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L E T T R E D U N O R R A G RÉSEAU D’ÉTUDES ET DE RECHERCHE SUR LES POLITIQUES D’ÉDUCATION ET DE FORMATION (NORRAG) NUMÉRO 41 Décembre 2008 NUMÉRO SPÉCIAL LES POLITIQUES DU PARTENARIAT : PÉRILS OU PROMESSES ? [Disponible gratuitement sur le site www.norrag.org] Editeur KENNETH KING Adresse de l’éditeur Kenneth King, Saltoun Hall, Pencaitland, East Lothian, Scotland UK EH34 5DS Tél. +44 1875 340 418 E-mail : [email protected] ou [email protected] Adresse de la coordination Michel Carton, Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID), Case postale 136, Rue Rothschild 24, 1211 Genève 21, Suisse. Tél. +41 22 908 43 24/23 E-mail : [email protected] Traduit de l’anglais par Nathalie Hirsig

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L E T T R E D U N O R R A G

RÉSEAU D’ÉTUDES ET DE RECHERCHE SUR LES POLITIQUES

D’ÉDUCATION ET DE FORMATION (NORRAG)

NUMÉRO 41 Décembre 2008

NUMÉRO SPÉCIAL

LES POLITIQUES DU PARTENARIAT : PÉRILS OU PROMESSES ?

[Disponible gratuitement sur le site www.norrag.org]

Editeur

KENNETH KING

Adresse de l’éditeur

Kenneth King, Saltoun Hall, Pencaitland, East Lothian, Scotland UK EH34 5DS

Tél. +44 1875 340 418 E-mail : [email protected] ou [email protected]

Adresse de la coordination

Michel Carton, Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID),

Case postale 136, Rue Rothschild 24, 1211 Genève 21, Suisse. Tél. +41 22 908 43 24/23

E-mail : [email protected]

Traduit de l’anglais par Nathalie Hirsig

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 1

LES POLITIQUES DU PARTENARIAT :

PÉRILS OU PROMESSES

NUMÉRO SPÉCIAL

LETTRE DU NORRAG N°41 Le partenariat est devenu la manière approuvée de se rapporter au monde en développement, qu’on soit donateur, ONG ou chercheur. Il n’y a plus de « donateurs » dans les pays en développement, mais des « partenaires de développement », même si nous nous trouvons toujours assez loin du bon sens mesuré des partenariats de la Commission d’Etude pour le développement international (1969)1 de Lester Pearson. Les ONG du Nord pensent depuis longtemps aux personnes qu’elles soutiennent dans le Sud en tant que partenaires. Finalement, les chercheurs du Nord ont fréquemment collaboré avec leurs collègues du Sud, de manière plus ou moins symétrique, en termes de conception, de collection de données, d’analyse de données, d’interprétation et de publication. Aujourd’hui, cependant, le partenariat n’est plus un choix pour les chercheurs du Nord désirant travailler dans le monde en développement ; c’est devenu une condition de leur recherche au Sud. De nombreuses agences soutenant la « recherche en développement » attendent systématiquement des chercheurs du Nord, même des étudiants diplômés, qu’ils aient des « partenaires ». Quelques agences du Nord attendent des institutions du Sud qu’elles prennent l’initiative en choisissant leurs partenaires au Nord. Ces nouveaux « mariages » de recherche n’ont pas été exposés à une analyse critique, même si le partenariat représente une condition pour une grande part de l’argent de la recherche du Nord. Ce numéro spécial se penche sur l’histoire et la philosophie des partenariats de recherche avec le Sud : quelles sont les suppositions des nombreuses agences du Nord qui les soutiennent ? Que pensent les chercheurs du Sud sur leurs liens dans cette conditionnalité ? Comment le partenariat affecte-t-il la pratique et la qualité de la recherche ? Dans ce numéro spécial, nous nous intéressons particulièrement aux perspectives des chercheurs du Sud et de « partenaires de développement » disposant d’expérience en collaboration de recherche, mais aussi aux perspectives des chercheurs du Nord ayant travaillé à leur compte ou à travers des schémas de partenariat avec des chercheurs au Sud.

1 « Il est donc naturel que les fournisseurs de l’aide se préoccupent tout particulièrement de savoir si les bénéficiaires font des efforts sincères en faveur de leur développement ou s’ils gaspillent les ressources mises à leur disposition. Toutefois cette préoccupation, si elle n’est pas soigneusement délimitée par des institutions, peut entraîner des frictions, une perte d’énergie et une irritation mutuelle. Les relations entre fournisseur et bénéficiaire comportent également des avis, des consultations et un effort de persuasion mais tout cela doit passer par des voies bien définies et reconnues par les partenaires, dont les responsabilités doivent en outre être clairement départagées. L’élaboration et l’exécution de la politique du développement relève en fin de compte du seul bénéficiaire mais le fournisseur de l’aide a le droit de donner son opinion et d’être tenu au courant des événements principaux et des grandes décisions. » (Vers une action commune pour le développement du Tiers Monde, rapport de la Commision d’Etude du Développement International 1969 : 178).

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 2

EDITORIAL Promesse et péril du partenariat 6 Kenneth King, Université d’Edimbourg/NORRAG HISTOIRE, PHILOSOPHIE, PÉRILS ET PROMESSES DU PARTENARIAT 11 Améliorer les termes du partenariat de développement 12 Charles Gore, CNUCED, Genève La philosophie et la politique de partenariat 14 Mark Mason, HKIED, Hong Kong Au-delà de la déception : transformer l’idéologie et la pratique dans les partenariats de recherche Nord-Sud 20 David Gutierrez, IHEID, Genève Partenariats de recherche Nord-Sud : un point de vue personnel 23 Noel McGinn, ancien président du NORRAG et Harvard Organisations partenaires et aide inutile 25 David Ellerman, Université de Californie à Riverside Partenariats de recherche Nord-Sud : leçons de la littérature 28 Megan Bradley, St. Antony’s, Oxford Chevalier blanc ou cheval de Troie ? Le secteur privé et l’Education Pour Tous 30 Alexandra Draxler, consultante, Paris Le partenariat de recherche : charité, courtage, transfert de technologie ou alliance d’apprentissage ? 34 Birgit Habermann, Commission for Development Studies at the Austrian Academy of Sciences, Vienne Le revers de la coopération académique Nord-Sud 39 Sheldon Shaeffer, UNESCO, Bangkok La localisation du pouvoir dans les partenariats 40 Susan Robertson, Université de Bristol, et Toni Verger, Université d’Amsterdam Réflexions sur les tentatives britanniques récentes en matière de partenariats éducatifs 42 Simon McGrath, Université de Nottingham LES PARTENARIATS EN CONTEXTE 45 Retour sur le partenariat 46 Lennart Wohlgemuth, Université de Gothenburg Développer des partenariats de qualité pour la recherche de qualité 48 Kathryn Touré, CRDI, Dakar, ancienne coordinatrice de ROCARE Des partenariats de recherche efficaces 52 Jon-Andri Lys, KFPE, Berne

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 3

Des partenariats universitaires triangulaires Asie-Afrique via le Japon 55 Nobuhide Sawamura, Université d’Hiroshima, Hiroshima Les coûts d’opportunité des partenariats 57 Roy Carr-Hill, Université de York, et Institut d’Education, Londres DÉVELOPPEMENT DE LA CONNAISSANCE VIA DES PARTENARIATS AVEC DES AGENCES ? 59 Les partenariats de recherche de l’Union Européenne : un échec ouest-africain 60 Jean-Pierre Jacob, IHEID, Genève Réflexions critiques sur un partenariat en cours : le cas d’EdQual 62 Angeline Barrett, Université de Bristol, avec Jolly Rubagiza et Alphonse Uworwabayeho, Institut Pédagogique Supérieur de Kigali Symétrie et asymétrie dans les partenariats de recherche : des leçons de 20 ans d’expérience 64 Berit Olsson, anciennement SAREC, Sida, Stockholm La politique des partenariats : des cibles mobiles, des tactiques changeantes 67 Ad Boeren, NUFFIC, La Haye Les stratégies de développement récentes sont-elles vraiment meilleures ? La nouvelle architecture de l’aide pour l’EFP 70 Manfred Wallenborn, Fondation européenne pour la formation, Turin L’ODI dans les partenariats : en première ligne ou dans la bande ? 73 John Young, ODI, Londres LE PARTENARIAT VU DEPUIS LE SUD 76 A chacun selon ses besoins : aperçus de partenariats académiques Nord-Sud en Afrique 77 Ama de-Graft Aikins, Université de Cambridge Expériences de partenariats du Kenya : Nord-Sud et Sud-Sud 81 Fatuma Chege, Université Kenyatta, Nairobi L’effet historique des partenariats en Afrique de l’Est 84 David Court, consultant, Nairobi, anciennement Fondation Rockefeller, Afrique de l’Est Générer un partenariat piloté par le pays : le Ministère de l’éducation comme chef de groupe 87 Emefa Takyi-Amoako, St. Anne’s College, Université d’Oxford Forces et faiblesses des partenariats institutionnels entre institutions académiques du Nord et du Sud 90 Paschal Mihyo, OSSREA, Addis-Abeba NOUVELLES SUR LE NORRAG & LA LETTRE DU NORRAG 93 La réunion stratégique annuelle du NORRAG : un résumé et un coup d’œil sur l’adhésion 94 Robert Palmer, NORRAG, Edimbourg et Stéphanie Langstaff, Genève

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 4

AVANT-PROPOS

Kenneth King

Ce numéro spécial s’est avéré être l’un des plus remarquables que nous ayons couvert. Il contient plus de 27 contributions2, et de nombreuses autres personnes ont été empêchées d’apporter leur contribution par le rush des délais de décembre avant la clôture du numéro le 9 décembre. Le titre de ce numéro est le même que celui de la Rencontre du Groupe NORRAG à Genève le 12 décembre 2008, à laquelle plus de 40 personnes se sont déjà inscrites. Ce sujet est un sujet-clé parce qu’il touche le cœur de ce que font la plupart de nos lecteurs du Nord – travailler régulièrement dans le Sud – comme le personnel des agences, des consultants, des ONG ou des chercheurs. Et il a également attiré l’attention de nombreux lecteurs du Sud disposant de nombreuses années d’expérience dans le partenariat avec un projet du Nord. Un grand nombre d’éléments du concept de partenariat ont été décrits de manière critique et justifiée. Il existe sans doute de nombreux autres éléments d’autant plus critiques, mais qui ne peuvent pas être mis par écrit car ils pourraient être offensifs. Mais de nombreuses réflexions ont été menées sur ce que constitue un véritable partenariat, et, heureusement, il existe des exemples très solides de partenariat dans la pratique, spécialement au Chili et au Ghana. Nous avons la chance de compter également quelques exemples saisissants de personnes en tant que partenaires. Beaucoup d’entre nous ont sûrement travaillé de manière intense avec des collègues et des amis du Sud pendant des années sans même utiliser le discours du partenariat. Curieusement, seul un article sur 27 a été écrit conjointement entre partenaires du Nord et du Sud, et un autre entre partenaires de l’Ouest et de l’Est. Mais comme le dit Noel McGinn (ce numéro), « La communication orale à travers les cultures est déjà assez difficile ; l’écriture en commun suppose la constitution de métaphores nouvelles et partagées, et menace souvent la relation ». Dans notre argumentaire de départ, nous avions dit que ces mariages de recherche n’avaient pas été beaucoup analysés. Mais ce numéro spécial se montrera utile pour apporter un éventail très large de littérature pertinente sur le partenariat et le partnership, de manière théorique, plus pratique et évaluative. La littérature sur le partenariat représente dans de nombreux cas le revers de l’importante littérature sur l’assistance technique, les experts et équivalents. Les deux champs ont été davantage analysés depuis le Nord que depuis le Sud. Mais ce qui en ressort, y compris dans ce numéro spécial, c’est que la plupart des partenariats ont plus de deux partenaires ; 2 Note de la traductrice : la version originale en anglais contient 48 contributions.

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 5

dans le Nord se trouve le financement et les partenaires académiques, et dans le Sud se trouve également le représentant de l’agence de financement et le partenaire académique. Ce numéro spécial comprend quelques exemples de partenaires du Nord regardant vers le Sud depuis leurs perspectives institutionnelles différentes, mais nous n’avons pas les quatre perspectives sur la même activité. Une telle triangulation – ou « quadrangulation » – serait précieuse. Nous apportons seulement un ou deux exemples d’interconnexion Sud-Sud, et particulièrement l’exemple du soutien japonais au « dialogue » ou partenariat Asie-Afrique. Nous avions espéré lancer le débat sur la collaboration entre universités chinoises et africaines, ce qui est très répandu. Cela aurait été fascinant car la Chine continue de se percevoir elle-même comme un pays en développement ; et ses partenariats universitaires sont donc des partenariats Sud-Sud, d’une manière actuellement différente de celle du Japon. Nous devrions mentionner à nos lecteurs du NORRAG que le thème de ce numéro sera aussi une Section thématique de la prochaine Conférence UKFIET d’Oxford, du 15 au 17 septembre 2009, sous le titre de The New Politics of Aid Partnerships. Le Research Consortium on Educational Outcomes and Poverty (RECOUP), qui représente en soi un partenariat de recherche, rejoindra le NORRAG sur ce sujet. En effet, l’un de ses sous-thèmes principaux est le partenariat. Le Centre for Comparative Education Research de l’UNESCO à l’Université de Nottingham nous rejoindra également. Le thème général de la Conférence d’Oxford seront les PPP, pas seulement les partenariats publics-privés, mais aussi la Politique, les Politiques et le Progrès ! La Lettre du NORRAG n’a pas mené d’analyse sur les Rapports Mondiaux de Suivi de l’EPT en tant que numéro spécial. Il serait grand temps de le faire. Dans l’intervalle, les lecteurs NORRAG devraient savoir que UKFIET (duquel le NORRAG est un membre institutionnel) organise un grand colloque sur le dernier Rapport Mondial de Suivi de 2009, le 26 janvier à Londres. Kenneth King St. Pierre de Bressieux, France 10 décembre 2008

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 6

ÉDITORIAL

PROMESSES ET PÉRILS DU PARTENARIAT

Kenneth King, Université d’Edimbourg, et NORRAG.

[email protected]

Qui a mis le partenariat mondial à l’ordre du jour? Dans la citation originale de la Commission Pearson dans l’introduction de ce numéro spécial, le discours de « fournisseurs de l’aide » de « donateurs » et de « bénéficiaires » était utilisé autant que celui de « partenaires ». Aujourd’hui, néanmoins, le terme de « partenaires de développement » a été largement adopté par les agences de financement pour se référer à elles seules. C’est une utilisation plutôt étrange, et encore plus lorsque les partenaires de développement se rencontrent sans qu’un gouvernement national ne soit présent, comme c’est encore souvent le cas. Le terme de partenaire de développement est rarement utilisé pour se référer aux gouvernements nationaux ou aux ministères. Cette première asymétrie suggère qu’un côté planifie le développement et que l’autre côté se fait développer. L’idée que la communauté de donateurs décide du développement a été encouragée par le rapport de l’OCDE/CAD au titre très honnête de : Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIème siècle (OCDE, 1996). C’est un message direct ! Le rapport lui-même est en fait rempli de la rhétorique de l’appropriation (ownership) par le pays, et par les pays conduisant l’action. Les pays doivent fixer leurs propres objectifs et stratégies :

Le principe fondamental est que les populations locales s’« approprient » les stratégies et objectifs de développement par le biais d’un dialogue ouvert entre les autorités locales et la société civile, d’une part, et les partenaires extérieurs, d’autre part, portant sur leurs objectifs communs et leurs contributions respectives. (OCDE, 1996, p. 14)

Malgré le discours omniprésent de l’appropriation par le pays, l’aide externe étant seulement un complément à l’action du pays, c’est clairement de ce Rapport en particulier qu’émerge le nouvel agenda et la nouvelle architecture mondiaux sous la forme des six Objectifs Internationaux de Développement (OID), les mêmes objectifs mondiaux pour tous les pays en développement.3 Les « partenaires externes » ont certaines responsabilités et les « pays en développement partenaires » en ont d’autres, mais dans de tels rapports, les seuls éléments dont on se souvient sont ceux qui sont devenus les 6 OID. L’ensemble de ces 6 objectifs s’applique principalement à des pays en développement partenaires, et seulement un des 6 (celui sur l’environnement) aux pays de l’OCDE. Le texte environnant est excellent, comme c’était aussi le cas pour les déclarations de Jomtien et de Dakar, ainsi que pour la Déclaration du Millénaire de New

3 Le sixième objectif sur la soutenabilité environnementale est le seul qui pourrait se rapporter à la fois aux pays développés et en développement. Il est intéressant de constater que c’est le seul qui n’a pas d’objectifs quantitatifs, seulement des échéances.

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 7

York. Mais ce sont les cibles et les objectifs qui sont devenus le « texte sacré ». Ils étaient le message-clé et ils ont été développés lors d’une réunion clé du CAD de l’OCDE, à laquelle les pays en développement n’étaient même pas présents. L’agenda mondial de l’aide a donc été conçu à Paris. Le rôle des partenaires externes serait d’aider à renforcer les capacités des pays en développement partenaires, - « les aider à s’aider eux-mêmes », - dans des domaines ayant déjà été décidés pour eux (OCDE CAD 1996 :13). Les OID allaient substantiellement être transformés en Objectifs du Millénaire pour le Développement quatre ans plus tard. Il y a deux OMD de plus que les OID, et l’un d’eux, transformé en Objectif, était l’idée d’un « partenariat mondial », idée déjà présente en 1996. C’est devenu le huitième OMD : « mettre en place un partenariat mondial pour le développement ». Et il était rempli de questions très sérieuses, comme l’accès gratuit aux taxes et quotas pour les PMA, l’accès aux médicaments de base, aux bénéfices des nouvelles technologies, et plus généralement aux flux de l’aide. Mais cet objectif de partenariat était le seul des huit à ne pas avoir de cibles quantitatives. La formulation précise des OMD a en fait été réalisée après que les leaders mondiaux aient quitté New York. Comme un fonctionnaire des Nations Unies commenta de manière critique à ce moment-là : « huit pour eux et un pour nous ! ». C’était une asymétrie de plus dans ce qu’on appelle souvent l’architecture de l’aide mondiale. (Pour ce qui concerne les « Termes du partenariat de développement » huit ans après, voir Gore dans ce numéro spécial.) Accroître l’appropriation du développement par le pays est inséparable de la production de connaissance sur le développement. Pourtant, comme le soutiennent Gore et le Rapport 2008 sur les pays les moins avancés, la connaissance locale est marginalisée par la manière dont la connaissance sur le développement est actuellement produite. Cette production de connaissance sur le développement est au cœur de la plupart des contributions dans ce numéro spécial, et les partenariats de recherche entre le Nord et le Sud sont actuellement la modalité préférée pour créer cette connaissance. C’est-à-dire préférée par la plupart des partenaires de développement ; cette entreprise de partenariat dépendant beaucoup de leur financement. La connaissance pour le développement via des partenariats de recherche ? Avant de nous tourner vers les partenariats de recherche Nord-Sud, il est salutaire de se remémorer que la Conférence mondiale sur l’Education pour tous (CMEPT) à Jomtien en 1990 a senti que l’expansion la plus importante de partenariats pour le développement de l’éducation devait se faire dans le monde en développement lui-même. Ceci implique des partenariats entre tous les sous-secteurs et les diverses formes d’éducation, des partenariats entre les organisations gouvernementales et non gouvernementales, les ONG, le secteur privé, les communautés et les familles (CMEPT 1990 : article 7). La Conférence de Jomtien n’a même pas mentionné ou donné la priorité aux partenariats Nord-Sud. Elle soutenait que : « C’est à chaque nation qu’il appartient, en dernière analyse, de mettre au point et de gérer ses propres programmes pour répondre aux besoins éducatifs de l’ensemble de sa population. » Une « base de connaissances renforcée, alimentée par les résultats de recherches et les leçons tirées d’expérimentations ou d’innovations » sera essentielle (CMEPT 1990 : 21, 23).

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Les partenariats avec le Nord ne sont pas la seule manière de constituer cette base essentielle de connaissances en développement. Pendant des années à partir du début des années 1970, le CRDI, alors la seule agence canadienne de recherche bilatérale, a accordé des subventions directement aux centres de recherche dans les pays en développement, gouvernementaux et académiques. Elle ne voyait pas les partenariats canadiens comme une condition préalable pour constituer des compétences de recherche dans le Sud.4 Si le défi clé est l’apprentissage de politiques et le partage du savoir dans le Sud (voir Grootings dans le numéro 38) plutôt que l’emprunt, la réplication et l’internalisation de politiques depuis le Nord, les partenariats de recherche ou les partenariats de développement en général doivent être regroupés autour de cet objectif. Trop souvent, les partenariats de l’aide ont tourné autour de l’emprunt et la réplication de politiques, des Documents Stratégiques de Réduction de la Pauvreté (DSRP) aux Cadres Nationaux de Qualifications (CNQ), aux formations basées sur les compétences et de nombreux autres acronymes et manies du Nord. Ce n’est peut-être pas surprenant si on pense à la mission et au mandat derrière la mondialisation massive des connaissances du développement par des agences multilatérales et bilatérales, et à leurs certitudes souvent changeantes sur leurs propres priorités de l’aide pour le Sud. Bien sûr, l’Agenda d’Accra pour l’Action (août 2008), un autre produit indirect de Paris, peut aussi être pensé pour tempérer cet établissement d’agenda depuis le Nord ; après tout, « l’appropriation par les pays est essentielle ». « Nous sommes convenus, aux termes de la Déclaration de Paris, que ce serait là notre priorité absolue. » (AAA 2008 :1, 2). Mais l’atteinte de cette nouvelle ambition d’appropriation semble paradoxalement impliquer les donateurs dans un engagement beaucoup plus envahissant avec tous les « acteurs du développement » que l’actuel mode projet tellement décrié :

Les donneurs appuieront les efforts déployés pour accroître la capacité de l’ensemble des acteurs du développement – parlements, administrations locales et centrales, OSC, instituts de recherche, médias et secteur privé – de prendre une part active au dialogue sur la politique de développement et sur le rôle de l’aide au service des objectifs de développement visés par les pays. (Ibid. 2)

Même si l’Agenda d’Accra pour l’Action déclare que l’appropriation par les pays est essentielle, il en va de même pour le partenariat : « L’aide suppose la construction de partenariats au service du développement. » (Ibid. 4). Mais tout comme l’ambition des donateurs est maintenant de s’engager avec tous les acteurs de développement nationaux ci-dessus, les institutions de donateurs se révèlent être elles-mêmes un partenariat important et beaucoup plus incluant :

Ces partenariats sont d’autant plus productifs qu’ils mobilisent pleinement l’énergie, les compétences et l’expérience de l’ensemble des acteurs du développement – donneurs bilatéraux et multilatéraux, fonds mondiaux, OSC et secteur privé. (Ibid. 4)

La manière dont ces ambitions globales des partenaires de développement se traduiront 4 Le CRDI dispose à présent d’une Division des partenariats et du développement des affaires

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dans la pratique reste encore à voir. Mais contrairement à la Conférence de Jomtien où le partenariat était utilisé seulement pour le niveau du pays, la Conférence d’Accra entend le partenariat comme le cœur du développement :

Nous sommes déterminés à éradiquer la pauvreté et à œuvrer en faveur de la paix et de la prospérité en nous appuyant sur des partenariats plus solides et plus efficaces de nature à permettre aux pays en développement de réaliser leurs objectifs de développement. (Ibid.1)

Partenaires dans la recherche ? Lorsque nous nous tournons des partenariats de développement vers la collaboration dans la recherche, un grand nombre de thèmes hautement pertinents sont effleurés dans les articles qui suivent, depuis des perspectives du Nord et du Sud, et également d’un angle Sud-Sud. Mais qu’est-ce qui fait qu’un partenariat académique fonctionne à une distance de 5000 kilomètres entre les institutions ? Quelques réponses sont réparties à travers ces articles. L’éthique et les valeurs sont clairement essentielles. Il est indispensable de faire confiance à l’autre partenaire dans l’engagement, l’effort, les sources et les observations ainsi que pour les échéances. Mais il est plus probable que ces éléments existent si les partenaires ont passé des périodes prolongées dans l’institution, le pays ou l’entreprise de l’autre. Mais dans des projets entre plusieurs institutions de grande échelle et dans des arrangements bilatéraux beaucoup plus petits, le séjour typique dans un pays soi-disant partenaire est trop souvent d’une semaine à dix jours et ne se déroule souvent pas dans l’institution partenaire. Les visiteurs descendent dans des hôtels ou des pensions, ils n’ont pas de bureau dans l’institution partenaire, et doivent apprendre comment celle-ci fonctionne. Le temps est trop court pour cela. Les partenaires se rencontrent pour s’atteler à des rapports, à la coordination, à la collecte de données, à des défis d’analyse et à de futurs programmes. Il n’y a pas de temps pour se faire un ressenti sur l’environnement de recherche et de conseil dans l’institution élargie. Il n’y a souvent pas non plus de temps pour mener des recherches ensemble, et donc on passe plus de temps à faire des commentaires sur le travail des autres que sur l’écriture conjointe. Une nouvelle division du travail de recherche est associée à certains de ces partenariats de recherche, grands ou petits. Le renforcement des capacités pour les partenaires du Sud est une hypothèse conçue dans la justification de l’agence pour de nombreux schémas de partenariats, et les partenaires du Nord sont souvent associés à la planification, la conception, la révision d’ébauches, au conseil sur la littérature et sur la publication de recherches. Ils deviennent des conseillers de recherche ou des directeurs de recherche. Mais les partenaires du Nord ne font en fait pas de recherche conséquente dans le Sud. Ou, s’ils en font, ils restent seulement une semaine ou dix jours à faire des interviews sur des politiques dans une capitale du Sud. Le travail de terrain de trois mois, six mois ou une année dans le pays du partenaire du Sud est devenu extrêmement rare aujourd’hui. Et, inversement, les seuls partenaires du Sud pouvant passer une période de temps prolongée dans le Nord sont les jeunes partenaires faisant un doctorat, sous la rubrique du renforcement de compétences. Mais

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sans passer une période de temps conséquente dans la recherche conjointe dans le Sud, où se trouvent normalement les terrains de recherche, il y a peu de chances qu’on comprenne l’importance cruciale de la culture de recherche dans l’institution partenaire. Les contraintes de temps dans les institutions du Nord signifient que les visites de recherche dans le Nord ne sont pas très différentes du temps que les consultants du Nord consacrent dans le Sud. La différence est que les consultants du Nord font à la fois de la recherche et de l’écriture, de manière très intensive. Une grande partie de mes recherches et écrits actuels a été réalisée conjointement avec des étudiants de maîtrise ayant alors reçu leur doctorat, et ensuite des récompenses postdoctorales ou des postes d’associés de recherche. Ils étaient alors des collègues autonomes. Leur statut de partenaire a clairement changé au cours des 6 ou 7 années de cet « apprentissage de la recherche ». Mais la publication conjointe s’est déroulée même dès le stade de la maîtrise. L’intensité de ce genre d’interactions de partenariats est presque impossible à reproduire dans les collaborations à 5000 kilomètres de distance. En fin de compte, ces dernières sont presque entièrement dépendantes du financement extérieur, et à l’issue d’une, de deux ou de trois années de financement, la relation se termine malheureusement. Le défi de taille est d’évaluer si et comment ces divers types de partenariats de recherche contribuent réellement à un système de connaissance plus vivant dans le Sud. Comment encouragent-ils les connaissances sur le développement et le partage de savoirs dans l’université, le groupe de réflexion ou l’institut de recherche partenaire ? Peut-être que comme c’est le cas pour les partenariats de développement, on attend trop des partenariats de recherche. Le partenariat peut finir par fonctionner en cloisonnement, protégé durant quelques années de l’environnement de recherche détérioré de nombreux systèmes universitaires du Sud. Cela pourrait suggérer qu’un point de départ pour toute forme de partenariat ambitieux serait de vérifier de manière réaliste les environnements de recherche des deux côtés du mariage proposé, en prenant en compte les systèmes d’encouragement pour des types particuliers de travail académique.

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 11

HISTOIRE, PHILOSOPHIE, PÉRILS ET

PROMESSES DU PARTENARIAT

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 12

AMÉLIORER LES TERMES DU PARTENARIAT DE DÉVELOPEMENT

Charles Gore, CNUCED, Genève E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariat, développement Résumé L’amélioration des termes du partenariat de développement en faveur des pays pauvres dépend d’une plus grande appropriation des stratégies nationales de développement par les pays. Pour cela, des changements dans le processus de production de connaissances de développement sont une condition nécessaire. La résurgence récente de l’idée des partenariats en développement est étroitement associée à la nouvelle approche de la coopération au développement adoptée par les donateurs depuis l’an 2000. Les bases de cette approche peuvent être retrouvées dans le rapport de l’OCDE : Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIème siècle, publié en 1996. Ce rapport n’avançait pas seulement l’idée que l’aide devrait se concentrer sur un ensemble limité d’objectifs internationaux de réduction de la pauvreté et de développement humain, une liste qui plus tard formerait la base pour les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Il déclarait également que la clé de l’efficacité de l’aide était l’établissement de partenariats de développement entre les gouvernements des donateurs et des bénéficiaires. D’un côté, les gouvernements bénéficiaires devraient s’engager pour le développement et la responsabilité (accountability) de la gouvernance. De l’autre côté, les gouvernements donateurs devraient s’engager à (i) fournir les ressources adéquates, (ii) améliorer la coordination de l’aide dans le soutien des stratégies nationales de développement, et (iii) atteindre une cohérence entre les politiques de l’aide et les autres, comme celles du commerce, qui affectent les perspectives et les processus de développement.

