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N° 231 AVRIL 2009 dépasser les frontières MISSION Planck et Herschel Deux satellites à la découverte de l’Univers COMMUNICATION Les enjeux scientifiques de la MONDIALISATION, POLITIQUE, TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES…

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N° 231 AVRIL 2009

dépasser les frontières

mIssIoNPlanck et Herschel

Deux satellites à la découverte de l’Univers

COMMUNICATION

Les enjeux scientifiques de la

moNdIALIsAtIoN, poLItIque, techNoLogIes NuméRIques…

Page 2: JDC169 2e couve pub BATLe journal du CNRS n 231 avril 2009 éditoedito L a communication, c’est un peu comme la vie, insaisissable, indis-pensable et seulement perceptible dans ses

Le journal du CNRS1 place Aristide-Briand92195 Meudon Cedex Téléphone : 01 45 07 53 75Télécopie : 01 45 07 56 68Mél. : [email protected] journal en ligne :www2.cnrs.fr/presse/journal/CNRS (siège)3 rue Michel-Ange75794 Paris Cedex 16

Directeurde la publication :Arnold MigusDirecteurde la rédaction :Arnaud BenedettiDirecteur adjoint de la rédaction :Fabrice Impériali

Rédacteur en chef adjoint :Matthieu RavaudConseillère à la rédaction :Françoise Harrois-MoninChefs de rubrique :Fabrice DemarthonCharline ZeitounRédactrice :Anne LoutrelAssistante de la rédaction et fabrication :Laurence WinterOnt participé à ce numéro :Stéphanie Arc Kheira BettayebJean-Philippe BralyPatricia ChairopoulosNadia DakiCaroline DangléantDenis DelbecqMathieu GroussonSéverine Lemaire-DuparcqXavier MüllerAude OlivierVahé Ter MinassianPhilippe Testard-VaillantFrançoise TristaniGéraldine Véron

Secrétaire de rédaction :Olivia DejeanConception graphique :Céline HeinIconographes :Marie MabroukMarie GandoisCouverture :Illustration : Pablo Pasadas pour le Journal du CNRS ; ESA/D. Ducros 2009Photogravure :PLB CommunicationImpression :Imprimerie Didier Mary6 route de la Ferté-sous-Jouarre77440 Mary-sur-MarneISSN 0994-7647AIP 0001309Dépôt légal : à parutionPhotos CNRS disponibles à :[email protected]://phototheque.cnrs.fr/

La reproduction intégrale ou partielledes textes et des illustrations doit faire obligatoirement l’objet d’unedemande auprès de la rédaction.

SOMMAIRE 3

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

VIE DES LABOS P. 6.> REPORTAGECerveau : ça innove !> ACTUALITÉS P. 8Les derniers résultats de la recherche > MISSION P. 12Objectif Univers

INNOVATION P. 14 Une forêt d’innovations

PAROLE D’EXPERT P. 16 L’Otan, une alliance en mutationEntretien avec Bastien Irondelle

JEUNES CHERCHEURS P. 17Du goût pour les odeursPortrait de Moustafa Bensafi

L’ENQUÊTE P. 18.MONDIALISATION, POLITIQUE,TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES

Les enjeux scientifiques de lacommunicationLes mirages de la communication universelle > 19 Internet, un outil au service de la démocratie ? > 22Quand le politique surfe sur le numérique > 25

ZOOM P. 28.134 colonnes à la uneL’histoire de la numérisation en 3Ddes colonnes d’un temple de Karnak

RENCONTRE AVEC P. 31.Un Cristal, des cristauxPortrait de Bertrand Ménaert

IN SITU P. 32Quand la recherche nous transporteEntretien avec Jean-Louis Léonard,président du Programme nationalde recherche et d’innovation dansles transports terrestres (Predit)

