johanne biffi, route 389, les territoires, montréal, du 16 ... · paysages marqués, balafrés....

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Tous droits réservés © Les Productions Ciel variable, 2011 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 6 nov. 2020 23:03 Ciel variable Art, photo, médias, culture Johanne Biffi, Route 389, Les Territoires, Montréal, du 16 avril au 1 er mai 2010 Sylvain Campeau Séries Series Numéro 87, hiver 2011 URI : https://id.erudit.org/iderudit/63763ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Productions Ciel variable ISSN 1711-7682 (imprimé) 1923-8932 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Campeau, S. (2011). Compte rendu de [Johanne Biffi, Route 389, Les Territoires, Montréal, du 16 avril au 1 er mai 2010]. Ciel variable, (87), 72–73.

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Page 1: Johanne Biffi, Route 389, Les Territoires, Montréal, du 16 ... · paysages marqués, balafrés. Ils offrent les traces des passages humains, des travaux des hommes. Finalement, on

Tous droits réservés © Les Productions Ciel variable, 2011 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 6 nov. 2020 23:03

Ciel variableArt, photo, médias, culture

Johanne Biffi, Route 389, Les Territoires, Montréal, du 16 avrilau 1er mai 2010Sylvain Campeau

SériesSeriesNuméro 87, hiver 2011

URI : https://id.erudit.org/iderudit/63763ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Les Productions Ciel variable

ISSN1711-7682 (imprimé)1923-8932 (numérique)

Découvrir la revue

Citer ce compte renduCampeau, S. (2011). Compte rendu de [Johanne Biffi, Route 389, Les Territoires,Montréal, du 16 avril au 1er mai 2010]. Ciel variable, (87), 72–73.

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admittedly, at embalming the past). It israther more likely, is it not, that it is some-thing in the photographer himself or herselfthat pushes the camera into the specula-tive realm of some recordable future ?

In Holdout, for example, a noble buttragicomically isolated Victorian or Edwar-dian house sits centrally, with what is nev-ertheless the unconvincing triumph of itsstalwart immovability, on a hillock of gravel(its towering TV antenna like a cry for helpto the outside world). Its owner has clearlyrefused to sell to some developer. So far,the juxtaposition of lonely, venerable houseand its arid, soon-to-be-transformed sur-roundings is a bit shocking, a bit dismaying,a bit ruefully funny, and borderlinepoignant. While this imagistic juxtapositionmay not take us all the way to prophetic, itcertainly works, nevertheless, to “conflatetenses in the same work.” Much of the juiceof the picture appears, in fact, to lie in itsformal construction – a mode in whichDobson excels. There is a good deal ofvisual frisson in the jarring coming togetherof the house’s sudden verticality and thehorizontal neo-plain now sidling up every-where, threatening its dignity.

End of the Line works in a similar way. It’sfunny at first (reminiscent of those shacksfull of dynamite that some evil creature isalways dragging onto the tracks in classicWarner Bros. cartoons). Then, because theplacing of the house seems so deliberate(the façade is notched to admit the tracks),the photograph turns anxious (have any

trains been through here recently ?) andthen touching. Here, the image offers a sortof morphological slapstick – a ratherabruptly felt exemplifying of what Dobsoncalled (in her e-mail) the idea “of open-ended, shifting, and multi-narratives anduncertain temporalities.”

For me, Dobson is at her strongest andmost telling when, in a work such as HumanKindness (as in the milk of human kindness),she binds her “multi-narratives and uncer-tain temporalities” (or uncertain “spatiali-ties”) to the found – and cunninglyobserved – environment. Here, for exam-ple, the milk-carton landscape borne by aNatrel truck seems surprisingly co-exten-sive with the landscape in which the truckis parked.

