jean-charles delsaux (1821-1893), le «viollet-le-duc» liégeois

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Les Cahiers nouveaux N° 83 Septembre 2012 80 80-83 Flavio Di Campli SPW – DGO4 Département du patrimoine Direction de la protection du patrimoine Attaché Jean-Charles Delsaux (1821-1893), le « Viollet-le-Duc » liégeois un chapitre sur Le Palais des Princes-évêques de Liège, dans lequel il décrit le bâtiment en détails avant de poursuivre par un chapitre décrivant et expliquant la Restauration monumentale du palais. Il termine par les Conditions d’une bonne restauration où il fait la synthèse de ses théo- ries en la matière. Ses théories méritent d’être rappelées : « Un monument devant surtout être conservé pour l’histoire de l’art et pour rappe- ler une époque passée, ne peut être l’objet de fantaisies particulières ni servir aux caprices de l’imagination. Restaurer un monument, ce n’est pas seulement en prévenir ou en arrêter la chute, Jean-Charles Delsaux naît à Herstal, près de Liège, en 1821. Il est fils et petit-fils de maîtres maçons. Dès 1837, il étudie l’architecture à l’Académie des Beaux-Arts de Liège et y reçoit notamment l’enseignement de Julien-étienne Rémont. En 1845, il succède à Jamolet au poste d’architecte provincial. En 1850, il figure parmi les membres fondateurs de l’Institut archéologique liégeois, dont il est aussi le premier conserva- teur. Son activité intense se deploie dans deux domaines : restauration de monuments anciens et constructions nouvelles. Il est par ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages concernant les monuments médiévaux et leur restauration : L’église Saint- Jacques à Liège en 1845, L’architecture et les monuments du Moyen Age à Liège en 1847, Les monuments de Liège reconstruits, agrandis ou restaurés en 1858. La restauration des monuments anciens, parti- culièrement les monuments médiévaux, est une préoccupation récente en cette première moitié du 19 e siècle. Parmi les architectes de la région liégeoise, Delsaux est le premier à s’intéresser à ce domaine avec une approche qui se veut scientifique, à mener des campagnes systéma- tiques de restauration, à y consacrer une grande partie de sa carrière. Nous trouvons une première trace de son activité d’architecte restaurateur en 1843 : il propose alors un plan de restauration pour la tour de l’église Sainte-Croix à Liège. Par la suite, il dirige des campagnes de restaurations pour les plus importants monuments gothiques de Liège : la cathédrale Saint-Paul, les églises Saint-Jacques et Saint-Martin, l’ancien palais des princes-évêques. Ses théories en la matière s’expriment dès 1847 dans L’architecture et les monuments du Moyen Age à Liège, ouvrage de cinquante-cinq pages où il commence par décrire l’évolution de l’architecture liégoise du 10 e au 16 e siècle, en véritable archéologue. Il poursuit par Portrait de Jean-Charles Delsaux. Huile sur toile, attribuée à Jean-Mathieu Nisen. Collection privée © Flavio Di Campli

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Page 1: Jean-Charles Delsaux (1821-1893), le «Viollet-le-Duc» liégeois

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80-83Flavio Di CampliSPW – DGO4Département du patrimoineDirection de la protection du patrimoineAttaché

Jean-Charles Delsaux (1821-1893), le « Viollet-le-Duc » liégeois

un chapitre sur Le Palais des Princes-évêques de Liège, dans lequel il décrit le bâtiment en détails avant de poursuivre par un chapitre décrivant et expliquant la Restauration monumentale du palais. Il termine par les Conditions d’une bonne restauration où il fait la synthèse de ses théo-ries en la matière. Ses théories méritent d’être rappelées : « Un monument devant surtout être conservé pour l’histoire de l’art et pour rappe-ler une époque passée, ne peut être l’objet de fantaisies particulières ni servir aux caprices de l’imagination. Restaurer un monument, ce n’est pas seulement en prévenir ou en arrêter la chute,

Jean-Charles Delsaux naît à Herstal, près de Liège, en 1821. Il est fils et petit-fils de maîtres maçons. Dès 1837, il étudie l’architecture à l’Académie des Beaux-Arts de Liège et y reçoit notamment l’enseignement de Julien-étienne Rémont. En 1845, il succède à Jamolet au poste d’architecte provincial. En 1850, il figure parmi les membres fondateurs de l’Institut archéologique liégeois, dont il est aussi le premier conserva-teur. Son activité intense se deploie dans deux domaines : restauration de monuments anciens et constructions nouvelles. Il est par ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages concernant les monuments médiévaux et leur restauration : L’église Saint-Jacques à Liège en 1845, L’architecture et les monuments du Moyen Age à Liège en 1847, Les monuments de Liège reconstruits, agrandis ou restaurés en 1858.

