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La Cour européenne des droits de l’Homme 2006 Arrêts concernant la France et leurs commentaires juillet 2007

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La Cour européenne

des droits de l’Homme

2006

Arrêts concernant la France

et leurs commentairesjuillet 2007

1 Sources : publication du Ministère de la Justice, SAEI, février 2007, disponible sur intranet justicehttp://intranet.justice.gouv.fr/site/portail/index.php et statistiques de la Cour européenne sur le site de la CEDH :http://www.echr.coe.int/ECHR/

Droit conventionnel européen

Mise à jour - 2006 -

(Période de janvier à décembre 2006)

Le présent document rassemble l’ensemble des arrêts de la Cour européenne des droits del’homme rendus en 2006 concernant la France, ainsi que les décisions de recevabilitéimportantes. Les jurisprudences répétitives n’y sont pas détaillées, notamment en matière dedélai raisonnable, mais toutes sont indiquées.

Lorsque la doctrine a commenté un arrêt, les références de ce commentaire figurent sous l’arrêtconcerné ; par ailleurs, la veille comporte également l’indication d’ études doctrinales pluslarges, classées par thème.

Donnée significative, la France reste l’un des Etats parties à la Convention contre lequel le plusgrand nombre de requêtes est introduit :selon ce critère, elle se plaçait au 5ème rang en 2003 et 2004, puis à la quatrième place aprèsla Russie, la Pologne et la Roumanie en 2005, loin devant des Etats dont la situation est pluscomparable comme l’Allemagne ou l’Italie. En 2005, le nombre d’arrêts français de la Cour européenne plaçait notre pays au sixième rangaprès l’Italie.

En 2006, les Etats les plus concernés par des arrêts des juges de Strasbourg sont les suivants :la Turquie vient en tête (334), suivie de la Slovénie (190), de l’Ukraine (120), de la Pologne(115), de l’Italie (103), de la Russie (102) . La France se place au septième rang avec 96 arrêts(incluant les radiations) dont 87 arrêts constatent au moins une violation 1.

TABLE DES MATIÈRES

Arrêts de la Cour Européenne des droits de l’homme 2006 commentésdans la veille (ne sont pas mentionnés les arrêts cités en note de bas de page et les arrêtsauxquels nous renvoyons au cours de la veille)

Article 2 - Droit à la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Article 3 - Interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants . . . . . . . . . . 3

Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Article 6 - Droit à un procès équitable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Du délai raisonnable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13En matière civile : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13En matière pénale : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13En matière administrative : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

De l’impartialité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

De la rupture de l’égalité des armes et du principe du contradictoire . . . . . . . . . . . 20Procédures devant le Conseil d’Etat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20Procédures devant la Cour de cassation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Du droit d’accès à un tribunal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Des droits de la défense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

Du droit à exécution des décisions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

Article 7 - Pas de peine sans loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

Article 10 - Droit à la liberté d’expression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

Article 13 - Droit à un recours effectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

Article 34 - Droit au recours individuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Article 41 - Satisfaction équitable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

Protocole n/ 1, article 1er - Droit au respect de ses biens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Protocole n/ 1, article 3 - Droit à des élections libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

Liste alphabétique des arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

Liste des décisions sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

2 Arrêt CEDH Selmouni c. France, Grande chambre, 28 juillet 1999 - req. n/ 2583/94

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Article 2 - Droit à la vie

Taïs c. France 1er juin 2006

- req. n //// 39922/03 -- violation de l’article 2 de la Convention (droit à la vie) -

N Synthèse :

& A la suite d’une rixe, le fils des requérants et sa compagne furent interpellés et conduits àl’hôpital pour examen médical. Confronté à son refus d’être examiné, et « face à soncomportement violent », les policiers portèrent au jeune homme des coups de matraque sur lesmains, les jambes et le thorax, et le giflèrent afin de le calmer, puis le placèrent en cellule dedégrisement. Il y fut retrouvé mort le lendemain matin. Le jour même, le parquet saisit l’inspection générale de la police nationale afin de découvrir lescauses du décès et une autopsie du corps fut effectuée. Le rapport d’autopsie établit quel’intéressé était décédé d’une hémorragie consécutive à une fissure de la rate, et fit état de ceque son corps présentait une plaie occipitale ainsi que des érosions épidermiques et demultiples ecchymoses, essentiellement sur le visage, le cou, le thorax et les membres, ainsiqu’une fracture de deux côtes ayant provoqué la perforation d’un poumon.

& Les requérants déposèrent plainte avec constitution de partie civile contre X pour coups etblessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner et pour non assistanceà personne en danger. Estimant que « le traumatisme à l’origine du décès, dont la cause restaitinconnue, était probablement intervenu en cours de dégrisement, et que les investigationsmenées n’avaient pas permis de savoir ce qui s’était exactement passé le matin du décès »,le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu en juin 1996, et la chambre d’accusationde la cour d’appel de Bordeaux confirma l’ordonnance de non-lieu en juin 2003.

& Invoquant les articles 2 et 3 de la Convention, les requérants soutenaient que leur fils étaitdécédé des suites des coups portés par les policiers, qu’il n’avait reçu ni surveillance ni soinsdurant sa détention, et que l’enquête menée sur les circonstances de sa mort n’avait pas étéeffective.

Concernant le « volet substantiel » de l’article 2, c’est à dire le droit à la vie en tant que tel:La CEDH rappelle sa jurisprudence bien établie depuis l’arrêt Selmouni c. France 2,

selon laquelle, lorsqu’un individu en bonne santé est placé en garde à vue et qu’il décède parla suite, il incombe à l’Etat de fournir une explication plausible sur les faits ayant conduit audécès et considère que la charge de la preuve pèse sur les autorités nationales. Elle souligne que “le seul fait qu’un individu décède dans des conditions suspectes alors qu’ilest privé de sa liberté est de nature à poser une question quant au respect par l’Etat de sonobligation de protéger le droit à la vie de cette personne” (§ 83). Constatant que “leGouvernement n’a fourni aucune explication plausible sur l’origine des blessures ayantprovoqué le décès de P. Taïs, [elle] estime dès lors que sa responsabilité est engagée quantà ce décès” et considère en outre que “l’inertie des policiers face à la détresse physique et

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morale de l’intéressé et l’absence de surveillance policière effective et médicale ont enfreintl’obligation qu’a l’Etat de protéger la vie des personnes en garde à vue” (§ 103). Les juges deStrasbourg concluent, par cinq voix contre deux, à la violation de l’article 2, dans son voletsubstantiel.

Concernant le volet procédural de l’article 2 :La Cour souligne “qu’une réponse rapide des autorités lorsqu’il s’agit d’enquête sur le

décès d’une personne détenue, peut généralement être considérée comme essentielle pourpréserver la confiance du public dans le principe de la légalité et pour éviter toute apparencede complicité ou de tolérance relativement à des actes illégaux” (§ 105). Or, en l’espèce, lesjuges européens observent que la procédure a duré dix ans et comporte des insuffisances :contre-expertise intervenue trois ans après les faits, refus de la part du juge d’instructiond’organiser une reconstitution des faits, absence de toute audition de la compagne du fils desrequérants, etc. La Cour considère ainsi que “les autorités n’ont pas mené d’enquête effective,en particulier à bref délai, sur les circonstances entourant le décès de P. Taïs” (§ 110) etconclut, par cinq voix contre deux, à la violation de l’article 2, dans son volet procédural.

& Enfin, la Cour estime à l’unanimité qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément lesgriefs tirés de la violation de l’article 3.

<<<< A noter : l’opinion partiellement dissidente commune des juges Costa et Lorenzen, annexéeà l’arrêt.

N Doctrine :

T Catherine Gauthier , A propos des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme demai et juin 2006, in : JCP, Administrations et Collectivités territoriales, 16 octobre 2006, n/ 42,Europe, p. 1322-1324.

T Claire Saas, “Décès dans une cellule de dégrisement : la double violation de l’article 2 de laConvention européenne des droits de l’homme”, in : Actualité juridique Pénal, 2006, n/ 10, p.403-405.

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Article 3 - Interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants

Vincent c. France 24 octobre 2006

- req. n //// 6253/03 -- violation de l’article 3 de la Convention

(interdiction des traitements inhumains ou dégradants) -

Synthèse :

& Le requérant est paraplégique depuis un accident survenu en 1989. Bien qu’autonome, il nepeut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Il est actuellement détenu à la prison de Villepinte, oùil purge la peine de dix ans de réclusion criminelle à laquelle il a été condamné le 4 mars 2005.Il fut incarcéré à la maison d’arrêt de Nanterre le 25 novembre 2002, puis successivementtransféré à la prison de Fresnes, de Cergy-Pontoise, de Meaux-Chauconin et enfin, à la maisond’arrêt de Villepinte. Il soutient que ces prisons n’étaient pas aménagées pour les fauteuilsroulants. Il y rencontra de nombreuses difficultés : l’étroitesse des portes l’empêchait de sedéplacer seul, il ne pouvait se rendre à la bibliothèque, la douche n’était pas aménagée pourson état.Depuis son incarcération, M. Vincent a intenté divers recours pour dénoncer les conditions desa détention tant au niveau national qu’international.

& Il invoquait notamment une violation de l’article 3 de la Convention qui protège les individuscontre les traitements inhumains et dégradants.

& La Cour relève que le requérant et le gouvernement français s’accordent pour dire que lamaison d’arrêt de Fresnes est inadaptée à la détention de personnes handicapées physiquesen fauteuil roulant. Malgré l’aménagement mobilier et sanitaire de la cellule, le requérant nepouvait ni quitter cette dernière, ni se déplacer par ses propres moyens.La Cour estime que le fait pour le requérant de devoir être porté pendant qu’une roue de sonfauteuil était démontée, puis remontée, afin de passer une porte, peut être considéré commerabaissant et humiliant, l’intéressé étant de plus soumis à la disponibilité d’autres personnes.Cette situation dura quatre mois, alors même qu’elle avait été constatée par le servicepénitentiaire d’insertion et de probation et un médecin et qu’il aurait été possible de transférerle requérant dans un autre établissement.Bien que rien ne prouve l’existence d’une intention d’humilier ou de rabaisser le requérant, laCour, estimant que “la détention d’une personne handicapée dans un établissement où elle nepeut se déplacer ni quitter sa cellule par ses propres moyens constitue un « traitement inhumainet dégradant » au sens de l’article 3 de la Convention” (§ 103) , conclut, à l’unanimité, à laviolation de cet article. Elle rejette les autres griefs soulevés par le requérant et tirés de l’article3 concernant ses conditions de détention, eu égard à son handicap, dans les autresétablissements pénitentiaires, ainsi que ses griefs invoquant les articles 6 et 17, 8 et 9 et lesarticles 13 et 14 de la Convention.

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N Doctrine :

TJean-Baptiste Thierry, “Condamnation de la France pour traitement dégradant envers undétenu handicapé”, in : JCP, éd. Générale, n/ 3, 17 janvier 2007, II 10007, p. 34-36.

TJean-Paul Céré, “A propos de l’arrêt Vincent c/ France de la Cour européenne des droits del’homme du 24 octobre 2006 : la détention d’une personne handicapée constitue un traitementdégradant”, in : Actualité juridique Pénal, 2006, n/ 12, p. 500-501.

T Catherine Gauthier, commentaire de l’arrêt Vincent c. France de la Cour européenne desdroits de l’homme du 24 octobre 2006, in : La Semaine juridique - édition Administrations etcollectivités territoriales, 2007, n/ 9, 2048, p. 25.

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Rivière c. France 11 juillet 2006 - req. n //// 33834/03 -

- violation de l’article 3 de la Convention (interdiction de la torture) -

N Synthèse :

& Le requérant fut condamné en 1980 à la peine de mort pour homicide volontaire, complicitéd’homicide volontaire précédé d’un autre crime et vol. Statuant sur renvoi après cassation, lacour d’assises de la Somme le condamna en 1982 à la réclusion criminelle à perpétuité assortied’une période de sûreté de 15 ans. Ayant terminé la période minimale de sûreté, le requérantest libérable depuis le 31 juillet 1991.En juillet 2002, la juridiction régionale de la libération conditionnelle (JRLC) rejeta la demandede libération conditionnelle du requérant en raison de « l’absence d’un projet de sortie clair etstructuré, assurant un encadrement socio-éducatif et médico-psychologique sérieux ». Dans le cadre de l’appel qu’il interjeta, le requérant fut examiné par un psychiatre. En août2002, le médecin établit une attestation selon laquelle M. Rivière était « psychotique, présentaitdes troubles du comportement de type suicidaire et son état de santé nécessitait unehospitalisation ». Il fut hospitalisé d’office le lendemain sur décision du préfet, pour une duréed’un mois. A la suite d’une nouvelle demande de libération conditionnelle, le requérant fut examiné partrois experts psychiatriques en octobre 2003. Ces derniers conclurent que l’intéressé, dont lapathologie psychiatrique était apparue en détention, était devenu un malade mental chroniquesouffrant notamment d’une compulsion d’auto-strangulation. En janvier 2004, la JRLC rejeta la demande de libération conditionnelle, au motif que si l’étatde santé du requérant s’était amélioré sur le plan psychiatrique, sa demande de libérationconditionnelle pour aller vivre à Clermont-Ferrand, avec une épouse avec laquelle il n’avaitjamais cohabité, n’était pas envisageable. L’appel interjeté par le requérant contre cettedécision fut rejeté.

& Invoquant l’article 3, le requérant se plaignait de son maintien en détention, compte tenu deses problèmes psychiatriques.

& Selon la Cour, “si la Convention ne comprend aucune disposition spécifique relative à lasituation des personnes privées de liberté, a fortiori malades, il n’est pas exclu que la détentiond’une personne malade puisse poser des problèmes sous l’angle de l’article 3 de la Convention

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(arrêts Mouisel c. France du 14 novembre 2002 - req. n/ 67263/01, § 38 et Matencio c. France,du 15 janvier 2004 - req. n/ 58749/00, § 76)” (§ 60).

& Dans la présente affaire se posent deux questions : celle de la compatibilité de l’état desanté du requérant avec son maintien en détention dans un milieu où il n’est pas encadré etsuivi au quotidien par un personnel médical spécialisé ; celle de savoir si cette situation atteintun niveau suffisant de gravité pour entrer dans le champ d’application de l’article 3 de laConvention.Relevant que le requérant “a bénéficié d’un suivi psychiatrique et psychologique pendant toutela durée de son incarcération d’octobre 2001 à septembre 2004”, qu’il a fait l’objet de deuxhospitalisations d’office en août et en novembre 2002 et que, depuis son incarcération à Riomen janvier 2005, “il rencontre un psychiatre une fois par mois et une infirmière psychiatrique unefois par semaine”, la Cour reconnaît que “dans ces conditions, les autorités pénitentiaires nesont pas demeurées passives et se sont efforcées de pallier sur le plan médical la gravité del’affection mentale dont souffre le requérant” (§ 68). Elle constate cependant “qu’aux termes de l’article D. 398 du code de procédure pénale, lesdétenus atteints des troubles mentaux ne peuvent être maintenus dans un établissementpénitentiaire mais doivent être hospitalisés d’office sur décision préfectorale. Cette dispositionest confirmée par l’article L 3214 - 1 du code de la santé publique, qui précise quel’hospitalisation d’une personne détenue atteinte de troubles mentaux est réalisée dans unétablissement de santé, au sein d’une unité spécialement aménagée” (§ 71).Les juges de Strasbourg soulignent en outre l’importance de la Recommandation R(98)7 duComité des Ministres du Conseil de l’Europe relative aux aspects éthiques et organisationnelsdes soins de santé en milieu pénitentiaire qui « prévoit que les détenus souffrant de troublesmentaux graves devraient pouvoir être placés et soignés dans un service hospitalier doté del’équipement adéquat et disposant d’un personnel qualifié ».Ils rappellent enfin que l’état d’un prisonnier souffrant de graves problèmes mentaux etprésentant des risques suicidaires appelle des mesures particulièrement adaptées, quelle quesoit la gravité des faits pour lesquels il a été condamné.La Cour considère qu’en l’espèce, le maintien du requérant en détention, “sans encadrementmédical actuellement approprié, constitue une épreuve particulièrement pénible et l’a soumisà une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffranceinhérent à la détention” (§ 76). Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 3 en raisondu maintien en détention dans de telles conditions, constitutives d’un traitement inhumain etdégradant.

N Doctrine :

TJean-Paul Céré, “ Détention, maladie et traitement inhumain ou dégradant”. Note sous l’arrêtRivière c. France du 11 juillet 2006 de la CEDH (2ème section), in : RTDH, janvier 2007, p. 261-268.

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Ramirez Sanchez c. France 4 juillet 2006

Arrêt de Grande chambre- req. n //// 59450/00 -

- non violation de l’article 3 de la convention (interdiction de la torture) -- violation de l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif) -

(Cité sous article 13 de la Convention, p. 67 de ce document)

N Synthèse :

& Le requérant, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le 25 décembre 1997 pour lemeurtre de trois policiers, est actuellement détenu à la maison centrale de Clairvaux. Il est misen examen dans plusieurs affaires d’attentats terroristes.

& Saisie en juillet 2000, la Cour européenne avait conclu le 27 janvier 2005 à la non violationde l’article 3 (par 4 voix contre 3) et à la violation de l’article 13 (à l’unanimité). L’affaire a étérenvoyée devant la Grande Chambre, à la demande du requérant, le 15 juin 2005.

& Le requérant invoquait la violation de l’article 3 en raison de la durée de son maintien àl’isolement en détention et la violation de l’article 13 de la Convention du fait de l’absence derecours contre les décisions relatives à la détention.

Concernant l’article 3 :La Cour européenne rappelle que “même dans les circonstances les plus difficiles, telle

la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus latorture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants” (§ 115). Elle admet, dans unparagraphe préliminaire, que “la détention du requérant pose de sérieuses difficultés auxautorités françaises”. Celui-ci, “impliqué dans plusieurs attentats terroristes dans les années 70,était à l’époque considéré comme l’un des terroristes les plus dangereux au monde. Il convientd’ailleurs de noter sur ce point que le requérant, qui s’est exprimé à de nombreuses reprisesdepuis lors (livre, articles dans des journaux, interviews) n’a jamais renié ni regretté ses actes”.Dès lors, elle “comprend que les autorités aient estimé nécessaire de prendre des mesuresextraordinaires de sécurité dans le cadre de sa détention” (§ 125).La Cour constate “avec préoccupation que le requérant a été maintenu à l’isolement huit anset deux mois et souligne qu’une telle durée appelle de sa part un contrôle rigoureux des motifsdes mesures prises et de leur proportionnalité”. Elle relève néanmoins que l’isolement durequérant, qui avait accès aux journaux, à la télévision et recevait des visites, était relatif etpartiel (contrairement à l’affaire Messina c. Italie du 28 septembre 2000 - req. n/ 25498/94) etnote qu’“un transfert dans un centre de détention et dans des conditions normales a été réaliséà deux reprises”, et surtout que l’isolement n'a pas eu de conséquences néfastes sur la santéphysique et mentale du requérant qui était vu régulièrement par un médecin. Enfin, elle a pris bonne note du fait que, depuis le 5 janvier 2006, il bénéficie d’un régime normalde détention, lequel, aux yeux de la Cour, ne devrait normalement plus être remis en cause àl’avenir.La Cour conclut par 12 voix contre 5 que “les conditions de détention du requérant n’ont pasatteint le seuil minimum de gravité nécessaire pour constituer un traitement inhumain au sensde l’article 3 de la Convention”.

< A noter : l’opinion dissidente du juge J. Casadevall à laquelle les juges C. Rozakis, M.Tsatsa-Nikolovska, E. Fura-Sandstrom et D. Popovic déclarent se joindre est annexée à l’arrêt.

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Concernant l'article 13 :La Cour constate l’absence en droit interne d’un recours “qui eût permis au requérant

de contester les mesures de prolongation de mise à l’isolement prises entre le 15 août 1994 etle 17 octobre 2002” et conclut à l’unanimité à la violation de l’article invoqué.

N Doctrine :

T Frédéric Sudre, “Droit de la Convention européenne des droits de l’homme”, in : JCP, éd.générale, 2007, n/ 4, I 106, p. 18-23.

T Martine Herzog-Evans, “Sanctions pénitentiaires : deux décrets ambivalents”, in : Dalloz2006, p. 1196.

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Léger c. France 11 avril 2006

- req. n //// 19324/02 -- non-violation des articles 5 § 1 a) (droit à ne pas être détenu arbitrairement)

et 3 (interdiction du traitement inhumain) de la Convention -(Commenté sous article 5 § 1 de la Convention, p. 10 de ce document)

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Aoulmi c. France17 janvier 2006- req. n //// 50278/99 -

- non-violation des articles 3 (interdiction de la torture, des traitements inhumains oudégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention -

- violation de l’article 34 de la Convention (droit au recours individuel) -(Cité sous article 8 de la Convention, p. 59 de ce document,

commenté sous article 34 de la Convention, p. 69 de ce document)

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Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté

Gérard Bernard c. France 26 septembre 2006

- req. n //// 27678/02 -- violation de l’article 5 § 3 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant, soupçonné d’être membre de l’Armée Révolutionnaire Bretonne (A.R.B.) etd’avoir aidé à héberger des membres de l’ETA qui venaient de voler des explosifs à Plévin, futarrêté le 9 novembre 1999. Il fut mis en examen notamment pour association de malfaiteurs envue de commettre des actes de terrorisme et détention d’explosifs, et placé en détentionprovisoire. Durant sa détention, il aurait présenté 179 demandes de mise en liberté ; le 21 octobre 2002,il fut remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le 29 juin 2005, la cour d’assises de Paris le condamna à six ans d’emprisonnement pour lesfaits qui lui étaient reprochés.

& Le requérant invoquait l’article 5 § 3 de la convention, dénonçant la durée de sa détentionprovisoire, ainsi que l’article 6 § 2 de la convention, pour atteinte à la présomption d’innocence.

& La Cour relève que le requérant a été maintenu en détention provisoire durant deux ans,onze mois et treize jours. Elle note que pour le maintenir en détention, les juridictionscompétentes invoquèrent, outre la persistance des soupçons pesant sur lui, la nécessité deconserver les preuves, d’empêcher une pression sur les témoins et les victimes, ainsi que touteconcertation frauduleuse avec ses complices, la nécessité de mettre fin à l’infraction et d’enprévenir son renouvellement, de garantir le maintien du requérant à la disposition de la justiceet de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public.Après avoir examiné dans le détail ces motifs dans les ordonnances successives, la Courestime que “pour être conforme à la Convention, la longueur de la privation de liberté subie parle requérant eût dû reposer sur des justifications des plus convaincantes, (...) la pertinenceinitiale des motifs retenus par les juridictions d’instruction à l’appui de leurs décisions relativesau maintien de l’intéressé en détention ne résiste pas à l’épreuve du temps” (§ 47) et conclut,à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 3. Elle rejette le grief tiré de la violation de l’article6 §§ 1 et 2 de la Convention.

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Zervudacki c. France 27 juillet 2006 - req. n //// 73947/01 -

- violation de l’article 5 §§ 1 c) et 4 (obligation de statuer à bref délai) de la Convention -

N Synthèse :

& A l’issue d’une perquisition effectuée à son étude le matin du 10 juin 1997, la requérante, quiexerçait la profession d’administrateur judiciaire, soupçonnée d’être coupable de l’infractiond’escroquerie aggravée, fut immédiatement placée en garde à vue qui fut prolongée par leProcureur de 24 heures. Le 11 juin, elle fut entendue par la brigade financière et rencontra unmédecin. A la fin de sa garde à vue, le 12 juin au matin, elle fut transférée au parquet deNanterre où elle attendit d’être entendue par le juge d’instruction. Le soir même, à 23 heures30, le juge l’interrogea, la mit en examen pour escroquerie aggravée et complicité, et la plaçaen détention provisoire. A son arrivée à la maison d’arrêt, elle fut hospitalisée en raison de son extrême affaiblissement.Libérée sous contrôle judiciaire le 27 juin 1997, elle bénéficia d’un non-lieu le 11 juillet 2005.

& Invoquant l’article 5 de la Convention, la requérante se plaignait notamment de l’illégalité desa privation de liberté le 12 juin 1997 de 10 heures - heure de la fin de sa garde à vue -, à 23heures 30 - heure de son audition par le juge d’instruction -, et de n’avoir pas disposé d’unrecours lui permettant de demander à un tribunal de statuer dans un « bref délai » sur la légalitéde sa détention durant ce délai.

& La Cour, rappelle qu’en l’espèce, “la durée maximale de privation de liberté de quarante-huitheures au titre de la garde à vue est fixée par la loi et revêt un caractère absolu. Le terme dela garde à vue étant connu d’avance, il incombait aux autorités responsables de prendre toutesles précautions nécessaires pour que sa durée légale fût respectée”.Elle constate par ailleurs, qu’ “aucun texte du droit interne ne réglementait à cette époque ladétention d’une personne entre le moment de la fin de sa garde à vue et celui de saprésentation devant le juge d’instruction” (§ 47) et en déduit que “la privation de liberté qu’asubie la requérante le 12 juin 1997, entre 10 heures et 23 h 30, n’avait pas de base légale endroit français”. Elle note que durant cette période, “la requérante ne put, ni se laver, ni serestaurer, ni se reposer, alors qu’elle venait de subir une garde à vue de 48 heures dans desconditions comparables” et à l’issue de laquelle elle fut hospitalisée en raison de son état defaiblesse. La Cour conclut dès lors, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 1 c) sur ce point.

& Les juges constatent par ailleurs que la requérante, qui n’avait pas encore été mise enexamen, “ne disposait en droit interne d’aucun recours pour faire statuer à bref délai sur lalégalité de sa détention” et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 4.

<<<< A noter : Depuis la loi n/ 2004-204 du 9 mars 2004, les nouveaux articles 803- 2 et 803-3 ducode de procédure pénale prévoient que la comparution de la personne déférée devant lemagistrat doit intervenir le jour même ou par dérogation, dans un délai maximum de vingtheures, en permettant dans ce cas à la personne concernée de s’alimenter, de faire prévenirses proches, de voir un médecin et de s’entretenir avec un avocat.