Dans les pays pauvres, une grande impulsion pour ces propositions a été lancée lorsqu’il a été décidé que la préparation d’un Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DRSP) serait la condition pour qu’un pays bénéficiaire puisse se qualifier pour un allègement de la dette sous l’Initiative renforcée des PPTE. Au départ, ce mécanisme a été introduit pour s’assurer que les ressources financières additionnelles libérées par la réduction des remboursements de la dette soient dirigées vers la réduction de la pauvreté. Mais cela a rapidement changé et l’approche des DSRP est devenue le principal instrument d’opération pour mettre en œuvre les principes clés de l’approche de partenariat en développement. Comme l’OCDE le dit de manière perspicace et succincte dans son Rapport 1999 sur la Coopération pour le Développement : « La décision d’inscrire la mise en œuvre de l’Initiative PPTE renforcée dans le cadre plus général du nouveau paradigme du partenariat pour le développement a en fait permis de mobiliser le soutien politique dont bénéficiait l’allègement de la dette au service d’une réforme

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d’ensemble du système de financement concessionnel. » (p.23). L’approche du partenariat pour le développement a été renforcé plus tard dans le Consensus de Monterrey en 2002, et les principes de base de l’approche – à savoir l’appropriation par le pays des stratégies nationales de développement, l’harmonisation et l’alignement de l’aide avec ces stratégies, l’orientation sur les résultats et l’accountability mutuelle – ont été davantage codifiés et rendus contrôlables par la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide en 2005 et par l’Agenda d’Accra pour l’Action en 2008.

L’idée du partenariat pour le développement est très importante, puisqu’elle reconnaît que l’aide au développement – et la coopération au développement de manière plus générale – est une relation dans laquelle l’efficacité dépend des pratiques des deux parties. Néanmoins, il serait simpliste de supposer que toutes les parties sont égales. Amartya Sen, par exemple, a conceptualisé la famille comme un partenariat actif de conflits coopératifs. A l’intérieur de ce domaine, il y a beaucoup plus d’issues coopératives bénéfiques pour toutes les parties que dans le cas de la non-coopération. Mais les différentes parties ont des intérêts conflictuels dans le choix d’arrangements coopératifs mutuellement bénéfiques. Dans ces circonstances, les issues des partenariats dépendent du pouvoir relatif de négociation des différentes parties. Le pouvoir de négociation des femmes à l’intérieur du partenariat du ménage est, d’après Sen, fortement affecté par leur faible capacité à accéder à un emploi rémunéré à l’extérieur du ménage, et donc d’échapper aux contraintes de la relation de famille, ainsi qu’aux arrangements institutionnels plus larges à l’intérieur desquels la famille est empêtrée, comme par exemple les droits légaux à la propriété.

L’idée selon laquelle l’aide et le développement fonctionnent le mieux lorsqu’ils se basent sur un partenariat véritable et équilibré de deux parties égales est en lien implicite avec l’approche actuelle de partenariat pour le développement. Mais il est raisonnable de se poser la question suivante : quels sont les termes du partenariat pour le développement entre les pays donateurs et bénéficiaires alors qu’il y a de grandes inégalités entre eux en termes de ressources, de compétences et de pouvoir ? Comment le partenariat fonctionne-t-il lorsqu’une partie est profondément endettée et dépendante de l’allègement de la dette de l’autre partie ou lorsqu’elle dépend de l’aide de l’autre partie à plus de cinquante pourcents du budget de son gouvernement ? De plus, étant donné que tout le monde reconnaît l’importance des partenariats équilibrés, quelles mesures pratiques de politiques peuvent être introduites pour promouvoir un plus grand équilibre et une plus grande égalité dans le partenariat pour le développement ?

La CNUCED aborde ces thèmes dans le Rapport 2008 sur les pays les moins avancés : Croissance, pauvreté et modalités du partenariat pour le développement. Cette étude soutient que l’accroissement de l’appropriation par les pays des stratégies nationales de développement est la clé de l’amélioration des termes du partenariat pour le développement dans les pays les plus pauvres. Actuellement, cet élément est entravé non seulement par le mauvais alignement de l’aide avec les stratégies nationales, mais aussi par : (i) des capacités techniques faibles et des encouragements forts pour anticiper et internaliser les priorités des donateurs dans la formulation de politiques, et (ii) la hiérarchisation de l’agenda des donateurs dans la mise en œuvre par la conditionnalité des

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politiques, un conseil administratif, des indicateurs de contrôle et la sélectivité des choix de financement des donateurs. En effet, la plupart des DSRP de deuxième génération dans les PMA sont définis de manière tellement large et implantés de manière tellement faible dans un choix stratégique qu’il y a un obstacle à l’appropriation à l’intérieur du DSRP. Une partie de l’agenda politique est solidement appropriée par les gouvernements nationaux, une autre partie par les donateurs, et entre-deux, il y a une zone variable de politiques de consensus.

Accroître l’appropriation des stratégies de développement nationales par le pays est une tâche complexe. Mais la production de la connaissance de développement est un élément essentiel. La pensée indépendante enracinée dans les réalités locales ainsi qu’une expérimentation locale peuvent apporter la base d’un pluralisme de politiques et des solutions de développement élaborées à l’intérieur du pays. Pourtant, les connaissances et les pratiques locales sont marginalisées par la manière actuelle de production de la connaissance de développement. Comment les donateurs et les organes de financement de la recherche peuvent soutenir l’évolution de systèmes de connaissances domestiques plus forts et promouvoir la mise en réseau pour partager les expériences est une question vitale. En soi, elle ne sera pas suffisante pour créer une situation dans laquelle les gouvernements nationaux peuvent prendre l’initiative et choisir librement les stratégies et politiques à concevoir et à mettre en œuvre. Mais sans une forte base de connaissances domestiques, l’amélioration des termes du partenariat pour le développement restera un objectif insaisissable.

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LA PHILOSOPHIE ET LA POLITIQUE DU PARTENARIAT

Mark Mason, Hong Kong Institute of Education E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariat, développement, théorie sociale contemporaine Résumé Cet article situe la philosophie et les politiques de partenariat de la coopération au développement dans le contexte plus ample des variables épistémologiques et axiologiques de la théorie sociale contemporaine, afin de contextualiser les articles qui suivent dans une perspective théorique et pratique plus large. Notre période est une période dans laquelle la modestie nous convient. C’est probablement aussi vrai dans le travail de développement que dans n’importe quel autre contexte. Le partenariat dans la coopération au développement, plutôt que l’imposition des agences du Nord de « pratiques exemplaires établies » dans un contexte local du Sud

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(voir Lettre du NORRAG n°39), est l’expression d’une telle modestie. Depuis la moitié des années 1980, le partenariat est devenu un concept central, ou le concept central, dans le champ du développement. D’une perspective philosophique ou de théorie sociale, ce n’est pas un hasard si ce changement conceptuel a gagné le plus d’impulsion à la fin des années 1980 et a été soutenu depuis lors. En 1984, La condition postmoderne de Lyotard (1979) fut traduite en anglais comme The Postmodern Condition. L’éminent théoricien social contemporain Zygmunt Bauman suggère qu’un aspect important de l’approche postmoderne de la connaissance tient « au rejet de … la recherche philosophique de l’absolu, de l’universel et des bases dans la théorie »5 (Bauman, 1993, p. 4). Ce rejet est en partie une conséquence des perspectives typiquement associées avec une société de plus en plus mondialisée : notre monde est pluriel, d’une diversité d’affirmations de vérité et de bonté – d’où l’abandon, ou du moins l’assouplissement, de perspectives coercitives et régulatrices associées à la modernité. La pensée et la pratique de la modernité ont été, pour paraphraser Bauman, animées par la croyance dans la possibilité de trouver, par l’exercice de la raison et de la rationalité, des codes de pratiques et des solutions universelles et non ambivalentes aux problèmes sociaux. Ce qui est postmoderne, c’est « l’incrédulité dans une telle possibilité »6 (Bauman, 1993, pp. 9, 10). Les évolutions dans le champ du développement par l’imposition et la prescription externes pour les partenariats dans la coopération au développement reflètent et contribuent à ces changements intellectuels dans la théorie sociale contemporaine. Un facteur contribuant à ces changements est bien sûr la prolifération des technologies de l’information et de la communication. L’accès à la « meilleure » information n’est en conséquence plus le privilège des personnes riches ou puissantes ou des agences dans le Nord (et, après tout, avec nos sensibilités contemporaines, nous ne sommes plus convaincus que ce soit jamais été la « meilleure » information). Ces technologies ont également permis de communiquer plus directement et contribuent à aplanir les hiérarchies et à étendre les réseaux. L’accès à l’information et son partage disponible plus largement ont donc fortifié le partenariat en tant que thème dominant dans la coopération au développement. Mais il serait naïf de supposer que ces changements de perspective soient fondés uniquement sur les processus associés du rythme croissant de la mondialisation et à la prolifération des technologies de l’information et de la communication. Notre reconnaissance de la pluralité d’affirmations diverses sur ce que peut être le moyen d’action le plus correct ou le meilleur est également une conséquence du scepticisme dont nous avons été témoins au cours du vingtième siècle. A un âge de haute modernité, alors que nous avions à disposition les arrangements constitutionnels du libéralisme et de la démocratie, nous avons été témoins d’une envergure de terreur jamais atteinte auparavant, rendue possible par la technologie et la bureaucratie de la modernité, qui ont permis les exécutions à grande échelle et la destruction systématique de vies, 5 Traduction non officielle de : « the rejection of … the philosophical search for absolutes, universals and foundations in theory » (Bauman, 1993, p. 4). 6 Traduction non officielle de : 6 « disbelief in such a possibility » (Bauman, 1993, pp. 9, 10)

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rationnellement planifiées dans l’Union soviétique sous Staline, dans le génocide d’Auschwitz et de Birkenau, et dans la conception d’une société entière le long de catégories ethniques dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Ce sont quelques facteurs qui ont contribué au « tournant postmoderne » et au scepticisme concomitant face aux doctrines des Lumières, comme la vision selon laquelle notre connaissance de la société est holistique et cumulative, et que nous pouvons atteindre une connaissance universelle, objective et rationnelle de la société, sur laquelle nous pouvons agir pour produire l’émancipation et l’ascension sociale. Un tel scepticisme a également caractérisé la communauté du développement. Depuis les années 1950 et 1960, lorsque les personnes du Nord ou de l’Ouest, pourraient avoir pensé détenir les réponses aux problèmes affrontés par le monde en développement (les perspectives et exhortations du président des Etats-Unis Harry Truman de 19497 sont peut-être typiques), nous avons, en réalité, dû faire face à une énorme déception dans l’échec de nombreux programmes d’assistance et d’aide au développement international. Le rapport de Lester Pearson, accrédité par la Banque Mondiale en 1969, a étudié les sources du doute croissant sur l’efficacité de l’aide au développement, face à la mauvaise performance incessante de nombreux pays en développement. Si le doute sur les objectifs mêmes des bases de l’aide couvrait d’une certaine façon le champ du développement, le Rapport sur le savoir, (sous-titre de La condition postmoderne) de Lyotard, couvrait les champs plus amples de la sociologie, de la philosophie et de la théorie sociale. Les recommandations de Pearson pour établir de meilleurs partenariats entre les agences dans les pays développés et les institutions des pays en développement reflétaient – et préfiguraient – les changements épistémologiques identifiés par Lyotard de notre confiance réduite en l’efficacité universelle de nos solutions « à base rationnelle ». Un facteur clé de la perspective postmoderne est que nous sommes dans une ère où l’ampleur de nos choix épistémologiques, moraux et pratiques, et la conséquence de nos actions est beaucoup plus étendue que jamais. Nous sommes dans l’incapacité de nous fier à un code épistémologique ou éthique universel qui produirait des bonnes solutions sans équivoque. C’est pourquoi nous avons tellement peu confiance dans ce dont nous étions certains d’être juste, bon et vrai. Dans l’humilité faisant suite à l’effondrement de notre propre foi, nous avons appris à devenir plus sensibles aux différentes manières de faire les choses. Et si, à présent, nous avons tellement peu de foi dans ce que nous savions auparavant être la bonne chose, combien de foi nous reste-t-il dans l’applicabilité de nos croyances et pratiques (aujourd’hui détenues de manière précaire) dans d’autres contextes 7 « Pour la première fois de l’histoire, l’humanité détient la connaissance et les compétences pour remédier à la souffrance [des pauvres du monde]… Je crois que nous devrions rendre accessibles aux peuples pacifiques les avantages de notre réserve de connaissances techniques pour les aider à réaliser la vie meilleure à laquelle ils aspirent. … Ce que nous envisageons, c’est un programme de développement fondé sur les concepts d’une négociation équitable et démocratique. … Une production plus grande est la clé de la prospérité et de la paix. Et la clé d’une production plus grande est une application plus large et plus vigoureuse de connaissances scientifiques et techniques modernes. » Traduction non officielle de : « For the first time in history humanity possesses the knowledge and the skill to relieve the suffering of [the world’s poor]…. I believe that we should make available to peace-loving peoples the benefits of our store of technical knowledge in order to help them realize their aspirations for a better life…. What we envisage is a program of development based on the concepts of democratic fair dealing…. Greater production is the key to prosperity and peace. And the key to greater production is a wider and more vigorous application of modern scientific and technical knowledge. » (Truman, H. [1949] in Escobar, A. [1995], p. 3)

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économiques, politiques, sociaux et culturels ? La possibilité de défendre des principes et des solutions ayant une portée pratique et normative à travers tous ces contextes – une question qui devrait être examinée sérieusement par tout institut ou agence associé avec, disons, l’UNESCO, l’EADI, ou le PNUD – a été sérieusement examinée par la Banque Mondiale depuis 1969. L’une des recommandations de Pearson, rapportée par Richard Sack (1999, p. 9), était que

Il est nécessaire de créer des composantes de confiance et de respect mutuels et l’établissement de meilleurs partenariats entre les pays développés et en développement. Ceci requiert un dialogue sur les fins et les moyens, et sur la signification du développement. Le Rapport a élevé le processus au même niveau d’importance que les objectifs, et reconnu l’importance de ce que nous appelons à présent « l’appropriation ».8

Les remarques suivantes du président sénégalais Abdou Diouf lors de la réunion de Dakar de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) en 1997 caractérisent cette approche :

Afin de progresser de la relation d’aide vers le partenariat, le premier pas réside dans la redéfinition des statuts et des rôles des personnes engagées, d’une manière qui reconnaisse et accepte réellement la dignité et la responsabilité égales des deux partenaires, au-delà des différences de cultures et de niveaux de développement. Le type de partenariat que nous devrions promouvoir ne peut pas être fondé sur une relation verticale basée sur l’autorité, la contrainte, l’imposition d’un déséquilibre de pouvoir, une souveraineté substituée et la transposition de modèles, ou sur le revers de la médaille, le paternalisme et la condescendance. Il devrait plutôt être fondé sur des conditions telles qu’un dialogue authentique dans une relation horizontale, dans laquelle les acteurs reconnaissent l’autre comme un égal et participent à un échange considéré mutuellement utile et enrichissant par les deux parties… Ceci est nécessaire pour atteindre… une compréhension commune des objectifs et des stratégies de développement.9

8 Traduction non officielle de : « [i]t is necessary to create the building blocks towards mutual trust and respect and the establishment of better partnerships between the developed and developing countries. This requires dialogue about the ends and means, and the meaning of development. The Report raised process to the same level of importance as objectives, and recognized the importance of what we now call ‘ownership’. » 9 Traduction non officielle de : « In order to progress from the aid relationship to partnership, the first step lies in redefining the status and roles of those involved in a way that truly recognizes and accepts the equal dignity and responsibility of both partners, above and beyond differences in their cultures and levels of development. The type of partnership we should promote cannot be founded on a vertical relationship based on authority, constraint, the imposition of an imbalance of power, substituted sovereignty and the transposition of models, or, on the other side of the coin, paternalism and condescension. Instead, it should be founded on conditions such as authentic dialogue in a horizontal relationship in which the actors recognize each other as equals and participate in an exchange considered mutually useful and enriching by both parties…. This is necessary in order to achieve … a common understanding of development goals and strategies. »

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De tels partenariats, avec un sens partagé de « l’appropriation », n’envisagent pas seulement des droits partagés des deux côtés, mais également, comme l’indiqua le président Diouf, des responsabilités partagées. La responsabilité doit, bien sûr, être partagée dans l’échec autant que dans le succès. Malgré la prédominance du paradigme de partenariat dans la coopération au développement, c’est en partie face à certains échecs incessants que ce numéro de la Lettre du NORRAG cherche à poser des questions critiques sur ces partenariats et sur les manières mêmes de concevoir le concept de partenariat. Si le partage des droits, de l’appropriation, des objectifs, des politiques de développement, des responsabilités, des décisions sur la destination de l’aide, et des stratégies de mise en œuvre nous laisse toujours face à des défis de taille dans le développement, le moment n’est-il pas venu d’étudier l’étendue à laquelle nous avons élargi le concept de partenariat ? La modestie nous convient dans la coopération au développement. Mais une fausse modestie subsiste, particulièrement de la part des agences, donateurs, ONG et chercheurs du Nord, face à laquelle il faut se montrer prudent. Il y a des principes de grande valeur qui guident une grande partie du travail de développement du Nord : des principes, qui, par exemple, soutiennent l’impartialité, la transparence, l’accountability, et la responsabilité morale de cibler les efforts en faveur des plus pauvres parmi les pauvres. Pour étendre cette métaphore, réserver ce dernier élément et permettre aux gouvernements du Sud de dépenser l’aide au développement qu’ils reçoivent sous forme d’aide budgétaire seulement là où elle fera la plus grande différence dans les chiffres de l’EPT, plutôt que là où on en aurait le plus besoin (comme Keith Lewin [2008] l’a décrit récemment) est effectivement une fausse modestie de la part des donateurs du Nord dans la coopération du partenariat. Une réticence de la part des ces derniers de demander une responsabilité morale plus grande en regard à la dépense de l’approche sectorielle de l’aide budgétaire est vraiment inconvenante. Une hésitation complète face à toute notion de « pratique exemplaire » (best practice) de la part des agences du Nord est également peu convenable. Ce n’est pas par hasard si ce numéro spécial de la Lettre du NORRAG suit seulement deux numéros après un numéro consacré à un examen critique de notions de « pratiques exemplaires dans l’éducation et la formation ». J’admets que j’ai avancé dans ce numéro des arguments qui défient le degré de confiance que nous tendons à avoir dans les idées et les idéaux de pratiques exemplaires universelles. Mais en même temps, j’ai reconnu la valeur, même à un degré élevé de généralité, d’affirmations comme : « Les pratiques exemplaires supposent l’existence et la mise en œuvre de procédures de minimisation de la corruption dans tout travail de développement », ou « Tout travail de développement devrait avoir comme objectif de maximiser les opportunités de la vie des personnes les plus vulnérables dans un contexte donné », ou « Il est plus probable que l’enseignement ou la formation par induction, par des expériences familières à l’apprenant, améliorent la formation de concepts et le développement de compétences qu’une pédagogie de structure déductive ». Si l’insistance sur ces idéaux par les agences du Nord représente une déformation des

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relations de pouvoir dans tout partenariat de coopération au développement, c’est sûrement un déséquilibre approprié des échelles. En se mettant en garde contre la fausse modestie dans la coopération au développement, les donateurs du Nord en particulier ne devraient pas vaciller face au fait que même si le concept de partenariat implique habituellement une distribution égale des droits et des responsabilités parmi les parties de l’arrangement, cela ne doit pas nécessairement être le cas, et ce n’est fréquemment pas le cas empiriquement. Il n’y a pas de doute qu’il est difficile de constituer un partenariat égal lorsqu’une partie tient les cordons de la bourse. Les arguments dans ce domaine ont bien sûr été répétés lorsqu’ils ont à voir avec des histoires coloniales et l’obligation morale de restitution, avec les politiques vénales de l’aide lorsque les barrières réelles au développement se trouvent dans les restrictions au commerce, ou avec la construction et la destruction du Tiers Monde comme le déclare Escobar (1995). La vérité, si elle peut être découverte, de cet aspect hautement délicat de l’aide au développement se trouve probablement, comme cela doit être le cas dans d’autres thèmes de coopération au développement, non dans le détail d’un contexte particulier, ni dans les idéaux abstraits d’une égalité parfaite, mais dans les deux, et dans les tensions entre les deux – des tensions qui sont étudiées plus loin dans les articles suivants de ce numéro spécial. Références Bauman, Zygmunt (1993) Postmodern Ethics (Oxford: Blackwell). Escobar, Arturo (1995) Encountering Development: The Making and Unmaking of the Third World (Princeton: Princeton University Press). Lewin, Keith (2008) Why some Education for All and Millennium Development Goals will not be met: difficulties with goals and targets, in: Chisholm, Linda, Bloch, Graeme & Fleisch, Brahm, Education, Growth, Aid and Development: Towards Education for All (Hong Kong: Comparative Education Research Centre). Lyotard, Jean-Francois (1979) La condition postmoderne : rapport sur le savoir (Paris : Editions de Minuit). Pearson, Lester (1969) Partnership in Development: Report of the Commission on International Development, in Sack, Richard (1999) Partnerships for Capacity Building and Quality Improvements in Education: Papers from the ADEA 1997 Biennial Meeting (Paris: Association for the Development of Education in Africa [ADEA]). Sack, Richard (1999) Partnerships for Capacity Building and Quality Improvements in Education: Papers from the ADEA 1997 Biennial Meeting (Paris: Association for the Development of Education in Africa [ADEA]). Truman, Harry (1949) ‘Second Inaugural Address’, in Escobar, Arturo (1995) Encountering Development: The Making and Unmaking of the Third World (Princeton: Princeton University Press).

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AU-DELÀ DE LA DÉCEPTION : TRANSFORMER L’IDÉOLOGIE ET LA PRATIQUE DANS LES PARTENARIATS DE RECHERCHE NORD-SUD

David Gutiérrez

Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement, Genève E-mail: [email protected]

Mots clés Partenariat de recherche, science, Nord-Sud Résumé Le principal problème de l’idéologie du partenariat et de la participation, c’est qu’elle implique qu’il est possible d’atténuer les asymétries de pouvoir sans d’abord réduire les asymétries de ressources. Néanmoins, on peut imaginer certaines manières visant à dépasser la déception dans les partenariats de recherche Nord-Sud. Le premier rôle joué par la science dans les relations Nord-Sud était évidemment celui d’instrument de domination. Effectivement, durant l’ère coloniale, les tâches principales des scientifiques du Nord dans le Sud étaient de tracer les nouveaux territoires à des fins stratégiques, faire un inventaire des ressources naturelles pour leur exploitation et exportation vers les métropoles, et comprendre la culture des populations colonisées pour mieux les contrôler (Gaillard, 1999). Néanmoins, en guise de réaction contre l’asymétrie « antérieure » de pouvoir entre le Nord et le Sud, une nouvelle idéologie s’est étendue à travers le champ du développement international dans les années 1980 : l’idéologie du partenariat et de la participation (Hours, 1992 ; Kothari, 2001). Il est intéressant de constater que c’est durant la même décennie que la croissance des thèmes du partenariat, de la coopération, de la participation, de la communication et de la « culture d’entreprise » a pris place dans le champ du management. On peut résumer le paradigme commun aux deux champs par les critères suivants : la réduction maximale de hiérarchie, l’augmentation de la capacité d’action des acteurs les plus faibles, et l’adoption d’une stratégie gagnant/gagnant basée sur une combinaison synergique des ressources des différents acteurs (Crozier, 2000 ; Kothari, 2001).

Mais étant donné que la simple présence des termes « Nord-Sud » dans l’expression « partenariat de recherche Nord-Sud » montre une inégalité réelle entre les deux catégories de scientifiques, il est possible de voir une contradiction fondamentale entre cette inégalité et l’idéologie du partenariat et de la participation.

Un premier pas pour démontrer cette contradiction peut être de jeter un coup d’œil sur la réalité actuelle de chercheurs africains. En regard des ressources fournies par leurs institutions académiques, ces chercheurs font face à un manque d’accès considérable à une information scientifique et des débats de haute qualité, de temps pour faire leur

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recherche, et de rémunération – ce qui souvent va de pair avec un manque de reconnaissance sociale (Kouvouama & Tonda, 1992). Un autre point important est que nombre d’entre eux, rêvant de reconnaissance sociale, font une carrière politique et/ou développent des activités de conseil – activité dont les caractéristiques principales sont une rémunération élevée, une durée courte et une utilisation banale d’un cadre d’analyse restrictif (Gaillard, 2002). De plus, le champ scientifique africain est particulièrement affecté par le phénomène mondial de la « fuite des cerveaux ». Il peut être utile de compléter cette description empirique par une analyse théorique en utilisant les concepts de champ et de capital social (ou de ressources) de Bourdieu pour montrer que la « bonne volonté » n’est pas suffisante pour éradiquer les asymétries structurelles du pouvoir dans les partenariats de recherche Nord-Sud. Selon Bourdieu (1984), chaque champ social (p. ex. le champ scientifique, le champ religieux, etc.) possède des formes spécifiques de capital (p. ex. un capital culturel spécifique, composé de savoir et de compétences, et entre autres, un capital économique spécifique, etc.) qui peut être converti l’un dans l’autre. Et c’est la dotation totale en capital de l’acteur dans chaque champ qui détermine nécessairement sa position structurelle et de pouvoir à l’intérieur du champ. Le principal problème de l’idéologie du partenariat et de la participation est donc qu’elle implique qu’il est possible d’atténuer les asymétries de pouvoir sans d’abord réduire les asymétries de dotation en capital. Et on peut dire que la pratique du partenariat de recherche Nord-Sud tend à être, spécialement dans le cas de partenariats avec des chercheurs africains, moins déterminée par le contenu éthique de cette idéologie que par les asymétries structurelles. L’un des signes les plus visibles de cette reproduction cachée de la domination coloniale est la distribution réelle et usuelle des responsabilités entre partenaires du Nord et africains. L’établissement du programme de recherche, la planification d’activités, la gestion de fonds, l’interprétation de données, la diffusion des résultats (par des publications et des conférences) et les composantes de recherche de base sont pris en charge par les chercheurs du Nord, alors que leurs homologues du Sud sont chargés de la collecte de données10 et des composantes de recherche plus appliquées (Maselli, Lys, et al., 2005 ; Rath & Smart, 2006). Un autre signe perceptible d’asymétries de dotation en capital est l’impossibilité pour certains chercheurs africains de remplir les attentes des chercheurs du Nord quant à la production de résultats (Gaillard, 1994). En ce qui concerne les scientifiques africains, ces contradictions entre l’idéologie et la pratique du partenariat de recherche Nord-Sud sont donc propices à occasionner des déceptions dans les espoirs de développement et une perception de faible valorisation de leur travail par les autres. Néanmoins, certaines manières peuvent être imaginées pour aller dépasser la déception dans les partenariats de recherche Nord-Sud :

• Reconnaître et évaluer les asymétries de capital scientifique entre partenaires du Nord et du Sud (Jentsch, 2004) ;

10 C’est particulièrement en rapport à cette tâche que Houtondji (1993) considère que les chercheurs africains sont les héritiers des informateurs illettrés antérieurs.

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• Distribuer de manière explicite les responsabilités parmi eux selon cette asymétrie ;

• Se concentrer sur le renforcement de compétences même si c’est au détriment de la production de résultats ;11

• Augmenter les ressources économiques, d’information et de temps usuelles des chercheurs du Sud ;

• Convertir leur savoir et leurs compétences en du capital scientifique.

Références

Bourdieu, P. (1984). Questions de sociologie. Paris: Minuit.

Crozier, M. (2000). La clé de la réussite américaine : le partenariat In M. Crozier (Ed.), À quoi sert la sociologie des organisations? Vers un nouveau raisonnement pour l'action (Vol. 2). Paris: Seli Arslan.

Gaillard, J. (1994). North-South Research Partnership: Is Collaboration Possible between Unequal Partners? Knowledge and Policy: The International Journal of Knowledge Transfer and Utilization, 7(2).

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11 Il est néanmoins important de mettre l’accent sur le fait que ces trois premières « recommandations » sont probablement très difficiles à appliquer avec des chercheurs plus âgés ne disposant pas du capital scientifique approprié mais qui ne peuvent pas reconnaître ce manque s’ils tiennent à maintenir leur prestige local et/ou national (à l’intérieur et à l’extérieur du champ scientifique).

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PARTENARIATS DE RECHERCHE NORD-SUD : UN POINT DE VUE PERSONNEL

Noel McGinn

Ancien président du NORRAG, Université de Harvard E-mail: [email protected]

Mots clés Partenariat de recherche, Nord-Sud Résumé Cet article réfléchit sur plusieurs aspects des partenariats de recherche Nord-Sud, en notant que les aspects qui rendent ces collaborations tellement enrichissantes sont aussi ceux qui les rendent difficiles. Les aspects qui rendent la collaboration de recherche Nord-Sud tellement enrichissante sont également ceux qui la rendent difficile, et donc non courante. Les différences importantes dans la connaissance et les idées des collègues dans des sociétés différentes sont trop souvent le résultat de différences non souhaitées dans des conditions matérielles de vie et d’éducation empêchant la formation d’une relation caractérisée par un échange d’idées libre et égal. La diversité des langues permet de nombreuses nuances dans la conceptualisation, mais gêne aussi la communication. Il y a néanmoins aussi des obstacles institutionnels. De nombreuses universités du Nord attachent moins de valeur à la recherche accomplie en collaboration publiée dans une autre langue et aux problèmes d’un autre pays. Les chercheurs sont découragés par les voyages qui les absentent de leur campus. Chaque institution demande l’attention de ses membres, et décrie des relations fortes à l’extérieur de ses frontières. Les agences de financement veulent souvent des recherches taillées sur mesure avec des spécificités qui ne correspondent pas aux intérêts d’un pays récepteur. Les politiciens nationaux disposent d’horizons de temps courts alors que les standards académiques allongent le temps pour l’achèvement des recherches.

