joris-karl huysmans - l'oblat

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.

L'OBLAT

L'auteur et l'diteur dclarent rserver leurs droits de traducpour tous pays y compris la Sude et la Norvge. Ce volume a t dpos au Ministre de l'Intrieur (section de la librairie), en mars iqo3.tion et de reproduction

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dition.

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EMILE COLIN

IMPRIMERIE DE LAQNV

J.-K.

HUYSMANS

L'OBLATUt quid, Deus,repulisti in finem

Iratus est furor tuus super oves pascua: lux ?

Memor

esto congregationis tuae...

Psaume LXXIII.

DIX-SEPTIEME EDITION

PARIS.P.-V.27,

-

erI

STOCK, DITEURRUE DE RICHELIEU

I9O3

%**

DE CET OUVRAGE801

IL

A

ETIi

TIRE A PART

:

ex. sur papier de

Hollande;

5 10

ex. sur papier

du Japon ;

ex. sur papier de Chine.

Chacunprim,lampe,le

de ces exemplaires

est

numrote aLes

la

presse et porte, imcul^de-

nom

de son souscripteur.t tirs

titres,

lettres ornes,

etc.,

ont

en rouge.

!urtal rsidait depuis plus de dix-huit moisdj au Val des Saints. Las de Chartres

o

il

s'tait provisoirement fix, harcel par des

apptences drgles de clotre,

il

tait parti

pour

l'ab-

baye de Solesmes.

Recommand auqui connaissaittle

suprieur de ce monastre par l'abbla

Plomb, un des vicaires de

cathdrale de Chartres,

Rvrendissime de longue date, il avaittait rest,

aimablement reu,

diverses reprises,il

plus de quinze jours, dans ce couvent et

en

tait

touIl

jours revenu plus mal l'aise, plus incertain qu'avant.

retrouvait avec allgresse ses vieux amis, l'abb Gvresinet sa

gouvernante,

M me Bavoil, rintgrait avec un soupiret le

de soulagement son logisduisait;il

mme phnomneparle

se pro-

tait

peu peu

ressaisi

souvenir de cette

existence conventuelle qui s'cartaitcelle qu'il avait autrefois

compltement de

vcue la

la

Trappe.

Ceis,

n'tait plus,le

en

effet,

rgle de fer des Cister-

silence perptuel, les jenes complets, le maigrele

ninterrompu,

coucher, tout habill, dans un dortoir,i

2

L

OHLATle travail

le

lever

deux heures, en pleine nuit,le

de Tin*

dustrie

ou

labeur de

la terre

;

les

Bndictins pouvaient

parler, usaient, certains jours, d'aliments gras, couchaient

dshabills, chacun, dans sa cellule, se levaient quatre

heures, se livraient

des travaux intellectuels, beso-

gnaient beaucoup plus dans les bibliothques que dansles

comptoirs de marchandises ou dans

les

champs.

La

rgle de saint Benot,

si

inflexible chez les

moines

blancs, s'tait adoucie chez les

moines noirs

;

elle s'tait

aisment plie aux besoins dissemblables des deux Ordres

dont

le

but n'tait pas, en

effet, le

mme.

Les Trappistes taient plus spcialement prposs aux

uvres dendictins,les

la mortification et de la pnitence et les Bproprement dits, au service divin des louanges;

uns, avaient, en consquence, sous l'impulsion de

saint Bernard, aggrav la rgle dans ce qu'elle a de plusstrict et

de plus dur

;

les

autres,

au contraire, avaientsi

adopt, en les assouplissant, les dispositionset si

accortes

indulgentes qu'elle recle.retraitants et

Le sjour des Trappe

des htes se ressentait

forcment de cette diffrence ;premirefois,

autant

la

rception

la la

avait t taciturne et austre lorsque,

cela dix ans,

il

Durtal l'avait visite,afin

pour

il

y

avait dj de

de se convertir; autant l'accueil

Solesmes, ocation,Il

tait all

dans

le

dessein de tter sa vo-

avait t et disert et clment.

avait profit, chez les Bndictins,;

du ct bonse

enfant de leurs observanceslui avait t laisse

une

libert

presque entire

pour;

se lever,

pour

promener,

pour suivre

les offices

il

mangeait avec

les religieux et

non

plus, ainsi

que chez

les Cisterciens,

dans une

salle

L OBLAT part;il

3

n'tait plus

admis sur

la lisire

de

la

commu-

naut

et

en marge du clotre, mais bien au dedans, viles pres,

vant avec

causant et travaillant avec eux. Lessi

devoirs de l'hospitalit,

expressment recommandsla

par

le

Patriarche, taient vraiment excuts

lettre

par les moines noirs.

Ce

caractre paternel lui souriait,

ds qu'il tait de

retour Chartres; avec le temps, la vision de Solesmesse dcantait, s'idalisait

mesure

qu'elle devenait plus

lointaine.Il

n'y a que Solesmes

!

se criait-il; la seule vieest l!

monas-

tique possible pour

moi

Et cependant,

il

devait se rappeler

que, chaque fois

qu'il avait quitt l'abbaye et qu'il s'tait assis

dans

la

voiture quitel

le

menait

la

gare de Sabl,

il

avait respir,

qu'un

homme

qu'on allge d'un insupportable poids,dansle

et qu'aussitt install

train,

Dieu quelle veine!pourtant,il

me

voici libre!

il

se disaitet,

:

mon

sans cesse,les autres,

regrettait cette

gne d'tre chez

cette dlivrance d'heures traces, sans

amusements ino-

pins, sans tintouins prvus.Il

parvenait difficilement analyser ces jeux d'im-

pressions, ces volte-faces de sentiments.s'affirmait-il,

Oui,

certes,

Solesmes

est

en France unique;nulle part;le

l'art reli-

gieux y resplendit

comme

mr

point, les offices

chant y est s'y clbrent avec une imper-

pompe; nulle part aussi, je n'approcherai d'un Abb de l'envergure de Dom Delatte et de palographes musicaux plus ingnieux et plus savants que Dom Mocquereau et que DomCagin, j'ajouterai encore de moinesfectible

plus serviables et plus avenants; oui, mais...

4

L OBLAT

Mais quoidevant ce

?

et

alors,

en

fait

de rponse,

c'tait

un

recul de tout son tre,

unela

sorte de rpulsion instinctive

couvent dont

faade splendidement illu-

mine, rendait, par contraste, lesqui en dpendaient,

communs nonetil

clairs

plus noirs

;

s'avanait avec

prcaution, de

mme

qu'un chat qui la

flaire

ne connat point, prta dtaler, Et cela ne rime nanmoins n'ai pas

un logis qu'il moindre alerte.convenait-il;

rien,

je

l'ombre d'une preuve que l'intrieur du clotrela

soit

d'un autre style d'me que celui de

faade

;

c'est

trange, ce qui se passe en moi.

Voyons, raisonnons, qu'est-ce qui mese rpondait:

tout et rien

;

dplat? cependant certaines remaretil

ques se dtachaient en lumire, venaient en avant sur

le

dcor de l'abbaye. D'abord,tre et cette

la

grandeur de ce monasde novices quilui enl-

arme de profsla

et

vent ce ct intime et charmant que possde un moins

imposant reclusage,

Trappe de Notre-Dame del'Atre, par exemple. Ncessairement, avec ses immenses btiments et la foule des religieux qui les encombrent, Solesmes prend une allure de caserne. Il semble que l'onmarche aux offices ainsi qu' une parade, que l'Abbautres ne sont plus que de pauvres troubades.serait jamais l'aise etsi

est

un

gnral entour de l'tat-major deson Chapitre et que les

Non, on ne

l'on

ne serait jamais sr non de

plus du lendemain,religieuse qui a, je

l'on appartenait cette garnisonsais

ne

quoi d'inquiet, de

craintif,

toujours sur ses gardes;peut,si

et,

en

effet,

un beau matin,

l'on

l'on a cess de plaire, tre expdi,colis,

comme unclotre.

simplePuis,

au loin, destination d'un autredirala

qui

tristesse

de

ces rcrations,

de

l'oblatces conversationssurveilleset

5

invitablement morparle

nes, l'agacement produit, la longue,

manquequi est

de cette solitude,

si

dlicieuse lail

Trappe

et

impraticable Solesmes o

n'existe ni tangs, ni bois,

o le jardin est plat et dnud, sans un tournant, sans une fin d'alle o l'on puisse se recueillir, l'abri desregards, sans tmoin, seul?

Trs bien,faut avouersite

reprenait-il,

mais, pour tre juste,si

il

me

maintenant que

j'excepte

la

question du

et encore, sauf

moi, tous l'admirent

mes aueffet,

tres griefs sont

dpourvus de sens. Comment, enla

raliser

l'ensemble de Solesmes,

solennit de ses offices

et la gloire

de ses chants, sans cette masse serre defer,

comment, sans une poigne de une arme de prs de cent hommes dontmoines?

conduirecaractres

lesil

diffrents, force

de se

frotter, s'chauffent?

est

doncenfin

indispensable que laplusil

discipline

soit aussi rigoureuse,

mme, dans un monastre que dans un camp;

faut bien aider les autres couvents de la congrgation,

plus indigents en sujets, en leur envoyant ceux qui leur manquent, ou un matre des crmonies, ou un prchantre, ou un infirmier, le spcialiste, en un mot, dontils

ont besoin.

Queabbayefaire ?

ces exils soient redouts par les rsidants de So-

lesmes, cela prouve qu'ils se trouvent bien dans leuret n'est-ce pas le

meilleur loge qu'on en puissela

en tout cas, ces dparts sont,

plupart du temps,

moins des disgrces que desncessits par l'intrt

prts de

maison maison,

mme

de l'Ordre.je

Quant

cette

rpugnance que

ressens vivre dansj'en

cette foule toujours

en mouvement, un pre auqueli.