GUIDE P. 38Le point sur les livres, les expos…

IN SITU > Quand la recherche nous transporte, p. 32

VIE DES LABOS > Cerveau : ça innove !, p. 6

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ÉCLATS4

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Après plusieurs reports, le lancement du satellite scientifiqueGoce a eu lieu avec succès le 17 mars dernier à partir de la base russe de Plesetsk. L’objectif de la mission, développéepar l’Agence spatiale européenne (ESA), est de cartographierprécisément le champ de gravité de la Terre. Ces nouvellesdonnées permettront aux géophysiciens et aux océanographes,dont ceux de plusieurs laboratoires du CNRS, d’améliorer les modèles qui décrivent notre planète. La mission Goce, qui doit durer vingt-quatre mois, est la première étape du nouveau programme d’observation de la Terre de l’ESA. > Pour en savoir plus, lire l’article du Journal du CNRS,n° 222-223, juillet-août 2008 :

www2.cnrs.fr/presse/journal/3971.htm

Ô LE SUCCÈS SCIENTIFIQUE

Top départ pour la mission Goce

Responsable de l’équipe « Motilité structurale » au laboratoire« Compartimentation et dynamiquecellulaires »1, Anne Houdusse a reçu leprix « FEBS/EMBO Women in Science »,

qui récompense chaque année unefemme ayant apporté une contributionexceptionnelle aux sciences de la vie. De son côté, Gérard Férey, de l’InstitutLavoisier2, est le lauréat du prix ENI de la protection de l’environnement,décerné par le groupe pétrolier italien,pour ses travaux sur la séquestrationmassive du CO2.Mikhail Dyakonov, du Laboratoire de physique théorique et astroparticules(LPTA)3, s’est vu attribuer le « Bellerlectureship Award » par l’AmericanPhysical Society. Sébastien Candel, duLaboratoire d’Énergétique moléculaireet macroscopique, combustion (EM2C)du CNRS, a, quant à lui, été élu membre

étranger de la National Academy of Engineering des États-Unis. Enfin, George Calas, de l’Institut deminéralogie et de physique des milieuxcondensés (IMPMC)4, a reçu le titre deFellow de la Geochemical Society et del’Association européenne de géochimie. 1. Laboratoire CNRS / Institut Curie.2. Institut CNRS / Université Versailles-St-Quentin.3. Laboratoire CNRS / Université Montpellier-II.4. Institut CNRS / Universités Paris-VI et VII / IPGParis / IRD.

Médaille d’orMédaille d’argent Cristal du CNRS

Médaille de bronze Retrouvez tous les lauréats 2008 sur le site « Talents » :

www.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm

C’est le rang mondial du CNRS au palmarèsWebometrics,

dédié à la visibilité des instituts de recherche et des établissementsd’enseignement supérieur sur Internet. Établi par le Cybermetrics Lab(Consejo Superior de Investigaciones cientificas), en Espagne, ce classement se base sur des indicateurs de popularité des sitesainsi que sur le volume de travaux accessibles en ligne. Le CNRSarrive en première place des organismes de recherche européens.

Ô L’ÉVÈNEMENT

Des chercheurs à l’honneur

CNRS InternationalMagazine a trois ansDepuis janvier 2006, le CNRS s’est doté d’un nouveloutil de communication : CNRS InternationalMagazine, une version en anglais, trimestrielle, et plus orientée vers l’international, du Journal du CNRS. Imprimé à 17000 exemplaires, le magazine est diffusé gratuitement dans plusde 50 pays, à des chercheurs, des institutions, des politiques et desjournalistes. Il peut également être distribué lors de manifestationsscientifiques dont le CNRS est coorganisateur.

> Vous pouvez le consulter en ligne ainsi que tous les numérosprécédents, et l’imprimer au format PDF à : www2.cnrs.fr/en/1316.htm

> Contact : [email protected]

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Goce a été développé pour l’étude du champ de gravité de la Terre.