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Par un concours providentiel de circonstances hors de mon contrôle, j’ai moins souffert de ces contraintes que bon nombre de mes contemporains. J’ai été formé à un niveau élevé d’expertise dans les méthodes de recherche en sciences sociales à une époque où la demande était forte et insatisfaite. Ma situation dans l’université encourageait la recherche dans le Sud, parce qu’il était relativement facile d’obtenir un financement de plusieurs années sans beaucoup de restrictions. Pendant plus de 30 ans, j’ai travaillé avec des collègues de tous les grands continents sauf l’Océanie. J’ai acquis un degré élevé d’aisance dans une langue importante du Sud, ce qui m’a sensibilisé à la différence entre traduction et interprétation. Malgré ces privilèges, je peux néanmoins compter seulement quatre exemples dans lesquels j’ai été partenaire dans une relation de réelle collaboration entre le Nord et le Sud. L’une de ces relations se poursuit encore aujourd’hui, les autres se sont malheureusement terminées. Chacune de ces relations s’est développée dans un pays où j’ai vécu avec ma famille durant une année ou plus. Les séjours prolongés étaient importants car les bénéfices entiers de la collaboration sont atteints seulement lorsque les partenaires se font assez confiance pour débattre des valeurs et des idées de l’autre. Ce niveau de confiance se construit avec le temps. Je me suis fait de bons amis dans de nombreux pays, mais à mon retour à l’université, j’ai dû mettre de côté les promesses de travailler avec eux pour pouvoir m’occuper des demandes immédiates du moment. Une tâche critique dans chaque relation était l’écriture en commun sur la recherche en cours. Les produits étaient des rapports pour les clients, des articles de journaux et des livres. La communication orale à travers les cultures est déjà assez difficile ; l’écriture en commun suppose la constitution de métaphores nouvelles et partagées, et menace souvent la relation. L’écriture prend du temps, spécialement si les partenaires cherchent à découvrir quelque chose de nouveau dans la pensée de l’autre. Même des partenariats réussis peuvent se terminer si les institutions des partenaires augmentent leur demande d’attention. Les pressions peuvent être d’autant plus grandes pour des partenaires jeunes qui doivent lutter pour faire leur place dans leur institution. Heureusement pour moi, dans chaque étape de ma carrière, j’ai été associé avec des personnes d’un stade similaire dans leur vie professionnelle (et personnelle). En leur donnant assez de temps, les relations qui se sont développées furent d’une importance considérable dans mon développement. J’ai appris énormément de mes collègues, de ce qu’ils m’ont apporté et dans le processus de partage de ma connaissance avec eux. Avec le temps, les différences qui gênaient notre communication et notre confiance initiales sont devenues un bénéfice énorme.

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Organisations partenaires et aide inutile

David Ellerman Université de Californie à Riverside (anciennement Banque Mondiale)

E-mail : [email protected] Mots clés Partenariat, Banque Mondiale, aide inutile (unhelpful help) Résumé Cet article étudie plusieurs formes d’aide inutile qui peuvent émerger de soi-disants « partenariats ». Une forme d’aide inutile aux organisations partenaires est de les traiter comme une station de répétition pour les « messages corrects » envoyés depuis le centre, plutôt que comme organisations d’apprentissage potentiellement autonomes. Une autre forme d’aide inutile surgit lorsqu’une agence de développement souhaite créer une organisation partenaire plutôt que de s’associer à une organisation existante disposant de racines autochtones. Le cadre de cet article est celui d’une agence d’aide au développement comme l’Institut de la Banque Mondiale (anciennement EDI) qui travaille au développement de compétences de plusieurs organisations partenaires dans des pays en développement. Le plus souvent, les leçons les plus remarquables sont des leçons négatives où l’aide au développement est en fait une forme d’aide inutile12, c’est-à-dire de l’aide qui n’améliore pas et affaiblit même la capacité des personnes à s’aider elles-mêmes. En tant qu’institution éducative, l’Institut de la Banque Mondiale (WBI) devrait, en théorie, aider ses homologues ou organisations partenaires à devenir des organisations d’apprentissage avec la capacité d’apprendre par elles-mêmes. Alors que cela pourrait être la théorie adoptée, dans la pratique, la théorie réelle était largement de voir les organisations partenaires comme des stations de répétition dans la transmission des « messages corrects » du centre (p. ex. la Banque Mondiale) aux pays en développement ou en transition. Nous avons ci-dessous le discours du WBI décrivant au Conseil d’administration de la Banque ce processus de cours de formation initiaux donnés par le WBI à ses formateurs dans les institutions partenaires, qui vont répliquer le message dans des cours de formation en bloc.

Ces relations évoluent de la manière suivante. Les institutions partenaires envoient certains de leurs professeurs suivre le cours qu’ils proposent de répliquer. Ensuite, les formateurs du WBI et l’équipe partenaire travaillent ensemble à la conception, l’animation conjointe et l’adaptation du cours. Initialement, l’institution partenaire reçoit un grand soutien, suivi par une réduction graduelle sur trois ans, à l’issue desquels on attend qu’elle assume

12 Voir : Ellerman, David 2005. Helping People Help Themselves: From the World Bank to an Alternative Philosophy of Development Assistance. Ann Arbor: University of Michigan Press.

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l’entière responsabilité pour l’animation du programme. A ce moment-là, le WBI limite son rôle à la supervision, au suivi de la qualité, à la facilitation du réseau et à la mise à jour du matériel de formation.

Les partenaires apprennent à « répliquer » ; ils n’apprennent pas à apprendre. Pour les personnes provenant de pays postsocialistes, c’est une manière d’opérer en courroie de transmission de l’Internationale Communiste, mais vraisemblablement en faisant répéter les Bons Messages aux institutions partenaires de la Banque. Une forme d’aide inutile pour les organisations partenaires est donc de les traiter comme des stations de répétition ou des postes missionnaires pour les Messages Corrects envoyés depuis le centre, plutôt qu’en tant qu’organisations d’apprentissage potentiellement autonomes. Une autre forme d’aide inutile surgit lorsqu’une agence de développement souhaite créer une organisation partenaire (pour montrer qu’elle a fait une différence), plutôt que de s’associer avec une organisation partenaire disposant de racines autochtones. Cela peut même prendre la forme de la création d’une organisation partenaire « fantôme » ou « virtuelle ». Une méthode était de ré-étiqueter chaque personne qui avait participé à un cours en tant que « membre » et chaque groupe qui fournissait une salle de classe et le café en tant qu’ « organisation partenaire » dans le (virtuel) « Réseau de formation de l’Agence » (insérer le nom de « l’agence » appropriée). Il n’y a pas d’organisation partenaire réellement financée et équipée en personnel, il s’agit seulement d’une manière de parler (comme de se référer à chaque personne ayant jamais suivi un cours sur le tissage de paniers sous l’eau comme le « Réseau des tisseurs de paniers sous l’eau). Chaque cours de formation proposé par l’agence peut donc être décrit comme une « réunion » du « Réseau de formation de l’Agence ». Finalement, certaines personnes formées, comme des anciens élèves et stagiaires, peuvent être engagées en tant que consultants pour répéter les cours standards sans qu’un gestionnaire de tâches du siège doive être présent (un « cours télécommandé » dans le jargon des agences !). Ainsi, de la « capacité de savoir-faire locale » est créée et exploitée par le « Réseau de formation de l’Agence » pour diffuser les messages principaux à une échelle plus vaste dans le pays client (payé entièrement par l’agence en compétition avec les instituts de formation locaux essayant de faire fonctionner leurs propres cours au niveau local et sans subventions étrangères). Ces éléments peuvent également avoir un effet assez contradictoire sur le renforcement réel des compétences. Voici un exemple. En Russie, dans les années 1990, le Projet Morozov avait un centre national à Moscou et disposait à son apogée de 65 centres de formation franchisés, autosuffisants et équipés en personnel à travers la Russie. Le Projet a disposé d’une aide de départ de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et d’USAID, mais il était principalement autofinancé par les cotisations des membres et des fonds locaux russes. Le Projet Morozov était un partenaire naturel pour le WBI (et pour la Banque en général) pour des programmes de formation qui auraient un impact à travers toute la Russie. Cependant, lorsqu’on essaya de réunir le WBI (alors EDI) avec le Projet Morozov au milieu des années 1990, la résistance fut forte (et réussie) de la part des gestionnaires de tâches qui voulaient continuer à « livrer »

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leurs propres cours en Russie comme avant. « L’argument » était que EDI avait déjà constitué un « réseau de formation » en Russie ; il n’y avait donc pas besoin de soutenir le « rival » du réseau Morozov non constitué par EDI (étant le résultat d’efforts principalement russes). Le Réseau de formation EDI était juste une manière de parler de toutes les personnes ayant suivi les cours EDI et des organisations ayant organisé ces cours, ce n’était pas du tout une organisation partenaire réelle. Une forme similaire d’aide inutile survient lorsqu’une agence de développement crée et couve une organisation supposée être finalement « jetée hors du nid » pour devenir une vraie organisation locale. L’agence étrangère sert à fournir le financement de premier stade pour un nouvel institut, un groupe de réflexion ou une organisation dans le pays, où le gouvernement intérieur peut faire une contribution assortie en mettant à disposition un espace à bâtir inutilisé. Les salaires dans l’organisation sont comparables au standard international pour attirer les meilleurs talents locaux et donc enjoliver l’histoire à succès de l’agence dans le pays. Pour les relations publiques, l’histoire est qu’on trouve un résultat tangible du travail de l’agence dans le pays ; sans elle, rien ne serait arrivé. Néanmoins, le sponsoring clair et son « appropriation » par l’organisation limitent son influence dans les débats nationaux (imaginons un groupe de réflexion à Washington, financé par des Européens, des Russes ou des Chinois, pondre des monographies sur des questions politiques américaines). Puisque l’agence d’aide utilisait son pouvoir et ses ressources directes pour « faire bouger les choses », l’organisation locale résultante n’a que très peu de racines nationales et moins de durabilité au moment où on la sèvre des fonds internationaux. L’idée est bien sûr que l’initiative externe de « l’avant-poste missionnaire » soit finalement « internalisée » par le pays, financée par des sources internes et donc « un renforcement de compétences locales » réussi. Mais, plus tard, ces organisations frapperont encore chaque année à la porte de la Banque Mondiale, de fondations et d’agences américaines, européennes ou japonaises pour financer leurs activités. Le financement national ne fournirait probablement pas le niveau « international » de salaires et pourrait être assorti de conditions inacceptables. N’importe quelle personne disposant d’une fortune privée locale préférerait probablement financer sa propre initiative plutôt que d’affronter une approche fondamentalement fausse. L’approche préférée des agences internationales est de redéfinir la « durabilité », ce qui ne signifie pas un mouvement vers le financement national mais un mouvement de cofinancement avec d’autres sources dans le secteur international. Les agences internationales peuvent donc recueillir chacune le linge sale des projets de l’autre en ramassant quelques cofinancements de deuxième ou troisième stade et démontrer ainsi que leurs projets étaient « durables ».

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PARTENARIATS DE RECHERCHE NORD-SUD :

LEÇONS DE LA LITTÉRATURE

Megan Bradley, St Antony’s College, Université d’Oxford E-mail : [email protected]

Effectuer des recherches sur les partenariats de recherche en développement peut paraître un jeu avec l’absurdité. Il est essentiel de tirer le meilleur parti du corpus de littérature abondant et souvent perspicace qui a émergé sur les partenariats de recherche Nord-Sud au cours des trois dernières décennies pour renforcer la pratique du partenariat et la génération de connaissances pour le développement. Des donateurs et des défenseurs des ONG aux chercheurs professionnels, de nombreux acteurs engagés dans des projets de recherche en développement entre le Nord et le Sud se plaignent souvent du manque d’études sur de tels partenariats pour soutenir la réflexion critique et l’affinage des approches à la collaboration. Néanmoins, une revue de la littérature du partenariat confirme que les études et les évaluations de la recherche sur la collaboration sont à la fois abondantes et instructives.13 Le défi est d’aller au-delà du modèle d’apprentissage « sur le tas » et d’apporter des leçons de la littérature pour poursuivre la création et la mise en œuvre de nouveaux partenariats de recherche Nord-Sud. De la même manière, la littérature sur le partenariat doit continuer à croître et à questionner les hypothèses qui le sous-tendent, pour qu’elle puisse informer les pratiques de manière efficace. Cela signifie surtout de questionner l’acception que les partenariats Nord-Sud devraient rester la modalité dominante pour le financement et la réalisation de la recherche en développement. La littérature sur la coopération de recherche Nord-Sud se concentre fortement sur l’amélioration de la pratique du partenariat, et abonde de leçons pour des futurs partenaires, tirées de collaborations antérieures. En 1975 déjà, des chercheurs ont soutenu que les cadres de recherche en collaboration étaient inadéquats et contre-productifs. Ils appelaient à une réorientation des partenariats Nord-Sud pour que les collaborations puissent renforcer les institutions du Sud, en produisant une recherche plus critique et plus pertinente pour les politiques. Des appels précoces ont été lancés dans la littérature pour la création de partenariats mutuellement bénéfiques, soutenus par un financement à long terme, flexible et diversifié. A différents degrés, ces prescriptions se sont développées comme des tendances perceptibles, reflétées à leur tour dans la littérature plus récente sur le partenariat. Par exemple, la production de recherche orientée sur les politiques a émergé comme un objectif presque incontesté, et les partenariats sont de plus en plus vus comme une opportunité de développer les compétences des chercheurs du Nord comme du Sud. Malgré l’intérêt accru des donateurs pour la recherche en développement multi disciplinaire et à plusieurs intervenants, la littérature souligne le fait que la création de partenariats multi disciplinaires et à plusieurs intervenants reste un sérieux défi, puisque les partenaires luttent pour surmonter des bureaucraties lourdes et

13 Pour une telle revue, voir M. Bradley (2007) ‘North-South Research Partnerships: Challenges, Responses and Trends—A Literature Review and Annotated Bibliography’, Working Paper 1, IDRC Canadian Partnerships Working Papers. http://www.idrc.ca/uploads/user-S/11788973691CP_Working_Paper_1-FINAL.pdf.

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les priorités constamment changeantes des donateurs, pour assurer une communication régulière et ouverte et réconcilier des intérêts rivaux. La littérature la plus riche sur le partenariat est celle qui se concentre sur l’éthique de la collaboration de recherche. Une grande partie de cette littérature soutient que l’asymétrie entre les partenaires reste l’obstacle principal à une collaboration de recherche productive. Cette asymétrie se manifeste sous la forme d’un accès inégal à l’information, à la formation, au financement, à des conférences et des opportunités de publication, ainsi qu’une influence disproportionnée des partenaires du Nord dans l’administration de projets, la gestion du budget et le développement de l’agenda de recherche. Alors que l’asymétrie représente un défi persistant, la littérature suggère que les conceptions du succès et l’impact des partenariats de recherche sont en train de changer. La littérature reflète un scepticisme très répandu sur l’utilité de la publication conjointe, la mesure traditionnelle de la santé et de la productivité d’une stratégie de partenariat ou de collaboration de recherche. Par la même occasion, il est de plus en plus reconnu parmi les donateurs, les chercheurs, et les comités de révision des titulaires des universités que les avancées scientifiques sont seulement un critère pour l’importance d’un partenariat de recherche. Le renforcement mutuel de compétences et la traduction de résultats de recherche dans des interventions de politiques sont de plus en plus vus comme des réussites importantes et des indicateurs de succès. Quelles sont les questions face auxquelles les spécialistes du partenariat auront à lutter dans le futur ? Premièrement, alors que les approches des donateurs tels que le Canada et les Pays-Bas sont bien documentées, le rôle de donateurs tels que le Japon et les Etats-Unis méritent d’être examinés plus en détail, également comme le rôle joué par les pays disposant de communautés nationales de recherche de plus en plus robustes, comme le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Deuxièmement, il faut une plus grande concertation des efforts pour explorer quelques-unes des tensions les plus fortes de la littérature. Par exemple, comment le mantra selon lequel les partenariats devraient être mutuellement bénéfiques s’inscrit-il dans la vision souvent répétée qu’ils devraient accorder la priorité aux besoins et aux agendas du Sud ? Et pour finir, même un coup d’œil sommaire à la littérature du partenariat confirme que ce travail est produit essentiellement par les personnes du Nord, et reflète implicitement (ou même explicitement) leur intérêt dans la continuation des partenariats Nord-Sud en tant que modalité de financement prédominante pour la recherche en développement. Il est essentiel d’avoir des perspectives du Sud plus abondantes et diverses pour identifier le bénéfice stratégique réel de l’avancée de la recherche à travers des cadres de collaboration, et pour déterminer si la modalité de partenariat Nord-Sud devrait continuer à prendre le dessus sur d’autres approches dans le soutien de la recherche en développement, comme les partenariats Sud-Sud ou le soutien direct d’institutions du Sud.

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Chevalier blanc ou cheval de Troie ? Le secteur privé et l’Education pour tous14

Alexandra Draxler, consultante, Paris, anciennement Prospects

E-mail : [email protected] Mots clés Partenariat, secteur privé, EPT Résumé Cet article examine le rôle du partenariat public-privé dans l’EPT. Il étudie le rôle potentiel du secteur privé et la responsabilité du secteur public dans ces types de partenariats où chaque partenaire contribue sous forme d’atouts et/ou de ressources envers un objectif commun, et partage à la fois les risques et les bénéfices. Le Chevalier blanc de la réforme de l’éducation ? Chercher à étendre l’ampleur des acteurs engagés dans la contribution aux objectifs de l’Education pour tous (EPT) est une réponse logique lorsque les ressources sont rares et lorsque les mécanismes classiques de développement rencontrent des problèmes insolubles. C’est aujourd’hui une sagesse reconnue que les partenariats publics-privés pour l’éducation15, avec l’intention principale d’accroître la contribution des entreprises et de la société civile, devraient être capables à la fois de générer de nouvelles ressources et d’enrichir les compétences et les expériences disponibles pour les réformes éducatives. Il y a effectivement un degré « d’exubérance irrationnelle », pour emprunter un terme prophétique appliqué au secteur financier il y a quelques années, concernant le potentiel des partenariats dans la résolution de problèmes que les gouvernements ne peuvent pas traiter seuls. L’ONU a adopté les partenariats publics-privés, comme la Banque Mondiale également (Patrinos & Sosale, 2007, United Nations Global Compact, 2007). Malheureusement, le dialogue sur la question des partenariats publics-privés est troublé à la fois par la signification et par l’idéologie. Comme le montre ce numéro de la Lettre du NORRAG, le concept même de partenariat signifie différentes choses pour différentes personnes et, de manière plus importante, pour différentes institutions et secteurs. Le terme « partenariat public-privé » est souvent utilisé, et selon l’auteur, de manière incorrecte, pour décrire la prestation de services publics par le secteur privé sous contrat, comme l’éducation, la santé ou autre service public. Le « partenariat » est donc utilisé par de nombreux praticiens (et auteurs) pour se référer à la privatisation, qui est un champ de bataille hautement idéologique où les évidences sont maniées, étripées, méprisées, ou jugées dans des tribunaux irréguliers avec une conviction extrême et une grande émotion.

14 Cette note est basée sur une étude réalisée pour l’UNESCO et le Forum Economique Mondial appelée New partnerships for education: building on experience. (Paris, International Institute for Educational Planning). Disponible en ligne sur : http://www.unesco.org/iiep/PDF/pubs/Partnerships_EFA.pdf (anglais) 15 En effet, à la suite de quelques connotations négatives autour des partenariats « publics-privés », de nombreuses organisations internationales et d’autres ont préféré le terme de « partenariats multi acteurs » (« multi-stakeholder partnerships »).

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Les bénéfices de la scolarisation privée et de la privatisation d’une partie ou de tous les services éducatifs sont des thèmes importants mais différents, parce que l’examen de la privatisation peut en principe avoir lieu à travers des mécanismes légaux existants (les parlements, le système légal, etc.). Que sont les « partenariats publics-privés » ? L’accent principal de cette petite analyse est placé sur le rôle potentiel du secteur privé et sur la responsabilité du secteur public dans les partenariats, où chaque partenaire contribue par des atouts et/ou des ressources vers un but commun, et partage à la fois les risques et les bénéfices. Ceux-ci peuvent être difficiles à atteindre, ils peuvent souvent avoir des coûts de transaction plus élevés que des initiatives provenant d’un seul secteur, et sont assez marginaux en termes de ressources globales dévouées à l’éducation. La documentation et la recherche sur les résultats réels des partenariats dans l’éducation sont relativement peu nombreuses. La partie problématique des « partenariats » est qu’ils passent à côté de la plupart des mécanismes légaux et de régulation. Arguments en faveur des partenariats publics-privés Les arguments pour le partenariat public-privé suivent une bonne partie du même raisonnement que ceux en faveur d’une plus grande implication du secteur privé dans la prestation de services publics : le service public ne peut pas y arriver tout seul, le secteur privé est plus efficient et plus efficace, le secteur privé peut fournir un plus grand choix, et souvent aussi que l’implication du secteur privé augmentera considérablement la base de ressources. Ces arguments doivent être examinés soigneusement, et ceci n’est pas l’endroit où cela peut être effectué. Il suffit de dire qu’il y a très peu de preuves pour le dernier argument, l’expansion significative des ressources dues aux partenariats.16 Une revue des expériences à ce jour semble indiquer que les PPP ont des vertus considérables en termes d’innovation, d’expérimentation, d’amélioration de la qualité, d’apprentissage, de diversité de prestation et d’exécution, et de constitution d’alliances. Particulièrement dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, le potentiel d’expérimentation avec l’introduction de technologies dans le processus d’apprentissage en établissant des partenariats peut éviter des erreurs coûteuses d’investissements dans l’ensemble du système. Aucun de ces gains potentiels n’est négligeable, mais certains coûts y sont rattachés. Pourquoi un cheval de Troie ? La communauté internationale a investi beaucoup de temps et d’énergie dans la définition et la codification des droits à l’éducation et dans le soutien de manières permettant aux gouvernements de jouer leur rôle dans le respect de ces droits. La notion de partenariats publics-privés a émergé en tant qu’outil nouveau et non régulé existant presque entièrement à l’extérieur de ces accords. Parce qu’en principe, l’argent ne change pas de main, les mécanismes régulateurs ne s’appliquent pas. Parce qu’en principe, ces arrangements sont informels, ils passent à côté des mécanismes de planification nationaux et internationaux, et d’ailleurs également à côté des plus récents accords 16 La prestation de l’éducation par le secteur privé est une autre affaire, et même si l’éducation privée est souvent mise dans le même panier que les partenariats publics-privés, c’est une agrégation mensongère.

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importants sur la coordination entre le donateur et le pays bénéficiaire. Ils peuvent à la fois entrer en conflit avec les plans nationaux, les dévier, et encourir des coûts et des conséquences dont personne n’est directement responsable mais que le système national doit assumer. Les pièges des partenariats sont potentiellement nombreux. La plupart des partenariats fonctionnent de manière relativement informelle, avec un accord verbal ou écrit libre, comme un protocole d’entente. En conséquence, les procédures de soumissions normales ne sont souvent pas suivies. Il y a une conséquence potentielle (et souvent réelle) de donner au partenaire du secteur privé un avantage compétitif pour la fourniture d’affaires lucratives ultérieures. Dans le secteur des technologies de l’information par exemple, la distribution de matériel ou de logiciels gratuits pour un projet pilote d’un organe gouvernemental peut informellement enfermer le bénéficiaire dans l’utilisation subséquente du même matériel pour l’ensemble du système, excluant la concurrence. Tabler sur l’expérience pour des résultats positifs La plupart des observateurs sont d’accord pour dire qu’un nombre de conditions doit être rempli pour que les partenariats publics-privés pour l’éducation répondent à des besoins clairs et fonctionnent de manière efficace, efficiente et transparente. Jusqu’ici, les mécanismes de régulation n’existent pas ou sont faibles, les preuves empiriques des résultats ne sont pas répandues, et les attentes sur leur potentiel peuvent être excessives. Quelques leçons peuvent être résumées ici : Principes et régulation Les partenariats multi acteurs pour l’éducation rassemblent des intervenants d’origines très différentes et avec des principes d’opération fondamentalement différents. Les partenaires du secteur économique involucrés dans ces partenariats sont, légitimement, intéressés par la rentabilité à long terme de leur investissement. Du point de vue des organisations gouvernementales et non gouvernementales, des principes fondamentaux de droits de l’homme doivent être soutenus, basés sur des conventions et des accords intergouvernementaux, ainsi que la notion de l’éducation comme un bien public. Les partenaires du secteur public doivent aussi se charger du respect des principes de base que sont la concurrence, la transparence, la responsabilité (accountability) et l’adhésion aux engagements. Les besoins et les résultats doivent avoir la priorité sur les contributions. Cela signifie également l’association des partenariats avec les tendances de l’aide au développement comme le développement des programmes de concert avec les intervenants les plus proches des utilisateurs finaux. Coûts Les partenariats ont typiquement des coûts de transaction élevés, en général sous-estimés au début. Les participants supposent que le bénévolat et la bonne volonté couvriront les coûts imprévus. Les accords initiaux sur la manière de couvrir les coûts générés par des événements imprévus sont nécessaires, puisque autrement ils incomberont au secteur public ou provoqueront de mauvais résultats. Des coûts à plus long terme (remplacement de matériel, entretien et ainsi de suite) sont oubliés, et ceux-ci reviennent toujours aux partenaires du secteur public.

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Objectifs Les bénéfices des partenariats sont potentiellement très nombreux, en termes de valeur ajoutée collective de ressources, de compétences et d’approches élargies. Ces bénéfices sont des facteurs qui peuvent être utilisés au début pour la négociation entre les intervenants, y compris pour les utilisateurs finaux, et devraient être articulés en tant que partie des objectifs globaux. Néanmoins, lorsque les partenaires se lancent dans une entreprise avec des objectifs incompatibles entre eux, qui n’ont pas été examinés en relation aux besoins, ou qui peuvent avoir des conséquences cachées à long terme pour les intervenants à l’extérieur du partenariat, le problème se situe trop loin dans l’avenir pour qu’on s’y projette. Sont essentiels le stade de préparation, comprenant la consultation avec ceux qui sont concernés par la mise en œuvre sur le terrain, avec les utilisateurs finaux, et l’évaluation des besoins relatifs et des priorités, et comment l’activité particulière du partenariat s’y inscrit. Risques Les difficultés et les risques des partenariats sont souvent sous-estimés au début. Parce que les conséquences pour l’autre partenaire ne sont, en général, pas dévastatrices, chaque partenaire peut être tenté de supposer qu’on perdra peu de chose si l’expérience ne fonctionne pas. Les études de cas tournent typiquement autour du pot dans ce type de problèmes. L’engagement dès le début de la part des intervenants pour un compte-rendu transparent en tant que suivi en cours peut être pénible, mais toutes les personnes engagées en bénéficieront à la fin. Conclusions En conclusion, innover signifie par définition entrer en terre incertaine et parfois inexplorée. Innover dans l’éducation signifie se rendre responsable de l’expérience d’apprentissage et du futur d’autres personnes. L’échec a des conséquences directes pour des personnes que nous connaissons ou devrions connaître. Le succès ne bénéficiera pas seulement aux apprenants et aux personnes engagées dans l’éducation, mais à toutes les institutions engagées. L’investissement dans la planification, la régulation, la transparence, les résultats et la documentation des partenariats n’est pas gâché. C’est un devoir et un atout. Références Bertsch, T., Bouchet, R., Godrecka, J., Kärkkäinen, K., Malzy, T. & Zuckerman, L. (2005). Corporate sector involvement in Education for All: partnerships with corporate involvement for the improvement of basic education, gender equality, and adult literacy in developing countries. Contribution of the private sector to education. (Paris, UNESCO). Disponible en ligne sur : http://www.unesco.org/education/efa/global_co/working_group/atelier_finalreport2005.pdf.

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Cassidy, T. (2007) Toward the Development of a Global Education Initiative (GEI) Model of Effective Partnership Initiatives for Education. (Geneva, WEF) Disponible en ligne sur : http://www.weforum.org/pdf/GEI/GEI_model.pdf Martens, J. (2007). Multistakeholder partnerships : future models of multilateralism? Potential pitfalls of multi-stakeholder partnerships. (Berlin, Friedrich-Ebert-Stiftung e.V.). Disponible en ligne sur : http://www.globalpolicy.org/reform/business/2007/0107multistake.pdf. Patrinos, H. A. & Sosale, S. (Eds.) (2007) Mobilizing the Private Sector for Public Education A View from the Trenches. (Washington, The World Bank) Disponible en ligne sur : http://siteresources.worldbank.org/EDUCATION/Resources/278200-1099079877269/547664-1099079934475/Mobilizing_PrivateSector_PublicEdu.pdf (consulté en mars 2008) Site internet du Pacte Mondial des Nations Unies : http://www.unglobalcompact.org/

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LE PARTENARIAT DE RECHERCHE : CHARITÉ, COURTAGE, TRANSFERT DE TECHNOLOGIE OU ALLIANCE D’APPRENTISSAGE ?