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Léger c. France 11 avril 2006

- req. n //// 19324/02 -- non-violation des articles 5 § 1 a) (droit à ne pas être détenu arbitrairement)

et 3 (interdiction du traitement inhumain) de la Convention -(Cité sous article 3 de la Convention, p. 7 de ce document)

N Synthèse :

& Le requérant, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1966 pour l’enlèvement etle meurtre d’un garçon de 11 ans, fut mis en liberté conditionnelle le 3 octobre 2005 après 41ans de détention. Durant ces années de détention, il demanda sa libération conditionnelle à plusieurs reprises.Notamment, en 2001, la commission de l’application des peines avait rendu un avis favorableet unanime à la demande du requérant, de même que son conseiller d’insertion et de probation.Il fut toutefois débouté aux motifs qu’il contestait les faits pour lesquels il avait été condamnéet que les experts n’excluaient pas sa « dangerosité potentielle » et « un risque de récidive »qui ne pourraient être écartés qu’après un travail psychologique qui n’était pas envisagé par lerequérant.

& Le requérant invoquait une violation de l’article 5 § 1 a), estimant que son maintien endétention était devenu arbitraire, spécialement depuis le rejet de sa demande de libérationconditionnelle en 2001. Il invoquait également une violation de l’article 3 de la Convention,estimant que son maintien en détention correspondait en réalité à une peine perpétuelleincompressible constitutive d’un traitement inhumain et dégradant.

Concernant l’article 5 § 1 a) :La Cour estime que compte tenu de l’extrême gravité de l’infraction commise par le

requérant, la réclusion criminelle à perpétuité n’était pas arbitraire au sens de l’article 5 de laConvention, d’autant que la peine ne l’a pas empêché d’être libéré. La Cour a jugé en effet, à propos d’une peine perpétuelle, que “dès lors qu’il a été satisfait àl’élément punitif de la sentence, tout maintien en détention doit être motivé par desconsidérations de risque et de dangerosité» (§ 80), lesquelles sont toutefois liées “aux objectifsde la sentence infligée à l’origine pour meurtre” (§ 87). En l’espèce, la Cour estime que lesmotifs invoqués par les juridictions françaises n’étaient pas « déraisonnables » tant en ce quiconcerne “l’objectif de répression initial que de la persistance de contre-indications à lalibération” (§ 76). Elle conclut ainsi, par cinq voix contre deux, à la non violation de l’article 5 §1 a).

Concernant l’article 3 :La Cour relève que le requérant a eu la possibilité de demander sa libération

conditionnelle après quinze ans de détention et à intervalles réguliers. Il ne peut donc prétendreavoir été privé de tout espoir d’obtenir un aménagement de sa peine, laquelle n’était pasincompressible. Ainsi, bien que le maintien en détention du requérant fut d’une « exceptionnelledurée », la Cour estime qu’il n’a pas constitué un traitement inhumain et dégradant. Conscientequ’une telle condamnation à perpétuité entraîne nécessairement angoisses et incertitudes, lacour ne considère pas que la peine a atteint le seuil de gravité requis par l’article 3 et n’aperçoitaucune autre circonstance pour conclure que le requérant a été victime d’une épreuveexceptionnelle susceptible de constituer un traitement contraire à l’article 3. Elle conclut donc,par cinq voix contre deux, à la non-violation de l’article 3 de la Convention.

< A noter : le juge Costa a exprimé une opinion partiellement dissidente, le juge Mularoni une

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opinion partiellement dissidente et partiellement concordante, et le juge Fura-Sandström uneopinion dissidente, toutes annexées à l’arrêt.

N Doctrine :

T Samantha Enderlin : “Une réclusion de 41 ans est conforme à la Convention européenne desdroits de l’homme”, in : Actualité Juridique Pénal, juin 2006, n/ 6, p. 258-259.

T Jean-Paul Céré, “A propos de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 11 avril2006 : compatibilité d’une détention de 41 ans avec les articles 3 et 5 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme”, in : Le Dalloz, 2006, n/ 7, p. 1800-1802.

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Gaultier c. France 28 mars 2006- req. n //// 41522/98 -

- violation de l’article 5 § 4 de la Convention (obligation de statuer à bref délai) -

N Synthèse :

& Le requérant, maintenu en hospitalisation d’office, formula plusieurs demandes de sortieimmédiate qui furent rejetées. Sa première demande, formée devant le tribunal de grandeinstance de Sarreguemines le 29 août 1996, fut rejetée le 8 juillet 1997. De même, il saisit letribunal de grande instance d’Arras le 12 novembre 1997 qui, le 3 mars 1998, rejeta sademande de sortie immédiate.

& Devant la Cour européenne, il invoquait une violation de l’article 5 § 4 de la Convention,alléguant qu’il n’avait pas été statué à bref délai sur ses demandes de sortie immédiated’internement.

& La Cour constate que les juridictions saisies mirent respectivement dix mois et quatre moispour statuer sur les demandes de sortie immédiate du requérant. Ce délai excessif ne sauraitêtre raisonnablement considéré comme “lié essentiellement à la complexité des questionsmédicales en jeu, mais plutôt à un manque de célérité de l’autorité judiciaire saisie, d’autantque, statuant en référé, elle est tenue de se prononcer en urgence, en particulier lorsqu’il en vade la liberté d’un individu” (§ 41).Ainsi, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

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Van Glabeke c. France 7 mars 2006

- req. n/ 38287/02 -- violation de l’article 5 § 4 de la Convention

(obligation de statuer à bref délai) -

N Synthèse :

& La requérante fut arrêtée par la police sur la voie publique et internée dans un hôpital

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psychiatrique. Elle y demeura plus de deux semaines sans possibilité de recevoir des visiteset privée de tout contact téléphonique. Pendant ce temps, sa mère ainsi que l’association,l’Afcap, formulèrent des demandes de sortie immédiate.

& La requérante estimait que sa privation de liberté était contraire à l’article 5 § 4 de laConvention européenne.

& La Cour estime que le seul fait qu’aucun tribunal n’ait jamais statué sur les deux demandesde sortie immédiate qui avaient été présentées au président du tribunal de grande instance aunom de la requérante suffit pour conclure, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 4.

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R Voir également :

CEDH, S.U. c. France du 10 octobre 2006 - req. n/ 23054/03 : violation de l’article 5 § 4 : La requérante fit l’objet, le 8 novembre 2001, d’un arrêté préfectoral d’hospitalisation d’office etfut internée le jour-même. Elle fugua le 1er juin 2002 mais demeurait sous le coup de l’arrêté. Elledéposa une demande de sortie immédiate et ce n’est que plus d’un mois plus tard que le juge deslibertés et de la détention désigna un expert ; et, alors même que la mesure d’internement étaittoujours en vigueur, le juge ne prit sa décision que sept mois après le dépôt de la demande. LaCour estime qu’un tel délai ne peut être considéré comme « bref » au sens de l’article 5 § 4 etdécide qu’il y a eu violation de cet article.

CEDH, Tréboux c. France du 3 octobre 2006 - req. n/ 7217/05 : violation de l’article 5 § 4 : Le 1er avril 2004, la requérante fut placée d’office dans un hôpital, au vu d’un certificat médical,par une décision du maire de Thonon-les-Bains, confirmée par le Préfet de Haute-Savoie. Le 3avril 2004, elle adressa une demande de sortie au juge des libertés et de la détention. Le 15 avril2004, le Préfet lui accorda une sortie à l’essai.Le juge des libertés et de la détention rejeta la demande de sortie de la requérante le 9 juin 2004.Le 20 août 2004, le Préfet de Haute-Savoie prit un arrêté mettant fin à l’hospitalisation de larequérante. Le 15 novembre 2004, la cour d’Appel de Chambéry constata que la requérante sedésistait de son appel, la mesure d’internement ayant été levée.Devant la Cour européenne, elle invoquait l’article 5 § 4 soutenant que sa demande de mise enliberté n’avait pas été traitée dans un bref délai.La Cour note que la requérante fit l’objet d’un arrêté d’hospitalisation jusqu’au 20 août 2004. Ellerelève en outre que le juge désigna un expert douze jours après la demande de sortie de larequérante et qu’il prit sa décision plus de deux mois après cette demande. Enfin, la Cour retientque la cour d’appel statua plus de quatre mois et demi après avoir été saisie.Les juges de Strasbourg estiment que ces délais ne peuvent être considérés comme « brefs »et concluent, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

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3 La CEDH considère désormais que le recours interne prévu à l’article L 781-1 du Code de l’organisation judiciaire esteffectif pour se plaindre d’une durée excessive de procédure. Ce recours doit donc avoir été exercé préalablement pour permettrela saisine de la Cour européenne sur cette question (décision Giummarra et autres c. France du 12 juin 2001 et décision de grandechambre Mifsud c. France du 11 septembre 2002 - voir pour commentaire, “Cour européenne des droits de l’homme 2002-2006,arrêts concernant la France et leurs commentaires”, réalisé par l’Observatoire du droit européen, sous “article 6 - Droit à un procèséquitable - « Du délai raisonnable »”).

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Article 6 - Droit à un procès équitable

Du délai raisonnable 3

En matière civile :

Barillon c. France 24 janvier 2006- req. n //// 32929/02 -

- violation des articles 6 § 1 et 13 (absence de recours effectif) de la Convention -

(Cité sous article 13 de la Convention, p. 68 de ce document)

& La requérante se plaignait de la durée excessive d’une procédure civile : trois ans et quatremois pour une seule instance ; elle dénonçait également l’absence, en droit interne, de recoursen matière de délai excessif.

& La Cour conclut à l’unanimité à la violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention.

***

En matière pénale :Latry c. France23 février 2006- req. n //// 50609/99 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention

& Le requérant porta plainte avec constitution de partie civile contre son ancienne compagne.Cette procédure, qui s’acheva par une ordonnance de non-lieu, dura six ans et dix mois.

& La Cour retient une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

***

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En matière administrative :

Siffre, Ecoffet et Bernardini c. France12 décembre 2006

- req. n //// 49699/99, 49700 et 49701 - - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention

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N Synthèse :

& Le requérant se plaignait de la durée excessive de la procédure devant les juridictionsfinancières qui méconnaissaient le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par laConvention.

& La Cour conclut que la procédure appréciée globalement était excessive (cinq ans et quatremois) et qu’il en découle une violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle prend enconsidération les faits de l’espèce et l’enjeu particulier qu’ils revêtaient pour les requérantspuisqu’à l’époque des faits, estimant que la prolongation de la procédure a eu desconséquences déterminantes sur leurs carrières politiques.

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Assad c. France14 novembre 2006

- req. n //// 66500/01 - - Violation des articles 6 § 1 et 13 (absence de recours effectif) de la Convention -

(Cité sous article 13 de la Convention, p. 67 de ce document)

N Synthèse :

& Le requérant se plaignait de la durée excessive de la procédure administrative et estimait,qu’au moment de l’introduction de sa requête, il ne disposait d’aucune voie de recours en droitinterne qui lui eut permis de critiquer cette durée.

& La Cour conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 au titre du délai raisonnable(douze ans et plus de neuf mois de procédure et deux degrés d’instance), ainsi qu’ à la violationde l’article 13 de la Convention.

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Beaucaire c. France 6 juin 2006

- req n //// 22945/02 - - violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

&

Clément c. France06 juin 2006

- req n //// 37876/02 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Les requérants se plaignaient de la durée excessive de la procédure : six ans et onze moispour une première instance et un appel pendant dans l’arrêt Beaucaire, pour huit ans et deuxmois pour trois instances dans l’arrêt Clément.

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Bitton c. France (n //// 2) 4 avril 2006

- req. n //// 41828/02 - - violation des articles 6 § 1 et 13 (absence de recours effectif) de la Convention -

(Cité sous article 13 de la Convention, p. 67 de ce document)

N Synthèse :

& Le requérant se plaignait de la durée excessive de la procédure administrative (plus de 9 anspour 3 instances) et de ce qu’au moment de l’introduction de sa requête, il ne disposaitd’aucune voie de recours en droit interne qui lui eut permis de critiquer cette durée.

& La Cour européenne conclut, à l’unanimité à la violation des articles 6 § 1 et 13 deConvention.

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Le Bechennec c. France28 mars 2006- req. n //// 28738/02 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant alléguait que la durée de la procédure à laquelle il était partie (près de six anspour 3 instances), avait méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article6 § 1 de la Convention.

& La Cour européenne rappelle la diligence particulière à observer dans les contentieux relatifsau droit du travail et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention à cetitre.

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N Doctrine :

T Joël Cavallini, “ L’article 6 § 1 de la Convention EDH impose que le contentieux du travail soitconduit avec une diligence particulière ”, in : JCP, éd. Sociale, 2006, n/ 21-22, p. 38-40.

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Raffi c. France 28 mars 2006- req. n //// 11760/02 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant se plaignait de la durée excessive de la procédure (près de neuf années pourquatre instance).

& La Cour européenne estime que la durée de la procédure est excessive et qu’elle ne répondpas à l’exigence du « délai raisonnable » prévue à l’article 6 § 1 de la Convention.

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R Voir également :

CEDH, Le Calvez c. France du 19 décembre 2006 - req. n/ 18836/02 -CEDH, Desserprit c. France du 28 novembre 2006 - req. n/ 76977/01 -CEDH, Varelas c. France du 27 juillet 2006 - req. n/ 16616/02 -CEDH, Farange S.A. c. France du 13 juillet 2006 - req n/ 77575/01 -CEDH, SARL du parc d’activités de Blotzheim c. France du 11 juillet 2006 - req. n/ 72377/01CEDH, Nicolas c. France du 27 juin 2006 - req. n/ 2021/03 -CEDH, Malquarti c. France du 20 juin 2006 - req. n/ 39269/02 -CEDH, Duhamel c. France du 11 avril 2006 - req. n/ 15110/02 -CEDH, Oberling c. France du 11 avril 2006 - req. n/ 31520/02 -CEDH, Société au service du développement c. France du 11 avril 2006 - n/ 49391/02 -CEDH, Demir c. France du 4 avril 2006 - req. n/ 3041/02 -CEDH, Barillon c. France du 9 février 2006 - req. n/ 22897/02 -CEDH, Donnadieu c. France (n/ 2) du 7 février 2006 - req. n/ 19249/02 -CEDH, Dukmedjian c. France du 31 janvier 2006 - req. n/ 60495/00 -

vvvv vvvv vvvv

N Doctrine :

T Delphine DERO-BUGNY, “Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par la juridictionadministrative” in : Droit Administratif n/ 10, octobre 2006, étude 17, p. 5-12.

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DE L’IMPARTIALITÉ

Sacilor-Lormines c. France9 novembre 2006

- req. n //// 65411/01 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention

(impartialité, égalité des armes et délai raisonnable) -

N Synthèse :

& La requérante, la Société des Mines de Sacilor-Lormines, est une société anonyme quidepuis mars 2000 est en liquidation amiable. Filiale d’Usinor, la société requérante futconstituée en 1978 pour reprendre les concessions et amodiations des mines de fer de Saciloren Lorraine. Elle était ainsi, à la date de l’annonce de l’arrêt d’exploitation, titulaire de 63concessions de mines de fer en Lorraine. La société requérante engagea alors les procédures d’abandon-renonciation des concessionsen perspective de la cessation complète de son activité. Dans ce cadre, de nombreusesmesures de police furent prises à l’encontre de la société requérante, toutes contestées devantles tribunaux français. Par ailleurs, de nombreux recours tendant à l’annulation des refus duministre chargé des mines d’accepter sa renonciation à plusieurs concessions furent intentéspar l’intéressé. Dans le cadre de ces procédures, le Conseil d’Etat fut amené à rendre un avisainsi que des arrêts (dont un arrêt prononcé le 19 mai à la suite d’un délibéré du 26 avril 2000).

& La société requérante invoquait une violation de l’article 6 § 1 dénonçant l’absence d’équitéde la procédure devant le Conseil d’Etat et la durée excessive des procédures.

& La société requérante soutenait qu’il existait un doute sérieux sur l’indépendance du Conseild’Etat ayant prononcé l’arrêt du 19 mai 2000, du fait de la nomination par décret présidentieldu 26 mai 2000 de l’un des conseillers d’Etat, qui avait siégé lors de la séance du 26 avril 2000au poste de secrétaire général du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Selonla Cour, cette nomination est de nature à faire douter de l’impartialité du Conseil d’Etat. En effet,au cours du délibéré, ou même avant, un des membres de la formation de jugement étaitpressenti pour exercer des fonctions importantes au sein du ministère opposé à la requérante,ledit ministère étant son adversaire dans de nombreux et importants litiges. La Cour conclut par quatre voix contre trois à la violation de l’article 6 § 1 en tant qu’il garantitle droit à un tribunal indépendant et impartial, du fait des doutes objectivement fondés de larequérante au sujet de la formation du Conseil d’Etat qui a rendu l’arrêt du 19 mai 2000.Ensuite, les juges de Strasbourg précisent que le cumul de la compétence juridictionnelle duConseil d’Etat avec ses attributions administratives résultant du code de justice administrativen’est pas contraire à la Convention et ne met pas en cause son indépendance et sonimpartialité. Il n’y a pas de violation de l’article 6 § 1 sur ce point.

& D’autre part, la Cour rappelle que la participation du commissaire du gouvernement audélibéré de la formation de jugement du Conseil d’Etat, qu’elle soit « active » ou « passive »emporte violation de l’article 6 § 1. Elle conclut donc, à l’unanimité, à la violation de laConvention sur ce point.& Enfin, concernant la durée des procédures, la Cour européenne relève que celles-ci se sontétendues sur environ quatre ans et neuf mois ainsi que trois ans et six mois. Elle estime quecompte tenu des circonstances de l’espèce, de telles durées sont excessives et ne répondentpas à l’exigence de « délai raisonnable». Dès lors, elle conclut, à l’unanimité, à la violation del’article 6 § 1.La société requérante s’est vu allouer au titre de la satisfaction équitable la somme de 8 000

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euros pour préjudice moral et de 10 000 euros pour frais et dépens.

N Doctrine :

T David Szymczak, “Le dualisme fonctionnel du Conseil d’Etat au révélateur de la Coureuropéenne des droits de l’homme : nouvelles réponses, nouvelles incertitudes”, in : JCP A,éd. Administrations et collectivités territoriales, 2007, n/ 1-2, 2002, p. 28-31.

T Frédéric Sudre, “Indépendance et impartialité du Conseil d'État”, Chronique Droit de laConvention européenne des droits de l’homme, in : JCP, éd. générale, n/ 4, 24 janvier 2007,I 106, p. 18-23.

< A noter : l’opinion partiellement dissidente commune à MM. Zupancic, Bîrsan et Long estannexée à l’arrêt.

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Gubler c. France27 juillet 2006- req. n //// 69742/01 -

- non violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant, médecin, fut, de 1981 à 1994, le conseiller médical spécial de FrançoisMitterrand. Ce dernier, qui s’était engagé à publier très régulièrement des bulletins médicauxsur son état de santé, lui demanda en 1981 de ne pas mentionner la découverte de son cancer,lequel ne fut finalement divulgué au public qu’en 1992.En 1996, Claude Gubler publia un ouvrage intitulé « Le grand secret » aux éditions Plon, danslequel il relata notamment les difficultés résultant pour lui de la dissimulation de cette maladieaux français.

& La veuve et les enfants du Président défunt firent saisir l’ouvrage en question et le requérantfut déclaré coupable du délit de violation du secret professionnel, et condamné à quatre moisd’emprisonnement avec sursis .

& Parallèlement, le Conseil national de l’Ordre des médecins porta plainte contre le requérantdevant le conseil régional d’Ile de France de l’Ordre des médecins pour avoir révélé des faitscouverts par le secret médical et concernant la vie privée de François Mitterrand, avoir délivrédes certificats médicaux de complaisance et avoir porté atteinte à l’honneur de la profession.En avril 1997, le requérant fut sanctionné par la radiation par le Conseil régional de l’Ordre.Statuant en appel, la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre rejeta son recours.Enfin, le Conseil d’Etat rejeta le recours en annulation formé par l’intéressé.

& Invoquant l’article 6 § 1, le requérant alléguait une violation des principes d’indépendanceet d’impartialité de la part du Conseil national de l’Ordre des médecins, considérant que celui-ciétait à la fois juge et partie (plaignant en première instance, puis, instance d’appel amenée àstatuer sur sa propre plainte en tant qu’organe disciplinaire).

& L’attribution du soin de statuer sur des infractions disciplinaires à des juridictions ordinalesn’enfreint pas en soi la Convention. Toutefois, celle-ci commande alors, pour le moins, l’un desdeux systèmes suivants : ou bien lesdites juridictions remplissent elles-mêmes les exigencesde l’article 6 § 1, ou bien elles n’y répondent pas mais subissent le contrôle ultérieur d’un

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organe judiciaire de pleine juridiction présentant, lui, les garanties de cet article (arrêt Albert etLe Compte c. Belgique du 10 février 1983 - req. n/ 7299/75 et 7496/76 , § 29). Or, la Cour adéjà jugé que le Conseil d’Etat, intervenant en tant que juge de cassation sur les décisions dela section disciplinaire du conseil national de l’ordre des médecins, ne peut passer pour un« organe judiciaire de pleine juridiction faute de pouvoir apprécier la proportionnalité entre lafaute et la sanction (arrêt Diennet c. France du 26 septembre 1995 -req. n/ 18160/91).Il convient donc de vérifier si le conseil national de l’Ordre des médecins était « indépendant»et « impartial » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

& La Cour relève tout d’abord que “les membres de la section disciplinaire du Conseil nationalde l’Ordre des médecins sont irrévocables pour toute la durée de leur mandat, doncindépendants de leurs pairs - qui les ont élus - et ne sont aucunement sous leur dépendancehiérarchique”. Par ailleurs, “la formation litigieuse était présidée par un conseiller d’Etat, jugeprofessionnel, indépendant du Conseil national de l’Ordre, et d’ailleurs non élu par celui-ci. LaCour relève (...) que dans le cas d’espèce, les membres titulaires de la section disciplinaire ontquitté la séance (...) pendant laquelle le Conseil national de l’Ordre a décidé de porter plaintecontre le requérant, avant même qu’il ne délibère sur l’opportunité d’exercer ces poursuites”.Elle en conclut que “les membres de la section disciplinaire, en particulier ceux ayant fait partiede la formation de jugement qui a statué sur la plainte formée contre le requérant, ont étéétrangers à la décision du conseil national de former une telle plainte” (§ 28).Les faits ne constituant pas une violation du principe de l’impartialité objective, le procès devantle conseil national “ne saurait donc être tenu pour inéquitable”. Et la Cour de conclure, par sixvoix contre une, à la non-violation de l’article 6 § 1.

< A noter : l’opinion dissidente de Madame le juge Mularoni, annexée à l’arrêt.

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4 CEDH, Yvon c. France du 24 avril 2003 - req. n/ 44962/98 ; voir pour le commentaire, notre document “Coureuropéenne des droits de l’homme 2002-2006, arrêts concernant la France et leurs commentaires”, sous “article 6 - De la rupturede l’égalité des armes et du principe du contradictoire”.

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DE LA RUPTURE DE L’ÉGALITÉ DES ARMES ET DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

Procédures devant le Conseil d’Etat :

Roux c. France 24 avril 2006

- req. n //// 16022/02 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Les requérants, propriétaires d’un ensemble immobilier de 2 300 m² furent expropriés en1998. L’indemnité d’expropriation fut fixée à 211 440 euros. Ils firent vainement appel dujugement fixant l’indemnité et leur pourvoi fut rejeté par la Cour de cassation.

& Devant la Cour européenne, les requérants invoquaient une violation de l’article 6 § 1 et del’article 1er du Protocole n/ 1, estimant ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable dans lecadre de la procédure en fixation des indemnités d’expropriation.

Concernant l’article 1er du Protocole n/ 1 : La Cour déclare la requête irrecevable.

Concernant l’article 6 § 1 : La Cour estime que le fait que les fonctions du commissaire du Gouvernement soient

confiées au Directeur des services fiscaux ne soulève aucune question relative àl’indépendance de l’autorité judiciaire par rapport à l’exécutif. Toutefois, elle constate que “lesrequérants se sont trouvés à leurs dépens dans une configuration procédurale méconnaissantle principe de l’égalité des armes, en raison de la position et du rôle du commissaire duGouvernement dans la procédure d’indemnisation” (§ 29), en application de sa jurisprudenceYvon c. France du 24 avril 2003 4. Elle ne manque pas de noter le revirement de jurisprudencede la Cour de cassation par son arrêt du 2 juillet 2003 et la modification réglementaireintervenue par décret n/ 2005-467 du 13 mai 2005, portant modification du code del’expropriation pour cause d’utilité publique, mais pour constater que l’un et l’autre sontpostérieurs à la présente affaire. Elle conclut ainsi à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1.

N Observations :

T R. Hostiou : “Un commissaire du gouvernement peut-il en dissimuler un autre ? AprèsMartinie, l’arrêt Roux c. France”, in : Actualité Juridique de Droit Administratif, 17 juillet 2006,p. 1441-1445.

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5 CEDH, Kress c. France du 07 juin 2001 - req. n/ 39594 et CEDH, Martinie c. France, arrêt de Grande chambre du 12avril 2006 - req. n/ 58675/00 (voir pour ce dernier arrêt, notre document, “Cour européenne des droits de l’homme 2002-2006",IIème partie : “Commentaire des arrêts de la CEDH 2002-2006, sous « Résumés de commentaires d’arrêts »”)

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Bassien-Capsa c. France26 septembre 2006

- req. n //// 25456/02 - - violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

& La requérante exerçait la profession d’aide-soignante auprès des Hôpitaux Saint-Denis.En septembre 1990, elle intenta plusieurs procédures administratives à la suite de sa radiationdes cadres de l’hôpital.

& Invoquant l’article 6 § 1, la requérante dénonçait entre autres l’iniquité de la procédure devantle Conseil d’Etat du fait notamment de la participation du commissaire du gouvernement audélibéré de la formation de jugement.

& La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 du fait de la participation ducommissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d’Etat.

R Voir également : CEDH, Bonifacio c. France, 10 octobre 2006, req. n/ 18113/02

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CED Viandes et autre c. France 27 juillet 2006- req. n //// 77240/01 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

& Invoquant l’article 6 § 1, les requérantes, deux sociétés françaises, se plaignaient de laparticipation du commissaire du gouvernement aux délibérés devant les juridictionsadministratives et ce, qu’il s’agisse d’une participation active ou d’une simple présence passive.

& La Cour, rappelant ses arrêts Kress c. France et Martinie c. France 5, estime que la seuleprésence du commissaire du gouvernement au délibéré des juridictions administratives, quecelle-ci soit «active » ou « passive », et conclut à l’unanimité qu’elle constitue une violation del’article 6 § 1.

