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LoUis VEREECKE LA CLOTURE DANS L'ORDRE DU TRÈS-SAINT-RÉDEMPTEUR ESQUISSE HISTORIQUE - LÉGISLATION ACTUELLE SOMMAIRE I. LA CLÔTURE: ESQUISSE HISTORIQUE. II. LA CLÔTURE DANS L'ORDRE DU TRÈs-SAINT-RÉDEMPTEUR. 1. Des origines à l'approbation pontificale. - 2. L'approbation pontificale 1750. - 3. Le Code de Droit Canon (1917). - 4. Du Code de Droit Canon au Concile Vati- can II. - 5. Le Concile Vatican II. - 6. Les Constitutions de l'Ordre du Très-Saint- Rédempteur. - 7. Le Code de Droit Canon (1983). - 8. Les Constitutions et Statuts de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur. III. LA LÉGISLATION ACTUELLE SUR LA CLÔTURE. Le Code de Droit Canon (1983). - a. La clôture des religieux en général, 667, § 1. - b. La clôture des monastères en général, 667, § 2. - c. La clôture Papale et la clôture constitutionelle, 667, § 3. - d. Les pouvoirs de l'Evêque, 667, § 4. CONCLUSION. Dans toute vie religieuse, le recueillement est un élément es- sentiel. Divers moyens sont aptes à le procurer. Dans l'histoire des Ordres religieux en Occident, la clôture, plus ou moins stricte, fut un de ces moyens. Par clôture, nous pouvons entendre, au sens ma- tériel, les endroits réservés de l'habitation où les étrangers n'ont pas libre accès et d'où les religieux ne peuvent sortir librement; au sens juridique, la législation de l'Eglise ou des divers Ordres reli- gieux qui règle la clôture.

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LoUis VEREECKE

LA CLOTURE

DANS L'ORDRE DU TRÈS-SAINT-RÉDEMPTEUR

ESQUISSE HISTORIQUE - LÉGISLATION ACTUELLE

SOMMAIRE

I. LA CLÔTURE: ESQUISSE HISTORIQUE.

II. LA CLÔTURE DANS L'ORDRE DU TRÈs-SAINT-RÉDEMPTEUR.

1. Des origines à l'approbation pontificale. - 2. L'approbation pontificale 1750. -3. Le Code de Droit Canon (1917). - 4. Du Code de Droit Canon au Concile Vati­can II. - 5. Le Concile Vatican II. - 6. Les Constitutions de l'Ordre du Très-Saint­Rédempteur. - 7. Le Code de Droit Canon (1983). - 8. Les Constitutions et Statuts de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur.

III. LA LÉGISLATION ACTUELLE SUR LA CLÔTURE.

Le Code de Droit Canon (1983). - a. La clôture des religieux en général, 667, § 1. - b. La clôture des monastères en général, 667, § 2. - c. La clôture Papale et la clôture constitutionelle, 667, § 3. - d. Les pouvoirs de l'Evêque, 667, § 4.

CONCLUSION.

Dans toute vie religieuse, le recueillement est un élément es­sentiel. Divers moyens sont aptes à le procurer. Dans l'histoire des Ordres religieux en Occident, la clôture, plus ou moins stricte, fut un de ces moyens. Par clôture, nous pouvons entendre, au sens ma­tériel, les endroits réservés de l'habitation où les étrangers n'ont pas libre accès et d'où les religieux ne peuvent sortir librement; au sens juridique, la législation de l'Eglise ou des divers Ordres reli­gieux qui règle la clôture.

28 Louis V ereecke

Cet article présentera, d'abord, un bref historique de la clô­ture (l); puis il examinera les textes des Règles et Constitutions de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur sur la clôture (Il); enfin il expo­sera la législation actuellement en vigueur (Ill).

I. LA CLOTURE: ESQUISSE HISTORIQUE

Au début du christianisme, ascètes et vierges vtvatent dans leur famille, adonnés au recueillement, à la prière et à l'exercice de la charité. Dès le ur siècle, cependant, ils se retirèrent du monde pour peupler les solitudes et fonder des monastères. Très tôt l'Eglise se préoccupa de donner des règlements de prudence aux cénobites, aux moines et aux moniales.

Les Papes et les Conciles élaborèrent petit à petit une cer­taine législation sur la clôture, tels les conciles d'Epaone (517), de Saragosse (691), de Freising, en Allemagne (800). Saint Basile de Césarée (330-79), dans ses Règles, recommande la discrétion entre moines et moniales, ainsi que dans leurs relations avec le monde extérieur. Saint Césaire d'Arles (503-542) défend aux moniales de se rendre dans des monastères d'hommes. Le Pape Saint Grégoire le Grand (590-604), dans une lettre à l'abbé Valentin, donne des con­seils sur le retrait du monde. Mais il n'y a dans ces ·anciens monastè­res, rien de comparable à notre clôture actuelle. En plein XIr siècle, on est encore très loin d'une clôture vraiment stricte pour les mo­niales. Le canon 26 du Ir. Concile du Latran (1139) reproche à cer­taines moniales de donner «l'hospitalité dans des maisons privées à des hôtes, qui ne sont même pas des religieuX:». Le Pape Boniface VIII (1294-1308), dans un document intitulé Periculoso, en 1298, plus tard intégré dans le Droit canon, imposera les principes fondamentaux de la clôture: «Défense de sortir du monastère, sauf en cas de maladie grave qui mettrait en péril le reste de la communauté; l'entrée dans le monastère ne peut se faire qu'avec l'autorisation, pour un juste motif». Ces normes ne furent pas reçues partout. De nombreux monastères, surtout ceux composés de dames nobles, invoquèrent coutumes et privilèges anciens pour permettre l'absence prolongée de moniales et leur séjour en famille, ainsi que la présence de longue durée dans les monastères des familles des religieuses ou d'ecclésiastiques.

Le concile de Trente (1545-1563), le grand concile réformateur

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 29

du xvr siècle, ne se contenta pas de définir les dogmes, il s'engagea dans une réforme du peuple chrétien, du clergé et des ordres mo­nastiques. Dans un décret des 3 & 4 décembre 1563, le concile établit les normes de la clôture, reprenant les dispositions de Boni­face VIII, les munissant de peines ecclésiastiques, notamment de l'excommunication. Tout au long du xvr siècle, la législation tri­dentine fut précisée par saint Pie V (1566-1572), Grégoire XIII (1572-1585), la S. Congrégation du Concile, au sujet des entrées en clôture, des parloirs, etc. A partir de ce temps, la législation sur la clô­ture est très précise. D'ailleurs, d'après le droit canon, n'ont droit à la qualité de religieuses au sens strict que les moniales de voeux solennels et de clôture papale« Toutes les autres ne sont que des « piae mulieres », de «pieuses femmes» pour l'Eglise 1

II. LA CLOTURE DANS L'ORDRE DU TRÈS-SAINT-RÉDEMPTEUR

1. Des origines à l} approbation pontificale

Fondé en 1633 grâce au testament d'un prêtre Lorenzo della Mura, le conservatoire de la Très-Sainte-Conception de Scala fut ré­formé en 1720 par les P.M. Filangieri et Th. Falcoia, avec, dès le début, l'intention d'établir «un monastère de clôture et non un con­servatoire». Ayant demandé l'affiliation à l'Ordre de la Visitation, le monastère n'avait obtenu qu'un exemplaire des Règles et Consti­tutions. Ce sont ces Règles que l'on y observera jusqu'à l'introduction des Règles écrites par Sr. Marie Céleste Crostarosa. Entrée à Scala en 1724, la Vénérable composa un premiertexte des Règles en 1725. Le 13 mai 1731, eu lieu l'inauguration de l'Institut du Très-Saint­Sauveur, mais sans les Règles. Monseigneur T. Falcoia qui avait gardé par devers lui les Règles de 1725 donna l'ordre à Sr. Marie-Céleste de les récrire. Celle-ci le fait en 17 31, non dit-elle « comme une ébauche mais dans une complète perfection». Elle y ajoute aussi: « Les coutumes des Constitutions de saint François de Sales avec toutes les autres choses qui y sont». En 1731, les Règles furent ap­prouvées oralement par Monseigneur Guerriero, évêque de Scala 2

t J. CREUSEN, art. Clôture, in Dictionnaire de Droit Canonique, III, Paris 1942, col. 892-908.

2 Ven. M.C. CROSTAROSA, Autobiografia, ed. B. D'Orazio, Roma 1965, 183.

30 Louis V ereecke

Avons-nous encore le texte de cette Règle de 17 31? Le P. S. Majorano a étudié les différents manuscrits qui nous sont parvenus, il en a établi une chronologie vraisemblable que nous adoptons ici.