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5ÉDITO

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

éditoedito

La communication, c’est un peu comme la vie, insaisissable, indis-pensable et seulement perceptible dans ses difficultés. C’est entout cas l’activité humaine par excellence. Impossible de vivre, tra-vailler, agir, aimer, sans communiquer. Les hommes sont avanttout des êtres sociaux. En même temps chacun éprouve rapide-ment les difficultés de la communication. L’autre, le destina-taire, n’est pas toujours là, pas toujours d’accord, pas toujours prêtà répondre. Et soi-même pas toujours prêt à l’entendre. L’in-

communication est le plus souvent l’horizon de la communication. D’où la néces-sité de négocier pour trouver un terrain d’entente. La séquence communication-négociation-cohabitation s’impose à tous. Ce décalage explique sans doute l’attitude ambiguë vis-à-vis de la communica-tion, et la tentation de la caricaturer en la réduisant à « la com », qui soit dit enpassant n’est pas plus facile à réussir. D’où la tentation aussi de se retournervers les techniques qui, elles au moins, ne déçoivent pas. Du téléphone à la radio,de la télévision à l’ordinateur, elles sont efficaces, et toujours là quand on en abesoin. D’où la tendance à identifier le progrès indubitable des techniques, auprogrès de la communication humaine. D’où la tentation aussi de se barder detechniques, comme pour contourner les difficultés de la communicationhumaine. L’addiction au téléphone et à l’ordinateur portables en dit long…D’où enfin la tentation constante de l’idéologie technique. Malheureusementle plus facile dans la communication reste du côté des techniques, le plus com-pliqué du côté des hommes et de la société.La performance des techniques fait apparaître une autre contradiction.Aujourd’hui, il ne suffit plus d’informer pour communiquer car le récepteurrésiste de plus en plus au nombre croissant d’informations qu’il reçoit. L’in-communication, comme horizon de la communication; le décalage entre le pro-grès des techniques et la difficulté de la communication ; le décrochage de l’in-formation par rapport à la communication et le rôle croissant du récepteur ; voilàquatre données qui compliquent les schémas de la communication. Les scientifiques n’échappent pas à cette expérience et ont surtout essayé parune sorte de retrait partiel du monde d'échapper à cette réalité. Mais ce demi-retrait n’est plus possible : la science et la technique sont aujourd’hui au cœurdes sociétés, des enjeux économiques, de pouvoirs et de la mondialisation. Lesscientifiques doivent apprendre à communiquer et à faire des allers-retours avecla société, pour trois raisons. Répondre aux demandes dont ils sont l’objet.Expliquer les résultats des recherches scientifiques et technologiques. Préser-ver néanmoins leur autonomie de travail. C’est donc tout le rapport science-sociétéqui a changé en 50 ans, obligeant à négocier avec les différents partenaires scien-tifiques, politiques, médiatiques, économiques de la recherche. Mais les chercheurs sont par ailleurs confrontés à une réelle mutation épisté-mologique. L’information et la communication contribuent largement depuis50 ans à restructurer les disciplines, les savoirs, et les domaines de connaissance.Mieux elles contribuent à l’indispensable interdisciplinarité, qui n’est autreque le rapprochement et l’apprentissage de la cohabitation entre des discipli-nes et des savoirs différents. Sans parler des controverses qui mêlent information,