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Martinie c. France, 12 avril 2006 (Arrêt de Grande Chambre)

- req. n //// 58675/00 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant était, à l’époque des faits, l’agent comptable d’un lycée. En 1997, la chambrerégionale des comptes d’Aquitaine constitua le requérant débiteur dudit lycée pour les sommesde 191 893,09 francs (29 253,91 euros), 11 407,75 francs (1 739,10 euros) et 17 806,60 francs(2 714,59 euros), assorties d’intérêts correspondant à des paiements qu’il avait effectués en sa

6 Arrêt CEDH Pellegrin c. France, Grande chambre, 8 décembre 1999, req. n/ 28541/95

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qualité de comptable public de cet établissement. En appel, devant la Cour des comptes, le montant dû fut ramené à environ 191 900 francs(2 9254,96 euros), et le Conseil d’Etat déclara le pourvoi formé par le requérant « non-admis ».

& Invoquant l’article 6 § 1, le requérant dénonçait l’iniquité de la procédure devant la Cour descomptes, résultant selon lui du défaut de communication, avant l’audience, du rapport duconseiller rapporteur (alors que ce rapport avait été communiqué au ministère public) et de laparticipation de ce dernier au délibéré de la formation de jugement. Par ailleurs, il se plaignait de n’avoir pas été convoqué à l’audience, de n’avoir pu y présenterses observations, de n’avoir pas été informé de la date de l’audience et dénonçait le caractèrenon public de celle-ci. Enfin, le requérant critiquait la participation du commissaire du gouvernement au délibéré duConseil d’Etat.

Concernant l’applicabilité de l’article 6 § 1 : La Cour, faisant application de sa jurisprudence Pellegrin 6 relève que le requérant, de

par son emploi, ne participait pas à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions visantà sauvegarder les intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités publiques à l’emploiconfié, et rejette ainsi l’exception préliminaire du Gouvernement pour retenir l’application del’article 6 § 1 au litige.

Procédure devant la Cour des comptes :- S’agissant de l’absence de publicité des débats devant la Cour des comptes, la Cour

rappelle “que la publicité des procédures judiciaires protège les justiciables contre une justicesecrète échappant au contrôle du public et constitue l’un des moyens de préserver la confiancedans les cours et tribunaux” (§ 39), et note que ni les débats devant la chambre régionale descomptes, ni ceux devant la Cour des comptes statuant en appel, ne sont publics. Elle admetque tant que la procédure se limite au contrôle des comptes, l’article 6 § 1 ne fait pas obstacleà ce qu’elle se déroule à huis clos, et ce en raison de la technicité des débats liés au contrôledes écritures comptables (qui se prête en principe mieux à des écritures qu’à des plaidoiries).Elle considère cependant que si cette procédure aboutit à la mise en débet du comptable publicconcerné, sa situation patrimoniale est directement en cause. Dans ce cas, il est donccompréhensible que ce dernier “puisse voir dans le contrôle du public une condition nécessaireà la garantie du respect de ses droits dont il devrait pouvoir bénéficier au moins au stade del’appel” (§ 43).La Cour juge ainsi “essentiel que les comptables publics se voient offrir la possibilité de solliciterune audience publique devant la Cour des comptes lorsque celle-ci est saisie en appel d’unjugement de première instance les mettant en débet ; en l’absence d’une telle demande,l’audience pourrait rester non publique eu égard à la technicité des débats” (§ 44). M. Martinie n’ayant pas eu la possibilité de solliciter la tenue de débats publics devant la Courdes comptes, la Cour européenne conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de laConvention.

- S’agissant de l’équité de la procédure, les juges de Strasbourg relèvent l’existence d’undéséquilibre au détriment du comptable public, du fait de la place du procureur. En effet, leProcureur général, pour diverses raisons, (sa présence à l’audience, sa participation auxdébats, la possibilité pour lui d’exprimer oralement son propre point de vue sans être contreditpar le comptable) combinées avec l’autorité que lui confèrent ses fonctions, est à mêmed’influencer la décision de la formation de jugement sur le débet dans un sens éventuellementdéfavorable au comptable.

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- S’agissant de la transmission du rapport du rapporteur au procureur, à l’exclusionnotamment du comptable, la Cour estime qu’elle “est problématique, dès lors que ce rapportcomporte un avis sur le fond, y compris la question du débet, et que, exclu de surcroît del’audience, le comptable n’a, lui, pas la possibilité de s’exprimer sur l’avis du rapporteur” (§ 48).Ce déséquilibre se trouve accentué, selon la Cour, par le fait que l’audience n’est pas publiqueet se déroule en conséquence en dehors de tout contrôle non seulement du comptableconcerné mais aussi du public. La violation de l’article 6 § 1 est ainsi constatée sur ce pointégalement.

Procédure devant le Conseil d’Etat :Concernant à la participation du commissaire du gouvernement au délibéré de la

formation de jugement du Conseil d’Etat, le gouvernement précise l’évolution de la pratique etdes textes depuis l’arrêt Kress, en indiquant que le Président de la section du contentieux duConseil d’Etat a pris, les 23 novembre 2001 et 13 novembre 2002, deux instructions aux termesdesquelles le commissaire du gouvernement peut assister au délibéré mais ne peut intervenirdans celui-ci en prenant la parole, la seconde de ces instructions le qualifiant ainsi de « témoinmuet » ; il expose qu’un décret (n/ 2005-1586) reprenant ces modalités nouvelles a été publiéau journal officiel le 20 décembre 2005, ajoutant en particulier un article R. 731-7 au code dejustice administrative aux termes duquel « le commissaire du Gouvernement assiste audélibéré ; il n’y prend pas part ». La Cour répond qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre présence « passive » et « active » ducommissaire du gouvernement et qu’elle a condamné la présence du procureur général adjointau délibéré de la Cour suprême portugaise, quand bien même il n’y disposait d’aucune voixconsultative ou autre (arrêt Lobo Machado, 20 février 1996). Sur le fondement de la « théoriedes apparences » la Cour confirme sa jurisprudence antérieure en la matière, selon laquelleune telle participation emporte violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

< A noter : la déclaration du Président Wildhaber, l’opinion concordante commune des jugesTulkens, Maruste et Fura-Sandström et l’opinion en partie dissidente commune des jugesCosta, Caflisch et Jungwiert sont annexées à l’arrêt.

N Doctrine :

T Laurent Benoiton : “L’affaire Martinie c. France ou l’impossible « dialogue des juges »”, notesous arrêt, in : Les Petites affiches, 21 juin 2006, p. 12.

T Laurent Sermet : “L’arrêt Martinie c. France : un arrêt de Grande chambre? Assurément ; ungrand arrêt ? non”, note sous arrêt, in : Revue française de droit administratif, mai-juin 2006,p. 577.

T Frédéric Sudre : “La condamnation de la France pour assistance du Commissaire dugouvernement au délibéré”, note sous arrêt, in : Revue française de droit administratif, mars-avril 2006, p. 305.

T Thibault Guillemin : “Le commissaire du Gouvernement et le délibéré : suite et fin”, in : LeDalloz 2006, 27 avril 2006, p. 1121.

T M-C de Montcler : “La Cour européenne des droits de l’homme maintient sa jurisprudenceKress”, note sous arrêt, in : Le Dalloz 2006, 27 avril 2006, p. 1129.

T Frédéric Sudre : “Équité de la procédure et jugement des comptes des comptables publicspar la Cour des comptes”, Chronique Droit de la Convention européenne des droits de l'homme,in : JCP, éd. générale, 2006, I 164, n/ 31, p. 15-20.

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T Xavier Cabannes, “La raison du plus fort est toujours la meilleure” - Note sous l’arrêt Martiniec. France de la Cour européenne des droits de l’homme du 12 avril 2006, in : Revue françaisedes finances publiques, 2006, n/ 95, p. 209-217.

T Eric Thevenon, “Quelles sont les répercussions de l’article 6 § 1 de la CEDH sur la procédurede jugement des comptes produits par les comptables publics aux juridictions financières ?”,in : Bulletin juridique des collectivités locales, 2006, n/ 7, p. 511-520.

T Frédéric Rolin, “Ni revirement, ni cantonnement, ni clarification, de la jurisprudence Kress,l’arrêt Martinie c. France : une occasion manquée”, in : Actualité juridique de droit administratif,2006, n/ 18, p. 986-992.

T Joël Andriantsimbazovina, “L'européanisation forcée de l'organisation et du fonctionnementdes juridictions des comptes et des juridictions administratives : la méthode en question . - Àpropos de l'arrêt Martinie c/ France”, in : La Semaine Juridique Administrations et Collectivitésterritoriales, n/ 24, 12 juin 2006, p.1131.

T Serge Deygas, “Il se confirme que le Commissaire du Gouvernement ne peut assister, mêmepassivement, au délibéré”, in : Procédures, 2006, n/ 6, p. 56-58.

T Fabrice Melleray, “Les derniers épisodes du psychodrame relatif à la présence duCommissaire du Gouvernement au délibéré ?”, in : Les Petites affiches, 28 novembre 2006, n/237, p. 5-7.

R Voir également :

CEDH, Poulain de Saint-Père c. France du 28 novembre 2006 - req. n/ 38718/02 : La Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 du fait de la présence du commissairedu gouvernement au délibéré du Conseil d’Etat. Elle conclut à la non violation de l’article 6 § 1concernant l’impossibilité de répondre aux conclusions du commissaire du gouvernement et del’absence d’audience publique.

CEDH, Courty et autres c. France du 3 octobre 2006 - req. n/ 15114/02 ;CEDH, Cosson c. France du 18 juillet 2006 - req. n/ 38498/06 ;CEDH, Farange c. France du 13 juillet 2006 - req. n/ 77575/01 ;CEDH, SARL du parc d’activités de Blotzheim c. France du 11 juillet 2006 - req. n/ 72377/01 ;CEDH, Malquarti c. France du 20 juin 2006 - req. n/ 39269/02 ;CEDH, Syndicat national des professionnels des procédures collectives c. France du 20 juin2006 - req. n/ 70387/01.

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DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Requête n //// 28796/05 Cesare BATTISTI c. France

12 décembre 2006

N Synthèse :

& Le requérant, ressortissant italien, alors en fuite dans le cadre d’une autre affaire, futcondamné en 1988 par la Cour d’assises de Milan à la réclusion criminelle à perpétuité pourquatre homicides, selon la procédure de contumace. Réfugié en France, le requérant fait l’objetd’un décret d’extradition pris en octobre 2004 suite au renouvellement de la demande

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d’extradition des autorités italiennes. Le requérant saisit le Conseil d’Etat d’un recours enannulation de ce décret soutenant que les condamnations dont il avait fait l’objet en Italien’avaient pas été prononcées dans le respect des exigences du procès équitable dès lorsqu’elles avaient été infligées selon la procédure de contumace, laquelle n’accorde pas à lapersonne condamnée en son absence le droit à être jugé à nouveau. Le Conseil d’Etat rejetala requête au motif que le requérant devait être « regardé comme ayant manifesté de manièrenon équivoque sa volonté de renoncer à comparaître en personne devant ses juges et de sesoustraire à la justice » du fait notamment qu’il avait bénéficié de la défense d’avocats à tousles stades de la procédure et qu’il avait une connaissance directe, effective et précise despoursuites engagées contre lui, de leur déroulement et des dates du procès. Le Conseil d’Etatconclut dès lors que le requérant n’était « pas fondé à soutenir qu’en accordant son extraditionaux autorités italiennes (...), le décret attaqué aurait été pris dans des conditions contraires àl’ordre public français, aux stipulations de l’article 6 § 1 de la CEDH (...) ».

& Invoquant l’article 6 § 1, le requérant se plaignait d’une part de ce que son extradition versl’Italie porterait atteinte à son droit à un procès équitable - il se plaignait d’avoir été condamnéà l’emprisonnement à perpétuité par contumace sans avoir été dûment informé des motifs del’accusation portée contre lui, et de n’ avoir pas eu l’opportunité de présenter valablement sadéfense -, et d’autre part, de ne pouvoir bénéficier d’un nouveau procès.

& La Cour européenne rappelle que “la renonciation au droit de prendre part à l’audience doitse trouver établie de manière non équivoque et s’entourer d’un minimum de garantiescorrespondant à sa gravité”.Elle estime néanmoins qu’il appartient aux autorités nationales d’évaluer “si les excusesfournies par l’accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés audossier permettaient de conclure que son absence était indépendante de sa volonté”.La Cour constate que le requérant était informé de l’accusation portée contre lui ainsi que dudéroulement de la procédure devant les juridictions italiennes, notamment par le fait qu’il avaitdésigné par deux courriers, deux avocats pour le représenter devant les instances judiciaireset qu’il avait confirmé le choix de Me P. comme défenseur par une troisième lettre. La Courrelève également que le requérant était informé du rejet de son pourvoi par la cour suprême decassation italienne. En outre, elle observe que le requérant n’a pas informé les autorités desdifficultés qu’il aurait rencontrées pour la préparation de sa défense.Dès lors, la Cour estime “qu’il était loisible aux autorités judiciaires italiennes d’abord, puis auxautorités françaises, de conclure que le requérant avait renoncé de manière non équivoque àson droit de comparaître personnellement et d’être jugé en sa présence”. Elle relève qu’ilressort de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat que les autorités françaises ont tenu compte “detoutes les circonstances de l’espèce et de la jurisprudence de la Cour pour faire droit à lademande d’extradition des autorités italiennes”.La Cour conclut que la requête est manifestement mal fondée et la déclare à l’unanimitéirrecevable.

N Doctrine :

T Frédéric Sudre, “Droit de la Convention européenne des droits de l’homme”, in : JCP, éd.générale, 2007, n/ 4, I 106, p. 18-23.

T Alexandre Paulin, “A propos de l’arrêt Gubler contre France de la Cour européenne des droitsde l’homme du 27 juillet 2006 : droits de l’homme, médecin, procédure disciplinaire”, in : LaGazette du Palais, 11 août 2006, p. 2592-2597.

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Philippe Houdart et Jérôme Vincent c. France 6 juin 2006

Requête n //// 28807/04(Commenté sous article 10, “Droit à la liberté d’expression”, p. 65 de ce document)

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7 Voir commentaire de la décision Guigue et SGEN CFDT c. France, p. 34 ce document

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Procédures devant la Cour de cassation :

Ben Naceur c. France 3 octobre 2006 - req. n //// 63879/00 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -N Synthèse :

& Le 22 février 1999, le requérant, ressortissant tunisien, fût condamné à sept ansd’emprisonnement et à l’interdiction définitive du territoire français pour trafic de stupéfiant enrécidive légale par le tribunal correctionnel de Lyon.Ni le requérant, ni le procureur de la République ne firent appel de ce jugement dans les délaisimpartis. Toutefois, le procureur général, le 16 mars 1999, interjeta appel en application del’article 505 du code de procédure pénale qui ouvre à celui-ci un délai d’appel de deux mois àcompter du jugement correctionnel.La Cour d’appel de Lyon confirma le jugement du tribunal correctionnel mais porta à 12 ans lapeine d’emprisonnement du requérant. Celui-ci se pourvut en cassation mais la chambrecriminelle, par un arrêt du 15 mars 2000, rejeta son pourvoi.

& Le requérant invoquait l’article 6 § 1 soutenant que le fait que le procureur général disposed’un délai plus long pour interjeter appel d’un jugement correctionnel ainsi que l’impossibilitépour lui de former un appel incident emportaient violation du principe d’égalité des armes entreles parties.

< A noter : L’arrêt Ben Naceur c. France pose le problème de la conformité de l’article 505 duCode de procédure pénale avec l’article 6 §1 de la convention et plus particulièrement avec leprincipe de l’égalité des armes.

- La Cour rappelle que les exigences du procès équitable sont plus strictes en matière pénalequ’en matière civile et souligne l’enjeu de l’appel pour le requérant.- S’agissant de la différence de délai : la CEDH a déjà jugé dans une affaire antérieureconcernant une partie civile que “le fait que ce délai soit notablement plus court pour les partiesprivées que pour le procureur général, qui est d’ailleurs dans une situation différente, ne sauraitaux yeux de la Cour, placer celles-là en position de « net désavantage » par rapport à celui-ci”(décision d’irrecevabilité Guigue et SGEN CFDT c. France7 du 6 janvier 2004, § 33). Dans cetteprécédente affaire, son raisonnement reposait essentiellement sur la nature différente desactions exercées, d’une part, par les parties civiles, d’autre part, par le Parquet. Or, s’agissantd’un prévenu, une telle différence n’existe pas. - Dans la présente affaire, la Cour européenne retient l’argument du requérant tenant à seschances théoriques et illusoires d’obtenir en appel un simple acquittement ou une réduction desa peine alors que ce dernier n’avait pas lui-même relevé appel de sa condamnation et paraîtdonc avoir implicitement acquiescé à cette condamnation. Face à un appel plus tardif duministère public alors que l’accusé ne dispose plus de cette voie de recours, la Cour d’appelaurait donc tendance à aggraver sa condamnation plutôt qu’à l’alléger. La Cour considère quela faculté de la Cour d’appel d’infirmer le jugement dans un sens favorable au requérant était,bien que techniquement possible, largement illusoire dans ces circonstances. Ainsi, “le fait quele parquet bénéficie d’une prolongation du délai d’appel conjugué à l’impossibilité pour lerequérant d’interjeter un appel incident, place ce dernier dans une position de net désavantagepar rapport au ministère public, contrairement au principe de l’égalité des armes. Statuant in

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concreto, la Cour constate que celui-ci a été méconnu”. (§ 40) Même si, comme le soutenait le gouvernement, l’appel du Procureur général n’était pas, enl’espèce, limité à certains chefs du jugement, la Cour tient manifestement compte du fait quele requérant a subi une majoration importante de sa peine en appel. Elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

N Doctrine :

T Frédéric Sudre, “A propos des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme de juinà décembre 2006, droit de la Convention européenne des droits de l’homme”, in : JCP, éd.générale, 2007, n/ 4, I 106, p. 18-23.

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Bertin c. France24 mai 2006

- req. n //// 55917/00 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

&

de Luca c. France2 mai 2006

- req. n //// 8112/02 - - violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Dans ces deux affaires, les requérants dénonçaient l’iniquité de la procédure devant la Courde cassation, résultant selon eux de l’absence de communication du rapport du conseillerrapporteur et des conclusions de l’avocat général, ainsi que de la présence de ce dernier audélibéré de la Cour de cassation.

& La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 du fait de l’absence decommunication au requérant, avant l’audience, du rapport du conseiller rapporteur alors quece document avait été fourni à l’avocat général, ainsi que du sens des conclusions de l’avocatgénéral, auxquelles le requérant a donc été dans l’impossibilité de répondre, et enfin, en raisonde la présence de l’avocat général au délibéré de la Cour de cassation.

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Saint-Adam et Millot c. France2 mai 2006

- req. n //// 72038/01 - - violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& En 1992, les requérants furent assignés par le Crédit Lyonnais pour défaut de paiement desmensualités correspondant au remboursement du prêt immobilier que la banque leur avaitaccordé.

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& Ils assignèrent à leur tour la banque afin d’obtenir la nullité du prêt, car ils n’avaient pas reçu,comme l’exigeait la loi à l’époque, de tableau d’amortissement avec l’offre de prêt. Alors quel’affaire était pendante, la loi n/ 96-314 du 12 avril 1996 « portant diverses dispositions d’ordreéconomique et financier » (dont l’article 87-1 modifie, avec effet rétroactif, des dispositions ducode de la consommation relatives aux offres de prêt) entra en vigueur. La Cour de cassationcassa l’arrêt et renvoya l’affaire à la cour d’appel de Besançon, laquelle, faisant application dela loi de 1996, condamna les requérants à rembourser les sommes dues à la banque.

& Invoquant l’article 6 § 1, les requérants soutenaient que l’application rétroactive de la loi du12 avril 1996 avait porté atteinte à leur droit à un procès équitable.

& La Cour note que “l’adoption de la loi du 12 avril 1996 réglait en réalité le fond du litige etrendait vaine toute continuation des procédures” (§ 24) : on ne pouvait donc parler d’égalité desarmes entre les deux parties, l’Etat ayant donné raison à l’une d’elles en faisant adopter la loilitigieuse. Concernant la question de savoir si cette ingérence poursuivait une cause d’utilité publique, laCour rappelle qu’en principe “un motif financier ne permet pas à lui seul de justifier une telleintervention législative”, et considère qu’en l’espèce “ aucun élément ne vient étayer l’argumentdu gouvernement français selon lequel sans l’adoption de la loi litigieuse, l’impact aurait étéd’une telle importance que l’équilibre du secteur bancaire et l’activité économique en généralauraient été mis en péril .” (§ 27).L’intervention législative litigieuse n’était donc pas justifiée par d’impérieux motifs d’intérêtgénéral, et la Cour de conclure à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

< Voir également :

CEDH, Lecarpentier c. France du 14 février 2006 - req. n/ 67847/01 (commenté p. 76)CEDH, Cabourdin c. France du 11 avril 2006 - req. n/ 60796/00 (commenté p. 30)CEDH, Vezon c. France du 18 avril 2006 - req. n/ 66018/01 (commenté ci-dessous).

N Doctrine :

T Gilles Rouzet, “A propos de l’arrêt Lecarpentier c. France du 14 février 2006, Cabourdin c.France du 11 avril 2006, Vezon c. France du 18 avril 2006 et de l’arrêt Saint-Adam et Millot c.France du 11 avril 2006 : la jurisprudence de la Cour de Strasbourg au secours duconsommateur immobilier”, in : Répertoire du notariat Defrénois, 2006, n/ 13-14, p. 1102-1114.

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Vezon c. France18 avril 2006

- req. n //// 66018/01 - - violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& En 1992, les requérants furent assignés par le crédit Agricole pour défaut de paiement desmensualités correspondant au remboursement du prêt immobilier consenti par la banque.N’ayant pas reçu le tableau d’amortissement avec l’offre de prêt, conformément aux exigencesde la loi à l’époque, les requérants assignèrent à leur tour la banque en remboursement desintérêts versés. & Alors que l’affaire était pendante, est entrée en vigueur la loi n/ 96-314 du 12 avril 1996

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« portant diverses dispositions d’ordre économique et financier » dont l’article 87-1 modifie,avec effet rétroactif, des dispositions du code de la consommation relatives aux offres de prêt.Les requérants furent ainsi déboutés par la Cour d’appel de Lyon et se pourvurent vainementen cassation.

& Les requérants invoquaient une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, estimant quel’application rétroactive de la loi du 12 avril 1996 avait porté atteinte à leur droit à un procèséquitable.

& La Cour relève que l’adoption de la loi du 12 avril 1996 réglait le fond du litige et rendait vainetoute continuation des procédures, l’on ne saurait ainsi parler d’égalité des armes entre les deuxparties privées, l’Etat ayant donné raison à l’une d’elles en faisant adopter la loi litigieuse. Recherchant si cette ingérence poursuivait une cause d’utilité publique, la cour rappelle qu’enprincipe “un motif financier ne permet pas à lui seul de justifier une telle intervention législative”.Elle ne voit aucun argument venant étayer l’argument du gouvernement français selon lequelsans l’adoption de la loi litigieuse, “l’impact aurait été d’une telle importance que l’équilibre dusecteur bancaire et l’activité économique en général auraient été mis en péril” (§ 36). En conclusion, l’intervention législative n’était pas justifiée par d’impérieux motifs d’intérêtgénéral. La Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

N Doctrine :

T Gilles Rouzet, commentaire précité sous CEDH, Saint-Adam et Millot c. France, p. 29 de cedocument.

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Cabourdin c. France11 avril 2006

- req. n //// 60796/00 - - violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& En 1996, le requérant et son épouse furent assignés par la BNP pour défaut de paiement desmensualités correspondant au remboursement du prêt immobilier que la banque leur avaitconsenti. Ils assignèrent à leur tour la banque afin d’obtenir la nullité du prêt consenti, car ilsn’avaient pas reçu, comme l’exigeait la loi à l’époque, de tableau d’amortissement avec l’offrede prêt.Tandis que l’affaire était pendante, la loi n/ 96-314 du 12 avril 1996 « portant diversesdispositions d’ordre économique et financier » entra en vigueur. L’article 87-1 de cette loimodifie, avec effet rétroactif, des dispositions du code de la consommation relatives aux offresde prêt. Faisant application de cette loi, la Cour d’appel confirma le jugement de premièreinstance qui avait débouté le requérant et son épouse. Ces derniers se pourvurent en cassation,invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, en vain.

& Le requérant soutenait que l’application rétroactive de la loi du 12 avril 1996 avait portéatteinte à son droit à un procès équitable. Il invoquait les articles 6 § 1 (droit à un procèséquitable) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention.

& La Cour relève que l’adoption de la loi du 12 avril 1996 “réglait en réalité le fond du litige etrendait vaine toute continuation des procédures” (§ 33). L’Etat ayant donné raison à l’une des

8 Arrêt CEDH Stepinska c. France, 15 juin 2004 - req. n/ 1814/02

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parties en faisant adopter la loi litigieuse, on ne peut donc parler « d’égalité des armes » entreelles, relèvent les juges de Strasbourg. Même si l’Etat français n’était pas, en tant que tel, partieau litige, il était tout de même partie prenante en qualité d’actionnaire indirect dansl’établissement bancaire concerné et n’était donc pas « neutre » quant à l’issue de l’affaire.Sur la question de savoir si cette ingérence poursuivait une cause d’utilité publique, la Courrappelle qu’en principe “un motif financier ne permet pas à lui seul de justifier une telleintervention législative” et estime qu’en l’espèce, “aucun élément ne vient étayer l’argument dugouvernement français selon lequel sans l’adoption de la loi litigieuse, l’impact aurait été d’unetelle importance que l’équilibre du secteur bancaire et l’activité économique en général auraientété mis en péril” (§ 37). L’intervention du législateur n’étant donc pas justifiée par d’impérieuxmotifs d’intérêt général, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 et n’estimepas nécessaire d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 14 de la Convention.

N Doctrine :

T Frédéric Sudre, “Égalité des armes et loi rétroactive” - Note sous les arrêts Cabourdin c.France et Lecarpentier c. France de la Cour européenne des droits de l’homme du 11 avril 2006et 14 avril 2006, in : JCP, éd. générale, 2006, n/ 31-35, I 164, pp. 15-20.

T Gilles Rouzet, commentaire précité sous CEDH, Saint-Adam et Millot c. France, p. 29 de cedocument.

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Salé c. France 21 mars 2006- req. n //// 39765/04 -

- non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le pourvoi du requérant a été déclaré non admis par la chambre sociale de la Cour decassation au motif que ses moyens « n’étaient pas de nature à permettre l’admission dupourvoi », sur le fondement de l’article L. 131-6 du code de l’organisation judiciaire.