6parlais trs

L OliLAT

franchement, m'a judicieusement rpondumritesi

:

o

serait le

l'on

ne souffrait d'tre roul,?

tel

qu'un

galet, sur la plageje

d'un grand clotre

Bien oui,

ne

dis

pas,

mais n'empche que j'aime

mieux autre chose...Et Durtal rflchissait et se sortait alors des argumentsplus valides, des raisons plus premptoires pour se justifier ses

apprhensions.disait-il,

A

supposer, se

queet

le

pre

Abb me

laisse

iabriquer

mes

livres

en paix

consente ne point s'im-

miscer dans des questions de littrature

et

il

est

si

large d'esprit qu'il admettrait sans nul doute cette dis-

pense

cela

ne

servirait de rien

car je serais absolu-

ment

incapable d'crire un livre dans cette abbaye.je l'ai

L'exprience,

tente, diverses reprises; les

matines

et les aprs-midi,

coupes par

les offices,vie,

y ren-

dent tout travail d'art impossible. Cettepetites tranches, peut tre excellente

divise en

pour colliger des

matriaux

et

assembler des notes, mais pour uvrer des

pages, non.

remmorait de dsolantes heures o, s'chappant d'un office, il voulait s'atteler sur un chapitre et le dcouragement le prenait l'ide que lorsqu'il commenEtil

se

cerait d'tre

en

train,

il

faudrait quitter sa cellule

et:

regagner

la

chapelle pour

un

autre office et

il

concluaitil

le clotre est utile

pour prparer un ouvrage, mais!

sied

de l'excuter dehors

Puis qu'est-ce que l'on entend par l'oblatureil

?

jamais

n'avait

pu obtenir une rponseles

claire.

Cela dpend

du bon vouloir du pre Abbquent changer selon

et cela;

peut par cons-

monastres

mais ce n'est pas

L OBLAT

7

srieux

!

l'oblature Bndictine existait dj au

vm

e

si-

cle; elle est rgie par desils ?

rglements sculairesle savoir.!

;

o sont-

personne n'a

l'air

de

Le bon vouloir d'un pre Abb mais c'est se livrer, un homme que l'on ne connat que par ou-dire, en somme ; et pour peu que celui danspieds et poings lis, le

couvent duquel l'on s'internerait,

ft

ou vieux

et

born, ou jeune et imprieux et versatile, ce serait pis

que

d'tre

moine

!

car le

moine

est

au moins dfendu

par des ordonnances prcises que son suprieur ne peutenfreindre.

Enfin,

quelle situation mitoyenne, ni

chair ni poisson,

que

celle

de l'oblat en cltureil

!

Inter-

mdiaire entre

les

pres et les frres-lais,

aurait toute

chance de n'tre accept, ni parles uns, ni parles autres.L'oblature en robe dans une abbaj^e, n'est donc pasenviable.

Ah

!

et puis,

rarfieaffaire.

y aura toujours l'atmosphre lourde et du clotre non ce n'est dcidment pas monil;

Ce

qu'il se l'tait rpt

de

fois,

cette phrase!

et

il

n'en retournait pas moins Solesmes, car aussitt

rinstall Chartres, la nostalgie le repossdaitfice divin,

de

l'of-

de ces journes justement trs bien scindes

par la liturgie pour ramener l'me vers Dieu, pour em-

pcher ceux qui ne travaillent point, de trop voguer la drive.Il

avait Chartres, le soir,

l'impression qu'il n'avait;

pas pri, qu'il avait dilapid son temps

et la hantise des

chants entendus lui revenant par bribes la

mmoire

entretenait son dsir de les couter encore, attisait, avecle

souvenir de splendides offices,

le

regret de les avoir

perdus.

L

OBLATla

Jamaisprire en

il

n'avait

si

bien comprisla

ncessit de la

commun,

de

prire

liturgique, de cette

prire dont l'Eglise a dtermin letexte.Il

momentles

et arrt leles all-

se disait

que tout

est

dans

psaumes,

gresses et les contritions, les adorations et les transes;

que

leurs versets s'adaptent tous les tatsles besoins. Il

d'me, rla

pondent tous

se rendait

compte de

puissance de ces suppliques agissant par elles-mmes,par la vertu de l'inspiration divine qu'elles reclent, parce fait qu'elles sont cellesoffertes qu'il

que

le Fils

formula, pour tre

son Pre par sesil

fidles Prfigures.

Maintenant

en

tait priv,

prouvait une dtaillance de tout

son

tre,

une impression d'implacable dcouragement,oui, disait-il son confesseur l'abbje suis

d'accablant ennui.

Eh

Gvreje

sin,

eh oui,dans

obsd par

les

vieux phantasmes;

mel'ai

suis inocul lele

savoureux poison deet jel'office!

la liturgie et je

sang de l'me

suis leje

morphinomane de

ne l'limine point. Je stupide ce que ; c'est

vous raconte, mais c'est ainsi Et l'Abb de Solesmes que pense-t-il de ces hsi-

tations? demandait le vieux prtre.

Dom

Delatte a des yeux qui rient et une bouche

qui se plisse en une

moue un peudans

ddaigneuse, lorsqu'il

coutequ'il

le rcit

de mes inconstances. Peut-tre croit-il

y

a de la tentation

mon

cas,

comme

je l'ai

cru,

moi-mme, longtemps. Et moi aussi, fit l'abb Gvresin.Mais vous neetle

pensez plus! rappelez-vous com-

bien nous avons implor la Vierge de Sous-Terre pourtre clairs;

chaque

fois

que

je

retournais Soles-

L OBLAT

9et

mes, l'impression coup sr, niIl

tait la

mme

encore non;

elle s'ag-

gravait d'une aversion irraisonne, d'un recul. Ce n'tait

un indice de vocation,

ni

une

invite...

y a bien, poursuivit Durtal aprs un silence, le terrible argument de quelques durs--cuire du Bon Dieu la raison vous atteste que la vie monastique est sup:

rieure toute autre existence,

il

n'est point besoin d'en

savoir plus; cela suffit; vous devez

donc vous engagerles

dans cette voie

et avoir assez

de volont pour subir

dsillusions qu'elle

mnage et les sacrifices qu'elle exige. Evidemment, cette thorie est d'un tiage surlev elle suppose une gnrosit exceptionnelle d'me, un abandon complet de sa personne, une foi toute preuve, une fermet de caractre et une endurance vraiment;

rares.

Mais, c'est se jeter l'eau pour l'amour de Dieu etl'obliger ainsi

vous repcherla

!

C'est aussi placer

charrue avant les bufset

;

c'est

mettre notre Seigneur aprsvocation,la

non avant;

c'est nier la;

touche divine, l'impulsion,

l'attrait

c'est

s'obir sans attendre lappelinfliger ses vues!"

du Christ auquel on prtendd'ailleurs, je n'ai pas tla sorte.

Je ne

m'y

frotterais pointla

;

men

par

ma Mre

Vierge, de

Et vous n'avez pas tort de ne point vouloir tenterla

le

Seigneur, dit l'abb; mais plaons

question,

s'il-

vous-plat, sur

un autre

terrain.

revtir la robe de l'oblature et clotreoffices.;

Rien ne vous oblige vous squestrer dans unet

vous pouvez loger au dehors

suivre

les

Je vous

l'ai

dj dclar, cette solution est la seule quii.

10

L OBLAT

vous convienne

;

vous avez franchi

l'ge des

leurres

;

vous avez trop acquis l'habitude d'observer pour quecte--cte continudes religieux vous soit

le

bon;

;

vousvivez

discerneriez trop vite les dchets qu'ils dclentprs d'eux et

non chez eux. L'opinion du l'autre et cesles

public sur les

moines va d'un extrme

deux extrmesjouffluset

sont aussi fous. Les uns, se

imaginent, selon une

gravure en couleur que vous connaissez,rebondis, tenant, d'une main, un ptl'autre, contre leur

et serrant, declisse d'osier,

cur, une bouteille

et rien n'est plus inexact, rien n'est plus

bte; les autres,

se les figurent angliques, planant au-dessuset c'est

du monde,

non moins inexactsont des

est qu'ils

hommes,

des laques, mais enfin

La vrit mieux que la plupart des hommes, soumis par conset

non moins

bte.

valant

quent

toutes les faiblesses, lorsqu'ils

ne sont pas abso-

lument des

saints

;

et

dame...

Nondans

je

reviens

adopter

mes moutons, la prudence consiste un moyen terme, vous faire oblat, hors et

n'y a pas une maison habitable Plomb, qui y est all, le sait, du reste. Solesmes est un trou l'existence sans la vie claustrale y serait horrible, car il n'y a mme pas de piomenades louer;

les

alentours du clotre, Solesmes.

A Solesmes, non. Ill'abb;

o

l'on puisse vaguer, l't, l'ombre. Ajoutezla;

ville

plus proche, Sabl, estet la lenteur des!

acabit

trains

que la un bourg de dernier pour gagner de l leil

Mans

et Paris

non, Solesmes,

n'y a pas de milieu,

l'abbaye ou rien.

Fixez-vous auprs d'un autre monastre, dans unefacile,

contre plus avenante et d'accs plus

en Bour-

1

L OBLAT

1

gogne, par exemple, ce Val des Saints dont vous a parll'abb

Plomb.

Dame, cela

serait voir.fini

Et

longue, cela avait

par tre vu. L'un desChartres et des-

pres de cette

abbaye

tait pass par

cendu chez l'abb Plomb quiDurtal.Ils

l'avait aussitt

abouch avec

taient faonnsFelletin taitsi

pour s'entendre.

Dom

ans, mais

un moine de plus de soixante-cinq souple et si jeune Grand et robuste, le!

sang fleur de peau et piquant

les joues, ainsi;

que des

pelures d'abricots, de points cramoisis

le

nez protub-

rant et remuant, lorsque le visage s'gayait,

du bout;

les

yeux bleuautour de

clair et les

lvres fortes, ce religieux efBuait

lui la pit tranquille, la joie

de l'me saine

etrenonce, de l'me qui sent bon. Plein d'enthousiasme

pour son Ordre, pris de liturgievait des

et

de mystique,

il

r-

groupes d'oblats formant une communautla

autour deIl

sienne.

bondit, pour ainsi dire, sur Durtal; et toutes lesseIl

questions

rsolvaient,

comme

par

avec

lui.

y

avait

justement louer,

du monastre une mente d'un vieux jardin et il vantaitavantageux,prs;

enchantement compte maison agrle

ct pa-

terne de son abbaye, la probit

videmment, disait-il, vous ne retrouverez pas chez nous l'art raffin de Solesmes; nous n'avons pas un pre Mocquereau pour diriger le chur mais -enfin, les messes sontdesoffices.;

tout de

mme

bien chantes, et;

les

crmonies sont,

vous

le

verrez, magnifiques

enfin,

deux pas du Vald'uvres

des Saints, vous avez une ville pleine

du

1

2

L OBLATet d'antiques glises et

Moyen-Agegte rien,

une

ville,

ce qui neles res-

trs vivante, et

pourvue de toutes

sources modernes, Dijon. Et Durtal, conquis pareffectuet,

la

rondeur de ce pre, avaitl'Abb,clotre.effet, trs

une

retraite

de quinze jours dans son couvent

sur les conseilset le jardin

mmes deproches du

il

avait lou la

maison

Et l'existence y avait t, en

douce.

