souhaite de tout mon être que tu m'aimes! J'ai l'impression que tonamour serait la preuve que j'ai de la valeur. Je t'assure que parfois j'ail'impression de n'être pas plus importante qu'un verre de terre sur cette

 planète. Un seul regard de toi... un seul regard de toi où je lis un peud'appréciation et je me sens pousser des ailes."

Elle choisit plutôt de tourner son attention sur lui et de gagner son amour enfaisant ce qu'elle pense qu'il veut. Elle espère que ses efforts, son abnégation ousa soumission lui amèneront l'affection, l'appréciation et la valorisation. Ellegarde caché ce qu'elle vit réellement, y compris, bien sûr, ses réactions

"négatives".Si on sait comment se développe l'estime de soi (Voir "Fidèle à moi-même") oncomprend qu'il n'y a aucune chance que cette stratégie donne les résultats visés.Non seulement en s'aliénant ainsi elle n'obtiendra jamais l'estime et l'affection del'autre, mais encore elle n'en aura pas pour elle-même.

Ça semble paradoxal, mais ce n'est pas moins vrai pour autant: la personne quiagit de cette façon ne se compromet pas émotivement. Exposer ses besoins etce qu'elle ressent l'apeure trop. Elle est parfois même terrorisée à l'idée du refus,du jugement ou du rejet de la part de l'être important. Le refus implicite qu'ellesubit continuellement lui apparaît plus vivable que le refus clair et explicite. Il lui

permet de garder l'espoir et de persister dans son effort.

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Ce refus d'implication émotif entretien le cercle vicieux et explique ladétérioration de la condition de la personne ainsi que de sa relation avec l'autre.Chaque fois qu'elle se défile devant le risque de se porter et de s'assumer, sonestime d'elle-même diminue. Mais comme elle n'est à peu près pas satisfaitemalgré une grande dépense d'énergie, elle est de plus en plus en état decarence.

De son côté, l'autre finit par ne plus pouvoir supporter son harcèlement, cettedemande indirecte qu'elle répète par insécurité plus que par amour. Pour luiégalement, cette relation sans contact émotif réel ne peut être nourrissante.

E. Conclusion

Ce qu'on appelle la "dépendance affective" est donc une forme déficiente derecherche du droit de vivre (Voir "Transfert et droit de vivre" ) . La personnereporte sur ceux qui font partie de sa vie actuelle le pouvoir de confirmer sa

valeur comme personne. Comme tout individu inconscient de son transfert ouincapable de le résoudre, elle répète compulsivement des tentatives qui lamènent dans des impasses.

Pour plusieurs raisons, les besoins de cette personne sont aigus. Ce n'est paspathologique d'avoir des besoins énormes et aigus. Ce n'est pas non plus parceque ces besoins sont criants et présents depuis longtemps (depuis l'enfance) qu'ilest impossible d'y répondre. Je travaille tous les jours avec des clients quitrouvent le moyen de répondre pour la première fois à ce genre de besoins. Ilsapprennent en même temps à se nourrir réellement dans leurs relationsinterpersonnelles.

Dans un autre article, j'explique plus précisément ce qu'on peut faire pour sortirde l'impasse de la "dépendance affective". Avant d'y accéder, je vous proposeune réflexion qui permettra de cheminer sur cette question.

F. Comment vous servir de ce texte

Comme tout le monde, vous avez besoin d'être aimé et reconnu comme valable. Je vous propose de réfléchir aux questions ci-dessous. Que vous pensiez être"dépendant affectif" ou non importe peu: les réponses à ces questions sont aucoeur de la qualité de votre vie.

• Quels sont les moyens que vous prenez pour répondre à votre besoind'être aimé?

• De quelle façon faites-vous voir ce besoin aux autres?• Quels sont les résultats que vous obtenez habituellement?

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Question: Psychothérapie et besoins affectifs

Est-il possible de combler ses besoins affectifs avec son psychothérapeute?

Réponse

Il s'établit toujours un rapport affectif avec un psychothérapeute. Même lorsquece dernier est peu actif ou expressif, le client éprouve des sentiments à sonégard. Le psychothérapeute éprouve aussi des sentiments envers son client.

La relation thérapeutique s'apparente à celle avec d'autres professionnels: lemédecin, l'avocat... Elle en diffère toutefois par son objectif et par le degréd'intimité qu'exige celui-ci. Ces différences ont plusieurs conséquences.

En psychothérapie, on cherche habituellement à résoudre des blocagesintérieurs. Le client espère ainsi devenir capable d'être lui-même plus librement.

L'objectif de la thérapie implique donc un examen soigné de la vie intérieure duclient, de même qu'un changement important dans ses façons d'agir.

Pour parvenir à ces objectifs, le client en vient à se révéler plus que dans touteautre relation professionnelle, souvent même plus que dans ses relations avecses proches. C'est donc une grande intimité qui se développe entre lepsychothérapeute et son client.

En principe, le cadre thérapeutique est idéal pour défaire les blocages ainsi quepour travailler à mieux s'assumer. Dans les approches humanistes d'ailleurs, onconsidère que la personne est égale à elle-même dans son rapport avec lepsychothérapeute, c'est-à-dire qu'elle entre en relation avec lui d'une manièrequi traduit à la fois ses ressources et ses blocages. C'est pour cela que dans cesapproches, le vécu dans le présent à l'égard du psychothérapeute est utilisécomme occasion de "se découvrir", "se comprendre", "s'expérimenter dans dunouveau" et "s'assumer".

Dans cette perspective, il est avantageux pour le client d'exprimer à sonthérapeute l'importance qu'il lui accorde et de lui révéler le pouvoir qu'il luiaccorde, particulièrement celui de le confirmer comme personne.Le seul fait deprendre ce risque lui permet de s'assumer davantage. Je dirais même que pourexploiter la psychothérapie au maximum, il doit se laisser vivre et exprimer tousses sentiments à l'égard du psychothérapeute. C'est l'importance du

psychothérapeute comme interlocuteur transférentiel qui rend cette expressionnécessaire.

En fait, pour résoudre son transfert avec son psychothérapeute (et non passeulement "comprendre son transfert"), le client doit aussi communiquer "sesbesoins" et les prendre en charge. J'ai précisé ailleurs en quoi consisteexactement la prise en charge de ses besoins (cf. Question : "Porter laresponsabilité de ses besoins").

En somme, il est vrai que le client peut combler des besoins affectifs avec sonpsychothérapeute. La psychothérapie peut même être considérée comme un lieuprivilégié où apprendre à le faire. (Pour certaines personnes le cadre de la

psychothérapie de groupe est moins menaçant, parce que moins intime, pourapprendre à combler ses besoins affectifs.)

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Le travail thérapeutique dans cette perspective est possible et peut êtrerentable, mais à certaines conditions. Premièrement, il est nécessaire que lepsychothérapeute comprenne et accepte cette perspective et qu'il soitadéquatement formé à son utilisation thérapeutique. Deuxièmement, il estessentiel que le psychothérapeute respecte les règles d'éthique appropriées. Plusparticulièrement, il doit absolument éviter de profiter de la situation (vulnérabilitéde son client) pour répondre à ses propres besoins.

Dans une approche thérapeutique où on enseigne à combler ses besoinsaffectifs, le client peut faire des pas de géants sur ce sujet. Car en plus d'être unpédagogue et un conseiller dans cette démarche d'apprentissage, lepsychothérapeute agit comme interlocuteur. Il devient donc une personne quirépond tout en veillant à ce que le client prenne ses besoins en charge.

Mais il ne faut pas oublier que la "réponse" reçue n'est pas l'élément crucial duchangement. Ce qui est le plus important, c'est que le client ose "porter son

besoin", c'est-à-dire, qu'il parvienne à l'exprimer directement. J'ai parlé del'importance de cette expression dans l'article "Conquérir la liberté d'être soi-même".

 Toute personne qui arrive à porter ainsi son besoin devient éventuellementcapable de trouver, dans les situations de sa vie quotidienne, les interlocuteursqui seront en mesure de la "prendre" avec ce besoin. Cette démarche peuts'amorcer avec le psychothérapeute, mais c'est hors de la thérapie qu'elle trouveson aboutissement. Si on devient capable, dans le cadre de la relationthérapeutique, de prendre le risque d'exprimer ouvertement son besoin, si on yparvient sans s'appuyer sur l'assurance qu'il dira oui à notre demande, il estcertain qu'on sera capable d'avoir le même courage avec les personnes

importantes de notre vie.

Question: Manigancer pour combler ses besoins affectifs

 Je crois souffrir d'un grave problème de dépendance affective. Dès qu'unepersonne, peu importe qui et pour quelle raison, m'accorde un peu d'attention,

 j'essaie par tous les moyens imaginables qu'elle devienne obligée à moi. Je faisaussi tout ce que je peux pour qu'elle reste disponible en tout temps pour moi.Quand cela ne se passe pas de cette façon, j'ai très mal et je me sensabandonnée. C'est la déprime.

Réponse

En agissant de manière indirecte ("par tous les moyens inimaginables"), il n'y aaucune chance d'évoluer dans ma dépendance à l'égard des autres. Celacorrespond à ce que j'appelle, dans l'article, les façons dysfonctionnelles, quipeuvent même devenir pathologiques, de tenter d'obtenir satisfaction.

Au lieu d'exprimer MOI-MÊME à l'autre son importance, je prends des moyensdétournés pour que L'AUTRE se comporte comme si j'avais de l'importance pourlui. C'est comme si je lui "arrachais" des comportements, du temps...

En procédant de cette façon, il est impossible d'évoluer. Comme je ne porte pasmon besoin, je demeure en situation de dépendance, même lorsque j'obtiens de

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l'autre les réponses que je souhaite.

Lorsque l'autre ne tombe pas dans le piège, il est normal que je sois en mauvaiseposture, car je ne peux éviter de constater ma dépendance à son égard. Si

 j'obtiens ce que je recherche, ma dépendance est moins visible car elle estcachée derrière la "disponibilité" excessive de l'autre. Mais il s'agit d'une illusioncar je demeure tout aussi dépendant de cette "présence garantie".

Question: Vie religieuse et besoins affectifs

Si tout humain a des besoins affectifs qu'il satisfait grâce à ses contacts avecd'autres personnes, comment les religieux peuvent-ils garder un équilibrepsychique? S'agit-il d'exceptions ou se trouve- t-on dans le domaine de l'inconnu,de l'inexplicable, de la force divine?

Réponse

Les humains ont tous des besoins affectifs. Il n'y a pas d'exception à ce sujet.Mais ils n'ont pas tous recours aux mêmes moyens pour répondre à leursbesoins.

Il existe de multiples moyens de répondre à nos besoins affectifs. Les rapportssexuels en font partie. À travers le contact sexuel, on peut trouver diversesnourritures. Ce peut être une occasion d'obtenir des confirmations sur sa valeuret son impact sur l'autre (je suis aimable, valable, attrayante, satisfaisantesexuellement...) Ce peut être une aussi une simple occasion de vivre un contactagréable ou passionnant, réconfortant, stimulant.

Concernant les besoins affectifs, il faut distinguer deux réalités qui s'imbriquenttrès souvent: (1) la gestion quotidienne des besoins affectifs et (2) la conquêtedu droit d'être (incluant le droit à l'existence, le droit à une identité distincte et ledroit d'être sexué). Plus sa conquête du droit d'être est avancée, plus unepersonne trouve normal d'avoir des besoins affectifs et de prendre l'initiative deles combler. Elle peut inventer toutes sortes de manières dans toutes sortes dessituations pour le faire. Cela est possible pour les personnes engagées dans la viereligieuse et le célibat comme pour les autres.

La conquête du droit d'être sexué, toutefois, ne peut se faire qu'à travers descontacts de "nature sexuelle". Puisqu'elle consiste essentiellement à obtenir des

confirmations sur soi comme être sexuel, elle doit se faire en s'impliquant avecdes individus de l'autre sexe. Je ne pense pas, en effet, qu'il soit possible pourquelqu'un de se posséder comme être sexué, s'il ne s'est pas exposé comme telavec des personnes signifiantes. Mais il ne faut pas oublier que la conquête dudroit d'être sexué se fait en bonne partie à l'adolescence. On peut doncs'attendre à ce que tout le monde arrive à l'âge adulte en ayant fait un certainnombre d'acquisitions dans ce domaine.

Les gens qui renoncent à vivre cette dimension d'eux-mêmes choisissent, dumême coup, de renoncer à se posséder comme personne sur le plan sexuel. Ilsarrêtent le développement de cette dimension d'eux-mêmes. Ce ne sont pasnécessairement tous les religieux qui font ce choix et beaucoup de laïques,

même parmi ceux qui ont régulièrement des relations sexuelles, ont fait le mêmechoix. Il faut noter aussi qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un choix volontaire.

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Souvent, ce renoncement est plutôt la conséquence de n'avoir pas voulu prendreles risques nécessaires pour s'assumer.

La conquête du droit d'être sexué est une question assez complexe. Nousn'avons encore aucun article de "La lettre du Psy" qui en explique les nuances.Les personnes intéressées à y réfléchir davantage peuvent toutefois consulter lechapitre 5 "La résolution du Transfert" dans "L'Auto- développement:psychothérapie dans la vie quotidienne".

Question: L’amour à sens unique

Que faire avec quelqu’un que j’aime à la folie mais qui est très froid et distantavec moi ? Je sais que je vais souffrir, mais j’ai quand même envie de rester aveclui. Même si j’ai l’impression qu’il ne m’accorde aucune importance et qu’ilinvente toutes sortes de prétextes pour m’éviter, je m’accroche comme une folleet je suis prête à tout pour lui. Est-il possible qu’il soit simplement timide ou qu’il

ait des problèmes qui l’empêchent de répondre à mon amour ? Je ne sais plusquoi faire.

Réponse

Il arrive souvent qu’on amorce une relation amoureuse sur des bases aussifragiles. Parfois, comme ici, c’est le comportement de l’autre qui ne correspondabsolument pas à ce qu’on recherche. Dans d’autres cas, c’est nous-mêmes quidonnons une fausse image de ce que nous sommes dans l’espoir de plaire ou deséduire. Comment comprendre qu’une personne soit prête à s’investirintensément alors que tous les indices lui signalent que la relation n’a aucunechance réelle de survie ?

Ce n’est pas en examinant ou en interprétant le comportement de l’autre qu’onpeut trouver la réponse. C’est en examinant ce que nous investissons dans larelation malgré les signes clairs que nous donne la réalité. Il faut arriver à décelerquelles sont les vertus magiques que nous accordons à la personne choisie pourarriver à comprendre ce qui nous anime vraiment.

Si je choisis d’aimer “à la folie” quelqu’un qui m’ignore ou me repousse, ce n’estpas sans raison. C’est parce que je trouve “normal” qu’une telle personne ne merende pas mon amour. Ou bien je ne me considère pas vraiment digne de sonamour, ou bien je suis incapable d’accepter son rejet. Dans les deux cas, je suis

porté à persister malgré tous les signes qui me disent que cette relation n’aaucun avenir, aucun potentiel réel de satisfaction. Il n’est pas étonnant que cechemin conduise toujours à des frustrations intenses et des souffrancesprolongées.

 Je ne suis pas digne de son amour 

Si je ne me trouve pas vraiment digne de son amour, je serai tenté de“m’améliorer pour être à la hauteur”. Je tente alors de mettre en valeur desqualités que je n’ai pas vraiment, d’être mieux que ce que je crois être à forced’efforts de volonté et d’application. Dans ce cas, je suis particulièrement porté à

mettre en valeur des qualités qui correspondent aux attentes que je devine chezl’autre. Peu importe si ces caractéristiques ressemblent à ce que je suis

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réellement, peu importe si c’est vraiment ce que l’autre attend d’un partenaireamoureux: ce qui compte c’est d’être à la hauteur des attentes que j’imagine.

Peu importe le résultat de mes efforts, ce que j’obtiens ainsi, ce n’est pas del’amour. Si je réussis, je me retrouve emprisonné dans un rôle qui ne correspondpas à ce que je suis vraiment. Si j’échoue, je me retrouve dans le vide: loin de maréalité et confirmé dans mon impression d’être inadéquat. Dans les deux cas, jeme suis renié, j’ai perdu contact avec moi-même et j’ai contribué à détruire lepeu d’estime de moi qui me restait. Je suis encore plus handicapé pour mesprochaines relations.