& Le requérant invoquait l'iniquité de la procédure devant la Cour de cassation (chambresociale) aux motifs, d’une part, qu’il n’avait pas eu connaissance du rapport du conseillerrapporteur, ni des conclusions de l’avocat général et n’avait pu y répondre, et d’autre part, quela décision de la Cour de cassation n’était pas motivée.

Sur le premier grief : La Cour note d’emblée que le pourvoi du requérant ne s’inscrit pas dans la catégorie des

pourvois irrecevables mais dans ceux non fondés sur un moyen sérieux de cassation. Se posealors la question de la transposition de la solution dégagée dans l’arrêt CEDH, Stepinska c.France 8 au cas d’espèce. “De l’avis de la Cour, dès lors qu’un pourvoi est orienté vers une formation de non-admissionet qu’il se conclut par une décision de non-admission rendue par une telle formation, le degréde débat juridique portant sur le mérite du pourvoi s’en trouve sensiblement réduit puisque,selon les termes mêmes de l’article L. 131-6 (...), la formation de trois magistrats de la chambreà laquelle l’affaire est attribuée « statue lorsque la solution du pourvoi s’impose », que celui-cirelève des pourvois irrecevables ou de ceux manifestement dénués de fondement (ce qui

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revient d’ailleurs au même)” (§19). Rappelant que la Convention ne vise pas à protéger des droits purement théoriques ouillusoires, la Cour conclut que : “rien ne fait obstacle à ce que la Cour transpose au casd’espèce les principes issus de l’affaire Stepinska c. France”. Dans cette dernière affaire,s’agissant d’un pourvoi jugé irrecevable comme dirigé contre un jugement ne mettant pas finau litige, les juges européens avaient pris en considération les spécificités de la procédured’admission des pourvois tel qu’instaurée par l’article L. 131-6 modifié du code de l’organisationjudiciaire. Constatant que le pourvoi de la requérante “relevait manifestement des pourvois immédiatsinterdits par les articles 607 et 608 du nouveau code de procédure civile, et ne pouvait, parconséquent, être admis”, la Cour répondait avec pragmatisme, qu’on ne pouvait admettre uneviolation de l’article 6 § 1 de la Convention, “sauf à reconnaître à la requérante un droit sansréelle portée ni substance” (§ 18 de l’arrêt Stepinska), puisque la solution juridique retenue neprêtait pas à discussion. Il restait à savoir si un pourvoi déclaré non-admis pour défaut demoyen sérieux aurait le même sort : c’est ce que tranche la présente affaire, dans le mêmesens que l’arrêt Stepinska.

Sur le second grief : S'agissant de la motivation de la décision, la CEDH, se réfère à sa jurisprudence Burg

et autres c. France du 28 janvier 2003 - req. n/ 34763/02, selon laquelle la Cour de cassationne manque pas à son obligation de motivation lorsqu’elle se fonde uniquement sur unedisposition légale spécifique, en l’occurrence l’article L. 131-6 du code précité, pour écarter unpourvoi comme dépourvu de chance de succès, sans plus de précision. Elle écarte donc legrief.La Cour conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

< A noter : L’opinion séparée de Mme la juge Mularoni, sur la recevabilité de la requête,annexée à l’arrêt.

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Vesque c. France 7 mars 2006- req. n //// 3774/02 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Dans cette affaire, le requérant dénonçait l’iniquité de la procédure devant la Cour decassation. Il se plaignait de l’absence de communication avant l’audience du rapport duconseiller rapporteur et des conclusions de l’avocat général et de la présence de celui-ci audélibéré. De plus, il estimait avoir été victime d’une différence de traitement injustifiée parrapport à un demandeur représenté par un avocat aux conseils et invoquait ainsi une violationde l’article 6 § 1 combiné avec l’article 14 de la Convention.

& En premier lieu, la Cour estime que le délai dont a bénéficié le requérant pour déposer sonmémoire ampliatif n’a pas violé ses droits garantis par l’article 6 § 1 et conclut donc, àl’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de cet article sur ce point.Elle relève, en second lieu, que le sens des conclusions de l’avocat général lui ayant étécommuniqué, le requérant a pu, dès lors, y répondre par écrit et a ainsi bénéficié d’un examenéquitable de sa cause et qu’il n’y a donc pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention surce point (unanimité).

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& En revanche, la Cour, conformément à sa jurisprudence constante, estime à l’unanimité quela non communication au requérant, avant l’audience, du rapport du conseiller rapporteur alorsque ce document avait été fourni à l’avocat général, constitue une violation de l’article 6 § 1,estimant que cette situation crée un déséquilibre incompatible avec les exigences du procèséquitable. & Pour finir, la Cour prend acte des nouvelles pratiques mises en place à la Cour de cassation,lesquelles tendent à ce que les avocats généraux, depuis le 1er octobre 2001, ne participentplus à la conférence préparatoire de l’audience et n’assistent plus aux délibérés. Elle tient pouracquis que l’avocat général n’était pas présent au délibéré. Elle conclut ainsi, sur ce point, àl’unanimité à la non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

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André c. France28 février 2006- req. n //// 63313/00 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

&

Brenière c. France28 février 2006- req. n //// 62118/00 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

&

Deshayes c. France28 février 2006- req. n //// 66701/01 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

& Dans ces arrêts, la Cour rappelle que “le défaut de communication au requérant ou à sonconseil, avant l’audience, du rapport du conseiller rapporteur alors que ce document avait étéfourni à l’avocat général, crée un déséquilibre incompatible avec les exigences du procèséquitable”. Dès lors, elle conclut, dans ces trois affaires, à la violation de l’article 6 § 1 de laConvention sur ce point.Dans l’arrêt Deshayes c. France, elle conclut par ailleurs, à l’unanimité, à la violation de l’article6 § 1 en raison de la présence de l’avocat général au délibéré de la Cour de cassation.

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Gouget et autres c. France24 janvier 2006

- req. n //// 61059/00 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& La France est condamnée par la Cour européenne pour violation de l’article 6 § 1 de la

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Convention, d’une part, du fait de l’absence de communication aux requérants, avant l’audienceet du rapport du conseiller rapporteur, alors que ce document avait été fourni à l’avocat général,d’autre part, en raison de la non-communication du sens des conclusions de l’avocat général,auxquelles les requérants n’ont donc pu répondre, et enfin en raison de la présence de l’avocatgénéral au délibéré de la Cour de cassation.

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R Voir également :

CEDH, Hostein c. France du 18 juillet 2006 - req. n/ 76450/01 : Invoquant l’article 6 § 1, le requérant se plaignait de l’iniquité de la procédure devant la Cour decassation, dans le cadre d’une procédure de divorce, en ce qu’il n’avait pas eu communicationdu rapport du conseiller rapporteur avant l’audience alors que ce document aurait été transmisà l’avocat général.La Cour rappelle que “l’absence de communication au requérant, avant l’audience, du rapport duconseiller rapporteur, alors que ce document a été fourni à l’avocat général ne s’accorde pas avecles exigences du procès équitable” (§ 35) et conclut dès lors, à l’unanimité, à la violation del’article 6 § 1 de la Convention.

CEDH, Mourgues c. France du 19 décembre 2006 - req. n/ 18592/03CEDH, Louis c. France du 14 novembre 2006 - req. n/ 44301/02CEDH, Vuillemin c. France du 19 septembre 2006 - req. n/ 3211/05CEDH, Sassi c. France du 27 juin 2006 - req. n/ 19617/02CEDH, Joye c. France du 20 juin 2006 - req. n/ 5949/02.

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DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Guigue et SGEN-CFDT ,6 janvier 2004

Requête n //// 59821/00

N Synthèse :

Les requérants, parties civiles dans un contentieux pénal, n’avaient pas fait appel du jugementdu tribunal correctionnel qui leur allouait des dommages et intérêts, alors que le procureurgénéral près la Cour d’appel de Paris avait ultérieurement interjeté appel de ce jugement dansle délai de deux mois ouvert par les dispositions de l’article 505 du code de procédure pénale.Elles soutenaient que le rejet de leur appel jugé irrecevable en application de ce même article505 du code de procédure pénale et le rejet de leur pourvoi en cassation par arrêt du 29 février2000 sur ce même fondement constituaient une violation du principe d’égalité des armes.En réservant au seul Procureur général un droit d’appel dans un délai de deux mois à compterdu jugement correctionnel, délai plus long que celui réservé aux autres parties, et en empêchantles parties civiles d’exercer un appel incident, il y aurait eu, selon elles, déséquilibre entre lesparties au procès.La Cour, sans trancher la question de l’applicabilité de l’article 6 § 1 à la procédure litigieuse,écarte le grief.Elle rappelle que, selon sa jurisprudence, l’une des exigences d’un procès équitable est« l’égalité des armes », qui “ne dépend pas d’une absence d’équité supplémentaire, quantifiableet liée à une inégalité de procédure. C’est aux parties qu’il appartient d’apprécier si lesobservations méritent réaction et il est inacceptable qu’une partie remette des observations àl’insu de l’autre et sans possibilité pour cette dernière d’y répondre”. Elle précise que cetteexigence “vaut en principe aussi bien au civil qu’au pénal” (voir Dombo Beheer B.V. c.

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Pays-Bas, arrêt du 27 octobre 1993 - req. n/ 14448/88).La Cour estime que le délai d’appel de dix jours, s’il est bref, ne prive pas les requérantes dela possibilité d’exercer utilement cette voie de recours. “Le fait que ce délai soit notablementplus court pour les parties privées que pour le procureur général, qui est d’ailleurs dans unesituation différente, ne saurait, aux yeux de la Cour, placer celles-là en position de « netdésavantage » par rapport à celui-ci, au sens de l’arrêt De Haes et Gijsels (...), en admettantmême que le procureur général puisse être regardé comme leur « adversaire » au sens dumême arrêt”.

Enfin, les juges de Strasbourg soulignent que l’intervention du procureur général vise la défensede l’intérêt général, contrairement à l’action des parties civiles qui porte sur des intérêts privés.“si la constitution de partie civile par voie principale met en mouvement l’action publique, l’actioncivile exercée par les requérantes demeure une action en réparation du dommage causé parl’infraction, et l’appel qu’elles auraient pu interjeter ne concernait que les intérêts civils. Une telleaction est fondamentalement distincte de celle dévolue au procureur général, représentant dela puissance publique chargé de la défense de l’intérêt général, laquelle, par nature, ne porteque sur les dispositions pénales”.

vvvv vvvv vvvvvvvv vvvv vvvv

9 CEDH, Annoni di Gussola et Debordes et Omer c. France du 14 novembre 2000 - req. n/ 31819/96 et CEDH, Carabassec. France du 18 janvier 2005 - req. n/ 59765/00 (voir pour commentaire de ce dernier arrêt, notre document “Cour européenne desdroits de l’homme 2002-2006, arrêts concernant la France et leurs commentaires”, sous “article 6 - Du droit d’accès à un tribunal”.

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DU DROIT D’ACCÈS A UN TRIBUNAL

Ong c. France14 novembre 2006

- req. n //// 348/03 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant, gérant d’une société à responsabilité limitée, fut reconnu personnellementresponsable de fautes graves de gestion ayant entraîné des redressements fiscaux etcondamné en conséquence, le 10 avril 1996, par le Tribunal de commerce, à verser à la sociétéla somme d’environ 640 438 euros au titre des dommages et intérêts. Cette condamnation futconfirmée en appel.Le requérant forma un pourvoi en cassation. Le 20 janvier 2000, la société, représentée parMaître D, sollicita le retrait du pourvoi du rôle de la Cour de cassation, en vertu des dispositionsde l’article 1009-1 du nouveau code de procédure civile. Par une ordonnance 15 mars 2000,le pourvoi fut retiré au motif que le requérant n’avait pas exécuté la condamnation prononcéepar la cour d’appel.Le 15 mars 2002, le requérant déposa une nouvelle requête aux fins de faire rétablir son affaireau rôle de la Cour de cassation, faisant notamment valoir que son pourvoi n’avait été retiré durôle que sur la base d’informations inexactes fournies trop tardivement pour pouvoir y répondre.Le 26 juin 2002, la demande du requérant fut rejetée par la Cour de cassation aux motifs que :« les quelques paiements partiels effectués au profit de l’un des créanciers, et qui ont laisséintacte la dette très importante vis-à-vis de l’autre, ne constituent pas des éléments nouveauxde nature à faire revenir sur la décision de retrait du rôle ».

& Invoquant les articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de laConvention, le requérant se plaignait de la radiation de son pourvoi du rôle de la Cour decassation, comme d’une atteinte à son droit d’accès à la Cour de cassation, et donc à son droità un recours effectif.

& La Cour de Strasbourg rappelle sa jurisprudence en la matière et notamment les arrêtsAnnoni di Gussola et autres c. France et dernièrement, Carabasse c. France 9 : pour appréciersi les mesures de retrait s’analysaient en une entrave proportionnée au droit d’accès à la Hautejuridiction, elle a retenu les critères suivants : les situations matérielles respectives desrequérants, le montant des condamnations et l’effectivité de leur examen par le PremierPrésident dans son appréciation des possibilités d’exécution de l’arrêt frappé de pourvoi. Par la suite, la Cour européenne, dans son appréciation, a également pris en compte le fait que“les ordonnances de retrait du pourvoi et de refus de le réinscrire n’étaient pas suffisammentmotivées et ne permettaient pas de s’assurer que le requérant avait bénéficié d’un exameneffectif et concret de sa situation (voir Mortier c. France, n/ 42195/98, §§ 36-37, 31 juillet 2001)”.Elle retient enfin “l’âge particulièrement avancé du requérant (Carabasse c. France précité,§ 59), ou la carence de celui-ci à fournir au premier président les éléments lui permettantd’apprécier si le retrait du pourvoi était manifestement excessif et sans rapport deproportionnalité (voir Durreche c. France (déc.), n/ 59521/00, 7 septembre 2004)” (§ 38).En l’espèce, la Cour relève que “le montant de la condamnation mise à la charge du requérantest substantiel (640 438 euros environ à titre principal, auxquels il faut ajouter plusieurs milliers

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d’euros au titre de l’article 700 du NCPC) [...]. Un tel montant excluait sans conteste l’exécutionintégrale et immédiate par le requérant de l’arrêt d’appel attaqué” (§ 39). Au vu des pièces produites par le requérant lors de sa demande de réinscription au rôle, la Courestime que les charges du requérant étaient importantes alors que son revenu mensuel étaitmodeste et que tous ses biens immobiliers étaient à l’époque indisponibles, car grevésd’hypothèques ou saisies. La Cour en déduit que “le rapport entre les ressources du requérantet ne serait-ce que l’unique montant de la condamnation en principal hors intérêts de retard, fontapparaître une disproportion manifeste (voir sur ce point Carabasse c. France précité, § 57)”(§ 40). Relevant enfin que le requérant avait manifesté la volonté d’exécuter la décision decondamnation, elle “estime dès lors que la non-exécution de l’arrêt vis-à-vis de l’administrateurde la société ne peut être considérée comme l’élément fondamental dans cette affaire”. Enfin, la Cour “note que l’ordonnance de retrait du 15 mars 2000, bien qu’elle soit motivée, nefait pas apparaître la note en délibéré du 1er mars 2000 qui conteste, point par point, le contenudes observations complémentaires déposées le 18 février 2000. Pareillement, l’ordonnance du26 juin 2002 constatant la péremption de l’instance ne vise ni le mémoire de Maître M. du 28mai 2002 ni le mémoire en réplique du requérant du 31 mai 2002, et ne semble pas répondreà tous les arguments présentés par ce dernier” (§ 42). La Cour conclut à l’unanimité “que la décision de radiation du pourvoi du requérant du rôle dela Cour de cassation a constitué une mesure disproportionnée au regard des buts visés, et quel’accès effectif de l’intéressé à la Haute juridiction s’en est trouvé entravé” (§ 43).

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Cour c. France3 octobre 2006

- req. n //// 44404/02 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& L’époux de la requérante, se trouvant dans l’impossibilité de rembourser un prêt souscritauprès du Crédit Commercial de France, actionna en justice la requérante qui s’était portéecaution pour ce prêt. La Cour d’appel de Besançon confirma la condamnation de la requéranteau remboursement du prêt. Celle-ci se pourvut en cassation.Son pourvoi fut retiré du rôle au motif qu’elle n’avait pas exécuté la condamnation prononcéepar la cour d’appel (article 1009-1 du code de procédure civile).

& Devant la Cour européenne, la requérante invoquait la violation de son droit d’accès à untribunal, du fait de la décision de retrait du rôle de son pourvoi en cassation en date du 17novembre 1999, prise en application de l’article 1009-1 du NCPC, et du rejet de ses requêtesultérieures en réinscription. Rappelant ses jurisprudences Annoni di Gussola et Debordes et Omer c. France et Carabassec. France, la Cour indique que “dans ce type d’affaire, il lui appartient de rechercher si leplaignant se trouvait dans une situation telle qu’elle excluait l’exécution de la condamnationfinancière mise à sa charge, et souligne que cet examen ne se limite pas au moment de lademande de retrait du pourvoi mais s’étend également à toute l’instance lorsque, comme enl’espèce, des demandes en réinscription du pourvoi qui auraient pu aboutir à son rétablissementont été formulées en cours d’instance” (§ 42). Notant qu’une demande d’aide juridictionnelle auprès du bureau près la Cour de cassation pourdes ressources à hauteur de 541 euros avait été formulée par la requérante, la coureuropéenne relève que cette dernière avait à charge son époux et ne percevait en moyenne

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qu’un faible salaire mensuel, et se trouvait donc, tout au long de la procédure en cause, dansl’impossibilité totale de payer l’intégralité du montant de la condamnation infligée. La Cour souligne la nette disproportion existante entre la situation matérielle de la requéranteet la somme due au titre de la décision frappée de pourvoi : 286 000 FRF, soit 43 598 euros,hors intérêts de retard.Elle prend en compte, s’agissant de la volonté de la requérante d’exécuter l’arrêt attaqué, leversement par cette dernière du prix de vente de son habitation principale ainsi que le paiementd’une somme de 32 742 FRF (4 991 euros), tout en soulignant que ces faits sont antérieurs àl'arrêt de la Cour d'appel attaqué ; elle relève également l’existence d’une saisie sur salaire,rendant impossible pour la requérante le versement de somme supplémentaire. Elle conclut“que la décision de radiation du pourvoi de la requérante du rôle de la Cour de cassation aconstitué une mesure disproportionnée au regard des buts visés, et que l’accès effectif del’intéressée à la haute juridiction s’en est trouvé entravé” (§ 45). A l’unanimité, la violation del’article 6 § 1 de la Convention est retenue.

N Doctrine :

T Frédéric Sudre, “A propos des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme de juinà décembre 2006, droit de la Convention européenne des droits de l’homme”, in : JCP, éd.générale, 2007, n/4, I 106, p. 18-23.

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Labergère c. France 26 septembre 2006

- req. n //// 16846/02 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant purge actuellement une peine de 18 années de réclusion criminelle à laquelleil a été condamné pour homicide volontaire le 9 octobre 2001. Le 12 octobre 2001, il fut hospitalisé d’office dans un centre psychothérapeutique où il demeurajusqu’au 19 octobre. Le 24 octobre 2001, son avocat fit appel de la condamnation en précisantque son client, qui était à l’isolement, n’avait pu régulariser l’appel dans le délai prévu par la loi.Relevant que le recours n’avait pas été introduit par le requérant dans le délai légal de dix jourssuivant le prononcé de l’arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation le déclarairrecevable.

& Considérant avoir été privé du droit d’accès à un tribunal du fait de l’impossibilité matériellede régulariser sa déclaration d’appel, le requérant invoquait l’article 6 de la Convention.

& La Cour, “compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, et notamment de l’enjeupour le requérant et de la nécessaire prise en compte de sa situation médicale, (...) considèreque l’application qui a été faite, en l’espèce, des règles de droit interne, et notamment desarticles 380-1 et suivants du code de procédure pénale, par la Cour de cassation constitue uneapplication particulièrement rigoureuse d’une règle procédurale, qui a porté atteinte à son droitd’accès à un tribunal, dans son essence même” (§ 23). Dès lors, elle conclut à l’unanimité à laviolation de l’article 6 § 1 de la Convention.

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Nedzela c. France 27 juillet 2006 - req. n //// 73695/01 -

- non violation de l’article 6 § 1 de la Convention - N Synthèse :

& Le requérant, directeur de la Société nouvelle d’édition et de publication (SNEP), se vitconfier en 1989 la conception des campagnes de communication municipale de l’Officemunicipal nantais d’information et de communication (association composée de membres dela municipalité et dirigée par le maire et le directeur de la communication de la ville de Nantes,ses ressources étant exclusivement d’origine publique et municipale), et notamment l’éditiondu magazine « Nantes passion ».En 1994, la chambre régionale des comptes alerta le parquet sur l’attribution de l’impressionet de la diffusion du journal municipal et de sa régie publicitaire à la seule SNEP, « sans appelécrit à la concurrence, ni contrat écrit autre que celui concernant la régie publicitaire ».

& En décembre 1997, le maire et le directeur de la communication de la municipalité furentdéclarés coupables du délit de favoritisme, et le requérant, déclaré coupable de recel defavoritisme fut condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et environ 30 500 id’amende. Seul ce dernier fit appel de ce jugement. Il fit tout d’abord valoir devant la courd’appel que « ni l’élément légal, ni l’élément matériel de l’infraction de favoritisme n’étaientconstitués », puis exposa ses arguments relatifs au délit de recel de favoritisme.

& La cour d’appel estima que le jugement statuant sur le délit de favoritisme était définitif, etque les arguments du requérant se heurtaient dès lors à l’autorité de la chose jugée.Elle examina ensuite les arguments relatifs au délit de recel et confirma le jugement. Saisie parle requérant qui alléguait que le jugement ne pouvait avoir force de chose jugée à son encontredès lors qu’il en avait fait appel, la Cour de cassation rejeta son pourvoi.

& Invoquant les articles 6 § 1 de la Convention et 2 du Protocole n/ 7 (droit à un double degréde juridiction en matière pénale), le requérant soutenait n’avoir pas bénéficié d’un procèséquitable, la cour d’appel ayant considéré que le jugement de première instance avait acquisl’autorité de la chose jugée. Le Gouvernement a admis qu’il était exact que, contrairement à ce que la cour d’appel a énoncédans son arrêt, le jugement du tribunal correctionnel ne pouvait avoir autorité de chose jugéeà l’encontre du requérant. En effet, le fait que les auteurs de l’infraction principale n’aient pasrelevé appel du jugement n’avait pas pour effet de faire acquérir à la décision l’autorité de chosejugée à son égard. Il soutenait toutefois, que si la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi durequérant contre l’arrêt de la Cour d’appel, c’est parce que cette dernière avait, malgré tout,caractérisé dans tous ses éléments le délit principal, l’arrêt de la cour d’appel ayant rappelé endétail les éléments de fond relatifs à la commission des infractions principales et repris et étudiéde façon très détaillée l’argumentation du tribunal de grande instance avant de confirmer cejugement.

& Rappelant dans un premier temps les limitations implicitement admises au droit d’accès àun tribunal, la Cour souligne cependant que “la notion de procès équitable requiert d’unejuridiction interne, qui n’a que brièvement motivé sa décision, que ce soit en incorporant lesmotifs fournis par une juridiction inférieure ou autrement, qu’elle ait réellement examiné lesquestions essentielles qui lui ont été soumises et qu’elle ne se soit pas contentée d’entérinerpurement et simplement les conclusions d’une juridiction inférieure (Helle c. Finlande, arrêt du19 décembre 1997 - req. n/ 20772/92)” (§ 55).

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La Cour constate qu’en l’espèce, “le requérant a pu présenter ses arguments devant la courd’appel” et que “celle-ci les a examinés et s’est notamment prononcée de manière détaillée surceux concernant le recel de favoritisme, seul délit pour lequel le requérant était poursuivi”, qu’enoutre, “la Cour de cassation a procédé à un nouvel examen de l’affaire”.Elle juge que “le fait que les personnes condamnées en première instance pour délit defavoritisme [n’aient] pas fait appel du jugement les ayant déclarées coupables n’a pas eu,concrètement, pour effet de limiter le droit d’accès du requérant (...) au juge d’appel, puis aujuge de cassation, d’une façon disproportionnée, ni, à plus forte raison, d’atteindre ce droit danssa substance même” (§ 58). Par six voix contre une, elle ne retient pas la violation de l’article 6 § 1 de la Convention etestime qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur l’article 2 du Protocole n/ 7.

< A noter : l’opinion partiellement dissidente du Juge Cabral Barreto, annexée à l’arrêt.

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SARL Aborcas c. France30 mai 2006

- req. n //// 59423/00 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& La requérante est une société à responsabilité limitée de droit français (SARL). En 1994,l’ancienne concubine du gérant de la société requérante déposa plainte contre lui à lagendarmerie pour viol, pour tentative de chantage, menace de diffusion des photographies lareprésentant nue et dénonciation calomnieuse. Le gérant fut placé en garde à vue en juin 1995et une perquisition eut lieu dans les locaux de l’entreprise. Reconnu coupable du délit dedénonciation calomnieuse, il fut condamné en novembre 1996 à payer des dommages etintérêts à son ancienne concubine.De son côté, il déposa en son nom propre une plainte avec constitution de partie civile àl’encontre de son ancienne concubine, du chef, notamment, de dénonciation calomnieuse. Lasociété requérante indiqua se constituer « expressément » partie civile « pour le vol dumagnétoscope de la SARL et le préjudice commercial dont elle avait été victime ». & Par un jugement du 4 mars 1998, le tribunal correctionnel, statuant sur l’action civile, relevaque M. Borowik ne « saurait justifier d’un quelconque préjudice pour sa société ». Il lui allouala somme symbolique d’1 FRF en réparation de son préjudice moral. M. Borowik fit appel enson propre nom et en qualité de gérant de la société requérante.

& Par un arrêt confirmatif du 25 juin 1998 la cour d’appel de Toulouse déclara les demandesde la requérante irrecevables, dans la mesure où ne s’étant pas constituée partie civile enpremière instance, elle ne pouvait donc pas avoir la qualité d’appelante. De même, la Cour decassation déclara irrecevable le pourvoi en cassation formé par M. Borowik au nom de lasociété requérante, au motif que, n’étant pas partie à l’instance d’appel, elle n’avait pas qualitépour se pourvoir en cassation.

& La société requérante se plaignait de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable dans lamesure où la cour d’appel et la Cour de cassation avaient refusé d’entendre sa cause en ladéclarant inexactement non partie à l’instance d’appel.Le Gouvernement reconnaît que la société requérante s’est expressément constituée partiecivile par lettre recommandée avec avis de réception du 7 août 1997, devant le tribunalcorrectionnel, qui n’a pas fait mention dans son jugement de sa constitution de partie civile.