L'état le plus ancien des Règles primitives semble nous être transmis par le manuscrit de Cava. Le P. S. Majorano écrit: «Le Codex de Cava est l'unique dont nous connaissions avec certitude la datation, ayant été présenté à l'Abbé des Bénédictins de Cava dei Tirreni le 28 novembre 1735. Il doit reproduire la rédaction originale de 17 31, dont le texte a été rendu à Sr. M.C. Crostarosa par Tosquez, immédiatement après son établissement à Pareti » 3 •

Ce texte de Cava a été édité en 1968, par les P. O. Gregorio -A. Sampers, avec le manuscrit dit de Scala. Ce texte représente selon le P. S. Majorano: «l'évolution du projet religieux (de M.C. Crosta­rosa) à Foggia, étant une copie du Foggiano II » (le P. S. Majorano, appelle ce document de Scala le Foggiano III). Depuis 1738, en effet, La Vénérable Mère Marie-Céleste avait fondé à Foggia un monastère animé d'une grande ferveur. Elle lui avait donné à peu près les mêmes constitutions qui se trouvaient déjà dans le texte de 17 31, spécialement pour la clôture. Cependant le monastère de Foggia n'avait pas la clôture pontificale. L'évêque de Troia, dont dé­pendait Foggia, écrivait en 1756 à la S. Congrégation du Concile: «Le monastère du Très-Saint-Sauveur, étant de fondation récente, a seulement la clôture épiscopale » 4•

D'où vient le texte sur la clôture du codex de Cava, autre­ment dit du texte le plus primitif? Nous donnerons ici sur deux colonnes le texte des Constitutions de l'Ordre de la Visitation et celui des Règles et Constitutions de l'Institut du Très-Saint-Sauveur (1731) avec les variantes du texte du Foggiano III (Scala).

Constitutions de l'Ordre de la Visitation

Constitution II - De la clôture

La clôture s'observera selon les pro­pres termes du Sacré Concile de Trente, qui sont tels. «Qu'il ne soit permis à aucune religieuse après la profession de sortir du Monastère même pour quelque temps pour si peu ou si bref qu'il puisse

Constitutions de l'Institut du Très-Saint-Sauveur - Man. Cava

Constitution, I - De la clôture

1. La clôture s'observera selon les pro­pres termes du Sacré Concile de Trente, qui sont tels qu'il ne soit permis à aucu­ne religieuse après la profession de sortir du monastère sous quelque prétexte que ce soit, ni même pour quelque bref temps,

3 S. MAJORANO, L'Imitazione per la memoria del Salvatore, Roma 1978, 117. 4 R. TELLERIA, De approbatione pontificia et regia Monialium SS. Redemptoris, in

Spicilegium Historicum C.SS.R., III (1955), 289.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 31

être, ni sous quelque prétexte que se soit, sauf pour quelque cause légitime, qui doit être approuvée par l'évêque.

Quant à l'entrée dans la clôture du Monastère, que cela ne soit permis à quelque personne que ce soit, de quelle naissance, condition, sexe ou âge que ce soit, sans la permission expresse obtenue par écrit de l'évêque, sous peine d'excom­munication encourue immédiatement, le délit commis. Et l'évêque doit donner la permission dans les cas nécessaires; et dans les cas dans lesquels l'autorité de l'évêque ne sera pas suffisante, on re­courra au Saint Siège Apostolique. Mais quand le concile parle de l'évêque, il comprend aussi celui auquel l'évêque a donné l'ordre exprès de donner de telles permissions.

Quand le confesseur, Médecin, Phar­macien, Chirurgien, Maçon, Menuisier, ou autre semblable, qui, par nécessité et avec permission, entrera dans le Monastère, sera arrivé à la porte, deux soeurs vien­dront le prendre pour le conduire au lieu où il doit travailler, ayant d'abord fait sonner une petite cloche, afin que les Soeurs se retirent dans leurs cham­bres, et dans les lieux de leurs offices, pour éviter d'être rencontrées; ce qui s'observera pareillement dans la sortie, sans que les soeurs chargées de la con­duite, ne parlent avec eux, sauf pour répondre.

Le confesseur entendant la confession, administrant l'Extrême Onction, et assis­tant les moribondes, se tiendra de façon qu'il soit vu par les Soeurs qui l'auront conduit, et la porte de la chambre ouverte.

Toutes ces personnes ne resteront dans le monastère, que pour autant que la nécessité le requerra. Si elles sont con-

pour peu que ce soit, sauf pour les fon­dations qui doivent être approuvées par l'évêque.

2. Quant à l'entrée dans la clôture du Monastère, que cela ne soit permis à personne de quelque naissance, condition, sexe, ou âge que ce soit, sans la permis­sion expresse de l'évêque obtenue par écrit de l'évêque, sous peine d'excommu­nication encourue immédiatement, le dé­lit commis. Et l'évêque doit donner la permission seulement dans les cas néces­saires [et dans les cas dans lesquels l'autorité de l'évêque ne sera pas suffi­sante on recourra au Saint Siège Aposto­lique. Mais quand le concile parle de l'évêque, il comprend aussi celui auquel l'évêque a donné l'ordre exprès de don­ner de telles permissions] (Foggiano III, ms. Scala).

3. Ne peuvent entrer non plus des demoiselles à titre d'éducandes sans per­mission expresse de la Sacrée Congréga­tion; jamais on fera entrer des enfants, quoique d'un âge très tendre, sous peine de violation de la clôture.

4. Quand le Confesseur, Médecin, Pharmacien, Chirurgien, Maçon, Menui­sier, ou autre semblable, qui, par néces­sité et avec permission, entrera dans le monastère, sera arrivé à la porte, deux soeurs viendront le prendre pour le con­duire au lieu où il doit travailler, ayant d'abord fait sonner une petite cloche, afin que toutes se retirent dans leur cel­lule ou dans un autre lieu, pour éviter d'être rencontrées; cela s'observera pareil­lement dans la sortie, sans que les soeurs chargées de la conduite, ne parlent avec eux, sauf pour répondre.

5. Le confesseur, entendant la con­fession, administrant l'extrême Onction ou assistant les moribondes se tiendra de façon qu'il soit vu par les religieuses qui l'auront conduit, et la chambre sera ouverte.

6. Toutes ces personnes ne resteront dans le monastère que pour autant que la nécessité le requerra. Si elles sont con-

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traintes par une nécessité urgente ou uti­lité de les appeler de nuit, quatre soeurs avec plusieurs lampes les accompagneront dans l'entrée, la sortie, et durant tout le temps qu'ils seront dans la maison, que l'on s'efforcera qu'il soit le plus bref possible.

(La portière) ne laissera pas les clés sur la porte, mais les remettra chaque soir à la Supérieure, ainsi que celles du Parloir et des tours. (Const. 37, p. 152).

traintes par une nécessité urgente ou uti­lité de les appeler de nuit, quatre reli­gieuses avec plusieurs lampes les accom­pagneront dans l'entrée, la sortie, et du­rant tout le temps qu'elles seront dans le monastère, que l'on s'efforcera qu'il soit le plus bref possible. Chacun qui pour les dites raisons entrera, ne se pro­mènera pas à travers le monastère, mais par la voie la plus brève il se rendra au lieu déterminé et par celle-la il sortira.

7. A la porte du monastère, il y aura un gros cadenas à clé, dès la fin de la sonnerie de l'Ave Maria, il sera fermé par le sacristain du monastère ou par le confesseur ordinaire, s'il se trouvait si près, qu'il puisse le faire facilement. Les clés des portes extérieures, des bel­védères ou des jardins seront remises cha­que soir par les officières à la supérieure, qui également conservera une autre bon­ne clé qui ferme de l'intérieur les por­tes du monastère. (et les conservera au chevet de son lit durant la nuit - Fog­giano III, 110).

Tous les monastères qui ne jouiraient pas encore de la clôture observeront tout ce que prescrit cette Constitution, jamais on ne fondera de monastères de l'Ordre qui aient le titre de conservatoire (ces monastère devant toujours se maintenir en stricte observance religieuse - Foggia­no III) 5•

Il est clair, après cette comparaison des textes des Constitu­tions visitandines et du texte des Constitutions de l'Institut du Très Saint Sauveur, manuscrit de Cava, que la constitution de la clôture fait partie de ces « coutumes des Constitutions de saint François de Sales » que Mère Marie Céleste dit avoir insérées dans les Règles. Trois petites ajoutes sont seulement à signaler, aux n. 3, 7, 8. Le manuscrit de Scala (Foggiano III) donne le texte des Constitutions visitandines d'une façon plus complète. Ceci doit s'expliquer selon le P. S. Majorano par «la liberté d'action reconquise à Foggia» et « au désir de rédiger toutes les Règles exactement » 6

5 Regole . e Costituzioni della Visitazione, Napoli 1849, 72-74; 152; Documenti in­torno alla Regola della Congregazione del SS. Redentore, in Spicilegium Historicum C.SS.R., XVI (1968), 108-110.