connaissance et communication. Tout oblige aujourd’hui les scientifiques à entrerdans des procédures de communication donc de négociation. C’est pourquoibeaucoup préfèrent limiter les risques en privilégiant la problématique de l’in-formation à celle de la communication, car plus identifiable, homogène. Ils par-lent alors « de révolution de l’information ». Mais hélas, de la production dessavoirs fondamentaux, à l’interdisciplinarité jusqu’aux rapports sciences-techniques-société, tout oblige à passer de l’information à la communication,du message à la relation, du sens à la négociation plus ou moins incertaine. C’estd’ailleurs en apprenant à communiquer, c’est-à-dire à négocier et à expliquerson rôle et sa vision du monde, que le monde académique sera à même de valo-riser ses valeurs ; intérêt général, gratuité, ouverture. Résumons. La communication est centrale pour trois raisons. Elle est l’expé-rience humaine la plus universelle. Elle symbolise le mouvement d’émancipationde l’individu depuis quatre siècles puisqu’il n’y a pas de communication authen-tique sans liberté de conscience, d’opinion et sans égalité entre partenaires. Enfinle progrès inouï des techniques, en un siècle, a bouleversé les échelles de com-munication individuelle et collective. Avec les enjeux économiques et politiquesqui en résultent. Par exemple, comment cohabiter dans le village globaltechnique, sans affronter la question, notamment, de la diversité culturelle, c’est-à-dire celle de la cohabitation des identités ? Quant aux scientifiques, ils sontconfrontés à l’omniprésence de l’information et de la communication, dans lanature même de leur travail, jusqu’à la justification et la valorisation de leur placedans la cité. C’est pour ces raisons que les sciences de l’information et de la communica-tion sont au cœur des enjeux épistémologiques d’aujourd’hui et constituent unedes nouvelles frontières de la connaissance. Avec trois objectifs. Analyser la placede l’information et de la communication comme concept central de la restruc-turation des savoirs. Repenser l’interdisciplinarité et les industries de la connais-sance. Éclairer les nouveaux rapports entre les sciences, les scientifiques et lasociété.L’originalité de ces sciences est de croiser toutes les sciences. C’est le projet del’ISCC, et peut-être son caractère unique, être multilatéral et multidisciplinaireen travaillant avec toutes les sciences et techniques présentes au CNRS et à l’uni-versité. L’information et la communication sont probablement un des défisscientifiques et interdisciplinaires les plus emblématiques des sociétés contem-poraines. Peu de concepts sont aussi omniprésents et transversaux à l’ensem-ble des activités humaines, sociales et cognitives, et obligent à un tel travail decoopération et de confrontations théoriques. C’est ce que j’appelle le tournantcommunicationnel. Avec la communication, on est obligé de regarder loin.Bien au-delà de son expérience personnelle ou de la performance des techni-ques. Les sciences de la communication sont aussi importantes que les scien-ces du vivant, de l’Univers, de la technologie, et de l’environnement l’ont été hier et avant-hier. La communication c’est la paix et la guerre de demain, car il fautapprendre à cohabiter dans un monde fini où l’autre est omniprésent, et si dif-férent. Les scientifiques ont une responsabilité particulière pour arriver à pen-ser les sciences de la cohabitation.

Les sciences de la communication

Dominique WoltonDirecteur de l’Institut dessciences de la communicationdu CNRS

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Surprise en janvier lors de la remise des Trophées de l’innovation 2008 de l’Institut national dela propriété industrielle(Inpi) : dans la catégorie« Centre de recherche »,le labo lauréat travaillesur… le cerveau! Pour en savoir plus, Le journal du CNRSs’est rendu dans cetteunité marseillaise et adécouvert d’étonnantstravaux aux bellesapplications médicales.

de la géographie corticale, relate YohiZennou-Azogui, chercheuse decette équipe. Les neurones sont réaf-fectés à d’autres tâches comme la ges-tion des informations nerveuses enprovenance de la face ! » Mais lazone en question peut-elle retrou-ver sa fonction première? Réponsedans une des salles d’étude du com-portement animal : dans la pièce,un carrousel miniature, une échellepour rongeurs, une mini-arène…« En rééduquant ces rats sur ce typede dispositifs, nous avons noté uneamélioration de leurs performances

tactiles et locomotrices et une réactivation de la zone cor-ticale de représentation de la patte », déclare la scientifi-que. Autre stratégie, testée pour faire récupérer à ces ratsleurs fonctions sensorimotrices perdues : la thérapiecellulaire. Dans la salle de chirurgie, les chercheursgreffent, au niveau de la lésion de la moelle, des cellu-les spécifiques de la muqueuse olfactive. Celles-ci sontsusceptibles de reconstituer la gaine protectrice desfibres nerveuses endommagées et de faciliter leur régé-nération. « Là encore, l’objectif est de déterminer si la greffepermet la réactivation de la zone du cortex privée d’infor-mations par la lésion », précise Yohi Zennou-Azogui.Son équipe étudie aussi cette plasticité en cas de trau-mas acoustiques et d’infirmités motrices cérébrales.