10 Voir, pour commentaire et article de doctrine de cet arrêt, notre document “Cour européenne des droits de l’homme2002-2006, arrêts concernant la France et leurs commentaires sous “article 6 - Droit d’accès à un tribunal”

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& La Cour estime que les juridictions d’appel et de cassation ont empêché la sociétérequérante de se prévaloir d’un recours existant et disponible, de sorte qu’elle a subi uneentrave à son droit d’accès à un tribunal et conclut, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article6 § 1 de la Convention.

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Besseau c. France7 mars 2006

- req. n //// 73893/01 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& La requérante se vit infliger une contravention pour infraction au code de la route. Par lettresde réclamation adressées à l’hôtel de police, elle demanda l’annulation de cette contraventionà deux reprises. L’officier du ministère public lui demanda les deux fois de payer l’amende etreleva la seconde fois que « les faits étaient établis ».

& La requérante reprochait à l’officier du ministère public de l’avoir désignée coupable sansêtre entendue par un tribunal et invoquait une violation de l’article 6 §1 de la Convention.

& La Cour relève que l’article 530-1 du code de procédure pénale n’accorde à l’officier duministère public que la faculté de saisir le tribunal de police de telles réclamations, à moins qu’ilne renonce aux poursuites ou constate l’irrecevabilité de la réclamation. Or, ce ne fut pas le casen l’espèce. Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention,confirmant ainsi sa jurisprudence Peltier 10 (CEDH Peltier c. France du 21 mai 2002 - req.n/ 32872/96).

N Doctrine :

T Jean-Paul Céré, “Le rejet d’une réclamation par le Ministère public viole l’article 6 de laCEDH”, in : Actualité juridique Pénal, 2006, n/ 5, p. 213.

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Barbier c. France17 janvier 2006- req. n //// 76093/01 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant fut condamné à huit ans de réclusion criminelle. Alors incarcéré, il fit part de savolonté d’interjeter appel de sa condamnation à deux reprises le 5 janvier 2001, la veille del’échéance du délai d’appel. Suivant les instructions du surveillant d’étage, il formula saseconde demande par écrit, laquelle aurait été remise au surveillant vers 16 h 45.Le 5 avril 2001, la Cour de cassation déclara l’appel du requérant irrecevable pour tardiveté,

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au motif qu’il avait été formé le 6 février 2001, soit plus de dix jours après le prononcé de l’arrêtde condamnation.

& Le requérant invoquait une violation des articles 6 § 1 de la Convention et 2 du Protocolen/ 7.Il considérait que son appel n’avait été déclaré irrecevable qu’en raison du dysfonctionnementdu service pénitentiaire et se plaignait de l’impossibilité de faire valoir ses arguments devant laCour de cassation.

& La Cour constate que le gouvernement français n’apporte pas de justification suffisante quantau fait que la déclaration d’appel, clairement identifiée comme telle par le surveillant, n’ait pasété transmise par ses soins au greffe et ce, sans délai ou, à tout le moins, à la permanence dugreffe au cours de la soirée. Elle précise qu’on “ne saurait exiger du requérant qu’il supplée auxcarences de la maison d’arrêt en exigeant de lui [...] qu’il précise l’urgence de sa demande”(§ 30).Concernant l’audience de la Cour de cassation, la Cour relève que la qualité d’appelant d’unarrêt de condamnation rendu par une cour d’assises ne permettait au requérant de formuler desobservations que sur la désignation de la cour d’assise d’appel, et non sur la recevabilité del’appel. La Cour estime qu’au vu des circonstances de l’espèce et de l’enjeu du litige, il étaitnécessaire de permettre au requérant de s’exprimer sur la recevabilité de son appel.“La Cour estime que le requérant s’est vu refusé son droit d’accès à un tribunal en raison tantde la défaillance des services compétents que du refus des autorités internes de tirer lesconséquences de ce manquement” (§ 32) et conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1de la Convention, sans examiner l’affaire sous l’angle de l’article 2 du Protocole n/ 7.

N Doctrine :

T Fabrice Deffard et Vincent Durtette : “L’appel, le contradictoire et le prisonnier”, in : Le Dalloz,2006, n/ 18, p. 1209-1212

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Gruais et Bousquet c. France10 janvier 2006- req. n //// 67881/01 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Les requérants furent mis en examen. L’un d’eux déposa une requête tendant à faireprononcer la nullité de la procédure. Celle-ci fut rejetée par un arrêt du 16 septembre 1999,notifié aux deux requérants par lettre recommandée sans accusé de réception. Selon la mentionportée sur l’arrêt, la notification avait été faite le vendredi 17 septembre 1999. Cependant, lecachet de la poste figurant sur l’enveloppe de notification indiquait qu’elle avait été postée lelundi 20 septembre 1999. Le 24 septembre 1999, les requérants formèrent des pourvois encassation. Mais ces pourvois furent déclarés irrecevables car la date de notification retenue étaitcelle inscrite sur l’arrêt, soit le 17 septembre 1999. Aussi, les pourvois avaient ils été considéréscomme tardifs.

& Les requérants soutenaient que le rejet de leurs pourvois en cassation avait porté atteinteà leur droit à un procès équitable, et invoquaient à cet égard les articles 6 §§ 1 et 3 b) et 13 dela Convention.

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& Les juges de Strasbourg relèvent que la Cour de cassation a retenu la date de notificationinscrite sur l’arrêt et la non la date effective d’envoi telle qu’attestée par le cachet de la poste,ce qui a eu pour effet de réduire quasiment de moitié le délai, déjà bref, (cinq jours francs) dontauraient dû disposer les requérants pour former leur pourvoi. Elle conclut, à l’unanimité, à laviolation de l’article 6 § 1 au titre du droit d’accès à un tribunal et n’estime pas nécessaired’examiner l’affaire sous l’angle des articles 6 § 3 b) et 13 de la Convention.

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DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Association SOS Attentats et Béatrix de Boëry c. F rance 4 octobre 2006

Requête n //// 76642/01(Cité sous article 13 de la Convention, p. 68 de ce document)

N Synthèse :

& Le 19 septembre 1989, un avion de la compagnie française UTA explosa en vol au dessusdu désert du Ténéré à la suite d’un attentat dans lequel 170 personnes furent tuées. La première requérante, l’association « SOS Attentats, SOS Terrorisme », regroupe desvictimes d’attentats ou leurs ayants droit et la seconde requérante est Béatrix de Boëry dontla soeur a trouvé la mort dans l’attentat.Dans le cadre des poursuites engagées en France, six ressortissants libyens furent condamnéspar contumace en mars 1999 à la réclusion criminelle à perpétuité et au versement d’indemnitésaux familles des victimes.En juin 1999, les requérantes déposèrent une plainte avec constitution de partie civile contrele colonel Kadhafi pour complicité d’homicides volontaires et destruction de biens par substanceexplosive ayant entraîné la mort, en relation avec une entreprise collective ayant pour objet detroubler l’ordre public, par l’intimidation ou la terreur. Les juridictions d’instruction, estimant que l’immunité de juridiction des chefs d’Etat étrangersen exercice ne s’appliquait pas en l’espèce en raison de la nature et la gravité des crimesdénoncés, rendirent des décisions favorables à une information de l’affaire.L’ arrêt de la chambre d’accusation fut cassé par la Cour de cassation le 13 mars 2001, laquelleestima que ces crimes ne relevaient pas des exceptions au principe de l’immunité de juridictiondes chefs d’Etat étrangers en exercice et qu’il n’y avait donc pas lieu à informer.Le 9 janvier 2004, l’association « Les familles du DC 10 UTA en colère ! » et l’associationrequérante conclurent un accord avec la « fondation mondiale Gaddafi pour les associationscaritatives ». Aux termes de cet accord, les familles des victimes perçurent chacune un millionde dollars américains en contrepartie de leur renonciation “à toutes poursuites civiles oupénales devant n’importe quel tribunal français ou international ayant leur fondement dansl’explosion de l’avion”. L’association SOS Attentats accepta quant à elle de « ne pas engagerd’action hostile ou de contestation à l’égard de la Libye ou de personnes physiques ou moraleslibyennes relatives à l’explosion de l’avion ».

& Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérantes soutiennent que l’arrêt de la Courde cassation reconnaissant l’immunité de juridiction au colonel Kadhafi porte atteinte à leur droitd’accès à un tribunal. Par ailleurs, sur le fondement de l’article 13, elles se plaignent de n’avoirdisposé d’aucun recours effectif à cet égard.

& L’accord du 9 janvier 2004 entre la « Fondation mondiale Gaddafi pour les associationscaritatives », les familles des victimes et la Caisse des Dépôts et Consignations ayant été signéaprès l’introduction de la requête, la Cour estime qu’il lui appartient de vérifier si ce fait nouveau

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est de nature à la conduire à radier la requête du rôle en application de l’article 37 de laConvention.Dans un premier temps, la Cour rejeta la thèse du gouvernement français qui soutenait que,par cet accord, les requérantes avaient renoncé à la procédure devant la Cour et qu’enconséquence, elles n’entendaient plus maintenir leur requête au sens de l’article 37 § 1 a) dela Convention. Elle estimait en outre qu’on ne saurait considérer que le litige a été résolu ausens de l’article 37 § 1 b).En revanche, la Cour, considérant que la conclusion de l’accord du 9 janvier 2004 était due engrande partie à l’entremise diplomatique française et relevait les moyens mis en œuvre par legouvernement français pour faciliter le paiement des sommes revenant aux proches desvictimes de l’attentat de 1989, estima qu’il y avait lieu de radier la requête du rôle en applicationde l’article 37 § 1 c). La Cour estima également que cet accord allait dans le sens de l’intérêt des victimes del’attentat, ce que tendait à confirmer le fait que des associations représentant cet intérêt - dontl’association SOS Attentats - en étaient signataires. Elle rappela à cet égard que l’accordprévoyait le versement de sommes substantielles aux familles des victimes.Par ailleurs, la Cour, prenant en compte l’économie de l’accord, releva une certainecontradiction dans l’attitude de l’association requérante qui, bien que signataire dudit accordpersistait à inviter la Cour à poursuivre l’examen de griefs tirés de l’impossibilité pour lesproches des victimes d’avoir accès à une telle procédure.Au surplus, la Cour nota qu’en 1999, les juridictions françaises condamnèrent six officielslibyens par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité et au versement d’indemnités auxfamilles de victimes, lesquelles indemnités auraient été payées à la seconde requérante.Au vu de ce qui précède et estimant qu’aucun motif touchant au respect des droits de l’Hommegarantis par la Convention n’exigeait la poursuite de l’examen de la présente requête, la Courdécida à l’unanimité de radier la requête du rôle.

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DES DROITS DE LA DÉFENSE

Mattei c. France19 décembre 2006

- req. n //// 34043/02 -- violation des articles 6 § 3 a) et b) et § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le 17 décembre 1996, dans le cadre d’une instruction visant des nationalistes corses, larequérante fut mise en examen du chef : « d’association de malfaiteur en vue de préparer desactes de terrorisme, reconstitution de ligue dissoute, tentative d’extorsion de fonds, toutesinfractions en relation à tire principal ou connexe avec une entreprise terroriste ». Le Tribunalcorrectionnel, par jugement du 8 mars 2000, la condamna à une peine de quatre annéesd’emprisonnement et cinq années d’interdiction des droits civiques pour tentative d’extorsionde fonds, toutes infractions en relation à tire principal ou connexe avec une entreprise terroriste.La requérante interjeta appel du jugement. La Cour d’appel confirma le jugement mais considéra que les faits poursuivis sous laqualification de tentative d’extorsion de fonds devaient être requalifiés, en vertu des dispositionsde l’article 121-7 du code pénal ; la requérante fut alors condamnée, pour « complicité detentative d’extorsion de fonds par aide et assistance et participation à une entente en vue depréparer des actes de terrorisme », à trois ans d’emprisonnement et cinq ans d’interdiction desdroits civiques. La requérante se pourvut en cassation, estimant que la Cour d’appel, en procédant à larequalification des faits, ne lui avait pas laissé la possibilité de présenter sa défense sur lanouvelle qualification. Ce pourvoi fut rejeté par la Cour de cassation au motif que larequalification « n’a en rien modifié la nature et la substance de la prévention dont les prévenusavaient été entièrement informés lors de leur comparution devant le tribunal correctionnel...».

& Devant la Cour, la requérante invoquait la violation de l’article 6 §§ 1 et 3, a) et b) de laConvention.

& Se référant à son arrêt de Grande chambre, Pelissier et Sassi c. France du 25 mars 1999- req. n/ 25444/94, la Cour rappelle que : “Si les juridictions du fond disposent, lorsqu'un tel droitleur est reconnu en droit interne, de la possibilité de requalifier les faits dont elles sontrégulièrement saisies, elles doivent s'assurer que les accusés ont eu l'opportunité d'exercerleurs droits de défense sur ce point d'une manière concrète et effective, en étant informés, entemps utile, de la cause de l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à leurcharge et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée àces faits et ce d'une manière détaillée” (§ 36). En l’espèce, elle constate que “la requalification des faits de tentative d'extorsion de fonds encomplicité de ce délit a été effectuée au moment du délibéré de la cour d'appel, ce qui, en tantque tel, peut faire douter du respect des garanties de l'article 6 et des principes susmentionnés”(§ 37).La Cour, consciente de la nouvelle pratique de la Cour de cassation qui, depuis 2001,mentionne l’article 6 § 1 dans ses visas et reprend l’attendu de principe précisant « que s’ilappartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritablequalification, c’est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de se défendre sur lanouvelle qualification envisagée », relève, qu’en l’espèce, “la Cour de cassation a considéré que« la requalification des faits de tentative d'extorsion de fonds en complicité de ce délit n'a en rienmodifié la nature et la substance de la prévention dont les prévenus avaient été entièrementinformés lors de leur comparution devant le tribunal correctionnel »” (§ 40).

11 CEDH, Meftah et autres c. France du 26 juillet 2002 - req. n/ 32911/96, 35237/97 et 34595/97 (voir pour commentairede cet arrêt et articles de doctrine, notre document “Cour européenne des droits de l’homme 2002-2006, arrêts concernant laFrance et leurs commentaires”, sous “article 6 - De la rupture de l’égalité des armes et du principe du contradictoire” sous« Procédures devant la Cour de cassation »

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& Cependant, elle “rappelle qu'on ne peut soutenir que la complicité ne constitue qu'un simpledegré de participation à l'infraction (Pélissier et Sassi c. France, précité, § 59). Soulignant sonattachement au principe de l'interprétation stricte du droit pénal, la Cour ne saurait admettre queles éléments spécifiques de la complicité soient éludés” (§ 41) et considère qu’il “est plausiblede soutenir que les moyens [de défense que la requérante aurait présentés], auraient étédifférents de ceux choisis afin de contester l’action principale”, si celle-ci avait été informée dela requalification des faits.Elle conclut, à l’unanimité, à la violation du paragraphe 3 a) et b) de l’article 6 de la conventioncombiné au 1er paragraphe de ce même article.

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Flandin c. France28 novembre 2006

- req. n //// 77773/01 -- violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant fut poursuivi et condamné pour exercice illégal de la profession d’avocat, usaged’un titre tendant à créer une confusion avec le titre et la profession d’avocat et escroquerie.Lors de cette procédure, le requérant ne bénéficia pas de l’assistance d’un avocat. Il interjetaappel et demanda à bénéficier de l’aide juridictionnelle. Cette aide lui fut accordée par unedécision du 21 mars 2000, laquelle ne lui fut notifiée, ainsi qu’à l’avocat désigné, quepostérieurement à l’audience tenue par la Cour d’appel. Il se défendit seul devant cettejuridiction qui confirma le premier jugement mais en augmentant le montant de l’amende. Enfin,la Cour de cassation rejeta son pourvoi au motif qu’il avait renoncé à l’assistance d’un avocat.

& Le requérant invoquait notamment une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c), se plaignantde n’avoir pu bénéficier de l’assistance d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle.

& La Cour rappelle que “la renonciation à un droit garanti par la Convention doit se trouverétablie de manière non équivoque (CEDH, Colozza c. Italie, arrêt du 12 février 1985 (...)) et,citant l’arrêt Meftah et autres c. France 11, précise “qu’il en va notamment ainsi de larenonciation aux avantages procurés par l’assistance d’un avocat” (§ 40) du 26 juillet 2002).Les juges de Strasbourg soulignent que s’il est vrai, comme l’a relevé la Cour de cassation, quele requérant a finalement adressé au président de la cour d’appel ses conclusions en vue del’audience du 26 avril 2000, il a pris soin de préciser dans sa lettre du 18 avril 2000 qu’il agissaitainsi uniquement faute d’avoir reçu la réponse à sa demande d’aide juridictionnelle pour pouvoirbénéficier de l’assistance d’un avocat d’office. Ils considèrent que “le requérant a exprimé demanière constante le souhait d’être défendu par un avocat devant la cour d’appel” (§ 41) etqu’au vu des démarches accomplies, il n’avait pas renoncé implicitement à son droit àl’assistance d’un avocat.La Cour considère que le droit du requérant à une assistance gratuite par un avocat d’office n’apas été respecté en l’espèce et qu’il a ainsi été privé des facilités nécessaires à la préparationde sa défense. Elle retient donc à l’unanimité la violation de l'article 6 §§ 1 et 3b) et c).

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Miraux c. France26 septembre 2006

- req. n //// 73529/01 -- violation de l’article 6 (droit à un procès équitable), § 1 et § 3 a) et b) de la Convention -

N Synthèse :

& En 1997, le requérant fut renvoyé devant la cour d’assises de la Seine-Maritime pourtentative de viol et agressions sexuelles. A l’issue des débats, le président de la cour donnalecture des questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre et, notamment, commerésultant des débats, d’une question subsidiaire concernant le point de savoir si l’accusé s’étaitrendu coupable du crime de viol sur l’une de ses victimes.Le 27 octobre 1998, la cour d’assises, estimant qu’il y avait eu viol et pas seulement tentativede viol, le condamna à douze ans de réclusion criminelle, à dix ans d’interdiction des droitsciviques, civils et de famille et à l’interdiction d’exercer, pendant cinq ans, une fonction publique.

& Le requérant invoquait l’article 6, soutenant que la requalification des faits par la courd’assises de « tentative de viol » en « viol », avait porté atteinte à son droit à un procèséquitable. Il estimait notamment n’avoir pas eu le temps de préparer sa défense, le nouvel acted’accusation ne lui ayant été notifié que tardivement.

& La Cour européenne estime “qu'il existe une différence de degré de gravité entre [lesinfractions de « viol » et de « tentative de viol »], laquelle exerce sans aucun doute uneinfluence sur l’appréciation des faits et la détermination de la peine par le jury, et ce d’autantplus que les jurés sont, de façon générale, particulièrement sensibles au sort des victimes,notamment lorsque celles-ci ont subi des infractions de caractère sexuel, domaine dans lequel,subjectivement et en dépit du traumatisme psychologique que la victime subit en tout état decause, la tentative est moins « préjudiciable » que le crime consommé” (§ 36). Contrairement au gouvernement qui soutenait que le requérant aurait dû élever un incident deprocédure, la Cour estime au contraire qu'il incombait à la juridiction interne, faisant usage deson droit incontesté de requalifier les faits, de donner la possibilité au requérant d’exercer sesdroits de défense de manière concrète et effective, notamment en temps utile, en procédant parexemple au renvoi de l’affaire pour rouvrir les débats ou en sollicitant les observations durequérant. Elle considère “qu’il peut donc être valablement soutenu que le changement de qualificationopéré devant la cour d’assises était susceptible d’entraîner une aggravation de la peine infligéeau requérant, sans que celui-ci ait eu l’occasion de préparer et de présenter ses moyens dedéfense relatifs à la nouvelle qualification et à ses conséquences” (§ 36).Dans ces conditions, la Cour estime qu’une atteinte a été portée au droit du requérant à êtreinformé d’une manière détaillée sur la nature et la cause de l’accusation portée contre lui, ainsiqu’à son droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.Elle conclut donc, par six voix contre une, à la violation du paragraphe 3 a) et b) de l’article 6de la Convention, combiné avec le 1er paragraphe du même article, qui prescrit une procédureéquitable.

< A noter : l’opinion dissidente de Madame le juge Mularoni est annexée à l’arrêt.

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Guilloury c. France22 juin 2006

- req. n //// 62236/00 - - violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (droit à interroger et faire interroger des témoins) -

N Synthèse : & Le requérant fit l’objet en 1997, de poursuites pénales pour agressions sexuelles sur deuxapprentis de 16 et 17 ans. Il lui était reproché de les avoir contraints à avoir des rapportssexuels avec lui, d’avoir filmé ces rapports à leur insu et d’avoir montré ces enregistrements àson compagnon.& Le tribunal correctionnel déclara le requérant coupable d’agressions sexuelles aggravéespar la circonstance d’abus d’autorité, de corruption de mineur et d'atteinte à la vie privée, et lecondamna à 30 mois d’emprisonnement dont six avec sursis, avec obligation de suivre untraitement médical. L’intéressé interjeta appel et demanda à ce qu’un certain nombre detémoins soient entendus. La cour d’appel rejeta sa demande d’audition de témoins et confirmala condamnation concernant les agressions sexuelles et la corruption de mineur. Le requérantse pourvut en cassation et renouvela sa demande d’audition de témoins. Par arrêt du 19 avril2000, la Cour de cassation rejeta son pourvoi.

& Devant la Cour de Strasbourg, le requérant invoquait les articles 6 § 1 et § 3 d), il soutenaitavoir été condamné à l’issue d’un procès inéquitable en raison de l’impossibilité pour luid’interroger les témoins à charge et de faire convoquer des témoins à décharge.

Concernant la condamnation du requérant pour agressions sexuelles aggravées :La Cour relève que la réalité des relations sexuelles n’était pas contestée par le

requérant mais que celui-ci niait toute contrainte et abus d’autorité. Pour établir l’existence de ces deux éléments, les juridictions du fond se sont appuyées pourl’essentiel sur les déclarations des victimes et de tiers. “La contrainte et l’abus d’autoritérevêtaient un caractère décisif dans la qualification de l’infraction” (§ 59). Or, le requérant n’aeu, “ni durant l’enquête préliminaire, ni durant les débats, la possibilité d’interroger ou faireinterroger les témoins à charge à cet égard” (§ 60). Par ailleurs, s’agissant des témoins àdécharge, la Cour note que la cour d’appel ne les a pas entendus alors que certains d’entre euxétaient présents à l’audience (§ 61). Dans ces conditions, les juges de Strasbourg concluentà l’unanimité à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d).

Concernant la condamnation du requérant pour atteinte à la vie privée et corruption de mineur :La Cour note que les déclarations des victimes et témoins ne sont pas le seul élément

sur lequel les juridictions de fond ont fondé leur décision ; elles ne revêtaient donc “pas uncaractère déterminant quant à la condamnation.” (§ 63). Pour ce qui est des témoins à décharge, le requérant n’a pas démontré que leur audition auraitpu apporter des éléments nouveaux et pertinents pour sa défense. La Cour conclut donc àl’unanimité à la non-violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) sur ce point.

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Vaturi c. France13 avril 2006

- req. n //// 75699/01 -- violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (droit à interroger ou faire interroger des témoins) -

N Synthèse :

& La société dont le requérant était le PDG fit l’objet d’une enquête préliminaire pour faux enécriture privée, usage de faux et abus de bien social. Le requérant, reconnu coupable des faitsreprochés et condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis, interjeta appel de cejugement et demanda notamment à pouvoir faire interroger les témoins à charge et à décharge.La Cour d’appel rejeta la demande d’audition puis confirma le jugement de première instanceet le condamna à payer des dommages et intérêts. Il se pourvut vainement en cassation.

& Le requérant se plaignait d’une violation de l’article 6 du fait de l’impossibilité, durant laprocédure, de faire interroger ou d’interroger des témoins.

& La Cour constate que le requérant n’a pu à aucun stade de la procédure, interroger ou faireinterroger des témoins. Estimant ne pas devoir spéculer sur le caractère fondamental de cesauditions, elle estime cependant qu’elles auraient pu, en tout état de cause, “contribuer àl’équilibre et à l’égalité devant régner tout au long du procès entre l’accusation et la défense.”(§ 58).Ainsi, la Cour européenne estime que le requérant “n’a pas disposé d’une occasion adéquateet suffisante pour faire valoir utilement ses droits de la défense” (§ 58) et n’a donc pas bénéficiéd’un procès équitable. Elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de laConvention.

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Zentar c. France13 avril 2006 - req. n //// 17902/02 -

- violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (droit à interroger ou faire interroger des témoins) -

N Synthèse :

& Le requérant, ressortissant algérien, fut expulsé vers l’Algérie en 1996 du fait de sa situationirrégulière sur le territoire français. En 1999, il fut condamné par défaut à quatre ansd’emprisonnement du fait de son implication dans un trafic de véhicules volés. Un mandatd’arrêt fut décerné contre lui et il fut arrêté par la police. Il forma alors opposition contre lejugement du tribunal correctionnel qui l’avait condamné et demanda à être confronté auxtémoins ayant déposé contre lui. Le tribunal le déclara coupable des faits reprochés et lecondamna à deux ans d’emprisonnement. Il n’obtint pas plus satisfaction en appel ni encassation.

& Devant la Cour européenne, le requérant se plaignait d’une violation de l’article 6 du fait del’impossibilité durant la procédure de faire interroger ou d’interroger des témoins.

& La Cour constate que le requérant n’a pu, à aucun stade de la procédure, interroger ou faire

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interroger les témoins à charge en cause. Elle relève que ces témoignages ont fondé en grandepartie la condamnation du requérant, mais “à supposer même que la culpabilité du requérantn’ait pas été fondée dans une mesure déterminante sur les déclarations litigieuses, force estde constater que les autorités françaises n’ont effectué aucune démarche en vue de localiserles deux témoins à charge” (§ 30).Elle estime donc que le requérant n’a pas eu “une occasion suffisante et adéquate de contesterles déclarations des témoins sur lesquelles sa condamnation a été fondée” (§ 31) et n’a ainsipas bénéficié d’un procès équitable et conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 6 §§ 1 et3 d) de la Convention.