 Je ne peux accepter son rejet 

Dans la question telle qu’elle est posée ci-dessus, c’est plutôt le rejet qu’on nepeut accepter. Le manque d’intérêt de l’être “aimé” a beau être évident, il n’estpas considéré comme une réalité. Pourtant, il est évident qu’on lui attribue une

importance énorme.

Une question peut nous aider grandement à voir plus clair dans une tellesituation: “pourquoi je tiens autant à être aimé par cette personne enparticulier”? D’autres versions peuvent aider à identifier plus clairement lesvraies réponses:

• “Pourquoi je choisis d’aimer cette personne qui n’est pas intéressée à moiplutôt que quelqu’un qui m’aimerait ?”

• “Qu’est-ce que ça changerait à ce que je suis si cette personne consentaità m’aimer?”

• “Qu’est-ce que cette personne a de particulier pour que je m’y attache

aussi intensément ?”• “Est-ce que ce que je vis avec cette personne ressemble à d’autres

expériences de ma vie ?”.

Poser ces questions, c’est déjà y apporter des éléments de réponse. C’est parceque cette personne représente quelqu’un d’autre qui a un pouvoir considérablesur mon identité et ma vie que j’y attache une telle importance. C’est à causedes implications qu’aurait son rejet que je suis incapable d’accepter la réalité.

C’est aussi parce que je ne veux pas me résigner à me passer de cette validationfondamentale de ce que je suis que je n’accepte pas le rejet évident. En fait,

 j’espère convaincre cette personne de ma valeur afin d’acquérir, en la validantainsi, une valeur personnelle qui ne m’appartient pas encore.

L’essentiel de la solution 

Dans chacune de ces situations, c’est d’abord sur un retour à soi-même querepose la solution. Plutôt que de céder à la forte tentation d’examiner lecomportement de l’autre, c’est à cerner nos vrais besoins que nous devrionsinvestir nos premiers efforts.

Mais cette identification n’est pas une tâche aussi facile qu’on pourrait le croire. Ilfaut notamment distinguer nos besoins des moyens auxquels nous avons pensé

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pour y répondre. Il faut aussi identifier notre vrai besoin alors qu’il se dissimuleparfois derrière une image familière et rassurante (nos habitudes) ou adopte uneforme socialement acceptable (conventionnelle) qui ne le respecte pas vraiment.L’aide d’un psychothérapeute est souvent nécessaire pour parvenir à faireclairement toutes les distinctions nécessaires.

Lorsque les besoins sont bien identifiés, la situation change de façon radicale. Lefait de savoir clairement ce que nous recherchons nous donne automatiquementdu pouvoir sur notre satisfaction. En nous laissant le choix des moyens quipeuvent, dans les circonstances où nous sommes, nous procurer les satisfactionsauxquelles nous aspirons, cette connaissance multiplie nos capacités et nosoccasions de répondre à nos besoins réels.

L’autre personne devient alors un des moyens qui s’offrent à nous. Et souvent,nous constatons alors que cette personne est bien loin de constituer le meilleurmoyen pour obtenir satisfaction.

Dans la question telle qu’elle est résumée ci haut, il est clair que la personnechoisie n’est pas un bon choix si on cherche une réponse satisfaisante. Quellesque soient ses raisons, cette personne ne se montre pas disponible. En identifiantbien précisément ce qu’on cherche à satisfaire avec elle, il est possible d’investirses énergies dans des relations plus prometteuses.

Réponse

Il ne s'agit pas surtout d'éviter les conflits comme de savoircomposer avec eux. Par définition, le fait d'exprimer desopinions différentes, d'avoir nos propres réactions, demanifester nos besoins particuliers comme de vivreouvertement selon nos propres valeurs, tout ça peut facilementprovoquer des heurts.

Cependant, le terme conflit ne réfère pas à la même réalité

pour tout le monde. Pour certains il y a conflit dès que l'autremanifeste du mécontentement. Pour d'autres un échangemusclé est synonyme de mésentente. Enfin, d'autres parlent deconflit lorsqu'il y a une lutte pour détruire ou pour empêcherquelque chose.

Lorsque je choisis d'affirmer un point de vue différent, je doism'attendre à déranger. Est-ce que je ferai seulement leverquelques sourcils ou si je lancerai un débat animé? Est-ce que

 je vais me faire des ennemis? Cela dépend souvent de lamanière dont j'introduis mon idée.

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Si mon but n'est pas de heurter, mais plutôt de faire valoir uneidée, il faut que je m'exprime de manière à atteindre cetobjectif. Pour y parvenir, je dois tenir compte de mon

interlocuteur, du contexte dans lequel nous sommes et souventmême du "momentum" comme disent les journalistes sportifs.En effet, il ne sert à rien de provoquer des résistances à mespropos ou de me mettre à dos les gens que je désire influencer.

Comment faire?

Parfois il est bon de me souvenir que tout le monde déteste sefaire traiter d'imbécile. Je peux me rappeler également quebeaucoup n'aiment pas se faire dire qu'ils sont dans l'erreur etque presque tous sont indisposés par l'arrogance. Ces rappelspeuvent m'aider à aborder mes interlocuteurs avec une attitudequi ne suscite pas automatiquement leur résistance ou desréactions hors sujet.

Si nous sommes sensibles au ton de nos interlocuteurs, nouspouvons souvent détecter leurs réactions profondes. Trèssouvent, ces réactions portent sur notre attitude plus que surnos idées. On peut souvent déceler, sous un "je ne suis pasd'accord" un peu sec, un message plus fondamental comme "tut'imagines peut-être détenir le monopole de la vérité!" Uneobjection apparemment anodine comme "je ne suis pas sûreque ce soit une bonne idée" cache parfois une réaction bienplus intense comme celle-ci: "je n'ai aucune envie de t'écoutercar tu ne tiens aucunement compte de mon point de vue".

Pour obtenir une ouverture de la part de l'autre il me faut moi-même faire preuve d'ouverture. Essentiellement, il s'agit

1. de comprendre son point de vue (même s'il ne me plaîtpas)

2. et de reconnaître ce qu'il contient de bon à mes yeux. (Si je n'y trouve rien de bon, je puis au moins reconnaître cequ'il présente de bon pour celui qui le défend.)

C'est ensuite seulement que je pourrai présenter mes idéescomme un autre point de vue ou comme une bonification du

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leur.

Question: l'amour de soi

 Je crois que la solution à tous nos problèmes est l'amour de soi. Combien de fois

 j'entends dire qu'il faut s'aimer soi-même, que c'est ainsi qu'on est heureux etque l'on peut aimer vraiment les autres. Mais personne n'explique ce que c'est au juste que de s'aimer soi-même et comment on y arrive. S'il-vous-plaît, donnez-moi un truc pour m'aimer d'une façon inconditionnelle car c'est le but de ma vie.

Réponse

Il n'y a pas de "truc" pour s'aimer soi-même comme il n'y a pas de truc pouraimer quelqu'un. On aime une personne parce qu'elle nous apporte quelquechose de bon et parce qu'on trouve chez elle des qualités qui ont de la valeur ànos yeux. Ce sont là les ingrédients essentiels qui déclenchent notre affectionpour une personne.

Mais je ne pense pas qu'on puisse éprouver pour soi-même un amour identique àcelui qu'on connaît pour les autres car on ne ressent pas d'affection pour soi-même. On peut par contre, avoir de l'importance à ses propres yeux, désirer sefaire du bien, se respecter assez pour faire de la place à ce qui est importantpour soi... Tout cela ne traduit toutefois pas de l'amour mais une attitude debienveillance et de la considération à l'égard de soi.

Pour ces raisons, même si je pense qu'il est impossible de recevoir l'amour d'unautre à moins d'avoir une certaine valeur à ses propres yeux, je ne conseillerai

 jamais à quelqu'un de s'aimer lui- même. Je lui recommanderai, par contre,

d'augmenter sa valeur à ses propres yeux.

Comment rehausser sa valeur? Essentiellement en s'investissant pour réaliserdes choses qui nous tiennent à coeur. Nous avons tous des choses qui nousimportent: des besoins, des relations, des projets, des causes... Or, pour réussirce qui nous importe, il faut faire des efforts et souvent prendre des risques. C'estpar ce chemin que nous parvenons à gagner de la valeur à nos propres yeux.

On laisse souvent croire qu'il faut d'abord s'aimer pour disposer de l'énergienécessaire pour répondre à nos besoins, mais c'est exactement à l'inverse qu'ilfaut procéder. Comme on peut toujours identifier un besoin ou quelque chose quia une certaine importance à nos yeux, il est possible de travailler assidûment à

cet objectif. Ce faisant, notre sentiment de valeur ne va bien sûr pas sedévelopper d'une manière spectaculaire mais il grandira petit à petit, au mêmerythme que nos réalisations. (C'est comme dans la nature: rien ne se développed'une manière éblouissante, si ce n'est une fleur éphémère.)

Il est intéressant aussi de savoir que le sentiment de valeur n'est pas liédirectement à nos réussites. Il provient plutôt de l'effort qu'on fait pour respecterce qui nous tient à coeur et de la qualité de notre investissement. Ainsi, si lachose la plus importante à mes yeux est de m'affirmer tel que je suis, c'est le faitde m'exercer réellement à le faire qui alimentera ma valeur à mes yeux, même siau début je ne réussis qu'une fois sur cinq.

L'article de Jean Garneau, "Fidèle à moi-même", illustre bien mon propos en plusde servir de guide à qui veut augmenter sa valeur et son estime de lui.

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  Cela veut aussi dire "exprimer son besoin" quand il est

important que l'autre le connaisse. Mais cela ne signifie pasqu'on considère que le seul fait de dire son besoin oblige l'autreà y répondre. Il suffit parfois d'exprimer son besoin pour quel'autre en tienne compte, mais ça n'a pas à être ainsi. C'estpossible à la conditioin que l'autre soit disponible à y répondreou qu'il consente à faire ce qu'il faut pour y répondre.

Mais l'autre n'est pas toujours disponible; il a sa propre vie etses propres besoins. Il peut volontiers m'apporter un verre

d'eau si ça lui fait plaisir de me faire cette douceur. Mais s'il lefait parce qu'il n'est pas capable de me refuser mes petitscaprices, c'est malsain pour lui et pour moi. Tôt ou tard nouspaierons tous les deux pour cet esclavage semi-volontaire.

Il peut faire des choses qui demandent beaucoup plusd'investissement de sa part: mes rapports d'impôt, mes repas...S'il le fait avec plaisir, par affection pour moi, il n'y a pas deproblème. S'il le fait parce qu'il considère que c'est un échange

équitable compte tenu de ce que je fais de mon côté pour lui,tout va bien... il n'y a pas de pépins à l'horizon de la relation àce sujet.

Si, par contre, je compte sur les efforts de l'autre pour éviter dem'assumer, je m'engage dans un processus malsain à la foispour moi et pour lui. Par exemple, si j'ai l'habitude de dire àmon amoureux que "j'ai le goût de faire l'amour" et que c'estune manière de lui remettre l'initiative dans les mains, cela

équivaut à lui remettre la responsabilité de la satisfaction demon besoin. J'agis probablement ainsi par peur de montrer mondésir et d'être refusée, ou parce que je suis intimidée à l'idée dele séduire pour éveiller son désir. Lui faire part de mon goûtm'évite alors d'assumer mon désir. C'est un mauvais choix dupoint de vue de mon évolution sexuelle. Quant à monpartenaire, il souffrira éventuellement de mon évitement s'iln'en souffre pas déjà.

Prendre mon besoin en charge signifie donc de poser toutes

les actions "compromettantes" nécessaires à sa satisfaction.Même s'il est plus rassurant de laisser à l'autre le soin de

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prendre les initiatives plus audacieuses ou gênantes, c'est àmoi de porter mon besoin en posant ces gestes. En assumantmoi-même ces pas compromettants, je crée les conditions quime permettront de profiter vraiment des résultats.

Prendre mon besoin en charge signifie aussi de "faire moi-même les efforts pour le satisfaire" plutôt que de compter surles autres pour les faire. Par exemple, je mets les autres auservice de mes besoins si, tout en ayant la santé pour gagnerma vie, je choisis de me laisser entretenir pas l'assistancesociale sous prétexte que les prestations sont plus élevées quele maigre salaire que je suis capable de gagner. Si au contraire

 j'accepte de porter moi-même mes besoins, je ferai lenécessaire pour augmenter mes revenus; en travaillantdavantage, en augmentant ma compétence ou encore en memobilisant pour inventer des solutions. Je paierai moi-même leprix pour ce que je veux.

Porter la responsabilité de mes besoins signifie également"d'assumer les conséquences" de ce que je fais pour lescombler. Imaginons que je décide de prendre une semaine devacance en sachant que mon conjoint et ma famille n'aimentpas le dérangement que cela leur cause. Il faudra bien que

 j'accepte qu'ils ne se réjouissent pas avec moi.

Il serait tentant de faire pression sur eux pour qu'ilsm'endossent parce que cela m'éviterait de vivre une certaineculpabilité. Si j'ai cette tendance, il me faudra être vigilantepour ne pas les accuser injustement de vouloir me rendrecoupable (de me manipuler pour que je change d'idée) s'ils ne

 jouent effectivement pas cette carte. Ma culpabilité est à moi,bien sûr et elle n'est pas forcément générée par les autres.

C'est peut-être ma manière personnelle d'avoir de la difficulté àdéranger les autres pour voir à mes propres besoins.

Prendre la responsabilité de mes besoins, enfin, signifie"d'assumer les conséquences" de ce que j'omets de faire pourles combler. Imaginons que devant le mauvais accueil qu'a reçumon projet de voyage je décide de renoncer à cette semaine devacance. Je prends cette décision parce que je ne veux pasvivre avec le désaccord de ma famille et de mon conjoint (je mesens trop coupable!). (Fiche explicative de la culpabilité.) Si jerefuse la responsabilité de ma satisfaction, je les ferai sans

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doute payer pour ma décision au lieu de considérer que j'ai faitle choix de me priver de vacances parce qu'il était plus facilepour moi que d'affronter leur désaccord.La notion de responsabilité personnelle paraît si complexe

quand on s'y objecte (mais tellement évidente quand onl'accepte) qu'il faudrait un article complet pour l'expliquer àfond. Une lecture sur les dénis de la solitude et de la liberté,toutefois, pourrait compléter avantageusement la réponse que

 j'ai donnée à votre question. (Cf. "Les questions existentielles",dans "L'Auto- développement: psychothérapie dans la viequotidienne").

Question: conflit avec le besoin de l'autre

Le chemin de la liberté peut s'avérer très difficile, surtout lorsqu'on transige avecdes personnes qui n'éprouvent pas le même besoin que nous. Par exemple, jedésire me rapprocher de la ville pour être plus autonome, mais il faut pour celavendre la maison que je possède conjointement avec l'autre personne qui neveut pas déménager? Que puis-je faire pour assumer mon besoin?

Réponse

Il est rare que l'autre éprouve le même besoin que soi. On a une influence surcela, mais elle est assez limitée. Par exemple, je puis parfois susciter le désir

chez mon partenaire mais à d'autres moments il est trop absorbé par sespréoccupations ou trop fatigué pour manifester seulement une ouverture. À cemoment, je ne peux pas compter sur lui pour répondre à mon besoin.

Mais la question n'est pas vraiment de viser à avoir les mêmes besoins au mêmemoment. Non seulement il est rare que ceux-ci coïncident, mais encore nousn'aurons jamais des besoins identiques puisque nous sommes deux êtresdifférents. Quand on est en relation, la question est plutôt d'arriver à ce quechacun soit satisfait.

Si on veut atteindre cet objectif facilement, il est très important de distinguer lesdifférents concepts qu'on confond habituellement avec le besoin. Par exemple, le

"moyen" est souvent confondu avec le besoin. Il faut aussi distinguer le besoin dela "demande". Par exemple, je souhaite qu'on m'offre des fleurs non pas parceque j'ai besoin de fleurs mais parce que ce geste signifie quelque chose pour moi,c'est un symbole. Une "préférence", un "caprice" ne sont pas des besoins. Parailleurs, il faut être conscient du degré d'importance et d'urgence de nos besoins.Dans son article "Négocier avec un partenaire", Jean Garneau apporte desprécisions très utiles sur ce sujet.