6 S. MAJORANO, op. cit., 118, n. 69.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 33

2. L'approbation pontificale: 1750

L'Ordre du Très-Saint-Rédempteur doit sa pleine existence reli· gieuse dans l'Eglise à l'approbation des Constitutions et Règles don­née par le Pape Benoit XIV (1740-1758), par le Bref pontifical du 8 juin 1750, In Supremo ( « Elevé au siège suprême de l'Eglise mili­tante»: premières paroles du document) publié à Castel Gandolfo.

Le Pape Benoit XIV s'était occupé déjà plusieurs fois au cours de son règne de la clôture des moniales. De 1741 à 1749, il n'avait pas émané moins de quatre documents sur le sujet. Il avait voulu surtout empêcher les longues sorties du monastère: «Certaines mo­niales restent des mois et des années hors du monastère, fréquentant les spectacles les plus mondains ». Le jugement favorable sur la clôture de l'O.SS.R. n'en acquiert que plus de prix.

Les soeurs de Scala avaient à coeur d'établir la clôture pontifi­cale et de devenir ainsi de vraies moniales. Elles ne le pouvaient sans l'approbation du Saint-Siège. Cependant, Monseigneur Santoro ayant succédé à Monseigneur Guerriero en 17 3 2, « le 17 juin 17.3 2, les religieuses furent admises à la profession publique de l'Institut du Très-Saint-Sauveur, faisant non seulement les trois voeux de pau­vreté, chasteté et obéissance, mais aussi celui de clôture, le notaire public en dressa l'acte ».

En 17 4 3, Monseigneur Blaise Chiarelli ayant succédé à Monsei­gneur Santoro comme évêque de Scala, les Soeurs adressèrent une supplique à la S. Congrégation du Concile pour «avoir la permission d'ériger la clôture, ayant établi le mur de clôture». Une lettre du Cardinal Firrao du 23 juillet 1743 sollicita un rapport de l'évêque sur la question. Mais les choses en restèrent là.

En 1748, les religieuses de Scala envoyèrent au Pape Benoit XIV une supplique, demandant de bien vouloir approuver les Règles et de concéder la clôture. La supplique était accompagnée du texte des Règles et Offices en 42 chapitres, ainsi que de la formule de rénovation des voeux et de la profession. L'évêque de Scala, Mon­seigneur B. Chiarelli, joignait le 7 mai 1749 sa supplique à celle des soeurs, il écrivait: « Les soeurs désirent ardemment voir approuvées leurs Règles ... et avec cette approbation aussi la clôture, elles envoient avec les dites Règles leur très humble supplique, que j'accompagne, avec révérence, des miennes ».

Les autorités municipales de Scala joignirent, le 25 février 1750, leur supplique à celles de l'évêque et des soeurs, en soulignant que, dès l'année 1720, le monastère « avait été érigé avec l'intention d'être monastère de clôture et non conservatoire». Le notaire Apos-

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tolique et Royal de Scala, François Marie Verone, attestait officiel­lement que «depuis la fondation de 1720, jamais aucun contrat ne parle de ce monastère comme conservatoire, mais on déclare expres­sèment qu'il est monastère de clôture et non conservatoire».

L'affaire de l'approbation des Règles procéda avec tant de cé­lérité que déjà le 2 mai 1750, le Cardinal Joachim Bezozzi, Ocist., transmit à la Congrégation du Concile un avis positif. Il y attestait que les moniales interrogées accepteraient volontiers la clôture. Il avait, disait-il aussi, avec l'aide du P. F. San Severino, amélioré la ré­daction des Règles. Si bien que le 9 mai, la S. Congrégation du Con­cile approuva à l'unanimité l'avis du Cardinal J. Bezozzi et déclara que: « S'il plaisait à Sa Sainteté il pouvait approuver et confirmer les dites Règles avec la clôture perpétuelle par des Lettres Apostoliques.

Le 8 juin 1750, le Bref Apostolique In supremo était signé et promulgué par Benoit XIV à Castel Gandolfo. Il approuvait les Règles pour les moniales du Très-Saint- Rédempteur, insérées dans le Bref et instituait le clôture perpétuelle.

Dans le bref In Supremo, nous pouvons glaner quelques infor­mations sur la nature juridique de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur. Il s'agit toujours de monastère et de moniales: « Puisque les reli­gieuses filles aimées dans le Christ, c'est-à-dire les Moniales du Mo­nastère sous l'invocation du Très-Saint-Rédempteur de la cité de Scala ... ». Les Règles insérées dans le bref sont intitulées: « Règles pour les Moniales du Très Saint Rédempteur». Donc le caractère monastique de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur ne peut faire aucun doute. A l'approbation des Règles se joint la mention de « la clô­ture perpétuelle à observer perpétuellement ».

En fin du Bref, on lit le Sommaire du Document: « Confir­mation des Règles ou Constitutions avec la déclaration de la clôture perpétuelle à observer désormais dans le dit monastère ».

Le Bref pontifical fut soumis à l'autorité royale du royaume de Naples pour l'enregistrement et l'exequatur. Mais le Sacro Real Con­siglio di Santa Chiara, la suprême cour d'appel qui est comme le Roi en personne, voulut prendre l'avis de Monseigneur Célestin Galiani, archevêque de Thessalonique, grand aumônier. Dans son Avis, celui-ci rappelle le consentement donné par la municipalité à ce qu'en 1720 le conservatoire devienne monastère. D'autant plus qu'un monastère de clôture est utile aux bourgeois de la ville, car il n'y a à Scala qu'un seul monastère de clôture sous le titre de San Ca­taldo qui est pour la seule noblesse. Il cite les termes du Bref sur la « perpétuelle clôture à observer perpétuellement ». Il conclut en proposant l'enregistrement du Bref.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 35

Le 1er décembre 17 51, le Sacro Real Consiglio di Santa Chiara « décrète et commande que le décret Pontifical soit exécuté». Le décret royal fut communiqué à l'évêque de Scala, qui à son tour le remis à la Révérende Prieure du Vénérable Monastère le 9 mai 1752. Les soeurs firent profession solennelle selon les Constitutions et les Règles approuvées par Benoit XIV, entre les mains de l'évêque de Scala, Blaise Chiarelli, le 11 mai 1752. Elle firent voeu de « per­pétuelle chasteté, totale pauvreté et humble obéissance » et de clô­ture perpétuelle selon les Règles et Constitutions approuvées par le Bref Pontifical. Il en sera de même dans les professions suivantes du rr janvier 1753 7

Voici le texte des Constitutions approuvées par Benoit XIV sur la Clôture:

CoNSTITUTION PREMIÈRE

De la Clôture

1. On observera à la lettre, pour la Clôture, le décret du Concile de Trente, qui dit: Qu'il ne soit permis à aucune Religieuse après la profession, de sortir du monastère, pour quelque temps que ce soit, excepté pour les fondations, qui doivent être approuvées par la Sacrée Congrégation. Quant à l'entrée dans la Clôture du monastère, qu'elle ne soit permise à personne, de quelque naissance, condition, sexe ou âge que ce soit, sans cette même permission, sous peine d'excommunication, encourue au moment que la faute est commise.

2. L'Évêque pourra seulement, en cas de nécessité, donner la per­mission pour le confesseur, le médecin, l'apothicaire, le chirurgien, le ma­çon, le menuisier, les manœuvres et autres personnes semblables, dont on pourrait avoir besoin au monastère. Cette permission doit être donnée par écrit, et renouvelée tous les six mois.

3. Quand les personnes, qui doivent entrer au monastère, sont arri­vées à la porte, deux Religieuses viendront les prendre pour les conduire à l'endroit où elles doivent se rendre. On sonnera auparavant avec une clo­chette, et toutes les Religieuses se retireront en leurs cellules, pour éviter d'être rencontrées. On observera la même chose pareillement à la sortie. Les Religieuses nommées pour accompagner ces personnes, ne leur parleront point ,excepté pour répondre et elles auront toujours le visage couvert du voile.

4. Le Confesseur entendant la confession, administrant l'Extrême­Onction, ou assistant une mourante, sera placé de manière à être vu des Religieuses qui l'ont conduit, et la porte de la chambre doit rester ouverte. Toutes les personnes désignées ci-dessus ne s'arrêteront au monastère, que le temps nécessaire. S'il faut, dans un besoin urgent, les appeler la nuit,

7 R. TELLERIA, De approbatione pontificia et regia Monialium SS. Redemptoris, in Spicilegium Historicum C.SS.R., III (1955), 285-306.

36 Louis V ereecke

quatre Religieuses avec quelques lumières, les accompagneront à l'entrée et à la sortie; et les étrangers devront aussi s'arrêter le moins possible dans la Clôture.

Toutes les personnes, qui avec la susdite permision, entreront au mo­nastère, n'iront point en d'autres endroits, mais seulement à l'endroit indiqué.