Birgit Habermann,

Commission for Development Studies at the Austrian Academy of Sciences, Vienne E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariat de recherche, coopération, pouvoir, capacité d’action Résumé Le partenariat de recherche est devenu à la fois une panacée et un paradigme définissant la coopération entre les chercheurs du Nord et du Sud au cours des deux dernières décennies. Mais à cause de ses connotations ambiguës et la nature de l’industrie de l’aide, il est devenu un terme vivement débattu autant parmi les donateurs que parmi les chercheurs. Le partenariat a été utilisé en tant que terme politique et stratégique pour redéfinir la coopération au cours des dernières décennies. Il est néanmoins « en danger de rester une panacée réconfortante pour la gouvernance, sans obtenir de maîtrise pragmatique du ‘pourquoi’ et une compréhension plus claire du ‘comment’ dans les partenariats »17 17 Traduction non officielle de: « in danger of remaining a “feel good” panacea for governance without obtaining a pragmatic grasp of the “why” and a clearer understanding of the “how” of partnerships »

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(Brinkerhoff 2002 :2). Durant de nombreuses conférences récentes, des questions légitimes ont été soulevées sur le terme lui-même : Qu’entend-on par partenariat ? Qui sont les partenaires ? Quels sont leurs rôles ? Qui décide pour qui et dans quel but un partenariat est-il établi ? Le degré de frustration parmi les partenaires du Sud est élevé. Néanmoins, les partenaires du Nord se plaignent également de plus en plus, alors qu’ils commencent à le voir comme quelque chose qui leur est imposé par les agences de financement. Ceci conduit inévitablement à l’établissement de « faux » partenariats existant plus ou moins seulement sur le papier. Selon Maselli et al. (2006 : 13), les partenariats de recherche « comprennent une combinaison d’activités de recherche orientées vers les résultats et des composantes de renforcement des capacités au niveau individuel et institutionnel ou aux deux niveaux simultanément », et ils rassemblent des personnes, des institutions ou des groupes de chercheurs de pays en développement, en transition ou industrialisés (Maselli et al 2006). Néanmoins, les auteurs admettent également que la plupart des partenariats sont conçus dans le Nord, même si spécialement la « phase préparatoire…, lors de la conception des projets ou programmes de recherche », est cruciale pour la mise en œuvre de tels partenariats (Maselli et al 2006 : 13). Les partenariats de recherche entre des scientifiques des pays du Nord et du Sud contiennent trop souvent un mélange de rôles de différents acteurs avec différents agendas, et sont formés par les asymétries entre eux. En plus de l’asymétrie des ressources financières et de l’infrastructure, c’est aussi de plus en plus un thème de pouvoir et de capacité d’action qui sépare les futurs partenaires. Brinkerhoff (2002) indique aussi que les relations de pouvoir intrinsèques au développement international font qu’il est impossible d’exclure le pouvoir du partenariat (Lister 2000 in Brinkerhoff 2002:177) ; d’où la résistance contre la « rhétorique du partenariat » (Brinkerhoff 2002 :177). Le partenariat est lui-même un terme sensible, puisqu’il implique quelque chose de personnel, quelque chose qui devrait avoir une connotation de partage et de confiance. Il s’agit d’un objectif commun que les partenaires sont entrain d’atteindre ensemble. Pourtant, le manque d’objectif commun est fréquent, et conduit à des conflits et à des malentendus dès le début de tels projets. Il existe de nombreuses raisons différentes pour s’engager dans des partenariats de recherche. Les partenaires du Nord ont la pression de devoir s’engager dans des partenaires dans le Sud pour recevoir un financement et des permis de recherche pour faire de la recherche dans et avec des pays du Sud. Les chercheurs du Sud espèrent pouvoir bénéficier du prestige, accéder au pouvoir et aux ressources comme aux réseaux que de tels partenariats promettent de fournir. A cause des coûts de transaction élevés et de l’énorme bureaucratie impliquée, cette forte demande est en fait devenue un fardeau pour les institutions de recherche du Sud. Pourquoi autant d’institutions dans le Nord sont-elles intéressées par la coopération avec des partenaires du Sud ? Pourquoi y a-t-il une telle augmentation dans l’intérêt de financer la coopération de recherche à un niveau mondial ? Il semble y avoir plus de

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concurrence que jamais entre les acteurs du Nord pour des partenariats avec le Sud. Il y a, bien sûr, l’argument évident que la mondialisation a conduit à une intégration plus proche et davantage de connectivité au niveau mondial (Brinkerhoff 2002). De plus, je soutiendrais que du point de vue d’un donateur, ceci peut aussi être une tentative d’exporter les technologies du Nord et d’explorer de nouveaux marchés, spécialement dans les économies en transition, mais de plus en plus également dans les pays en développement. Dans d’autres cas, la motivation peut encore être alimentée par un intérêt d’accès aux ressources (p. ex. mines, production de [bio]carburants, commerce de charbon, etc.). Pourtant, il existe d’autres raisons, plus personnelles, pour la coopération scientifique entre le Nord et le Sud : certains chercheurs aiment simplement voyager et connaître d’autres environnements socio-écologiques. Dans de nombreux pays européens, les donateurs sont actuellement en train de repenser leurs approches envers le financement de la recherche en collaboration avec les soi-disants pays en développement. L’Autriche est l’un des seuls pays disposant d’un mécanisme de financement spécifique pour les partenariats de recherche : la Commission for Development Studies at the Austrian Academy of Sciences (KEF) a financé des partenariats de recherche depuis 1981. La direction est constituée de scientifiques autrichiens, représentants de différents groupes d’intérêts et d’ONG comme des ministères. KEF a vécu de grandes réformes depuis 2003-2004 et a développé sa propre liste de critères et d’indicateurs pour le financement de partenariats de recherche. La stratégie de financement de KEF s’est tournée vers une approche plus originale du partenariat ; néanmoins, de nombreux problèmes et des obstacles majeurs requérant davantage d’analyses approfondies restent à surmonter. Une notion de charité : « Le partenariat est un euphémisme européen pour la charité » (un participant à la Conférence Science with Africa, Addis Abeba, mars 2008) Si une agence de financement comme KEF a besoin de scientifiques du Nord pour faire une demande de financement avec des partenaires du Sud, mais fournit le financement presque exclusivement à des partenaires du Sud, ce partenariat risque d’être perçu comme un acte de charité par les deux partenaires. Les partenaires du Sud se sentent « bénéficiaires » d’une telle coopération. Les bénéfices en termes de revenus deviennent marginaux pour les instituts du Nord. De nombreux scientifiques travaillent pour de tels projets durant leur temps libre, et reçoivent peu de reconnaissance de leur propre institution. L’allocation du financement aux deux partenaires par l’agence donatrice est donc un déterminant crucial dans la manière dont le partenariat est perçu par les chercheurs. Une notion de courtage : « L’argent fait loi… » ou « Livrez d’abord le travail, ensuite je paierai. » (Responsable de projet autrichien dans un « projet de partenariat ») Il est vrai qu’un courtier peut assumer une grande variété de rôles. Néanmoins, dans les partenariats de recherche, ce rôle est souvent en relation avec l’argent. Il arrive souvent que les chercheurs du Nord accèdent aux fonds, et agissent comme responsables de projets, mais ne font réellement aucune recherche. Comme beaucoup d’autres agences de financement, KEF transfère les fonds seulement aux partenaires autrichiens. Cela est en

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partie dû à des raisons légales, en partie au fait que certaines institutions partenaires du Sud sont trop petites pour gérer les fonds. Un argument produit par des chercheurs du Sud est que de nombreuses institutions du Sud ont commencé à prélever des frais généraux élevés, laissant peu d’argent à leurs propres chercheurs pour réellement faire de la recherche. Néanmoins, l’argent signifie le pouvoir. En effet, malgré la quantité de bénéfices qu’un courtier puisse avoir, le pouvoir qui accompagne ce rôle est trop souvent utilisé en tant que levier contre les partenaires lorsqu’ils sont moins performants que prévu ou que convenu. Une agence de financement doit donc examiner avec soin sa stratégie à cet égard. Une notion de transfert de technologie : « Nous leurs donnons notre science, nous la mettons dans leur tête et elle y reste pour toujours (un scientifique autrichien lors d’une conférence en 2008) Si le partenariat est lié à des activités de formation et de développement de compétences, le risque est que les partenaires du Nord se perçoivent eux-mêmes en tant que professeurs plutôt qu’en tant qu’apprenants, et cette perception de « supériorité » persistera plus loin dans les suivis de coopérations de recherche. Si le partenariat est basé sur une relation antérieure de superviseur-étudiant, il est voué à l’échec dans de nombreux cas. Lorsqu’un chercheur s’engage dans un projet avec un ancien superviseur, les thèmes, les méthodes, la notion même de science et la validation de ce qui est scientifiquement valable ou non sera probablement encadré par la base épistémologique et les hypothèses du superviseur. Dans de tels cas, les technologies développées dans une partie du monde sont toujours imposées dans une autre partie du monde. Même adaptés aux conditions locales, le projet et le partenariat ont de nombreuses chances d’être voués à l’échec dans de telles circonstances. Un donateur doit donc faire une distinction structurelle claire entre le développement de compétences et la coopération à la recherche. Les relations et les asymétries de pouvoir au niveau individuel pourraient autrement ruiner n’importe quel partenariat de recherche prometteur. Une notion d’apprentissage : « Vous venez ici et vous posez tellement de questions. Ensuite vous partez et rien ne change. » (un paysan de la Province de la Frontière-du-Nord-Ouest, Pakistan, 1998) Quel est le but des partenariats de recherche lorsque seul un partenaire a un intérêt à apprendre quelque chose du projet ? S’il n’y a pas d’alliance entre scientifiques et intervenants à la fois au Nord et au Sud avec un intérêt réel pour l’apprentissage, l’effort entier risque d’être en vain. Si le projet de recherche n’est pas enraciné dans un contexte local, que se passera-t-il avec les résultats ? Tellement de projets ont échoué parce qu’ils n’ont pas réussi à cerner ce que les gens voulaient et ce dont ils avaient besoin. Ce sont les raisons pour lesquelles KEF, en tant qu’agent de financement du Nord, voudrait soutenir des partenariats de recherche plutôt que simplement des projets. Néanmoins, la compréhension réelle du partenariat, de ses implications, et des rôles que peuvent ou devraient assumer les partenaires, doivent être analysés avec beaucoup plus de soin. Dans une alliance d’apprentissage, le partenariat doit être élargi au-delà du lot habituel d’acteurs ; par ses activités dans le Nord et dans le Sud, il devra atteindre les sociétés affectées, et devra appliquer des méthodes requérant des compétences qui dépassent la formation habituelle des scientifiques. C’est pourquoi KEF demande à ses partenaires

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d’expliquer très clairement leurs propositions de financement, pourquoi ils débutent un partenariat de recherche, ce qu’il signifie pour eux, qui sont les partenaires, comment ils intégreront d’autres intervenants, qui bénéficiera de quoi et de quelle manière. En tant qu’agence de financement, KEF est conscient des asymétries, des objectifs souvent peu clairs, des agendas « cachés », et de la distribution inégale de pouvoir à l’intérieur des projets. Néanmoins, la seule manière d’assumer un semblant de responsabilité envers les pauvres et les marginalisés est « d’imposer » le règne du partenariat. D’une certaine manière, on attend des partenaires du Sud qu’ils représentent la « voix du Sud », et même si ce n’est pas une hypothèse légitime, elle semble beaucoup plus sage que d’allouer ce rôle aux institutions de recherche du Nord. Références Bossuyt, J., and G. Laporte (1994) Partnership in the 1990s. How to Make it Work Better, Policy Management Brief No. 3. Maastricht: ECDPM. Brinkerhoff, J.M. (2002) Partnership for International Development. Rhetoric or Results? Boulder, London: Lynne Rienner Publishers. Habermann, B. (2006) Joint Research, Joint Learning. Research Partnerships for Development. Commission for Development Studies at the Austrian Academy of Sciences, VOEAW, Vienna, 180 pp

Lister, S. (2000) Power in partnership? An analysis of an NGO’s relationships with its partners. Journal of International Development 12:2, pp. 227-239.

Maselli D, Lys J-A, Schmid J. 2006: Améliorer l’impact des partenariats de scientifiques. Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement KFPE. GEOGRAPHICA BERNENSIA, Berne, 92 pp., disponible en ligne sur : http://www.deza.admin.ch/ressources/resource_fr_24656.pdf

Vincent, R. and Byrne, Ailish (2004) Learning in Partnerships. Document de synthèse base sur un atelier organise par BOND et Exchange en 2003. BOND and Exchange. En ligne sur : http://www.bond.org.uk/pubs/ol.htm

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LE REVERS DE LA COOPÉRATION ACADÉMIQUE NORD-SUD

Sheldon Shaeffer, UNESCO Bangkok E-mail : [email protected]

Mots clés Nord-Sud, coopération académique Résumé Cet article suggère quelques idées sur ce qu’il faut chercher lors d’un examen sur la coopération Nord-Sud. La coopération Nord-Sud, seulement un peu moins que la coopération Sud-Sud et Nord-Sud-Sud, est devenue l’engouement du moment – en fait, depuis plusieurs années, mais les expériences partagées sont habituellement les meilleures pratiques – et non les pires. Et le revers de la coopération Nord-Sud a rarement été étudié. Voici quelques idées sur ce qu’il faut chercher lorsqu’un tel examen a finalement lieu :

• dans quelle mesure le partenaire du Sud est-il la personne de service, rattachée au projet pour des raisons cosmétiques ?

• dans quelle mesure le partenaire du Sud a-t-il réellement été impliqué dans le développement de la proposition conjointe ?

• par rapport au pourcentage total de l’institution, quelle est la part du partenaire du Sud comparé à celui du Nord ?

• dans quelle mesure les bénéfices sont-ils égaux pour chaque partenaire – ou le partenaire du Nord reçoit-il les permis de recherche désirés, des engagements de professeur associé, des salaires pour des étudiants étrangers, plus de prestige pour son bureau de relations externes (ou de marketing), et des frais généraux juteux ; et le partenaire du Sud, quelques bourses, des voyages gratuits pour ses administrateurs, et la présence de son nom sur les publications finales ? (P. ex., combien de professeurs partenaires du Sud sont invités pour donner des conférences dans l’institution partenaire du Nord ?)

• dans quelle mesure le partenaire du Nord impose-t-il son paradigme de recherche sur le partenaire du Sud ou apprécie-t-il et absorbe-t-il son paradigme, souvent assez différent du sien ?

• qui reçoit le crédit ultime pour les produits finaux ? Est-il distribué selon l’importance des contributions ?

• et combien de temps durent le partenariat lui-même et ses bénéfices supposés pour les partenaires ? Ou le partenaire du Nord prend-il ses bénéfices, comme indiqué ci-dessus, et part en courant ?

Lorsqu’on visite la Chine et qu’on lit le journal local en anglais, presque chaque jour un nouvel accord entre une université du Nord et une université chinoise est annoncé. On montre le président de l’institution du Nord (parfois à peine connu parmi les universitaires du Nord), souriant, en signant l’accord avec son homologue également heureux. Il serait intéressant de savoir qui rira le plus à l’issue de l’accord.

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LA LOCALISATION DU POUVOIR DANS LES PARTENARIATS18

Susan Robertson, Université de Bristol et Toni Verger, Université d’Amsterdam

E-mails : [email protected], [email protected] Mots clés Partenariat, concept, pouvoir Résumé Cet article étudie brièvement le concept de partenariat et demande à quel problème cette idée très forte représente une solution, ainsi que ce qu’elle cache. Il souligne l’importance de la compréhension des dynamiques de pouvoir dans tout partenariat. Etant donné l’ubiquité de l’idée de partenariat dans la caractérisation de tous les types d’arrangements de gouvernance autour du monde – de la recherche à la prestation de l’éducation pour tous – il est important que nous nous posions la question de savoir à quel problème cette idée très forte représente une solution, ainsi que ce qu’elle cache. La notion de partenariat n’est pas nouvelle, même si ses différents usages et incarnations le sont. Stephen Linder (1999) soutient qu’aux Etats-Unis, un problème clé à résoudre pour l’idée de partenariat était comment permettre à l’agenda de privatisation des services publics des années 1980 de continuer de manière tactique. Vu de cet angle, il est arrangeant de relier les intérêts publics et privés dans une relation appelée partenariat ; d’un côté il s’assure le soutien d’éléments plus modérés opposés à la privatisation en bloc, alors que de l’autre, il promet moins d’Etat et plus de marché aux camps néoconservateurs et néolibéraux. Ici, l’idée de partenariat lie le « public » au « privé » dans une relation d’ambitions, de projets, de stratégies et de résultats partagés mutuellement. On dissimule l’idée que le risque puisse être partagé de manière asymétrique, que le savoir-faire privé est fétichisé davantage que l’expérience publique, ou qu’on doive gagner de l’argent et que les carrières doivent être impulsées par ce type de réforme de gestion. Car l’idée du partenariat exploite l’illusion que le pouvoir, s’il n’est pas absent, est au moins partagé. En d’autres termes, le partenariat est évoqué comme un empowerment. De manière similaire, si nous étudions les partenariats de recherche et d’apprentissage, devenus particulièrement à la mode actuellement, nous affirmerions que la localisation du problème et de la situation du pouvoir nous permet de demander pourquoi le partenariat prend la forme qu’il prend, et ensuite de voir quelles seraient les conséquences probables en termes de justice sociale. Prenons par exemple les partenariats d’enseignement et de recherche au niveau de Maîtrise proposés par la Commission Européenne dans le 18 NDT : ce titre s’inspire de celui de l’article « The whereabouts of power: politics, government and space » de J. Allen, cité en référence.

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programme Erasmus Mundus. Lancé en 2003, Erasmus Mundus fait participer un groupe d’universités européennes des Etats membres à la constitution un partenariat avec un nombre privilégié d’universités à l’extérieur de l’Europe – en particulier dans des pays en développement. Ceux-ci sont présentés par la Commission Européenne comme des partenariats formulés par les principes de coopération, de réciprocité et de citoyenneté mondiale. Le partenariat constitue donc une solution aux problèmes affrontés par les pays à faibles revenus ; une manière de faire avancer la connaissance ensemble. Néanmoins, en grattant la surface, il devient évident que la relation n’est pas symétrique. En décortiquant le discours du partenariat, nous nous apercevrons vite que ce projet vise à amener les personnes douées vers l’Europe pour participer à la stratégie compétitive de l’économie du savoir de l’Europe, et non l’inverse. De plus, la connaissance acquise dans le contexte de ces partenariats n’est pas de la connaissance décolonisée, c’est la connaissance du centre, et non de la périphérie. En fait, de tels partenariats de recherche centre-périphérie, construits sur la base d’un échange inégal, ont le potentiel de miner certaines logiques de production de connaissance provenant du Sud, en promouvant à leur tour une monoculture académique mondiale. Nous ne voulons pas suggérer ici que les partenariats per se fonctionnent nécessairement tous de la même manière, ou débouchent sur les mêmes résultats. Il est seulement possible que les recrues douées saisiront l’opportunité d’apprendre, de poser des questions sur la localisation du pouvoir, et de le nommer pour ce qu’il est. Il est également possible que les personnes engagées dans des partenariats publics-privés soient capables de naviguer et de négocier une relation mutuellement bénéfique, ouverte, et socialement juste. Dans certaines conditions, les partenariats peuvent aussi promouvoir l’introduction, ou mieux, l’émergence d’épistémologies et de cadres théoriques originaires du Sud dans les agendas internationaux de recherche. Néanmoins, cela n’atténue pas l’idée centrale de notre argument et l’importance de notre affirmation ; pour connaître la nature d’un partenariat, il faut ouvrir la boîte noire, regarder à l’intérieur, et demander : « où se situe le pouvoir ? » (Allen, 2004). Références Allen, J. (2004) The whereabouts of power: politics, government and space, Geographiiska Annaler, 86 B (1), pp. 19-32. Linder, S. (1999) Coming to terms with the Public Private Partnership: a grammar of multiple meanings, American Behavioural Scientist, 43 (1), pp. 35-51.

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RÉFLECTIONS SUR LES TENTATIVES BRITANNIQUES RÉCENTES EN MATIÈRE DE PARTENARIATS ÉDUCATIFS

Simon McGrath

Université de Nottingham E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariats éducatifs, Royaume-Uni, DfID, DIUS, EPA, ESRC, DelPHE Résumé Depuis 2005, le Département pour le Développement international (DfID) et le Département pour l’Innovation, les universités et les compétences (DIUS) du Royaume-Uni ont lancé cinq nouveaux programmes de partenariat avec un accent partiel ou complet sur l’éducation. Basé sur un rapport de ces programmes, cet article pose quelques questions sur la nature des « pratiques exemplaires » dans les partenariats d’éducation pour le développement. Dans la Lettre du NORRAG n°39, Ad Boeren nous a rappelé la longue tradition de partenariat entre le Nord et le Sud, et le consensus de longue date que les partenariats devraient se dérouler à long terme et être le plus symétriques possible. Dans cet article, je souhaite examiner si la pratique britannique récente se montre à la hauteur de ces idéaux. Depuis 2005, le Département pour le développement international (DfID) et le Département pour l’innovation, les universités et les compétences (DIUS) du Royaume-Uni ont lancé cinq nouveaux programmes de partenariat avec un accent partiel ou complet sur l’éducation. Le plus vaste d’entre eux, celui des consortiums de programmes de recherche (Research Programme Consortia - RPC) du DfID, dispose d’une durée de cinq ans et d’un budget minimal par consortium de £2,5 millions de livres, alors que le plus petit, les partenariats d’éducation pour l’Afrique (Education Partnerships for Africa - EPA) dispose d’un maximum de £60 000 livres et d’une période de temps de 12 à 15 mois. Entre-deux se trouvent le prédécesseur de l’EPA, le partenariat Angleterre-Afrique (England-Africa Partnerships - EAP), ainsi que trois séries d’une compétition de recherche du DfID – le conseil de recherche économique et sociale (Economic and Social Research Council - ESRC) et les partenariats de développement en éducation supérieure (Development Partnerships in Higher Education - DelPHE). Mon intention n’est pas de faire une analyse détaillée de ces programmes, mais de les utiliser pour poser quelques questions sur la nature des « pratiques exemplaires » dans les partenariats pour l’éducation pour le développement. Un agenda de développement étroit ? Une préoccupation de longue date a été que le gouvernement travailliste britannique avait cherché fermement à centrer le travail de l’université dans les pays en développement sur un agenda étroit en faveur des pauvres. Les thématiques des cahiers de charges des

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personnes engagées dans les RPC étaient certainement établies de manière très claire par le DfID dans cette direction. Ceci est en soi peu surprenant puisque les RPC sont effectivement supposés être la majeure partie des dépenses officielles pour la recherche de l’éducation pour le développement. Les autres programmes du DfID montrent également un fort accent en faveur des pauvres, et cela s’est traduit de manière assez large dans la pratique pour permettre à mes collègues à Nottingham de se concentrer sur l’enseignement de l’histoire du génocide au Rwanda et sur le développement professionnel en Afrique du Sud. Néanmoins, il est frappant que les programmes du DIUS ne soient pas essentiellement orientés sur la pauvreté. En fait, le programme EPA est très explicitement sur un agenda de compétitivité internationale, et tous les projets doivent être concentrés sur l’employabilité. Quels pays partenaires ? Tant les programmes du DfID que du DIUS ont donné un message clair sur la priorité des pays – même s’ils n’ont pas été entièrement cohérents dans l’application d’une telle liste de priorités. Pour le DfID, l’accent a encore une fois été mis sur les pays les plus pauvres, bien qu’un biais anglophone fort puisse être détecté à la fois dans les pays prioritaires et dans les réponses aux candidats à la recherche. La gestion des programmes du DIUS a cependant été impartie au British Council, et les pays prioritaires reflètent l’histoire complexe des lieux où le Council a des bureaux. Ceci est justifié à cause du fait que le Council souhaite être un partenaire actif dans les programmes, même s’il apparaît que ce soit plus une aspiration que la réalité. Qu’est-ce qu’un partenariat ? Avec une échelle de temps de cinq ans, et d’ailleurs avec des subventions pour les consortiums retenus pour des ateliers de préinscription, il est clair que les RPC ont été encouragés par le DfID à prendre le partenariat au sérieux. Néanmoins, même dans ces programmes, il est inévitable que certaines tensions fassent surface puisque les consortiums essaient d’équilibrer les considérations en matière de processus et de produits. Cependant, il y avait clairement peu de temps pour un partenariat défini par le processus dans le programme EAP s’étalant sur une année. Même si l’un des sept consortiums présélectionnés était conduit par le Human Sciences Research Council d’Afrique du Sud, c’est seulement dans le DelPHE que le partenaire principal doit provenir du Sud. DelPHE a également la fonction plutôt curieuse d’entremetteur à travers lequel le British Council aide les institutions du Nord et du Sud à trouver de nouveaux partenaires. Il est nécessaire d’évaluer si c’est une manière novatrice de créer de nouveaux partenariats ou simplement un système pour générer plus de candidats. Ce qui parait évident, c’est que le calcul complexe suivant doit être fait par l’institution britannique principale (même si DelPHE n’est pas officiellement la principale) : comment trouver l’équilibre entre le besoin d’avoir des partenaires et d’éviter de se concentrer sur la même liste restreinte de partenaires et de pays ? Recherche ou développement ? Alors qu’il est clair que les programmes de RPC et du DfID-ESRC sont essentiellement orientés sur la recherche, DelPHE et les deux programmes du DIUS sont beaucoup plus centrés sur les activités de développement. Il y a de bonnes raisons d’équilibrer les deux

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focus, mais il vaut la peine de considérer ce qui semble être l’une des conséquences non prévues des deux approches. Il y a une pondération claire envers les universités de recherche d’élite dans les programmes plus orientés vers la recherche, alors que l’EAP (programme aujourd’hui terminé) a vu s’impliquer une palette d’institutions beaucoup plus vaste. Les financements disponibles les plus importants pour les programmes de recherche et la possibilité d’en générer des publications de statut élevé sont d’une importance capitale dans le régime compétitif de financement de l’éducation supérieure en Grande-Bretagne. Dans un tel environnement, il est beaucoup plus difficile de motiver des personnes à participer aux programmes plus courts orientés sur le développement. C’est particulièrement le cas pour le programme EPA, comme annoncé en septembre 2008. Dans ce cas, il n’y aura plus de financement des dépenses de personnel pour les professeurs britanniques. Déjà avec EAP, il apparaît que de nombreux partenariats étaient hautement personnalisés, constitués souvent par des relations trouvant leur origine dans la supervision d’étudiants de deuxième cycle ou par des liens institutionnels antérieurs. L’EPA ne fait aucun sens pour des bureaux de recherche d’universités de recherche comme la mienne – il n’offre pas d’argent et peu de perspectives pour des publications de recherche. Il n’y aura vraisemblablement qu’un nombre restreint d’universitaires qui pourront participer à de tels programmes dans le futur. Quel impact ? On peut anticiper que les RPC et le DfID-ESRC auront un impact de recherche considérable. Il est prévu que les programmes plus petits aient un impact plus direct dans le développement, même si l’échelle de temps courte de l’EAP-EPA peut limiter ceci dans la pratique. Néanmoins, il est frappant que tout ce travail a en fait été externalisé par les deux départements. La plus grande partie de l’administration est réalisée par le British Council ou l’ESRC, alors que les RPC se chargent également d’une grande partie de ce travail. Il vaut la peine d’étudier les effets de cette sous-traitance. Chaque département a-t-il suffisamment de conscience sur le fonctionnement de son programme et sur ce qu’on apprend sur les partenariats et l’éducation pour le développement ? Plus sérieusement, les deux départements ont-ils la capacité d’utiliser les recherches générées ? Alors que les cinq programmes effleurés ici ont le mérite, pris ensemble, de présenter un portefeuille d’approches variées, il est loin d’être clair s’il y a une capacité (ou même une intention) à travers le DfID, le DIUS et la circonscription britannique de l’éducation pour le développement de réfléchir sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans ces approches et de localiser l’élément fermement dans le contexte changeant de l’éducation supérieure britannique. Car ceci est sûrement nécessaire si un tel travail doit avoir l’impact projeté.

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LES PARTENARIATS EN CONTEXTE

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RETOUR SUR LE PARTENARIAT

Lennart Wohlgemuth, Université de Gothenburg

E-mail : [email protected] Mots clés Partenariats, engouements, Suède Résumé Le terme de « partenariat » a été utilisé pour tout type de nouvelles réformes allant dans de nombreuses directions différentes. Cet article revisite la notion de partenariat et soutient que ce n’est pas l’étiquette qui importe, mais ce qu’on met à l’intérieur. Les engouements vont et viennent dans la sphère de la coopération au développement comme dans le comportement sociétal. De nombreux engouements sont liés à la nature de la relation de l’aide. Selon les études et la recherche sur l’aide entreprises au cours des dernières décennies, cette question est centrale pour atteindre un développement durable et efficace dans les pays bénéficiaires (Carlsson, 2000). Sans appropriation (ownership), l’aide ne sera jamais durable. Au milieu des années 1990, on sentait que la coopération au développement suédoise était parvenue à une impasse et qu’une réévaluation approfondie de la base entière de la coopération au développement était nécessaire. Une des questions les plus importantes à revoir était justement la question de cette relation de l’aide. Le Nordic Africa Institute, dont j’étais alors le directeur, a été mandaté pour s’engager dans la recherche et la diffusion sous la forme d’un certain nombre de séminaires avec des chercheurs et des praticiens, en majorité d’Afrique. Le travail a commencé avec un séminaire appelé « Domination or Dialogue » (Havnevik 1996), suivi par deux autres (Kifle, 1997 et Kayizzi-Mugerwa, 1998). Le travail faisait partie d’un rapport d’un groupe de travail gouvernemental (MFA, 1997) qui, à son tour, a conduit à un livre blanc du gouvernement sur une politique suédoise pour l’Afrique (MFA 1997/98). Après des consultations sérieuses, une réflexion sur une relation durable entre les pays du Nord (Suède) et du Sud (Afrique) – non seulement en rapport avec l’aide mais une relation globale – fut définie avec soin et étiquetée « partenariat ». La relation était vue à la fois comme un aspect qualitatif et méthodologique et est décrite en détail dans mon article antérieur dans la Lettre du NORRAG n°28 de 2001. Elle concerne à la fois des grandes questions géopolitiques et le comportement dans la relation quotidienne lorsqu’il s’agit d’affaires bilatérales. En ce qui concerne ces dernières, quelques propositions très concrètes furent faites, certaines d’entre elles évidentes mais très difficiles à mettre en pratique, notamment que tous les accords entre parties dans le Nord et dans le Sud devraient toujours être précédés par une négociation réelle où chaque partie pourrait donner et recevoir et où on n’impose pas sa volonté à l’autre. Le message était donc « dialogue et non domination ». Il souligne également qu’on ne peut pas s’engager dans

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un partenariat sans partager des valeurs, ceci limitant le nombre de pays avec qui s’engager. Selon ma vision à l’époque, la mise en œuvre d’un tel partenariat était une condition préalable pour la continuation de l’aide dans le futur. Comme ce qui arrive avec la plupart des bonnes idées, l’étiquette de « partenariat » a été récupérée par les acteurs de la coopération au développement et on lui a donné de nombreux sens et contenus différents. Ceci ne dénigre pourtant pas l’importance des réformes suggérées dans la politique suédoise pour l’Afrique de 1998. Au contraire. Aujourd’hui, dix ans après, la question est de nouveau placée au sommet de l’agenda basé sur les mêmes analyses et expériences sous-jacentes. Cette fois-ci, avec de nouvelles étiquettes. La réunion d’Accra en août 2008 souligne le débat dans le monde entier sur les thèmes de l’appropriation et du partenariat, basé sur la Déclaration de Paris en 2005. La question de respecter le partenaire bénéficiaire dans une relation d’aide devient peut-être même plus importante à un moment où de nouveaux acteurs entrent en scène (Chine, Inde, Russie et Brésil), avec des attitudes différentes par rapport à la relation avec les pays les plus pauvres du monde en développement. Il est vrai que les tendances et engouements internationaux vont et viennent. Un cynique soulignerait ce fait et verrait le partenariat du modèle suédois de 1998 ou la Déclaration de Paris comme un engouement de plus, qui serait bientôt remplacé par des idées nouvelles et plus brillantes. C’est quelque chose que j’ai confirmé dans mes recherches. Il y a des indications claires que la question de l’appropriation dans une forme ou dans une autre revient à plusieurs reprises de manière cyclique. Mais un optimiste du développement conseillerait de profiter de l’engouement présent et d’en faire le plus possible. De nombreux pays, particulièrement en Asie, ont bénéficié par le passé d’une telle politique proactive, profitant de ce qui est possible à ce moment donné. Mon opinion sincère est que la nouvelle architecture de l’aide représente une opportunité à saisir afin de commencer le processus de placer les Africains eux-mêmes sur le siège du conducteur, s’occupant entièrement du contrôle de leur destin. Néanmoins, une réforme plus poussée du système de l’aide est sans doute nécessaire. Même si l’étiquette de partenariat a été utilisée pour toutes sortes de nouvelles réformes dans des directions différentes, il vaut la peine de garder à l’esprit la définition suédoise de 1998, également dans les réformes qui suivront la Déclaration de Paris. Ce n’est pas l’étiquette en elle-même qui est importante, mais ce qu’on met à l’intérieur. Références Carlsson J. and L. Wohlgemuth, 2000. Learning in development co-operation, EGDI

2000:2, Ministry of Foreign Affairs, Stockholm. Havnevik, K. and B. van Arkadie, 1996, Domination or Dialogue? – Experiences and

Prospects for African Development Cooperation, Uppsala: Nordic Africa Institute.