And in Fire Hall, the energy of the photo-graph seems to lie not so much in its sym-metrically organized depiction of a defunctgreen fire-hall (if that’s what it is), flankedmysteriously – digitally – by identical auto-mobiles and light standards and othermatching bits of urban ephemera, but,rather, in its absorbing graphic griddedness(amplified by the solitary, non-symmetriciz-ing gridded wooden panel leaning on thebuilding). Here, Dobson’s interest in“uncertain temporalities” has beendeferred to some stance that is entirelyconsequent upon our getting past thedesign blandishments that hold the photo-graph fixed in our field of vision – fromwhich it seems stubbornly reluctant tomove away so that we might now contem-

plate “the future perfect” tense in her pic-tures, in which issues (the dislocations ofcultural change) can take precedence overincidents (symmetry, graphics, etc.).

Mysteriously, it is in a handful of deliber-ately lurid photographs such as Display(variously coloured lights on standards,illuminating a well-clipped, fenced-ingreensward) and Transmission (an isolatedtelephone booth as a tiny, vertical island ofillumination in a sweeping horizontal ofdarkness) that Dobson’s poetic sense of thefluidity of time, of the oddity of proximatespaces, comes fully, inescapably into itsown. Even here, however, her fecund,

unquenchable narrative sense sometimesthreatens to take over – as when, in LakeBed, the surrealist-derived crocodile in theforeground pins the majesty of Dobson’sburgeoning, photographically ambitiousspeculations to an anecdotal present.— —1 www.susandobson.com— —Toronto writer, critic, and painter Gary MichaelDault is the author of ten books. His art reviewcolumn appears each Saturday in The Globe &Mail. — —

La route 389, qui fait l’objet d’une véri-table mission photographique de la partde Johanne Biffi, est aussi dite la Trans-Québec-Labrador. D’une longueur de 570kilomètres, elle relie la ville de Baie-Co-meau à celle de Fermont, sise à la limitedu Labrador. Elle fut construite en plu-sieurs sections dont chacune correspon-

dait à des besoins spécifiques, le plusconnu étant certes de permettre le trans-port de matériel et de marchandisesjusqu’au complexe de Manic-Outardes.Il est bien sûr ironique de contempler

les images un rien désolées, montrant desparties oubliées du pays et des sitesabandonnés, à l’heure où le Nord québé-cois fait saliver plusieurs compagnies mi-nières, alléchées par les énormes besoinsen métaux d’une Chine en posture depuissance économique toujours mon-tante. À l’heure, aussi, faut-il le dire, oùles redevances exigées des sociétés mi-nières par le gouvernement du Québecpour la libre exploitation du territoireviennent de passer de 12 à 16 % et où lapopulation, alertée par les journaux, s’in-terroge sur les retombées à long terme dece genre d’exploitation et sur le non-res-pect des obligations imposées aux com-pagnies. C’est sur cet arrière-fond socio-politique que le travail de Johanne Biffivient prendre tout son sens.Dans la galerie, les images sont peu

nombreuses. Elles sont, pourrait-on dire,des anti-paysages. Bien sûr, elles mon-trent des fragments de forêt ou des éten-dues sablonneuses. Mais il n’y a pas, dansces photos, de constructions visant à labeauté, d’angles recherchés ou de calculesthétique. La forêt semble un amas en-chevêtré d’arbres que traversent des filsélectriques. Les étendues sablonneusessont sans doute les restes oubliés d’une

extraction désormais sans intérêt. Toutest là pour suggérer désolation et aban-don. Cette route n’est pas, apparemmentn’est plus, très fréquentée. Sur uneimage, une station-service est surmontéede deux lampadaires sous un éclairagenaturel, ce qui indique que le soir est entrain de tomber. Une autre pièce, intituléeS.O.S. KM 364, présente une boîte télé-phonique, ultime renfort et réconfort pourl’automobiliste perdu et en difficulté. Et iln’est nul besoin d’être grand devin pourcomprendre qu’Eau rouge, aux eaux rou-geâtres émanant d’un large tuyau qu’onentrevoit à l’avant-plan, est le spectacled’une contamination en cours au sein desétendues septentrionales. Devant cetteimage, on ne peut évidemment s’empê-cher de penser aux dommages engendréspar une exploitation irréfléchie des res-sources naturelles et à ces sociétés ditescowboy qui omettent sciemment de payerleur dû au gouvernement ou encore derespecter leur promesse de remise en étatdes lieux lors de leur départ. La Mine du mont Wright, à ciel ouvert, en

est ou en sera peut-être, un jour, unexemple. On en extrait un composé de fer,et cette exploitation nécessite un apportimportant d’eau pour obtenir, grâce à unecentrifugeuse, un concentré dont la te-neur en fer est intéressante. Soumis àcette production, le mont Wright n’existeplus ; il a laissé la place à une excavationde quelque 200 mètres de profondeur.