5. Il y aura aux portes du monastère un grand cadenas à clef, qui, dès que l'Ave Maria aura sonné, sera fermé par le Sacristain ou par le Confesseur ordinaire, s'il se trouve à proximité et qu'il puisse le faire aisément.

6. Les clefs de la porte du dedans, et toutes les clefs des jardins et celle du Tour, seront remises chaque soir par les Officières dans la chambre de la Supérieure, qui les tiendra sous le chevet de son lit.

7. Tous les monastères, qui jusqu'ici ne jouiraient point encore de la Clôture, observeront ce que la Règle et la présente Constitution prescrivent, et jamais on ne fondera un monastère de l'Ordre, sous le titre de Conser­vatoire.

Il n'entrera point de demoiselles comme éducandes, sans la permission expresse de la Sacrée Congrégation; en outre, on ne laissera jamais entrer des petites filles en bas âge, sous peine de violation de la Clôture s.

Le texte de la Constitution sur la clôture est substantiellement le même que celui des Règles primitives. Le Cardinal J. Bezozzi n'ap­porté que des modifications rédactionnelles et de minimes change­ments. Signalons: - Pour les fondations, la permission de l'évêque ne suffit pas. Le nouveau texte dit: « excepté pour les fondations qui doivent être approuvées par la Sacrée Congrégation ».

- La permission de l'évêque pour l'entrée en clôture du con­fesseur etc.: « doit être donnée par écrit et renouvelée tous les six mozs ».

Les religieuses nommées pour accompagner ces personnes ... auront toujours le visage recouvert d)un voile ».

· - Enfin, l'interdiction de l'entrée en clôture des enfants en bas âge s'étend «aux petites filles». Le manuscrit de Cava parlait des « petits enfants en bas âge ».

B Constituzioni e Regale per le Monache de' Monasterj del SS. Redentore, il primo de' quali è stato eretto nella città di Scala APPROV ATE dalla Santa Sede Apostolica, Roma 1750; traduction française: Constitutions et Règles de l'Ordre du Très-Saint-Ré­dempteur, Bruges 1859, const. 11-12; règles 16-17.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur

RÈGLES

CHAPITRE XXII

De la Clôture

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On observera littéralement pour la Clôture les décrets du St Concile de Trente. Ainsi l'Évêque donnera les permissions dans les cas de néces sité, et quand l'autorité de l'Évêque sera incompétente, on devra recourir au Saint Siège Apostolique.

Lorsque le Confesseur, le médecin ou d'autres personnes, en cas de nécessité, devront entrer dans le monastère, on ·se procurera la permission de l'Évêque par écrit. Quand ils entreront, on en avertira les Religieuses; par le son d'une petite cloche, afin qu'elles se retirent et évitent leur ren­contre. ceux qui entreront seront toujours accompagnés de deux Religieuses.

Le Confesseur en entendant la confession d'une Sœur malade, ou en l'aidant à bien mourir, sera toujours placé de manière à être vu des Reli­gieuses qui l'accompagnent, et la porte de la chambre restera ouverte pen. dant tout le temps.

Si en cas d'une nécessité grave, le Confesseur ou le médecin devaient entrer la nuit dans la Clôture, ils seront toujours accompagnés de quatre Religieuses, avec plusieurs lumières.

Toutes ces personnes, qui par nécessité pourront être admises dans la Clôture, ne s'y arrèteront pas plus de temps que la nécessité ne l'exige 9.

Le chapitre XXII de la Règle n'est qu'un simple résumé des Constitutions, sauf au n. 1 où l'on reprend le texte des Constitu­tions des Visitandines: « et quand f autorité de l'évêque sera incom­pétente, on devra recourir au Saint Siège Apostolique».

Tout cet examen confirme l'identité substantielle du projet re­ligieux de Mère Céleste sur la clôture avec les Constituzioni e Regale approuvées par Benoit XIV en 1750.

. .

3. Le Code de Droit Canon ( 1917)

Le Code de Droit Canon publié en 1917 par Benoit XV ( 1914-1922) déclarait à propos des Règles et Constitutions des Instituts religieux: « Celles qui ne sont pas contraires aux Canons de ce Code conservent leur validité, celles qui s'y opposent ~ont abrogées » Can. 489. La Congrégation des Religieux par un ,décret du 28 juin 1918 prescrivit de réformer les Règles 'et Constitutions selon le canon 489. Le texte des Règles et Constitutions de l'Institut du Très-Saint-/ Rédempteur adaptées au Droit Canon fut approuvé par un décret de la Congrégation des Religieux du 28 janvier 1931 et présenté à

9 Ibid., règles 16-17.

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l'Ordre par une lettre du Cardinal G.M. Van Rossum, protecteur de l'Ordre, du 19 mars 1931 10

Examinons ce qui concerne la clôture.

1. Dans les Règles, il y a peu de changements. Au lieu de se référer au concile de Trente, on propose un principe général: «On observera la clôture selon les prescriptions canoniques ». Les autres changements sont purement rédactionnels.

2. Pour les Constitutions, les changements apportés sont plus importants. D'une part, on substitue purement et simplement les Constitutions par le texte même des canons traitant de la clôture; d'autre part, on reprend le texte des Constitutions de 1750, non sans leur apporter quelques changements.

La constitution 4 rappelle le principe général déjà exprimé dans les Règles, il faut observer la clôture suivant le droit actuel de l'Eglise. C'est-à-celle-ci de fixer les modalités de la clôture en l'adaptant aux différents temps et milieux:

On observera la clôture selon les prescriptions du droit canon.

Canon 597, § 2:

5. La clôture comprend toute partie de la maison habitée par la commu­nauté avec les jardins exclusivement accessibles aux religieuses; mais non l'église publique ni la sacristie qui lui est annexée, ni le quartier des étrangers, s'il existe, ni le parloir, lequel devra se trouver autant que pos­sible à proximité de la porte d'entrée de la maison.

Canon 597, § 3:

Les divers lieux soumis à la clôture devront être précisés en détail. Il ap­partiendra à l'Évêque de déterminer soigneusement les limites de la clôture, et aussi, pour une cause légitime, de les modifier.

Canon 600:

6. Aucune personne de quelque dignité, condition, sexe et âge qu'elle soit, ne sera admise dans la clôture sans la permission du Saint-Siège: ou, dans les monastères à vœux simples, sans la permission de l'Ordinaire. Il n'y a d'exception que pour les personnes suivantes:

1) L'Ordinaire du lieu, quand il fait la visite canonique, ou tout ecclésiastique délégué par lui pour cette visite, mais à seule fin d'en faire

IO Règles et Constitutions approuvées par le Saint-Siège pour les religieuses de l'Institut du Très-Saint-Rédempteur, Paris 1932; Decretum quo approbantur Regulae et Constitutiones Monialium nostri Instituti a SS. Redemptore, in Analecta C.SS.R., 10 (1931), 75.

La cl6ture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 39

l'inspection et à la condition d'être accompagné au moins d'un prêtre d'âge mûr, séculier ou régulier.

2) Le confesseur ou son remplaçant, pour administrer les sacrements aux malades ou assister une mourante, en observant les précautions corn· mandées par le Règle.

3) Les chefs d'État et leurs femmes ainsi que leur suite, et les -~ardi­naux de la sainte Église.

4) Avec les précautions voulues, la Supérieure pourra permettre l'entrée dans la clôture aux médecins ou chirurgiens, et autres personnes dont le concours serait nécessaire, après en avoir obtenu de l'Ordinaire du lieu l'autorisation au moins générale. S'il y avait urgence et que l'on n'eût pas le temps de demander cette autorisation, elle serait, de droit, présumée.

Cette constitution signale le cas des monastères à voeux simples. Par suite de circonstances historiques, lorsqu'un Etat ne permet pas l'émission de voeux solennels, le Saint-Siège, tout en reconnais­sant comme moniales les soeurs qui se trouvent dans cette situation, leur permet de n'émettre que des voeux simples, cf. can. 488, n. 7 & 581, § 1. Cette situation fait aussi sentir ses conséquences au niveau de la clôture.

Constitution 1750 - 3: 7. Des que seront arriVees à la porte les personnes qui doivent entrer dans la clôture, deux Religieuses viendront les accueillir pour les conduire là où elles ont à faire. On sonnera au préalable une clochette afin que toutes les Sœurs se retirent dans leurs cellules pour éviter d'être rencontrées. On observera la même chose à la sortie, sans que les Religieuses désignées pour accompagner ces personnes conversent avec elles autrement que pour té· pondre à leurs questions. Elles tiendront toujours le voile baissé.

Constitution 1750 - 4: 8. Le confesseur entendant la confession, administrant l'Extrême-Onction, ou assistant une mourante, se placera de manière à être vu des sœurs qui l'ont escorté, et la chambre doit reste ouverte.