ENTRAÎNEMENT CÉRÉBRALAutant de preuves que le cerveau adulte possède uneplasticité étonnante. Mais aussi que la stimulation estindispensable pour l’entretenir. Béatrice Alescio-Lautierapplique cet enseignement à l’homme. Sur son écrand’ordinateur : un programme pas comme les autres.Dénommé Mémo-Technik, il fait l’objet d’un breveteuropéen et est aujourd’hui développé par une spin-offbaptisée Mind Autonomy Research. « Il s’agit d’un pro-gramme d’entraînement cérébral issu de nos recherches,lance la chercheuse. Destiné aux personnes âgées, il aprouvé son efficacité pour ralentir les déficits de la mémoireet de l’attention survenant avec le vieillissement. » Unprojet évalue actuellement le bénéfice que pourraitprocurer une thérapie couplant Mémo-Technik à cer-tains médicaments prescrits pour les troubles légers dela mémoire. « Et le programme est testé en parallèle surdes patients atteints de la maladie d’Alzheimer, avec desrésultats préliminaires encourageants », ajoute-t-elle. Carà terme, l’idée serait de proposer une variante du pro-gramme d’entraînement pour ce type de patients. Par

ailleurs, l’équipe cherche à déterminer les mécanismesimpliqués dans le vieillissement et les pathologies asso-ciées à l’échelle moléculaire et cellulaire. « Grâce à despuces à ADN, nous traquons les gènes dont l’expression estmodifiée chez des rats mimant la maladie d’Alzheimer,explique sa collègue Véronique Paban. Et ces modifica-tions d’expression sont parfois très importantes. »

DES CELLULES SOUCHES POUR LA MÉMOIREMené par François Roman, un autre groupe teste quantà lui la greffe de cellules souches humaines chez dessouris présentant une lésion de l’hippocampe, structurecérébrale indispensable à la mémorisation. « Nos résul-tats indiquent que ces cellules souches sont capables demigrer jusqu’à la zone lésée et de s’y différencier en cellulesnerveuses. Mieux, la greffe permet aux rats de retrouver unemémoire à long terme ! » indique Évelyne Marchettidevant un labyrinthe olfactif mis au point par l’équipe.À l’intérieur, les souris y sont testées avant et après lagreffe sur leur capacité à mémoriser des odeurs. Maisun des objectifs reste bien sûr de soigner les patients.Or leur greffer dans le cerveau leurs propres cellules sou-ches prélevées par simple biopsie au niveau de l’épi-thélium nasal est une piste de recherche intéressante…mais lourde au niveau chirurgical. D’où l’intérêt duprojet dans lequel est engagé Stéphane Girard, un desjeunes thésards de l’unité. « Des études récentes suspec-tent la capacité de ces cellules souches humaines à passerde la circulation sanguine générale au cerveau, annonce-t-il. Nous allons donc les injecter directement dans le sangde ces souris. » Parallèlement, l’équipe teste des molé-cules pharmacologiques et poursuit ses travaux visantà identifier les traces cérébrales que laisse l’informationlors de tâches d’apprentissage et de mémorisation.On l’aura compris, le LNIA ne se cantonne pas à l’étudedu cerveau sous un angle unique, mais sous toutes lescoutures. « Son approche combine en effet des techniquesaussi diverses que complémentaires : de la biologie cellulaireà l’étude du comportement, en passant par l’histologie,l’imagerie par résonance magnétique, la microneurographie,l’électrophysiologie corticale… jusqu’à la récente acquisi-tion d’une plate-forme d’imagerie optique ultramoderne »,résume Christian Xerri. Une approche qui fait la forcedu laboratoire et ses récents succès.