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DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Job Vos c. France5 décembre 2006

Requête n //// 10039/03

N Synthèse :

& Le requérant, chauffeur routier employé par une société néerlandaise, fut arrêté par lesagents de douanes de la brigade de Calais qui procédèrent à un contrôle du camion. Ils ydécouvrirent 14 244 bouteilles d’eau de vie et de vodka derrière les palettes de nourriture sansque le requérant puisse fournir de justificatif concernant leur origine. Le tribunal correctionnel le condamna à deux mois d’emprisonnement et à une amendedouanière d’un million de francs correspondant à la valeur de cargaison pour contrebande demarchandises fortement taxées d’une valeur supérieure à 5 000 francs. Il fit appel de cejugement, nia sa connaissance de la nature du chargement et sollicita qu’un complémentd’information soit ordonné au moyen d’une commission rogatoire adressée aux autoritésnéerlandaises. La Cour d’appel confirma le jugement de première instance. Le requérant sepourvut en vain en cassation.

& Invoquant les articles 6 § 2 et 6 § 3 d) de la Convention, le requérant se plaignait de ce quesa condamnation pour contrebande repose sur une présomption de culpabilité devenueirréfragable mais également du refus des autorités d’ordonner un complément d’enquête quilui aurait permis de s’exonérer de sa responsabilité.

& Après avoir rappelé que la Convention ne fait pas obstacle aux présomptions de fait ou dedroit et précisé qu’en matière pénale, les Etats contractants ne devaient pas dépasser uncertain seuil à cet égard, la Cour considère que la présomption édictée par l’article 392 du codedes douanes n’est pas irréfragable. Elle estime en effet que si la découverte de 14 244bouteilles d’eau de vie et de vodka dans le camion que conduisait le requérant suffit, selonl’article 392 du code des douanes, à établir la responsabilité du requérant dans la contrebande,les juridictions internes ont toutefois rappelé “qu’en matière de contrebande, il appartenait aurequérant d’établir sa bonne foi”. Or, ayant relevé que ce dernier avait “pris en charge cettecargaison dans des circonstances troubles, qu’il a admis que la situation n’était pas très claire,d’autant qu’il a entendu lors du chargement des bruits de bouteilles peu compatibles avec lamarchandise qu’il était supposé transporter (...)”, et qu’ainsi “il avait des doutes, [mais qu’il anéanmoins] accompli le transport (...)”, la Cour estime que les juridictions internes ont pris encompte un “faisceau d’éléments de fait” et “ont su se garder de tout recours automatique à laprésomption qu’institue l’article 392 du code des douanes”, qu’elles n’ont dès lors pas portéatteinte à la présomption d’innocence conformément à l’article 6 § 2 de la Convention. Elledéclare la requête irrecevable pour grief manifestement mal fondé.

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S’agissant du grief tiré de la violation de l’article 6 § 3 d) de la Convention, la Cour rappelle qu’il“ne suffit pas au requérant qui en allègue la violation de démontrer qu’il n’a pas pu interrogerun certain témoin à décharge. Encore faut-il qu’il rende vraisemblable que la convocation dudittémoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que le refus de l’interroger a causé unpréjudice aux droits de la défense”.En l’espèce, la Cour estime que le requérant n’a pas démontré que l’audition sollicitée auraitpu apporter des éléments nouveaux et pertinents pour sa défense. Elle estime encore une foisle grief manifestement mal fondé et déclare la requête irrecevable.

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DU DROIT A EXÉCUTION DES DÉCISIONS

Machard c. France 24 avril 2006

- req. n //// 42928/02 - - non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

- violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 (droit à la protection de sa propriété) -(Commenté sous article 1er du protocole additionnel n/ 1, p. 75 de ce document)

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Plasse-Bauer c. France 28 février 2006

- req. n //// 21324/02 -- violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

N Synthèse :

& Le mari de la requérante demanda le divorce et se vit provisoirement confier l’autoritéparentale sur les enfants. Le droit de visite et d’hébergement fut refusé à la requérante, enraison notamment de son impossibilité, médicalement constatée, à assurer la charge desenfants. En appel, le divorce aux torts partagés des époux fut prononcé. La Cour d’appel confial’autorité parentale au père des deux enfants encore mineurs et accorda à la requérante un droitde visite médiatisé, à savoir dans un point de rencontre, l’association « La Recampado » et enprésence d’un tiers, les premier et troisième samedis du mois trois heures dans l'après-midi.La requérante ne rencontra qu’une seule fois sa plus jeune fille, dans des conditions difficiles,l’enfant refusant toute communication avec sa mère. A la suite de cet incident, le père del’enfant refusa de l’emmener au point de rencontre.

& Saisi en référé par Madame Plasse-Bauer, le juge aux affaires familiales suspendit son droitde visite, en raison de l’impossibilité matérielle pour l’association de faire en sorte qu’un tierssoit présent lors de l’exercice par cette dernière de son droit de visite. A plusieurs reprises, larequérante porta plainte contre son ex-époux pour non-représentation d’enfants. Ce dernier futrelaxé.

& Devant la Cour européenne, la requérante se plaignait de l’inexécution de l’arrêt lui ayantaccordé un droit de visite à l’égard de sa fille mineure et invoquait une violation des articles6 § 1 et 8 de la Convention.

& La Cour de Strasbourg reconnaît que le comportement de la requérante à l'égard de sa fillea pu paraître « contestable » mais considère néanmoins que l’on “ne saurait spéculer surl'existence des chances pour la requérante de renouer avec celle-ci, notamment si d'autresvisites avaient pu être organisées, selon les modalités prévues par l'arrêt de la Cour d'appel",d'autant plus que “l'écoulement du temps a pu avoir des effets négatifs sur la possibilité pourla requérante de renouer une relation avec sa fille.” (§ 54).Elle estime par ailleurs que, dans la mesure où la cour d’appel a expressément désigné uneassociation pour accueillir la requérante et sa fille pour l’exercice du droit de visite, il appartenaitaux autorités internes “de vérifier préalablement la possibilité pour cette association d’assurerles modalités du droit de visite prévues par l’arrêt, afin d’en permettre l’exécution” (§ 56). Or telne fut pas le cas.

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La Cour conclut donc, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 et n’estime pas nécessaired’examiner séparément le grief tiré de l’article 8 de la Convention.

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Article 7 - Pas de peine sans loi

Pessino c. France10 octobre 2006

- req. n //// 40403/02 -- violation de l’article 7 de la Convention -

N Synthèse :

& En octobre 1992, la Société Civile Immobilière (SCI) dont le requérant était gérant obtint dumaire de Cannes un permis de construire un hôtel. En dépit du sursis à exécution du permisprononcé suite à l’action d’une association de défense, les travaux continuèrent et la SCI se vitdélivrer un nouveau permis de construire. Par la suite, les deux permis délivrés à la SCI furentannulés et le tribunal de grande instance de Grasse, sur une plainte de l’association dedéfense, déclara le requérant coupable d’avoir exécuté des travaux en dépit du sursis àexécution, le condamna à payer une amende de 1 500 000 francs (228 673,52 euros) etordonna la démolition des travaux.En appel, les faits furent requalifiés en « délit d’exécution de travaux sans permis deconstruire » et la démolition des travaux fut ordonnée.Le requérant se pourvut en cassation au motif que le fait de continuer des travaux malgré unedécision de sursis à exécution du permis de construire ne constituait pas une infraction pénale.Son pourvoi fut rejeté en mai 2002.

& Devant la Cour de Strasbourg, le requérant alléguait que les faits lui ayant été reprochés neconstituaient pas une infraction au moment de leur commission, en soutenant que le rejet deson pourvoi en cassation constituait un revirement de jurisprudence. Il invoquait la violation del’article 7 de la Convention.

& La Cour rappelle, conformément à ses arrêts Coëme et autres c. Belgique du 22 juin 2000(§ 145) - req. n/ 32492/96 et Achour c. France du 29 mars 2006 (§ 43) - req. n/ 67335/01-qu’elle doit rechercher si, en l’espèce, le texte de la disposition légale, lue à la lumière de lajurisprudence interprétative dont elle s’accompagne, était suffisamment prévisible à l’époquedes faits. Elle constate qu’il n’est pas démontré qu’avant l’arrêt rendu dans la présente affaire, il existaitune jurisprudence selon laquelle “le fait de poursuivre des travaux de construction, malgré unsursis à exécution du permis émis par le juge administratif, constituait une infraction pénale. Enoutre, l’analyse du code de l’urbanisme semble montrer que le prononcé du sursis à l’exécutiond’un permis à construire ne saurait être, en ce qui concerne ses conséquences pénales,clairement assimilable à une « décision judiciaire » ou « arrêté ordonnant l’interruption destravaux »” (§ 34). Les juges de Strasbourg estiment que “faute au minimum d’une interprétation jurisprudentielleaccessible et raisonnablement prévisible, les exigences de l’article 7 ne sauraient êtreregardées comme respectées à l’égard d’un accusé” (§ 35).Dans ces conditions, “même en tant que professionnel qui pouvait s’entourer de conseils dejuristes, il était difficile, voire impossible pour le requérant de prévoir le revirement dejurisprudence de la Cour de cassation et donc de savoir qu’au moment où il les a commis, sesactes pouvaient entraîner une sanction pénale” (§ 36). Dès lors, la Cour conclut à l’unanimité

12 voir pour commentaire de ce premier arrêt Achour, notre document “Cour européenne des droits de l’homme 2002-2006, arrêts concernant la France et leurs commentaires”, sous “article 7 - Pas de peine sans loi”.

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à la violation de l’article 7 de la Convention.

N Observations :

T Damien Roets, “La non-rétroactivité de la jurisprudence pénale in malam partem consacréepar la Cour européenne des droits de l’homme”, in : Le Dalloz, 2007, p.124.

T Catherine Gautier, “Commentaire de l’arrêt CEDH, Pessino c. France de la Cour européennedes droits de l’homme du 10 octobre 2006", in : JCP, éd. Administrations et collectivitésterritoriales, 2007, n/ 9, 2048, p. 22-23.

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Achour c. France29 mars 2006- req. n //// 67335/01 -

(arrêt de Grande chambre)- non-violation de l’article 7 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant, actuellement détenu à Lyon, avait été condamné en octobre 1984 à trois ansd’emprisonnement pour trafic de stupéfiants, et termina de purger sa peine en juillet 1986.En mars 1994, les dispositions de l’article 132-9 du nouveau code pénal modifiant la loi sur larécidive entrèrent en vigueur. Aux termes de cet article, « lorsqu’une personne physique, déjàcondamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d’emprisonnementpar la loi, commet, dans le délai de cinq ans à compter de l’expiration ou de la prescription dela précédente peine, un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à unan et inférieure à dix ans, le maximum des peines d’emprisonnement et d’amende encouruesest doublé ».En avril 1997, le tribunal correctionnel condamna le requérant à huit ans d’emprisonnement età l’interdiction du territoire français pour une durée de dix ans pour infraction à la législation surles stupéfiants. En novembre 1997, en application de l’article 132-9 du Code pénal, la courd’appel porta la peine d’emprisonnement à 12 ans.Le requérant se pourvut en cassation, dénonçant notamment l’application rétroactive desdispositions plus sévères de la nouvelle loi sur la récidive. La Cour de cassation rejeta sonpourvoi.Par un arrêt du 10 novembre 2004 12, la Cour européenne avait conclu à la violation de l’article7 de la Convention. L’affaire avait été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande duGouvernement conformément à l’article 43 de la Convention.

& Le requérant, invoquant l’article 7 de la Convention, soutenait que, du fait de l’applicationrétroactive de la loi sur la récidive, une peine plus sévère lui avait été infligée.

& La Cour estime dans cet arrêt de Grande chambre que “les Etats sont libres de définir leurpolitique criminelle et de la modifier le cas échéant en renforçant la répression des crimes etdélits” (§ 44) et qu’ainsi, le choix par un Etat d’un système pénal échappe à son contrôle dèslors que ce système ne méconnaît pas les principes de la Convention. En l’espèce, la Courdevait donc notamment rechercher si le droit français était « accessible et prévisible » à

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l’époque des faits.Les juges constatent en premier lieu que le régime légal étant entré en vigueur le 1er mars 1994,il était applicable lorsque M. Achour a commis les nouvelles infractions au cours de l’année1995, "si bien que celui-ci avait juridiquement la qualité de récidiviste du fait de ces nouvellesinfractions" (§ 49).Ils notent par ailleurs que la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « lorsqu’uneloi institue un nouveau régime de la récidive, il suffit, pour entraîner son application immédiate,que la seconde infraction soit postérieure à l’entrée en vigueur de cette loi », est «claire etconstante » depuis la fin du 19ème siècle .Il ne fait ainsi aucun doute pour la Cour européenne que le requérant était en mesure de“prévoir les conséquences légales de ses actes” (§ 53), à savoir qu’en commettant une nouvelleinfraction avant l’échéance du délai légal de dix ans , il courait le risque de se faire condamneren état de récidive et de se voir infliger une peine d’emprisonnement et/ou d’amendesusceptible d’être doublée. Il pouvait ainsi adapter son comportement en conséquence. La Cour souligne en outre que l’expiration du délai de récidive ne conférait au requérant aucun« droit à l’oubli » (contrairement à ce que ce dernier soutenait) et qu’il n’y a en l’espèce aucunproblème de rétroactivité puisqu’il s’agit “d’une simple succession de lois qui n’ont vocation às’appliquer qu’à compter de leur entrée en vigueur” (§ 58). Même si les juges français ontrétrospectivement tenu compte de la première condamnation du requérant, cette prise encompte n’est pas contraire à la Convention, “les faits poursuivis et sanctionnés étanteffectivement apparus après l’entrée en vigueur de l’article 132-9 du nouveau code pénal”(§ 59).En conséquence, la Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 7 de laConvention.

< A noter : le juge Zupancic a exprimé une opinion concordante et le juge Popovic une opiniondissidente, annexées à l’arrêt.

N Doctrine :

T Olivier Bachelet, “Face à l’alternative « rétroactivité ou immédiateté », la Cour européennene récidive pas” - Note sous l’arrêt de Grande Chambre de la Cour européenne des droits del’homme Achour c. France du 29 mars 2006, in : Revue trimestrielle des droits de l’homme,janvier 2007, p. 233-245.

T Djoheur Zerouki-Cottin, “La Cour européenne des droits de l’homme et la récidive : suite etfin” - note sous l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 29 mars 2006 Achourc. France, in : Le Dalloz, 2006, n/ 36, p. 2513-2516.

T Claire Saas, “Volte -face de la CEDH sur la récidive” - note sous l’arrêt de la Coureuropéenne des droits de l’homme Achour c. France du 29 mars 2006, in : Actualité JuridiquePénal, 2006, n/ 9, p. 360-361.

< A noter : Arrêt de Chambre Achour c. France du 10 novembre 2004 - req. n/ 67335/01 :Damien Roets, “De la résolution des conflits de lois pénales relatives à la récidive : la CEDHpiégée par le temps ?” in : Le Dalloz, 2005, p. 1203.

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Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale

L.L. c. France 10 octobre 2006

- req. n //// 7508/02 -- violation de l’article 8 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant soutenait que la production et l’utilisation par le juge, dans une procédure dedivorce, de données médicales le concernant constituaient une violation de son droit au respectde sa vie privée. & En 1998, le tribunal de grande instance, considérant que les violences subies par l’épouseet l’alcoolisme du mari étaient établis par les certificats médicaux produits, prononça le divorceaux torts exclusifs du requérant et confirma les mesures provisoires confiant la garde des deuxenfants du couple à leur mère. Le requérant fit en vain appel de cette décision, faisant valoir,d’une part, que c’était par fraude que son ex-épouse s’était appropriée une pièce produiteconstituant un compte rendu opératoire d’une intervention médicale, et, d’autre part, qu’il ne luien avait pas transmis copie et qu’il n’avait jamais délié le médecin signataire, du secretmédical couvrant cette pièce. En février 2000, la cour d’appel confirma le jugement entrepris ; elle considéra notamment queles pièces médicales produites par l’ex-épouse du requérant confirmaient l’éthylisme de cedernier et son agressivité. Aux fins de se pourvoir en cassation, l’intéressé déposa unedemande d’aide juridictionnelle auprès du bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation,laquelle demande fut rejetée.

& Devant la Cour européenne, le requérant, invoquant l’article 8 (droit au respect de la vieprivée et familiale) de la convention, dénonçait la production et l’utilisation en justice de piècesmédicales le concernant, sans son consentement et sans qu’un médecin expert n’eût étécommis à cet effet.

Sur les exceptions d’irrecevabilité du gouvernement : La Cour les rejette, estimant, d’une part, que le requérant n’était pas tenu de se pourvoir

en cassation après le refus opposé à sa demande d’aide juridictionnelle pour avoir épuisé lesvoies de recours interne, et qu’il avait invoqué “au moins en substance le grief tiré de l'article8” devant la Cour d'appel ; que d’autre part, il a bien qualité de « victime » au sens de laconvention européenne.

Sur le fond :La Cour de Strasbourg reconnaît qu’il y a eu ingérence dans le droit à la vie privée du

requérant : elle souligne que la Cour d’appel “fonda en partie sa décision sur les constatationsdétaillées du compte rendu opératoire du 2 avril 1994, en y reproduisant les passages qu’elleestimait pertinents. Ce faisant, elle divulgua et rendit publiques des informations touchant à lasanté et donc à la vie privée du requérant” (§ 33).Cette ingérence était prévue par la loi et nécessaire à la protection des droits d’autrui, enl’espèce, ceux de l’ex-épouse du requérant.

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Appréciant la proportionnalité de l’ingérence, la Cour relève que les juridictions françaises ontd’abord fait référence aux témoignages relatifs aux habitudes alcooliques du requérant, et auxcertificats médicaux « dûment circonstanciés » faisant état « de la réalité des violences dontl’épouse était victime » pour prononcer le divorce aux torts du requérant. Elle estime que cen’est qu’à titre subsidiaire et surabondant qu’elles ont invoqué la pièce médicale litigieuse pourfonder leurs décisions, et qu’elles auraient donc pu l’écarter tout en parvenant à la mêmeconclusion (§ 46). Dès lors, selon la Cour, “l’ingérence dénoncée dans le droit du requérant aurespect de sa vie privée, au vu du rôle fondamental que joue la protection des données àcaractère personnel, n’était pas proportionnée au but recherché et n’était donc pas« nécessaire », « dans une société démocratique », « à la protection des droits et libertésd’autrui »”. Enfin, la Cour relève que “la législation française n’assortit pas de garanties suffisantesl’utilisation de données relevant de la vie privée des parties dans ce type de procédure (...), cequi justifie à plus forte raison un strict contrôle de la nécessité de telles mesures.” (§ 47). Elleconclut de ce fait, à l’unanimité, à la violation de l’article 8 de la Convention.

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Aristimuño Mendizabal c. France17 janvier 2006- req. n //// 51431/99 -

- violation de l’article 8 de la Convention etnon-violation de l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif) -

(Cité sous article 13 de la Convention, p. 68 de ce document)

N Synthèse :

& La requérante, ressortissante espagnole, réside en France. Son époux, ressortissantespagnol également, ancien dirigeant de l’E.T.A., est incarcéré depuis juin 1984 et fut extradévers l’Espagne en 1992. Leur fille, née en 1984, est de nationalité française.La requérante réside en France depuis septembre 1975, et y a obtenu l’asile politique en 1976.A la suite des changements politiques intervenus en Espagne, le statut de réfugiée politique luifut retiré et jusque fin décembre 1989, elle bénéficia de cartes de séjour de résident temporaired’une durée d’un an. A partir de là, et jusqu’en décembre 2003, les autorités françaises nedélivrèrent à la requérante que des récépissés de demandes de titre et de carte de séjour,d’une durée de trois mois ou des convocations pour retirer lesdits récépissés. Elle obtint finalement une carte de séjour d’une durée de dix ans en décembre 2003, enapplication de la loi de 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers età la nationalité qui supprime l’obligation pour les ressortissants communautaires qui souhaitents’installer en France de détenir un titre de séjour.

& La requérante invoquait une violation des articles 8 et 13 de la Convention au motif quependant 14 ans, les autorités françaises ne lui avaient délivré que des récépissés de demandesde titre de séjour, et non le titre de séjour auquel elle avait droit et qu’elle ne disposait d’aucunrecours effectif pour s’en plaindre.

& La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, la Convention ne garantit pas le droit d’unepersonne d’entrer ou de résider dans un Etat dont elle n’est pas ressortissante ou de n’en êtrepas expulsée, et les Etats contractants ont le droit de contrôler, en vertu d’un principe de droitinternational bien établi, l’entrée, le séjour et l’éloignement des non nationaux.Elle estime que la non délivrance d’un titre de séjour à la requérante pendant une aussi longuepériode, alors que celle-ci résidait déjà régulièrement en France depuis plus de 14 ans, aincontestablement constitué une ingérence dans sa vie privée et familiale.

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Sur le point de savoir si cette ingérence était prévue par la loi : La Cour relève que, “vu l’ancienneté et la régularité du séjour de la requérante en

France, celle-ci remplissait, dès 1989 (date à partir de laquelle elle n’a plus reçu que desrécépissés de demandes de titre de séjour), toutes les conditions posées par le droit commundes étrangers pour bénéficier d’une carte de résident d’une durée de dix ans”. Elle ajoute que“par ailleurs, à compter du 1er janvier 1992, date de la fin de la période transitoire pour lesressortissants espagnols, la requérante bénéficiait directement du droit au séjour conféré auxressortissants communautaires salariés par l’article 48 du Traité de Rome, le règlement 1612/68et la directive 68/360 du 15 octobre 1968” (§ 74)Dans ces conditions, la Cour estime que le délai de plus de 14 ans mis par les autoritésfrançaises pour délivrer un titre de séjour à la requérante n’était pas prévu par la loi, que la «loi»en question soit française ou communautaire, et conclut, par six voix contre une, qu’il y a euviolation de l’article 8 de la Convention.

Concernant l’article 13 : Constatant l’existence de plusieurs recours devant les juridictions administratives et

civiles, permettant d’assurer à la requérante un ensemble de recours effectifs, la Cour écarte,à l’unanimité, toute violation l’article 13 de la Convention.

< A noter : Mme le juge Mularoni a émis une opinion dissidente annexée à l’arrêt.

N Doctrine :

T Frédéric Sudre : Chronique Droit de la Convention européenne des droits de l’homme - notesous l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Aristimuño Mendizabal c. France du17 janvier 2006 , in : JCP, éd. Générale, 2006, n/ 31-35, I 164, p. 15-20.

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Aoulmi c. France17 janvier 2006- req. n //// 50278/99 -

- non-violation des articles 3 (interdiction de la torture, des traitements inhumains oudégradants) et 8 de la Convention -

- violation de l’article 34 de la Convention (droit à un recours individuel) -(Cité sous article 3 de la Convention, p. 7 de ce document,

commenté sous article 34 de la Convention, p. 69 de ce document)

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DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Claudine Deschomets c. France 16 mai 2006

Requête n //// 31956/02

N Synthèse :

& A la suite du divorce de la requérante et de V. prononcé aux torts exclusifs de V. par letribunal de grande instance, une procédure concernant la garde de leurs enfants fut engagée.Dans le cadre de cette procédure, une enquête sociale fut ordonnée par le juge aux affairesfamiliales. Au vu du rapport d’enquête, la Cour d’appel, par un arrêt du 1er septembre 1999, fixa

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la résidence habituelle des enfants au domicile du père et reconnut un droit de visite etd’hébergement à la requérante. Celle-ci se pourvut en vain en cassation.

& Invoquant l’article 8 combiné à l’article 14 ainsi que l’article 9 de la Convention, la requérantesoutient que la modification de la résidence des enfants, qui vivaient avec elle depuis leurnaissance et le départ de leur père, porte atteinte à son droit au respect de la vie familiale. Elleestime que la Cour d’appel et la Cour de cassation n’ont pris en considération que sa religionet se prétend victime d’une discrimination injustifiée fondée sur sa religion.En outre, elle considère que la fixation de la résidence des enfants au domicile de leur pèreconstitue une atteinte à son droit d’assurer l’éducation de ses enfants conformément à sesconvictions religieuses et est contraire à l’article 2 du Protocole additionnel n/ 1.

& La Cour relève que les décisions des juridictions internes reposent sur une analyse concrète,précise et directe des conditions de vie quotidienne des enfants en tenant particulièrementcompte du rapport de l’enquête sociale. Elle note que si ce mode de vie découle des pratiquesreligieuses de la requérante, “l’on ne saurait considérer pour autant que les juridictions internesaient accordé une importance déterminante à celles-ci ou aient émis des critiques généralessur le mouvement des “Frères”. Elle estime ainsi que les décisions en cause se fondent surl’intérêt supérieur de l’enfant et conclut que la fixation de la résidence des enfants chez leurpère ne peut s’analyser en une différence de traitement entre les parents fondée sur la religionde la requérante. Les juges de Strasbourg estiment en outre que les modalités d’exercice de l’autorité parentalesur les enfants définies par les juridictions nationales ne sauraient porter atteinte à la liberté dela requérante de manifester sa religion.Ils déclarent la requête irrecevable sur ces deux points pour griefs manifestement mal fondés.Enfin, s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 2 du Protocole n/1 à la Convention, laCour note que ce grief n’a pas été soulevé, même en substance, devant les juridictions interneset déclare la requête irrecevable pour non épuisement des voies de recours internes.

N Doctrine :

T Hélène SURREL: “Le juge des droits de l'homme”, in : Droit de la famille n/ 7, juillet 2006,étude 36, p. 28-30 ( à propos des mineurs dans la jurisprudence de la CEDH)

T Sylvain JACOPIN, “La réception par les lois pénales françaises contemporaines de l’article8 de la Convention européenne des droits de l'homme”, in : Droit pénal n/ 6, juin 2006, étude9, p. 6-13.

T Marie-France DELHOSTE , “Vols de nuit et vie privée : l’article 8 de la Convention sacrifié”,in : Environnement n/ 5, mai 2006, étude 8.