72 CIEL VARIABLE N °87

Johanne BiffiRoute 389Les Territoires, MontréalDu 16 avril au 1er mai 2010

End of the Line, 2010, from the series Dislocation, c-print from digital file, 102 x 127 cm

Poste d’essence, 2010, de la série Route 389, impression jet d'encre, 76 x 97 cm

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Bref, ce sont là d’étranges composéspaysagers que l’on voit en ces œuvres. Enfait, de toute la série, une seule image cor-respond plus étroitement à l’idée que l’onse fait d’un paysage. C’est celle du montDaniel dont on aperçoit le relief au-dessusd’une bande forestière. Les autres mon-trent non pas l’essence attendue et idéaled’un paysage, mais bien plutôt la réalitétangible d’une matière à exploiter à ou-trance. Nous avons là, en définitive, despaysages marqués, balafrés. Ils offrent lestraces des passages humains, des travauxdes hommes.Finalement, on retient de ces œuvres la

volonté affichée d’une sorte de retenue.Elles sont entre l’arbre et l’écorce, pourrait-on dire. Il s’agit, apparemment pour cellequi les a exécutées, de rester sur la clôture,cherchant à ne pas faire un travail trop ex-clusivement documentaire et à ne pas for-cer la signification, le pensum pédagogique,à ne pas tomber dans l’idéologie, mais veil-lant aussi à ne pas trop donner non plusdans le léché esthétique. On aurait envie decroire qu’elles ont été, ces images, comme

les lieux qu’elles montrent, sciemmentabandonnées, laissées pour compte, sou-mises à une modération qui force la ré-flexion, volontairement maintenues dansune indécision de nature et de portée. Sont-elles ou non à mettre dans la catégorie« paysage », tel qu’on l’entend d’ordinaire ?Il faudrait répondre oui. Car ces œuvres sa-vent bien donner du paysagemais le donnertel qu’il peut être aperçu, depuis le point devue limité et contrôlé qu’offre la route auvoyageur paresseux, tel que tous nous lecontemplons, lancés à travers ces sites na-turels au volant de voitures qui l’outrepas-sent finalement…— —Sylvain Campeau a collaboré à de nombreusesrevues, tant canadiennes qu’européennes (Cielvariable, ETC, Photovision et Papal Alpha).Il a aussi à son actif, en qualité de commis-saire, une trentaine d’expositions présentéesau Canada et à l’étranger. Il est égalementl’auteur de l’essai Chambre obscure : photo-graphie et installation et de quatre recueilsde poésie. — —

ai encore long à dire sur les toits. » Commeles patineurs et les gens à vélo des sériesprécédentes, le personnage semble iciaussi traverser les œuvres, circulant d'unephotographie à l'autre. Un bloc au milieucoupe l’image, cette dernière est renver-sée, puis certains éléments sont ajoutés ouretirés : dans une ambiance un peu céleste,on peut y voir un personnage dans unesorte de conversation avec lui-même; àmoins que ce ne soit avec son double ? Les deux triptyques de la fin (Eje sur)

marquent eux aussi le début d’une autreavenue de recherche – c’est que Bodmer apris beaucoup de photos au Mexique l’andernier. Sous les pylônes, un camellone,terrain de jeux comme tant d’autres, a étérefait avec plus ou moins de bonheur parun architecte. Le désir de créer quelquechose de ludique – un jardin – s’avère unéchec dans la réalité : pas d’enfants envue, les grésillements électriques s’enten-dent presque. Au sol et à l'emplacementdes arbres, notamment, l'artiste est inter-venue sur les photographies pour ampli-fier l’étrangeté du lieu, devenu une sorte