Jean-Philippe Braly

1. Laboratoire CNRS / Universités Aix-Marseille-I et II.2. À l’image d’un plâtre ou d’une attelle, une orthèse est un appareilorthopédique fixé contre la partie du corps atteinte qui permet de soutenir une fonction locomotrice déficiente.

Ô En savoir plus« Cerveau, Les découvertes qui changent tout », Le journal du CNRS, n° 230,mars 2009.

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Le journal du CNRS n° 231 avril 2009Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Un son inconnu et indéfinissable résonne dansle couloir du Laboratoire « Neurosciencesintégratives et adaptatives » (LNIA)1. Dans unepièce, un chercheur observe un tracé étrangesur son écran d’ordinateur. « Ce son et ce tracé

traduisent le signal électrique émis par un neurone d’unvolontaire lorsqu’il écrit la lettre m, révèle Jean-PierreRoll. Nous l’avons obtenu par microneurographie, unetechnique très délicate qui consiste à recueillir ce signal viades microélectrodes insérées en des points bien précis d’unnerf superficiel de la main du sujet. Le laboratoire a ainsicréé une “neurothèque” unique au monde où sont stockésles codes neuronaux de nombreux mouvements. » Pour comprendre les retombées médicales de ce travail,le chercheur nous entraîne dans une salle voisine. Ici,ces travaux vont peut-être permettre de réduire de 30 à50 % le temps nécessaire à la rééducation pour lespatients qui ont un membre immobilisé. La preuve parl’expérience : assise devant une table, une volontaire àla main artificiellement immobilisée par une orthèse 2

depuis une semaine, suit une séance de rééducation expé-rimentale hors du commun. Car l’orthèse est un peu par-ticulière : elle contient de minuscules vibrateurs quivont transférer au cerveau les codes neuronaux – issusde la fameuse neurothèque – correspondant à diffé-rents mouvements de la main. « Ma main ne bouge pas,mais j’ai l’impression qu’elle s’ouvre, se ferme… », lance lajeune femme. « L’objectif est de leurrer son cerveau pourque celui-ci ne se déshabitue pas à percevoir et contrôler lesmouvements de sa main, explique Régine Roll, une des

responsables de ce projet, baptisé Orthosens. Afin de véri-fier si la zone cérébrale liée aux mouvements de cette maina été entretenue, elle passera un IRM fonctionnel cet après-midi qui sera comparé à celui d’un témoin. »Également testée sur des patients dont une articulationest immobilisée pour raison médicale, cette nouvellegénération d’orthèses pourrait être commercialiséed’ici à trois ou cinq ans. « En attendant, nous étudionsdéjà l’intérêt de ce concept breveté pour la rééducation depatients atteints de troubles locomoteurs », annonce Jean-Pierre Roll, qui n’en est pas à son coup d’essai. Latechnique a en effet été testée avec succès dans diverssecteurs, et notamment dans le domaine spatial pourl’adaptation de l’homme à la microgravité ! « La per-ception et le contrôle par le cerveau des mouvements, del’équilibre et de la posture sont des thématiques de recher-che sur lesquelles notre laboratoire est à la pointe »,confirme Christian Xerri, directeur du LNIA, où tra-vaillent 85 personnes. En témoignent les dispositifsdisséminés dans les salles d’expérimentation : plate-forme de posturologie permettant d’enregistrer lesmouvements du patient au dixième de millimètre près,fauteuil rotatoire…