Constitution 1750 - 4: 9. Toutes ces personnes ne demeureront dans le monastère qu'autant qu'il sera nécessaire. S'il fallait, dans un cas urgent, les appeler la nuit, quatre Religieuses, quelques-unes munies de lampes, les accompagneraient tant à l'aller qu'au retour. On fera en sorte que ces étrangers ne séjournent dans la clôture que le moins de temps possible. Tous ceux qui, avec la per­mission susdite, seront entrés dans le monastère, ne pourront se rendre qu'au seul endroit où leur présence est requise et pas ailleurs.

Canon 601: 10. En vertu de cette loi de la clôture, il n'est permis à aucune Sœur, après la profession, de sortir du monastère, même pour peu de temps et pour qualque motif que ce soit, sans un indult spécial du Saint-Siège. Est excepté le cas d'imminent danger de mort ou d'un autre mal très grave. Mais ce danger même, du moins si on dispose du temps surfisant, doit être reconnu par écrit par l'Ordinaire du lieu.

40 Louis Vereecke

Cànon 602:

11. La clôture du monastère doit être si bien fermée au dedans que les Sœurs ne puissent, autant que possible, ni être vues de l'extérieur, ni voir de l'intérieur ce qui se passe au dehors.

Canon 603 § 1:

12. La clôture des Religieuses est placée sous la surveillance de l'Ordinaire, lequel peut corriger et punir tout transgresseur, même par des peines ecclé· siastiques et des censures.

Canon 605:

13. Tous ceux à qui incombe la garde de la clôture veilleront soigneuse­ment à ce que jamais des entretiens inutiles avec des étrangers ne troublent la discipline et n'affaiblissent l'esprit religieux.

Constitution 1750 • 6:

14. Chaque soir, à l'heure fixée par l'horaire, la porte extérieure du mo­nastère sera fermée à clef par la Sœur que la Supérieure aura désignée. Les clefs de la porte intérieure, ainsi que toutes les clefs des jardins et celles du tour, seront déposées chaque soir par les officières respectives dans la chambre de la Supérieure, qui les gardera chez elle.

On a adapté cette constitution aux conditions nouvelles des mo­nastères. On passe sous silence l'existence d'un «gros cadenas » à l'extérieur; l'heure n'est plus indiquée «par le son de l'Ave Maria», coutume particulière à certaines contrées, mais par . «l'heure fixée par l'horaire »; enfin on remplace pour cette fonction « le sacristain ou le confesseur ordinaire » par « une soeur désignée par la supé­neure ».

Constitution 1750 • 7:

15. Lors d'une fondation nouvelle, que les Supérieures aient soin d'établir au plus tôt la clôture. Dans ces monastères, pas plus que dans ceux qui sont déjà soumis à la clôture, on n'admettra jamais de jeunes filles· à élever.

Le sens de cette constitution a été changé. On insiste sur la nécessité d'introduire au plus tôt la clôture dans les nouvelles fon­dations. Enfin on édicte la prohibition générale de recevoir, des édu­candes en quelque monastère que ce soit. Les conditions de l'ensei­gnement et de l'éducation des jeunes filles ont changé· depuis le XVIIIe siècle.

L'adaptation des Règles et Constitutions pour la clôt1,1re se fit d'une façon très matérielle par l'insertion directe des canons dans le texte. Si l'on y rencontre une prise en compte de certaines réalités modernes, il faut noter une sévérité plus grande par rapport au texte approuvé par Benoit XIV.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 41

4. Du Code de Droit Canon au Concile Vatican II

La législation du Code de Droit Canon, telle qu'elle était expri­mée par les Règles et Constitutions approuvées en 1931, se maintint jusque après la 2e guerre mondiale (1939-1945). Désireux d'adapter la clôture aux conditions de son temps, Pie XII (1939-1958) publia le 21 novembre 1950 la Constitution Apostolique Sponsa Christi, qui fut accompagnée de deux décrets d'application de la S. Congré­gation des Religieux Inter praeclara du 23 novembre 1950 et Inter caetera du 25 mars 1956 11

• D'une part, le Pape rappelait pour les monastères à voeux solennels et à clôture papale les ·obligations du droit canon. D'autre part, en plus de la clôture papale majeure, (celle des O.SS.R.), le Pape instituait une clôture papale mineure. C'est la grande nouveauté de ce document. Pour les monastères qui, de par leurs Constitutions ou par concession du Saint-Siège, exercent des activités apostolique, c'est-à-dire d'éducation (collèges), de cha­rité (hopitaux), de récollection (maisons de retraite), le Pape instau­rait une clôture papale mineure qui permette aux moniales de remplir convenablement leurs engagements apostoliques.

L'Ordre du Très Saint Rédempteur, étant dédié uniquement à la contemplation, ne fut pas concerné par la Constitution Sponsa Christi, qui pour lui confirmait la législation du Code. Cette Consti­tution, au moins, nous enseignait que les activités, en général réduites des monastères O.SS.R., tels l'accueil des personnes, le catéchisme, les groupes de prières, n'exigeaient pas la clôture mineure, mais pou­vaient s'accorder avec la clôture papale majeure.

Le Motu proprio Pastorale Munus du 30 novembre 1963 de Paul VI (1963-1978) accordait aux évêques diocésains la facu1té d'en­trer dans la clôture des monastères situés dans leur diocèse, ainsi que de perfl.1ettrel'entrée dans la clôture et la sortie des monia1es12

5. Le concile Vatican II

Au concile Vatican II, le Décret Perfectae Caritatis édictait au n. :16 à p_rqpos de la clôture le principe suivant: « La clôture papale pour les moniales de vie uniquement contemplative sera fermement maintenue·, mais on l'adaptera aux circonstances de temps et de lieux,

11 Sponsa Christi, in Açta Apostolicae Sedis (MS), 43 (1951), 5-24; Inter praeclara, in AAS, 43 (1951) · 37-43; Inter caetera, in AAS 48 (1956), 512-526.

12 Pastorale Munus, in AAS, 56 (1964), ~0.,

42 Louis V ereecke

supprimant les usages périmés après avoir entendu l'avis des monas­tères eux-mêmes.

Quant aux autres moniales qui s'adonnent par institution à des oeuvres extérieures d'apostolat, elles seront exemptées de la clôture papale pour qu'elles puissent mieux accomplir les tâches apos­toliques qui leur sont confiées; « elles garderont cependant une clôture fixée par leurs constitutions ».

Le Motu proprio Ecclesiae Sanctae du 6 août 1966 de Paul VI promulguait le décret Perfectae Caritatis et donnait les règles prati­ques pour la révision des Constitutions à réaliser par tous les insti­tuts religieux dans l'esprit et la lettre de Vatican II. Il donnait aussi les normes pour la révision de la législation des moniales et spécialement de la clôture 13

L'Instruction V enite seorsum a été promulguée par le Pape Paul VI le 12 juin 1969, son titre complet est: « Instruction sur la vie contemplative et la clôture des moniales ». En appendice on trou­vait les «Normes sur la clôture papale des moniales». Ces textes sont toujours en vigueur. Ils ont été accueillis dans les textes pro­vlsolres et définitifs des Constitutions et Statuts des O.SS.R. J'en parlerai en traitant de la législation actuelle 14

6. Les Constitutions de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur (1975)

La préparation de la rédaction de ces Constitutions a été assu­rée par une Assemblée Générale de l'Ordre, qui s'est tenue à Colle Sant'Alfonso (Naples) fin juin-début juillet 1972. On y a traité de la clôture et établi un texte pour la clôture O.SS.R.

Je voudrais simplement extraire des Actes les questions posées sur la clôture en général et le nombre de voix recueillies.

Question:

e L'Ordre du Très-Saint-Rédempteur est de clôture papale: Vote: 37 oui; 1 blanc sur 38.

2° Acceptez-vous la clôture papale avec des rescrits deman­dés au et accordés par le Saint-Siège? Votes: 29 oui; 5 non; 2 juxta modum; 2 blancs.

13 Ecclesiae Sanctae, in AAS, 58 (1966), 757-758, 775-782. 14 Venite Seorsum in AAS, 61 (1969), 674-690; Constitutions et Statuts de l'Ordre

du Très-Saint-Rédempteur, Rome 1985, Appendice.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 43

3o Acceptez-vous la clôture papale avec la possibilité de la clôture constitutionnelle pour ces monastères qui la de­mandent pour un motif valable? Votes :24 oui; 9 non; 4 blancs; 1 nul.

Le texte des Constitutions fut approuvé par la Sacrée Congré­gation des Religieux et Instituts Séculiers (SCRIS) «pour sept ans à titre d'expérience», par le décret du 24 mars 1975 15

Que disent ces Constitutions sur la Clôture? L'Introduction affirme: « L'Ordre du Très-Saint-Rédempteur est un Institut reli­gieux, de vie contemplative, à voeux solennels, de droit pontifical et de clôture papale ». Ce principe est repris de façon plus explicite dans la Constitution n. 51: «L'Ordre du Très-Saint-Rédempteur est de clôture papale ».