L'abbaye

tait familiale et

sans ce ct de foule et de

sourde panique qui

l'avait tant

gn

Solesmes ;la

c'tait

un

peu, au Val des Saints, l'excs contraire,libert laisse

trop grande

chacun, mais ce n'tait pas Durtal, quise plaindre.vieillard

en

profitait,

Dom

Anthime

Bernard,

l'Abb, tait

un

de prs de quatre-vingts ans,et,

d'une saintet reconnue,cas,

en dpit d'incessants

tra-

d'une bienveillance attentive et d'une gaiet tou-

jours

neuve.

Il

accueillit

Durtal,

bras ouverts, luitait

dclara,

au

bout d'un mois, qu'ilet

chez

lui

au

monastreture.lia

pour bienil

lui

affirmer

que

cette assula cl-

rance n'tait pas vaine,11

lui

remit une clef de

est vrai

qu'en dehors

mme

de l'amiti qui

le

bientt quelques-uns des habitants de ce reclu-

sage, Durtal pouvait se prvaloir de sa situation excep-

tionnelle de postulant, puis de novice oblat; elle l'introduisait,

en

effet,

de plain pied, dans l'Ordre dont

il

devait, lorsque lefaire partie.

temps de

sa probation serait termin,

La question

si

obscure de l'oblatures'il

s'tait

en

effet

presqu'aussitt pose; maisrsolue, l'Abb l'avait aution de simple

ne

l'avait pas

clairement

moins tranche par une solu-

bon

sens.

L OBLAT

13

Commencez,commeanne,celui desles

votre noviciat, avait-il dit Durtal,

nous dlibrerons aprs.

Il sera d'un an et un jour, moines; vous suivrez, pendant cette

cours de liturgie de

Dom R lletin

et serez

assidu aux offices. D'ici l,

des renseignements et

nous aurons bien dcouvert des textes que vous tudierez,

vous-mme, avecftes servaient

le

matre des novices.les

Et Durtal ayant accept cette combinaison, toutes

de prtexte pour l'inviter dner au

mola

nastre.

Le travail,

les offices, les causeries, les

recherches

bibliothque du clotre qui contenait prs de trente mille

volumes l'occupaient suffisamment pour

qu'il

ne pt s'enparaissait;

nuyer. Puis, certains jours o l'existence

lui

un peu lourde,fois,il

il

prenait le train pour Dijon

d'autres

se plaisait rvasser dans le jardin,

dont unejardinier,folles,

partie tait reste,

malgr'

en

friche

;

et

c'tait

les objurgations du une pousse d'herbessait

de

fleurs

sauvages venues d'on nefouillis

o ;

et

Durtal s'amusaitles

de ce

de vgtations, se bornant arracher

orties et les ronces, les plantes hostiles, prtes toufferles autres; etil

songeait, au printemps, laguer tout de

mmeplace

une

partie de ces intruses

pour organiserpetit

leur

un

jardin liturgique et

un

clos

mdicinal

copi sur celui que

Walhafrid Strabo avait autrefois

plant dans les dpendances de son couvent.

Une

seule chose laissait dsirer dans la solitude dele service.

son refuge,

La mre Vergognat, une paysannetait

du hameau,

sa

bonne,

au-dessous de tout. Indo-

lente et soiffarde, elle aggravait la pitoyable qualit des

comestibles par sa faon drgle de

les cuire

;

elleigno-

14rait la

l'oblat

modration, oprait dedela

telle sorte

que l'on s'emseles

ptrait les dents dans

glatine

ou qu'on

branlait, enparti

mchant du bois. Durtal avait adopt le d'offrir ne pouvant faire autrement d'ailleurs

au Seigneur, en expiation de ses vieux pchs,tentielle

la

pni-

misre de ces plats, quandla

il

apprenait, par unIl

tlgramme,jet, affol,

dans

mort subite de l'abb Gvresin. le rapide pour Paris, avait defois,

s'tait

l

gagn

Chartres et revu, une dernire

sur son

lit

de mort,avait s-

l'hommel'abb

qu'il

avait peut-tre le plus aim.

Il

journ, quelques jours, dans cette ville et,

voyant quepourde

Plomb, un de

leurs amis

communs, ne pouvait

recueillir la servante

du dfunt,

M me

Bavoil, parce qu'il

avait depuis six mois, appel sa tante auprs de lui

diriger sa maison,

il

avait offert la brave

femme

l'emmener au Val deset

Saints, en qualit de

gouvernante

d'amie.Il

tait reparti

de Chartres sans rponse prcise, car

elle

ne

savait quoi se dterminer; puis,il

quelques se-

maines aprs son retour en Bourgogne,lettre d'elle luiIl

avait reu

une

annonant sonchercher

arrive.

tait all la

la gare

de Dijon;

il

s'atten-

dait bien

une descente de chemin deet elle

fer cocasse, car

M mede

Bavoil tait dpourvue de tout prjug en matire

toilette

ne pouvait se rendre compte dele

l'-

tranget de son fourniment, mais elle

stupfiale

quandla

mme,

lorsqu'il l'aperut,

s' agitant

dans

cadre de

portire, coiffe d'un fabuleux

bonnet ruches noires;

et

brandissant un parapluie couleur de cendredescendit du wagon, tranant aprspisserie entre leselle

puis, elleta-

un cabas enle

deux pattes duquel passait

goulot

L OBLAT

I

5

dcapsul d'un

litre et

ce fut, aux bagages, la rise desbizarre qui tenait

quipes, dbarquantbuffet et

une malle

du

du sarcophage, quelque chose de long

et d'-

norme

et aussi

d'on ne savait quoi de velu, car lorsqu'on

l'examinait de prs, l'on constataitse dressaient

que des

poils de porc

sur le couvercle, poussaient en de largesles

bandes dans

Qu'est-ce Mais, monEt, tandis

plaques fatigues du bois.

qu'il

y a l-dedans ? s'cria-t-il avecet

effroi.

linge

mes

effets,

rpliqua-t-elle

tranquillement.

qu'un peu honteux,de

il

confiait ce ridicule

monument aux employsquadrill surr

la gare, elle souffla,

puisaet

dans sa poche un mouchoir grand

comme une

nappe

un fond nankin de

filets bistre et elle

pous-

seta le crucifix de fer blanc qui ballottait, au

bout d'unechose

chane, sur son corsage.

nous avons

Voulez-vous manger ou boirele

quelque

?

temps, proposa Durtal.!

Vous plaisantez

et elle avait extraitlitre

du cabas un

croton de pain

et sorti

son

d'eau, moiti, vide. J'ai

et, placidemang et bu en route, en voici la preuve mentale s'tait vers le reste de l'eau sur les mains qu'elle

secouait coups de bras, sur le quai, pour les scher.

dit.

Maintenant,F-t

je suis

vous, notre

ami, avait-elle

Durtal s'en doutait avec un peu d'ennui

l'arrive au

Val des Saints avait t bruyante. Les paysanssurle

regardaient, bahis,petite

pas de leurs portes,

cette

femme,ge et

grle et noire, qui gesticulait et s'arrtaitles enfants, leur

pour embrasseret leur

demander

leursle

nomspouce

les bnir,le front.

en leur dessinant avec

une croix sur

II

n bien,d'un-

Madameclotre,

Bavoil, vous n'tes pas tonassise, ici, ?il

ne de vous trouveravec moi

deux pas ya

Mais, notre ami, pourquoi serais-je tonne?le lot

longtemps quemoi.

des surprises ne se tire plus pourj'ai

Quand:

le

cher abb Gvresin est mort,

dit

Dieualler

faut-il demeurer Chartres, retourner Paris ou

rejoindre

le

brave Durtal qui

m'offre

un gte?

que vous^n semble ? puisque vous vous tes constitu l'intendant des biens de ma pauvre me, rgissez-les votreguise et dirigez-moi sur

coups. Cependant

si c'tait

diligent Seigneur, je

ma nouvelle route, sans trop d' un effet de votre bont, mon voudrais bien ne pas me dpiter;

en de longues attentesvite.

agissez donc,

s'il

vous

plat,

Et vous voil.

Dame, saut

erreur, c'est la rponse

que

j'ai

cru en-

tendre; mais ce n'est point tout cela. Siprs de vous, au Val des Saints, c'est

je suis, ici,

au-

pour m'occuper

de votre

mnage

et

vous

servir

;

causons donc un peu

L OBLAT de ce pays, deil

1

7

qu'on y mne, des ressources dont dispose, pour organiser notre train-train et nousla vie

nourrir.

Le village, vous l'avez vu, au sortir de la gare ; il compose d'une rue et de quelques chemins bords de chaumines; il contient environ deux cents feux, possde une boutique de boucher, une de boulanger, une d'picier dbitant du tabac et de la mercerie ; telles sontseles

ressources; les denres s'y prsentent, sinon on-

reuses,

au moins excrables

et

il

est ncessaire

de se

rendre,

pour s'approvisionner,la

Dijon, toutes les sea prpar jus-

maines. D'ailleurs,qu' ce jour

mre Vergognat, qui

ma

popote, vous renseignera mieux quele

moi sur

le

choix et

prix des comestibles; elle viendra,

ce soir, et vous pourrez, votre aise, l'interroger.

La maisondela

n'est pas mal,

autant que

je

suis

mmeest

juger paret

un premierdesilence?

clin d'il et le jardin

spacieuxBavoil,et

plant

beaux vieux arbres, reprit;

M me

aprs

un

tout est donc pour le

mieux;

vos Bndictins

Ils

habitent l; tenez, regardez par

la

fentre

la

longue range des croises du monastre

et le

clocher

de l'glise; vous ne tarderez point, au reste, les connatre,

car

il

est

bien rare que l'un d'eux traverse leici,

bourg sans passer par

pour

me

serrer la

main

;

ce

sontdepieusesgensdont lafrquentationestunrconrbrt.