La restauration des monuments anciens, parti-culièrement les monuments médiévaux, est une préoccupation récente en cette première moitié du 19e siècle. Parmi les architectes de la région liégeoise, Delsaux est le premier à s’intéresser à ce domaine avec une approche qui se veut scientifique, à mener des campagnes systéma-tiques de restauration, à y consacrer une grande partie de sa carrière. Nous trouvons une première trace de son activité d’architecte restaurateur en 1843 : il propose alors un plan de restauration pour la tour de l’église Sainte-Croix à Liège. Par la suite, il dirige des campagnes de restaurations pour les plus importants monuments gothiques de Liège : la cathédrale Saint-Paul, les églises Saint-Jacques et Saint-Martin, l’ancien palais des princes-évêques. Ses théories en la matière s’expriment dès 1847 dans L’architecture et les monuments du Moyen Age à Liège, ouvrage de cinquante-cinq pages où il commence par décrire l’évolution de l’architecture liégoise du 10e au 16e siècle, en véritable archéologue. Il poursuit par

Portrait de Jean-Charles Delsaux.Huile sur toile, attribuée à Jean-Mathieu Nisen.Collection privée© Flavio Di Campli

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c’est le garder dans toute sa pureté, dans toute son intégrité ; pour cela les restitutions doivent se faire dans le style primitif avec les détails historiques ou symboliques qui s’y rapportent et surtout en employant les mêmes matériaux.

Je suppose que l’on s’écarte de ces données, alors les artistes ne seront plus arrêtés par aucune borne; toutes les bigarrures d’une imagination déréglée et sans principes dépareront les plus belles formes ; les uns ajusteront bravement de l’indien sur du gothique; les autres qui n’ont étudié qu’un style voudront en faire l’application; d’autres encore, créeront un style d’architecture qui s’adaptera, suivant eux, aux autres construc-tions, et sous prétexte d’imprimer aux monuments du moyen âge un cachet de l’époque en harmonie avec les progrès de la civilisation, on fera des cha-piteaux en carton, parce qu’il est facile à travailler, on fera des contreforts et des colonnes en fonte qui imiteront la pierre à s’y méprendre et puis on terminera par des minarets en zinc mis en cou-leur; enfin chaque détail sera un anachronisme et le chaos du siècle dernier reviendra, traînant à sa suite toutes les excentricités que le caprice ne manquera pas d’enfanter.

Heureusement pour l’art, l’Europe entière, l’Angle-terre, la France et l’Allemagne surtout ont admis une base uniforme pour les restaurations : elles doivent se faire dans le style primitif et avec les mêmes matériaux. L’expérience du reste, a déjà sanctionné cette manière de voir.

Le cadre d’un architecte restaurateur est donc nettement tracé : sa mission exige une abnégation raisonnée de sa personne ou de ses idées; il doit s’effacer complètement et n’ambitionner que le désir de reconstituer convenablement les parties de l’édifice qui ont disparu, à l’aide des parties qui subsistent encore. Moins sa main sera visible, plus il aura de mérite. Pour cela il faut beaucoup de recherches et surtout avoir la connaissance parfaite du monument, de son style et des faits moraux, historiques et politiques qui s’y rat-tachent.

Il faut aussi que l’architecte étudie à fond les divers styles qui ont précédé celui auquel appar-tient le monument dont la restauration lui est confiée. La raison en est toute simple, il suit ainsi les progrès de l’art et devient un élève formé par les maîtres anciens.