RÉORGANISATION NEURONALESi le projet Orthosens montre que les zones cérébralespeuvent être entretenues sans que l’organe dont ellesgèrent l’information soit sollicité, que deviennent-ellesen cas de lésions anatomiques? Direction la salle d’élec-trophysiologie. Ici, des chercheurs étudient des ratsadultes présentant une lésion de la moelle épinière quialtère sévèrement le contrôle d’une de leurs pattes anté-rieures. Objectif : enregistrer l’activité de la zone ducortex où se trouve le groupement de neurones qui nereçoit plus d’informations de cette patte. Et les résultatssont surprenants. « La lésion provoque une réorganisation

CONTACTSLaboratoire « Neurosciences intégratives et adaptatives » (LNIA), Marseille

Ô Jean-Pierre [email protected]

Ô Régine Roll, [email protected]

Ô Christian [email protected]

Ô Yohi [email protected]

Ô Béatrice [email protected]

Ô Véronique [email protected]

Ô Évelyne [email protected]

Ô Stéphane [email protected]

NEUROSCIENCES

VIEDESLABOS Reportage

Dans ce labyrinthe olfactif on évalue chez la souris les capacités de mémorisationdes odeurs, pour étudier des pathologies qui touchent la mémoire et l’apprentissage.

Ci-dessus : chez le rat, leschercheurs vérifient grâce à l’imagerie optique si la greffede cellules neurales olfactivesdans la moelle épinière lésée a permis de réactiver la zonecérébrale de la sensibilitétactile.

Ce masque enregistre les mouvements oculaires d’un patient placé sur un fauteuilrotatoire afin d’étudier les troubles de stabilisation du regard provoqués par une lésion neurologique.

Avec ces dispositifs, on peutdonner au cerveau l’illusion decertains mouvements. Desmicrovibrateurs lui envoient desinformations sensoriellessimulant différents mouvementsde la main et du bras (à gauche)et de la main immobilisée parune orthèse (à droite). Objectif :entretenir la zone cérébrale liéeaux mouvements d’un membre,en cas d’immobilisation pour raison médicale.

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MATÉRIAUX

Des cristaux petits mais costauds

Pour les métaux comme dansla vie, l’individualisme l’em-porte parfois sur la solidarité.

Pour preuve, réduisez un métal enmiettes et passez-le sous une presse :il vous faudra appliquer une forceplus importante pour l’écraser ques’il était d’un seul tenant. Les métal-lurgistes ont fait une loi de ce phé-nomène, la loi Hall et Petch, quiexprime le fait que plus les grainsmétalliques sont petits, plus ils sontdurs. Mais si les chercheurs savaientl’expliquer pour des grains d’unetaille supérieure ou égale au micro-mètre, ils ignoraient jusqu’àaujourd’hui les raisons du phéno-mène à des échelles inférieures.Désormais ils le savent : les respon-sables sont les dislocations, ces irré-gularités de l’ordre cristallin qui truf-fent la plupart des métaux. L’énigmea été résolue par une équipe inter-nationale, dont a fait partie MarcLegros, du Centre d’élaboration dematériaux et d’études structurales(Cemes) du CNRS, à Toulouse.

Le microscope électronique à trans-mission du Cemes permet de voir àtravers les métaux tout en les défor-mant. Les chercheurs ont ainsi puétirer un cristal d’aluminium plus decent fois plus petit qu’un cheveutout en observant en direct l’état dumatériau. Ce faisant, ils ont constatéla présence dans l’aluminium dedislocations fortement courbées,beaucoup plus que dans des cris-taux plus gros. Selon Marc Legros,la courbure des dislocations expliquel’origine du « plus c’est petit, plusc’est dur » : à la manière d’un arc,plus les dislocations sont courbes,plus il devient difficile de les plier.Mais pourquoi les dislocations sont-elles arrondies? Précisément à causede la petite taille du cristal : ellesréagissent à la réduction de la tailledu cristal en se courbant commeun contorsionniste enfermé danssa boîte. Les chercheurs ont aussi montréque pour des petits cristaux, il ne sertà rien de pratiquer l’« écrouissage »

on le déplace jusqu’aux franges. L’in-formation est importante quand onsait que certains métaux, notam-ment les aciers, sont fabriqués enagglomérant des poudres de petitscristaux. Les résultats obtenus surl’aluminium pourraient aider lesmétallurgistes à mieux compren-dre le comportement de leursmétaux, et en particulier à déter-miner la taille optimale des cristauxélémentaires pour obtenir le métalle plus solide.