Lorsque le moyen privilégié par un des partenaires ne convient pas à l'autre, ilest très utile d'identifier avec précision quel besoin de chacun est en cause, demême que l'importance de celui- ci. L'article de Jean Garneau met aussi en

lumière le fait que la qualité de la relation à court terme et à long terme est unenjeu capital dans la négociation entre partenaires. En tenant compte de tousces éléments, il est toujours possible de trouver une solution qui convienne

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réellement aux deux parties. Mais il faut parfois faire preuve de créativité!

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lorsqu'une personne est "dépendante affective". Comment ellese dissimule aux autres et à elles-mêmes ? Comment le faitde se renier ainsi est aliénant? Découvrez une impassemajeure de la "dépendance affective

Résumé de l'article

Cet article fait suite à "Dépendance affective et besoinshumains" où Michelle Larivey explique que ce n'est pas ladépendance elle-même qui maintient les personnes dites"dépendantes affectives" dans des relations stériles. C'estplutôt par un évitement fondamental qu'elles adoptent descomportements dysfonctionnels.

On peut comprendre comment les personnes dites"dépendantes affectives" arrivent à se dissimuler aux autresainsi qu'à elles-mêmes. On peut voir comment le fait de serenier ainsi est aliénant, comment ces personnes sont de moinsen moins "quelqu'un" et se fient de plus en plus à l'autre pour ledevenir. Car c'est là une impasse majeure de la "dépendanceaffective."

Table des matières A. IntroductionB. L'aliénation à force de se renierC. Deux exemplesD. L'aliénation au quotidienE. Ignorance, transfert et résistanceF. La solution: renverser le processus d'aliénationG. Comment vous servir de ce texte

 Je tenterai dans ce texte de faire comprendre comment lespersonnes dites "dépendantes affectives" arrivent à sedissimuler aux autres ainsi qu'à elles-mêmes. J'essaierai defaire comprendre comment le fait de se renier ainsi estaliénant, comment ces personnes sont de moins en moins"quelqu'un" et se fient de plus en plus à l'autre pour le devenir.Car c'est là une impasse majeure de la "dépendance affective."

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La personne "dépendante affective" est à la recherche de sondroit à l'existence. (Voir "Dépendance affective et besoinshumains" et " Transfert et droit de vivre" ) Mais elle effectuecette recherche d'une manière déficiente. Comme toute

personne à la conquête de son droit d'être, elle souhaite êtreaimée, acceptée telle qu'elle est. Elle désire qu'on prenne soind'elle et même parfois qu'on la prenne en charge, preuveultime de son importance. (Si elle cherche aussi à être désirée,ce n'est pas par besoin d'être confirmée comme être sexué,mais encore comme preuve qu'elle est aimable et valable.)

Encore une fois, ce ne sont pas ses besoins qui constituent unproblème mais bien le fait de dissimuler les enjeux

fondamentaux de la relation. Son droit d'exister étant précaire,elle se retrouve souvent et facilement dans une relationtransférentielle, occupée essentiellement à cette recherche.Comment nourrir ce besoin impérieux d'être aimée etconfirmée tout en le cachant à son interlocuteur? C'est le dramevécu par la personne dite "dépendante affective". Elle choisitmalheureusement une solution qui devient vite un mode de vie:l'aliénation de soi.

Être aliéné c'est n'être plus tout-à-fait soi-même. On devientgraduellement aliéné à force de s'abstenir d'être soi, à force derenier sa réalité vécue. On peut en venir à avoir l'impressionque le "vrai soi" n'est pas présent dans sa relation avec lesautres.

Il y a différentes manières de se renier. Ignorer ce que je vis(ma colère, par exemple) en est une. Agir à l'inverse de ce que

 je ressens en est une autre (je suis triste mais je souris).Banaliser ce que je ressens ou perçois en est une autre ("cen'est pas grave, d'autres vivent des choses pires que ça").Renoncer à mon propre jugement, faire davantage confiance au

 jugement de l'autre qu'au mien, refuser de regarder ma réalitéen face... Les textes de Jean Garneau "Fidèle à moi-même" et"À quoi servent les émotions" sont très instructifs sur ce sujet.

Il peut paraître étrange de parler d'aliénation de soi chez unepersonne qui recherche avidement l'amour, comme c'est le casdu "dépendant affectif". N'est-il pas paradoxal de dire que cettepersonne se renie?

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L'affirmation prend, au contraire, beaucoup de sens si onconsidère que cet individu, dans ses tentatives d'obtenirl'amour, tient très peu compte de ce qu'il vit, ignore une partie

de ce qu'il perçoit, agit à l'encontre de ce qu'il ressent, sacrifiedes choses qui sont importantes pour lui,. On peut dire que le"dépendant affectif" s'efforce de "ne pas exister" pour donner laplace à ceux dont il veut être aimé. L'aliénation peut mêmedevenir une caractéristique de son mode de vie.

Voyons à travers deux exemples, comment se manifeste cettealiénation de soi.C. Deux exemples

1. Les malheurs de Julie 

 Julie ne comprend pas pourquoi elle se lie régulièrement à des hommes qui nel'aiment pas vraiment, qui ne sont là que pour le sexe et que pour l'exploiter. Larelation commence toujours de la même façon: l'homme est fou d'elle etimpressionné par elle. Elle est alors transportée de joie et pense qu'elle a enfintrouvé "l'homme de sa vie".

 Julie occupe un poste en vue. Elle est très à l'aise financièrement et possède sesentrées dans les groupes à la mode. Malgré sa popularité et son succèsprofessionnel, elle n'est pas très sûre d'elle. Intellectuellement elle se saitintéressante, mais elle n'a pas cette conviction "dans ses tripes". Elle est trèssensible au rejet et chaque rupture (elles sont nombreuses) l'atteint au plusprofond d'elle-même: "il n'y a rien à faire, je ne suis pas aimable, personne nevoudra jamais de moi."

Avec ses amants elle est généreuse; elle leur ouvre les portes dans la société etles comble de cadeaux. Elle demande peu pour elle, sinon qu'ils l'aiment. De sesattentes, elle ne parle jamais car elle considère que "faire voir son besoind'amour, c'est quêter". Alors, elle profite des relations sexuelles pour puiser desmiettes de tendresse, obtenir des caresses qu'elle s'efforce de décoder commeaffectueuses. Elle rêve d'être parfois bercée par ses amants, se sent, au fond

comme une enfant (l'image tranche tellement à ses yeux avec celle de la femmequi réussit professionnellement!). Elle est convaincue que les hommes qui aurontaccès à ses fantaisies et démasqueront "ce besoin d'enfant" la quitteront sur lechamp.

Elle oublie qu'ils la quittent de toutes façons! Un jour, quand elle se décide àdevenir un peu plus exigeante quant à la place qu'elle prend dans la relation,quand elle ose être davantage elle-même, ils la quittent. Sans tambour, nitrompette, ils s'effacent doucement... elle n'a jamais d'explication et necomprend pas bien pourquoi tout est soudain fini.

2. La prison de Bruno 

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Bruno a choisi il y a longtemps d'être un "gentil garçon". Adulte, il perpétue cettestratégie pour atteindre le même objectif: être aimé. Docile et accommodant il nese fâche jamais. Tout semble aller bien dans sa vie: en famille comme au travail.En apparence, une seule chose fait défaut: il est aux prises avec une phobieenvahissante qui prend de plus en plus de place avec les années. Tout endroit lemoindrement fermé déclenche chez lui une grande angoisse. Il se sent"enfermé", "prisonnier". Il craint d'être en proie à la panique et de tout casserpour se sauver.

Bruno est sensible. Il montre peu cet aspect de lui, sauf à travers les servicesqu'il est toujours prêt à rendre et dans sa relation avec Rembrandt, son vieuxBerger allemand. Les remarques de son père, durant sa jeunesse, lui ont faitcroire que seuls les faibles montrent leurs sentiments. Aujourd'hui il se conduiten "homme affectivement indépendant". Seulement il n'arrive pas à être tout àfait indépendant: en tant que "phobique", il doit compter sur ses proches pour luiéviter les situations susceptibles de déclencher une crise de panique.Affectivement il se présente comme un homme "au-dessus de ses affaires" mais

dans les faits, il vit comme un handicapé.D. L'aliénation au quotidien

 Julie et Bruno ont toute l'information nécessaire pour comprendre leur malheur etpour en sortir. Seulement, ils ne font pas suffisamment confiance à leurexpérience pour s'y arrêter et en tenir compte. Chaque jour, ils ont dessentiments, des perceptions, des impulsions, des réactions. Ils font même, lanuit, des rêves qui pourraient les éclairer sur ce qu'ils vivent (s'ils voulaientprendre la peine de les considérer).

Les constats que Julie ignore systématiquement .

1. Son amant (comme les précédents) est avare d'affection et de gestes detendresse.

(Julie considère cette information comme secondaire puisqu'il se montrepassionné.)

2. Il a parfois des réactions qui la mettent mal à l'aise et la laisse perplexe.Malgré qu'il se dise admiratif, elle perçoit parfois des réactionsméprisantes. Des remarques, sur ses seins, par exemple, inutiles et

dégradantes. L'impression, à certains moments, d'être exploitée ou qu'ilprofite de sa situation.

(Julie ne veut pas s'arrêter à cette information. Elle craint de lui en vouloiret de s'éloigner de lui.)

3. Elle est convaincue de ne pas recevoir autant qu'elle donne.

(Quand elle pense à cela, Julie repousse un sentiment rageur. Mais elle seconsole en se disant que lorsqu'il l'aimera davantage, il changera. Elletrouve toutes sortes de raisons pour justifier l'égocentrisme de son amant:il passe un moment difficile, il n'a pas été gâté dans la vie, il a eu uneenfance malheureuse...

 Julie a une autre série d'explications pour justifier le déséquilibre dans la

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relation: elle se considère comme trop exigeante. Elle a trop besoind'amour, personne ne peut lui donner ce qu'elle souhaite, c'est à elle dechanger ses attentes.)

4. Ses rapprochements sont souvent refusés sous prétexte qu'ils sontdésagréables. Il la dit "collante", lui reproche de s'agripper...

(Elle n'accorde pas d'importance à cette information, même si elle estbouleversée de l'entendre. Elle retrouve alors un certain calme en serépétant qu'il est normal que son amant n'apprécie pas ses gestesd'affection, car il n'est pas affectueux de nature.

5. Elle sait qu'elle lui "arrache" des faux "je t'aime".

(Elle ne tient pas compte de cette information, ni de celle que pourrait luidonner le sentiment amer qu'elle éprouve à ces moments-là. Elle se ditqu'un faux vaut mieux que rien du tout.)

6. Concernant sa propre personne, elle n'est pas non plus tout à faitinconsciente. Elle sait qu'elle emploie toujours la même tactique de

séduction parce que c'est dans les rapports sexuels qu'elle a le plusconfiance en elle. Sur ce terrain, elle se sait capable d'être satisfaisante.Lorsqu'elle séduit un homme, elle s'affiche comme une femme "au-dessusde ses affaires" ou même comme une "vamp". Elle camouflecomplètement son besoin d'affection; ce n'est que lorsque la relation estun peu mieux établie qu'elle ose montrer cet aspect d'elle.

Les dénis de Bruno 

1. Son épouse est froide et souvent dure avec lui, à peu près de la mêmefaçon que son père l'a été et l'est encore.

(Il ne veut pas s'arrêter à ce fait, ni à la peine et la déception qu'ildéclenche. De plus, il déteste le sentiment d'échec qui émerge à cesmoments-là.)

2. Son épouse est capricieuse et égocentrique. Les choses doivent se passerà sa façon et elle a l'habitude d'ignorer les préférences de Bruno.

(Il ferme toujours les yeux sur son irritation à ce sujet. Il considère que s'ilréagit, la discussion n'aura pas de fin et il sortira sûrement perdant.)

3. Il a souvent l'impression de ne pas compter, sinon pour payer les factures.

(Il repousse systématiquement cette impression qui, chaque fois, le met enrage. Il ne peut s'empêcher de penser que sa femme ne l'aime pas.Chaque fois, il repousse cette idée en se disant qu'il se trompe sûrement.Alors, il pense aux premiers temps de leur relation et se dit que celareviendra dès qu'elle vivra moins de stress.

De toutes façons, il ne peut pas envisager de vivre sans elle car il setrouve trop handicapé avec sa phobie. En fin de compte, il se dit qu'il estpeut-être lourd pour elle. Ce n'est pas facile d'aimer un homme dont lesactivités doivent être aussi restreintes.

Ce que Bruno oublie, c'est que sa phobie est justement le symptôme quidécoule du fait qu'il se renie systématiquement. C'est après des moments

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où il s'est renié que le symptôme est le plus vif. Typiquement, après unealtercation où il a baissé la tête, il est incapable d'aller dans un lieu public.)

4. À chaque concession pour éviter de "faire des vagues", il éprouve d'abordde la colère qu'il tente de masque dans l'impassibilité. Peu de temps après,il se sent déprimé.

(Le médecin lui a donné des cachets contre cela. C'est la solution dont il sesert pour se neutraliser dans ces moments-là..)

5. Chaque fois qu'il s'abstient de se respecter, il n'est pas fier de lui.

(Lorsque cela se produit il s'efforce de penser à autre chose, ce sentimentest vraiment trop pénible.)

6. Il se rend compte que le fait d'être toujours très gentil ne lui gagne pasl'estime tant souhaitée de son père.

(Il essaie donc de renoncer à l'obtenir de son père, mais constate qu'il n'yarrive pas.)

 Julie et Bruno n'ont pas besoin de fouiller profondément leur expérience pourfaire les constats rapportés plus haut. Ils ont continuellement accès à ce vécu quin'est aucunement "inconscient".

Ils se comportent toutefois comme s'ils voulaient nier la réalité qu'ils vivent. Ilsattendent qu'une autre réalité s'y substitue à force d'efforts et de don de soi. Ilsespèrent une réalité qui leur épargnerait la nécessité d'être complètement eux-mêmes, c'est-à-dire d'avoir à se respecter. ("Si l'autre devinait, si l'autre medonnait ce dont j'ai tant besoin! Si l'autre était différent, si l'autre pouvaitchanger!")

Ayant toutes les informations à leur disposition pour expliquer à la fois leurinsatisfaction chronique et leurs impasses, on peut se demander pourquoi Brunoet Julie ne sortent pas de cette dépendance affective qui les annihile. On peut sedemander pourquoi ils attendront d'être "au bout de leur corde" pour se sépareret recommencer un scénario semblable avec un autre partenaire.E. Ignorance, transfert et résistance

La solution qui permet de sortir de ce scénario absurde est difficile à adopter carle "dépendant affectif" doit faire exactement l'inverse de ce dont il a l'habitude. Il

lui faut faire de la place à son expérience et la respecter. Ce n'est évidemmentpas sa façon "normale" d'agir et il ignore que c'est par ce chemin qu'il construirasa solidité.

Mais même s'il sait que c'est de cette manière qu'il s'en sortira, il a tendance à yrésister car c'est pour lui un chemin très difficile. Amorcer un virage dans cettedirection lui demande donc un grand courage et un encadrement thérapeutiqueest loin d'être un luxe pour lui. C'est souvent la conviction du thérapeute quantau chemin à prendre qui lui permettra de trouver le courage de s'engager dans lanouvelle voie. La psychothérapie est d'autant utile que le "dépendant affectif"tentera de reproduire un scénario semblable avec le psychothérapeute.

On pourrait chercher à expliquer les impasses des "dépendants affectifs" par lefait qu'ils choisissent des partenaires incapables de répondre à leurs besoins.

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Pourquoi Julie choisit-elle toujours des hommes qui sont si peu affectueux?Pourquoi Bruno a-t-il épousée une femme froide qui se montre dure avec lui?

Si on comprend la logique du phénomène du transfert, on comprend que chaquepersonne choisit le partenaire qui lui permet de travailler sur les cibles les plusimportantes pour sa croissance psychique. Julie choisit des hommes aveclesquels il est difficile de faire place à ses besoins d'affection. Elle les choisit

 justement pour cela (sans le savoir clairement). Aussi, son travail consiste-t-il àoser assumer devant eux cet aspect d'elle- même. Elle n'est d'ailleurs pas attiréepar les hommes doux et aimants. Elle les trouve ennuyeux et insipides.