On conçoit que des changements de destination ou de nouvelles dispositions peuvent introduire de nouvelles formes en créant d’autres besoins, mais les changements doivent toujours être combinés en se reportant à l’esprit des artistes du temps, afin de parvenir à ne pas rompre l’unité et l’har-monie qui doit toujours exister dans tous les cas. Il se peut qu’un architecte rencontre quelquefois beaucoup de difficultés pour satisfaire à toutes ces exigences ; mais, à l’exemple de ceux du moyen âge, qu’il étudie bien le problème qu’il a à résoudre et que chaque difficulté soit pour lui une nouvelle occasion de déployer les ressources de son génie. »

Tous les problèmes qui se posent encore de nos jours en matière de restauration sont déjà posés : respect de l’authenticité du bâtiment, connais-sance approfondie de celui-ci afin d’en conser-ver le caractère unique, nécessité de s’adapter parfois à des fonctions nouvelles difficilement compatibles avec le maintien de toutes ses com-posantes. Mais les aspirations contradictoires de l’architecte liégeois transparaissent aussi dans ces phrases. Malgré le respect qu’il préconise à l’égard du monument, il ouvre la porte aux hypo-thèses en parlant de restitutions et de recons-titutions; il insiste sur la nécessaire recherche d’unité et d’harmonie, qui peut parfois conduire à une perte d’éléments résultant de l’évolution du bâtiment dans le temps.

Le chantier de restauration de la cathédrale Saint-Paul, particulièrement bien documenté, est une il-lustration parlante de ces principes. Cette ancienne collégiale, magnifique exemple d’architecture gothique mosane, fut construite du 13e au début du 15e siècle, voûtes et charpentes comprises. La tour est complétée d’un beffroi et d’une flèche en 1811. Le Conseil de fabrique décide de restaurer la cathédrale en 1839. Le projet se concrétise à partir de 1850, lorsque Delsaux présente ses plans de restauration de la façade nord, la plus visible, bor-dant un côté de l’actuelle place de la Cathédrale.

Les relevés de l’état primitif de la cathédrale dessinés par Delsaux et ses projets de restauration sont conservés ; il publiera d’ailleurs ses projets, légèrement modifiés, dans Les monuments de Liège reconstruits, agrandis ou restaurés, ce qui nous permet d’avoir une vision précise de son inter-vention. L’architecte envisage d’uniformiser cette façade sous une décoration riche et homogène, n’ayant que peu de rapport avec le style sobre de l’édifice original. Il propose d’ajouter des garde-corps ajourés au bas des toitures, de nouveaux contreforts entre les fenêtres hautes de la nef centrale, des pinacles sur tous les contreforts et sur les culées des arcs-boutants. Les annexes du chœur sont remplacées par des bas-côtés beau-coup plus réguliers inspirés des nefs latérales de la nef centrale. Des galbes nouveaux surmontent les fenêtres de certaines chapelles selon une ryth-mique régulière. Le Conseil de fabrique décide de consulter un architecte étranger pour examiner les dessins de Delsaux. C’est François-Chrétien Gau, notamment auteur des plans de l’église Sainte-Clotilde de Paris, qui est choisi sur proposition de Delsaux. Gau énonce dans son rapport le principe selon lequel « le vrai principe d’une bonne restau-ration est de respecter le style de chaque époque ». S’il approuve la création de certains éléments décoratifs en accord avec le style de chaque partie de l’édifice, il ne cautionne pas l’uniformisation prônée par l’architecte liégeois. Mais Delsaux persiste dans ses convictions. Il évoque des modèles connus, la collégiale de Huy, la cathédrale Saint-Lambert, et même en dehors du pays de Liège la cathédrale de Cologne, celle d’Amiens et celle de Saint-Denis en France, Sainte-Gudule à Bruxelles. Il affirme avec assurance : « Le doute sur les vestiges existants et les raccommodages déjà