Une cinquantaine, convers. Eh, notre ami,

Ils

sont

nombreux

?

y compris

les

novices et les

c'est!

une grande abbaye que ce

couvent du Val des Saints

iS

l'oblat

dela

Oui,

c'est l'une des

plus importantes fondations;

qu'ait autrefois cres

Solesmesancienne

c'est le

grand

clotre

Son origine Oui, yil

Bourgogne.

est

?

eut, en ce lieu,

un prieur dpendant de prs de cinq

cette illustre

abbaye de Saint-Seine, situeet

lieues de

Dijon

dont

les

btiments rpars ou plutt

changs de fond en comble se sont mus en des usinesd'hydrothrapie et des entrepts de malades qu'on douche.

nom,le

Saint-Seine qui fut institue, en 534, par le saint de ce a compt parmi ses religieux saint Benot d'Aniane,

rformateur de l'Ordre de saint Benot, au IX e sicle;fut florissant;

son prieur du Val des Saintsencore l'poque dela

il

subsistait

Rvolution, mais

il

tranait

unesansil

pit languissante et achevait d'gouttergloire.Il

une

vie

disparut dans la tourmente.

Il

a t

exhum

y auneet le

trentaine d'annes, seulement.

Dom

Guranger,

l'Abb de Solesmes, auquel on donna ses ruines, le rdifia

peuplade moinesil

et, de

minuscule prieur

qu'il tait

ses dbuts,

devint une puissante abbaye.

Et l'ami de l'abb Plomb, celui qui est venu nousje!

voira Chartres, Dom....pas la

ne

sais quoi...

ah

!

je n'ai

Dom mme, Oui, matre des novices. Je contente de Vous reverrez; annonc votre Alors, comme des moines vous avezFelletin.

mmoire des noms

C'est celail

est-il ici ?

est le

serai

le saluer.ai

le

je lui

arrive.;

socit,

celle

et,

en dehors d'eux

?

En dehors

d'eux, dame, c'est plutt court.

Il

y

a,

L OBLATdans ce bourg, un vieux garon trs bizarrebourru, maisbelleet

1

9

un peu

bonhomme, M. Lampre.;

Il

habite

une assez

>ur les Bndictins qu'il adore

maison contigu au monastre. Il daube sans arrt mais c'est une affaire;

deil

mots

lorsqu'il dit:

d'un pre

:

c'est

une pieuse brute,le

faut traduire

c'est

un

religieux dont les ides ne con;

:ordent pas absolument avec les siennes'entendre.

tout est de

Comment moines frquentent-iis connaissent savent que personne neles

le

?

Ils le

et

leur

:st

plus dvou;

il

l'a

prouv

etil

maintetait le

fois

;

d'abord

snles gratifiant de l'abbaye dont2n s'allgeant

possesseur, puis

leur profit, lorsqu'ils subissaient des

momentsqu'ille

difficiles,

d'imposantes

sommes

;

la

vrit est

rve d'une perfection idale qui ne peut exister' et

ct

['irrite.

Il

humain que chaque cnobite garde forcment n'en est pas moins, malgr ce travers, un;

:hrtien et serviable et pieux>ur les us et

il

est fort savant, d'ailleurs,

coutumes monastiques et il possde une bibliothque spciale de monographies conventuelles et surtout une collection d'enluminures des plus rares.

En dehors devisiter,[ail

ce laque, le seul que l'on ait plaisir

y a une oblate

M"

de Garambois qui est bien

plus charitable des cratures et la plus indulgente des

vieilles filles. Elle recle

dans un corps de grosse

damele

un peu mre, une me toute jeune, une me toute blanche, de petite enfantvillage et;

on

rit

un tantinet

d'elle,

dans

dans l'abbaye, cause de sa manie de porter;

du jour elle est un ordo vivant, un calendrier qui marche elle est le fanion du rgiment on sait qu'on va clbrer la ftesur sa toilette les couleurs liturgiques; ;

20

L OBLAT

d'un martyr lorsqu'elle pavoise son chapeau de rouge oucelle

d'un confesseur lorsqu'elle arborele

les

rubans blancs;

malheureusement,restreintet elle lele

nombre des

teintes ecclsiales estla raille;

dplore assez pour qu'on

mais tout

monde est d'accord pour admirer sa candide belle humeur et son infatigable bont. Vous la verrez et ne serez pas longue discerner ses:

deux ardentes toquades

la

fine cuisine et les offices

;

ellej

raffole des fastes liturgiques et

des petits plats

;

sur ces

matires, elle en remontrerait au plus ruditdes matres-

queux

et

au plus studieux des moines.

Dites!

donc, notre ami,

elle n'est

pas banale votre

oblate

Et

ce qu'elle les aime, ses Bndictinselle fit;

!

elle

eut jadisl'able

la

vocation d'une moniale et

son noviciat

baye de sainte-Ccile de Solesmesterminer,elle

mais, avant de

tomba malade

et dut, sur l'ordre

du m-

decin, l'abandonner; elle se console maintenant, en vi-

vant dans

les

environs d'un clotre; lamonialedessche

a reverdi oblate.

tre savante

Mais pour comprendre?;

ainsi la liturgie, elle doit

Elle

sait le latin

elle

l'a

appris

pendant sonoffice divin,

noviciat Solesmes etellel'a, je crois, retravaill depuis;

mais, sortie des traitssur

le

plain-chant et

1

rien ne l'intresse; elle jubile pourtant, ainsil'ai

quela

je

vous;

racont, lorsqu'il s'agit d'une savoureuse cuisine

alors, elle est le

Cordon bleu conventuel,;

Mre de

Blmur du fourneau elle peut aussi bien rciter les recettes de manuels culinaires que les antiennes du Psautier.

L OBLAT

2

I

elle

Pourquoi ne

rside-t-elle pas dans ce

Solesmes o

a

il

commenc son

noviciat

?

Parce qu'elle n'a, ainsi que moi, dnich aucune

location

dans ce bourg

;

et puis,

elle est la

nice deai

M. Lampre, defixer auprs

ce vieil original dont je vousqui luireste et elleest

parl;se

est le seul parent

venue

de

lui et

du monastre.

Et Non,vivaient

ils

habitent lails

mme

maisonils

?

ont beau se choyer, cte

se dvoreraient s'ils

constamment ctesi elle

;

je

vous

laisse

pen-

ser d'ailleurs

change des coups de bec

et d'ongles!

avec

lui, lorsqu'il

mdit de

ses chers

moines

Except ces deux personnes, nul, frquenter dans ce trouretors et;

je le rpte,

n'estet

les

paysans sont cupides

quant aux gourdes armories, aux noblaillonsils

qui croupissent dans les chteaux des alentours,

sont

certainement, au point de vue intellectuel, encore infrieurs

aux rustres

;

on

se salue, lorsque l'on se rencontre

et c'est tout.

elles ne humaines d'abord, les sont pas hroques, sont bien Bndictins rgissent, ici, la paroisse autrement dit, leilssi;;

Et comment sont-ils avec

le

monastre

?

Mal;

l'excrent pour des causes qui,

cur est un des religieux de l'abbayedesSaints est la fois abbatiale et

;

l'glise

du ValOr,le

paroissiale.

pre cur ne peut accepter les invitations des chtelainset

parader dans leurs salons,

comme

le

pourrait faire

un

prtre plus libre; les

hobereaux n'ont donc pas de des-

servant qui soit eux, sur lequel leurs

mettreintrts

la;

mainmise

et diriger

premier grief;

femmes puissent au mieux de leurs propresparmiles

ensuite,

seigneurs

22

L OBLATlieu, figure

du

blasonne,

qui aime chanter

une imprieuse baderne, plus ou moins les morceaux d'oprasAtours a tent d'obtenir, aula

ajusts par les sclrats de la pit, au culte; diversesreprises, ce baron des

mo-

ment du mois de Marie,falibourdes dans l'glise;

permission de roucouler ses

rabrou,

les moines l'ont, naturellement, musique des sous-Gounod et de sous-Massenet n'tant pas encore, Dieu merci, admise dans les clotres. Alors, ses amis ont pris fait et cause pour lui etlails

ne pardonneront jamaisbaderne

l'abbaye d'avoirlefilet

empch

ladite

de souiller avec

saumtre de saet celui-l

voix les murs du sanctuaire;n'est pas le

second grief;

moindreils

!

Eh bien, Ce sont;

sont decoulis

jolis

cocos, vos noblesdes

!

des

d'imbcillit,

sublims

de sottisevoil.

nous sommes en province, Madame Bapaysans sont-ils aussi mal disposs pourle

Et

les?

couvent

Us vivent de

lui

;

ils

en reoivent des bienfaits

et

par consquent

ils le

hassent.

Mais

c'est

un pays de brigands dans!

lequel vous

m'avez amene

;

Non,

rpondit, en riant Durtal

;

il

n'y a pas

de

brigands au Val des Saints, mais des parangons de vanit et despis

modles de btise

;

aprs tout, c'est peut-tre

mais vous n'avez qu' m'imiter, refuser absolules

ment de

connatre et vous aurez

la paix.

Qu'est-ce qui sonne l? interrogea

M me Bavoil quiIl

coutait le tintement prolong d'une cloche.

Cesont les premiers coups des Vpres.

doit tre

L OBLAT

23fit

4 heures moins 10 insulta sa montre.

plus une minute ?

Durtal qui

Nous

allons aux Vpres

Certainement, d'autant que ce sont celles de l'Exal-

tation de la sainte Croix, ce soir.

Alors,?

je

vais voir,

pour

mon

dbut,

un

bel

office

Voir, nonetsi

;

entendre, ouile

;

cette fte est

un double

majeur

ne comporte pas

luxe que vous pourrez ad-

mirer aux doubles de premire classe, Nol, par exemple; mais

vous n'assistez pas une magnifique crmodansles

nie

se

droulant,

mandres

enflamms duson

chur, vous couterez au moins un

office splendide-

ment compos avec

ses merveilleuses antiennes et

hymneIls

brlante, teinte de sang.

et

taient arrivs, en devisant, devant l'glise.