Il en est de même pour Bruno qui n'ose pas s'abandonner à son besoin detendresse. Il choisit une épouse avec laquelle le défi d'assumer cet aspect estaussi difficile qu'il l'est avec son père. Ce dernier et son épouse sont donc deuxpersonnes fort appropriées avec lesquelles conquérir son droit à l'existence.F. La solution: renverser le processus d'aliénation

On peut donc imaginer que pour sortir de la "dépendance affective" Julie et Brunodevront renverser le processus d'aliénation. Voici un aperçu du cheminement quipermet de le faire. Je commence par Bruno parce que son symptôme plus précisrend les explications plus simples.

Dès qu'il choisira de s'arrêter sur sa phobie plutôt que de la combattre, Brunoaura accès à plusieurs indices de son insatisfaction. Rapidement il deviendraconvaincu que ses phobies sont un symptôme. Il verra comment ce dernier tentede l'informer qu'une dimension importante de sa vie ne lui convient pas. (Voir:"La phobie démystifiée" ). La recrudescence de sa phobie, à certains moments,sera pour lui le signe qu'il suffoque dans cette vie de gentil-jeune-homme-prêt-à-

tout-endurer-pour-être-aimé.)

Dès qu'il accueille son angoisse plutôt que de la chasser, Bruno a accès à unsentiment qui traduit toujours la même impression: "il n'y a pas de place pourmoi dans ma vie!" Il est clair aussi pour lui qu'il doit se nier pour êtreconstamment gentil. Il ne compte plus les fois où il aurait pu sortir de sagentillesse pour se manifester clairement. Combien de fois il aurait dit à safemme qu'elle le blesse en le dévalorisant. Combien de fois il aurait refusé de luifaire plaisir juste après qu'elle l'ait attaqué? Combien de fois a-t-il eu l'impulsionde révéler à son père sa peine immense devant son indifférence?

Il se rend compte aussi que tout ce renoncement à être lui-même ne lui procurepas l'estime qu'il cherche à obtenir de son père. Il s'aperçoit que ses tactiquespour être aimé ne lui procurent pas l'amour recherché. Comble d'absurdité, il voitbien qu'il se traite lui-même comme indigne d'estime en se comportant ainsi.

 Julie devra faire un travail semblable. Elle devra s'arrêter à son expérience pours'informer correctement de ce qu'elle vit. Elle et Bruno devront traiter leurexpérience autrement qu'il ne le font jusqu'à maintenant s'ils veulent sortir de la"dépendance affective".

C'est dans un autre texte que nous verrons d'une manière concrète comment sedéroule cette démarche, celle qui fera de nos deux protagonistes, des êtres plus

solides, qui se portent davantage et gagnent graduellement l'estime d'eux-mêmes.

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En attendant, je vous propose une réflexion qui vous permettra de continuer decheminer sur cette question.G. Comment vous servir de ce texte

Les changements que je propose pour sortir de l'aliénation propre à la"dépendance affective" ne sont pas faciles à réaliser. D'ailleurs, il n'y a pas queceux qui se considèrent "dépendants affectifs" qui ont des difficultés sur cespoints. C'est difficile et exigeant pour chacun d'entre nous.

Que vous pensiez être "dépendant affectif" ou non, vous pourrez voir plus clairsur la qualité de vos relations en pratiquant ce que je propose ci-dessous. Il suffitde vous questionner sur les aspects de votre expérience que vous repoussez.

Qu'est-ce que j'ignore, repousse, neutralise, banalise avec lespersonnes à qui j'accorde le plus d'importance (mon conjoint, mon

patron, mon enfant, mon meilleur ami, mes parents). 

Il y a matière à discussion! Je donne rendez-vous aux abonnés de la liste dediscussion LETPSY pour échanger la-dessus. La dépendance affective

Résumé de l'article

Depuis la parution du livre "Ces femmes qui aiment trop", onparle beaucoup de "dépendance affective". Nombreux sont leshommes et les femmes qui se définissent maintenant dans ces

termes parce qu'ils se reconnaissent dans la description del'auteur.

Michelle Larivey souligne en quoi il est inexact et dangereux detraiter cette forme de recherche de l'amour comme uneassuétude comparable à l'alcoolisme. Elle montre comment lessolutions que suggère cette vision ne peuvent être efficaces.

En s'inspirant de sa conception du transfert et des besoins, elle

explique ce qu'il y a de "sain" dans cette recherche douloureusequ'on appelle la "dépendance affective". Elle précise aussi lescauses essentielles des impasses qu'on y rencontre souvent.

Table des matièresA. IntroductionB. Suis-je dépendant affectif?C. La dépendance au plan affectif 

5. L'importance des besoins affectifs6. Les variations dans les besoins

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D. Le vrai problème de la "dépendance affective"7. Peu de contact avec ce qu'elle ressent8. Une expression camouflée

E. ConclusionF. Comment vous servir de ce texte

À la lecture de cet ouvrage, plusieurs concluent que ladépendance est pathologique et qu'il faut s'en débarrasser. Lespersonnes qui se considèrent atteintes de ce mal cherchenttypiquement à s'en sortir en se raisonnant et en tentant d'éviterles personnes qui les attirent naturellement.

 J'entends souvent des témoignages comme les suivants:

"Après un an de séparation, je souffre encore beaucoup. Je pense à elle chaque jour. Est- ce de la dépendanceaffective?"

"Je tombe facilement amoureux et dépends beaucoup desfemmes. Est-ce ça qu'on appelle être dépendant affectif?"

"J'ai besoin de contacts sexuels avec les femmes. C'est une question d'équilibre. Est-ce de la dépendanceaffective?"

"Je ferai tout pour ne pas déplaire à la femme que j'aimeet tout pour lui plaire. Je m'oublie. Ce n'est pas grave. Ilme semble que ce serait plus grave de la perdre."

Comme vous le constaterez à la lecture de cet article, je n'aipas la même vision de cette problématique et de ses solutions.Vous comprendrez pourquoi je déplore l'existence de cediagnostic de "dépendance affective" en tant qu'étiquette decomportement maladif.

Vous verrez également pourquoi je parle plutôt de la"dépendance au plan affectif". Je situerai cette problématiquedu point de vue de la croissance psychique afin d'aider à

déceler les véritables enjeux qu'elle recèle. C'est dans un autrearticle que je présenterai les solutions et les directions sur

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lesquelles débouche cette façon de voir.

Mais cette insécurité a un autre effet, encore plus grave: elleamène ces personnes à remettre en question leurs besoins

affectifs. Tout ce qui concerne leur attachement, leur soif derelation, leur besoin d'aimer et d'être aimées leur apparaîtcomme pathologique. Ces gens se demandent même s'ils sontnormaux d'avoir des réactions émotives fortes.

Cette remise en question vient en partie du fait que l'auteur de"Ces femmes qui aiment trop" assimile la forte attirance du"dépendant affectif" à une assuétude pathologique comme ladépendance à l'alcool ou à la drogue de l'alcoolique et du

toxicomane. Ce rapprochement est, à mon avis, dangereux etlargement injustifié.

En réalité, l'alcoolique et le toxicomane ont recours auxstupéfiants et aux euphorisants pour éviter le contact avecleurs besoins affectifs et leurs émotions. Ces besoins sonttypiquement négligés au point de prendre une grande intensité.En consommant des substances toxiques, ces personnes sedistraient de leurs besoins affectifs et de la souffranceoccasionnée par leur manque. On pourrait comparer ce qu'ilsfont à l'assoiffé du désert qui s'injecterait de l'héroïne pour neplus souffrir de la soif. Il mourrait déshydraté, mais peut-êtresans éprouver clairement sa souffrance!

Il est certain que les stupéfiants et les stimulants ne combleront jamais les besoins affectifs. Même les alcooliques et lestoxicomanes ne sont pas dupes de cela. Mais ils ont souventpeur et se sentent démunis devant l'ampleur de leurs besoins.Malheureusement, l'accent qu'on met sur la dépendancephysique dans le cas de ces assuétudes contribue à dévierl'attention des véritables raisons qui ont mené à laconsommation abusive.

En plus, lorsqu'on considère ces assuétudes comme desmaladies, on voile en grande partie la responsabilité de lapersonne dans son choix d'évitement. On concentre alors letravail thérapeutique sur l'arrêt du comportement pathologiqueplutôt que sur l'apprivoisement des besoins affectifs etl'apprentissage à les combler. En agissant ainsi, on s'empêche

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de régler le problème de fond.

En laissant croire que la "dépendance affective" équivaut à uneassuétude, on empêche de trouver des solutions saines aux

insatisfactions affectives et aux façons de réagir qui lacomposent. On laisse croire qu'il s'agit d'une maladie plutôt qued'une tentative maladroite de trouver satisfaction. On priveainsi la personne de tout moyen réel d'y remédier par elle-même. On laisse entendre qu'il s'agit d'une forme d'assuétudequi ne peut être résolue que par un contrôle de la volonté et unévitement systématique des tentations. Ceci interdit à toutesfins pratiques au "dépendant affectif" de répondre à ses besoinsémotifs fondamentaux.

C. La dépendance au plan affectif 

Les êtres vivants ont besoin d'air et d'eau pour survivre. Ils sont dépendants deces éléments et de leur environnement où ils les trouvent. Ils peuvent mêmedevenir "obsédés" par ces éléments dans certaines circonstances.

Imaginons la situation suivante. En expédition dans le désert, nous arrivons aubout de nos réserves d'eau. Si nous n'avons pas de moyen de nous ravitailler àproximité, il est certain que nous deviendrons obnubilés par l'eau. Plus lemanque se fera sentir, plus notre vie, nos pensées et tous nos efforts seront

orientés vers un seul but: trouver une oasis.

Peut-on qualifier notre groupe de "dépendants physiques"? Nous n'y penseronscertainement pas, car il nous semble normal d'avoir besoin d'eau et de nousmobiliser pour en trouver. Il est sain, si on en manque dramatiquement, que sarecherche devienne la priorité de notre vie. Ce que nous trouverions anormal, ceserait de danser pour faire tomber la pluie, de tourner en rond en espéranttrouver de l'eau, ou d'implorer l'eau d'apparaître... On considérerait certainementcomme pathologique le comportement d'un membre du groupe qui demeuraitpassif en souhaitant ardemment que l'eau se rende à sa bouche. S'il persistaitdans cette méthode jusqu'à risquer sa vie, on le croirait auto-destructeur.

1. L'importance des besoins affectif  

Les êtres vivants n'ont pas que des besoins physiques, ils ont également desbesoins affectifs. Ceux-ci ne sont pas aussi palpables et sont encore mal connus.Mais on en sait assez, à l'heure actuelle, pour conclure à l'importance d'yrépondre. On sait par exemple, qu'un bébé tombe dans un état de torpeur("marasme") s'il n'est pas soigné, avec une attitude au moins bienveillante. Ilpeut même en mourir. On sait aussi pourquoi un enfant risque de développer desproblèmes psychiques graves s'il reçoit, du parent qui en prend soin et sur unepériode prolongée, un message fondamental de haïne camouflé dans un discours

positif.L'enfant a besoin, pour se développer harmonieusement, d'être traité comme

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une personne à part entière et d'avoir l'opportunité de répondre à ses besoins.C'est même indispensable à sa santé mentale. Mais c'est vrai aussi chez lesadultes.

Nous continuons d'avoir des besoins affectifs tout au long de notre vie. Nousdevons les satisfaire pour conserver notre équilibre affectif et notre santémentale. C'est même important pour notre santé physique! De plus en plus, ondécouvre l'effet néfaste des manques affectifs sur la santé physique.

Ainsi, l'adulte de 30 ans a encore besoin d'affection et il en aura toujours besoin.À 50 ans une personne a encore besoin d'être appréciée et reconnue. Quel quesoit son âge, celui qui vit une existence peu nourrissante, tend à déprimer. Quin'a pas connu quelqu'un qui a sombré dans la dépression ou même est mort parmanque affectif?

 Je pense à cet homme qui demeure replié dans sa solitude par peur du contactdont il a besoin. Je le vois perdre sa vitalité et se maintenir en vie grâce à des

occupations répétitives et terre à terre. Je pense aussi à cette jeune femmeabandonnée par son amant. Je la revois, piaffant indéfiniment dans la peine et larage, en négligeant ses besoins affectifs laissés en plan au départ de son amant.En persévérant dans cette attitude, elle peut se rendre à la dépression et même

 jusqu'au suicide. Je me rappelle aussi ce cadre d'entreprise usé, brisé, et devenudéfaitiste à force de voir ses efforts et réussites banalisés. Je vois le vieillard quise laisse dépérir parce qu'il n'a plus la possibilité de contribuer à quelque chosequi soit valable à ses yeux.

 Tous ces gens ont besoin d'affection, d'être importants pour quelqu'un qu'ilsaiment ou encore d'être reconnus par quelqu'un qu'ils estiment. L'absence desatisfaction entraîne toutes sortes de symptômes et de troubles psychiques et

physiques, tout comme les carences au plan physique le font.

2. Les variations dans les besoins 

Lorsqu'ils sont comblés, les besoins sont la plupart du temps invisibles. Je ne senspas la faim, mon besoin de manger disparaît quand je viens de prendre un bonrepas. Je suis également peu consciente de mon besoin d'être aimée si je visavec des personnes dont l'affection me comble. J'apprécie alors tout simplementmon état de satisfaction et j'en profite sans même y penser. Tout comme au planphysique, le besoin ne fait surface que lorsqu'il est en souffrance, lorsqu'il ne

trouve pas de réponse adéquate.L'urgence et l'intensité du besoin varient aussi d'un moment à l'autre ou d'unepériode à l'autre de notre vie. Ils varient même selon les personnes avec qui noussommes en contact. Comme au plan physique, c'est le degré de satisfactionactuel qui détermine combien chaque besoin est crucial, intense ou urgent.L'individu dont le système manque sérieusement de fer se met, par exemple, àrêver de persil; il se jette sur la première botte de persil qui lui tombe sous lamain. De la même façon, l'individu qui souffre d'un manque affectif a tendance àêtre obnubilé par ce besoin.

 J'ai déjà expliqué, dans d'autres articles, pourquoi les besoins importants

inassouvis donnaient souvent lieu à une préoccupation obsédante et à des

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comportements répétitifs menant inexorablement à l'impasse. Voyez plusparticulièrement:

• Les noeuds dans les relations• Aux sources du transfert• Conquérir la liberté d'être soi-même•  Transfert et droit de vivre

D. Le vrai problème de la "dépendance affective"

On parle habituellement de "dépendance affective" lorsqu'une personne dont lesbesoins affectifs sont urgents et intenses répète constamment un scénario nonsatisfaisant qui la conduit à une impasse. Mais ces caractéristiques ne sont pasréservées aux personnes qu'on étiquette "dépendantes affectives".

 Toute personne arrive à l'âge adulte avec des déficits affectifs substantiels.

Chacune cherche naturellement à répondre à ces carences. La recherched'assouvissement prend souvent un caractère urgent à cause de l'intensité dumanque qu'elle veut combler. Tout ça est relativement normal pour tout adulte; ilfaut plus pour qu'on puisse parler d'un problème de "dépendance affective".

C'est à la longue, si cette recherche demeure stérile, qu'elle devient destructrice.Parce qu'elle s'appuie sur des moyens inadéquats, elle est alors vouée à l'échec,tout comme le serait celle d'un assoiffé qui ferait des incantations pour obtenirde l'eau dans le désert. Ce n'est pas le fait d'avoir besoin d'eau qui est leproblème. De même, ce n'est pas le fait d'avoir besoin de l'autre qui estpathologique chez la personne dite "dépendante affective". Ce n'est pas le faitd'avoir besoin d'affection, d'être reconnu comme ayant une valeur ou commeétant aimable par une autre personne qui crée l'impasse.

Ce n'est pas d'avantage le fait de choisir des personnes peu adéquates pourcombler ses besoins qui est le vrai problème. La dépendance est inhérente à lavie; les besoins qui en font partie sont normaux et les personnes élues pour lescombler sont choisies d'instinct. Cet instinct est fiable car il la mène justementvers des personnes qui permettent de compléter des situations incomplètes (derégler ses transferts).

Mais si ce n'est ni le besoin, ni le choix des personnes pour y répondre qui sontproblématiques, où donc est le problème? Les impasses destructrices de la

"dépendance affective" sont bien connues; il doit bien y avoir quelque chose quine va pas!