Kayizzi-Mugerwa, S., A. Olukoshi and L. Wohlgemuth, 1998, Towards a New Partnership with Africa – Challenges and Opportunities, Uppsala: Nordic Africa Institute.

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Kifle, H., A. Olukoshi and L. Wohlgemuth, 1997, A New Partnership for African Development – Uppsala: Nordic Africa Institute.

Wohlgemuth L. and J. Olsson. Dialogue in pursuit of development. Stockholm, EGDI. 2003:2: 58-71.

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DÉVELOPPER DES PARTENARIATS DE QUALITÉ

POUR DE LA RECHERCHE DE QUALITÉ

Kathryn Touré, CRDI, Dakar E-mail : [email protected]

Des questions pertinentes et des méthodologies saines sont essentielles pour de la recherche de qualité, comme pour des partenariats de qualité. Par quels critères sélectionnons-nous les partenaires et comment constituons-nous des partenariats sérieux qui ajoutent de la valeur à nos efforts de recherche ? Et qui contribuent à améliorer le paysage global du développement et des objectifs de la recherche ? Nous aimerions proposer plusieurs domaines d’intérêt pour le développement et la gestion de partenariats, qui occupent quotidiennement bon nombre d’entre nous. Ils peuvent sembler évidents, mais ils méritent néanmoins d’être répétés, puisque nous ne les intégrons toujours pas entièrement dans notre travail. En se basant sur une expérience personnelle dans un réseau de recherche, cet essai invite des réflexions d’autres personnes en prise avec des questions liées au développement de partenariats de qualité pour de la recherche de qualité. Nous essayons ici de présenter des perspectives d’unités de recherche, de réseaux et d’institutions, y compris certaines basées sur des universités, particulièrement dans les contextes d’Afrique centrale et de l’Ouest. Formulez où vous allez Il est dangereux de s’engager dans un partenariat si votre institution n’a pas une vision claire de ce qu’elle essaie de réaliser et comment, articulée dans un plan d’action stratégique sur plusieurs années. Projeter le type de monde que nous imaginons est parfois plus utile que de commencer par une série de problèmes qu’on espère résoudre. Une direction institutionnelle efficace et un plan d’action basé sur des preuves empiriques et développé avec une grande participation sont des ingrédients essentiels pour conduire un agenda de recherche. Dressez la configuration de partenariat actuelle et désirée de votre institution Pour être stratégique concernant le développement d’un partenariat, il peut être avantageux de visualiser la situation de partenariat actuelle et désirée d’une institution. On peut procéder par une série de cercles concentriques appelée « carte des partenaires » (voir figure 1 ci-dessous), montrant la situation actuelle des différents partenaires. Les partenaires les plus proches du cœur des opérations de l’institution devraient être indiqués

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dans le cercle intérieur. Ceux qui sont importants pour l’institution, mais qui ne sont pas engagés de manière intime dans la détermination des directions stratégiques et des prises de décisions devraient être listés dans le deuxième cercle et les partenaires les plus périphériques dans le cercle extérieur. Les partenaires qui ne sont pas engagés avec l’institution mais qui pourraient être engagés devraient être indiqués en dehors de la carte. A travers cet exercice, on réalisera peut-être que les intervenants-clé qui devraient se trouver dans le cercle intérieur sont dans le deuxième cercle et que les donateurs qui devraient être dans le second cercle se trouvent trop près du cœur du travail quotidien. Si les organes administratifs de l’institution sont dans le cercle extérieur, ceci peut indiquer des problèmes institutionnels. Dans ce diagnostic, le prochain pas est donc de dessiner des flèches indiquant notre carte de partenaires « désirée ». Qui aimerions-nous déplacer de l’extérieur de la carte dans le cercle extérieur ou dans le deuxième cercle ? Indiquez le déplacement désiré avec une flèche. On peut ensuite développer des stratégies pour rendre ces déplacements possibles. La visualisation de la configuration de partenaires désirée est un premier pas pour la provoquer. Figure 1 : Modèle de carte des partenaires, pour visualiser la situation institutionnelle actuelle et désirée Mettez en place une équipe responsable du développement de partenariats et de la mobilisation de ressources Le développement de partenariats est une responsabilité d’équipe. Créez une équipe avec un mandat clair et l’opportunité de se rencontrer ou de discuter chaque mois, en personne ou virtuellement. Documentez les leçons au fur et à mesure et partagez-les à l’intérieur de l’institution pour développer une culture d’entreprise de développement et de gestion de partenariats de qualité. Méfiez-vous des consultants externes. Essayez de promouvoir les compétences de développement et de gestion de partenariat à l’intérieur de l’institution. Si vous avez recours à des consultants externes, assurez-vous qu’il y aura une véritable contribution accompagnée d’une appropriation interne de leur travail. Créez des opportunités de rencontre avec les partenaires ciblés Les conférences donnent l’opportunité de rencontrer des partenaires ciblés, ainsi que de les inviter à des manifestations que votre institution organise. Après une manifestation,

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ou dans le cadre d’une manifestation organisée par un partenaire, envisagez d’organiser une table ronde pour présenter le plan d’action stratégique de votre institution. Et assurez-vous de maintenir le suivi avec les institutions qui ont exprimé un intérêt préliminaire. Des visites chez les partenaires que vous êtes le plus intéressé à attirer peuvent se révéler nécessaires. Mais préparez-vous en étudiant les domaines d’intérêt et les approches spécifiques de votre partenaire ciblé et en préparant une documentation digeste sur les réussites de votre institution. Les partenaires s’informeront également sur votre institution par internet, donc assurez-vous que votre site soit mis à jour. Utilisez des notes de concept et parlez de sommes explicites Des propositions abouties peuvent parfois être requises lors de la réponse à des appels de propositions, néanmoins, des lettres d’intention et des notes de concept sont également utiles dans la mobilisation de ressources. Pourquoi investir de nombreuses heures dans le développement d’une proposition aboutie sans être sûr à au moins 60% qu’un partenaire financera le projet ? Utilisez une note de concept de deux pages pour commencer une conversation avec un partenaire et pour obtenir un feedback initial qui informera et vous guidera dans vos prochaines étapes. Et assurez-vous d’indiquer l’éventail de fonds requis pour l’activité proposée. D’un autre côté, si un partenaire répondait négativement à une proposition aboutie, adaptez-la et soumettez-la à un autre partenaire. Et souvenez-vous que même une réponse négative peut représenter un tremplin vers une réponse favorable pour un autre projet si ce partenaire est important pour votre institution. Développez des compétences de négociation et documentez ce que chaque partenaire apporte à une initiative accomplie en collaboration La qualité des relations institutionnelles peut être améliorée par une communication franche et une évaluation régulière. Ceci requiert de débattre et de documenter depuis le départ la base philosophique du partenariat, ce que chaque partenaire apportera en termes de ressources, mais aussi ce que chaque partenaire espère gagner. Ce dernier aspect est souvent négligé, mais lorsqu’il est rendu explicite, il peut promouvoir une transparence et un respect mutuels. Les relations de pouvoir nous empêchent parfois de négocier pour le bénéfice de nos institutions, et c’est donc justement ce type de négociation qui peut contribuer à changer l’équilibre du pouvoir et à constituer des relations d’apprentissage mutuel. Parfois, nous acquiesçons trop rapidement lorsque nous avons la responsabilité d’instruire nos partenaires financiers et techniques sur nos aspirations et défis réels. Assurez des structures de gouvernance solides et une diffusion des rapports institutionnels Nous devons inspirer confiance parmi nos partenaires en les maintenant informés des réunions et des décisions importantes des structures de gouvernance. Le rapport annuel de l’institution et un rapport financier clair en relation avec le plan d’action stratégique, par projet et par partenaire, devraient être connus par les autorités nationales pertinentes et partagés avec chaque partenaire. Mais diffuser le rapport n’est pas suffisant. Pour vous assurer que les partenaires le lisent réellement, songez à solliciter un feedback par e-mail, par téléphone ou personnellement. C’est une opportunité de laisser entendre à vos partenaires combien leurs contributions correspondent au développement global de votre institution et rendent votre partenaire plus dévoué non seulement dans l’assurance que les

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objectifs spécifiques du projet sont atteints, mais également qu’ils contribuent à atteindre la vision articulée dans votre plan d’action stratégique. Equilibrez les engagements à court et à long terme Chaque partenariat a un coût et il faut assurer que les efforts que nous déployons dans le développement et l’entretien du partenariat méritent ce que l’institution reçoit en retour. Les partenariats de plusieurs années permettant d’approfondir l’expertise et les contributions dans des domaines spécifiques sont souvent préférables à des contrats à plus court terme aux coûts administratifs élevés. Néanmoins, il peut y avoir des raisons spécifiques pour accepter des contrats à plus court terme, par exemple pour recevoir un nouveau partenaire, pour lancer et apprendre un nouveau domaine de travail, ou pour compléter les ressources d’un autre partenaire dans un domaine d’intérêt en cours. Conclusion S’ils sont mal choisis et mal gérés, les partenariats peuvent encourager la dépendance et détruire plutôt que de développer. La réflexion, la planification et le travail en équipe peuvent nous aider à développer et à approfondir des partenariats servant les aspirations à moyen et long terme de notre organisation et commencent à améliorer le paysage des recherches en Afrique centrale et de l’Ouest. Ressources Des ressources sur le développement stratégique de partenariats et sur la mobilisation de ressources sont disponibles auprès de la Division des partenariats et du développement des affaires (DPDA) du CRDI sur www.idrc.ca/en/ev-96648-201-1-DO_TOPIC.html. Un outil d’évaluation des partenariats est disponible dans le Rapport annuel 2007 du Réseau Ouest et Centre africain de Recherche en Education (ROCARE), Annexe L, accessible depuis la Bibliothèque virtuelle du ROCARE sur www.ernwaca.org ou dans la Lettre du NORRAG n°35. D’autres commentaires et débats sont les bienvenus auprès de Nicole Généreux, Agente des partenariats CDRI, [email protected], téléphone : 221 33 864 0000, fax 221 33 825 3255.

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DES PARTENARIATS DE RECHERCHE EFFICACES

Jon-Andri Lys, KFPE (Commission pour le Partenariat Scientifique avec les Pays en Développement), Berne & Marcel Tanner, directeur de l’Institut Tropical Suisse, Bâle, &

KFPE

E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariats de recherche Résumé

Des partenariats réussis se basent sur des intérêts mutuels et une vision partagée et non sur des dépendances et des concepts orientés sur l’aide. Leur force réside dans des rôles et des responsabilités clairement identifiés, afin de vivre le processus d’apprentissage mutuel pour le changement de manière harmonieuse, avec un partage équitable des risques et des bénéfices. Les vrais partenariats de recherche sont efficaces s’ils sont basés sur un intérêt et un ordre de priorités mutuels, de la confiance, un partage de responsabilités, et un processus d’apprentissage dans les deux sens ; ce sont les conditions préalables pour le succès. Ils fournissent plusieurs formes de valeur ajoutée, comparé avec la recherche non accomplie en collaboration, s’ils sont conçus de manière équilibrée (RAWOO 2001 & KFPE 2006). En font partie, des opportunités d’apprentissage et de formation mutuelles, un échange culturel mutuel et des complémentarités de compétences. De plus, on considère que les partenariats de recherche ouvrent des portes, et leurs avantages comparatifs premiers sont (KFPE 2006) : • une visibilité et une attractivité accrue, particulièrement pour les acteurs locaux • un meilleur accès à de nouveaux domaines de recherche • une isolation scientifique réduite, comprenant un accès facilité à la portée scientifique

internationale, p. ex. dans des revues à comité de lecture, et un accès facilité au financement international

• un accès facilité aux communautés et aux responsables • de meilleures opportunités de donner la voix à des questions particulières, en

particulier à travers des partenaires externes (et indépendants).

En réalité, les partenariats de recherche ont encore une série d’obstacles à surmonter, en particulier en rapport aux problèmes des asymétries – le manque d’équilibre entre les partenaires du Sud et du Nord (RAWOO 2001, KFPE 2006, Bradley 2008). Des asymétries incorporées dans les partenariats de recherche se retrouvent au niveau du financement, des capacités disponibles, de la reconnaissance publique et du soutien du propre gouvernement et des réseaux locaux ou globaux. De telles relations de pouvoir inégales peuvent rendre la confiance difficile à construire – ce qui, à son tour, a un impact sur l’aspect le plus important des partenariats, à savoir le partage équitable des rôles, des responsabilités et des bénéfices.

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Des partenariats de recherche efficaces et équitables dépendent beaucoup de la conscience de cette situation asymétrique et de la volonté des partenaires d’atteindre une situation plus équilibrée. L’expérience montre que c’est une évolution à long terme. Très souvent, il est possible seulement après un certain nombre d’années d’avoir un partenariat de recherche basé sur une confiance mutuelle, répondant et prenant en compte les attentes et objectifs différents et parfois conflictuels des partenaires, et encourageant également le développement de compétences. Cette expérience contraste avec le fait que le financement de projets de recherche est souvent limité à 2-3 ans et le fait qu’il y ait un manque général de ressources de financement pour les partenaires potentiels à envisager avant le projet, ce qui est particulièrement important pour la collaboration entre de nouveaux partenaires. Selon Bradley (2008), les partenariats de recherche Nord-Sud et d’autres sont avant tout façonnés par la structure du système de financement du développement, et par la pression des exigences des donateurs pour des résultats immédiats et concrets en termes de pertinence pour le développement (Hatton and Schroeder 2007). Des chercheurs du Sud soulignaient dans des interviews (Bradley 2008) que les partenariats devaient s’engager dans une recherche plus indépendante et théoriquement exigeante. C’est important pour l’évolution et l’indépendance d’institutions de recherche fortes dans le Sud. Les partenariats de recherche devraient clairement ne pas seulement faire partie du cadre de développement, mais être basés sur la coopération scientifique et technique en principe guidées par les ministères de la science et de la technologie dans le Nord et dans le Sud. C’est la plus importante voie à suivre garantissant un processus efficace d’apprentissage mutuel pour le changement sans risquer d’être trop affecté par des dépendances mauvaises ou perçues comme mauvaises. Des compétences solides sont essentielles, et elles devraient être l’objectif principal dans le travail avec des partenaires plus faibles. Ceci demande de la formation, de la formation continue, et le développement de programmes d’études. Pourtant, ces éléments ne sont souvent possibles qu’après des années, et en particulier, ils demandent un engagement politique au niveau local. Par exemple, le National Centre of Competence in Research (NCCR) North-South – « Research Partnerships for Mitigating Syndromes of Global Change », un partenariat de recherche suisse large et de longue date débuté en 2002, a un impact très positif sur le renforcement et le développement des capacités, particulièrement dans des endroits où la coopération institutionnelle existait déjà et a pu être améliorée à travers des projets spécifiques19. Le développement durable des capacités comporte des composantes individuelles et institutionnelles et est fortement guidé par le principe selon lequel les sites de recherche devraient recevoir la possibilité, à travers le partenariat, de devenir des centres reconnus internationalement (Withworth et al. 200820).

Pour promouvoir et soutenir le développement de partenariats de recherche sincères, KFPE a élaboré 11 principes (199821) et une liste de différents paramètres et questions 19 (http://www.north-south.unibe.ch) 20 J.A.G. Whitworth, G. Kokwaro, S. Kinyanjui, V.A. Snewin, M. Tanner, M. Walport, N. Sewaankambo 2008: Strengthening capacity for health research in Africa. The Lancet, Vol 372: 1-4 21 KFPE 1998 (3e édition 2003): Guide du Partenariat Scientifique avec des pays en Développement: les 11 Principes. 56 pp (en 5 langues - http://www.kfpe.ch/key_activities/publications/guidelines.php

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correspondantes, qui soutiennent des approches équitables (KFPE 2006). A travers leur application vaste dans de nombreux contextes, ces 11 principes de KFPE ont prouvé être une condition préalable fondamentale, non seulement pour permettre des partenariats de recherche mutuellement bénéfiques, mais aussi pour générer des résultats ou des impacts mesurables, comme le montre une analyse récente réalisée par différentes organisations (KFPE 2006).

Les partenariats de recherche sont stimulants. Ils ne sont plus un concept mais une réalité valable, malgré le fait qu’ils nécessitent du temps pour s’installer et se développer comme pour intégrer le renforcement des capacités et l’engagement local. De plus, les partenariats de recherche Nord-Sud ont développé des particularités indéniables leur permettant de s’intégrer efficacement dans le continuum de la recherche et de l’innovation de base dans la validation et la mise en œuvre.

Les partenariats réussis sont basés sur un intérêt mutuel et une vision partagée et non sur des dépendances et des concepts basés sur l’aide. Ils sont animés par une compréhension mutuelle d’objectifs partagés et basés sur le besoin. Finalement, leur force réside dans les arrangements avec des rôles et des responsabilités clairement identifiés, permettant ainsi d’atteindre d’une manière équitable un processus d’apprentissage mutuel pour le changement.

Références RAWOO 2001: North-South Research Partnerships: Issues and Challenges. Trivandrum Expert Meeting. Publication no. 22. pp 36.

D. Maselli, J.-A. Lys, J. Schmid 2006 : Improving Impacts of Research Partnerships. KFPE 2006. Geographica Bernensia, pp 95.

M. Bradley 2008: On the agenda : North-South research partnerships and agenda-setting processes. Development in Practice. 18/6: 673-685.

M. Hatton and K. Schroeder 2007 : Partnership theory and practice: time for a new paradigm. Canadian Journal of Development Studies 28/1: 165-170

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DES PARTENARIATS UNIVERSITAIRES TRIANGULAIRES AFRIQUE-ASIE VIA LE JAPON

Norihiro Kuroda et Nobuhide Sawamura, CICE, Université de Hiroshima

E-mails : [email protected] ; [email protected] Mots clés Partenariat universitaire, Japon, Afrique, Asie Résumé Cet article présente une étude de cas d’une approche de partenariat universitaire, le Dialogue universitaire Afrique-Asie pour le développement de l’éducation de base, qui a rencontré un certain succès. [Note de l’éditeur : voir également l’article de Fatuma Chege dans ce numéro, qui contient une discussion sur le Dialogue universitaire Afrique-Asie pour le développement de l’éducation de base] Le projet Dialogue universitaire Afrique-Asie pour le développement de l’éducation de base (Dialogue A-A) est une entreprise de recherche conjointe d’universités africaines et asiatiques pour contribuer à faire réussir l’engagement international pour l’EPT. Ce projet a été mis en œuvre entre 2004 et 2007 en coopération avec l’UNESCO, l’UNU et le JICA ; le Centre pour l’étude de la coopération internationale dans l’éducation (Center for the Study of International Cooperation in Education - CICE) de l’université d’Hiroshima fonctionnant comme secrétariat. Les activités organisées dans ce projet avaient trois composantes : (1) une mission d’étude en Asie pour des experts en éducation basés dans une université africaine et des fonctionnaires de l’administration centrale en éducation ; (2) la recherche au niveau national dans des pays africains ; et (3) des réunions de dialogue et de réflexion. Ce projet était basé sur la vision critique qu’alors que la coopération internationale dans l’éducation s’est longtemps concentrée sur l’éducation de base, les universités et spécialement celles d’Afrique, semblent avoir eu peu à dire sur le développement du secteur de l’éducation en général et de l’éducation de base en particulier. L’idée de base du projet était donc qu’en tant que sommet de la recherche et de la connaissance, les universités devaient jouer un rôle crucial dans l’influence pour le changement et le développement de l’éducation de base, en identifiant les questions réellement importantes dans l’EPT et en faisant des recherche sur celles-ci, devenant ainsi capables de suggérer des solutions possibles. Le projet reflétait également la philosophie du NEPAD, qui met en valeur des efforts et une approche plus indépendante par et pour les pays africains. Les efforts d’auto-assistance sont également un trait répandu dans la culture japonaise. Dans le contexte de ce projet, l’approche d’auto-assistance signifie d’un côté qu’on attendait du projet qu’il fournisse des résultats de recherche utiles pour que les pays africains puissent ainsi

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utiliser une approche d’auto-assistance pour s’attaquer aux défis dans l’éducation, alors que de l’autre on essaya de faire en sorte que les universités africaines prennent l’initiative dans la conception et la mise en œuvre de leur recherche, comme dans l’analyse et le rapport des résultats. En d’autres termes, les thèmes de recherche devraient être identifiés par les chercheurs locaux du pays où se trouvent les défis éducatifs, et la recherche elle-même devait ensuite être conduite par eux. Au contraire de ce qui se passe la plupart du temps avec les universités africaines, ce n’est ni une recherche commandée par des organisations internationales ou des donateurs, ni une assistance à la recherche pour des chercheurs du Nord. Le dialogue entre les universités africaines et asiatiques est une autre caractéristique importante de ce projet. Il devait promouvoir le partage d’expériences et l’apprentissage par les pairs entre les universités. On attendait que les expériences asiatiques dans le développement de l’éducation de base et le rôle joué par les universités puissent être utiles en termes d’une approche d’auto-assistance. Un certain nombre de documents a également été écrit par des équipes de collaboration africaines, asiatiques et japonaises. De nombreuses questions de recherche avaient pour sujet la qualité de l’éducation. Pourtant, plusieurs éléments devraient être pris en considération pour un développement et une amélioration futurs. Certaines de nos réflexions et de nos commentaires sur la mise en œuvre du projet comprennent : (1) un engagement assez faible des universités asiatiques et japonaises dans la recherche en Afrique ; (2) un mécanisme de financement de soutien à la recherche individuelle ; et (3) l’établissement des thèmes de recherche communs et la réalisation d’études comparatives. Nous espérons que les résultats des recherches reflètent les questions et les défis réels auxquels est confrontée l’éducation de base en Afrique. La recherche menée en collaboration sera une tentative initiale vers une contribution plus positive des universités africaines au développement de l’éducation. Constituer ce partenariat triangulaire n’est pas simple ; en fait, c’est un grand défi pour la coopération internationale du Japon. Mais sur la base de ces quatre ans de mise en œuvre du projet, nous effectuons actuellement du progrès vers la deuxième phase débutant en 2009.

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LES COÛTS D’OPPORTUNITÉS DES PARTENARIATS

Roy Carr-Hill, Institut d’Education, Londres, et Université de York E-mail : [email protected]

Mots clés Partenaires de recherche, Nord, Sud Résumé Cet article se demande comment s’associent la pression sur les chercheurs du Nord à s’engager dans un processus de partenariat avec des chercheurs du Sud, les autres systèmes d’évaluation de la recherche et les pressions financières des institutions sur leurs chercheurs du Nord et du Sud pour accepter des activités de consultants. En partie par la Déclaration de Paris, à cause de « clients » ou interlocuteurs plus robustes, et en partie par l’adoption des approches sectorielles et de l’aide budgétaire, le terme de « partenaire pour le développement » est devenu le seul terme politiquement correct dans le discours sur le développement, lorsqu’on se réfère à l’autre côté de la table. L’asymétrie et l’apparence souvent extérieure du partenariat n’ont pas d’importance (Carr-Hill, 2004) ; nous sommes tous partenaires à présent, et cela n’a jamais été montré aussi clairement que dans l’effondrement économique mondial actuel. Comme de nombreux autres termes à la mode, il commence à être adopté dans beaucoup d’autres contextes. Nous avons donc maintenant des partenariats de recherche où un chercheur du Nord est jumelé – ou doit être jumelé pour recevoir une bourse – avec un chercheur du Sud. Tout ceci parait très louable, mais nous savons tous que le développement et l’entretien d’une collaboration réussie demande beaucoup d’efforts et de temps. Il y a donc des questions à se poser : comment s’associent la pression sur les chercheurs du Nord à s’engager dans le processus de partenariat avec des chercheurs du Sud, les autres systèmes d’évaluation de la recherche et les pressions financières des institutions autant sur leurs chercheurs du Nord que du Sud pour que ceux-ci acceptent des activités de consultants ? Evaluation de la recherche dans le Nord Dans plusieurs pays du Nord, on trouve aujourd’hui des systèmes formalisés de mesure des efforts de recherche et des succès de la recherche. La version britannique est le Research Assessment Exercise (RAE), qui met au premier plan la publication d’articles académiques dans les « meilleurs » journaux plutôt que les livres ou les monographies de recherche appliquée, etc., mais des systèmes similaires existent dans de nombreux autres pays dans le Nord. Comme tous les systèmes d’indicateurs de performance, celui-ci encourage une concentration myope (Carr-Hill et al, 1999) sur l’élément qu’on mesure (les articles dans les meilleurs journaux) plutôt qu’une contribution réelle à la connaissance et certainement pas un effort pour collaborer avec les « partenaires » dans le Sud et parfois les assister. Ceci peut paraître être une question uniquement limitée à des chercheurs en « développement » (ils devraient probablement être appelés « chercheurs

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en partenariat » aujourd’hui), mais il faudrait se souvenir que de nombreux schémas de subventions au Royaume-Uni mettent l’engagement des intervenants et autres sur le premier, plan, ce qui peut aussi prendre du temps. Mais supposons que cette dimension de partenaire soit prise au sérieux par les autorités d’évaluation. A côté de l’évidente difficulté dans l’évaluation de la qualité des partenariats, la tâche du micro-gestionnaire pour suivre les centaines et milliers de partenariats (et les niveaux d’engagement des intervenants dans ceux-ci) serait épouvantable. Pourtant, dans notre société mesurée et surveillée, c’est l’implication logique ; et , bien sûr, les rapports de performance individuelle contiennent souvent un élément pour évaluer l’ampleur du réseau d’une personne. Partenaire de recherche ou consultant dans le Sud Dans le Sud, la situation est assez différente, car de tels systèmes formalisés pour évaluer l’effort et le succès de la recherche sont très peu nombreux, à part pour démontrer que dans certains cas, le doctorat a conduit à une publication. La collaboration avec un « partenaire » du Nord sur un projet de recherche peut signifier l’inclusion de son nom dans une publication, mais trop souvent, les chercheurs du Sud se retrouveront enterrés dans la mention « et al. », d’une valeur très faible pour la carrière. A la place, de nombreux chercheurs du Sud se sont tournés vers le jeu de consultant, en partie à cause de la pression économique puisque les salaires des universités sont souvent bas, en partie parce qu’ils ont des chances égales ou meilleures d’être reconnus et d’avoir une influence sur les politiques à travers un projet avec, par exemple, la Banque mondiale ou un donateur important plutôt qu’à travers la recherche (avec ou sans partenaire du Nord). La conséquence évidente est la difficulté à laquelle les chercheurs du Nord feront face dans l’identification d’un partenaire volontaire, essentiellement bénévole, dans le Sud. Mais, par un rebondissement ironique, cette situation a conduit à un développement de partenariats plus forts avec le Sud dans certains cas, parce que face à la concurrence pour les contrats de consultants et face aux consultants basés dans le Nord, les consultants individuels dans les pays en développement se sont en fait cartellisés dans des associations nationales ou des partenariats pour maintenir un tarif raisonnablement élevé. Les partenariats peuvent donc être payants ! Références Carr-Hill R.A. with M J Hopkins and A Riddell, (1999), Performance Indicators in Education, DFID Education Division Series, No. 37 Carr-Hill R.A. (2006) Improving Aid Effectiveness In The Education Sector In Uganda for Donor [development partners] Group

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DÉVELOPPEMENT DE LA CONNAISSANCE VIA DES PARTENARIATS AVEC LES

AGENCES ?