Oh

mais, elle est antiquele

!

s'exclamale

M me Bavoil,la

en regardant

porche qui arborait

ton de

pierre-

ponce

et se fleurissait

de mousses, couleur d'orpiment

de laque verte.

Oui,le

le

clocher et

le

porche sont du xv e

sicle,

mais tout

reste de l'glise est neuf. L'intrieur a t

reconstitu, tant bien

que mal, enlaidi par un affreuxsaufle

chemin deblanches;

croix, clair,

fond, par des vitres

l'glise

du Val des Saints n'est plus qu'un sou-

venir inexact de ce qu'elle fut dans sa jeunesse; cependant, l'abside avec ses anciennes stalles qui proviennent

d'une autre abbaye

et

son autel qui, bien que moderne,;

est habile, n'est pas trop offensanteIls

jugez-en.

entrrent;

la

nef s'tendait, assez vaste, sans piliers,

cartele d'un transept contenant, d'un ct,

une cha-

24pelle de la

L

OBLATde l'autre, une chapelle declaire,

sainte Vierge,;

saint

Joseph

elle tait

mal

presque noire.

Au

bout, deux rangs de stalles s'allongeaient, droite et

gauche du sanctuaire,

allant partir de la table de

comri-

munion

jusqu' l'autel en pierre, de forme gothique, qui

se dtachait sur

un mur

peint, en trompe-l'il, d'un

deau brun.

Des vitraux modernes dressaient, dansmur,nages dontles

le

haut de ce

leurs lames droites de verre, enduites de person-

nuances taient

la fois criardes et

molles.

L'on discernait, lorsque le temps n'tait pas trop couvert,

Notre Seigneurd'un rouge

et sa

Mre, habills

d'toffes tubulaires

acide

de groseille et d'un bleu de Prusse,

dur; puis saint Bnigne de Dijon, coiff d'un pain desucre couleur de potiron et affubl d'une chasuble oseillesaint Bernardsale d'eau;

envelopp dans un manteau d'un blancriz;

de

saint Benot, saintet sainte

Odilon de Cluny,

sainte Scholastique

Gertrude vtus de coulesy avait une vingtainela

d'un noir de raisin sec.Cela avait t teint et cuit,il

d'annes, par un Lavergne quelconque.

M mesursicles

Bavoil,que ces affronts de

vue ne suppliciaient

point, s'agenouilla

une

chaise,et

rondes

quand elle eut achev son inspection, tira d'un norme porte-lunettes des bese prit lire dans un volume encombr

d'images qu'elle baisa.

Les cloches tintrent assez longtemps, puis se turentet,

;

quelques minutes aprs, 4 heures sonnrent et elles retentirent encore. Un bruit martel de passe fit entendre sous lesdernires voles

des sons.

M me

Bavoill'glise,

tourna

la tte;

par une porte situe au fond de

L OBLATles

25

moines entraient, deux par deux, derrire l'Abb, sa croix

seul, reconnaissable

pectorale d'or

;

et

ils

montaientbarre del'autel,

les

quelques marches du chur, devant

la

communion,

s'agenouillaient par couple devant

puis aprs s'tre relevs, se saluaient et gagnaient

leurs places, l'un, droite,

gauche du ct de l'Evangile,l'Eptreet;

l'autre,

du ct dele

et tous,

genoux

alors, se

signaientpetit

front

les lvres,le

se redressaient

un

Abb sur son pupitre et, courbs en deux, attendaient un nouveau coup pour commencer l'office. None se droula simplement psalmodi et lorsque lescoup frapp parpre

moines eurent termin,signal d'entonner Vpres.

ils

restrent

debout, inclins

encore, en silence, jusqu' ce que l'Abb et donn le

Les psaumes taient ceux des dimanches,

si

frquents

dans

la liturgie

des autres jours que Durtal les savaitl'intrt reprenait

forcment par cur;lui

surtout pour;

aux antiennes, au rpons brefil

et

l'hymne

mais, ce

soir l,

rvait

non

pas au loin de l'office,

puisque

l'otfice tait la

causeil

mme

de ses songeries, mais dans

ses alentours

;

se rptait l'histoire de cette Exaltationle

de

la

Croix

qu'il avait lue,

matin, dans

les

Lgen-

daires du

Moyen-Age.d'abordla

Etcise

c'tait

confuse vocation d'une ind;

Asie, grimaante et quasi folle

puis la vision sesacr,

prcisait, s'arrtait sur le ravisseur

du gibet

sur

l'tonnant Khosros qui, au vn e sicle, envahittoire

le terri-

de

la

Syrie, prit d'assaut

Jrusalemet,

qu'il

pilla,

s'empara du grand prtre Zacharie

triomphalement,bois de la vraie2

ramena, dans son royaurie de Perse,

le

26

L OBLAT

croix laiss par sainte Hlne aux lieux

mmes o

le

Christ avait souffert.

Unecetle

fois rentrfit

dans ses Etats, l'orgueil dmesur de;

homme

explosionil

il

voulut tre ador

comme

Seigneur et

dcrta tranquillement qu'il n'tait nile

plus ni

moins que Dieula

Pre.

Pourabdiquatruisit

s'appliquer, tout entier, ce

nouveau

rle,

il

souverainet entre

les

mains de son

fils,

cons-

une tour dont

les murailles extrieuresil

furent

evtues de plaques d'or et

s'y

enferma, au rez-de-

chausse,

en une trange

salle

cloisonne de mtauxpuisil

prcieux et incruste de

gemmes;

voulut, ainsilui et le

que

le

Tout-Puissant, avoir son firmament

plafond s'leva des hauteurs vertigineuses et s'claira,jour, par un soleil savamment exerc, la nuit, par une habile lune autour de laquelle ptillrent les teux colors des toiles teintes ; ce ne fut pas assez ce ciel immuable, machin par des centaines d'esclaves, le lassa;le;

il

exigea les intempries,il

les

ondes,

les

orages

des

vritables saisons et

installa, au

sommet deles

la tour,

des appareils hydrauliques qui purent, volont, distri-

buer

la pluie fine

des temps qui se gtent,les

rafales;

d'eau des trombes,il fit

gouttes amicales des soirs d'tjets

galement apprter des

de foudre et de pesantssur

chariots roulrent dons les souterrains de la tour,

des pavs

mtalliquesles

et

branlrent du bruit de leur

tonnerre

murs.

Alors

il

se crut l'indiscutable sosieet

du Pre

et,

au

fond de ce puits lam d'orferm parla

ponctu de pierreries,il

coupole d'un firmament de thtre, la droite

sigea,la

demeure, sur un trne,

duquel

il

planta

L OBLAT

27

croix du Sauveur tandis qu'il huchait, gauche, sur la

pyramide d'un fumier encoq.Il

filigranes d'argent bruni,

un

entendait reprsenter de la sorte le Fils et

le

Saint-

Esprit.

Et ses anciens sujets dfilrent devant cettepeinte et tiare,

idole

immobile dans son manteau

d'or, dar-

dant des tincelles de toutes sesles

gemmes

qu'embrasaient

rayons lumineux des faux astres, fulgurant, incom-

bustible, aansce brasier de

murs et d'toffes tout encrevasse

lueurs.

On

se figure, entre la croix et le coq, sous ia mtrela

en flammes,

tte

parchemine,

de

rides

ravinant le front et les joues sous l'enduit des ptes,la

barbe anneleet natte,

les

yeux creux

et dserts, vi-

vant, seuls, en cette statue d'or, adule par les prires

qui montaient autour d'elle, dans les tourdissantes va-

peurs des olibans, les prires qui invoquaient, auJsus, Dieule

nom

de

Pre.?

Cette mascarade dura combien de tempsdit la lgende; toujours est-il

quatorze ans,

qu' un

moment l'Empeet

reur Hraclius parvint runir unepartit la

immense armedfitle

recherche deles

la sainte croix. Il

rencontra prs

du Danubeque danstous

troupes du ravisseur,et rejoignit,

en combat

singulier son

fils

en Perse,

vieux monar-

sa tour.fils

Khosros ignorait que sonle

et t vaincu, car

hassaient et personne n'osait lui

annoncer cette

nouvelle.Il faillit

trpasser de rage lorsqu'il vit entrer, suivi de

sa cour, l'Empereur Hraclius qui, L'pe la

main,

lui

dit:

2S

l'oblat

boistrs

Roi, tu

as,si

malgr tout, honor

ta

manire

le

du Christ;

doueet

tu

consens avouer que tule

n'es qu'un

homme

que tu n'es par consquent que

humble

serviteur du Trs-Haut, tu auras la vie sauve.

Je reprendrai simplement la croix de notreet te

Rdempteurt'cherra, car

permettrai de rgner sur tes peuples en paix. Parsi

contre,

tu refuses ces conditions,

mal

aussitt je te tuerai.

Enetil

l'coutant,

les

yeux de

Khosros flambrent,et rejeter

rouges,

comme les

prunelles nocturnes des vieux loups,

se dressa

pour maudire son adversaireoffres.

avec mpris sesAlors,vieillard;

d'un revers de lame, l'Empereur dcollaet la tte

le

vola et rebondit sur les dalles, sela

balana un instant sur

nuque, hocha,

ainsi

que pourd'und'or

rpondre encore non,tombait, versant par

et finalement s'inclina tout

ct et les yeux s'teignirent, tandis que lale

momie

trou ouvert du col, deflots

mme

que par une bonde dbouche de tonne, desEt Hracliustour.fit

de sang.

ensevelir le souverain et dtruisit sa

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto.les

Tous

moines debout dansleils

leurs stalles

taient

courbs en deux,plac devant eux;erat in principiosaecula'Il est

front touchant presque au pupitrese relevrent en rassirent

rpondant:

:

Sicutet

et se

en terminant

in

sasculorum,

Amen.la sorte,

absurde de s'vaguer de

pensa Durtal

;

je ferais la

mieux de suivre mes Vpres que de courircontrouve; l'histoire est plus simple.

ainsi

prtentaine propos d'une fte dont la lgende est

d'ailleurs

L BLAT

29 soumit Jruprisonnier

En ii,salem,

le

roi des

Perses, Khosros

avec l'aide des Juifs quiil

prtendaient reconsrit

truire le temple;le

gorgeaet

les

Chrtiens,

grand prtre Zacharie

emporta

le bois

de

la vraie

croix.