Le détail des prescriptions est donné dans les Statuts 035-038. Le Statut 035 reçoit les normes édictées par les n. 7 & 8 de

V enite seorsum, qui constituent le droit commun de la clôture. Le Statut 037 exprime le droit particulier de l'Ordre, c'est-à­

dire, en fait, les permissions générales demandées à la SCRIS par l'Assemblée générale et accordées par la SCRIS pour les entrées et les sorties. Ce droit particulier ne limite en rien les pouvoirs des évêques, mais il s'y ajoute.

Le Statut 038, tout en conservant à l'Ordre la caractéristique d'être de droit pontifical, permet aux monastères qui se trouvent dans des circonstances spéciales d'accomplir deux démarches:

1 o « demander au Saint Siège des rescrits particuliers pour pourvoir à des circonstances spéciales ».

2o «Un monastère qui le désire, pour un motif valable, peut demander au Saint-Siège la clôture constitutionnelle».

L'analyse détaillée de ce texte sera faite en comparaison avec celui définitif de 1985. On pourra ainsi voir l'évolution accomplie entre le texte de 1975 et celui de 1985.

15 Constitutions de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur, Rome 1975.

44 Louis V ereecke

7. Le Code de Droit Canon (1983)

Le Pape Jean-Paul II publiait le 25 janvier 1983 le nouveau Code de Droit Canonique, remplaçant celui de 1917. Ce Code expri­mait d'une façon juridique les orientations données par le Concile Vatican II et les documents postérieurs. Il avait l'intention de réor­donner entièrement la législation canonique de toute l'Eglise, et par conséquent aussi de la vie monastique. Le Code parlait de la clôture des moniales au canon 66 7. Ce Code fait partie de la législation actuelle, j'en parlerai à ce sujet.

8. Les Constitutions et Statuts de l'Ordre du Très-Saint~Rédempteur (1985)

Les Constitutions de l'O.SS.R. avaient été approuvées en 1975 «pour sept ans à titre d'expérience». Ce délai s'allongea d'un an. Du 26 juin au 15 juillet 1983, une nouvelle Assemblée Générale de l'O.SS.R. se réunit à Colle Sant'Alfonso pour élaborer le texte défi­nitif à présenter à l'approbation du Saint-Siège, qui tiendrait compte des expériences menées par les différents monastères et des Instruc­tions du Saint-Siège, spécialement du nouveau Code de Droit Ca­non».

L'Assemblée Générale de Colle a préparé le texte définitif par plus de 400 votations regardant l'ensemble de la vie religieuse. Elle a déterminé aussi les normes pour la clôture (comme ces normes sont la législation actuelle, j'en parlerai plus tard).

Après un travail rédactionnel, où l'on a suivi scrupuleusement le résultat des votations, le texte définitif a été soumis à la SCRIS. Celle-ci, après quelques modifications, l'a approuvé par un décret du 6 mars 1985 16

· · · Void l'étude comparée des Constitutions. de 1975 et de celles de 1985 au sujet de la clôture. Il y aura probablement de nombreuses redites, mais je crois ces redites nécessaires pour la compréhension de l'évolution du texte.

La Constitution 49 reprend purement et simplement le texte dun. 51 de 1975 avec une légère variation rédactionnelle: «L'Ordre du Très-Saint-Rédempteur est de clôture papale. Nous abserverons celle-ci selon les prescriptions du droit commun et de nos Constitu­tions et Statuts ».

16 Constitutions· et Statuts. de .l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur, Rome 1985.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 45

Les Statuts sur la clôture se rencontrent aux numéros 038-042. D'abord, au St. 038, on rappelle les normes du droit canon 667,

§ 2 & 3 ,avec une insistance au 0 3 8, § 2, sur les pouvoirs des évê­ques. Ce droit commun est signalé de nouveau au St. 041,1, on reprend les numéros du droit canon, en y ajoutant la mention des n. 7 & 8 de Venite seorsum. Mais, dans l'attente d'un nouveau texte de la SCRIS à ce sujet, le texte de Venite seorsum n'est plus inséré dans les Statuts, mais ajouté en appendice (p. 66).

Le Statut 041, 2 donne les détails du droit particulier pour les sorties et entrées de la clôture. Voyons les changements apportés aux Statuts de 1975.

Les Statuts de 1985 énoncent d'abord une loi générale. Alors qu'en 1975, on confiait à la prieure le soin de donner les permis­sions qui se trouvaient dans le droit particulier St. 1975, 037, a & b, les Statuts de 1985 exigent désormais pour les entrées et les sorties: «la permission préalable au moins habituelle de l'évêque diocésain et la permission de la prieure» St. 041, 2 a & b. On remarque ici un renforcement des pouvoirs de l'évêque sur la clôture en relation avec le nouveau Code: can. 667, § 4.

1. Les sorties: Le texte de 1975 permettait à la supérieure d'accorder à une soeur la sortie de clôture «pour visiter ses parents (père et mère) gravement malades»; celui de 1985 étend cette fa­culté, d'une part « aux frères et soeurs gravement malades», d'autre part « aux parents âgés et infirmes ne pouvant plus se déplacer ». Comme en 197 5, « La soeur restant libre d'user ou non de cette per­mission».

Le texte de 1985 étend les permissions de sortie « assister aux funérailles des parents et des frères et soeurs », ainsi qu'en faveur des moniales pour que celles-ci puissent assister aux funérailles« d'une soeur quand le cimetière est en dehors de la clôture ». La sensibilité du monde moderne ne supporte pas que l'on puisse empêcher les enfants de participer aux funérailles des parents, ou les moniales d'accompagner une de leurs soeurs à sa dernière demeure!

En ce qui concerne la vie spirituelle, le texte de 1985 permet encore la sortie: «pour faire les exercices spirituels dans une autre maison de l'Ordre».

La vie matérielle n'est pas oubliée. Il est permis de sortir « Pour faire des achats ou des démarches nécessaires pour les soeurs ou pour le monastère». Ce qui est évident: Necessitas legem non habet!

Enfin des circonstances particulières comme « les professions

46 Louis V ereecke

et les jubilés peuvent donner l'occasion aux moniales de sortir de. clôture « tout en restant dans l'enceinte du monastère» pour ren­contrer leurs parents et amis venus participer à ces cérémonies ».

Le droit particulier (St. 041,2,2) requiert la permission expli­cite de l'évêque diocésain et la permission de la prieure «pour par­ticiper à des sessions, semaines de formation religieuse et techni­que». Cette exigence correspond au n. 12 de Venite seorsum très restrictif à l'égard de ces sessions « qui peuvent difficilement s'harmo­niser avec la vie claustrale ». Cependant Venite seorsum pour les sessions « vraiment utiles à la vie monastique » permet d'y assister, mais que ce ne soit pas trop souvent.

Pour les entrées dans la clôture (St. 041,2b), le texte de 1975 permettait déjà à la prieure de faire entrer en clôture «les soeurs externes » (permission qui se trouve d'ailleurs dans V enite seorsum n. 8, h.) et « les soeurs de l'Ordre de passage au monastère».

Le texte de 1985 reprend celui de 1975 qui permettait l'entrée aux proches parents (1er et 2• degré) d'une « soeur gravement mala­de », mais en laissant tomber le degré de parenté, disant simplement: « parents ».

Pour les funérailles, lorsque le cimetière se trouve à l'intérieur de la clôture, le texte de 1975 permettait l'entrée pour accompagner le corps de la défunte au cimetière seulement aux proches parents, le texte de 1985 confirme cette permission, mais supprime le mot « proche » et étend la permission à toutes les personnes qui assistent aux funérailles.

Le texte de 1975 permettait l'entrée «des candidates pour un seul séjour en clôture, ne dépassant pas trois mois, avant l'entrée au postulat». Le texte de 1985, prenant en compte les conditions de la vie actuelle (les candidates pouvant difficilement s'absenter de leur travail pour une longue période) permet «plusieurs séjours qui ne doivent pas dépasser trois mois ».

Enfin le texte de 1985 admet l'entrée en clôture de deux nou­velles catégories de personnes:

- « Au Supérieur Général des Rédemptoristes ou à son délégué ainsi qu'à une ou deux personnes qui les accompagnent».

- «Aux prédicateurs de retraites et aux conférenciers, dans un endroit prévu à cet effet».

Les Constitutions de 1985 n'ont pas repris la disposition du St. 038 de 1975 qui permettait aux monastères qui le désiraient de «demander au Saint-Siège des rescrits particuliers ». En effet, cha-

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 47

que monastère jouit de cette faculté de par le droit commun. Le St. 042 de 1985 réaffirme cependant la possibilité pour les monas­tères qui se trouvent dans des conditions spéciales de « demander au Saint-Siège la clôture constitutionnelle ».