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faits ne m’assurent nullement qu’il n’y a pas eu de changements considérables aux premières formes. Je crois être certain que les contreforts de la grande nef ont déjà subi une restauration radicale et comme ils sont excessivement mal appareillés, mal construits et mal proportionnés, je suis porté à croire qu’ils doivent être entièrement reconstruits dans un style en harmonie avec la majeure partie de l’édifice. (…) Quant à moi, je n’hésite nullement : les galeries que je propose n’eussent-elles jamais existé à Saint-Paul, je voudrais les voir placées, parce qu’il s’en trouve déjà à l’abside et surtout parce que les chefs-d’œuvre que j’ai cités me servent plutôt de modèle et de point de départ que le produit incomplet et décousu de plusieurs époques et de plusieurs artistes différents ». Delsaux aura finalement gain de cause et la façade nord de la cathédrale sera restaurée selon ses vues, avec de légères variantes par rapport aux plans initiaux. Au nom de l’harmonie et dans le dessein de compléter l’oeuvre inachevée du Moyen Âge, il approuve la restitution d’éléments disparus, la destruction des additions postérieures, la créa-tion délibérée d’éléments n’ayant probablement jamais existé. Ses interventions radicales seront rapidement critiquées. Chacun s’accorde cepen-dant aujourd’hui à reconnaître son rôle de pionnier dans ce domaine si sensible et son intervention à Saint-Paul fait aujourd’hui légitimement partie de l’histoire de l’édifice.

À côté de sa carrière de restaurateur, Delsaux se voit également confier les plans de plusieurs constructions d’envergure. Les églises, de style néo-gothique ou néo-classique, sont une part importante de ses réalisations nouvelles. Vaste édifice de style romano-gothique construit de 1853 à 1858, l’église Saint-Fiacre à Dison, près de

Verviers, est une de ses principales constructions religieuses. L’architecte liégeois dresse également les plans de plusieurs constructions privées tel le château de Caster dans l’ancienne commune de Lanaye, de style néo-gothique, démoli de nos jours. Mais c’est dans le domaine de l’architecture civile publique que Delsaux va réaliser son chef-d’œuvre. En 1848, le jeune architecte remporte le premier prix du concours organisé pour l’édification du nouveau palais provincial de Liège. Ce bâtiment de prestige doit s’accoler à l’extrémité occidentale de l’ancien palais des princes-évêques, converti en Palais de justice. Le nouveau palais provincial est édifié de 1849 à 1852. Les années qui suivirent furent notamment consacrées à l’appropriation de l’intérieur du palais et aux travaux de décoration. Delsaux s’inspire des parties gothico-Renaissance de l’ancien palais, mais il adapte librement ce style à une ordonnance symétrique parfaitement classique. En cela, le palais provincial de Liège est un magnifique exemple de transition entre le néo-gothique romantique et le néo-gothique archéo-logique. Delsaux prévoit également en façade une abondante décoration sculptée glorifiant l’histoire et les grands hommes de l’ancienne principauté liégeoise, décoration qui ne sera achevée qu’après de nombreuses années. Le résultat est d’une remarquable monumentalité. Derrière l’imposante façade large de 80 m se déploient plusieurs salles décorées dans un style néo-gothique flamboyant rehaussé d’une chatoyante polychromie.

Le vestibule du palais provincial impressionne de prime abord par ses proportions majestueuses et par son atmosphère solennelle, accentuée par la pénombre relative qui y règne. La pièce communique par de grandes portes avec le péristyle central de la façade et avec la première

La façade nord de la cathédrale Saint-Paul à Liège, après restauration. Publié par Jean-Charles Delsaux dans Les monuments de Liège reconstruits, agrandis ou restaurés, Liège, 2e édition, 1863.Photo Guy Focant, © SPW

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cour du palais. Sur les deux côtés du vestibule se trouvent les volées symétriques du double escalier d’honneur menant au premier étage. Les premières volées de cet escalier sont flanquées chacune d’une paire de colonnes en petit granit, dont le profil s’inspire directement des colonnes en candélabre de la grande cour du palais. Ces colonnes, ainsi que des colonnes engagées dans les murs entre les portes, reçoivent des arcs bri-sés surbaissés soutenant un plafond à caissons, rehaussé par des nervures en étoiles. L’escalier comporte trente-deux marches, les trois pre-mières marches sont en pierre bleue polie, tandis que les autres sont en chêne et les contremarches en fonte et ajourées de motifs gothiques. Chaque moitié d’escalier est longée par des rampes en chêne ajourées de grandes rosaces. Les peintures décoratives du vestibule et de l’escalier furent réalisées en 1866 par le peintre Joseph Carpey (Liège 1822-1892).