Ce qui est au coeur du problème, ce qui en fait un comportement pathologique,c'est le fait de ne pas porter son besoin. C'est cet évitement fondamental quidonne lieu à toutes sortes de comportements disfonctionnels et même aberrants.

Ceci n'est pas toujours bien clair. La personne consciente de son besoin d'êtreaimée et qui se "désâme" pour obtenir l'affection peut nous apparaître comme"portant son besoin". Elle est toute au service de l'autre, elle se sacrifie souventau nom de son amour, elle renie ce qu'elle ressent pour ne pas déranger l'autre.

Plus: elle lui dit très clairement qu'elle veut qu'il l'aime et le met en situation dele lui prouver. Que pourrait-elle faire de plus pour prouver à l'autre combien il est

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important et pour obtenir son amour en retour?

Mais justement, il ne s'agit pas de faire plus, mais de faire autrement. Voyons cequi me fait dire que cette personne en mal d'amour n'assume pas son besoin,même si elle semble y accorder une importance considérable.

1. Peu de contact avec ce qu'elle ressent 

Cette personne est généralement "mal dans sa peau". Le plus souvent, elle neressent à peu près que l'angoisse ou l'anxiété. Et elle agit à partir de cetteangoisse: demandes pressantes à l'autre, gestes généreux à son égard, contrôlepour obtenir ce qu'elle désire et calmer par là son angoisse.

Le plus souvent, elle cherche avant tout à se débarrasser de son angoisse. Il estrare qu'elle tente de trouver ce que cache cette angoisse (Voir "L'angoisse etl'anxiété" ). Si elle le faisait, elle découvrirait diverses préoccupations, divers

sentiments. De la même façon, elle s'abandonne rarement à ressentircomplètement ses émotions (Voir "La vie d'une émotion"). Si elle le faisait, ellecomprendrait mieux ce qui se passe en elle et serait davantage en mesured'identifier ses besoins (et non seulement ce qu'elle veut de l'autre). Une fois sesbesoins plus clairs, elle saurait aussi ce qu'elle doit exprimer (plutôt que demettre toute son énergie à faire exprimer l'autre).

Cette personne évite ainsi le contact avec son expérience parce qu'elle "est mal"avec elle-même. Non seulement a-t-elle peur du contact avec elle, mais en mêmetemps, elle ne s'accorde pas assez d'importance pour vouloir s'arrêter sur cequ'elle ressent. Elle cherche donc avant tout à s'éviter. Mais plus elle s'évite decette façon, plus elle devient inconfortable et angoissée.

En plus, elle est profondément convaincue que ce sont la considération del'autre, son amour et son respect, qui apaiseront son angoisse et la rendrontconfortable. Paradoxalement, en attendant ainsi de recevoir de l'autre desmarques de considération sans oser déclarer ouvertement qu'elle les recherche,elle perpétue sa faible estime d'elle-même. Elle manifeste peu de respect et deconsidération pour ce qu'elle vit en le reniant aussi facilement.

Dans ce contexte, on ne peut s'étonner qu'il soit presque impossible pour cettepersonne d'identifier ses besoins. On n'est pas surpris, non plus, qu'il lui soit trèsdifficile de les exprimer directement.

2. Une expression camouflée 

 Tout comme elle refuse ce qu'elle ressent et le traite comme peu important,cette personne a les mêmes objections à l'égard de son ressenti. Elle ne seconsidère pas assez importante pour communiquer ce qu'elle vit vraiment. Ellene parvient pas à faire, à celui dont elle veut l'amour, une expression claire etauthentique comme:

"Je souhaite de tout mon être que tu m'aimes! J'ai l'impression que tonamour serait la preuve que j'ai de la valeur. Je t'assure que parfois j'ai

l'impression de n'être pas plus importante qu'un verre de terre sur cette

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 planète. Un seul regard de toi... un seul regard de toi où je lis un peud'appréciation et je me sens pousser des ailes."

Elle choisit plutôt de tourner son attention sur lui et de gagner son amour enfaisant ce qu'elle pense qu'il veut. Elle espère que ses efforts, son abnégation ousa soumission lui amèneront l'affection, l'appréciation et la valorisation. Ellegarde caché ce qu'elle vit réellement, y compris, bien sûr, ses réactions"négatives".

Si on sait comment se développe l'estime de soi (Voir "Fidèle à moi-même") oncomprend qu'il n'y a aucune chance que cette stratégie donne les résultats visés.Non seulement en s'aliénant ainsi elle n'obtiendra jamais l'estime et l'affection del'autre, mais encore elle n'en aura pas pour elle-même.

Ça semble paradoxal, mais ce n'est pas moins vrai pour autant: la personne quiagit de cette façon ne se compromet pas émotivement. Exposer ses besoins etce qu'elle ressent l'apeure trop. Elle est parfois même terrorisée à l'idée du refus,du jugement ou du rejet de la part de l'être important. Le refus implicite qu'elle

subit continuellement lui apparaît plus vivable que le refus clair et explicite. Il luipermet de garder l'espoir et de persister dans son effort.

Ce refus d'implication émotif entretien le cercle vicieux et explique ladétérioration de la condition de la personne ainsi que de sa relation avec l'autre.Chaque fois qu'elle se défile devant le risque de se porter et de s'assumer, sonestime d'elle-même diminue. Mais comme elle n'est à peu près pas satisfaitemalgré une grande dépense d'énergie, elle est de plus en plus en état decarence.

De son côté, l'autre finit par ne plus pouvoir supporter son harcèlement, cettedemande indirecte qu'elle répète par insécurité plus que par amour. Pour lui

également, cette relation sans contact émotif réel ne peut être nourrissante.

E. Conclusion

Ce qu'on appelle la "dépendance affective" est donc une forme déficiente derecherche du droit de vivre (Voir "Transfert et droit de vivre" ) . La personnereporte sur ceux qui font partie de sa vie actuelle le pouvoir de confirmer savaleur comme personne. Comme tout individu inconscient de son transfert ouincapable de le résoudre, elle répète compulsivement des tentatives qui lamènent dans des impasses.

Pour plusieurs raisons, les besoins de cette personne sont aigus. Ce n'est paspathologique d'avoir des besoins énormes et aigus. Ce n'est pas non plus parceque ces besoins sont criants et présents depuis longtemps (depuis l'enfance) qu'ilest impossible d'y répondre. Je travaille tous les jours avec des clients quitrouvent le moyen de répondre pour la première fois à ce genre de besoins. Ilsapprennent en même temps à se nourrir réellement dans leurs relationsinterpersonnelles.

Dans un autre article, j'explique plus précisément ce qu'on peut faire pour sortirde l'impasse de la "dépendance affective". Avant d'y accéder, je vous proposeune réflexion qui permettra de cheminer sur cette question.

F. Comment vous servir de ce texte

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Comme tout le monde, vous avez besoin d'être aimé et reconnu comme valable. Je vous propose de réfléchir aux questions ci-dessous. Que vous pensiez être"dépendant affectif" ou non importe peu: les réponses à ces questions sont aucoeur de la qualité de votre vie.

• Quels sont les moyens que vous prenez pour répondre à votre besoind'être aimé?

• De quelle façon faites-vous voir ce besoin aux autres?• Quels sont les résultats que vous obtenez habituellement?

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Question: Psychothérapie et besoins affectifs

Est-il possible de combler ses besoins affectifs avec son psychothérapeute?

Réponse

Il s'établit toujours un rapport affectif avec un psychothérapeute. Même lorsquece dernier est peu actif ou expressif, le client éprouve des sentiments à sonégard. Le psychothérapeute éprouve aussi des sentiments envers son client.

La relation thérapeutique s'apparente à celle avec d'autres professionnels: lemédecin, l'avocat... Elle en diffère toutefois par son objectif et par le degréd'intimité qu'exige celui-ci. Ces différences ont plusieurs conséquences.

En psychothérapie, on cherche habituellement à résoudre des blocagesintérieurs. Le client espère ainsi devenir capable d'être lui-même plus librement.

L'objectif de la thérapie implique donc un examen soigné de la vie intérieure duclient, de même qu'un changement important dans ses façons d'agir.

Pour parvenir à ces objectifs, le client en vient à se révéler plus que dans touteautre relation professionnelle, souvent même plus que dans ses relations avecses proches. C'est donc une grande intimité qui se développe entre lepsychothérapeute et son client.

En principe, le cadre thérapeutique est idéal pour défaire les blocages ainsi quepour travailler à mieux s'assumer. Dans les approches humanistes d'ailleurs, onconsidère que la personne est égale à elle-même dans son rapport avec lepsychothérapeute, c'est-à-dire qu'elle entre en relation avec lui d'une manièrequi traduit à la fois ses ressources et ses blocages. C'est pour cela que dans cesapproches, le vécu dans le présent à l'égard du psychothérapeute est utilisécomme occasion de "se découvrir", "se comprendre", "s'expérimenter dans dunouveau" et "s'assumer".

Dans cette perspective, il est avantageux pour le client d'exprimer à sonthérapeute l'importance qu'il lui accorde et de lui révéler le pouvoir qu'il luiaccorde, particulièrement celui de le confirmer comme personne.Le seul fait deprendre ce risque lui permet de s'assumer davantage. Je dirais même que pourexploiter la psychothérapie au maximum, il doit se laisser vivre et exprimer tousses sentiments à l'égard du psychothérapeute. C'est l'importance du

psychothérapeute comme interlocuteur transférentiel qui rend cette expressionnécessaire.

En fait, pour résoudre son transfert avec son psychothérapeute (et non passeulement "comprendre son transfert"), le client doit aussi communiquer "sesbesoins" et les prendre en charge. J'ai précisé ailleurs en quoi consisteexactement la prise en charge de ses besoins (cf. Question : "Porter laresponsabilité de ses besoins").

En somme, il est vrai que le client peut combler des besoins affectifs avec sonpsychothérapeute. La psychothérapie peut même être considérée comme un lieuprivilégié où apprendre à le faire. (Pour certaines personnes le cadre de la

psychothérapie de groupe est moins menaçant, parce que moins intime, pourapprendre à combler ses besoins affectifs.)

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Le travail thérapeutique dans cette perspective est possible et peut êtrerentable, mais à certaines conditions. Premièrement, il est nécessaire que lepsychothérapeute comprenne et accepte cette perspective et qu'il soitadéquatement formé à son utilisation thérapeutique. Deuxièmement, il estessentiel que le psychothérapeute respecte les règles d'éthique appropriées. Plusparticulièrement, il doit absolument éviter de profiter de la situation (vulnérabilitéde son client) pour répondre à ses propres besoins.

Dans une approche thérapeutique où on enseigne à combler ses besoinsaffectifs, le client peut faire des pas de géants sur ce sujet. Car en plus d'être unpédagogue et un conseiller dans cette démarche d'apprentissage, lepsychothérapeute agit comme interlocuteur. Il devient donc une personne quirépond tout en veillant à ce que le client prenne ses besoins en charge.

Mais il ne faut pas oublier que la "réponse" reçue n'est pas l'élément crucial duchangement. Ce qui est le plus important, c'est que le client ose "porter son

besoin", c'est-à-dire, qu'il parvienne à l'exprimer directement. J'ai parlé del'importance de cette expression dans l'article "Conquérir la liberté d'être soi-même".

 Toute personne qui arrive à porter ainsi son besoin devient éventuellementcapable de trouver, dans les situations de sa vie quotidienne, les interlocuteursqui seront en mesure de la "prendre" avec ce besoin. Cette démarche peuts'amorcer avec le psychothérapeute, mais c'est hors de la thérapie qu'elle trouveson aboutissement. Si on devient capable, dans le cadre de la relationthérapeutique, de prendre le risque d'exprimer ouvertement son besoin, si on yparvient sans s'appuyer sur l'assurance qu'il dira oui à notre demande, il estcertain qu'on sera capable d'avoir le même courage avec les personnes

importantes de notre vie.

Question: Manigancer pour combler ses besoins affectifs

 Je crois souffrir d'un grave problème de dépendance affective. Dès qu'unepersonne, peu importe qui et pour quelle raison, m'accorde un peu d'attention,

 j'essaie par tous les moyens imaginables qu'elle devienne obligée à moi. Je faisaussi tout ce que je peux pour qu'elle reste disponible en tout temps pour moi.Quand cela ne se passe pas de cette façon, j'ai très mal et je me sensabandonnée. C'est la déprime.

Réponse

En agissant de manière indirecte ("par tous les moyens inimaginables"), il n'y aaucune chance d'évoluer dans ma dépendance à l'égard des autres. Celacorrespond à ce que j'appelle, dans l'article, les façons dysfonctionnelles, quipeuvent même devenir pathologiques, de tenter d'obtenir satisfaction.

Au lieu d'exprimer MOI-MÊME à l'autre son importance, je prends des moyensdétournés pour que L'AUTRE se comporte comme si j'avais de l'importance pourlui. C'est comme si je lui "arrachais" des comportements, du temps...

En procédant de cette façon, il est impossible d'évoluer. Comme je ne porte pasmon besoin, je demeure en situation de dépendance, même lorsque j'obtiens de

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l'autre les réponses que je souhaite.

Lorsque l'autre ne tombe pas dans le piège, il est normal que je sois en mauvaiseposture, car je ne peux éviter de constater ma dépendance à son égard. Si

 j'obtiens ce que je recherche, ma dépendance est moins visible car elle estcachée derrière la "disponibilité" excessive de l'autre. Mais il s'agit d'une illusioncar je demeure tout aussi dépendant de cette "présence garantie".

Question: Vie religieuse et besoins affectifs

Si tout humain a des besoins affectifs qu'il satisfait grâce à ses contacts avecd'autres personnes, comment les religieux peuvent-ils garder un équilibrepsychique? S'agit-il d'exceptions ou se trouve- t-on dans le domaine de l'inconnu,de l'inexplicable, de la force divine?

Réponse

Les humains ont tous des besoins affectifs. Il n'y a pas d'exception à ce sujet.Mais ils n'ont pas tous recours aux mêmes moyens pour répondre à leursbesoins.

Il existe de multiples moyens de répondre à nos besoins affectifs. Les rapportssexuels en font partie. À travers le contact sexuel, on peut trouver diversesnourritures. Ce peut être une occasion d'obtenir des confirmations sur sa valeuret son impact sur l'autre (je suis aimable, valable, attrayante, satisfaisantesexuellement...) Ce peut être une aussi une simple occasion de vivre un contactagréable ou passionnant, réconfortant, stimulant.

Concernant les besoins affectifs, il faut distinguer deux réalités qui s'imbriquenttrès souvent: (1) la gestion quotidienne des besoins affectifs et (2) la conquêtedu droit d'être (incluant le droit à l'existence, le droit à une identité distincte et ledroit d'être sexué). Plus sa conquête du droit d'être est avancée, plus unepersonne trouve normal d'avoir des besoins affectifs et de prendre l'initiative deles combler. Elle peut inventer toutes sortes de manières dans toutes sortes dessituations pour le faire. Cela est possible pour les personnes engagées dans la viereligieuse et le célibat comme pour les autres.

La conquête du droit d'être sexué, toutefois, ne peut se faire qu'à travers descontacts de "nature sexuelle". Puisqu'elle consiste essentiellement à obtenir des

confirmations sur soi comme être sexuel, elle doit se faire en s'impliquant avecdes individus de l'autre sexe. Je ne pense pas, en effet, qu'il soit possible pourquelqu'un de se posséder comme être sexué, s'il ne s'est pas exposé comme telavec des personnes signifiantes. Mais il ne faut pas oublier que la conquête dudroit d'être sexué se fait en bonne partie à l'adolescence. On peut doncs'attendre à ce que tout le monde arrive à l'âge adulte en ayant fait un certainnombre d'acquisitions dans ce domaine.

Les gens qui renoncent à vivre cette dimension d'eux-mêmes choisissent, dumême coup, de renoncer à se posséder comme personne sur le plan sexuel. Ilsarrêtent le développement de cette dimension d'eux-mêmes. Ce ne sont pasnécessairement tous les religieux qui font ce choix et beaucoup de laïques,

même parmi ceux qui ont régulièrement des relations sexuelles, ont fait le mêmechoix. Il faut noter aussi qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un choix volontaire.

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Souvent, ce renoncement est plutôt la conséquence de n'avoir pas voulu prendreles risques nécessaires pour s'assumer.