Le fait que la SCRIS ait accueilli, sans réserve aucune, ces re­quêtes de l'Ordre démontre sa volonté de confier au droit particu­lier le soin de légiférer sur la clôture selon le caractère spécifique de l'Ordre.

* * *

Telle est la longue histoire de la clôture dans l'Ordre du Très Saint Rédempteur, depuis le premier texte de Soeur Marie-Céleste Crostarosa, en 17 31, emprunté aux Constitutions de la Visitation, jusqu'aux dernières Constitutions de 1985. Ce qui peut ne paraître qu'une histoire juridique a été vécu par les Soeurs avec ferveur. C'est cette ferveur que nous ne pouvons traduire dans l'histoire.

III. LA LÉGISLATION ACTUELLE SUR LA CLOTURE

Les documents contenant la législation actuelle sur la clôture de l'O.SS.R. sont:

- Le Code de Droit Canonique (1983), can. 667.

- Venite seorsum. Instruction sur la vie contemplative et la clôture des Moniales. 12 juillet 1969. Cf. pout Venite Seorsum, l'appendice des Constitutions et Statuts O.SS.R., Rome 1985, p. 66.

- Constitutions et Statuts de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur, Rome 1985, Constitutions 12, 49; Statuts 038-042.

Les Constitutions proposent le principe fondamental qui règle la clôture dans les Monastères de l'O.SS.R. Le n. 12 donne la dé­finition de l'Ordre qui est: «un institut féminin ... centré sur la contemplation du mystère pascal de la Rédemption». Cette défi­nition met en valeur le caractère contemplatif de l'Ordre. Celui-ci est de « clôture papale ». Cette affirmation qui correspond à l'histoire de l'Ordre et au droit actuel a été librement ratifiée par deux fois, en 1972 et 1983, par les déléguées aux Assemblées Générales de l'Ordre.

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Le no 49 répète l'affirmation de principe: «L'Ordre du Très­Saint-Rédempteur est de clôture papale» et précise les modalités de sa réalisation: «Nous observerons celle-ci selon les prescriptions du droit commun et de nos Constitutions et Statuts ».

Quel est le contenu de ce « droit commun. et des Constitu­tions et Statuts » sur la clôture?

Le Code de Droit Canon (1983)

Le canon 667 comprend quatre paragraphes, les trois premiers concernent la clôture des religieux et religieuses, le quatrième, les pouvoirs de l'évêque au sujet de la clôture des moniales.

a. La clôture commune, 667, § 1

«Dans toutes les maisons, une clôture adaptée au caractère et à la mission de l'Institut sera observée selon les dispositions du droit propre, une partie de la maison religieuse étant toujours réservée aux seuls membres ».

Il s'agit ici de la clôture commune obligatoire dans toutes les maisons religieuses, tant d'hommes que de femmes. Les motivations de cette mesure sont à rechercher, d'une part au niveau du témoi­gnage public à donner au Christ et à l'Eglise par un certain retrait du monde (can. 607); d'autre part en raison du droit des religieux à jouir de la solitude et d'un climat de recueillement nécessaire à la vie contemplative ainsi que d'un minimum de vie privée. Cette mesure ne porte en rien préjudice à l'apostolat, mais en assure le fondement.

Les normes de cette clôture commune devront être inscrites dans le droit propre de chaque Institut, pas nécessairement dans les Constitutions, mais dans les Statuts, directoires, règlements des Instituts, des Provinces ou des maisons, en relation avec le charisme et la mission de l'Institut. Par « endroits réservés aux membres», il faut entendre les locaux où « les étrangers ne pourraient entrer à chaque instant et sans de sérieuses raisons ». Il serait naturel de réserver aux religieux les « chambres des religieux, l'oratoire de la communauté et deux ou trois salles, si possible». Il faut éviter que le climat de recueillement ne soit troublé par des laïcs qui vien­nent souvent dans la maison religieuse, spécialement par les employés de la cuisine, de l'infirmerie ou de la lingerie, lorsque ces offices sont remplis par des laïcs.

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 49

b. La clôture des monastères en général, 667, § 2

Le § 2 concerne tous les monastères pratiquants la vie monas­tique.

« Une discipline plus stricte de la clôture doit être observée dans les monastères ordonnés à la vie contemplative ».

Le Code se borne à établir un principe général concernant la vie monastique. La motivation est évidente: la vie contemplative exige plus que la vie apostolique une séparation plus radicale du monde, un environnement de solitude, de paix et de recueillement favorisant la prière contemplative, cette séparation du monde tons­tituant un « témoignage rendu au Christ et à l'Eglise», selon le caractère des Instituts et leurs finalités. «En comparant la vie mo­nastique à celle des autres instituts, il semble que l'on doive sa valeur et son témoignage à l'observance de la clôture comme élément fon­damental, expression de la recherche de Dieu aimé par dessus toute chose, d'une vie toute tendue vers la contemplation et soutenue par un travail, souvent manuel, des membres de l'Institut: travail simple, régulier, qui permette une vraie union avec Dieu et soit adapté au rythme de la liturgie des heures » (J. Beyer) 17

Il est évident que ce canon s'adresse à tous les monastères de vie contemplative, d'hommes et de femmes, à ceux de droit pontifical ainsi qu'à ceux des Congrégations religieuses, même de droit diocé­sain, qui sont souvent plus sévères sur ce point que certaines insti· tutions monastiques plus anciennes.

Les normes de cette clôture devront être précisées dans le droit propre de ces monastères, pas nécessairement dans les Constitutions, mais dans les Statuts, règlements, etc. de la Congrégation où du monastère, de façon à correspondre exactement au charisme et à la mission concrète de l'Institut.

c. La clôture Papale et la clôture constitutionnelle, 667, § 3

Le § 3 traite, en fait de deux types de clôture; où du moins de deux modes juridiques d'ordonner la clôture des moniales: la clôture Papale et la clôture constitutionnelle.

17 J. BEYER, Il diritto della vita consacrata, Milan 1989, 358.

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1. La clôture Papale, § 3,1.

« Les monastères de moniales qui sont ordonnés intégralement à la vie contemplative doivent observer la clôture papale, c'est-à-dire selon les règles données par le Siège Apostolique ».

D'abord le Code indique le sujet de ce canon: les monastères « ordonnés intégralement à la vie contemplative ». Donc des mo­nastères, qui n'ont pas d'oeuvres d'éducation (collèges), de charité (hôpitaux, cliniques), de maisons de retraites organisées. Les mo­nastères intégralement ordonnés à la vie contemplative peuvent avoir des activités d'accueil de personnes particulières, de petits groupes occasionnels, d'initiation à la prière, d'introduction à la Bible, en cas d'urgence d'aide aux malades, aux vieillard impotents, etc., c'est même recommandé. Il se pourrait aussi qu'une soeur ait une activité régulière à l'extérieur, cela n'enlèverait pas le caractère de dédition du monastère à la vie contemplative.

La clôture de ces monastères est appelée Papale. Le P. J. Beyer, S.J., un des rédacteurs du Code pour la vie religieuse, écrit: «L'ex­pression » clôture papale » que la commission (de préparation du Code) avait supprimé en application de son principe de respecter le droit propre de chaque Ordre ou Monastère, a été insérée ici in extremis à la requête, pense-t-on, d'un cardinal préoccupé de cette qualité de la vie ». Il ne faut pas croire que, du point de vue reli­gieux, cette clôture soit plus parfaite, elle est dite papale d'un point de vue juridique et non de perfection religieuse 18

En quoi consiste cette clôture papale? En ce qu'elle répond: « aux règles données par le Siège Apostolique». Ces Règles sont données dans le Code de Droit Canon et dans l'Instruction Venite seorsum, qui est toujours en vigueur, jusqu'à ce que le Saint Siège en juge autrement, et enfin dans les normes spéciales concédées à certains Instituts par le Saint Siège ainsi que le dit l'Instruction Venite seorsum: «Cette çlôture est appelée papale ... bien qu'il s'agis­se de normes édictées ou à édicter par le droit particulier et par les­quelles le caractère propre de l'Institut est convenablement expri­mé». Ces dernières normes ont donc besoin, elles aussi, de l'ap­probation du Siège Apostolique.

La clôture de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur est actuelle­ment clôture papale. Elle comporte les normes données par le Code de Droit Canon, cf. S. 038, § 1 & 2, par l'Instruction Venite seorsum

18 J. BEYER, lbid., 359.

La cltJture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 51

cf. S. 039, 040, 041,1, enfin les normes du droit propre approuvées par le Saint Siège, cf. S. 041,2, S. 042.