La salle des pas perdus surmonte directement le vestibule, auquel elle est reliée par le double escalier d’honneur. Elle est largement éclairée par sept fenêtres s’ouvrant en façade, faisant face à sept grandes portes communiquant avec la salle du Conseil provincial. Les peintures décoratives de la salle des pas perdus sont exécutées en 1866 par édouard Van Marcke (Liège 1815-1884), professeur à l’Académie de Liège. Des motifs végétaux stylisés très variés se détachent sur le blanc cassé du pla-fond, comme dans le vestibule. De belles peintures figuratives ornent également la salle de pas perdus. Il s’agit de deux grands panneaux latéraux et de sept dessus de portes, œuvres du peintre émile Delperée (Huy 1850-Esneux 1896). Elles furent réa-lisées de 1886 à 1890, et représentent des scènes de l’histoire liégeoise. À signaler encore dans la salle des pas perdus les lustres néo-gothiques et la quincaillerie des portes en laiton, remarquables par leur style néo-gothique aimablement fantaisiste.

La salle du Conseil provincial est décorée avec un faste tout aussi opulent. Dans l’esprit de l’archi-tecte, le caractère majestueux des bâtiments officiels est parfaitement justifié : « La magistra-ture doit être entourée, aussi bien que les corps électifs, de tout ce qui peut contribuer à la revêtir d’un caractère imposant. La gravité et la dignité inhérente à ses fonctions doivent se refléter dans le milieu où elle les exerce ; l’homme est ainsi fait, que les sentences de l’autorité ou les avis de la sagesse ne produisent sur lui une impression effi-cace et salutaire, qu’en raison de la majesté dont les interprètes de la loi sont environnés. »

Son amour pour les styles du passé et son rôle de pionnier de l’architecture néo-gothique ne doivent pas éclipser l’intérêt que Delsaux porte aux tech-niques modernes. En 1860, l’aménagement d’un dépôt d’archives dans une aile du Palais de justice l’amène à utiliser une structure métallique appa-rente. Il fait à ce propos une déclaration teintée de fonctionnalisme avant la lettre : « Les poutrelles présenteront une disposition nouvelle : elles seront apparentes au lieu d’être incrustées dans les voûtes ; elles présenteront une réminiscence de compartiments formant nervures, transformées en fer au lieu du sable comme on l’employait ancien-nement. Ainsi je crois que l’architecture métal-lique dont les progrès sont du reste incessants, indiquera par une disposition nouvelle un nouveau mode d’employer le fer, je pense que l’application s’en développera parce que les conditions d’exécu-tion, de stabilité et de durée ont servi de point de départ à l’ornementation qui résultera de tout ce travail devenu visible et apparent ».

Delsaux quitte son poste d’architecte provincial en 1865, pour des raisons de santé, et termine sa carrière prématurément. Il meurt à Uccle en 1893. Son œuvre constitue un jalon important dans l’histoire de l’architecture liégeoise du 19e siècle. Précurseur en matière de restauration du patrimoine, architecte pionnier du mouvement néo-gothique à Liège, auteur d’ouvrages influents, Jean-Charles Delsaux est souvent, non sans rai-son, qualifié de « Viollet-le-Duc liégeois ».

Bibliographie succincte

J.-Ch. DELSAUX, L’église Saint-Jacques à Liège, Liège, 1845.J.-Ch. DELSAUX, L’architecture et les monuments du Moyen Age à Liège, Liège, 1847.J.-Ch. DELSAUX, Les monuments de Liège reconstruits, agrandis ou restaurés, Liège, 1858.F. DI CAMPLI, Jean-Charles Delsaux (1821-1893) architecte provincial, Herstal (Documents herstaliens, 8), 1988.F. DI CAMPLI, Palais Provincial. Vestibule (no 41). Salle des pas perdus (no 42), dans C. CARPEAUX (coord.), Décors intérieurs en Wallonie, 2, Commission royale des monuments, sites et fouilles, Liège, 2004, p. 60-67.R. FORGEUR, Le palais de Liège. Ancien palais des princes-évêques et des Etats, Liège (Feuillets archéologiques de la Société royale Le Vieux-Liège, 5), 1976.T. GOBERT, Liège à travers les âges. Les rues de Liège, 9, Bruxelles, 1977, p. 109-127.L. HENDRIX, Comment fut conçue la restauration de la cathédrale de Liège vers 1850, dans Leodium, 22, 1929, p. 7-18.S. MASY, Le palais de Liège, Verviers, 1938.

Palais provincial de Liège. Salle du Conseil provincial.Photo Guy Focant, © SPW

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