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LES PARTENARIATS DE RECHERCHE DE L’UNION EUROPÉENE : UN ÉCHEC OUEST-AFRICAIN

Jean-Pierre Jacob, IHEID, Genève E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariat de recherche, UE, Afrique de l’Ouest, Programme CLAIMS (2002-2005) Résumé Cet article analyse pourquoi un partenariat de recherche Nord-Sud, le programme CLAIMS (Changes in Land Access, Institutions and Markets) en Afrique de l’Ouest, s’est avéré être un échec. Le programme CLAIMS (Changes in Land Access, Institutions and Markets in West Africa) a été financé par l’Union Européenne (Direction générale de la recherche) pour trois ans (2002-2005), avec des contributions complémentaires de DfID et de l’AFD. Le projet associait quatre pays d’Afrique de l’Ouest et mobilisait quatre institutions du Nord et quatre du Sud. Les chercheurs des institutions du Nord comme de celles du Sud étaient tous directeurs de recherche, certains d’entre eux disposant de plus de vingt ans d’expérience de recherche. Le consortium était géré par une organisation européenne. Un montant égal de fonds (environ 130 000 euros) avait été alloué à chaque institution, avec un accent sur différents domaines (davantage de frais de personnel en Europe, plus de fonds pour des publications et des ateliers dans le Sud). Tout au long de la recherche, la représentation des partenaires du Sud était insuffisante et le dialogue avec eux très difficile. L’atelier final du projet de recherche, qui eut lieu à Ouagadougou au début de 2005, fut un échec. Deux des quatre institutions du Sud n’étaient pas présentes et n’ont livré aucun résultat. Une des institutions participantes n’a présenté aucun rapport. Ils ont expliqué que leurs données étaient mémorisées sur une clé USB d’un directeur de recherche qui s’avéra être absent à ce moment-là. Le rapport final a été écrit seulement par les chercheurs du Nord. On peut apporter deux explications principales à cette situation décevante : - l’échec du projet comme un système de contrainte sur l’action collective. La Direction générale de la recherche de l’Union européenne signe un contrat avec chaque partenaire et laisse la coordination de la recherche dépourvue de pouvoir sur la production des chercheurs. -l’environnement de travail et les pratiques des chercheurs africains, que nous essayerons de décrire d’une manière plus détaillée ci-dessous. Cet environnement est caractérisé par quatre phénomènes :

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- un niveau de soutien à la recherche bas de la part des institutions nationales, - une surcharge d’enseignement liée à la croissance massive du nombre d’étudiants,

un effet de la démocratisation de l’éducation dans les pays ouest-africains. Il est aujourd’hui courant qu’une moyenne annuelle de 2000 étudiants commence des études de sociologie dans une université donnée d’Afrique de l’Ouest, alors que les moyens restent ce qu’ils étaient il y a dix ans, lorsque le nombre d’étudiants était dix fois inférieur,

- une pénurie de capacités. Les spécialistes les plus brillants gravitent autour de

l’expertise ou des politiques, domaine dans lequel on a de la peine à résister aux opportunités qui se présentent, à cause des salaires faibles dans les institutions publiques. Ces activités dominent incroyablement les ressources en temps et en énergie du chercheur,

- un nombre énorme de projets externes à la recherche pour les partenaires

nationaux chaque année. A présent, la machine est bien huilée et chacun sait qu’aucun projet ne peut être mené à bien et attendre du financement sans montrer une alliance avec une institution du Sud ou au moins avec quelques chercheurs du Sud. Les promoteurs du Nord se bousculent pour choisir les personnes les plus prometteuses, toujours les quelques mêmes heureux privilégiés dans des pays qui ne fournissent pas beaucoup de spécialistes avancés dans un domaine donné. A ce moment, personne ne s’assure que ces spécialistes seront vraiment disponibles une fois que le projet commence. La décision concernant le financement est encore lointaine et personne ne se sent vraiment engagé lorsque les projets sont envoyés.

C’est généralement lorsque l’échéance se rapproche, comme le montre l’expérience de CLAIMS, que les partenaires du Nord réalisent que leurs homologues du Sud ne contribueront pas beaucoup à la production de connaissance du projet en cours. Leurs priorités sont bien sûr ailleurs, imposées par l’environnement sociopolitique local, leurs stratégies de survie et leurs obligations envers des engagements précédents. La représentation idéalisée de chercheurs noirs et blancs travaillant côte à côte pour accroître un pool de connaissances commun échoue encore une fois pour devenir une réalité. C’est une situation qui se présente régulièrement parce qu’elle est à la fois reconnue et niée (ou oubliée). Dans ce sens, elle n’est pas tellement différente de toute pratique liée à un cadre hautement normatif. Le développement, par exemple, est aussi un monde où les inégalités sont à fois soulignées (elles sont les bases à partir desquelles les institutions décident d’agir) et non prises en compte (lorsque vient le moment de l’évaluation !).

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RÉFLEXIONS CRITIQUES SUR UN PARTENARIAT EN COURS : LE CAS D’EDQUAL

Angeline M. Barrett, Université de Bristol ([email protected])

avec Jolly Rubagiza, Institut Supérieur Pédagogique de Kigali ([email protected]) et Alphonse Uworwabayeho, Institut Supérieur Pédagogique de Kigali

([email protected]). Mots clés Partenariat de recherche, DFID RPC, EdQual Résumé Cet article présente EdQual – l’un des trois consortiums Research Programme Consortia financés par le DFID – et souligne quelques problèmes et défis soulevés par ce modèle de partenariat. EdQual est l’un des trois consortiums Research Programme Consortia financés par le Département pour le développement international (Department for International Development - DfID) du Royaume-Uni. Il étudie la mise en œuvre de l’éducation de qualité dans des pays à bas revenu, avec un accent particulier sur la qualité de l’éducation de base pour des apprenants désavantagés en Afrique sub-saharienne. Alors qu’il est un bon exemple d’une collaboration Nord-Sud financée par le Nord pour étudier l’éducation dans le Sud, le consortium visait depuis son origine à développer la capacité de leadership de projet chez les partenaires africains, par la décentralisation de la conception de gestion des projets pour les partenaires du Sud et pour encourager particulièrement des formes de collaboration Sud-Sud. Cet article souligne quelques problèmes, difficultés et défis soulevés par ce modèle de partenariat. En septembre 2008, à la fin de la troisième des cinq années du programme, les chercheurs d’EdQual, des membres de notre groupe consultatif, un administrateur et un représentant de DfID ont partagé leurs réflexions sur les processus de recherche EdQual. Cet article se base essentiellement sur des expériences partagées lors de cette réunion. La réunion de réflexion a eu lieu à Kigali et ainsi, les contributions des membres de l’équipe de l’Institut Supérieur Pédagogique de Kigali sont représentées de manière plus complète que celles d’autres instituts, comme celui de la directrice et coordinatrice de recherche basée à l’Université de Bristol, l’institution principale au Royaume-Uni. Quatre des cinq projets centraux d’EdQual sont menés par un partenaire en Afrique sub-saharienne et engagent une comparaison à travers les pays avec un autre pays d’Afrique et, dans le cas de trois projets, avec le Pakistan et le Chili. Chaque projet est soutenu par deux ou trois chercheurs basés au Royaume-Uni, qui sont devenus des « personnes ressources », indiquant leurs disponibilités pour conseiller la conceptualisation et la conception de la recherche, faciliter la formation en méthodes de recherche et soutenir dans l’écriture pour la publication. Chaque projet a également un partenaire associé en Asie du Sud ou en Amérique latine. Cette structure permet l’apprentissage Sud-Sud et

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Sud-Nord et dépend d’un engagement fort pour le développement des compétences. Mener des projets signifie que les partenaires africains furent responsables de les conceptualiser et de les concevoir dès le début, y compris l’écriture des propositions de projets. C’est à ce point que l’héritage historique des projets menés par le Nord est devenu apparent, lorsque des ateliers d’écriture de propositions ont rapidement dus être mis en marche pour combler les lacunes dans les premiers brouillons de propositions. Néanmoins, ces ateliers n’étaient pas seulement utiles pour le renforcement de compétences des partenaires du Sud. Ils ont rassemblé des chercheurs africains immergés dans les problèmes et discours éducatifs de leur contexte national particulier ; le directeur, qui avait la vue d’ensemble de l’objectif et le cadre global d’un programme de recherche international complexe initié au Royaume-Uni, et des « personnes ressources » engagées avec la littérature académique internationale. On ne peut pas séparer les défis de la formulation de la recherche et la satisfaction des besoins en connaissance de pays spécifiques et en même temps s’atteler à l’agenda de la communauté internationale de développement. A travers ce programme, EdQual s’est trouvé réconcilier les horizons de la recherche et des intérêts de politiques nationales, les agendas des donateurs et les débats académiques. Rassembler les chercheurs africains dans des projets de recherche comparative à travers les pays et menés par une institution africaine présentait des défis. La communication directe entre les chercheurs basés dans deux pays africains différents semblait souvent difficile à atteindre. C’était en partie lié à la rupture avec des habitudes du leadership du Nord à l’intérieur d’un programme global mené depuis le Nord. C’était également lié au fait que les chercheurs soient sortis de l’horizon national de leurs intérêts de recherche. Néanmoins, les défis logistiques ont aussi joué un rôle. Par exemple, les caprices de l’alimentation électrique et des réseaux mobiles au Ghana et en Tanzanie ont nécessité l’affectation d’une personne-ressource du Royaume-Uni en tant que contact central pour faciliter la communication et le partage d’informations. Le renforcement de compétences est un mot affirmatif ; il signifie qu’un partenariat aspire à créer un héritage durable d’organisations et de personnes, à qui on donne le pouvoir d’initier la prochaine génération de la recherche. Le renforcement de compétences sous-entend aussi des difficultés et des inégalités réelles. Dans un contexte où les institutions africaines d’éduction supérieure sont sous pression pour augmenter le nombre d’inscriptions, la participation dans une grande collaboration internationale de recherche, et particulièrement celle-ci, qui décentralise le leadership, tire la capacité institutionnelle alors même qu’elle cherche à la construire. Les chercheurs principaux à l’Institut Supérieur Pédagogique de Kigali jonglent avec l’enseignement à des classes démesurées d’enseignants stagiaires, avec la coordination de deux projets d’EdQual, et avec leurs propres études doctorales, parrainées par EdQual en tant que partie de son plan de développement des compétences de recherche des partenaires. A travers le soutien et la collaboration avec les autres chercheurs et les superviseurs au Royaume-Uni, au Chili et en Afrique du Sud, ils ont acquis des compétences et ont beaucoup appris sur la conception et la mise en œuvre de la recherche. Néanmoins, c’est le travail d’équipe fort et la coopération fidèle entre les collègues de l’Institut Supérieur Pédagogique de Kigali

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qui leur a permis de satisfaire les nombreux besoins en temps, en expérience et en compétences. Le modèle du consortium Research Programme Consortium (RPC) pour le financement de la recherche crée des opportunités pour des partenariats dans lesquels tous les partenaires assument des rôles significatifs de leadership parce qu’ils sont liés à tous les stades de la recherche, de la conceptualisation à la diffusion. Le projet est réalisé dans le cadre global d’un programme néanmoins financé et mené par le Nord. Pour EdQual, le modèle RPC a créé des opportunités de renforcement de compétences et de reconceptualisation du rôle des chercheurs basés dans le Nord dans la recherche menée dans le Sud, dont tous les partenaires ont bénéficié.

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SYMÉTRIE ET ASYMÉTRIE DANS LES PARTENARIATS DE RECHERCHE : DES LEÇONS DE 20 ANS D’EXPÉRIENCE

Berit Olsson, anciennement SAREC, Sida, Stockholm

E-mail : [email protected] Mots clés Partenariat de recherche, éducation, Sida, Suède Résumé Cet article étudie le soutien de Sida de Suède aux partenariats de recherche. Il remarque entre autres que l’asymétrie est inévitable malgré toute la rhétorique sur la mutualité. Néanmoins, il y a un intérêt mutuel, même si la nature de cet intérêt est différente pour les « partenaires » du Sud et du Nord. Que sont les partenariats de recherche – comment fonctionnent-ils ? La coopération entre pairs est une condition sine qua non pour la recherche. Les chercheurs se réfèrent à des conclusions antérieures comme point de départ pour leurs propres études et publient au niveau international pour contribuer au dialogue scientifique en cours. La revue internationale par les pairs est pratiquée dans l’évaluation des articles soumis et des candidats à une promotion. Les chercheurs s’engagent dans une coopération directe à travers les frontières dans des études conjointes et comparatives. Appelons-nous ces interactions des partenariats ? Je ne pense pas. Le concept de partenariat, qui implique d’une certaine façon un degré d’égalité, est devenu populaire dans la coopération au développement et se réfère souvent à la relation entre donateurs et bénéficiaires. Ce sont essentiellement des relations inégales, même si certaines sont plus inégales que d’autres. En tant qu’acteur du financement suédois de la recherche depuis le milieu des années 1980, j’ai suivi un grand nombre de tels partenariats de recherche. Comme beaucoup

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d’agences d’aide, Sida finance des recherches abordant des problèmes d’importance majeure pour le développement. Des chercheurs de première ligne collaborent par exemple au développement d’un vaccin contre la malaria ou de sources d’énergie à bas prix et ne nuisant pas à l’environnement. Tôt ou tard, de telles recherches demandent des liens de recherche dans des pays de faible ou moyen revenu, et c’est ici que souvent, des relations asymétriques se produisent. Le directeur de recherche, qui « détient » la subvention, vient souvent d’une institution reconnue du Nord. Il ou elle peut offrir une collaboration à un « partenaire » dans une institution du Sud. De telles modalités de partenariat restent la norme pour de nombreuses agences de financement de recherche en développement. On suppose fréquemment que le projet contribue à améliorer la capacité de recherche dans le pays partenaire. Le renforcement de compétences est néanmoins une ambition secondaire dans l’objectif principal d’aborder des problèmes et des thèmes de recherches définis. Sida a observé que les offres de coopération externe peuvent certainement contribuer à des carrières de recherche individuelles. Néanmoins, aussi longtemps que le pays et les institutions partenaires ont une base faible pour la recherche, leur capacité à bénéficier de telles offres reste limitée. Au contraire, les nombreuses et diverses offres de coopération peuvent accroître la fragmentation. La recherche financée par l’aide tend à être très appliquée et ne contribue pas à constituer des disciplines de base et des méthodes de recherche en statistique, en biologie, en sociologie, etc. Depuis le début des années 1990, Sida a donc, en plus du financement à la recherche thématique, dirigé sa coopération bilatérale de recherche pour améliorer les bases mêmes pour la recherche. Comme l’objectif principal est d’améliorer la capacité d’une communauté scientifique nationale dans les pays de bas revenu, nous sommes allés du financement de projets abordant des problèmes définis au soutien des conditions institutionnelles pour la recherche. Une partie de ces mesures de soutien va à la gestion de la recherche et à l’infrastructure de la recherche, comme des laboratoires, des bibliothèques et la connectivité aux technologies de l’information et de la communication. Une partie importante va à la formation de recherche pour le personnel académique, ce qui comprend la coopération de recherche entre des partenaires relativement faibles dans le Sud et des chercheurs établis dans le Nord en tant que superviseurs. L’asymétrie est inévitable malgré toute la rhétorique sur la mutualité. Bien sûr, il y a un intérêt mutuel pour de telles relations, mutuel mais non identique. L’institution du Sud reçoit un soutien matériel en plus de la formation en recherche de son personnel. Le doctorant peut espérer des opportunités de recherche et de promotion. Le chercheur du Nord a accès à des perspectives situées et des données nécessaires pour aborder les questions de recherche et peut apprécier de visiter des pays de conditions différentes. Malgré les bonnes intentions des deux côtés, on peut néanmoins facilement abuser de la relation. Le partenariat peut impliquer des risques des deux côtés ; les risques aussi sont mutuels, mais ils sont différents.

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Le partenaire du Nord risque des retards à cause de la mauvaise communication ou d’autres lacunes, et les coûts peuvent être moins prévisibles qu’à la maison. Le partenaire du Sud risque de plus en plus de devenir un assistant plutôt qu’un partenaire dans une recherche, d’avoir une influence limitée sur l’agenda de recherche et la formulation des problèmes, et de perdre de l’influence sur les données et les droits de propriété, pour ne mentionner que quelques risques. L’institution du Sud peut également risquer de perdre un membre qualifié de son équipe dans l’institution du Nord. Au cours des années, la coopération suédoise à la recherche a exploré des manières de minimiser de tels risques et de rééquilibrer l’asymétrie. Nous avons commencé en 1975 en consultant des conseils nationaux de recherche sur les priorités de recherche, allouant alors les fonds et mandatant les chercheurs suédois dans des études accomplies en collaboration. Nous avons vite réalisé que dans de nombreux cas, il n’y avait pas de scientifiques qualifiés comme partenaires et avons décidé de réorienter le soutien envers la formation à la recherche pour des personnes et des groupes à l’intérieur des projets. Depuis le début des années 1990, les donations pour des projets individuels ont été remplacées par des mesures de soutien ayant comme objectif l’amélioration des conditions de la recherche dans les universités nationales, vues comme le centre pour le développement de la recherche dans le pays partenaire à bas revenu. Durant cette période, la modalité de formation à la recherche était prise en sandwich, c’est-à-dire que le doctorant restait un membre actif de l’équipe de son institution, en passant des périodes courtes avec un superviseur externe. Les conditions de l’institution d’origine s’améliorent donc à la fois à travers des investissements dans les infrastructures et la minimisation du risque de fuite des cerveaux. Un autre changement était l’allocation des fonds à une université nationale. Soutenir leur sélection et leurs décisions sur des relations de recherche devint la norme. Les partenaires ressources, superviseurs suédois ou dans certains cas sud-africains, ou d’autres personnes invitées, conservent la main sur la méthodologie de recherche, etc., mais ne peuvent pas décider de manière unilatérale de l’orientation de la recherche. Le principe d’allocation des fonds au partenaire le plus faible contribue certainement à de l’empowerment dans la relation. De manière plus importante, le soutien négocié est conforme aux stratégies institutionnelles (et aussi de plus en plus avec les stratégies nationales) pour le développement de la recherche, contribuant ainsi à un développement planifié. L’écriture de rapports, le contrôle, etc. sont également alignés avec le cycle institutionnel local, réduisant ainsi les coûts de gestion et de transaction. Au cours des dernières années, nous avons essayé de convaincre d’autres agences de financement de suivre ce chemin, de manière très alignée avec les principes généralement acceptés de l’Agenda de Paris sur l’efficacité de l’aide. Avec néanmoins un certain degré de frustration, nous avons trouvé que nos plus importants collègues de financement de la recherche préfèrent toujours commencer par établir des priorités thématiques, en laissant le développement de compétences au second plan. La concentration sur de grands programmes de recherche rend difficile pour les chercheurs des pays à bas revenu de devenir des chercheurs

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principaux ; et donc des chercheurs des pays de financement continuent de garder la main, même si l’aide est en principe devenue non liée. Aussi longtemps que la recherche sur et pour le développement, souvent guidée par les besoins des agendas de politiques, paraît être l’objectif principal plutôt que la capacité de recherche par et dans les pays partenaires, les pays à bas revenu auront des difficultés à améliorer la capacité analytique dont ils ont tellement besoin pour gérer les relations externes, y compris les négociations de l’aide.

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LA POLITIQUE DES PARTENARIATS : DES CIBLES MOBILES, DES TACTIQUES CHANGEANTES

Ad Boeren, Nuffic, La Haye E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariat, Nord-Sud, Pays-Bas Résumé Cet article étudie la nature changeante des partenariats universitaires entre des instituts aux Pays-Bas et dans le Sud. Il note que la situation aux Pays-Bas n’est pas unique et indique une tendance internationale à la divergence des intérêts et des efforts de l’éducation nationale pour satisfaire les besoins mondiaux en compétences. Le concept classique de partenariat se réfère généralement à des intérêts partagés, une compréhension commune et un partenariat à long terme. Dans un sens, il ressemble à une sorte de mariage ; les partenaires se complètent l’un l’autre et réussissent ensemble plus que s’ils restaient seuls. Les partenariats existent à tous les niveaux de la société, des personnes, de la famille, des organisations, des institutions et même de l’Etat. Les principes d’engagement sont similaires pour tous, mais la règle semble être que les opportunités et les conditions pour l’engagement à chaque niveau sont déterminées par les niveaux directement supérieurs de la société. Les personnes tendent à réussir mieux leur mariage lorsque les familles et la société en général approuvent et soutiennent l’arrangement. Les partenariats entre universitaires et institutions éducatives du Nord et du Sud sont régis par les mêmes principes. Les universitaires et chercheurs peuvent vouloir débuter une collaboration avec des collègues internationaux pour échanger les connaissances professionnelles et la conduite d’une recherche en commun. Pour ce faire, ils ont

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néanmoins besoin de fonds de leur propre institut ou de sources externes, ainsi que le consentement et le soutien académique des instituts pour lesquels ils travaillent. De même, les instituts académiques peuvent être enclins à débuter des partenariats avec d’autres instituts internationaux pour promouvoir leurs propres intérêts institutionnels et académiques. Dans cette entreprise, ils cherchent les meilleures appariements et des alliances stratégiques. Néanmoins, leurs stratégies et choix sont fortement influencés par les tendances internationales, comme la mondialisation et la marchandisation de l’éducation, et par les politiques nationales d’amélioration de la qualité de l’éducation par l’internalisation et la compétitivité internationale. Ces agendas d’internationalisation forts des ministères de l’éducation dans les pays du Nord ont tendance à avoir une influence décourageante sur les collaborations entre des instituts du Nord et des instituts dans les pays en développement. Simultanément, les partenaires en développement insistent de plus en plus sur des formes strictes de motivations par la demande dans le Sud, et, ce faisant, ils ont créé un processus parallèle de découragement des instituts du Nord à former des partenariats avec des homologues du Sud. Cette situation aux Pays-Bas peut servir d’exemple : il y a moins de vingt ans, la plupart des universités aux Pays-Bas étaient engagées dans des projets de renforcement de compétences avec des universités dans des pays en développement parce qu’elles considéraient que c’était l’un des mandats de l’université. Le financement de l’éducation leur a permis d’utiliser une partie du budget courant dans ce but. La majeure partie de l’argent était fournie par le Ministère de la coopération au développement, qui voyait les universités comme des alliées et des participantes précieuses dans ses politiques de développement. Ces conditions ont favorisé le développement de collaborations à long terme entre des instituts hollandais et leurs partenaires dans des pays en développement. Depuis lors, le tableau a changé drastiquement. Le financement de l’éducation est aujourd’hui confiné de manière plus stricte pour servir l’éducation aux Pays-Bas, et le rôle des instituts hollandais dans les programmes de coopération au développement a été révisé radicalement par le Ministère de la coopération au développement. Comme communiqué antérieurement22, dans la nouvelle génération de programmes de renforcement de compétences23 financés par le Ministère de la coopération au développement, le rôle des universités hollandaises est restreint à celui d’un prestataire de services pour résoudre un problème de compétences du client (c’est-à-dire l’organisation) dans un pays en développement. On n’utilise plus le terme de partenariat : la collaboration est définie en tant que relation professionnelle client-prestataire de service.

22 Ad Boeren, « Vers des pratiques exemplaires dans les rapports académiques Nord-Sud? » In : Lettre du NORRAG n°39. 23 Le Netherlands Programme for Institutional Strengthening of Post-secondary Education and Training

Capacity (NPT), qui a débuté en 2002 et qui sera graduellement supprimé en 2012, et le Netherlands Initiative Programme for Capacity Development in Higher Education Institutions (NICHE), qui commencera le 1er janvier 2009 pour une période de presque quatre ans.

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L’agenda d’internationalisation récemment publié par le Ministère hollandais de l’Education, la Culture et la Science24 définit quatre activités stratégiques : 1) augmenter la mobilité des étudiants hollandais, 2) stimuler l’orientation internationale des universités hollandaises, 3) augmenter la soi-disante circulation des cerveaux, et 4) améliorer les conditions de travail et de vie des universitaires et des chercheurs étrangers aux Pays-Bas. Ces activités sont supposées atteindre un seul but : l’amélioration de la qualité et la croissance de la compétitivité internationale du système éducatif hollandais. Malgré les opportunités qu’offrent les pays en développement aux instituts hollandais en termes d’amélioration de la mobilité, de l’orientation internationale et de circulation de cerveaux, la collaboration avec (des instituts dans) des pays en développement n’est pas mentionnée une seule fois dans ce document. La situation des Pays-Bas n’est pas unique et montre une tendance internationale dans la divergence des intérêts et des efforts de l’éducation nationale pour satisfaire aux besoins mondiaux en compétences. L’évolution, ou la dévolution de la coopération internationale dans l’éducation supérieure avec les pays en développement aux Pays-Bas montre que les partenariats comme nous les connaissions dépendent de schémas de soutien et de politiques du gouvernement. Maintenant que les conditions ont changé, le modèle de partenariat peut devoir être révisé dans sa forme et dans sa signification. Heureusement, un grand nombre de collaborations existent toujours, aussi avec des instituts dans des pays en développement, et particulièrement au niveau individuel. Ces collaborations sont parfois rendues possibles par des moyens très créatifs. Peut-être que ces collaborations signifient un modèle alternatif à l’arrangement classique du partenariat qui convient mieux aux contextes académiques, institutionnels et financiers actuels. Il serait intéressant de regarder à l’intérieur de ces arrangements et comment ils fonctionnent en pratique. Peu importe la forme de collaboration adoptée, le point essentiel semble être qu’elle devrait éviter des intérêts chauvins et à court terme et qu’elle soit basée sur des visions plus ouvertes et à long terme de collaboration internationale entre toutes les parties du monde. Ceci crée certainement de nouvelles formes de pensée novatrice desquelles on a tellement besoin pour faire face aux énormes problèmes mondiaux que nous vivons aujourd’hui.

0-0-0-0-0 24 Ministère de l’Education, de la Culture et de la Science, Internationaliseringsagenda – ‘Het Grenseloze

Goed’, novembre 2008.

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LES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT RÉCENTES SONT-ELLES

VRAIMENT MEILLEURES ? LA NOUVELLE ARCHITECTURE DE L’AIDE POUR L’EFP

Manfred Wallenborn, Fondation européenne pour la formation, Turin

E-mail : [email protected] Mots clés Partenariat, EFP Résumé Les politiques de développement suivent des paradigmes et des agendas de politiques changeants. Cet article étudie les partenariats et la coopération internationale pour l’éducation et la formation professionnelle (EFP).

« Si certains problèmes sont abordés de manière complexe, on développera finalement plus de solutions qu’il n’existe de problèmes. »

(Management Centre, Witten, www.mz-witten.de)

Les politiques de développement suivent des paradigmes et des agendas changeants. Les intérêts des systèmes politiques du Nord sont, à un niveau très abstrait, identiques aux demandes et aux besoins en éducation et en formation dans les pays partenaires. Différentes politiques et approches pour le développement (p. ex. l’ajustement structurel, les OMD, la promotion de la société civile, la responsabilité sociale des entreprises, etc.) sont des conséquences de la modification de paradigmes et des logiques changeantes de l’intervention des donateurs (de nouvelles solutions pour des problèmes de longue date). Depuis 1990, la coopération internationale pour l’EFP avec les pays en développement a constamment décliné en termes d’investissements financiers et d’assistance technique (soutien de donateurs bilatéraux et multilatéraux). De nouvelles approches et de nouveaux contenus (environnement/pollution, énergie, prévention de conflits et de crises etc.) sont considérés comme des réponses appropriées à la mondialisation actuelle de l’économie, aux conflits transnationaux, à la rareté des ressources, aux changements environnementaux, etc. Les problèmes restants, par exemple quelles qualifications et compétences sont requises dans des sociétés stagnantes avec une forte croissance démographique ou comment aborder les demandes de compétences changeant rapidement sur les marchés mondialisés, ont été presque ignorés durant 15 ans (la même négligence existe pour l’agriculture et le développement rural, accusait la FAO en juin 2008). La conclusion globale fut que la complexité des problèmes transnationaux de la société mondiale devait être résolue avec des approches plus complexes de soutien au développement et des interventions en termes de qualité et de quantité (approches sectorielles, aide budgétaire et cadre de dépenses à moyen terme). Ceci est en partie

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acceptable, mais une corrélation linéaire trop simple supposait que les problèmes de développement du capital humain pouvaient être résolus exclusivement avec de nouveaux instruments d’intervention, plutôt que de soutenir de manière plus complète les structures d’EFP existantes, en utilisant des nouveaux critères fonctionnels pour le développement socio-économique. A part les politiciens, les systèmes d’éducation et de formation dans les pays partenaires et leur logique de système n’aiment généralement pas ces nouveaux types d’intervention. Les déséquilibres structurels d’approches complexes des donateurs, par exemple des procédures d’évaluation lourds, des instruments de suivi surchargés et des schémas de rapports ne correspondent pas aux ressources en effectifs dans les ministères responsables et les organes de gestion des partenaires. Le développement de compétences ou la capacité organisationnelle en tant que condition préalable pour des interventions modifiées ne sont pas considérés adéquats par les donateurs ; de plus, ils sont souvent vus comme une condition préalable de longue durée et un obstacle pour le déboursement immédiat de fonds. Une conséquence de ce problème est la reproduction de cercles vicieux de la logique d’intervention dans la coopération au développement dans d’autres contextes entraînés par les donateurs : le nouveau paradigme de développement considère par exemple que l’assistance technique (une « fièvre de projets » avec des coûts élevés de transaction) est dépassée, créant généralement des structures artificielles dans les pays partenaires. Ce problème est aujourd’hui « résolu » principalement par de nouvelles structures et contributions artificielles des donateurs : beaucoup de consultants travaillent sur les grandes lignes des stratégies éducatives, des rapports de structures, le suivi de la cohérence des indicateurs de performance avec des objectifs formulés, etc., ce dont presque personne n’est capable dans le pays. Ceci mine la soi-disante appropriation par les personnes locales (qui n’existe dans de nombreux cas que sur le papier en tant que volonté des décideurs politiques). L’EFP est de retour sur l’agenda de nombreux donateurs (voir le Rapport Arabe sur le développement humain et les deux derniers Rapports sur le développement dans le monde). Cela ne signifie pas que les vieilles logiques d’intervention de la coopération à l’EFP conviendraient aujourd’hui à un environnement plus complexe (par exemple un transfert simple de systèmes comme le système dual ou la copie de réglementations compliquées comme les Cadres nationaux de qualifications) et l’inertie structurelle. L’EFP et la coopération dans l’EFP doivent être remarquées aujourd’hui depuis les objectifs socio-économiques du développement (créer rapidement de nouvelles compétences, des opportunités d’emploi, générer des revenus, etc.) et le contexte prévisible de développement économique et social d’un pays. En conséquence, une plus grande hétérogénéité dans les interventions de l’EFP sera nécessaire dans la coopération internationale. Les sociétés hautement fragmentées d’Amérique latine, de nombreux pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, de la Méditerranée et en partie d’Asie n’ont pas besoin d’un système d’EFP cohérent et monolithique. Des stratégies flexibles de qualifications, qui

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sont des réponses pour les besoins de formations et des solutions pour le développement de capital humain dans un segment de l’industrie moderne et du secteur de services basé sur la haute technologie, sont différentes du développement de compétences dans des industries traditionnelles et dans le secteur de l’artisanat. Les travailleurs du secteur informel ont autant besoin du développement de compétences telles des compétences commerciales, qui sont différentes des autres secteurs économiques. En d’autres termes : une approche fonctionnelle (en termes d’objectifs de développement social et économique et de stratégies pour plus d’emploi et de productivité) pour des nouvelles exigences en capital humain pour le futur sera le point central des interventions de l’EFP. De plus, la division mondiale du travail, encouragée par l’économie transnationale, va créer différentes opportunités de développement économique et social pour différents types de pays. Les tendances du marché du travail donneront des signes clairs sur ce qui se passe dans le futur proche et ce que pourraient être les défis pour l’EFP de base, la formation d’adultes et l’apprentissage tout au long de la vie. Les structures traditionnelles de l’EFP basée sur l’école ne seront pas capables de faire face à ces changements si elles continuent à être trop chères, trop éloignées du monde du travail et pas assez novatrices pour changer. Ceci ouvrira un autre champ pour les donateurs et pour les prestataires privés de l’EFP, de formation basée sur le travail, des schémas de financement plus efficaces et encourageants, etc. C’est la raison pour laquelle les approches traditionnelles d’intervention avec un simple coup d’œil systématique à l’EFP des pays partenaires ne sont plus suffisantes. L’EFP ou l’éducation secondaire générale ne devraient pas avoir de priorité en tant que telle pour les interventions des donateurs, en regardant exclusivement la conception interne des systèmes d’éducation ou de formation. Les défis et les besoins d’amélioration des systèmes viennent plutôt de l’extérieur ; surtout de l’économie et du développement du marché du travail, les nouveaux impératifs pour une formation davantage entraînée par le secteur privé. Les donateurs doivent prendre en compte ce cadre changeant rapidement dans une économie mondialisée. Dans le contexte mentionné ci-dessus, ils devraient être constamment conscients des problèmes structurels des logiques d’intervention. Sous de nouvelles approches, comme les approches sectorielles et l’aide budgétaire, se camoufle le vieux problème des structures artificielles, introduit par les agences du Nord, soit formellement dans les unités de mise en œuvre du projet soit comme c’est le cas, à présent par les consultants internationaux dans les ministères concernés. Ce problème structurel de coopération des donateurs pourrait être partiellement résolu par un renforcement de compétences stratégique pour les institutions et les experts locaux. Le développement prendra place par un cadre novateur encourageant les initiatives de personnes bien formées et qualifiées. Les fonds et l’aide de l’extérieur peuvent être nécessaires, mais sans la performance efficace du capital humain local ou national, aucun projet ne sera un succès. La logique des donateurs est « plus il y a de fonds… plus le développement sera durable ». Ceux-ci ne sont qu’en partie conscients des contraintes

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spécifiques du renforcement de compétences des personnes locales et de leurs organisations pour encourager les capacités organisationnelles. En conséquence, les stratégies entraînées par l’appropriation devraient utiliser le savoir-faire local et les capacités de performance des institutions nationales. Les projets qui reposent sur le savoir-faire du partenaire suivent rarement la gestion de cycle de projet (un produit typique des sociétés occidentales), mais sont basés sur des boucles d’essai, d’erreur et d’apprentissage pour les experts, les partenaires, les bénéficiaires et les donateurs. C’est une exigence dans un environnement de donateurs trop concentré sur des ressources externes. Les nouvelles approches de l’EFP seront holistes et leurs contours doivent être tracés sur l’environnement du contexte économique du pays partenaire, des développements du marché du travail, et des nouveaux arrangements des patrons sociaux dans la conception, la mise en œuvre et la conduite de programmes d’EFP. Ce n’est pas le système de l’EFP en tant que tel qui constitue le point de référence pour l’amélioration, mais l’environnement social et économique. Les donateurs devraient donc observer constamment et avec soin les développements récents du marché de travail et la demande du secteur privé – une condition préalable pour des projets de petite taille mais appropriées et des interventions taillées sur mesure.