La conquête du droit d'être sexué est une question assez complexe. Nousn'avons encore aucun article de "La lettre du Psy" qui en explique les nuances.Les personnes intéressées à y réfléchir davantage peuvent toutefois consulter lechapitre 5 "La résolution du Transfert" dans "L'Auto- développement:psychothérapie dans la vie quotidienne".

Question: L’amour à sens unique

Que faire avec quelqu’un que j’aime à la folie mais qui est très froid et distantavec moi ? Je sais que je vais souffrir, mais j’ai quand même envie de rester aveclui. Même si j’ai l’impression qu’il ne m’accorde aucune importance et qu’ilinvente toutes sortes de prétextes pour m’éviter, je m’accroche comme une folleet je suis prête à tout pour lui. Est-il possible qu’il soit simplement timide ou qu’il

ait des problèmes qui l’empêchent de répondre à mon amour ? Je ne sais plusquoi faire.

Réponse

Il arrive souvent qu’on amorce une relation amoureuse sur des bases aussifragiles. Parfois, comme ici, c’est le comportement de l’autre qui ne correspondabsolument pas à ce qu’on recherche. Dans d’autres cas, c’est nous-mêmes quidonnons une fausse image de ce que nous sommes dans l’espoir de plaire ou deséduire. Comment comprendre qu’une personne soit prête à s’investirintensément alors que tous les indices lui signalent que la relation n’a aucunechance réelle de survie ?

Ce n’est pas en examinant ou en interprétant le comportement de l’autre qu’onpeut trouver la réponse. C’est en examinant ce que nous investissons dans larelation malgré les signes clairs que nous donne la réalité. Il faut arriver à décelerquelles sont les vertus magiques que nous accordons à la personne choisie pourarriver à comprendre ce qui nous anime vraiment.

Si je choisis d’aimer “à la folie” quelqu’un qui m’ignore ou me repousse, ce n’estpas sans raison. C’est parce que je trouve “normal” qu’une telle personne ne merende pas mon amour. Ou bien je ne me considère pas vraiment digne de sonamour, ou bien je suis incapable d’accepter son rejet. Dans les deux cas, je suis

porté à persister malgré tous les signes qui me disent que cette relation n’aaucun avenir, aucun potentiel réel de satisfaction. Il n’est pas étonnant que cechemin conduise toujours à des frustrations intenses et des souffrancesprolongées.

 Je ne suis pas digne de son amour 

Si je ne me trouve pas vraiment digne de son amour, je serai tenté de“m’améliorer pour être à la hauteur”. Je tente alors de mettre en valeur desqualités que je n’ai pas vraiment, d’être mieux que ce que je crois être à forced’efforts de volonté et d’application. Dans ce cas, je suis particulièrement porté à

mettre en valeur des qualités qui correspondent aux attentes que je devine chezl’autre. Peu importe si ces caractéristiques ressemblent à ce que je suis

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réellement, peu importe si c’est vraiment ce que l’autre attend d’un partenaireamoureux: ce qui compte c’est d’être à la hauteur des attentes que j’imagine.

Peu importe le résultat de mes efforts, ce que j’obtiens ainsi, ce n’est pas del’amour. Si je réussis, je me retrouve emprisonné dans un rôle qui ne correspondpas à ce que je suis vraiment. Si j’échoue, je me retrouve dans le vide: loin de maréalité et confirmé dans mon impression d’être inadéquat. Dans les deux cas, jeme suis renié, j’ai perdu contact avec moi-même et j’ai contribué à détruire lepeu d’estime de moi qui me restait. Je suis encore plus handicapé pour mesprochaines relations.

 Je ne peux accepter son rejet 

Dans la question telle qu’elle est posée ci-dessus, c’est plutôt le rejet qu’on nepeut accepter. Le manque d’intérêt de l’être “aimé” a beau être évident, il n’estpas considéré comme une réalité. Pourtant, il est évident qu’on lui attribue une

importance énorme.

Une question peut nous aider grandement à voir plus clair dans une tellesituation: “pourquoi je tiens autant à être aimé par cette personne enparticulier”? D’autres versions peuvent aider à identifier plus clairement lesvraies réponses:

• “Pourquoi je choisis d’aimer cette personne qui n’est pas intéressée à moiplutôt que quelqu’un qui m’aimerait ?”

• “Qu’est-ce que ça changerait à ce que je suis si cette personne consentaità m’aimer?”

• “Qu’est-ce que cette personne a de particulier pour que je m’y attache

aussi intensément ?”• “Est-ce que ce que je vis avec cette personne ressemble à d’autres

expériences de ma vie ?”.

Poser ces questions, c’est déjà y apporter des éléments de réponse. C’est parceque cette personne représente quelqu’un d’autre qui a un pouvoir considérablesur mon identité et ma vie que j’y attache une telle importance. C’est à causedes implications qu’aurait son rejet que je suis incapable d’accepter la réalité.

C’est aussi parce que je ne veux pas me résigner à me passer de cette validationfondamentale de ce que je suis que je n’accepte pas le rejet évident. En fait,

 j’espère convaincre cette personne de ma valeur afin d’acquérir, en la validantainsi, une valeur personnelle qui ne m’appartient pas encore.

L’essentiel de la solution 

Dans chacune de ces situations, c’est d’abord sur un retour à soi-même querepose la solution. Plutôt que de céder à la forte tentation d’examiner lecomportement de l’autre, c’est à cerner nos vrais besoins que nous devrionsinvestir nos premiers efforts.

Mais cette identification n’est pas une tâche aussi facile qu’on pourrait le croire. Ilfaut notamment distinguer nos besoins des moyens auxquels nous avons pensé

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pour y répondre. Il faut aussi identifier notre vrai besoin alors qu’il se dissimuleparfois derrière une image familière et rassurante (nos habitudes) ou adopte uneforme socialement acceptable (conventionnelle) qui ne le respecte pas vraiment.L’aide d’un psychothérapeute est souvent nécessaire pour parvenir à faireclairement toutes les distinctions nécessaires.

Lorsque les besoins sont bien identifiés, la situation change de façon radicale. Lefait de savoir clairement ce que nous recherchons nous donne automatiquementdu pouvoir sur notre satisfaction. En nous laissant le choix des moyens quipeuvent, dans les circonstances où nous sommes, nous procurer les satisfactionsauxquelles nous aspirons, cette connaissance multiplie nos capacités et nosoccasions de répondre à nos besoins réels.

L’autre personne devient alors un des moyens qui s’offrent à nous. Et souvent,nous constatons alors que cette personne est bien loin de constituer le meilleurmoyen pour obtenir satisfaction.

Dans la question telle qu’elle est résumée ci haut, il est clair que la personnechoisie n’est pas un bon choix si on cherche une réponse satisfaisante. Quellesque soient ses raisons, cette personne ne se montre pas disponible. En identifiantbien précisément ce qu’on cherche à satisfaire avec elle, il est possible d’investirses énergies dans des relations plus prometteuses.

Réponse

Il ne s'agit pas surtout d'éviter les conflits comme de savoircomposer avec eux. Par définition, le fait d'exprimer desopinions différentes, d'avoir nos propres réactions, demanifester nos besoins particuliers comme de vivreouvertement selon nos propres valeurs, tout ça peut facilementprovoquer des heurts.

Cependant, le terme conflit ne réfère pas à la même réalité

pour tout le monde. Pour certains il y a conflit dès que l'autremanifeste du mécontentement. Pour d'autres un échangemusclé est synonyme de mésentente. Enfin, d'autres parlent deconflit lorsqu'il y a une lutte pour détruire ou pour empêcherquelque chose.

Lorsque je choisis d'affirmer un point de vue différent, je doism'attendre à déranger. Est-ce que je ferai seulement leverquelques sourcils ou si je lancerai un débat animé? Est-ce que

 je vais me faire des ennemis? Cela dépend souvent de lamanière dont j'introduis mon idée.

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Si mon but n'est pas de heurter, mais plutôt de faire valoir uneidée, il faut que je m'exprime de manière à atteindre cetobjectif. Pour y parvenir, je dois tenir compte de mon

interlocuteur, du contexte dans lequel nous sommes et souventmême du "momentum" comme disent les journalistes sportifs.En effet, il ne sert à rien de provoquer des résistances à mespropos ou de me mettre à dos les gens que je désire influencer.

Comment faire?

Parfois il est bon de me souvenir que tout le monde déteste sefaire traiter d'imbécile. Je peux me rappeler également quebeaucoup n'aiment pas se faire dire qu'ils sont dans l'erreur etque presque tous sont indisposés par l'arrogance. Ces rappelspeuvent m'aider à aborder mes interlocuteurs avec une attitudequi ne suscite pas automatiquement leur résistance ou desréactions hors sujet.

Si nous sommes sensibles au ton de nos interlocuteurs, nouspouvons souvent détecter leurs réactions profondes. Trèssouvent, ces réactions portent sur notre attitude plus que surnos idées. On peut souvent déceler, sous un "je ne suis pasd'accord" un peu sec, un message plus fondamental comme "tut'imagines peut-être détenir le monopole de la vérité!" Uneobjection apparemment anodine comme "je ne suis pas sûreque ce soit une bonne idée" cache parfois une réaction bienplus intense comme celle-ci: "je n'ai aucune envie de t'écoutercar tu ne tiens aucunement compte de mon point de vue".

Pour obtenir une ouverture de la part de l'autre il me faut moi-même faire preuve d'ouverture. Essentiellement, il s'agit

3. de comprendre son point de vue (même s'il ne me plaîtpas)

4. et de reconnaître ce qu'il contient de bon à mes yeux. (Si je n'y trouve rien de bon, je puis au moins reconnaître cequ'il présente de bon pour celui qui le défend.)

C'est ensuite seulement que je pourrai présenter mes idéescomme un autre point de vue ou comme une bonification du

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leur.

Question: l'amour de soi

 Je crois que la solution à tous nos problèmes est l'amour de soi. Combien de fois

 j'entends dire qu'il faut s'aimer soi-même, que c'est ainsi qu'on est heureux etque l'on peut aimer vraiment les autres. Mais personne n'explique ce que c'est au juste que de s'aimer soi-même et comment on y arrive. S'il-vous-plaît, donnez-moi un truc pour m'aimer d'une façon inconditionnelle car c'est le but de ma vie.

Réponse

Il n'y a pas de "truc" pour s'aimer soi-même comme il n'y a pas de truc pouraimer quelqu'un. On aime une personne parce qu'elle nous apporte quelquechose de bon et parce qu'on trouve chez elle des qualités qui ont de la valeur ànos yeux. Ce sont là les ingrédients essentiels qui déclenchent notre affectionpour une personne.

Mais je ne pense pas qu'on puisse éprouver pour soi-même un amour identique àcelui qu'on connaît pour les autres car on ne ressent pas d'affection pour soi-même. On peut par contre, avoir de l'importance à ses propres yeux, désirer sefaire du bien, se respecter assez pour faire de la place à ce qui est importantpour soi... Tout cela ne traduit toutefois pas de l'amour mais une attitude debienveillance et de la considération à l'égard de soi.

Pour ces raisons, même si je pense qu'il est impossible de recevoir l'amour d'unautre à moins d'avoir une certaine valeur à ses propres yeux, je ne conseillerai

 jamais à quelqu'un de s'aimer lui- même. Je lui recommanderai, par contre,

d'augmenter sa valeur à ses propres yeux.

Comment rehausser sa valeur? Essentiellement en s'investissant pour réaliserdes choses qui nous tiennent à coeur. Nous avons tous des choses qui nousimportent: des besoins, des relations, des projets, des causes... Or, pour réussirce qui nous importe, il faut faire des efforts et souvent prendre des risques. C'estpar ce chemin que nous parvenons à gagner de la valeur à nos propres yeux.

On laisse souvent croire qu'il faut d'abord s'aimer pour disposer de l'énergienécessaire pour répondre à nos besoins, mais c'est exactement à l'inverse qu'ilfaut procéder. Comme on peut toujours identifier un besoin ou quelque chose quia une certaine importance à nos yeux, il est possible de travailler assidûment à

cet objectif. Ce faisant, notre sentiment de valeur ne va bien sûr pas sedévelopper d'une manière spectaculaire mais il grandira petit à petit, au mêmerythme que nos réalisations. (C'est comme dans la nature: rien ne se développed'une manière éblouissante, si ce n'est une fleur éphémère.)

Il est intéressant aussi de savoir que le sentiment de valeur n'est pas liédirectement à nos réussites. Il provient plutôt de l'effort qu'on fait pour respecterce qui nous tient à coeur et de la qualité de notre investissement. Ainsi, si lachose la plus importante à mes yeux est de m'affirmer tel que je suis, c'est le faitde m'exercer réellement à le faire qui alimentera ma valeur à mes yeux, même siau début je ne réussis qu'une fois sur cinq.

L'article de Jean Garneau, "Fidèle à moi-même", illustre bien mon propos en plusde servir de guide à qui veut augmenter sa valeur et son estime de lui.

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  Cela veut aussi dire "exprimer son besoin" quand il est

important que l'autre le connaisse. Mais cela ne signifie pasqu'on considère que le seul fait de dire son besoin oblige l'autreà y répondre. Il suffit parfois d'exprimer son besoin pour quel'autre en tienne compte, mais ça n'a pas à être ainsi. C'estpossible à la conditioin que l'autre soit disponible à y répondreou qu'il consente à faire ce qu'il faut pour y répondre.

Mais l'autre n'est pas toujours disponible; il a sa propre vie etses propres besoins. Il peut volontiers m'apporter un verre

d'eau si ça lui fait plaisir de me faire cette douceur. Mais s'il lefait parce qu'il n'est pas capable de me refuser mes petitscaprices, c'est malsain pour lui et pour moi. Tôt ou tard nouspaierons tous les deux pour cet esclavage semi-volontaire.

Il peut faire des choses qui demandent beaucoup plusd'investissement de sa part: mes rapports d'impôt, mes repas...S'il le fait avec plaisir, par affection pour moi, il n'y a pas deproblème. S'il le fait parce qu'il considère que c'est un échange

équitable compte tenu de ce que je fais de mon côté pour lui,tout va bien... il n'y a pas de pépins à l'horizon de la relation àce sujet.

Si, par contre, je compte sur les efforts de l'autre pour éviter dem'assumer, je m'engage dans un processus malsain à la foispour moi et pour lui. Par exemple, si j'ai l'habitude de dire àmon amoureux que "j'ai le goût de faire l'amour" et que c'estune manière de lui remettre l'initiative dans les mains, cela

équivaut à lui remettre la responsabilité de la satisfaction demon besoin. J'agis probablement ainsi par peur de montrer mondésir et d'être refusée, ou parce que je suis intimidée à l'idée dele séduire pour éveiller son désir. Lui faire part de mon goûtm'évite alors d'assumer mon désir. C'est un mauvais choix dupoint de vue de mon évolution sexuelle. Quant à monpartenaire, il souffrira éventuellement de mon évitement s'iln'en souffre pas déjà.

Prendre mon besoin en charge signifie donc de poser toutes

les actions "compromettantes" nécessaires à sa satisfaction.Même s'il est plus rassurant de laisser à l'autre le soin de

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prendre les initiatives plus audacieuses ou gênantes, c'est àmoi de porter mon besoin en posant ces gestes. En assumantmoi-même ces pas compromettants, je crée les conditions quime permettront de profiter vraiment des résultats.

Prendre mon besoin en charge signifie aussi de "faire moi-même les efforts pour le satisfaire" plutôt que de compter surles autres pour les faire. Par exemple, je mets les autres auservice de mes besoins si, tout en ayant la santé pour gagnerma vie, je choisis de me laisser entretenir pas l'assistancesociale sous prétexte que les prestations sont plus élevées quele maigre salaire que je suis capable de gagner. Si au contraire

 j'accepte de porter moi-même mes besoins, je ferai lenécessaire pour augmenter mes revenus; en travaillantdavantage, en augmentant ma compétence ou encore en memobilisant pour inventer des solutions. Je paierai moi-même leprix pour ce que je veux.

Porter la responsabilité de mes besoins signifie également"d'assumer les conséquences" de ce que je fais pour lescombler. Imaginons que je décide de prendre une semaine devacance en sachant que mon conjoint et ma famille n'aimentpas le dérangement que cela leur cause. Il faudra bien que

 j'accepte qu'ils ne se réjouissent pas avec moi.