Ce

fut alors

une croisade des catholiques contreCilicie,et,

ce mcrant.

L'Empereur Hraclius dbarque enbataille d'Issus,

gagne

la

retourne Constantinople

soutenumassacre

par les tribus du Caucase, se rue sur Trbizonde o pour

vengerles

le

meurtre des prtres de

la

Jude,

il

mages; puis, aprs s'tre alli avec les hordes du Volga, il marche de nouveau contre l'arme des Perses,la bat

Ninive et se replie sur Taurus. L,

des profils

positions de paix lui sont prsentes par Sisros, le

du

roi, qui vient;

d'assassiner son pre; elles sont ac-

ceptesaigles

le

prtre Zacharie est dlivr et la Croix et les

romaines conquises

Jrusalem par Khosros sontsans

rendues.

Khosros aurait doncqu'il soit question

t trucid par son

fils

et

d'une tour machine et d'un coq.il

Quantil

Hraclius,

rsolut de

rameneret

le

Signe du

Salut au saint Spulcre; lorsqu'il fut arriv Jrusalem,

chargea

la croix sur

son paule

voulut

commencerlui

l'ascension du Golgotha; mais lorsqu'il eut atteint la

porte de la

ville

qui

mne

la

montagne,

il

fut im-

possible d'approcher d'un pas. Alors, le patriarche Zacharie lui fit

observer que quand le Christ tait entr paril

cette porte,

n'tait point par d'habits

royaux mais

vtu simplement et mont sur

un

ne, donnant ainsi

un

exemple d'humilit aux

siens.

L'Empereur

se dpouilla aussitt de sa pourpre, ta ses

30

L OBLATla

sandales et s'affubla deaprs quoi,vaireil

dfroque d'un pauvre; cela

franchit sans difficultsla

pente du Cal-

et replaa

croix au lieu

mme o

Khosros

l'avait prise.

Cela n'empche que ce brave Hraclius a malconclut Dunal, carlites, c'est--direil

fini,

a

propag l'hrsie des monothla

de ceux qui, tout en reconnaissantla

nature divine et

nature

huma

:

'?e

de Jsus, n'attri-

buaient ces deux natures distinctes qu'une seule opration,...

qu'une seule volont... et

il

est

mort, laissant

des successeurs demeurs clbres par leurs dvergon-

dages

et

par leurs crimes.office. Il lui fut

Et en voil assez; revenons notrefacile cette fois

de se rcuprer ;Vexilla Rgis

le

chur

chantait l'hymne

de Fortunat,

le

et l'envole

superbe de

cette squence, le dfil de ces strophes charriant d'im-

ptueux trophes,extasi, ces cris de

le saisissaient

aux moelles.

Il

coutait,

triomphe

:

l'tendard

du Souverain

s'avance, voici que resplendit le mystre de la croix etces apostrophes dbellatoires, ces clameurs d'allgresse:

arbre

blouissant

que rougit

le

sang d'un Dieu

balance aux bras de laquelle se suspend la ranon du

monde,les

salut,la

Et ce fut

croix, unique espoir longue antienne du Magnificat, rptant!

acclamations et les louanges du poteles astres,

:

croix,clous,

plus radieuse que

douxle

bois,

douxle

soutenant un poids plus doux encore... et

Magnificat,

entonn sur

le

ton solennel et

Salve Regina rappe-

lant la crature la ralitles

du pch, implorant, aprsvos offices,

Savez-vous

hourras liturgiques, sa grce...qu'ils sont trs attrayants

L OBLATdit

3I

M me

Bavoil,

lorsqu'ils;

furent

sortis

de

l'glise.

N'est-ce pas

c'est autre

chose que dans

les cath-

drales de Paris et de Chartres; ce qui

manque

toutefois

ces offices Bndictins, c'est la voix de l'enfant; mais

on ne peut toutrmonies depuiselles

avoir; je devrais tre blas sur ces cle

temps que

je les

pratique, mais. .

non

;

me

semblent, chaque jour, neuves.

j'coute encore

avec plaisir ces quatre psaumes du dimanche dont nous

sommes

satu-rs, car ils se ritrent

ternellement pro-

pos de presque toutes

les ftes.

Pourquoi

la

liturgie attribue-t-elleet,

une

pareille

importance ces psaumes?

au

fait,

pourquoi en avezcar enfin,il

vous quatre auen manque un,

lieule

de cinq,

comme nous?ont

dernier.le

Oui,

les

Vpres bndictines

dernier

psaume du romain en moins et en plus une leon brve qui est gnralement une merveille de mlodiedfrente et cline; pourquoi?

je l'ignore;

sans douteintact de-

parce

que

l'office

monastique a

t gard

puis son origine, tandis que le romain s'est amlior

avec les ges et ne s'est arrt que quandsa

il

a eu atteint

forme

dfinitive,le

son apoge

;

quant aux causes qui

ont motiv

choix des quatre premiers psaumes

du

dimanche de prfrence aux autres pour empreindre dela

parole duPsalmiste tant de festivits, elles sont expliles

ques d'une faon plus ou moins illucide par

manuels.

Pour

le

psaume du dbut,

le

Dixit

Dominus Dominol'a

meo

, cela se

conoit; Notre Seigneur;

cit

pourla

dmontrer sa divinit aux Pharisiensplace d'honneur.

il

est

donc naturelVpres

que ce chant messianique occupe dans

les

Le troisime

Beatus vir qui timet

32

L OBLAT

Dominum

a t, de

son ct, mentionn par saintencore une raison

Paul, dans son Eptre aux Corinthiens, pour les inciter pratiquer largement

l'aumneclairs;

;

c'est

de prcellence

;

moins

sont les mobiles fournirle

pour

les

deux autresla

cependant,

deuxime,

le

Confitebor tibi,

Domine, intoto corde meoune allusion

contient,

en parlant debreux, dansle

manne que Jehovah

distribua

aux H;

dsert,

l'aliment Paschal

peut-tre est-ce pour cela qu'il fut mis hors de pair;enfin, le quatrime, le

Laudate pueri

Dominum

estla

un beau cantique de louanges quisrie.Il

clt

dignement

n'en est pas moins vrai que

les

Vpres n'ont point

ce caractre bien tranch de

la prire

du

soir,

si

partiIl

culier dans l'office, admirable celui-l, des Complies.est fort

possible

que

DomLa

Cabrol

ait

raison lorsqu'il

nonce dans son

livre

Prire antique

que

les

psaumes des Vpres dontPsautier, ont t pris,tion, lasuite.

numros se succdent au sans souci du sens et de l'applicales

Ces interprtations ne paraissent pas

vous

satisfaire?

Mais, notre ami, je n'en sais rien

;

il

me

semble

au moins, selon

ma

petite jugeote,

que vous cherchez?

midi quatorze heures. N'est-ce pas plus simple

Le

premier psaume figure Notre Seigneur auquel plus per-

sonnellement

il

s'adresse

;

le

Beatus vir

s'appliquele

au Juste, saint Joseph qui est ainsi qualifi tout

long de son office;ses expressions

le

Laudate puerile

qui rappelle parla

mmes

Magnificat,

sainte Vierge., je n'avais

Quant au second psaume, au

Confitebor

pas devin, mais puisque vous m'attestez qu'il a trait au

L

OBLATpourle

3 ^

Saint-Sacrement de

l'autel, c'est

mieux;

je

puis

avec ces psaumes prier plus spcialement Jsus en sa

PersonneMarie

et

sous

les

Espces Eucharistiques, sainteje

et saint

Joseph,

n'en demande pas plussi

m'inquite point de savoir

cet office est plus

et ne ou moins

bien adapt aux besoins des soirs. Autre chose mainte-

nant; nous voici en plein village. Cette boutique d'assezvilaine

apparence qui se dtache l-bas au

fond de

la

ruelle, c'est celle

Oui,

je

du boucher o vous achetez la viande? dois vous prvenir maintenant que l'on

mange

qu'au clotre, ici. Le boucher tue, un jour, un buf, soyons plus exact, une vache, un autre jour, un mouton, un autre jour, un veau la plus grosse part de ces animaux est naturellement rserve au monastreainsi;

qui, en dehors

mme

des htes, a cinquante bouches la

nourrir

;

nous devons donc emboter

filire;

de

la

vache, du

mouton et du veau, servie au

clotre

car vous

pensez bien que l'on n'abattra pas une bte exprs pourvous, pour

M. Lampre etM Ue de Garambois

;

nous nous

repaissons donc tous, religieux et laques, de lapitance, le

mmele

mme

jour; cela ne serait rien, malgrsi

manque degeait

varit de ces mets,la

ce boucher n'gorle

sonle

btail,;

veille

au soir ou

matin

mmeet

o

il

dbite

et

dame

alors,

on mastique des chosesdu caoutchoucdela

innomables qui tiennentfiloselle.

la fois

La

cuisine corrige jusqu'fit

un;

certain

point lesil

viandes trop fraches,vient,

Mil

me

Bavoil

seulement,

con-

en ce cas, de dire adieu aux ctelettes;

grilles et

aux biftecks saignants

est,

en

effet,

ncessaire de

mettre mijoter, pendant des heures, dans une casserole

J4

L 0I3LAT

ce que...plaisait

commentChartresla?

appeliez-vous

le

gigot qui vous d-

De8

carne ou de

la

bidoche,

Madame Bavoil

;

ce

sontM'"

les inlgants

synonymes d'une irrductible

viande.

Voyons, fit-elle, si mande, elle n'use pas deAlors,

Bavoil sourit, puis se frappa le front.

M"

de Garambois est

si

gour-

cette carne?

dont vous parlez. Dijon

d'o

comment

s'arrange-t-elle

Ohelles

!

elle et sa

bonne sont constammentagira, au

rapportent des provisions.bien! l'onbesoin,

Eh?

commefer

elles;s'y

combien de tempsrendre

faut-il

par

le

chemin de

pour

Une grande demi-heure seulement;

les

heures des:

trains sontet

incommodes. L'horaire

est celui-ci

6 heures

demie, 10 heures du matin, et 2 heures de l'aprs-

midi. Pour revenir, 6 et

nest

heures du matin,

3 et

6

heures du soir etc'est tout.