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L’ODI DANS LES PARTENARIATS : EN PREMIERE LIGNE OU DANS LA BANDE ?

John Young et Julie Sable

ODI, Londres E-mails : [email protected], [email protected]

Mots clés Partenariat, ODI La mission de l’Overseas Development Institute indique : « L’ODI est le principal groupe de réflexion indépendant de Grande-Bretagne sur les questions de développement international et d’aide humanitaire. Sa mission est d’inspirer et d’informer les politiques et les pratiques qui conduisent à la réduction de la pauvreté, l’atténuation de la souffrance et l’atteinte de moyens d’existence durables dans les pays en développement. » Elle continue en disant « Nous y parvenons en associant les recherches appliquées de grande qualité avec des conseils pratiques pour les politiques, la diffusion et les débats orientés sur les politiques et le travail avec des partenaires dans les secteurs publics et privés à la fois dans les pays développés et en développement. »25 Mais ce que nous 25 Traduction non officielle de : « ODI is Britain's leading independent think tank on international development and humanitarian issues. Its mission is to inspire and inform policy and practice which lead to the reduction of poverty, the alleviation of suffering and the achievement of sustainable livelihoods in

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entendons par « partenariat » a été une question contestée pendant un certain temps, et les ressources sont limitées pour développer des partenariats à l’intérieur d’un modèle de gestion essentiellement basé sur les contrats. Une étude récente sur les partenariats contenant un questionnaire sur la composition de l’équipe, les partenaires existants et sur d’autres groupes de réflexions sur le développement, a identifié une série d’options pour le futur. Vu depuis l’extérieur, les agences de donateurs sont de plus en plus engagées dans l’encouragement de partenariats Nord-Sud et la canalisation des fonds à travers des organisations du Sud, donc l’ODI n’a souvent pas d’autre choix que de s’associer à un partenariat. En même temps, les donateurs placent encore la responsabilité et la distribution financières dans les organisations du Nord, les mettant dans une situation maladroite puisqu’elles cherchent à être équitables alors qu’elles garantissent la qualité. Vu depuis l’intérieur, la plupart des chercheurs soutiennent les principes de travail de partenariats équitables, qui selon eux comprennent i) des objectifs partagés et des activités partagées, ii) un bénéfice et un échange mutuels et iii) une responsabilité partagée pour presque tous les aspects d’un projet. Mais le modèle de gestion est vu par beaucoup, à l’intérieur et à l’extérieur de l’ODI, comme un obstacle à ces principes. La pression de devoir remplir les objectifs financiers laisse peu de flexibilité ou d’encouragement à l’équipe pour envisager des partenariats potentiels. L’équipe fonctionne dans des horizons temporels courts, rendant les partenariats à long terme difficiles. L’emplacement central de l’ODI à Londres et le personnel hautement qualifié conduisent à des frais élevés ayant un effet de dissuasion pour des partenaires potentiels, et le soutien institutionnel limité entrave la capacité du chercheur à soutenir efficacement les partenariats. Les relations externes existantes de l’ODI prennent de nombreuses formes, des consortiums de recherche à long terme, basés sur des problèmes, aux relations de sous-traitance à court terme. Et alors que beaucoup d’entre elles comportent des éléments de partenariat, peu d’entre elles rempliraient les critères ci-dessus. La plupart des relations se tissent entre des personnes de l’ODI et dans des organisations partenaires. En général, les partenaires et les collaborateurs de l’ODI lui donnent une critique positive en tant que partenaire, même si les expériences varient beaucoup entre les programmes. Presque toutes les personnes interrogées ont exprimé un intérêt pour une future collaboration, et certaines d’entre elles s’intéressent à des relations à long terme. Néanmoins, elles ont également émis des critiques. Dans certains cas, les relations étaient plus verticales qu’horizontales, et dans d’autres, des attentes et des objectifs flous ont conduit à des frustrations et à des malentendus. Les retards dans la mise en œuvre de projets dus à un financement incertain des donateurs ont interrompu l’impulsion du projet, en forçant les partenaires à accepter un autre travail par intérim et de fournir des résultats de qualité inférieure à ce qu’ils avaient espéré. Un partenaire s’est plaint que « on nous fait seulement écrire les encadrés des études de cas dans les rapports de l’ODI… nous

developing countries » et de « We do this by locking together high quality applied research, practical policy advice, and policy-focused dissemination and debate and work with partners in the public and private sectors, in both developing and developed countries ».

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aimerions aussi contribuer au texte principal et aux conclusions ».26 Plusieurs partenaires du Nord ont mentionné que les frais élevés de l’ODI, les horizons temporels courts et les contraintes de financement faisaient de l’ODI un partenaire moins attractif. Les interviews avec d’autres groupes de réflexion ont révélé une grande diversité d’opinions et de pratiques autour du partenariat. DIE a un programme ambitieux et réussi de formation et de dialogue centré sur sept pays stratégiques, et un engagement fort et équitable pour une vision du monde « post-occidentale ». Chatham House, de l’autre côté, utilise une approche pragmatique du partenariat, travaillant seulement selon les circonstances, lorsque les partenaires apportent une expertise complémentaire. L’Institut international pour l’environnement et le développement (International Institute for Environment and Development - IIED) a une riche histoire de travail en partenariat malgré un modèle de financement essentiellement basé sur les projets, en partie à cause de l’engagement institutionnel et le capital de relations constitué au cours du temps. Le Centre Européen de Gestion des politiques de développement (ECDPM) dispose d’une stratégie de partenariat bien développée et une personne cadre de l’équipe dont le mandat comprend la tâche de s’occuper des partenariats. Le paysage actuel des relations externes est un résultat naturel du modèle de fonctionnement de l’ODI et du profil de son personnel. Le changer complètement demandera une logique forte et un engagement à grande échelle. La conclusion de cette récente étude était que même dans le contexte d’une demande limitée dans l’institut pour un changement complet, il y a une entente généralisée sur le fait qu’étudier les partenariats de l’ODI est précieux et que l’ODI devrait envisager d’établir de meilleurs partenariats dans certains domaines. Trois scénarios pour développer de meilleurs partenariats ont été suggérés : 1. Laisser évoluer organiquement les partenariats, avec de plus grands encouragements à

l’intérieur de l’ODI pour que les chercheurs investissent plus dans la constitution de partenariats autour de collaborations de recherche existantes ;

2. Cibler des organisations qui ont déjà de multiples relations de partenariats de recherche avec l’ODI, et former des partenariats institutionnels plutôt qu’individuels ;

3. Etablir un « fond de partenariat » à l’intérieur de l’ODI pour que l’équipe prépare une offre pour des ressources à investir explicitement dans la constitution de partenariats, et fournir un soutien central pour cela – possiblement par une stratégie de partenariat comme celle de l’ECDPM.

Mais l’ODI doit aborder quelques questions fondamentales sur sa vision, sa mission et son modèle de fonctionnement s’il veut être capable de suivre ces scénarios. Même si l’ODI décide de continuer à fonctionner comme jusqu’à présent, il peut le faire avec la conscience tranquille, après une discussion honnête et profonde sur l’étendue actuelle de ses relations. 26 Traduction non officielle de : « we only get to write the case study boxes in ODI reports.... we’d like to contribute to the main text and conclusions as well ».

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LE PARTENARIAT VU DEPUIS LE SUD

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CHACUN SELON SES BESOINS : APERÇUS DE PARTENARIATS ACADÉMIQUES NORD-SUD EN AFRIQUE

Ama de-Graft Aikins

Department of Social and Developmental Psychology / Centre for African Studies, Université de Cambridge.

E-mail : [email protected] Mots clés Partenariats académiques, Ghana, Afrique, recherche sur la santé, soutenabilité Résumé Une règle fondamentale des partenariats académiques Nord-Sud est que chacun a des besoins différents. Cet article étudie trois catégories issues de cette règle dans le contexte africain : le financement, la structure et l’objectif des partenariats. Ma première rencontre avec un partenariat académique Nord-Sud s’est produite au Ghana en 1997. J’étais arrivée du Royaume-Uni après une maîtrise en psychologie pour commencer une année de stage à l’Ecole de Médecine de l’Université du Ghana (UGMS), alors que je développais des idées pour mon doctorat. J’étais basée au Centre de Thérapeutique et de Pharmacologie Clinique Tropicale. La première tâche que m’a confiée le directeur du centre était l’écriture d’un rapport sur l’infrastructure des soins médicaux au Ghana pour les financeurs d’un partenariat de recherche appliquée sur le diabète. En tant que jeune et nouveau membre du centre, je n’étais pas au courant du niveau de financement que le partenariat recevait, mais il était clair que le « Ghana Diabetes Project » (GDP) était un projet important. Les deux écoles de médecine, l’UGMS et l’Ecole de Médecine de l’Université de Sciences et Technologie Kwame Nkrumah, étaient associées avec le Ministère de la Santé du Ghana, l’Université de Virginie et l’entreprise pharmaceutique mondiale Eli Lilly pour développer un programme national sur le diabète. Il partait de la recherche originale et empirique sur les attitudes culturelles du diabète, l’état et la qualité des soins du diabète et les défis des politiques associées à travers le pays. Par des entretiens avec les intervenants, nous avons créé du matériel éducatif sur le diabète pour les patients comme pour les travailleurs de la santé. Le projet a duré quelques années et a finalement donné lieu un certain nombre de publications importantes pour les directeurs de recherche (cf. Amoah et al, 2000, 2002). Des rapports nationaux ont été produits pour plusieurs intervenants. Comme pour tous les projets de recherche importants de ce type, et comme cela a été étudié dans plusieurs comptes-rendus réflexifs de partenariats académiques et de recherche (cf. Campbell, 2003; Mosse, 2005), le processus était stimulant à différents niveaux ; la négociation des rôles, la propriété des données et les droits de publications étant les plus importants. Et, typiquement, une fois que le financement s’achevait, le programme mourait, avec les bénéfices de ses pratiques et de ses politiques. Deux ans après mon engagement dans le projet, j’ai conduit ma recherche de doctorat sur les représentations du diabète dans le Ghana rural et urbain. Une des conclusions principales

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était le manque d’informations adéquates sur le diabète et sur sa gestion pour les patients et les travailleurs de la santé, à la fois dans le contexte rural et urbain, comprenant des institutions qui avaient reçu une formation du GDP (de-Graft Aikins, 2004, 2005). Dans les années qui suivirent, j’ai été engagée dans beaucoup d’autres partenariats, pour différentes compétences techniques et divers degrés d’engagement en tant que :

• chercheuse pour une étude d’intervention sur l’alcool dans la région du Haut Ghana occidental avec un partenariat associant le Département de psychiatrie de l’UGMS, le Ministère de la santé et l’agence d’aide danoise DANIDA.

• rédactrice indépendante pour le rapport national sur le Ghana pour le projet Mental Health and Poverty Project (MHaPP). Le MHaPP est un partenariat financé par le DFID pour les chercheurs en santé mentale d’Afrique du Sud (pays principal), de Zambie, d’Ouganda, du Ghana et du Royaume-Uni (voir Doku et al, 2008; Flisher et al, 2007 ; http://workhorse.pry.uct.ac.za:8080/MHAPP).

• partenaire principale du partenariat UK-Africa Academic Partnership on chronic disease in Africa, financé par la British Academy. Le partenariat est constitué de chercheurs interdisciplinaires sur les maladies chroniques, provenant du Ghana, du Cameroun, du Nigeria, du Kenya, du Royaume-Uni et des Pays-Bas (voir http://www.britac.ac.uk/funding/awards/intl/africapartnerships.html).

• consultante locale de contrat de sous-traitance, étudiant le projet Millennium Villages Project (MVP) au Ghana. Ce projet, l’idée originale de Jeffrey D. Sachs de l’Université de Columbia, rassemble le Earth Institute (de l’Université de Columbia), le PNUD, le Millennium Promise, des ministères et des villages choisis de dix pays africains (Ethiopie, Ghana, Kenya, Malawi, Mali, Nigéria, Sénégal, Rwanda, Tanzanie, Ouganda) (voir http://www.millenniumvillages.org/).

Ces projets ont encadré mes expériences et mes perspectives sur les partenariats académiques Nord-Sud en Afrique au cours des dix dernières années. Parmi de nombreuses leçons, j’ai appris la leçon fondamentale que chacun a des besoins différents pour les partenariats. Au moins trois catégories de besoins différents La première catégorie est le niveau du financement. Le financement va de petites subventions à cinq chiffres (comme celles allouées à des partenariats de la British Academy, de DelPHE, et de Leverhulme Trust/Royal Society) à des sommes importantes de sept à huit chiffres (comme celles allouées par le DFID et le Wellcome Trust). Alors que les chercheurs locaux investissent de plus grands efforts dans les plus grands fonds, un budget plus grand ne se traduit pas forcément dans des résultats réussis et durables. Le Ghana Diabetes Project recevait plus de financement que le projet sur l’intervention sur l’alcool que j’ai mentionnée brièvement ; aucun n’a produit des bénéfices à long terme pour leurs communautés de recherche. Un plus grand budget peut aussi être un couteau à double tranchant : il change la culture et la concentration de la recherche et crée des déséquilibres de ressources à travers les institutions. Par exemple, malgré la bonne documentation sur les maladies contagieuses et non contagieuses au Ghana, la recherche en santé est biaisée au profit du VIH/SIDA, de la malaria et de la tuberculose. C’est largement en réponse à une concentration problématique de la santé internationale et des

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donateurs sur ces trois maladies (cf. Fuster and Voûte, 2005). L’expérience ghanéenne se retrouve dans le reste du continent. La deuxième catégorie est la structure. Le guide de mise en pratique de DelPHE décrit très bien les permutations structurelles : les partenariats Nord-Sud peuvent être « bilatéraux (en tête-à-tête / institution à institution), multidisciplinaires (plus de 3 départements), multi-institutionnels (plus de 3 partenaires institutionnels), multilatéraux (plus de 3 pays engagés) ».27 Au niveau de base, un petit partenariat signifie moins d’efforts administratifs pour les responsables ; un consortium grand et plus complexe exigera davantage de compétences et d’efforts administratifs. Selon une théorie du cercle des chercheurs, le mouvement vers un financement énorme de plusieurs millions de dollars est la manière pour le donateur de se débarrasser des tâches administratives sur les directeurs des nouveaux consortiums omniprésents. De plus petits montants signifient davantage de groupes financés et plus de rapports annuels à lire, à évaluer et à classer. Mais la structure est aussi importante au niveau conceptuel. Souvent, les partenariats cherchent à maximiser un mélange d’institutions avec une série de compétences et d’expertise, comme une histoire d’engagement dans des partenariats. Au Ghana, par exemple, on parle de trois types d’institutions académiques sur un continuum de bourses allant de médiocres à excellentes. A l’extrémité médiocre du continuum se situe le département universitaire traditionnel et conservateur, souvent d’une discipline marginalisée en Afrique, embourbé dans le nombre croissant d’étudiants, des ressources minimes et la bureaucratie de l’université. A l’extrémité excellente se trouve l’institution semi-autonome dynamique, souvent interdisciplinaire mais avec un noyau central orienté sur le développement, souvent menée par des responsables dynamiques et d’une visibilité internationale. Elle est connectée avec le monde, attire des conférenciers et des chercheurs qui peuvent être catégorisés de classe mondiale. Au milieu du continuum se trouve le département d’université traditionnel remis en valeur, qui, malgré le fait qu’il rencontre les mêmes problèmes structuraux et culturels que ceux de notre département conservateur et marginalisé, il a réussi à trouver une manière de prospérer dans des circonstances difficiles. La solution passe souvent par des partenariats Nord-Sud. Sur le campus de Legon au Ghana, les départements d’études africaines, de linguistique et de géographie ont consolidé leur statut par leur association avec le Programme norvégien pour le développement de la recherche et de l’éducation (NUFU ; http://siu.no/en/Programme-overview/NUFU-programme). La théorie est qu’en mélangeant des institutions de ces trois catégories, par exemple, on élève et on égalise en même temps les chances des institutions. Mais comme pour le financement, des partenariats plus grands et plus complexes ne sont pas nécessairement meilleurs que des partenariats plus petits. De petits partenariats qui répliquent le mélange de compétences au niveau individuel intra-institutionnel récolteront aussi des bénéfices. Une étude rapide des sites internet de DELPHE et MHaPP illustrera ce point. La dernière catégorie est celle de l’objectif du partenariat. Il y a un consensus que les universités africaines sont en crise. Les institutions académiques africaines ont été

27 Traduction non officielle de: « Bilateral (One-to-one / Institution to Institution), Multi-disciplinary (3+ departments), Multi-institutional (3+ institutional partners), Multilateral (3+ countries involved) », http://www.britishcouncil.org/delphe.htm

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gravement frappées par les crises sociopolitiques et économiques de la région dans les années 1970 et 1980. Au cours des vingt dernières années, elles ont connu une diminution du financement pour les ressources et les recherches académiques, la suppression politique d’études novatrices, un accroissement de l’inscription des étudiants à l’université et la fuite des cerveaux. La combinaison de ces facteurs a amené divers problèmes comme une productivité faible, un engagement faible dans des tendances et des discours académiques mondiaux, un leadership faible ou peu judicieux, une dépendance accrue envers des sources externes de financement et une incapacité croissante pour établir son propre agenda de recherche. Les comptes-rendus de deux conférences récentes sur les universités d’Afrique ont souligné ces points : la réunion sur les « Frameworks for Africa-UK Research Collaboration » à Nairobi en septembre 2008 et la conférence « University Leaders’ Forum » à Accra en novembre 2008. Dans ce contexte, les partenariats sont vus pour servir différents objectifs de développement des compétences. Les trois thèmes dominants sont le renforcement de compétences pour les institutions (p. ex. améliorer le système informatique et l’accès à internet), l’enseignement (p. ex. former plus de doctorants) et de recherche (p. ex. renforcer la connaissance intradisciplinaire et interdisciplinaire sur les OMD). Certains de ces nouveaux consortiums, comme ceux qui seront inaugurés prochainement par un financement généreux de plusieurs millions de livres sterling de Wellcome Trust à un horizon temporel de dix ans, ont pour objectif d’atteindre des fonctions polyvalentes, créant ainsi des centres d’excellence académique fort nécessaires dans la région. Références Amoah, A.G.B, Owusu, S.K., Acheampong, J.W., Agyenim-Boateng K., Asare, H.R, Owusu, A.A., Mensah-Poku, M.F., Adamu F.C., Amegashie, R.A., Saunders, J.T, Fang, W.L., Pastors, J.G.,Sanborn, C., Barrett, E.J., and Woode, M.K (2000). A national diabetes care and education programme: the Ghana model. Diabetes Research and Clinical Practice, 49(2-3):149-57. Amoah, A.G.B, Owusu, K.O., and Adjei, S (2002). Diabetes in Ghana: a community prevalence study in Greater Accra. Diabetes Research and Clinical Practice, 56: 197-205. Campbell, C (2003). Letting them die: Why HIV/AIDS prevention programmes fail. Oxford: James Currey. Doku V, Ofori-Atta A, Akpalu B, Read U, Osei A, Ae-Ngibise K, Awenva D, Lund C, Flisher AJ, Petersen I, Bhana A, Bird P, Drew N, Faydi E, Funk M, Green A, & Omar M (2008). A situation analysis of mental health policy development and implementation in Ghana. Phase 1 Country Report, Mental Health and Poverty Project, Accra. de-Graft Aikins, A (2004). Social representations of diabetes in Ghana: reconstructing self, society and culture. Unpublished PhD thesis. London School of Economics and Political Science.

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de-Graft Aikins, A (2005). Healer-shopping in Africa: new evidence from a rural-urban qualitative study of Ghanaian diabetes experiences. British Medical Journal, 331, 737. Flisher AJ, Lund C, Funk M, Banda M, Bhana A, Doku V, Drew N, Kigozi F, Knapp M, Omar M, Petersen I, Green A. (2007). Mental health policy development and implementation in four African countries. Journal of Health Psychology 12(3): 505-516. Fuster, V and Voûte. MDGs: chronic diseases are not on the agenda. Lancet, 2005; 366. publié en ligne : www.thelancet.com Mosse, David (2005) Cultivating Development: An Ethnography of Aid Policy and Practice. London; Ann Arbor, MI.: Pluto Press.

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EXPÉRIENCES DE PARTENARIATS DU KENYA :

NORD-SUD ET SUD-SUD

Fatuma Chege, Université Kenyatta, Nairobi E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariat de recherché, Nord-Sud, Sud-Sud, Kenya Résumé Cet article réfléchit sur quelques différences et similarités entre les partenariats de recherche Nord-Sud et Sud-Sud, basé sur l’expérience de l’Université Kenyatta. Il note la nature unidirectionnelle de la plupart des « partenariats » Nord-Sud dans lesquels elle a été engagée. Cette expérience est mise en contraste par une expérience plus positive d’un partenariat Sud-Sud. C’est dans les constructions de pensée et dans les narrations, essentiellement expérimentales, que le concept de partenariats entre des catégories d’acteurs peut produire des significations et des réflexions contextualisées. Dans ce cadre, j’ai choisi seulement l’un des aspects des partenariats, la recherche, pour situer mes expériences remontant au milieu des années 1990, lorsque j’ai commencé à travailler avec des directeurs de recherche kenyans sur des projets de recherche conçus pour réagir à des questions éducatives. Ces projets de recherche ont notamment été conçus et définis principalement par des « experts » étrangers au contexte local kenyan. Ils étaient « experts » dans les thématiques kenyanes d’éducation, d’histoire, de développement, de politique etc. Comme c’est le cas dans le Kenya contemporain, de nombreux projets de recherche ont été financés par des organisations ou institutions externes, basées

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principalement en Europe, et en particulier au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède, aux Etats-Unis et au Canada. Au cours de ces années, l’idée de problématiser la nature et la raison des « partenariats » de recherche à travers les continents ne s’est presque jamais produite, comme nombre d’entre nous nous sommes concentrés sur la conduite de la recherche et la livraison de produits acceptables. Rétrospectivement, néanmoins, il est devenu de plus en plus clair que les rencontres dominantes de recherche Nord-Sud étaient souvent unidirectionnelles – les Kenyans locaux agissant principalement en tant que chercheurs de terrain et participant tout au plus à l’élaboration et la présentation d’ébauches de rapports. En repensant à cet engagement Nord-Sud, il est difficile d’identifier l’essence du partenariat, comportant des interactions dès la conceptualisation du problème de recherche et sa pertinence pour les Kenyans, jusqu’à la mise en œuvre des conclusions dans l’intérêt des communautés locales. Souvent, cet engagement faisait que des sponsors internationaux – et non des partenaires – donnaient le financement autant que les thèmes de recherche, complétant ainsi cet ensemble de donations avec des « experts ». Le rôle de cet « expert » était clairement d’attirer l’attention des chercheurs locaux sur la direction de recherche « correcte » et la plus appropriée. Les exemples abondent de situations où nous, les chercheurs locaux, regardions impuissants les « experts » effacer des sections entières de données qu’ils jugeaient embarrassantes (pour qui ?). Dix ans plus tard, en 2004, j’entrais dans une expérience de partenariat de recherche clairement nouvelle avec des collègues de l’Est, à savoir le Japon, et par association, avec l’Inde, les Philippines et l’Indonésie. Le partenariat s’est avéré comporter une différence de fraîcheur et d’espace à travers laquelle les partenaires de recherche africains trouvèrent leur place à égalité pour développer et poursuivre leurs idées de recherche. Les origines de cette nouvelle approche remontent à une institution japonaise pionnière, le Centre pour l’étude de la coopération internationale en éducation (Centre for the Study of International Cooperation in Education – CICE) de l’Université de Hiroshima. Le CICE a joué un rôle clé dans le rassemblement des partenaires africains et asiatiques du même avis sur une vision et une mission, dans un partenariat appelé « Dialogue universitaire Afrique-Asie pour le développement de l’éducation de base ». Ce partenariat, surnommé simplement et affectueusement « Dialogue A-A », a été fondé pour répondre à la nécessité de créer une approche autonome dans la conduite de recherche d’action et sur les politiques entre ses partenaires. Le Dialogue a depuis diversifié son mandat de recherche au-delà de l’éducation de base et étendu le partenariat des quatre premiers pays africains (Kenya, Malawi, Afrique du Sud et Ghana) à douze pays africains des régions de l’Est, de l’Ouest et du Sud de l’Afrique subsaharienne. Le nombre de partenaires asiatiques est resté relativement inférieur, et ceci tend à avoir quelques effets positifs sur les partenaires africains qui ont historiquement été une minorité dans de tels engagements. Alors que la plupart du financement initial des activités du Dialogue A-A venait du gouvernement japonais, du CICE et de l’UNESCO, les partenaires africains participants ont ouvert la voie à une richesse d’idées et d’expériences bien reçues, émanant de leur expertise en tant que chercheurs africains locaux à part entière et de leurs histoires de colonialisme, des effets et des leçons que celui-ci avait données aux personnes africaines.

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Au cours de la même année que le début du partenariat Afrique-Asie, j’ai été engagée dans une autre aventure de partenariat Nord-Sud qui n’associait pas seulement le Nord et le Sud (l’Europe occidentale et l’Afrique), mais une triangulation Nord-Sud-Est (Europe occidentale – Afrique et Asie). Les partenaires actuels comprenant le Royaume-Uni, le Kenya, le Ghana, l’Inde et le Pakistan se sont associés pour travailler conjointement dans un projet de recherche financé par le DfID du Royaume-Uni dans le consortium de recherche Research Consortium on Educational Outcomes and Poverty (RECOUP). Dans ce partenariat triangulaire, la priorité a été accordée à de nouvelles approches de conduite de recherche des politiques parmi les communautés pauvres. Le rôle principal des partenaires du Sud est de prendre l’initiative et de donner une voix – par des approches de recherche participative – aux communautés locales identifiées comme vivant dans la pauvreté. Ici, l’expertise locale des partenaires du Sud est reconnue comme étant vitale dans le travail avec les communautés lorsqu’ils construisent des significations locales de leurs situations dans le contexte de l’éducation et du rôle qu’elle joue (ou devrait jouer) dans la transformation de leurs vies. Dans une grande mesure, les partenaires du Nord qui sont des chercheurs renommés jouent aussi un rôle important dans le soutien technique à l’intérieur des thèmes de recherche du projet. A côté de la production de rapports de recherche et de la diffusion des conclusions, RECOUP entreprend des publications conjointes avec les partenaires et s’engage pour le renforcement de compétences à différents niveaux. Une comparaison entre les deux partenariats concurrents, le Dialogue A-A (entre l’Afrique et l’Asie) et le RECOUP (pour l’Afrique, l’Asie et l’Europe occidentale), révèle un zèle renouvelé dans la conduite d’une recherche qui puisse influencer les politiques basées sur des preuves et leur mise en œuvre. Elle révèle aussi un intérêt renouvelé pour le travail avec les partenaires africains dans le domaine de la recherche en développement. Concrètement, les deux partenariats fonctionnent de manière différente et les effets de la nature et de la forme d’inclusion des partenaires africains sont aussi ressentis différemment. Par exemple, alors que la plupart des projets de RECOUP sont conceptualisés à travers la direction de l’expertise du Nord, tous les projets du Dialogue A-A ont été définis, conceptualisés et concrétisés par des séances de table ronde réunissant tous les partenaires. En conséquence, tous les responsables des thèmes des projets de recherche de RECOUP viennent du Nord, alors que la direction de la recherche du Dialogue A-A se situe en Afrique, d’une manière plus fondamentale, comportant non seulement les composantes de conception mais aussi de méthodologie. Concrètement, il y a donc plus d’aisance relative dans l’engagement entre les partenariats Sud-Sud – peut-être à cause des parcours historiques – qu’entre des partenariats Nord-Sud. Néanmoins, les résultats de ces deux partenariats concurrents qui ont l’Afrique en tant que dénominateur commun, fourniront sans doute des idées à propos des expériences de partenariats de recherche au Kenya et dans d’autres pays de la région.