d’espace perdu dont on ne saisit pas bien lafonction. « Dans les quartiers riches deMexico, les jardins publics et les parcs d’en-fants peuvent être extraordinaires; dans lesquartiers pauvres, ils tombent souventdans un état proche de l’abandon. » Ces triptyques s’ouvrent sur autre

chose : la notion de parcours, l’errancepoétique. Le jardin comme désir de créa-tion d’un paradis en miniature dans laville, c’est une idée qui fait son chemin ence moment, dans l’esprit de CatherineBodmer. — —Nathalie Guimond possède une formationcombinant anthropologie et histoire de l’art.Elle écrit sur les arts visuels depuis une dizained’années pour différents journaux et maga-zines, signe des textes de catalogues d’exposi-tion et est également commissaire à sesheures. Les pratiques combinant l’art et lascience sont son domaine de prédilection.— —

ACTUALITÉ 73

Catherine BodmerDuo Centre CLARK, MontréalDu 2 septembre au 9 octobre 2010

Les photos que nous présente CatherineBodmer dans Duomettent en scène deslieux incertains, un peu ambigus, et lesgens qui les peuplent semblent complète-ment inconscients de la caméra qui lesfige. Terrains vagues, patinoires enneigéesou toits d’immeubles, les paysages qu’ellemodifie sont empreints d’une sorte d’am-biance rêveuse, et on ne comprend jamaisexactement ce qui s’y passe. C’est qu’ilfaut dire que pour l’artiste, ce n’est pastant la narrativité qui est mise en avantque la construction formelle des images.Les esplanades désertes le jour et peu-

plées le soir ainsi que les lacs gelés qui re-deviendront liquides nous parlent d’un« état », d’une impermanence, de l’idéed’une transition, et d’une transformationdans le temps : « C’est présent depuis tou-jours dans mon travail, cette idée étaitdéjà là, avec les matériaux qui se transfor-ment : l’eau, la vapeur, j’ai déjà travailléavec ça plus tôt. Ça se retrouve maintenantcomme motif dans ma photographie. » Toujours campées dans une lumière un

peu irréelle, les œuvres créent des ouver-tures. Par les scènes et les motifs s’insèreun décalage qui sème un doute face à lavraisemblance des lieux, des gens et deleurs gestes. Bodmer traite ses images nu-mériques comme une véritable matièrepremière, et la substance de l’image de-vient pour elle un matériau extrêmementmalléable. « Des zéros, des un, c’est dequoi sont fondamentalement faites lesimages numériques, non ? » Les imagessont manipulées avec une minutie impres-sionnante (elle dit « maniaque »), et son

intervention relève pratiquement de lasculpture de pixels. Bien malin sera celuiqui arrivera à départager le vrai du fabriquédans ces images – même de très, très près.« Duo », parce qu’il y a effectivement

dans ces séries l’idée du double, de l’auto-engendrement, du miroir et des imagesqui se répondent entre elles. Mais avanttoute chose, il y a surtout une idée de géo-métrie et d’équilibre. Quelquefois, il y adéjà dans le paysage original une symétriequi attire l’œil de l’artiste. Parfois aussi, laphoto qui sert de base au diptyque est du-pliquée. D’autres fois, certains élémentsseulement le sont. Il y a du « faire » et du« défaire », ici de l’ajout, de l’effacementet du renversement. Par exemple, dans les deux diptyques

qui composent La bande de Moebius III, despatineurs sillonnent un lac gelé qui re-prend les formes des montagnes et du cielau loin, créant deux fois deux doubles pay-sages. Limbo est l’amorce d’autres séries àvenir dans un futur proche. « Les toitssont des lieux incroyables, prégnants,avec une vue toujours déstabilisante. J’en

Eau rouge, 2010, de la série Route 389, impression jet d'encre, 91 x 117 cm

La bande de Moebius I (diptyque), 2008, impressions jet d’encre, 56 x 56 cm ch.

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