Bien, vous, vous Quelquefois. Dijonet;

allez

souvent Dijonville

?

une

charmante,

trs

cordiale et trs gaiepuits de

elle a

un muse de

Primitifs,

un

Mose

fort enviable, des bouts

de rues encore;

curieux, des glises, telles que je les aime

et puis elle

possde aussi une trs excellente Vierge noire.

Ah

!

s'exclama

M me!

Bavoil qui

tomba en

arrt,je

elle a

une Vierge noire

moi, qui hsitais un peu,

vous l'avoue, quitter Chartres cause de Notre-Damede Sous-Terre et duPilier, je vais

donc

les

retrouver?

ici

;

mais ce n'est pas une

Notre-Dame de l'Apport ou de Rassurez-vous bon Espoir date du xne sicle, si je ne me trompe. En;

Madone moderne, au moins

L OBLAT15 13, Elle a sauv la ville de Dijon

35

que dfendait alors

Louis de La Trmouille,

la tte

de quelques troupes,

de l'assaut et du pillage des Suisses.cet

Enle

souvenir de

vnement

l'on

fit,

chaque anne,

12 septembre,

une procession en son honneur ; il en fut ainsi jusqu'au milieu du xvm e sicle ; alors elle cessa, j'ignore pourquoi;

ce qui est

certain,est

en tout

cas,

c'est

que Notrelaje

Dame

de bon Espoirsi

en grande vnration dans

Bourgogne;

son histoire dtaille vous intresse,d'un abbla

vous prterai un volume qui narre ses miracles, vo-

lume un

tantinet mucilagineux

Gaudrillet

qui signe prtre mpartiste de

paroisse de

Notre-

Dame.Ils

taient arrivs, en bavardant, la maison.les

La mre

Vergognattre, les

y attendait. Durtal prsenta, l'une l'audeux femmes, intrieurement gay de leur conBavoil n'avait gure chang;

traste.

M me

ses

cheveuxencore

s'taient pourtant rarfis et

ceux qui n'avaient point dla face

sert taient

devenus plus blancs;;

tait

osseuse et chapelure de son

le profil

s'attestait plus

coupant avec

l'ge,

mais l'il noir;

tait

demeur

le

mme,dela

fureteur la fois et placideet de la

elle tenait

toujours

paysanne

vendeuse de cierges, dans uneje

glise,

mais avec toujours aussi ce

ne

sais

quoi quiprires,

l'exhaussait

quand l'me, phosphore paret

les

prenait feu.

L'autre s'avrait, redondante

mafflue,

haute en

couleur

;

elle avait l'ilsel,

porcin et des poils de brosse,

poivre et

plants sous

un nezmince

cuit

;

la

bouche crelle tait

nele de dents couleur de rouille tait hilare et pourtant, lorsqu'elle se fermait,

et pince

;

36

l'oblatet

ensemble, une rempailleuse pocharde

une terrienne une

madre; on pouvaitseconde, celle-l!

lui faire

le

tour de l'me, en

Madame

Bavoil

la vrilla

de son il noir, puis, aprs

un soupir qui enelle

disait long, elle lui dclara

doucementles

qu'elle entendait entretenir d'amicales relations avecet

qu'elle comptait;

l'employer souvent pour

gros ouvrages

et sur cette assurance, la;

mine renfro-

gne decrut pastait

mre Vergognat se dtendit mais elle ne se montrer plus bte qu'elle n'en ralit, pour ne point se compromettre dans sesla

moins devoir

rponses.

Alors, voyons, insistaitl'on

M me Bavoil,femmeil

vous m'affirfil

mez que

vend

ici,

chez

la

Catherine, du?

et des aiguilles et tous les objets

de mercerie

Mais a dpend,

ma bonne dame,;

la

Catherine est bien empresseil

pour

a,

y a fil et fil ; vous pouvezle

consulter;

n'y a qu'une voix.

M melage.

Bavoil chercha vainement

dmlerelle

sens de

cette rplique. N'y parvenant point,

posa une autre

question, relative au format du pain usit dans le vil-

La mre Vergognat ne parut pasdes mots et,

saisir la signification:

prudemment,

elle bafouilla

je

ne saurais

pas vous renseigner.

Ce

n'est pourtant pas sorcier ce

mande,

reprit

M m8

boulanger

est-il

que je vous deLe pain que fabrique votre rond ou fendu, est-ce de la miche orBavoil.il

du boulot?

d'ailleurs,

doit bien en rester la cuisine;je

apportez-le-moi, afin que

l'examine.

La paysanne rapporta un croton.

L OBLAT

3

7

C'est du pain fendu, c'est tout ce que je dsirais

savoir.

est-ce qu'elles sont toutes ainsi, au Val des Saints?

Peut-tre bien, opina

M me;

Vergognat.

Ah

a, s'cria

M me

Bavoil, lorsqu'elle fut partie,

Non,

les autres

sont piss'il

celle-l est la

mieux

;

vous voyez par cet exemple

est facile d'extirper

un

non ou un oui

ce

monde-l

Eh

vrai,

notre ami,

le

confesseur doit avoir de

l'agrment avec ce genre de paroissiennes; ce qu'elles doivent ruser avec

lui et

tourner autour du pot

!

Elles

ne tournent autour de rien du tout, attenduse confessent point.les

qu'elles

ne

Comment, dans un pays monastique,!

habitants

ne pratiquent pas

Je

suis

vais pas la messe, est

un bon rpublicain, c'est pourquoi je ne une phrase que vous entendrezici;

souvent prononcerelles

quant aux

murs

des paysans,

sont tellement ignobles que mieux vaut n'en point

parler. Ils ont t pourris par les placiers

en politique

des villes, jusqu'aux os

!

Seigneur

mains,

M" Bavoil en joignant les o sommes-nous? me voil maintenant oblige!

s'exclama

10

de vivre au milieu des compagnons de malheur de l'Enfant prodigue, carsi

ce que raconte notre

ami

est exact,

ce n'est pas autre chose

que

ces gens-l

!

III

)ous tes de la maison, vous

;

je

ne vous lave

plus les mains, dit en riant le pre

Abb

Durtal et votre place.

M. Lampre

;

allez

tout droit

Et l'Abb s'effaa devant eux et s'arrta sur

le seuil

du

rfectoire.Il

avait prs de lui

deux moines, l'un qui tenait unet l'autre,

bassin etserviette.

une aiguire d'ancienne taence

uneprit

Un

prtre de passage

s'avana;

l'Abb

l'aiguire et lui versa, en signe de bienvenue, quelques

gouttes d'eau sur

les doigts et le

pre htelier

fit

signe

a cet ecclsiastique de le suivre et le plaa prs de Durtal.

Le

rfectoire tait

une pice immense avec plafondIl

poutrelles pos sur des consoles curieusement ouvra-

ges de marmousets et de fleurs.la salle

que chambre de rception des htes, aux premiers btiments du monase tre qui remontait au xv sicle. C'tait tout ce qui subsistait, avec un grand escalier vis et de vieilles caves,appartenait, ainsi

du Chapitre,

l'oratoire intrieur et la

de cette partie de l'abbaye

;

les

autres

constructions

avaient t difies ou au xvn e sicle, ou rcemment.

L OBLAT

39

En

bas des

murs

blancs du rfectoire, lambrisss a

mi-corps d'une cloison de sapin, des bancs ininterrompuset des tables

spares entre

elles

pourla

livrer passage,

taient scells

sur

un plancher de

hauteur d'unele trottoir

marche, formant, de chaque ct,sa chaussel'clairaient

comme

en

bois d'une rue qui serait pave sur toute la largeur de

de carreaux rouges. deleurs

Six larges fentres

verres dpolis,

creuss de

lo-

sanges.

Au

fond de

la

pice, se dressait la table

du pre Abb;plaque

elle tait

semblable aux autres mais

la boiserie

sur la muraille, derrire elle, s'appointait en forme de cneet tait

surmonte d'une croix. Cette table

tait

flanque

de deux autres, une droite pour le pre prieur; une a gauche, pour le pre sous-prieur qui mangeaient, ainsi

que l'Abb,

seuls.

Endela

face d'eux, enfin, l'autre bout

de

la salle,

prs

porte d'entre, une chaire, adosse au mur, taitla lecture

occupe, ce jour-l, par un novice qui prparait

du repas.

Tout

le

Benedicite, l'Abb. Benedicite, rptrent Oculi omnium. In sperant, Domine,dit

monde

tait

debout.

les

deux rangs des moines,

te

et tu dastu,

escam illorumet

in

tempore opportuno. Aperis,

manum tuam

im-

pies

omne animalle

benedictione.la

Et

Gloria de

doxologie courba en coup de ventPater rcit voix basse, pour

toutes les ttes. Elles se relevrent au Kyrie Eleison et

retombrent pendant

le

ne se relever qu'aprs.

40

L OBLAT

D'une voix quireprit:

s'enfla,

un peu,

vers la

fin,

l'Abb

Oremus. Benedic, Domine, nos et hae tua dona quasde tua largitate sumus sumpturi.Per Christum, etc.

Amen.du novice en chaireetla

Et, dans le silence, la voix frache

psalmodia sur un ton grave

fois

joyeux: Jub,

Domne,

benedicere.:

Et l'Abb rpondit

gloriae.

Mensas clestis participes faciat nos

Rex

aeternae

Amen,

dirent ensemble tous les

moines

et ils sai-

sirent et dplirent leur serviette qui contenait, en son

rouleau, le couteau, la fourchette et la cuiller.

La

table des htes tait

au

milieu de la pice, enla

face et prs de celle

du pre Abb, quila

dominait, car

elle n'tait pas tablie, ainsi que

sienne, surtait

un rebord

de bois, mais

mme

sur

le sol. Elle

spare par

un large espace vide de celle des convers, installe galement sur la chausse, mais l'autre bout de la pice,prs de la chaire.

Deux

pres, en tablier bleu, servaient les religieux et

Le pre htelier tait charg des iavits. Le dner des htes, car l'on appelait au clotre le djeuner dner et le dner souper, tait compos d'unles frres.

bouillon paissi par des les runies de semouille, d'un

buf

nature,

d'un gigot aux

haricots,

d'une salade

durement vinaigre, d'une crme liquide que l'on buvait avec une cuiller soupe et d'un peu de fromage.Celui des moines tait le

mme

le

gigot et

la

crme

en moins.