V.S. et le droit particulier distinguent deux espèces de fa­cultés:

- celles qui regardent l'entrée en clôture. Pour tout ce qui est concédé par V.S. n. 8 et S. 041,2,b: «avec le consentement ou la permission au moins habituelle de l'évêque», il n'y a pas de permission à lui demander. Il possède, en effet, les Constitutions et Statuts et il est censé approuver, aussi lon temps qu'il ne dit pas expressément le contraire. La permission de la Supérieure est requise dans tous ces cas;

- celles qui regardent la sortie de clôture. Pour tout ce qui est concédé par V.S., n. 7 et le St. 041,2,a. Ici encore, il suffit de la permission habituelle de l'évêque. Il n'y a rien à lui demander expli­citement. Par contre, la permission de la supérieure est requise dans tous ces cas;

- le n. 7,b,1, de V.S.: «Pour consulter des médecins ou pour soins de santé, à condition que ce soit dans le lieu même de la résidence ou dans le voisinage » est à interpréter largement: c'est-à­dire à l'endroit le plus proche ou l'on puisse se faire soigner effica­cement;

- S. 041, 2,a, 1,d: «Pour faire les exercices spirituels dans une autre maison de l'Ordre», là-aussi on peut interpréter: dans un autre monastère de contemplatives, ou dans une maison des C.SS.R.;

- pour ce qui concerne les sorties pour assister aux réunions des Associations de Moniales (en France: SDM) prévues par les Statuts, comme l'évêque est censé connaître ces statuts, il suffit de la permission habituelle.

Il en est de même des réunions organisées en fonction des struc­tures concrètes que se donnent les communautés d'un «même pays, d'une même région, d'une même langue» en vertu du S. 0141 (Fé­dération, Association, etc.), pourvu que les statuts de ces structures concrètes aient été communiqués à l'Evêque.

Pour l'Assemblée de tout l'Ordre prévue par le S. 0142, il est évidemment normal d'en avertir l'évêque.

Un seul point demande la permission explicite de l'évêque: «pour participer à des sessions, semaines de formation religieuse et technique». Mais l'évêque peut donner pour ces sorties une permis­sion générale, pourvu qu'elle soit explicite (S. 041, 2,a, 1,f).

52 Louis V ereecke

2. La clôture constitutionnelle, § 3,2.

«Les autres monastères de moniales garderont la clôture adaptée à leur caractère propre et définie dans leurs Constitutions ».

Les autres monastères dont il s'agit sont ceux qui ont des oeuvres d'éducation, caritatives, apostoliques. Il leur faudra donc une clôture adaptée à leur caractère propre. Elle sera différente pour chaque genre de monastère. La «clôture papale mineure» n'existe plus. Cette clôture doit être définie dans les Constitutions, c'est pourquoi elle est appelée constitutionnelle.

Il n'y a pas un modèle unique de clôture constitutionnelle. Celle-ci doit être négociée à chaque fois avec le Saint-Siège selon le caractère de l'Institut. Il n'y a pas à se demander ce qu'il y a dans la clôture constitutionnelle, en fait il y a ce que l'Institut veut y mettre et que le Saint-Siège accepte d'approuver. C'est donc le résultat d'une décision de l'Ordre et de l'approbation du Saint­Siège. Dans le texte fourni par un monastère O.S.B., il est écrit: «Notre texte a reçu (après bien des amendements) l'approbation ad experimentum en 1981 et l'approbation définitive en 1988 ».

Voici un exemple de clôture constitutionnelle de monastère O.S.B. approuvée par le Saint-Siège:

4. Cet équilibre entraîne l'adoption d'une clôture constitutionelle, né­cessitant la distinction entre une clôture stricte et une clôture élargie, et définie comme suit:

- la clôture stricte comprend les lieux réguliers réservés aux moniales et où ne sont reçues, outre les cas prévus par le Droit universel, que les candidates à la vie monastique et certaines religieuses, au jugement de l'abbesse.

- la clôture élargie s'étend au reste de l'enceinte du monastère, y compris les lieux d'accueil. Les sœurs peuvent s'y rendre au jugement de l'abbesse.

Les relations des moniales avec l'extérieur, en ce qui concerne le tra­vail, la formation, la santé ou les cas graves qui pourraient survenir, sont règlés par l'abbesse avec compréhension, compte tenu de l'avertissement de la Règle: «Il n'est pas bon aux moines de s'attarder au dehors» (R.B. 66) (dr. can. 667).

5. Les monastères n'ont. pas d'œuvres extérieures. Situées au cœur du monde et davantage encore au cœur de l'Eglise,

les monastères en assument la mission apostolique par leur existence même qui «témoigne du Royaume des cieux et fait rayonner à l'extérieur la présence du Christ vivant dans la communauté» (Paul VI, Alloc. Abbesses et Prieures O.S.B. 1966) (cl. can. 6). ·

Dans ce texte de clôture constitutionnelle, c'est l'Abbesse qui donne les permission pour l'entrée en clôture et les sorties. Ce n'est plus l'évêque. Mais le rôle de l'évêque demeure inchangé pour les

La clôture dans l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur 53

autres compétences que la clôture: par exemple, la vigilance par­ticulière (c. 615), le contrôle financier (c. 637), etc. Il me semble que les O.SS.R. en appliquant leur droit commun et propre ainsi que les permissions de l'évêque peuvent faire, tout en ayant la clôture pa­pale, ce que font les soeurs O.S.B. avec cette clôture constitution­nelle.

d. Les pouvoirs de l'Evêque, 667, § 4

« L'Evêque diocésain a la faculté d'entrer, pour une juste cause, dans la clôture des monastères de moniales qui sont situés dans son diocèse, et de permettre pour une cause grave et avec le consentement de la supérieure, que d'autres personnes soient admises dans la clô­ture et que des moniales en sortent pour le temps vraiment néces-saire». ·

Ce paragraphe édicte deux normes distinctes:

1. Il permet à l'Evêque, ou à son représentant, d'entrer dans les monastères de moniales qui se trouvent dans son diocèse, soit pour la visite canonique, soit pour une visite pastorale. L'Evêque n'a pas besoin pour cela du consentement de la supérieure.

2. Il confère à l'Evêque la faculté de permettre pour une cause grave, c'est-à-dire pour une utilité réelle, l'entrée d'autres personnes dans la clôture et la sortie des moniales pour le temps vraiment nécessaire.

On remarquera qu'il n'y a pas de limitation de temps. Il faut appliquer ici la norme donnée pour les sorties des moniales: «pour le temps vraiment nécessaire ».

Aussi en ce qui regarde le séjour des candidates dans les mo­nastères pour étudier leur vocation, l'Evêque peut permettre de dépasser les trois mois permis par le S. 041,2,b,6. Mais, on se sou­viendra que si les Statuts ont introduit cette norme, c'est comme me­sure prudentielle. Certaines candidates ne savent pas se décider; d'autres pourraient être tentées de vivre un certain temps au dépens du monastère. Les trois mois sont une ligne de conduite ordinaire.

Ce qui est nouveau dans le Code, c'est que l'Evêque pour les entrées d'autres personnes ou les sorties des moniales a besoin « du consentement de la supérieure». Le Code ne concède pas à la Su­périeure le droit de permettre l'entrée d'autres personnes en clôture ou la sortie des moniales en dehors des cas prévus par le droit com­mun, le droit particulier et les permissions de l'Evêque.

54 Louis V ereecke

Il est pratique de présenter chaque année à l'évêque à l'occa­sion, par exemple, des voeux de Noël et de Nouvel An une liste de permissions d'entrée de personnes en clôture et de sortie des mo­niales. Il serait bon que cette liste soit préparée en communauté. Ainsi la Prieure pourrait présenter cette liste comme le fruit de l'expérience de la communauté. Evidemment chaque monastère a ses nécessités particulières. Voici quelques exemples de permissions demandées à l'Evêque et accordées par lui:

- Que des Pères C.SS.R. ou certains prêtres, qui ne viennent, ni pour célébrer l'Eucharistie ni pour faire des conférences, puissent en certaines occasions entrer en clôture et être invités au réfectoire pour le repas de midi ou au goûter.

- Que les laïcs puissent entrer dans l'oratoire où les soeurs font l'adoration du Saint-Sacrement et y participer, de même pour les veillées de Noël, Pâques, Pentecôte.

Les permissions données demeurent en vigueur jusqu'à ce que l'évêque ait répondu aux nouvelles demandes.

CONCLUSION

La clôture n'est pas une fin en soi. Elle est un moyen au service des personnes, des moniales, de la vie de contemplation et d'union à Dieu.

Le droit, commun ou particulier, doit être appliqué sans laxisme mais aussi sans scrupule. Il faut penser qu'il a été établi par des personnes intelligentes et responsables. Il doit être appliqué intelli­gemment et responsablement. Nous ne devons jamais oublier le der­nier canon du Code de Droit Canon (c. 1752): «Le salut des âmes doit toujours être dans l'Eglise la loi suprême».