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L’EFFET HISTORIQUE DES PARTENARIATS EN AFRIQUE DE L’EST

David Court, consultant, Nairobi, anciennement Fondation Rockefeller, Afrique de l’Est E-mail : [email protected]

Mots clés Partenariat, Afrique de l’Est, partenariat universitaire Nord-Sud Résumé Cet article étudie l’impact historique des partenariats Nord-Sud sur les universités en Afrique de l’Est, dans le contexte actuel de crise de l’université, qui fait du partenariat un défi. L’état des conditions de partenariat en Afrique de l’Est La concentration la plus récente de NORRAG sur le concept de partenariat coïncide avec mes efforts de retraité de classer et de me débarrasser de livres et d’articles sur le sujet rassemblés durant 30 ans. Le contact renouvelé, du moins avec les titres de cette grande collection, provoque les pensées suivantes sur l’effet historique des partenariats Nord-Sud sur les universités. L’ampleur des écrits sur le sujet souligne l’importance de la relation Nord-Sud, en perpétuel changement, sur les objectifs, le caractère et la qualité des universités en Afrique. Mes archives révèlent trois périodes historiques distinctes :

• La période des années 1960-70, relativement homogène, d’excellence et d’élitisme postindépendance donnant lieu à une reproduction relativement peu critique du meilleur de ce que le Nord avait à offrir à ce moment.

• L’instabilité politique des années 1980 a conduit à une indifférence nationale pour l’éducation supérieure, et le début du questionnement des deux côtés sur quel contenu devrait avoir les partenariats importés.

• La période du milieu des années 1990 a produit une reconnaissance accrue par le Nord et le Sud de l’importance des universités pour le développement national. La mondialisation a accéléré cette perception. Les nouvelles technologies – l’informatisation, l’internet, les technologies de l’information et de la communication, les téléphones portables, etc., ont créé un contexte international fort de communication instantanée, une extension de la connaissance, et un champ propice à la coopération de partenariat à grande échelle.

La connexion prédominante à travers ces trois périodes a été l’impact du changement des situations nationales et internationales sur les universités. Dans ce contexte, il y a deux thèmes-clés traversant les périodes et concernant le concept de l’éducation supérieure en Afrique : a) la philosophie changeante des organisations du Nord et b) sa relation avec les politiques du Sud et la pratique de gouvernance en évolution.

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Dans notre réflexion sur ce qui fait sens aujourd’hui, il peut s’avérer utile de tirer des leçons d’études historiques. Néanmoins, la nature radicale du changement de contexte au cours de la dernière décennie, mené par l’accès à internet, rend plus utile de nous concentrer à présent sur les conséquences évidentes de la situation actuelle pour le partenariat. La reconnaissance au Nord de l’importance de l’éducation supérieure par la Banque mondiale et les agences internationales multiplie les soutiens potentiels et diversifie les partenariats, mais pose des problèmes de pertinence et d’appropriation. Ceci a développé une sensibilité politique sur le besoin d’un accord mutuel dans la prise de décision sur les universités, et sur le danger que les sources de financement dictent la marche à suivre.

• Les agences du Nord, et particulièrement la Banque mondiale, tendent à se fier à des critères théoriques centraux et accordent peu d’attention à l’importance des conditions et des besoins locaux.

• Les évaluations des efforts des agences du Nord tendent à être biaisées en faveur des programmes réussis au détrimant des échecs pourtant courants, et les critères de succès tendent à être ceux pré-établis par le Nord.

• Les contrats de consultants et la recherche de fonds sont d’une contribution faible pour le développement national ou régional.

Cette situation dans le Sud n’est pas d’un bon augure pour des partenariats solides. Un discours universitaire récent d’un spécialiste du Kenya fournit l’analyse suivante : « Les universités ont cessé d’être des institutions authentiques d’éducation supérieure… le pays se situe à un carrefour parce que les universités sont devenues des entreprises commerciales… Il ne réalisera pas son potentiel à moins que les institutions changent leur manière de conduire leurs affaires… Il pourra seulement être construit à travers la recherche qu’elles ont abandonnée… Les Kenyans sont devenus obsédés par les certificats, au détriment de la qualité… l’ethnicité imprègne les universités et soit nous changeons de direction, soit nous périrons »28 (Daily Nation, 14 novembre 2008). Les défis ne manquent donc pas ! Les problèmes suivants restent en conséquence :

• Les gouvernements tendent à voir l’expansion de l’éducation supérieure comme un objectif politique, sans relation avec son contenu. Cette motivation accroit le nombre d’étudiants et ferme les yeux sur la qualité et le professionnalisme. La recherche devient un intérêt commercial en soi.

• Il y a eu une grande croissance du nombre d’universités – privées, publiques, d’origine religieuse – et d’étudiants. Néanmoins, ceci a été accompagné par un déclin important de la qualité et de la pertinence des enseignements. Aucune université en dehors de l’Afrique du Sud n’entre dans le classement officiel des 500 meilleures universités.

28 Traduction non officielle de : « Universities have ceased to be genuine institutions of higher learning…the country is at a cross-roads because universities have become commercial ventures...It will not realise its potential unless the institutions change their manner of conducting business…it could only be built through research which they have abandoned…Kenyans are becoming obsessed with certificates at the expense of quality…ethnicity has permeated universities and we either change course or we perish ».

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• Pour des raisons ethniques et autres, il y a peu de volonté officielle de concentrer les ressources sur un petit nombre d’institutions de qualité qui pourraient fournir des modèles de recherche, de qualité d’enseignement et des étudiants brillants.

• La conférence récente d’Accra sur les partenariats pour l’enseignement supérieur en Afrique (PHEA) a confirmé le fait que « les universités africaines font face à une pénurie menaçante de doctorants » et déclare plus loin que « les universités africaines perdent rapidement leurs professeurs, partis à la retraite ou dans l’industrie, et leur capacité à former de nouveaux titulaires de doctorats s’érode, soulevant des inquiétudes profondes sur la capacité du continent à produire de nouvelles générations d’universitaires »29 et des équipes de partenariats solides. (Chronicle on Higher Education)

• Le partenariat PHEA de grande échelle, financé par l’extérieur, a lui-même fait quelques contributions importantes au développement des universités, mais comme ses propres évaluations l’ont montré, les réponses des universités sont limitées, en partie parce que les membres fondateurs eux-mêmes ont trouvé que le partenariat des uns avec les autres était un défi inattendu!

Il y a toujours un besoin d’évaluation et d’analyse des partenariats de recherche – ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, pourquoi, et ce qu’on devrait faire. On devrait inclure : • Une évaluation plus large des hypothèses d’objectifs et de pratiques des

nombreuses agences du Nord qui soutiennent la recherche. • Une spécification de la réponse des chercheurs du Sud à l’engagement externe et à

la conditionnalité. • Une documentation claire des pratiques, de la qualité et de la pertinence pour le

développement des partenariats de recherche. • Des exemples détaillés de succès, et particulièrement d’échecs, parce que les

agences tendent à négliger les limitations du Nord. • Des partenariats allant au-delà des spécialistes de l’éducation et qui impliquent

des économistes, des environnementalistes et la jeune génération dans une réflexion sur l’innovation et ce que les universités devraient faire.

• Davantage d’évaluation depuis le Sud. Il y a un besoin d’analyses cohérentes de partenariats réussis – régionaux ou internationaux – et aussi l’inclusion d’études de cas d’échecs, avec les conditions et les causes de chaque aspect. On peut tirer des conclusions sur les mécanismes de l’université qui ont été inspirés par les partenariats, et comment le concept lui-même a changé et s’est amélioré. Les partenariats doivent accorder une attention sérieuse à la formation de qualité au niveau du doctorat.

29 Traduction non officielle de « African Universities face a Looming Shortage of PhDs” et “African Universities are rapidly losing their faculty members to retirement and industry, and their capacity to educate new PhD holders is eroding, raising deep concerns about the continent’s ability to produce new generations of academics ».

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Au cours des 30 dernières années, la recherche académique s’est concentrée sur les types de partenariats qui peuvent aider à promouvoir les objectifs, les patterns et la distinction des rôles de l’université dans le Sud. Le défi continue.

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GÉNÉRER UN PARTENARIAT PILOTÉ PAR LE PAYS : LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION COMME CHEF DE GROUPE

Emefa Takyi-Amoako, St Anne’s College, Université d’Oxford

E-mail : [email protected] Mots clés Ghana, Ministère de l’Education (MdE), donateurs, partenariat piloté par le pays (country-led partnership), chef de groupe (cluster leader) Résumé On pourrait arriver à un partenariat piloté par le pays dans les interactions entre le Ministère de l’éducation et les donateurs, si les deux voulaient bien révolutionner leurs cultures et promouvoir le partenariat piloté par le pays comme un chef de groupe dans leurs interactions. Premièrement, il est absurde de parler de partenariat, une notion qui suppose l’égalité, dans des relations de donateur-bénéficiaire d’aide formées fondamentalement par des asymétries de pouvoir. Néanmoins, sur la base de conclusions dérivées d’une étude qualitative sur les interactions entre le Ministère de l’Education (MdE) et les donateurs au Ghana, cet article soutient que si le MdE assume efficacement le rôle d’un chef de groupe (cluster-leader), les interactions entre le MdE et les donateurs au Ghana pourraient probablement être transformées en un partenariat piloté par le pays(country-led partnership). Les données montrent que pour qu’un partenariat piloté par le pays devienne réalité dans les interactions entre le MdE et les donateurs pour la prestation efficace de l’éducation, il est impératif qu’autant le MdE que les donateurs transforment leurs différentes cultures, pratiques, perceptions et actions. Le MdE, avec un sens renouvelé de capacité d’action, doit reconnaître que de nombreuses dimensions ont besoin de partenariat : le MdE, ses agences et divisions travaillant ensemble avec d’autres ministères et institutions pertinents, la société civile et les partenaires de développement (personnes locales et donateurs étrangers, prêteurs et ONG), et d’autres entités si elles s’avèrent pertinentes. Ensuite, le MdE doit faciliter ce partenariat à de nombreuses dimensions pour assumer le rôle d’un chef de groupe. En tant que chef de groupe, le MdE représente une relation cruciale dans la chaîne des dimensions. Chaque maillon d’une dimension représente un dialogue. Alors que ces dimensions distinctes sont connectées comme dans une chaîne,

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un processus similaire doit se produire à l’intérieur de chaque institution en même temps avec le MdE comme facilitateur. Par exemple, alors que le MdE dialogue sur l’éducation avec ces différentes entités, il doit simultanément faciliter le dialogue et le partage de l’information parmi les divisions et les unités à l’intérieur de lui-même. Il est aussi essentiel qu’il harmonise et coordonne les activités et les visions non seulement des différentes unités et divisions desquelles il est constitué et d’autres agences du gouvernement, mais aussi avec des intervenants constituant différents filaments de la société civile. Ceci parce qu’il a la responsabilité de filtrer à travers le processus de pensée de ses subdivisions, comme d’autres pour engager efficacement le dialogue avec les donateurs. Au moment de la génération des données, on a pourtant noté que même certains de ces acteurs clés du MdE n’avaient pas entièrement saisi la notion de son nouveau Plan stratégique d’Education (ESP). Les données indiquent aussi que

« Parfois, les ministères et secteurs ne parlaient pas beaucoup entre eux. Alors qu’un ministère spécifique peut travailler main dans la main avec un autre afin de prendre des décisions informées sur des questions de politiques, dans d’autres cela ne se produit pas… c’est pourquoi le Ministère de l’Education (MdE) doit le faire pour mener la coordination et l’harmonisation des activités des donateurs… Ce n’est pas une question de partenariat mais d’harmonisation de tous les intervenants et l’engagement de la société civile et d’autres organisations. » (Interview)

Par conséquent, les données montrent qu’il est important que le MdE assume le rôle de meneur, en développant par exemple une structure de communication efficace parmi ses divisions autant qu’avec d’autres entités pertinentes. Durant cette période, il doit rassembler annuellement des données pour mesurer le succès et s’auto-évaluer. Les caractéristiques de ce qu’une personne interviewée identifie comme un partenariat-leadership que dirige le MdE seraient que le « partenariat est l’harmonisation qui implique de partager l’information et d’assurer que tout le monde est bien informé » (interview). Un autre homme interviewé soutenait qu’avant d’harmoniser le soutien des donateurs, le pas le plus important à faire pour le MdE était de renforcer sa position pour coordonner les visions à l’intérieur du secteur de l’éducation et assumer l’incarnation du leadership. Il soulignait qu’il était important de savoir si le MdE écoutait les syndicats d’enseignants et les différentes unités formant le paysage politique et leur permettait d’exprimer leur opinion. Il posa par conséquent la question suivante :

« A quel degré nos personnes [le MdE] s’écoutent-elles plus elles-mêmes que des personnes de l’extérieur ? Comment demandent-elles si l’opinion des directeurs compte autant que celle des partenaires externes ? A quel degré leurs opinions sont-elles exprimées et comment sont-elles reçues ? » (interview)

De son point de vue, le MdE doit organiser son propre programme d’éducation en écoutant davantage les voix locales, et agir de manière plus importante que de coordonner le soutien. Néanmoins, si le MdE veut atteindre l’harmonisation du soutien des donateurs, il « …doit organiser son programme fermement en engageant les différents directeurs et commencer à gérer leurs rôles… et continuer à développer son propre programme éducatif. Et quand ceci est achevé, l’appropriation authentique sera atteinte » (interview) et le partenariat piloté par le pays émergera. Pour que le MdE

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puisse atteindre l’harmonisation, il devra assumer la « place du conducteur » en étant au courant des connaissances locales (et parfois mondiales) pertinentes pour l’éducation au Ghana et maintenir informés tous les intervenants, y compris les donateurs. Puisque cela ne s’est pas encore produit, il était admis dans la proposition du Ghana pour l’Initiative Fast Track de l’éducation pour tous que le manque de coordination des intervenants pouvait être une menace pour la mise en œuvre réussie des composantes de l’ESP et de l’Initiative Fast Track pour l’Education pour tous (IFT EPT). On a aussi évoqué que le manque de collaboration entre le MdE et d’autres ministères du gouvernement, allié à l’absence d’un programme ou d’un plan éducatif fort ont mené à l’inefficacité de quelques programmes de soutien de donateurs. Par exemple, selon une personne interviewée,

« Même avant la présentation du programme (QUIPS30) au MdE… pour approbation, la signature du Ministère des finances avait déjà été obtenue sans aucune consultation avec les fonctionnaires du MdE pour savoir si le programme était réalisable. Néanmoins, le QUIPS a été mis en œuvre. USAID a également contracté des ONG des Etats-Unis pour mettre en œuvre le programme au Ghana, ce qui n’a pas aidé le MdE. » (Interview)

Pour faire face à cette situation, on a dit que le MdE avait commencé des démarches pour renforcer son leadership, les systèmes de gestion et les compétences en général pour une meilleure coordination et intégration. Un cadre du MdE affirmait qu’il y avait à présent

« des opportunités disponibles pour les exposer (le personnel du MdE) et d’avoir une institution fonctionnant de manière efficace. Nous mettons plus l’accent sur les échéances, la présentation des résultats, la comptabilisation du temps de semaine en semaine et de jour en jour. A présent, nous nous concentrons plus sur la conception d’un système qui aidera aux activités de suivi. Lorsque vous encouragez des gens, il faudrait qu’il y ait un système qui vous approvisionne, qui associe tout le monde (p. ex. intranet), des systèmes de suivi. On ne doit pas laisser traîner le courrier. Une fois que vous avez fait cela, les directeurs seront stimulés pour se concentrer davantage sur l’aspect qualité de leur travail pour améliorer les résultats. » (Interview)

Il apparaît que le système du MdE, à travers un leadership apparemment fort et croissant, était prêt à harmoniser le soutien des donateurs et à assumer la position de leadership dans les interactions entre le MdE et les donateurs. Une autre personne interrogée ajouta également qu’à cause de ce sens croissant de leadership dans le MdE,

« du côté du donateur, il y a eu une très grande amélioration pour le respect de la position du Ministère. Nous avons exprimé systématiquement le fait que leurs problèmes devaient être en harmonie avec les priorités du Ministère. Nous ne nous laissons plus faire. Nous insistons sur des choses qui seront dans l’intérêt du Ministère… même si nous reconnaissons que c’est de la collaboration… Néanmoins, nous les avons rendus conscients que tout le monde doit se conformer aux règles établies. Ce que nous devons faire, c’est démonter que nous sommes disposés à renforcer les compétences requises, si nous voulons canaliser le soutien des donateurs dans le Ministère. » (Interview)

30 Amélioration de la qualité des écoles primaires (Quality Improvement in Primary Schools)

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En ce qui concerne les données, il est presque certain que la capacité du MdE de renforcer sa capacité de gestion et de connaissance et de détenir fermement son programme d’éducation rendrait possible une harmonisation efficace du soutien des donateurs à canaliser, ce qui pourrait donner lieu à un partenariat entre le MdE et les donateurs qui soit mené par le pays. Néanmoins, il reste que pour qu’un partenariat piloté par le pays prévale réellement, le MdE en tant que chef de groupe doit aussi renforcer sa capacité financière et réduire sa dépendance face à l’aide étrangère.

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FORCES ET FAIBLESSES DES PARTENARIATS INSTITUTIONNELS ENTRE

INSTITUTIONS ACADÉMIQUES DU NORD ET DU SUD

Paschal B. Mihyo Organization for Social Science Research in Eastern and Southern Africa (OSSREA)

E-mail : [email protected] Mots clés Partenariats académiques, Europe-Afrique Résumé Il y a des différences importantes dans la manière dont les partenariats ont fonctionné dans des instituts de recherche liés au gouvernement et dans les départements ordinaires. Les premiers font partie de stratégies institutionnelles connues ; l’appropriation et l’institutionnalisation de relations de nombreuses universités sont beaucoup moins fortes. La clé de l’amélioration de celles-ci est un enchassement institutionnelle beaucoup plus marqué. Introduction Les partenariats entre institutions académiques africaines et européennes sont aussi anciens que l’éducation supérieure formelle en Afrique. Certaines des meilleures universités de la région africaine ont été lancées en tant que collèges des universités européennes avant l’indépendance. Au cours des quatre dernières décennies, la coopération est devenue plus forte et a pris différentes formes, parmi lesquelles les plus éminentes ont été le développement du personnel, l’assistance technique, l’enseignement et les programmes de recherche accomplis en collaboration et enfin l’échange de personnel. Ces partenariats ont réussi à créer une masse cruciale de professionnels hautement qualifiés ; mettre en place et garder une infrastructure solide ; moderniser les équipements et le mobilier des bibliothèques et des laboratoires ; soutenir le développement du personnel et contrer l’effet de vague d’érosion de la capacité du personnel ; établir et renforcer des centres d’innovation dans la recherche en génie civil, médical et agricole ; fournir de l’aide budgétaire pour les universités et les instituts de recherche et, de manière plus importante, aider les institutions académiques à enrichir

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leurs curriculums dans la région à travers des cours en collaboration avec du personnel formé à l’étranger. Ces bénéfices pourraient être renforcés davantage, et de nouveaux bénéfices pourraient être maximisés, si on s’attelait à certains facteurs qui ont réduit le dynamisme de ces partenariats. Ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné dans les partenariats Les partenariats les mieux réussis en Afrique ont été ceux des centres d’innovations des facultés d’ingénierie, des instituts de recherche nationale de médecine et des instituts de recherche nationaux et régionaux d’agriculture, de sylviculture et d’élevage. Les facteurs qui ont contribué à leurs succès sont nombreux. Premièrement, les instituts régionaux et nationaux sont gouvernementaux ou intergouvernementaux, et leur appropriation et l’orientation de la demande sont incontestées et claires. En partie à cause de cela, ils ont la reconnaissance, le respect et le soutien d’agences bilatérales ou multilatérales. Ce facteur manque dans d’autres types de partenariats, particulièrement ceux basés dans des universités. Dans ce cas, les programmes sont détenus par les facultés, les départements, ou par des personnes individuelles. L’empreinte des universités ou des secteurs pertinents pour les programmes de relation dans certaines universités sont très faibles. Cela crée des problèmes d’appropriation, d’orientation et de reconnaissance de la demande qui affectent leur pertinence, leur échelle, leur durée de vie et le montant de leur financement. Deuxièmement, les programmes menés par des instituts de recherche et d’innovation en ingénierie, en médecine ou en agriculture sont institutionnels. Ils sont constitués à l’intérieur de leurs plans stratégiques qui montrent la feuille de route de leurs perspectives en ressources humaines, financières et autres perspectives de croissance. Ils sont aussi utilisés comme base pour l’évaluation de la performance par les agences de développement et les institutions académiques du Nord pour décider d’entrer en partenariat avec eux ou non. La plupart des instituts et des départements dans les universités disposant de liens et de programmes de partenariats manquent de plans stratégiques. Ils n’ont pas développé de plans stratégiques à long terme expliquant clairement le rôle de la coopération au développement dans leurs plans à court terme et à long terme. Ceci mine le champ, l’échelle, la taille et la durée de leurs projets. Troisièmement, les attentes et les objectifs des partenaires sont importants. Dans le cas des instituts de recherche, les objectifs de la coopération tendent à être clairs. Ils sont déclarés dans les statuts ou projets et reflètent la pensée institutionnelle. Dans le cas des relations et projets de partenariats basés sur les universités, la clarté manque. Dans deux grands projets auxquels l’auteur a participé en Namibie et au Zimbabwe, il était clair que les attentes des partenaires étaient différentes. Les acteurs du Nord attendaient d’apprendre à travers la recherche en collaboration, et de laisser des compétences sur place pour la continuation du programme après l’étape initiale. Mais dans les deux cas, les partenaires locaux ont vu le programme de manière différente. Lorsque les partenaires du Nord venaient, les partenaires locaux prenaient congé pour faire des choses plus importantes, particulièrement des activités individuelles de consultants et participaient seulement aux activités d’enseignement qui apportaient un salaire supplémentaire financé par les projets. Lorsque les projets se sont terminés, aucun apprentissage n’avait eu lieu et les partenaires du Nord n’ont plus voulu prolonger la coopération.

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Les systèmes d’apprentissage sont la quatrième question. Ayant participé à des partenariats également depuis le Nord, je voulais que les activités génèrent des compétences cruciales pour les institutions locales. Dans les projets de Namibie et du Zimbabwe, les projets avaient des créneaux pour des études de doctorat. Les homologues locaux n’étaient pas enthousiasmés de la même manière. Ils continuèrent d’utiliser le projet pour prendre congé et faire des activités de consultants et les opportunités de formation n’ont pas été utilisées de manière adéquate. Mais d’un autre côté, les instituts de recherche disposent de programmes de formation dans leurs plans, et lorsqu’ils envoient des stagiaires faire des études supérieures, ils créent des conditions pour les utiliser à l’issue de leur formation. Dans l’absence de l’utilisation des plans d’apprentissage et de compétences, les partenariats peuvent facilement conduire à une fuite de cerveaux interne si les experts locaux les utilisent pour travailler sur d’autres activités non organisationnelles ou facilitent la fuite de cerveaux si les experts sont formés mais aucun plan n’est mis en place pour leur rémunération. Rendre les partenariats plus fonctionnels Le meilleur moyen d’assurer des bénéfices maximaux pour les partenariats est de prendre de la distance et d’analyser la manière de fonctionnement, et ensuite de concevoir des façons de faire les choses différemment. Premièrement, nous devons renforcer l’appropriation par l’institutionnalisation des relations et des projets. Pour cela, des approches institutionnelles et sectorielles sont nécessaires. Les départements et les universités font partie de structures nationales et régionales et leurs programmes devraient refléter les priorités nationales et régionales. L’empreinte des universités, des ministères pertinents et des organes régionaux sur les programmes de relations devraient être claires et indélébiles. Deuxièmement, même si les personnes sont importantes, les partenariats basés sur des personnes tendent à disparaître avec ou à cause d’elles. Les partenariats devraient être institutionnels, basés sur des plans à long terme et faire partie des ressources humaines et des autres plans stratégiques des organisations engagées. Troisièmement, les partenariats devraient prendre place à long terme et ne pas se baser sur la mode ou l’engouement mais sur des objectifs à long terme de génération d’appropriation et de partage de la connaissance. Finalement, les partenariats devraient concevoir des plateformes et des mécanismes clairs pour générer, partager, utiliser et internaliser la connaissance. Sans cela, ils seront une perte de temps et de ressources, et une déception pour les partenaires des deux côtés et pour les bénéficiaires prévus.

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NOUVELLES SUR LE NORRAG &

LA LETTRE DU NORRAG

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DÉCEMBRE 2008 LETTRE DU NORRAG 94

RÉUNION STRATÉGIQUE ANNUELLE DU NORRAG DE 2008 : UN RÉSUMÉ ET UN COUP D’ŒIL SUR L’ADHÉSION

Robert Palmer, NORRAG, Amman

E-mail : [email protected] Réunion stratégique du NORRAG Une réunion du Comité stratégique du NORRAG a eu lieu le 6 octobre 2008, au cours de laquelle ont été discutés les activités et les résultats de la dernière phase de financement (2004-2008) ainsi que les plans pour le futur. Au cours de cette période, le NORRAG a été soutenu par le DFID, la DDC et aussi par un soutien en nature de NUFFIC (depuis 2006). Les trois agences ont une entente de principe pour soutenir le NORRAG pour la phase 2009-2012. La phase 2004-2008 Au cours des presque cinq dernières années, le NORRAG a délibérément cherché à innover pour ce qui est de l’accès mondial à la Lettre du NORRAG et à l’adhésion au NORRAG, la connaissance par sondage de sa propre audience, le choix des thèmes de la Lettre du NORRAG et des auteurs de contributions, des notes de synthèse pour une diffusion ciblée , un site internet convivial et des réunions de groupes nationaux (durant l’année 2008). Particulièrement depuis 2006, le nouveau Comité stratégique du NORRAG a fortement encouragé l’exploration de ces nouvelles modalités, audiences et initiatives. Néanmoins, ces innovations prennent place dans le contexte que la formule de base qu’est la Lettre du NORRAG, estimation rapide et critique des politiques dans l’éducation et la formation internationales et particulièrement dans le domaine de la coopération au développement, a été confirmée au cours de ces cinq ans et devrait être maintenue. L’édition régulière de la Lettre du NORRAG a continué d’être l’élément central du NORRAG. Les caractéristiques clés de la période de 2004-2008 ont été : la maîtrise de nombreux défis de la mise en ligne (voir la Lettre du NORRAG n°30) ; l’évolution d’un petit réseau d’ONG à un projet à impact mondial ; le changement spectaculaire du design et de la présence sur internet d’une page protégée par un mot de passe à un site accessible par Google ; la traduction des résumés de politiques en six langues, y compris le chinois ; le développement de la structure de leadership pour que des personnes dynamiques et plus jeunes, francophones et anglophones, participent à toutes les initiatives du NORRAG et de la Lettre du NORRAG. L’impact de ces stratégies est évident dans le tableau ci-dessous illustrant une expansion à 100% des pays avec des membres du NORRAG, et une multiplication d’un facteur 6 du nombre d’adhésion. De manière intéressante, ces résultats ont été atteints en privilégiant les pays en développement.

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2004 2008 Pays avec membres 70 141 Adhésion totale 400 2298 (sept.) Adhésion Nord-Sud 60% Nord – 40% Sud 50% Nord – 50 % Sud Dernières données sur les membres inscrits (02.09.08)

nombre % Afrique sub-saharienne 474 20,6 Moyen-Orient / Afrique du Nord 50 2,2 Asie centrale / Russie 21 0,9 Asie de l’Est / Pacifique 268 11,7 Asie du Sud 182 7,9 Europe 919 40,0 Amérique latine / Caraïbes 113 4,9 Amérique du Nord (sans Mexique) 271 11,8 Total 2298 100,0

On devrait remarquer que puisqu’il est possible de consulter les anciens numéros de la Lettre du NORRAG en ligne et sans inscription, le nombre de membres inscrits est probablement très inférieur au nombre total de personnes ayant accès à la Lettre du NORRAG. Par exemple, le site www.norrag.org reçoit environ 500 visiteurs par jour. Un mot de Stéphanie Langstaff sur les lecteurs francophones de la Lettre du NORRAG Des 2400 membres du NORRAG (au 1er décembre 2008), environ dix-huit pourcents sont basés dans des pays où le français est une langue officielle. La plupart d’entre eux vivent en Suisse ou en France, avec respectivement 146 et 100 membres. L’adhésion dans les pays francophones d’Afrique sub-saharienne reste faible, même si le NORRAG essaiera d’intensifier sa relation avec des réseaux éducatifs dans cette région l’année prochaine. Jusqu’en 2007, un numéro spécial de la Lettre du NORRAG en français était constitué avec plusieurs numéros en anglais. La conséquence était malheureusement que les lecteurs francophones devaient attendre un peu avant la sortie de la version française. Pour développer plus rapidement l’accès aux contenus de la Lettre du NORRAG, chaque numéro a été traduit en français depuis le numéro 36, dans une version légèrement plus courte. D’après le grand nombre de numéros téléchargés cette année, les numéros en français de la Lettre du NORRAG sont très populaires. Par exemple, le numéro 39 sur les Pratiques exemplaires a été téléchargé 645 fois jusqu’à présent, alors que le numéro 38 sur l’EFPT, le numéro 37 sur la pauvreté et le numéro 36 sur l’Année 2005 du Développement ont été téléchargés 900 fois en moyenne.

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