Il serait tentant de faire pression sur eux pour qu'ilsm'endossent parce que cela m'éviterait de vivre une certaineculpabilité. Si j'ai cette tendance, il me faudra être vigilantepour ne pas les accuser injustement de vouloir me rendrecoupable (de me manipuler pour que je change d'idée) s'ils ne

 jouent effectivement pas cette carte. Ma culpabilité est à moi,bien sûr et elle n'est pas forcément générée par les autres.

C'est peut-être ma manière personnelle d'avoir de la difficulté àdéranger les autres pour voir à mes propres besoins.

Prendre la responsabilité de mes besoins, enfin, signifie"d'assumer les conséquences" de ce que j'omets de faire pourles combler. Imaginons que devant le mauvais accueil qu'a reçumon projet de voyage je décide de renoncer à cette semaine devacance. Je prends cette décision parce que je ne veux pasvivre avec le désaccord de ma famille et de mon conjoint (je mesens trop coupable!). (Fiche explicative de la culpabilité.) Si jerefuse la responsabilité de ma satisfaction, je les ferai sans

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doute payer pour ma décision au lieu de considérer que j'ai faitle choix de me priver de vacances parce qu'il était plus facilepour moi que d'affronter leur désaccord.La notion de responsabilité personnelle paraît si complexe

quand on s'y objecte (mais tellement évidente quand onl'accepte) qu'il faudrait un article complet pour l'expliquer àfond. Une lecture sur les dénis de la solitude et de la liberté,toutefois, pourrait compléter avantageusement la réponse que

 j'ai donnée à votre question. (Cf. "Les questions existentielles",dans "L'Auto- développement: psychothérapie dans la viequotidienne").

Question: conflit avec le besoin de l'autre

Le chemin de la liberté peut s'avérer très difficile, surtout lorsqu'on transige avecdes personnes qui n'éprouvent pas le même besoin que nous. Par exemple, jedésire me rapprocher de la ville pour être plus autonome, mais il faut pour celavendre la maison que je possède conjointement avec l'autre personne qui neveut pas déménager? Que puis-je faire pour assumer mon besoin?

Réponse

Il est rare que l'autre éprouve le même besoin que soi. On a une influence surcela, mais elle est assez limitée. Par exemple, je puis parfois susciter le désir

chez mon partenaire mais à d'autres moments il est trop absorbé par sespréoccupations ou trop fatigué pour manifester seulement une ouverture. À cemoment, je ne peux pas compter sur lui pour répondre à mon besoin.

Mais la question n'est pas vraiment de viser à avoir les mêmes besoins au mêmemoment. Non seulement il est rare que ceux-ci coïncident, mais encore nousn'aurons jamais des besoins identiques puisque nous sommes deux êtresdifférents. Quand on est en relation, la question est plutôt d'arriver à ce quechacun soit satisfait.

Si on veut atteindre cet objectif facilement, il est très important de distinguer lesdifférents concepts qu'on confond habituellement avec le besoin. Par exemple, le

"moyen" est souvent confondu avec le besoin. Il faut aussi distinguer le besoin dela "demande". Par exemple, je souhaite qu'on m'offre des fleurs non pas parceque j'ai besoin de fleurs mais parce que ce geste signifie quelque chose pour moi,c'est un symbole. Une "préférence", un "caprice" ne sont pas des besoins. Parailleurs, il faut être conscient du degré d'importance et d'urgence de nos besoins.Dans son article "Négocier avec un partenaire", Jean Garneau apporte desprécisions très utiles sur ce sujet.

Lorsque le moyen privilégié par un des partenaires ne convient pas à l'autre, ilest très utile d'identifier avec précision quel besoin de chacun est en cause, demême que l'importance de celui- ci. L'article de Jean Garneau met aussi en

lumière le fait que la qualité de la relation à court terme et à long terme est unenjeu capital dans la négociation entre partenaires. En tenant compte de tousces éléments, il est toujours possible de trouver une solution qui convienne

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réellement aux deux parties. Mais il faut parfois faire preuve de créativité!

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lorsqu'une personne est "dépendante affective". Comment ellese dissimule aux autres et à elles-mêmes ? Comment le faitde se renier ainsi est aliénant? Découvrez une impassemajeure de la "dépendance affective

Résumé de l'article

Cet article fait suite à "Dépendance affective et besoinshumains" où Michelle Larivey explique que ce n'est pas ladépendance elle-même qui maintient les personnes dites"dépendantes affectives" dans des relations stériles. C'estplutôt par un évitement fondamental qu'elles adoptent descomportements dysfonctionnels.

On peut comprendre comment les personnes dites"dépendantes affectives" arrivent à se dissimuler aux autresainsi qu'à elles-mêmes. On peut voir comment le fait de serenier ainsi est aliénant, comment ces personnes sont de moinsen moins "quelqu'un" et se fient de plus en plus à l'autre pour ledevenir. Car c'est là une impasse majeure de la "dépendanceaffective."

Table des matières A. IntroductionB. L'aliénation à force de se renierC. Deux exemplesD. L'aliénation au quotidienE. Ignorance, transfert et résistanceF. La solution: renverser le processus d'aliénationG. Comment vous servir de ce texte

 Je tenterai dans ce texte de faire comprendre comment lespersonnes dites "dépendantes affectives" arrivent à sedissimuler aux autres ainsi qu'à elles-mêmes. J'essaierai defaire comprendre comment le fait de se renier ainsi estaliénant, comment ces personnes sont de moins en moins"quelqu'un" et se fient de plus en plus à l'autre pour le devenir.Car c'est là une impasse majeure de la "dépendance affective."

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La personne "dépendante affective" est à la recherche de sondroit à l'existence. (Voir "Dépendance affective et besoinshumains" et " Transfert et droit de vivre" ) Mais elle effectuecette recherche d'une manière déficiente. Comme toute

personne à la conquête de son droit d'être, elle souhaite êtreaimée, acceptée telle qu'elle est. Elle désire qu'on prenne soind'elle et même parfois qu'on la prenne en charge, preuveultime de son importance. (Si elle cherche aussi à être désirée,ce n'est pas par besoin d'être confirmée comme être sexué,mais encore comme preuve qu'elle est aimable et valable.)

Encore une fois, ce ne sont pas ses besoins qui constituent unproblème mais bien le fait de dissimuler les enjeux

fondamentaux de la relation. Son droit d'exister étant précaire,elle se retrouve souvent et facilement dans une relationtransférentielle, occupée essentiellement à cette recherche.Comment nourrir ce besoin impérieux d'être aimée etconfirmée tout en le cachant à son interlocuteur? C'est le dramevécu par la personne dite "dépendante affective". Elle choisitmalheureusement une solution qui devient vite un mode de vie:l'aliénation de soi.

Être aliéné c'est n'être plus tout-à-fait soi-même. On devientgraduellement aliéné à force de s'abstenir d'être soi, à force derenier sa réalité vécue. On peut en venir à avoir l'impressionque le "vrai soi" n'est pas présent dans sa relation avec lesautres.

Il y a différentes manières de se renier. Ignorer ce que je vis(ma colère, par exemple) en est une. Agir à l'inverse de ce que

 je ressens en est une autre (je suis triste mais je souris).Banaliser ce que je ressens ou perçois en est une autre ("cen'est pas grave, d'autres vivent des choses pires que ça").Renoncer à mon propre jugement, faire davantage confiance au

 jugement de l'autre qu'au mien, refuser de regarder ma réalitéen face... Les textes de Jean Garneau "Fidèle à moi-même" et"À quoi servent les émotions" sont très instructifs sur ce sujet.

Il peut paraître étrange de parler d'aliénation de soi chez unepersonne qui recherche avidement l'amour, comme c'est le casdu "dépendant affectif". N'est-il pas paradoxal de dire que cettepersonne se renie?

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L'affirmation prend, au contraire, beaucoup de sens si onconsidère que cet individu, dans ses tentatives d'obtenirl'amour, tient très peu compte de ce qu'il vit, ignore une partie

de ce qu'il perçoit, agit à l'encontre de ce qu'il ressent, sacrifiedes choses qui sont importantes pour lui,. On peut dire que le"dépendant affectif" s'efforce de "ne pas exister" pour donner laplace à ceux dont il veut être aimé. L'aliénation peut mêmedevenir une caractéristique de son mode de vie.

Voyons à travers deux exemples, comment se manifeste cettealiénation de soi.C. Deux exemples

1. Les malheurs de Julie 

 Julie ne comprend pas pourquoi elle se lie régulièrement à des hommes qui nel'aiment pas vraiment, qui ne sont là que pour le sexe et que pour l'exploiter. Larelation commence toujours de la même façon: l'homme est fou d'elle etimpressionné par elle. Elle est alors transportée de joie et pense qu'elle a enfintrouvé "l'homme de sa vie".

 Julie occupe un poste en vue. Elle est très à l'aise financièrement et possède sesentrées dans les groupes à la mode. Malgré sa popularité et son succèsprofessionnel, elle n'est pas très sûre d'elle. Intellectuellement elle se saitintéressante, mais elle n'a pas cette conviction "dans ses tripes". Elle est trèssensible au rejet et chaque rupture (elles sont nombreuses) l'atteint au plusprofond d'elle-même: "il n'y a rien à faire, je ne suis pas aimable, personne nevoudra jamais de moi."

Avec ses amants elle est généreuse; elle leur ouvre les portes dans la société etles comble de cadeaux. Elle demande peu pour elle, sinon qu'ils l'aiment. De sesattentes, elle ne parle jamais car elle considère que "faire voir son besoind'amour, c'est quêter". Alors, elle profite des relations sexuelles pour puiser desmiettes de tendresse, obtenir des caresses qu'elle s'efforce de décoder commeaffectueuses. Elle rêve d'être parfois bercée par ses amants, se sent, au fond

comme une enfant (l'image tranche tellement à ses yeux avec celle de la femmequi réussit professionnellement!). Elle est convaincue que les hommes qui aurontaccès à ses fantaisies et démasqueront "ce besoin d'enfant" la quitteront sur lechamp.

Elle oublie qu'ils la quittent de toutes façons! Un jour, quand elle se décide àdevenir un peu plus exigeante quant à la place qu'elle prend dans la relation,quand elle ose être davantage elle-même, ils la quittent. Sans tambour, nitrompette, ils s'effacent doucement... elle n'a jamais d'explication et necomprend pas bien pourquoi tout est soudain fini.

2. La prison de Bruno 

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Bruno a choisi il y a longtemps d'être un "gentil garçon". Adulte, il perpétue cettestratégie pour atteindre le même objectif: être aimé. Docile et accommodant il nese fâche jamais. Tout semble aller bien dans sa vie: en famille comme au travail.En apparence, une seule chose fait défaut: il est aux prises avec une phobieenvahissante qui prend de plus en plus de place avec les années. Tout endroit lemoindrement fermé déclenche chez lui une grande angoisse. Il se sent"enfermé", "prisonnier". Il craint d'être en proie à la panique et de tout casserpour se sauver.

Bruno est sensible. Il montre peu cet aspect de lui, sauf à travers les servicesqu'il est toujours prêt à rendre et dans sa relation avec Rembrandt, son vieuxBerger allemand. Les remarques de son père, durant sa jeunesse, lui ont faitcroire que seuls les faibles montrent leurs sentiments. Aujourd'hui il se conduiten "homme affectivement indépendant". Seulement il n'arrive pas à être tout àfait indépendant: en tant que "phobique", il doit compter sur ses proches pour luiéviter les situations susceptibles de déclencher une crise de panique.Affectivement il se présente comme un homme "au-dessus de ses affaires" mais

dans les faits, il vit comme un handicapé.D. L'aliénation au quotidien

 Julie et Bruno ont toute l'information nécessaire pour comprendre leur malheur etpour en sortir. Seulement, ils ne font pas suffisamment confiance à leurexpérience pour s'y arrêter et en tenir compte. Chaque jour, ils ont dessentiments, des perceptions, des impulsions, des réactions. Ils font même, lanuit, des rêves qui pourraient les éclairer sur ce qu'ils vivent (s'ils voulaientprendre la peine de les considérer).

Les constats que Julie ignore systématiquement .

7. Son amant (comme les précédents) est avare d'affection et de gestes detendresse.

(Julie considère cette information comme secondaire puisqu'il se montrepassionné.)

8. Il a parfois des réactions qui la mettent mal à l'aise et la laisse perplexe.Malgré qu'il se dise admiratif, elle perçoit parfois des réactionsméprisantes. Des remarques, sur ses seins, par exemple, inutiles et

dégradantes. L'impression, à certains moments, d'être exploitée ou qu'ilprofite de sa situation.

(Julie ne veut pas s'arrêter à cette information. Elle craint de lui en vouloiret de s'éloigner de lui.)

9. Elle est convaincue de ne pas recevoir autant qu'elle donne.

(Quand elle pense à cela, Julie repousse un sentiment rageur. Mais elle seconsole en se disant que lorsqu'il l'aimera davantage, il changera. Elletrouve toutes sortes de raisons pour justifier l'égocentrisme de son amant:il passe un moment difficile, il n'a pas été gâté dans la vie, il a eu uneenfance malheureuse...

 Julie a une autre série d'explications pour justifier le déséquilibre dans la

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relation: elle se considère comme trop exigeante. Elle a trop besoind'amour, personne ne peut lui donner ce qu'elle souhaite, c'est à elle dechanger ses attentes.)

10.Ses rapprochements sont souvent refusés sous prétexte qu'ils sontdésagréables. Il la dit "collante", lui reproche de s'agripper...

(Elle n'accorde pas d'importance à cette information, même si elle estbouleversée de l'entendre. Elle retrouve alors un certain calme en serépétant qu'il est normal que son amant n'apprécie pas ses gestesd'affection, car il n'est pas affectueux de nature.

11.Elle sait qu'elle lui "arrache" des faux "je t'aime".

(Elle ne tient pas compte de cette information, ni de celle que pourrait luidonner le sentiment amer qu'elle éprouve à ces moments-là. Elle se ditqu'un faux vaut mieux que rien du tout.)

12.Concernant sa propre personne, elle n'est pas non plus tout à faitinconsciente. Elle sait qu'elle emploie toujours la même tactique de

séduction parce que c'est dans les rapports sexuels qu'elle a le plusconfiance en elle. Sur ce terrain, elle se sait capable d'être satisfaisante.Lorsqu'elle séduit un homme, elle s'affiche comme une femme "au-dessusde ses affaires" ou même comme une "vamp". Elle camouflecomplètement son besoin d'affection; ce n'est que lorsque la relation estun peu mieux établie qu'elle ose montrer cet aspect d'elle.

Les dénis de Bruno 

7. Son épouse est froide et souvent dure avec lui, à peu près de la mêmefaçon que son père l'a été et l'est encore.

(Il ne veut pas s'arrêter à ce fait, ni à la peine et la déception qu'ildéclenche. De plus, il déteste le sentiment d'échec qui émerge à cesmoments-là.)

8. Son épouse est capricieuse et égocentrique. Les choses doivent se passerà sa façon et elle a l'habitude d'ignorer les préférences de Bruno.

(Il ferme toujours les yeux sur son irritation à ce sujet. Il considère que s'ilréagit, la discussion n'aura pas de fin et il sortira sûrement perdant.)

9. Il a souvent l'impression de ne pas compter, sinon pour payer les factures.

(Il repousse systématiquement cette impression qui, chaque fois, le met enrage. Il ne peut s'empêcher de penser que sa femme ne l'aime pas.Chaque fois, il repousse cette idée en se disant qu'il se trompe sûrement.Alors, il pense aux premiers temps de leur relation et se dit que celareviendra dès qu'elle vivra moins de stress.

De toutes façons, il ne peut pas envisager de vivre sans elle car il setrouve trop handicapé avec sa phobie. En fin de compte, il se dit qu'il estpeut-être lourd pour elle. Ce n'est pas facile d'aimer un homme dont lesactivités doivent être aussi restreintes.

Ce que Bruno oublie, c'est que sa phobie est justement le symptôme quidécoule du fait qu'il se renie systématiquement. C'est après des moments

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où il s'est renié que le symptôme est le plus vif. Typiquement, après unealtercation où il a baissé la tête, il est incapable d'aller dans un lieu public.)

10.À chaque concession pour éviter de "faire des vagues", il éprouve d'abordde la colère qu'il tente de masque dans l'impassibilité. Peu de temps après,il se sent déprimé.

(Le médecin lui a donné des cachets contre cela. C'est la solution dont il sesert pour se neutraliser dans ces moments-là..)