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Article 10 - Droit à la liberté d’expression

Mamère c. France7 novembre 2006

- req. n //// 12697/03 -- violation de l’article 10 de la Convention -

N Synthèse :

& En octobre 1999, le requérant participa à une émission de télévision, au cours de laquelle,évoquant la catastrophe de Tchernobyl, il parla de M. Pellerin (alors directeur du Service centralde Protection contre les rayons ionisants (SCPRI), placé sous tutelle ministérielle) comme« d’un sinistre personnage (...) qui n’arrêtait pas de nous raconter que la France était tellementforte – complexe d’Astérix – que le nuage de Tchernobyl n’avait pas franchi nos frontières ».Le 11 octobre 2000, le tribunal correctionnel condamna Monsieur Texier, directeur depublication de France 2, ainsi que le requérant, pour « diffamation publique envers unfonctionnaire », sur le fondement de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881, à une peined’amende de 10 000 francs chacun (1524,50 euros) et solidairement, au paiement de 50 000francs au titre des dommages et intérêts (7 622,45 euros).Ce jugement fut confirmé en appel le 3 octobre 2001, la cour d’appel estimant les propos durequérant diffamatoires car portant atteinte « à l’honneur et à la considération » de M. Pellerin.Cette juridiction concluait à l’absence de bonne foi du requérant, au motif qu’il avait manqué demodération en insistant fortement et de manière péremptoire sur le fait qu’en touteconnaissance de cause, M. Pellerin avait fait preuve d’une volonté réitérée de mentir et n’avaitcessé de fausser la vérité. Elle estimait en outre que le requérant avait affublé M. Pellerin de« caractéristiques péjoratives » en usant de l’adjectif « sinistre » et en disant qu’il souffrait « ducomplexe d’Astérix ». La Cour de cassation rejeta leur pourvoi en octobre 2002.

& Devant la Cour européenne, le requérant estimait que sa condamnation pour diffamationpublique envers un fonctionnaire constituait une violation de l’article 10 de la Conventiongarantissant le droit à la liberté d’expression.

& La Cour de Strasbourg relève que la condamnation du requérant constitue une ingérencedans l’exercice de son droit à la liberté d’expression, ingérence prévue par la loi du 29 juillet1881 relative à la liberté de la presse et poursuit l’un des buts légitimes énumérés à l’article 10 §2, à savoir la protection de la réputation d’autrui.& Elle note ensuite que le cas d’espèce, “l’article 10 exige à double titre un niveau élevé deprotection du droit à la liberté d’expression”. Elle considère en effet, que “les propos tenus parle requérant relevaient de sujets d’intérêt général : la protection de l’environnement et de lasanté publique (...) et la manière dont les autorités françaises ont géré ces questions dans lecontexte de la catastrophe de Tchernobyl ; ils s’inscrivaient d’ailleurs dans un débat public d’uneextrême importance, relatif en particulier à l’insuffisance des informations que [les autoritésnationales] ont données à la population quant aux niveaux de contamination auxquels elle étaitexposée et aux conséquences que cela a eu en termes de santé publique. D’autre part, lerequérant s’exprimait (...) en sa qualité d’élu et dans le cadre de son engagement écologiste,de sorte que ses propos relevaient de l’expression politique ou « militante »” (§ 20)& Par ailleurs, la Cour rappelle que “les personnes poursuivies à raison de propos qu’elles ont

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tenus sur un sujet d’intérêt général doivent pouvoir s’exonérer de leur responsabilité enétablissant leur bonne foi et, s’agissant d’assertions de faits, en prouvant la véracité de ceux-ci.En l’espèce, les propos litigieux tenaient du jugement de valeur mais aussi (...) de l’imputationde faits ; le requérant devait donc se voir offrir cette double possibilité” (§ 23).

& Concernant l’imputation de faits, la loi de 1881 empêchait le requérant de rapporter la preuvede la véracité de ses propos, les actes dénoncés remontant à plus de dix ans. Or, si en général,la Cour perçoit la logique d’une telle limite temporelle, elle estime que “lorsqu’il s’agitd’événements qui s’inscrivent dans l’Histoire ou relèvent de la science, il peut au contrairesembler qu’au fil du temps, le débat se nourrit de nouvelles données susceptibles de permettreune meilleure compréhension de la réalité des choses” (§ 24).

& Enfin, la Cour n’est pas convaincue par le raisonnement suivi par la cour d’appel quant àl’absence de bonne foi du requérant en ce qu’il repose exclusivement sur le constat discutabledu défaut de modération des propos litigieux. Rappelant sa jurisprudence (Steel et Morris c.Royaume-Uni du 15 février 2005 (§ 90) - req. n/ 68416/01), les juges européens précisent qu’ilest permis à une personne s’engageant dans un débat public d’intérêt général “de recourir àune certaine dose d’exagération, voire de provocation”. En l’espèce, les propos de M. Mamère,“certes sarcastiques, restent dans les limites de l’exagération ou de la provocation admissibles”et ils n’y voient pas de termes manifestement outrageants.La Cour prend également en compte la qualité de fonctionnaire de la personne mise en cause,qualité qui peut justifier une protection particulière, mais variable suivant les missions exercées.Or, à l’époque où le requérant a tenu les propos jugés diffamatoires, “le SCPRI n’existait pluset, âgé de 76 ans, le fonctionnaire (...) n’était plus en activité. Par ailleurs, la question de laresponsabilité tant personnelle qu’« institutionnelle » de M. Pellerin s’inscrit entièrement dansle débat d’intérêt général dont il est question, dès lors qu’en tant que directeur du SCPRI, ilavait accès aux mesures effectuées et était intervenu à plusieurs reprises dans les médias pourinformer le public du degré de contamination, ou plutôt, pourrait-on dire, d’absence decontamination, du territoire français” (§ 28). Elle en déduit que cela ne pouvait justifier unesévérité particulière dans le jugement.Dans ces circonstances et vu l’extrême importance du débat d’intérêt général dans lequel lespropos litigieux s’inscrivaient, la Cour européenne estime que “la condamnation du requérantpour diffamation ne saurait passer pour proportionnée, et donc pour « nécessaire dans unesociété démocratique »” (§ 30). Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 de laConvention.

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Brasilier c. France 11 avril 2006 - req. n //// 71343/01 -

- violation de l’article 10 de la Convention -

N Synthèse :

& En 1997, le requérant, candidat aux élections législatives dans la deuxième circonscriptionde Paris, participa à plusieurs manifestations publiques. A l’occasion de l’une d’elles, des tractsappelant à l’invalidation de l’élection de M. Tiberi, son adversaire, député sortant, et l’accusantd’avoir truqué les élections furent distribués, et des banderoles portant les inscriptions « TIBERItu nous casses les URNES » ou encore « EN FACE : BUREAU de la FRAUDE, VOLS ETMAGOUILLE » furent déployées en face de la mairie.M. Tiberi porta plainte contre X pour diffamation publique envers une personne chargée d’unmandat public et publications d’imputations diffamatoires. Le requérant, qui reconnut avoir

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rédigé tant le tract que les banderoles et les avoir distribués et exhibés, fut mis en examen.En mars 1999, M. Brasilier fut relaxé par le tribunal correctionnel de Paris, qui estima que lespropos litigieux s’inscrivaient dans les limites de l’objet de la manifestation, laquelle avait étéautorisée par les autorités. Statuant sur l’appel formé par M. Tiberi, la cour d’appel constataqu’en l’absence d’appel du ministère public, la relaxe du requérant était devenue définitive.Cependant, la cour d’appel estima qu’en ne rapportant pas la preuve de ses affirmations, M.Brasilier avait commis une faute civile ; en conséquence, elle le condamna à payer à M. Tiberiun franc de dommages et intérêts. Le requérant se pourvut vainement en cassation.

& Devant la Cour européenne, le requérant soutenait que sa condamnation civile avait emportéviolation de l’article 10 de la Convention.

& La Cour note dans un premier temps que la condamnation du requérant s’analyse en une« ingérence » dans l’exercice par celui-ci de sa liberté d’expression, ingérence qui était prévuepar la loi et poursuivait des buts légitimes.& Sur le point de savoir si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique »,la Cour de Strasbourg estime, contrairement à la cour d’appel, que les déclarations durequérant portent sur des questions d’intérêt public “et constituent davantage des jugementsde valeur que de pures déclarations de fait.” (§ 37). Or, toujours selon la Cour, il y a lieu dedistinguer entre les déclarations de fait, dont la matérialité peut être prouvée, et les jugementsde valeur qui ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude. Par ailleurs, mêmelorsqu’une déclaration équivaut à un jugement de valeur, la proportionnalité de l’ingérencedépend de l’existence d’une base factuelle. La Cour note également que les juridictions françaises “ont établi que les faits s’inscrivaient« dans le cadre d’une polémique nourrie », laquelle impliquait d’autres adversaires du maire etfaisait l’objet de nombreux articles dans la presse nationale.” (§ 38). D’autre part, M. Tiberi afinalement été mis en examen par un juge d’instruction de Paris pour « manœuvresfrauduleuses de nature à fausser le scrutin de 1997 ». Précisant que même si une personnemise en examen ne saurait être réputée coupable, elle poursuit cependant que la base factuellen’était pas inexistante en l’espèce, d’autant plus qu’en tant que maire, M. Tiberi avait laresponsabilité de l’organisation du scrutin et de son bon déroulement.Quant aux propos eux-mêmes, les juges européens estiment qu’ils avaient “assurément uneconnotation négative”, mais que la question centrale des banderoles et du tract incriminésconcernait le déroulement d’un scrutin électoral. Or, ils rappellent que “le libre débat politiqueest essentiel au fonctionnement démocratique” (§ 39) et que l’on “ne saurait restreindre lediscours politique sans raisons impérieuses” (§ 41). En l’espèce, les propos litigieux visaient M.Tiberi, “assurément une personnalité politique et médiatique”, et “dans le contexte d’unecompétition électorale, la vivacité des propos est plus tolérable qu’en d’autres circonstances”(§ 42). Ainsi, les ingérences dans la liberté d’expression d’un membre de l’opposition (M.Brasilier), “qui représente ses électeurs (...) et défend leurs intérêts”, obligent la Cour à se livrerà un contrôle des plus strict. Enfin, la peine infligée au requérant (“franc symbolique”), aussi minime soit-elle, “ne sauraitsuffire, en soi, à justifier l’ingérence dans le droit d’expression du requérant” (§ 43). La Cour ad’ailleurs maintes fois souligné qu’une atteinte à la liberté d’expression peut risquer d’avoir uneffet dissuasif quant à l’exercice de cette liberté.& En conclusion, la Cour estime que la condamnation du requérant s’analyse en une ingérencedisproportionnée dans son droit à la liberté d’expression et constate, à l’unanimité, une violationde l’article 10 de la Convention.

N Doctrine :

T B. Ader, “Le contrôle strict de la Cour EDH sur la critique à l’égard d’un homme politique”, in :Légipresse, Revue mensuelle du droit de la communication, n/ 233, juillet- août 2006, p. 129-

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132.

T Emmanuel Putman, “A propos de l’arrêt Brasilier de la Cour européenne des droits del’homme du 11 avril 2006 : même une condamnation au franc symbolique peut être uneingérence illégitime dans la liberté d’expression”, in : Revue juridique personnes et famille,2006, n/ 6, p. 14.

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Giniewski c. France 31 janvier 2006- req. n //// 64016/00 -

- violation de l’article 10 de la Convention -

N Synthèse :

& A la suite de la publication d’un article dans la presse critiquant l’encyclique papale« Splendeur et vérité », le requérant, condamné par le tribunal correctionnel pour diffamationpublique envers la communauté des chrétiens, fut relaxé en appel. Après cassation des seulesdispositions de l’arrêt d’appel concernant l’action civile, il fut condamné à payer un francsymbolique de dommages-intérêts à l’association défenderesse, et outre les frais au titre del’article 475-1 du CPP, à la publication à ses frais d’un communiqué dans un journal d’audiencenationale.

& Le requérant soutenait que sa condamnation constituait une violation de l’article 10 de laConvention.

& La Cour, amenée à déterminer si l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression durequérant peut passer pour « nécessaire dans une société démocratique », relève que lerequérant a voulu “élaborer une thèse sur la portée d’un dogme et sur les liens possibles avecles origines de l’holocauste. Il a ainsi apporté une contribution, par définition discutable, à untrès vaste débat d’idées engagé, sans ouvrir une polémique gratuite ou éloignée de la réalitédes réflexions contemporaines.” (§ 50). Elle relève par ailleurs que le requérant a effectué son travail de journaliste et d’historien etconstate que l’article constitue finalement une réflexion sur l’extermination des juifs en Europe.Or, dans un tel domaine “les restrictions à la liberté d’expression appellent une interprétationétroite.” (§ 51). Selon les juges européens, il est en effet “primordial dans une société démocratique que ledébat engagé, relatif à l’origine de faits d’une particulière gravité constituant des crimes contrel’humanité, puisse se dérouler librement”. Si l’article “contient des conclusions et desformulations qui peuvent heurter, choquer ou même inquiéter certains, ce que ne nie pas lerequérant, la Cour rappelle que de telles idées ne perdent pas, en tant que telles, le bénéficede la liberté d’expression” (§ 52). L’article en question n’a d’ailleurs aucun caractère« gratuitement offensant », ni injurieux, et il n’incite « ni à l’irrespect, ni à la haine », et neconteste pas la réalité de faits historiques clairement établis. La Cour de Strasbourg retient, à l’unanimité, la violation de l’article 10 de la Convention enrelevant notamment : “Les motifs avancés à l’appui de la condamnation du requérant nesuffisent pas pour convaincre la Cour que l’ingérence dans l’exercice du droit de l’intéressé àla liberté d’expression était « nécessaire dans une société démocratique » ; en particulier, lacondamnation de celui-ci du chef de diffamation publique envers la communauté des chrétiensne répondait pas à un « besoin social impérieux »” (§ 53). En outre, la Cour, juge en l’espèceque “la mention de l’existence du délit de diffamation dans le communiqué revêt un caractèredissuasif certain”, rendant la sanction disproportionnée et conclut, à l’unanimité, à la violationde l’article 10 de la Convention.

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N Doctrine :

T Pierre-François Docquir, “A propos de l’arrêt Giniewski c. France de la Cour européenne desdroits de l’homme du 31 janvier 2006 : la Cour européenne des droits de l’homme sacrifie-t-ellela liberté d’expression pour protéger les sensibilités religieuses ?”, in : Revue trimestrielle desdroits de l’homme, 2006, n/ 68, p. 839-849.

T Lyn François, “Le conflit entre la liberté d’expression et la protection de la réputation ou desdroits d’autrui, la recherche d’un “juste équilibre” par le juge européen”, in : Le Dalloz, 2006, p.2953.

T Jean François Renucci, “Droit européen des droits de l’homme”, in : Le Dalloz, 2006, p. 1717.

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DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Philippe Houdart et Jérôme Vincent c. France 6 juin 2006

Requête n //// 28807/04(Cité sous article 6 § 1 “Droit à un procès équitable”, p. 26)

N Synthèse :

& Les requérants, quoiqu’inscrits à l’ordre des médecins de la ville de Paris, exercent laprofession de journalistes au magasine « Science et avenir ». En septembre 1998, le magasinepublia un numéro intitulé « Hôpital édition 1998 », lequel comprenait un classement des 50meilleurs hôpitaux et des 50 moins performants. Le centre hospitalier de Saint-Gironsapparaissait à la 13ème place dans le classement des hôpitaux les moins performants. Le chefdu service de chirurgie de cet hôpital, estimant que les critères utilisés par les requérantsétaient inadaptés et qu’un grave préjudice avait été causé à sa réputation, déposa plaintedevant le conseil départemental de l’ordre des médecins de la ville de Paris. Après transmissionde la plainte au conseil régional de l’ordre des médecins de l’Ile-de-France, celui-ci prononçaune peine d’avertissement contre les deux requérants. Suite à une confirmation de la sanction en appel, les requérants se pourvurent en cassationdevant le Conseil d’Etat. Ils invoquaient l’incompétence des juridictions ordinales à l’égard desmédecins n’exerçant pas professionnellement la médecine, mais aussi l’absence de procèséquitable faute d’avoir eu connaissance préalable du rapport du rapporteur devant les deuxinstances ordinales. Enfin, ils estimaient que l’application du code de déontologie médicale àdes médecins n’exerçant pas la médecine, constituait une erreur de droit. Le Conseil d’Etatrejeta leur pourvoi.

& Devant la Cour européenne, les requérants invoquant les articles 10 et 14 de la Convention,se plaignaient d’avoir subi une discrimination dans leur droit à la liberté d’expression en raisonde leur appartenance à un ordre professionnel. Invoquant l’article 10 pris isolément, les requérants considéraient que l’application du code dedéontologie médicale à des journalistes médecins revenait à interdire qu’une informationrelative à la santé publique soit donnée librement par des personnes compétentes.Invoquant enfin l’article 6 § 1 de la Convention, ils se plaignaient enfin de n’avoir pas euconnaissance préalable du rapport du rapporteur devant les deux juridictions ordinales.

& Après avoir rappelé que l’inscription à l’ordre des médecins est un acte volontaire entraînantla soumission aux règles déontologiques et que la garantie de l’article 10 de la Convention est

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subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi, la Cour constate que ledossier litigieux, “par ses titres, intertitres et encarts, présente un caractère sensationnel propreà susciter (...) l’intérêt du lecteur, mais également l’inquiétude de l’usager des serviceshospitaliers mis en cause”. Elle estime que les propos des requérants n’ont pas été exposésavec la précaution et la nuance que suppose “l’examen d’un sujet délicat et controversé” etconsidère donc que les juridictions internes ont fondé leurs décisions sur des motifs pertinentset suffisants. La Cour relève en outre que l’avertissement est la plus faible des sanctionsdisciplinaires possibles et que la publication des requérants n’a souffert d’aucune restriction.Elle conclut que l’ingérence litigieuse passe pour nécessaire dans une société démocratiqueet donc que le grief tiré de la violation de l’article 10 est manifestement mal fondé.S’agissant du grief tiré de la violation des articles 10 et 14 de la Convention, la Cour estime quel’application du code de déontologie médicale aux requérants est la conséquence directe deleur statut professionnel et ne relève donc pas de différence de traitement qui ne soit fondéesur une différence de situation.Enfin, après avoir relevé que le rapport du rapporteur devant le Conseil d’Etat “consiste en unsimple exposé des faits de l’espèce et que son usage est limité à la formation de jugementamenée à les juger”, la Cour considère que l’absence de communication de ce rapport n’est pasde nature à placer l’une des parties dans une position de désavantage par rapport à l’autre etde porter ainsi atteinte à l’égalité des armes. Elle déclare la requête irrecevable.

N Observations :

T Sandrine PLANA , “Les préventions de la Cour européenne à l'encontre de certainesprescriptions religieuses”, in : Droit de la famille, n/ 4, avril 2006, étude 19.

T Anne Debet, “Un an de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme enmatière de communication”, in : Communication Commerce électronique, n/ 12, décembre2006, p. 22-25.

“De septembre 2005 à septembre 2006, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu denombreux arrêts confirmant l’importance qu’elle accorde à la liberté d’expression fondée surl’article 10 CEDH et la faible marge d’appréciation laissée aux États dans ce domaine. Lesmesures restreignant cette liberté en matière de communication (presse et édition) sont difficilesà justifier devant la juridiction strasbourgeoise à partir du moment où la question abordée par lejournaliste ou par l’auteur est jugée d’intérêt public. En 2005-2006, les États ont donc étéfréquemment condamnés et la France, avec trois condamnations, n’a pas échappé aux foudreseuropéennes.” (Abstract de la revue)

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Article 13 - Droit à un recours effectif

Bitton c. France (n //// 1) 19 décembre 2006

- req. n //// 22992/02 - - violation de l’article 13 de la Convention -

N Synthèse :

& Le requérant se plaignait du fait qu'en France il n’existait aucun recours effectif pour seplaindre de la durée excessive de la procédure.

La Cour rappelle les arrêts Duhamel c. France et Oberling c. France et conclut à l’unanimité àla violation de l’article 13 de la Convention “en raison de l’absence en droit interne d’un recoursqui eût permis au requérant, à la date d'introduction de la requête, d’obtenir la sanction de sondroit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6 § 1 de laConvention” (§ 23).

R Voir également :

CEDH, Oberling c. France du 11 avril 2006 - req. n/ 31520/02CEDH, Duhamel c. France du 11 avril 2006 - req. n/ 15110/02

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Assad c. France14 novembre 2006

- req. n //// 66500/01 - - Violation des articles 6 § 1 (délai raisonnable) et 13 de la Convention -(Commenté sous article 6 § 1 de la Convention, p. 14 de ce document)

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Ramirez Sanchez c. France 4 juillet 2006

Arrêt de Grande chambre- req. n //// 59450/00 -

- non violation de l’article 3 (interdiction de la torture) et violation de l’article 13 de la Convention -

(Commenté sous article 3 de la Convention, p. 6 de ce document)

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Bitton c. France (n //// 2) 4 avril 2006

- req. n //// 41828/02 - - violation des articles 6 § 1 (délai raisonnable) et 13 de la Convention -(Commenté sous article 6 § 1de la Convention, p. 15 de ce document)

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Barillon c. France 24 janvier 2006- req. n //// 32929/02 -

- violation des articles 6 § 1 (délai raisonnable) et 13 de la Convention -(Commenté sous article 6 § 1 de la Convention, p. 13 de ce document)

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Aristimuño Mendizabal c. France17 janvier 2006- req. n //// 51431/99 -

- violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie familiale et de la vie privée) et non-violation de l’article 13 de la Convention -

(Commenté sous article 8 de la Convention, p. 58 de ce document)

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DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ

Requête n //// 76642/01Association SOS Attentats et Béatrix de Boëry c. F rance

4 octobre 2006(Commenté sous article 6 § 1 de la Convention, p. 43 de ce document)

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Article 34 - Droit au recours individuel

Aoulmi c. France17 janvier 2006- req. n //// 50278/99 -

- non-violation des articles 3 (interdiction de la torture, des traitements inhumains oudégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention -

- violation de l’article 34 de la Convention -(Cité sous articles 3 et 8 de la Convention, p. 7 et 59 de ce document)

N Synthèse :

& Le requérant, ressortissant algérien, est arrivé en France en 1960 à l’âge de 4 ans, et futmarié pendant 4 ans à une ressortissante française dont il eut une fille.Il fut condamné plusieurs fois pour différentes infractions et notamment en 1988, à 14 moisd’emprisonnement et à l’interdiction définitive du territoire français (IDTF) pour infraction à lalégislation sur les stupéfiants. Sa peine fut aggravée en appel, puis il fut condamné à nouveauen 1992 à 6 années d’emprisonnement. Son recours contre l’IDTF fut rejeté. A sa sortie deprison en août 1999, le requérant fut placé en rétention administrative en vue de sonéloignement du territoire. Entre temps, en 1994, une « hépatite chronique active futdiagnostiquée » chez le requérant.

& Il saisit la Cour européenne le 11 août 1999, jour où le Préfet prit la décision de son renvoivers l’Algérie. La Cour de Strasbourg, en application de l’article 39 du règlement, informa leGouvernement français qu’il serait souhaitable de ne pas expulser le requérant avant qu’ellene rende sa décision. La décision fut malgré tout exécutée.

& Le requérant soutenait que son renvoi vers l’Algérie lui ferait « encourir des risques au sensde l’article 3 » en raison de son état de santé et de ses origines harki. Il invoquait enfin uneviolation de l’article 8 de la Convention d’une part en raison de son absence d’attaches avecce pays et d’autre part, du fait que l’ensemble de sa famille vivait en France.

Concernant la violation alléguée de l’article 3 : La cour estime que le requérant n’a “pas prouvé que sa maladie ne pourrait pas être

soignée en Algérie”. De plus, elle rappelle qu’une “simple possibilité de mauvais traitements enraison d’une conjoncture instable dans un pays n’entraîne pas en soi une infraction à l’article3” (§ 66), d’autant que l’on peut noter une évolution politique en Algérie qui laisse espérer uneamélioration de la situation. La Cour conclut ainsi à la non-violation de l’article 3 de laConvention.

Concernant la violation alléguée de l’article 8 : La Cour recherche si l’IDTF a respecté un juste équilibre entre d’une part, le droit du

requérant au respect de sa vie familiale et d’autre part, la protection de l’ordre public et laprévention des infractions pénales. A cet égard, la Cour relève tout d’abord la gravité croissantedes peines infligées au requérant pour infraction au trafic de drogues. Elle rappelle ensuite que“si tous les membres de sa famille vivent en France, (...) les rapports entre adultes nebénéficieront pas nécessairement de la protection de l’article 8 de la Convention sans que soitdémontrée l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs

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normaux” (§ 87), éléments qu’elle estime ne pas être démontrés par le requérant dont lemariage était dissous depuis trois ans à la date de l’IDTF . Elle écarte ainsi toute violationéventuelle de l’article 8 de la Convention.

Concernant la violation alléguée de l’article 34 de la Convention : Relevant que le Gouvernement n’a pas respecté les mesures provisoires indiquées en

vertu de l’article 39 du règlement de la Cour, elle rappelle que “l’engagement de ne pas entraverl’exercice efficace du droit de recours interdit les ingérences dans l’exercice du droit pourl’individu de porter et défendre effectivement sa cause devant la Cour” (§ 102) . En l’espèce,“le renvoi du requérant vers l’Algérie a gêné l’examen, de manière appropriée, des griefs durequérant conformément à sa pratique constante dans des affaires similaires et, en fin decompte, l’a empêchée de le protéger en cas de besoin des violations potentielles de laConvention” (§ 110). Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 34 de la Convention.

N Doctrine :

T Frédéric Lazaud, “La France condamnée pour non respect d’une mesure provisoire adoptéepar la Cour européenne des droits de l’homme”, in : Le Dalloz, 2006, n/ 17, 27 avril 2006, p.1151-1154.

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Article 41 - Satisfaction équitable

Draon c. France 21 juin 2006- req. n //// 1513/03 -

&

Maurice c. France21 juin 2006

- req. n //// 11810/03 -Arrêts de Grande Chambre

- radiation du rôle -

N Synthèse :

& Les enfants de M. et Mme Draon et de M. et Mme Maurice souffrent de graves handicapscongénitaux qui ne furent pas décelés lors des examens prénataux, du fait de fautes médicales.Les parents intentèrent une procédure en responsabilité de l’établissement de santé, mais dufait de l’application aux affaires pendantes de la loi n/ 2002-303, dite “Anti-Perruche”, du 4 mars2002, les requérants n’obtinrent aucune réparation des charges particulières découlant duhandicap de l’enfant.

& Les requérants introduisirent un recours devant la Cour européenne, sur le fondement desarticles 6, 8, 13, 14 et l’article 1er du Protocole n/ 1. La Cour fit droit à leurs requêtes sur lefondement du Protocole n/ 1 mais estima que l’affaire n’était pas en l’état sur le fondement del’article 41 en ce qui concernait l’octroi de sommes concernant les dommages matériel et moral.

& La Cour statue sur le fondement de l’article 41 de la Convention, relatif à la satisfactionéquitable.

& Elle décide que les affaires Draon et Maurice seront rayées du rôle à la suite du règlementamiable intervenu entre l’Etat français et les requérants. Les requérants obtiendrontrespectivement 2 488 113,27 euros et 2 440 279,14 euros versés au titre de l’entretien del’enfant par ses parents, tout au long de sa vie.