L

OBLATet les autres

41

Les uns buvaient Je l'eau rougiele silence

de l'eau;le

tait

de rigueur; chacun mangeait,

nez,

dans son

assiette.

Et toujours, aprs avoir psalmodi au dner quelquepassage dela

Bible

ou au souper, quelques

articles

de

la

Rgle, le lecteur de semaine attaquait une lecture reli-

gieuse ou semi-profane prcde de cette annoncesuit l'histoire de... chapitre tant.Il

:

s'en

devait

lire

d'un ton monotone, voulu, sculairementplaireet

impos sans doute pour l'empcher deauditeurs ou desefaire

ses

lui-mmegris.la

valoir

c'tait

comme uneattention,

pluie de

mots

L'on n'y prtait gurepremire fringalerenversaient, les

au dbut,

mais quandttessi

d'apptit tait satisfaite, les

se

reins s'accotaient la cloison et

l'histoire tait int-

ressante,

on

l'coutait.

Elle tait,

malheureusement,

fort

ennuyeuse, d'ha-

bitude.

On

avalait des tranches

historiques insipides,

ou, ce qui tait pis, des morceaux de vies de Saints, crites

dans ce style olagineux, cher aux catholiquesfois alors,

;

et par-

un sourirela

courait sur les lvres des religieux,

en entendant pour

millime

fois les

expressions fati-

gues de ces rengaines.

Ceux qui avaient achevles

leur repas,

essuyaient leur

couteau et leur couvert qu'ils renveloppaient, aprsavoir lavs, dans leur serviette. Le pre

Abb regarpart de fro-

dait si tout le

monde

avait

consomm

sa

mage

et,

d'un coup sec de son petit marteau, frappantil

la table,

arrtait la lecture.

L'hebdomadier, interrompu, changeaitlanait alors sur

de voix

et

un ton modul

et plaintif:

:

L OBLAT

Tu

autem, Domine, miserere nobis.dans un brouhaha de pieds, se levaientle

Et, tous,

et

rpondaient sur

mme ton

:

Deo

gratias.

L'Abb, de sa voix un peu chevrotante mais qui s'assurait et s'amplifiait vers la fintibi,

Confiteantur Domine, omnia Et benedicantsancti tuitibi,

des oraisons, commenait

:

opra tua.

rpliquait le choeur.

Ainsi qu'au Benedicite, toutes

les ttes se

courbaient

au Gloria

et

l'Abb prononaittibi gratias,

la

prire

:

Agimus

omnipotens Deus, pro uni-

versisbeneficiis tuis, qui vivis et rgnas in saxula sascu-

lorum.

Amen.le

Et l'on pivotait surl'on quittait

soi-mme et, la queue leu leu, rfectoire, les moines les premiers etle clotre,

l'Abb,

le

dernier; l'on suivaitla

en rcitant

le

Miserere, jusqu'grces.

chapelle o se terminait l'office des

UneLa

fois sortis

de

l'glise,

l'Abb invita, suivant l'u-

sage, ses htes prendre le caf.salle destine ce

genre de rception

tait situe,

au bas de l'escalier menant aux deux tages des cellules,dans un petit corridor

communiquant par une portesi

basse avec l'alle ogivale du clotre.C'tait

une

salleles

massive, murs normes,

prol'-

fonds que dans

embrasures des deux croises

clairant sur le jardin, l'on aurait

Ces murs badigeonns aupartie de

lait

pu y allonger des lits. de chaux et pars dechemine, en

photographies, reprsentant des vues de cette anciennel'abbaye, taient orns d'une

L OBLATpltre peint, au-dessus de laquelle se dressaitcifix

43

un cru-

dont

la

couleur tait celle de ces papiers d'tain

qui enveloppent les tablettes de chocolat.

L'ameublementune vastetablecire, raies.

consistait en des chaises de paille et en

de

bois blanc recouverte d'une toile

Autour denovices,sage,

cette table taient runis le prele

Abb,

Dom

de Fonneuve,

prieur,

Dom

Felletin,

le

matre des

Dom

Badole, l'htelier, l'ecclsiastique de paset

M. Lampre

Durtal, convis en l'honneur de la

saint Placide.

Dompetit,

Badole tournait sur lui-mme lui,

la

rechercheIl

d'un sucrier qu'il avait devantdetaille

sous

la

main.

tait

ramasse, et sa face d'ivoire fronce desi

mille

plis,

et t,

on

l'avait coiffe

d'un bonnet il

ruches,

la figure

d'une

vieille

dvote dont

avait d'ail-

leurs l'arrire-sourire jaune et doux. Sa faon de croiserses bras

en

Xses

sur sa poitrine, en

saluant, sa politesse;

affecte et

manires obsquieuses, gnaient

et ce

qui tait curieux c'est que cetles

homme,

si

aimable pour

autres,

tait,

pour lui-mme,et

rigide.

Quandil

sase

journe de causeriessanglait de

de rvrencesse

tait finie,

coups de discipline,

reprochant de

ne

pas savoir garder sa vie intrieure dans cette existence

forcment dissipe parpropre recueillementgardantses

le

va-et-vient des htes

;

il

n'ar-

rivait pas concilier les

devoirs de sa charge avec son

et l'on se

demandait

parfois,

en re-

yeux colors de ce bleu clair et froid, presque mchant, des prunelles au repos des chats deSiam,s'il

n'aurait pas volontiers fustig aussi ces passantsle

qui lui

causaient, sans

vouloir,

tant de

remords.

44Il

L

OBLATtrs

tait

un moine exemplaire, un prtre

pieux

mais de comprhension brve

et d'intelligence borne.

Aprscile

l'avoir

essay clans divers emplois qu'il s'tait

rvl incapable de remplir,

ou

lui avaitIl

dlgu

la

fa-

mission de soigner

les

trangers.

s'en acquittait

assez bien lorsque les htes n'taient pas plus de deux;

pass ce chiffre,

il

s'affolait et rclamait

un

aide.lui.

Le prieur

contrastait singulirement avec

Dom

de Fonneuve portait gaillardement ses soixante-dix anset la lucidit et la

vigueur de son esprit, sa science, cdes historiens, faisaient de luila

lbre dans le

monde

personnalit minente de cette abbaye. L't,

on

venait,

de toutes

les

contres du monde,

le

consulter;

on

lui

soumettait des textesIl

qu'il dcortiquait,

en se jouant.

pluchait les fautes des copistes, calait les interpo-

lations, rtablissait le texte primitif, enIl

un

clin

d'il.biblio-

tait d'ailleurs

un

rpertoire,

connaissait laet,

thque du monastre, volume par volume,

en une

minute,

il

dnichait un renseignement

qu'il et fallu

tout autre plus de huit jours pour dcouvrir.Il

restait,

notre poque,

comme

l'un des derniers

spcimens de cette forteptrit

gnration de moinesil

que

Dom

Guranger

;

avait

parcouru

les biblio-

thques, fouill, avecl'Europe.

Dom

Pitra, toutes les archives de

Mais ce quirudition,

valait

encore mieux que son incomparable;

c'tait

son ardente bont

il

tait

un amoureuxpassionn-

d'mesune.il

;

il

se jetait sur elles,l'ide

les treignait

ment, pleurait de joie

qu'il avaitle

On

le disait,

en

riant,

mais

pu en sauver mot n'tait que juste,celle qui l'on va,

est la

mre grand'

du

clotre,

L OBLATraconter ses peines et qui vous console.Il

45avait vcu

dans plusieurs couvents,brigues, etil

il

avait t la victime de bien des

n'en avait pas moins conserv une

me

d'enfant, ne croyant point au mal,ses frres, ainsi

aimant rellement

que

le

veut

la

rgle, prt embrasser,

sans

mmeatre

l'ombre d'une rancune, celui d'entre eux

son

mieux desservi. Il sourdait du fond de un torrent d'affection qui noyait tout, un besoin de n'admettre que le bien, une sensibilit tellequi l'aurait le

qu'une simplequ'aux larmes.

expression affectueuse l'mouvait jus-

Aveclaient

sa

bonne grosseet aussi

tte ronde, sesil

yeux qui

ptil-

dans sa lace ride,

suggrait une impression

de robustesse,

de malice, mais de douce malice

aimant

rire et se

contentant, pour s'gayer, de peu.Il

Sontait,

seul dfaut c'tait sa ptulance.ainsi

montait...

mon-

qu'une soupe au

lait,

alors qu'il s'apercevaitla rgle. Il les rprila table,

que des religieux n'observaient pas

mandait furieusement, frappant du poing

puis

quand

le

coupable

tait parti,

il

courait aprs lui, l'emsa

brassait, le suppliait

de

lui

pardonner

vhmence;tels

et

sa tendresse, son dsir de rparer ce qu'il croyait tre,

dans sa paternelle bont, une avanie taientle

que

dlinquant pouvait alorsIl

manquer impunment auxet

observances.trister

avait

si

peur de se refchersetaisait,

de confrein,

son

frre, qu'il

rongeant son

pendant un certain temps.

Le pre Abbplus rgulire.Il

tait plus

calme, d'une bienveillancetravers

fermait les yeux sur les

de

chacun

et regardait

son prieur jouer

le

rle de pre-

fouettard, sachant fort bien

que

les

remontrances n'3.

46taient

l'oblat

que

le

prlude des gteries

;

aussi souriait-il et

des unes et des autres.Lui, se bornait, prs de quatre-vingts ans,

adonneret priait

l'exemple.

Il

descendait, ras de frais, une demi-heureil

avant tous

les siens l'glise etles

y mditait

jusqu'aux Matines; et

jeunes gens, qui avaient un

peu de mallit,

s'extraire, l'hiver,

4 heures du matin, du

vnraient ce grand vieillard mnci, un peu vot,

qui ressemblait avec son nez et ses lunettes au Cardinal

Archevque de Paris, et ils admiraient sa rsolution de n'accepter aucun bien-tre et aucune de ces aisesqu'eussent amplement justifies son ge et les infirmits

dontIl

il

souffrait.

y

avait,

au reste, beaucoup de finesse sous

la

bon-

homie deetil

cet excellent

hommed'un

si

promptdrle.

ne jamais

svir. Il connaissait

trs bien les dfauts