11.Chaque fois qu'il s'abstient de se respecter, il n'est pas fier de lui.

(Lorsque cela se produit il s'efforce de penser à autre chose, ce sentimentest vraiment trop pénible.)

12.Il se rend compte que le fait d'être toujours très gentil ne lui gagne pasl'estime tant souhaitée de son père.

(Il essaie donc de renoncer à l'obtenir de son père, mais constate qu'il n'yarrive pas.)

 Julie et Bruno n'ont pas besoin de fouiller profondément leur expérience pourfaire les constats rapportés plus haut. Ils ont continuellement accès à ce vécu quin'est aucunement "inconscient".

Ils se comportent toutefois comme s'ils voulaient nier la réalité qu'ils vivent. Ilsattendent qu'une autre réalité s'y substitue à force d'efforts et de don de soi. Ilsespèrent une réalité qui leur épargnerait la nécessité d'être complètement eux-mêmes, c'est-à-dire d'avoir à se respecter. ("Si l'autre devinait, si l'autre medonnait ce dont j'ai tant besoin! Si l'autre était différent, si l'autre pouvaitchanger!")

Ayant toutes les informations à leur disposition pour expliquer à la fois leurinsatisfaction chronique et leurs impasses, on peut se demander pourquoi Brunoet Julie ne sortent pas de cette dépendance affective qui les annihile. On peut sedemander pourquoi ils attendront d'être "au bout de leur corde" pour se sépareret recommencer un scénario semblable avec un autre partenaire.E. Ignorance, transfert et résistance

La solution qui permet de sortir de ce scénario absurde est difficile à adopter carle "dépendant affectif" doit faire exactement l'inverse de ce dont il a l'habitude. Il

lui faut faire de la place à son expérience et la respecter. Ce n'est évidemmentpas sa façon "normale" d'agir et il ignore que c'est par ce chemin qu'il construirasa solidité.

Mais même s'il sait que c'est de cette manière qu'il s'en sortira, il a tendance à yrésister car c'est pour lui un chemin très difficile. Amorcer un virage dans cettedirection lui demande donc un grand courage et un encadrement thérapeutiqueest loin d'être un luxe pour lui. C'est souvent la conviction du thérapeute quantau chemin à prendre qui lui permettra de trouver le courage de s'engager dans lanouvelle voie. La psychothérapie est d'autant utile que le "dépendant affectif"tentera de reproduire un scénario semblable avec le psychothérapeute.

On pourrait chercher à expliquer les impasses des "dépendants affectifs" par lefait qu'ils choisissent des partenaires incapables de répondre à leurs besoins.

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Pourquoi Julie choisit-elle toujours des hommes qui sont si peu affectueux?Pourquoi Bruno a-t-il épousée une femme froide qui se montre dure avec lui?

Si on comprend la logique du phénomène du transfert, on comprend que chaquepersonne choisit le partenaire qui lui permet de travailler sur les cibles les plusimportantes pour sa croissance psychique. Julie choisit des hommes aveclesquels il est difficile de faire place à ses besoins d'affection. Elle les choisit

 justement pour cela (sans le savoir clairement). Aussi, son travail consiste-t-il àoser assumer devant eux cet aspect d'elle- même. Elle n'est d'ailleurs pas attiréepar les hommes doux et aimants. Elle les trouve ennuyeux et insipides.

Il en est de même pour Bruno qui n'ose pas s'abandonner à son besoin detendresse. Il choisit une épouse avec laquelle le défi d'assumer cet aspect estaussi difficile qu'il l'est avec son père. Ce dernier et son épouse sont donc deuxpersonnes fort appropriées avec lesquelles conquérir son droit à l'existence.F. La solution: renverser le processus d'aliénation

On peut donc imaginer que pour sortir de la "dépendance affective" Julie et Brunodevront renverser le processus d'aliénation. Voici un aperçu du cheminement quipermet de le faire. Je commence par Bruno parce que son symptôme plus précisrend les explications plus simples.

Dès qu'il choisira de s'arrêter sur sa phobie plutôt que de la combattre, Brunoaura accès à plusieurs indices de son insatisfaction. Rapidement il deviendraconvaincu que ses phobies sont un symptôme. Il verra comment ce dernier tentede l'informer qu'une dimension importante de sa vie ne lui convient pas. (Voir:"La phobie démystifiée" ). La recrudescence de sa phobie, à certains moments,sera pour lui le signe qu'il suffoque dans cette vie de gentil-jeune-homme-prêt-à-

tout-endurer-pour-être-aimé.)

Dès qu'il accueille son angoisse plutôt que de la chasser, Bruno a accès à unsentiment qui traduit toujours la même impression: "il n'y a pas de place pourmoi dans ma vie!" Il est clair aussi pour lui qu'il doit se nier pour êtreconstamment gentil. Il ne compte plus les fois où il aurait pu sortir de sagentillesse pour se manifester clairement. Combien de fois il aurait dit à safemme qu'elle le blesse en le dévalorisant. Combien de fois il aurait refusé de luifaire plaisir juste après qu'elle l'ait attaqué? Combien de fois a-t-il eu l'impulsionde révéler à son père sa peine immense devant son indifférence?

Il se rend compte aussi que tout ce renoncement à être lui-même ne lui procurepas l'estime qu'il cherche à obtenir de son père. Il s'aperçoit que ses tactiquespour être aimé ne lui procurent pas l'amour recherché. Comble d'absurdité, il voitbien qu'il se traite lui-même comme indigne d'estime en se comportant ainsi.

 Julie devra faire un travail semblable. Elle devra s'arrêter à son expérience pours'informer correctement de ce qu'elle vit. Elle et Bruno devront traiter leurexpérience autrement qu'il ne le font jusqu'à maintenant s'ils veulent sortir de la"dépendance affective".

C'est dans un autre texte que nous verrons d'une manière concrète comment sedéroule cette démarche, celle qui fera de nos deux protagonistes, des êtres plus

solides, qui se portent davantage et gagnent graduellement l'estime d'eux-mêmes.

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En attendant, je vous propose une réflexion qui vous permettra de continuer decheminer sur cette question.G. Comment vous servir de ce texte

Les changements que je propose pour sortir de l'aliénation propre à la"dépendance affective" ne sont pas faciles à réaliser. D'ailleurs, il n'y a pas queceux qui se considèrent "dépendants affectifs" qui ont des difficultés sur cespoints. C'est difficile et exigeant pour chacun d'entre nous.

Que vous pensiez être "dépendant affectif" ou non, vous pourrez voir plus clairsur la qualité de vos relations en pratiquant ce que je propose ci-dessous. Il suffitde vous questionner sur les aspects de votre expérience que vous repoussez.

Qu'est-ce que j'ignore, repousse, neutralise, banalise avec lespersonnes à qui j'accorde le plus d'importance (mon conjoint, mon

patron, mon enfant, mon meilleur ami, mes parents). 

Il y a matière à discussion! Je donne rendez-vous aux abonnés de la liste dediscussion LETPSY pour échanger la-dessus.

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Se renier par la "dépendance affective"Par Michelle Larivey , psychologue

Devenir sujet, confortable avec soi-même et solide avec lesautres, est un long processus. Il s'amorce à l'orée de la vie,mais toute personne doit continuer consciemment cettedémarche, une fois adulte. J'ai déjà décrit ce qui nous pousse àpoursuivre notre développement. (Voir "Aux sources dutransfert").

On devient sujet plutôt qu'objet, en s'assumant petit à petit. Lesarticles "Conquérir la liberté d'être soi-même" et "Fidèle à moi-

même" ont déjà traité de ce cheminement. Toutefois, comme ils'agit d'une notion cruciale je vais reprendre l'explication pourpréciser davantage.

S'assumer c'est à la fois s'accepter et se prendre en charge.Assumer un besoin signifie donc accepter son existence etprendre en charge sa satisfaction.

1- Accepter le besoin D'abord reconnaître le besoin 

Le terme accepter, dans ce contexte, veut dire "recevoir","accueillir". Ce n'est pas une action volontaire mais bien unconsentement venant de l'intérieur. Il est donc irréaliste des'attendre à accepter d'emblée un besoin "conflictuel".Comment une personne "dépendante affective", dont unecaractéristique importante est de se renier, peut-elle assumerson besoin d'être reconnue comme réalité valable?

À défaut d'accepter le besoin, on commence par "reconnaître"son existence. On lui fait d'abord une place dans son forintérieur. On fait, par la même occasion, une place à nosréactions à ce besoin: nos craintes, nos objections... Cesréactions peuvent souvent prendre la forme des affirmationssuivantes. "Ce besoin est illégitime! "Je suis anormal!" "C'estdangereux d'avoir tant besoin!" "Je me sens vulnérable et jedéteste!"

Une fois qu'on a consenti à son existence, il faut reconnaître

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ouvertement le besoin, c'est-à-dire le vivre devant les autres.Dans un premier temps il est souvent nécessaire de manifesternos craintes et nos objections. La nécessité de montrer nosrésistances s'estompe à mesure qu'on assume mieux le besoin.

Pour cette étape plus "publique", le choix des interlocuteurs estcrucial: il est indispensable qu'il s'agisse de personnesimportantes à nos yeux. Le choix n'est pas compliqué à faire:sont éligibles toutes les personnes devant lesquelles il estdifficile d'avouer et de vivre le besoin. Plus la difficulté estgrande, plus le pas dans la direction "sujet" sera considérable.

Respecter ses résistances Cette démarche est ardue à cause de la peur du rejet. C'estpour cette raison qu'il faut absolument tenir compte de sesrésistances. La résistance est un phénomène psychique sain etindispensable à la vie. Elle nous guide pour vivre ce qu'on estapte à vivre, en nous évitant de "perdre les pédales" ou d'êtresubmergé par les émotions.

On tient compte des résistances sur n'importe quel sujet en yadaptant son rythme de travail, notamment en augmentant defaçon graduelle l'intensité de la difficulté. Par exemple, en

écrivant à une personne avant d'aborder le sujet en direct, enchoisissant, d'abord des personnes avec lesquelles on estlégèrement plus à l'aise, etc...

C'est en osant reconnaître ouvertement son existence qu'oncommence à accepter le besoin. Ce n'est pas surprenant, car luifaire une place permet de l'apprivoiser. En plus, il arrivesouvent que la réaction des autres ne soit pas aussi tragiquequ'on l'anticipait. On a donc un peu moins de craintes la fois

suivante.

2- Assouvir le besoin 

Même si on a d'énormes résistances il faut chercher à assouvirson besoin. Cela implique souvent une action de la part del'autre, mais pas toujours.

Prendre, mais en contact 

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"J'ai manqué d'attention dans ma vie. Dans ma famille, lesenfants étaient considérés comme "quantité négligeable".Chaque fois qu'une personne m'accorde de l'attention, je suisbouleversée, à la fois réjouie et triste."

Chaque occasion du genre représente une possibilité d'assumermon besoin de valeur (celui qui me porte à vouloir avoir del'importance pour l'autre). Pour l'assumer, je dois vivre lesémotions qui émergent dans ce contact avec l'autre, lesexprimer et demeurer sensible devant la réaction de l'autre. End'autres termes, je dois demeurer vivante et en mouvementdans ce contact. C'est ce que nous appelons "répondre à sesbesoins en étant en contact". Cette méthode permet de

s'assumer. À chaque fois que je me porte ainsi, j'augmente masolidité, je grandis un peu au plan psychique. (Voir"L'expression qui épanouit".)

C'est à la condition d'agir ainsi en contact que je pourrai laisserpénétrer en moi ce que l'autre m'apporte à travers l'attentionou l'affection qu'il m'adresse. C'est donc une conditionnécessaire pour nourrir mon besoin.

Prendre l'initiative 

Mon besoin m'appartient. L'autre a ses propres besoins. Onpourrait dire que chacun en a plein les bras avec laresponsabilité de ses propres besoins. Dans cette perspective, ilest juste que chacun prenne ses risques pour sa propre vie.Mais juste ou pas, il est essentiel de porter la responsabilité dela satisfaction de mon besoin car cette condition estindispensable pour que la réponse de l'autre m'atteignevraiment et que mon besoin soit réellement comblé.

Il y a presque toujours un risque à prendre des initiatives etc'est toujours compromettant. La difficulté est encore plusgrande si on résiste au besoin. La crainte s'amplifie aussilorsque l'importance de l'autre est très grande. Un refus estdifficile à encaisser car on le vit comme un rejet et il ébranlenotre valeur. Ce qui est extraordinaire pour l'estime de soi,toutefois, c'est qu'un "non" survenant après qu'on ait pris unrisque est beaucoup moins déstabilisant. En général, la fiertéd'avoir osé se porter l'emporte sur l'impression de rejet.

Pour que le besoin soit assumé, les initiatives doivent, elles

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aussi, être prises "en contact" (c'est-à-dire en se laissantressentir, en s'exprimant et en se laissant atteindre par lesgestes et les mots de son interlocuteur). Tout ce que l'on fait ense durcissant ou en s'engourdissant pour ne pas ressentir est

sans valeur pour aider à s'assumer.Se réajuster dans la situation 

Quelque fois, il s'agit seulement d'ajouter un geste, une parole,pour satisfaire mon besoin. Serrer davantage son bras,rapprocher ma chaise de la sienne, l'embrasser avec plusd'ardeur... Ça me semble risqué et la tentation est grande dem'abstenir ou de le faire en catimini. Si j'ose le faire en contact,

 je m'offre une occasion supplémentaire d'assumer mon besoin.

Il se peut toutefois que les autres, surtout les êtres aimés, nesoient pas sympathiques à mon besoin. Il importe alorsd'identifier si c'est la manière de le manifester qui estirrecevable ou son existence.

Par exemple, si je cherche à ce que l'autre s'approche pour meprouver son amour en me renfermant sur moi-même d'unemanière hostile, ce n'est pas mon besoin qu'il refusera, mais lamanière de l'exprimer. D'autres fois, c'est le moment choisi qui

l'indispose: je l'aborde pendant qu'il est concentré, parexemple.

De telles informations sur l'impact de ma façon de faire surl'autre sont capitales. Elles me permettent un réajustement quipeut rendre mes efforts et mes risques plus rentables.

Assumer un besoin conflictuel demande du temps. Le travail sefait plus rapidement si on s'en occupe assidûment, c'est-à-dire

tous les jours.

Réponse

On ne peut jamais faire avec certitude une simple équivalencecomme celle sur laquelle s'appuie cette question. Il fautexaminer ce qui en est pour chaque personne. Heureusement, il

n'est pas extrêmement difficile de trouver la réponse lorsqu'onse pose la question pour une personne en particulier.

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Mais même s'il était possible de faire une telle déductiongénérale, elle serait inutile. En effet, la personne concernée doitdécouvrir elle-même en quoi consiste son problème et à quoi

sert son symptôme avant de parvenir à des solutions. Voicidonc comment on peut aborder cette question afin d'arriver àdes réponses utiles.

Manger abondamment sans avoir faim ou ressentir la faim alorsqu'on est repu sont des signes qu'il y a quelque chose qui ne vapas. Pour savoir de quel signe exactement il est question, il fauty regarder de plus près.

La clarification ne sera pas longue à venir si je demeureattentive à mon expérience (à ce que je vis). Par exemple, enprenant soin d'identifier ce que je ressens au moment de lafringale et en ressentant à fond les sentiments émergés jesaurai rapidement quels sentiments et quels besoins mepoussent à manger d'une manière compulsive. Je peux porter lamême attention à mon expérience pendant que je mange, ainsiqu'après avoir mangé.

Nos rêves aussi méritent une attention car ils peuvent nous endire long sur nous. Les souvenirs, de même que tout ce que jevis dans le présent et que je peux associer au comportementboulimique, peuvent également être pris en compte.

 Tout ne devient pas clair d'un seul coup, mais en faisant de telsexercices à répétition, il est possible de faire des découverteséclairantes. Des découvertes que personne d'autre que moi nepeut faire (même pas mon psychothérapeute) parce que j'ai unaccès à ma vie intérieure que personne d'autre ne peut avoir.C'est cette connaissance de moi "de l'intérieur" qui m'amène àfaire ce qu'il faut pour changer.

En fait, si pour me comprendre sur un sujet, je suis prête àconsacrer à ce que je vis la même énergie et la même attentionminutieuse que je mets à faire un casse-tête j'y arriverai