< A noter :

Pour une comparaison des sommes généralement octroyées par la Cour de Strasbourg :l’ampleur de l’indemnisation n’est pas toujours en rapport avec la nature du droit violé. A titred’exemple, 13 200 000 euros furent octroyés dans l’arrêt Papamichalopoulos et autres c. Grècedu 31 octobre 1995 - req. n/ 14556/89, sur le fondement d’une atteinte aux biens alors que dansl’arrêt Selmouni c. France du 28 juillet 1999 - req. n/ 25803/94, le requérant ne s’est vu octroyerque 500 000 francs (environ 76 000 euros) sur le fondement de l’article 3 de la Convention, enréparation des tortures subies.

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13 Voir arrêt CEDH, Lecarpentier c. France du 14 février 2006 - req. n/ 67847/01, p 76 de ce document

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Protocole n //// 1, article 1 er - Protection de la propriété

Achache c. France3 octobre 2006 - req. n //// 16043/03 -

- violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 -

N Synthèse : & Le 12 avril 1996, les requérants intentèrent devant le tribunal de grande instance, une actioncontre la BNP, qui leur avait consenti un prêt immobilier, afin de la voir déchue de ses droits àintérêt du prêt et condamnée à rembourser les montants versés, relevant que le tableau desamortissements n’avait pas été joint à l’offre préalable de prêt. Par ailleurs, une loi n/ 96-314,modifiant avec effet rétroactif certaines dispositions du code de la consommation relatives auxoffres de prêt, fut votée le même jour.Le tribunal accueillit leur demande et condamna la BNP à verser 133 613 euros au titre del’exécution provisoire. La Cour d’appel, faisant application de la loi n/ 96-314, les débouta deleur demande. Enfin, la Cour de cassation rejeta leur pourvoi.

& Les requérants invoquaient les articles 1er du Protocole n/ 1 et 6 § 1 (droit à un procèséquitable), soutenant que l’application rétroactive de la loi n/ 96-314 avait porté atteinte à leurdroit au respect de leurs biens.

& La Cour, citant sa jurisprudence Lecarpentier c. France, du 14 février 2006 13, estime que“l’application rétroactive de la loi du 12 avril 1996 avait entraîné une ingérence dans l’exercicedes droits que les requérants pouvaient faire valoir en vertu de la loi et de la jurisprudence envigueur que la loi n/ 96-314” (§ 29). Elle considère qu’il y a donc eu une ingérencedisproportionnée dans leur droit au respect de leurs biens et conclut à l’unanimité à la violationde l’article 1er du Protocole n/ 1. Elle estime enfin qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’affairesous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.

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Société de gestion du port de Campoloro c. France26 septembre 2006

- req. n //// 57516/00 -- violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 -

N Synthèse :

& La Cour rappelle qu’une créance peut constituer un « bien » au sens de l’article 1er duProtocole n/ 1, à condition qu’elle soit suffisamment établie pour être exigible. Elle considèreà l’unanimité qu’en l’espèce, les sociétés requérantes ont subi et subissent toujours une charge

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spéciale et exorbitante du fait du non-versement des sommes dont elles auraient dû bénéficieren exécution des jugements du tribunal administratif, entraînant une violation de l’article 1er duProtocole n/ 1. En effet, le tribunal a rendu deux jugements, dont la commune n’a pas fait appel,qui ont institué cette dernière débitrice au profit des deux sociétés requérantes.

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Maupas et autres c. France19 septembre 2006

- req. n //// 13844/02 -- non-violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 -

N Synthèse :

& Le tracé de route du projet routier RCEA (Route Centrale Europe Atlantique) fit l’objet d’unemodification et passe désormais sur la propriété des requérants. Ceux-ci n’eurent connaissancede cette modification qu’après expiration du délai de recours contre le décret d’utilité publique.Une ordonnance d’expropriation fut rendue. Les requérants saisirent les juridictionsadministratives afin d’obtenir l’annulation du décret, lesquelles rejetèrent ce recours au motifque la modification du tracé ne constituait pas une modification substantielle rendant nécessaireune nouvelle procédure de déclaration d’utilité publique. Une indemnité d’expropriation futallouée aux requérants.

& Les requérants (époux Maupas et association de défense et de recours des riverains de l’axeRCEA) invoquaient l’article 1er du Protocole n/ 1 et les articles 6 § 1(droit à un procès équitable)et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention, soutenant qu’ils n’avaientpas pu réellement contester l’utilité publique du projet routier fondant l’expropriation en question.

& La Cour européenne déclare la requête recevable en ce qui concerne les époux Maupas etleurs griefs tirés des articles 1er du Protocole n/ 1 et 6 § 1 de la Convention. En revanche, elledéclare irrecevable la requête de l’association requérante fondée sur ces mêmes articles etl’article 8 de la convention.Elle considère que les requérants pouvaient obtenir un contrôle juridictionnel de l’acte fondantl’expropriation et faire ainsi obstacle au transfert de propriété. Elle constate en outre que rienne permet d’affirmer que le montant de l’indemnité d’expropriation n’est pas en rapport avec lavaleur du bien et conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 1er du Protocole n/ 1. Elleestime enfin qu’il n’y a pas lieu d’examiner la requête sur le terrain de l’article 6 § 1 de laConvention.

N Doctrine :

T René Hostiou, “La Cour européenne des droits de l’homme et le contentieux del’expropriation”, in : Actualité juridique de droit administratif, 2007, n/ 4, p. 180-185.

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Mazelie c. France27 juin 2006 - req. n //// 5356/04 -

- violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 -

N Synthèse : & En 1966, le requérant acquit un immeuble situé sur l’emplacement d’un ancien châteauféodal. Cette propriété, sur laquelle il construisit en 1967 une maison, reposait sur un plateaude remparts, entouré en contrebas par un second plateau sur lequel se situait un jardin avecun belvédère surmonté d’une tour et accessible par un « escalier monumental ».En 1969, une partie des remparts s’effondra, menaçant une propriété située en contrebas. & Estimant que le requérant était propriétaire de ces murs, le maire de la commune le mit endemeure, en 1969, de réaliser des travaux de consolidation. L’intéressé contesta la décisiondu maire et intenta une procédure contre la municipalité afin de faire reconnaître qu’il n’était paspropriétaire des remparts. En 1973, la ville fit assigner l’Etat en intervention forcée.Alors que cette procédure était pendante, la ville entreprit les travaux de restauration desremparts et prit une hypothèque sur la propriété du requérant afin de garantir le montant destravaux ainsi effectués. Ne pouvant disposer de son bien, le requérant fut contraint de souscrireun emprunt. Il se serait ainsi trouvé surendetté et désespéré au point de commettre cinq volsà main armée pour lesquels il fut condamné en 1988 à cinq ans de prison dont quatre avecsursis. Par ailleurs, en décembre 2000, une banque à qui le requérant devait l’équivalent de 17 500euros fit saisir et vendre aux enchères la propriété pour un montant d’environ 115 000 euros,laquelle était estimée en 2003 à plus de 380 000 euros. Dans l’intervalle, le 25 mai 2000, la cour administrative d’appel de Douai conclut que lesremparts litigieux appartenaient à l’Etat dès lors qu’ils formaient une dépendance du vieuxchâteau de La Ferté-Milon et y étaient rattachés par accessoire, et que ledit château étaitdésigné sur le tableau des propriétés de l’Etat établi en 1926 comme étant affecté au ministèrede l’instruction publique et des beaux arts depuis 1856.

& Invoquant notamment l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention desauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (droit à la protection de lapropriété), le requérant soutenait que l’attitude de la ville de La Ferté-Milon et de l’Etat à sonégard avait porté atteinte à son droit au respect de ses biens.

& La Cour relève que durant le contentieux opposant le requérant à l’administration sur laquestion de la propriété des remparts litigieux, et en raison de l’inscription d’une hypothèquepar la ville, le droit de propriété de l’intéressé “s’est trouvé lesté d’une charge qui en affectaitnotablement le plein exercice”. Il y a donc eu “une ingérence dans l’exercice du droit depropriété du requérant” qui a pour origine l’attitude de la commune (§ 26).Elle constate qu’il est aujourd’hui clair, comme l’ont reconnu les juridictions françaises, “que lesremparts litigieux sont la propriété de l’Etat et qu’il lui revient donc d’en assurer la maintenance”.“La Cour ne peut que s’étonner qu’il ait fallu plus de trente ans et plusieurs procédures pourparvenir à un constat qui semble relever de l’évidence. Elle a en particulier des difficultés àcomprendre que l’Etat, assigné dès 1973 en intervention forcée dans l’instance dont l’objet étaitprécisément de déterminer le propriétaire des remparts litigieux, ne soit pas de bonne heureparvenu à cette conclusion. Elle ne peut voir dans cette attitude qu’une grave négligenceadministrative, qui a eu pour le requérant d’importantes conséquences préjudiciables” (§ 29).

& Relevant enfin que l’ingérence dans le droit au respect des biens du requérant repose surune erreur de droit entièrement imputable aux autorités, la Cour estime qu’elle ne s’appuyaitpas sur une base légale suffisante et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 1er du

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Protocole n/ 1. Elle déclare par ailleurs irrecevable le moyen fondé sur l'article 8 de laConvention (droit au respect de la vie privée et de la vie familiale) et conclut enfin à l’absencede violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 13 (droit à un recours effectif) et 17(interdiction de l'abus de droit) de la Convention.

N Doctrine :

T Olivier Dubos, Chronique Europe, commentaire de l’arrêt Mazelie c. France du 27 juin 2006,in : JCP, éd. Administrations et Collectivités territoriales, n/ 42, 16 octobre 2006, 1238, p. 1317-1319.

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Machard c. France 24 avril 2006

- req. n //// 42928/02 - - non-violation de l’article 6 § 1 (droit à l’exécution des décisions) -

- violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 -(Cité sous article 6 § 1 de la Convention, p. 52 de ce document)

N Synthèse :

& Les requérants engagèrent une procédure contre un projet de remembrement impliquant desparcelles de terrain leur appartenant. La procédure s’acheva par le rejet de leur pourvoi par leConseil d’Etat.

& Devant la Cour européenne, ils invoquaient une violation de l’article 6 § 1 et de l’article 1er

du Protocole n/ 1 en raison du défaut d’exécution des décisions de justice se prononçant enfaveur de la réattribution de certaines parcelles.

& La Cour constate tout d’abord que si la procédure s’est déroulée de manière quelque peuconfuse, elle est aujourd’hui purgée de toute difficulté. “S’il est compréhensible que lesrequérants tirent de ces circonstances le sentiment que les décisions rendues en leur faveurn’ont pas été exécutées, les faits montrent le contraire” (§ 14). Ainsi, elle conclut à l’unanimitéà la non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention.Cependant, elle relève que le litige en cause a duré une trentaine d’années sans que cettedurée puisse être imputée à ces derniers. Elle rappelle qu’elle a déjà eu l’occasion de juger que“la durée d’une procédure relative à un remembrement « entre en ligne de compte, avecd’autres éléments, pour déterminer si le transfert [de propriété] litigieux se concilie avec lagarantie du droit de propriété »” (§ 15). Eu égard à la durée particulièrement longue de laprocédure de remembrement “et, en corollaire, de l’ingérence dans l’exercice du droit desrequérants au respect de leurs biens, la Cour considère que ces derniers se sont vu imposerune charge spéciale et exorbitante” (§ 15). Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article1er du Protocole additionnel n/ 1.

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Lecarpentier c. France14 février 2006- req. n //// 67847/01 -

- violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 -

N Synthèse :

& Les requérants, qui rencontraient des difficultés pour rembourser un prêt à la consommation,avaient obtenu, en première instance, la déchéance du droit aux intérêts à l’encontre de lasociété financière RSGB, l’offre de prêt n’ayant été assortie « d’aucun tableau qui précise la partdu remboursement affecté dans chacune des échéances à l’amortissement du capital parrapport à celle couvrant les intérêts » (article L 312-8 du code de la consommation).En raison de l’intervention de la loi du 12 avril 1996 modifiant certaines dispositions du codede la consommation et qui validait certaines pratiques antérieures des banques en matièred’échéancier des amortissements en s’appliquant rétroactivement aux contrats émis avant le31 décembre 1994, la Cour d'appel les condamna à rembourser la somme obtenue en premièreinstance et la Cour de cassation rejeta leur pourvoi.

& Devant les juges de Strasbourg, ils invoquaient une violation de l'article 1er du protocoleadditionnel n/ 1 et de l’article 6 §1 de la Convention.

Sur l'application du Protocole n/ 1 aux faits de l’espèce : “La Cour considère que les requérants bénéficiaient d’un intérêt patrimonial en l’espèce,

qui constituait, sinon une créance à l’égard de leur adversaire, du moins une « espérancelégitime», de pouvoir obtenir le remboursement de la somme litigieuse, qui avait le caractèred’un « bien» au sens de la première phrase de l’article 1er du Protocole n/ 1” (§ 38). Elles’appuie notamment sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui, depuis 1994,sanctionnait l’absence d’envoi du tableau d’amortissement avec l’offre de prêt, par la déchéancedu droit aux intérêts et la nullité du contrat de prêt.

Sur la justification de l’ingérence dans le respect du droit aux biens des requérants :Constatant l’existence d’une telle ingérence, la Cour européenne recherche le « but

d’utilité publique » poursuivi par le législateur et exigé par l’article 1er du Protocole n/ 1 pourjustifier une telle atteinte au droit de propriété. Rappelant “qu’en principe un motif financier nepermet pas à lui seul de justifier une telle intervention législative”, elle ne voit pas d’élémentsdans les faits de l’espèce établissant la nécessité d’une loi nouvelle pour préserver l’équilibredu secteur bancaire et l’activité économique en général, prétendument mis à mal par l’ancienarticle L 312-8 du code de la consommation tel qu’interprété par la Cour de cassation. Elle opère un contrôle de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toutemesure privant une personne de sa propriété : Elle constate que “l’article 87 de la loi du 12 avril1996 a définitivement réglé le fond du litige en donnant raison à l’une des parties, privant lesrequérants d’une « valeur patrimoniale » préexistante et faisant partie de leurs « biens », dontils pouvaient légitimement espérer obtenir le remboursement” (§ 51), et estime que l’atteinteportée aux biens des requérants a revêtu un caractère disproportionné, rompant le justeéquilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de lasauvegarde des droits fondamentaux des individus. Elle conclut à l’unanimité à la violation del’article premier du Protocole n/ 1 et décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sous l’angle de l’article6 § 1de la Convention.

N Doctrine :

T Stéphane Piedelièvre, “Retour sur l'affaire dite des tableaux d'amortissement après ladécision de la CEDH du 14 février 2006”, in : JCP, éd. Entreprise et Affaires, 2006, n/ 38, 2364,

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p. 1566-1569.

T Frédéric Sudre, “Égalité des armes et loi rétroactive” - note sous les arrêts Cabourdin c.France et Lecarpentier c. France de la Cour européenne des droits de l’homme du 11 avril 2006et 14 avril 2006, in : JCP, éd. générale, 2006, n/ 31-35, I 164, p. 15-20.

T Moussa Thioye, “Affaire dite des tableaux d'amortissement des prêts immobiliers : la CEDHcondamne la rétroactivité”, in : JCP, éd. générale, 2006, n/ 42, II 10171, p. 1958-1962.

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Protocole n //// 1, article 3 - Droit à des élections libres -

DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

Marie-Claude Bompard c. France 4 avril 2006

Requête n //// 44081/02

N Synthèse :

& La requérante déposa devant le Conseil Constitutionnel un recours en annulation desélections législatives françaises des 9 et 16 juin 2002. Elle estimait en effet que lesrecensements effectués en 1990 et 1999 montraient une évolution démographique impliquantune révision des limites des circonscriptions issues de la loi du 24 novembre 1986,conformément à l’article L.125 du code électoral. Elle soutenait que l’absence d’une tellerévision entraînait des écarts importants de population constitutifs d’une rupture du principed’égalité devant le suffrage. Par une décision du 25 juillet 2002, le Conseil constitutionnel rejetasa requête au motif que la question soulevée relevait de l’appréciation de la constitutionnalitédes lois et non du contentieux électoral.

& Invoquant l’article 3 du Protocole n/ 1 de la Convention, la requérante soutenait que ladécision du Conseil constitutionnel était contraire au droit à des élections libres et organiséeset alléguait une rupture de l’égalité des électeurs dans la représentation législative.Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, la requérante se plaignait également d’un défautd’équité de la procédure devant le Conseil constitutionnel.

& Après avoir rappelé que les droits consacrés par l’article 3 du Protocole n/ 1 n’étaient pasabsolus et que les Etats disposaient d’une large marge d’appréciation en la matière, la Courretient que l’article 3 du Protocole n/ 1 implique une égalité de traitement de tous les citoyensdans l’exercice de leur droit de vote et de leur droit de se présenter aux suffrages. La Cour notetoutefois qu’aucun système ne saurait éviter le phénomène des “voix perdues” et qu’ainsi, desécarts de population entre les circonscriptions étaient possibles. Elle estime que, même enadmettant que l’absence de redécoupage entre 1999 et 2002 n’ait pas permis de tenir comptede l’évolution démographique des circonscriptions du Vaucluse, il ne saurait être considéré quede telles circonstances aient réduit de façon substantielle les droits de la requérante au pointde les priver de leur effectivité. Elle conclut que les motifs d’absence de redécoupage exposéspar le Gouvernement sont nécessaires dans une société démocratique et déclare le griefmanifestement mal fondé.S’agissant des griefs tirés de la violation des articles 6 et 13 de la Convention, la Cour estimequ’ils sont incompatibles ratione materiae avec la Convention, le droit de voter à une électionétant un droit de caractère politique et non civil ou pénal de sorte que les litiges relatifs à sonexercice sortent du champ d’application de l’article 6 de la Convention.

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LISTE ALPHABÉTIQUE DES ARRÊTS

Les arrêts cités en note de bas de page ou dans la rubrique « voir également » apparaissenten italique

AAchache c. France - 3 octobre 2006) - art 1er Protocole n/ 1 - page 72Achour c. France - 29 mars 2006 - art 7 - page 55André c. France - 28 février 2006 - art 6 § 1 - page 33Aoulmi c. France - 17 janvier 2006 - art 3, 8 et 34 - pages 7, 59 et 69Aristimuño Mendizabal c. France - 17 janvier 2006 - art 8 et 13 - pages 58 et 68Assad c. France - 14 novembre 2006 - art 6 § 1 et 13 - pages 14 et 67

BBarbier c. France - 17 janvier 2006 - art 6 § 1 - page 41Barrillon c. France - 24 janvier 2006 - art 6 § 1 et 13 - pages 13 et 68Barrillon c. France - 9 février 2006 - art 6 § 1 - page 16Bassien-Capsa c. France - 26 septembre 2006 - art 6 § 1 - page 21Beaucaire c. France - 6 juin 2006 - art 6 § 1 - page 15Ben Naceur c. France - 3 octobre 2006 - art 6 § 1 - page 27(Gérard) Bernard c. France - 26 septembre 2006 - art 5 - page 8Bernardini c. France - 12 décembre 2006 - art 6 § 1 - page 14Bertin c. France - 24 mai 2006 - art 6 § 1 - page 28Besseau c. France - 07 mars 2006 - art 6 § 1 - page 41Bitton c. France (n/ 2) - 4 avril 2006 - art 6 § 1 et 13 - pages 15 et 68Bitton c. France (n/ 1) - 19 décembre 2006 - art 13 - page 67Bonifacio c. France - 10 octobre 2006 - art 6 § 1 - page 21Brasilier c. France - 11 avril 2006 - art 10 - page 62Brenière c. France - 28 février 2006 - art 6 § 1 - page 33

CCabourdin c. France - 11 avril 2006 - art 6 § 1 - page 30CED Viandes et autre c. France - 27 juillet 2006 - art 6 § 1 - page 21Clément c. France - 6 juin 2006 - art 6 § 1 - page 15Cosson c. France - 18 juillet 2006 - art 6 § 1 - page 24Cour c. France - 3 octobre 2006 - art 6 § 1 - page 37Courty et autres c. France - 3 octobre 2006 - art 6 § 1 - page 24

D

Demir c. France - 4 avril 2006 - art 6 § 1 - page 16Deshayes c. France - 28 février 2006 - art 6 § 1 - page 33Desserprit c. France - 28 novembre 2006 - art 6 § 1 - page 16Donnadieu c. France - 7 février 2006 - art 6 § 1 - page 16Duhamel c. France - 11 avril 2006 - art 6 § 1 - page 16Dukmedjian c. France - 31 janvier 2006 - art 6 § 1 - page 16Draon c. France - 21 juin 2006 - art 41 - page 71

EEcoffet c. France - 12 décembre 2006 - art 6 § 1 - page 14

FFarange c. France - 13 juillet 2006 - art 6 § 1 - pages 16 et 24

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Flandin c. France - 28 novembre 2006 - art 6 § 1 - page 46

GGaultier c. France - 28 mars 2006 - art 5 - page 11 Giniewski c. France - 31 janvier 2006 - art 10 - page 64Gouget et autres c. France - 24 janvier 2006 - art 6 § 1 - page 33Gruais et Bousquet c. France - 10 janvier 2006 - art 6 §1 - page 42Gubler c. France - 27 juillet 2006 - art 6 § 1 - page 18Guilloury c. France - 22 juin 2006 - art 6 §1 - page 48

HHostein c. France - 18 juillet 2006 - art 6 § 1 - page 34

JJoye c. France - 20 juin 2006 - art 6 § 1 - page 34

LLabergère c. France - 26 septembre 2006 - art 6 § 1 - page 38Latry c. France - 23 février 2006 - art 6 § 1 - page 13Le Bechennec c. France - 28 mars 2006 - article 6 § 1 - page 15Le Calvez c. France - 19 décembre 2006 - art 6 § 1 - page 16Lecarpentier c. France - 14 février 2006) - art 1er Protocole n/ 1 - page 76Léger c. France - 11 avril 2006 - art 3 et 5 - pages 7 et 10L.L. c. France - 10 octobre 2006 - art 8 - page 57Louis c. France - 14 novembre 2006 - art 6 § 1 - page 34

MMachard c. France - 24 avril 2006 - art 6 § 1 et 1er Protocole n/ 1 - pages 52 et 75Malquarti c. France - 20 juin 2006 - art 6 § 1 - page 16 et 24Mamère c. France - 7 novembre 2006 - art 10 - page 61Martinie c. France - 12 avril 2006 - art 6 § 1 - page 21Mattei c. France - 19 décembre 2006 - art 6 § 1 - page 45Maupas et autres c. France - 19 septembre 2006 - art 1er Protocole n/ 1 - page 73Maurice c. France - 21 juin 2006 - art 41 - page 71Mazelie c. France - 27 juin 2006 - art 1er Protocole n/ 1 - page 74Miraux c. France - 26 septembre 2006 - art 6 § 1 - page 45Mourgues c. France - 19 décembre 2006 - art 6 § 1 - page 34

NNedzela c. France - 27 juillet 2006 - art 6 § 1 - page 39Nicolas c. France - 27 juin 2006 - art 6 § 1 - page 16

OOberling c. France - 11 avril 2006 - art 6 § 1 et 13 - page 16Ong c. France - 14 novembre 2006 - art 6 § 1 - page 36

PPessino c. France - 10 octobre 2006 - art 7 - page 54Plasse-Bauer c. France - 28 février 2006 - art 6 § 1 - page 52Poulain de Saint-Père c. France - 28 novembre 2006 - art 6 § 1 - page 24

RRaffi c. France - 28 mars 2006 - art 6 § 1 - page 16

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Ramirez Sanchez c. France - 4 juillet 2006 - art 3 et 13 - pages 6 et 67Rivière c. France - 11 juillet 2006 - art 3 - page 4Roux c. France - 24 avril 2006 - art 6 § 1 - page 20

SSacilor-Lormines c. France - 9 novembre 2006 - art 6 § 1 - page 17Saint-Adam et Millot c. France - 2 mai 2006 - art 6 § 1 - page 28Salé c. France - 21 mars 2006 - art 6 § 1 - page 31SARL Aborcas c. France - 30 mai 2006 - art 6 § 1 - page 40SARL du parc d’activités de Blotzheim c. France - 11 juillet 2006 - art 6 § 1 - pages 16 et 24Sassi c. France - 27 juin 2006 - art 6 § 1 - page 34Siffre c. France - 12 décembre 2006 - art 6 § 1 - page 14Société au service du développement c. France - 11 avril 2006 - art 6 § 1 - page 16Société de gestion du port de Campoloro c. France - 26 septembre 2006 - art 6 § 1 et 1er

Protocole n/ 1 - page 72S.U. c. France - 10 octobre 2006 - art 5 § 4 - page 12Syndicat national des professionnels des procédures collectives c. France - 20 juin 2006 - page24

TTaïs c. France - 1 juin 2006 - art 2 - page 1Treboux c. France - 3 octobre 2006 - art 5 § 4 - page 12

VVan Glabeke c. France - 7 mars 2006 - art 5 - page 11Varelas c. France - 27 juillet 2006 - art 6 § 1 - page 16Vaturi c. France - 13 avril 2006 - art 6 § 1 - page 49Vesque c. France - 7 mars 2006 - art 6 § 1 - page 32Vezon c. France - 18 avril 2006 - art 6 § 1 - page 29Vincent c. France - 24 octobre 2006 - art 3 - page 3Vuillemin c. France - 19 septembre 2006 - art 6 § 1 - page 34

ZZentar c. France - 13 avril 2006 - art 6 § 1 - page 49Zervudacki c. France - 27 juillet 2006 - art 5 - page 9

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LISTE DES DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ

Association SOS Attentats et Béatrix de Boëry c. France - 4 octobre 2006 - art. 6 § 1 et 13 -pages 43 et 68Battisti c. France - 12 décembre 2006 - art. 6 § 1 - page 24(Marie-Claude) Bompard c. France - 4 avril 2006 - art. 3 Protocole n/ 1 - page 78 (Claudine) Deschomets c. France - 16 mai 2006 - art. 8 combiné à 14, art. 8 pris isolément etart. 9 - page 59Guigue et SGEN-CFDT - 6 janvier 2004 - art. 6 § 1 - page 34(Philippe) Houdart et Jérôme Vincent c. France - 6 juin 2006 - art. 10 combiné à 14, art. 10 prisisolément et art. 6 § 1 - pages 26 et 65(Job) Vos c. France - 5 décembre 2006 - art. 6 § 2 et 6 § 3d) - page 50.