Xavier Müller

INFORMATIQUE

Les grands auteurs à portée de clic

Souris en main et textes à l’écran, explorerà sa guise les textes des grands auteurs…Quel lycéen n’en a-t-il pas rêvé pour pré-

parer le « bac » ? C’est chose faite avec Lytext(Lycée + textes), un outil informatique déve-loppé par des chercheurs et testé actuellementdans une trentaine de lycées lorrains. En deuxclics, il analyse la structure du texte, identifie lesrimes, définit les mots ou encore repère lesfigures de style. De quoi donner toutes les cléspour construire une analyse de texte en bonneet due forme.Cinq années de recherches ont été nécessairesau laboratoire « Analyse et traitement informa-tique de la langue française » (Atilf) 1, à qui l’ondoit déjà le Trésor de la langue française infor-matisé 2, monumental dictionnaire accessible àtous via le Centre national de ressources tex-tuelles et lexicales 3. Mais rien ne prédisposait celaboratoire à mettre ses ressources au service del’enseignement. « Le point de départ fut unedemande de la Région Lorraine, qui, à la recher-che de contenu pour sa plateforme e-Lorraine, a sou-

tenu financièrement le projet, explique Jean-MariePierrel, directeur de l’Atilf. Nous avons aussitôtaccepté. Nous avons commencé par travailler surles définitions. Le problème majeur a alors été depouvoir, en fonction du contexte de l’œuvre, sélec-tionner les seules définitions utiles au lycéen. » Carles dictionnaires proposent pour chaque motou presque de notre langue moult définitions.Comment savoir par exemple que le mot « féti-che » employé par Voltaire dans Candide dési-gnait une personne à laquelle on voue un respectexagéré? Tel fut donc l’objet de la thèse de ClaireBecker, au sein d’Atilf. En concertation étroiteavec un groupe d’enseignants soutenu par l’aca-démie de Nancy-Metz, la chercheuse a d’abordabouti à un prototypage « fait à la main » sur quel-ques textes. Étape suivante : automatiser l’ana-lyse linguistique inhérente au tri des défini-tions. « Notre algorithme devait faire émerger lesmots ambigus puis sélectionner en fonction ducontexte la bonne définition », précise Jean-MariePierrel. Résultat quasi parfait : aujourd’hui,Lytext lève l’ambiguïté pour 95 % des mots consi-

ASTRONOMIE

Et douze de plus ! Fin janvier, des cher-cheurs ont encore annoncé la découvertede nouveaux pulsars émettant des rayonsgamma, ces signaux très énergétiques

situés à l’extrémité du spectre lumineux, au-delàdes ultraviolets et des rayons X. Ce qui porte à plusde trente le bilan récent du satellite Fermi, depuissa mise en fonction en juin dernier. Une mois-son riche d’enseignements sur ces objets nésde la mort des étoiles massives. Les pulsars sonten effet des étoiles dites « à neutrons » (car uni-quement constituées de ces particules neutres),résidus de grosses étoiles disparues dans uneformidable explosion. À la manière de phares, ilstournent sur eux-mêmes rapidement et émet-tent des faisceaux d’ondes radio (au-delà desinfrarouges sur le spec-tre lumineux), de rayonsX, et/ou de rayonsgamma. D’où leur nom,leur lumière semblantanimée d’une pulsation.Ils sont aussi d’incroya-bles dynamos, générant

un champ magnétique puissant, capable d’ac-célérer des particules à des vitesses proches decelle de la lumière. Or, depuis une quarantained’années, les pulsars sont étudiés surtout grâceà leurs ondes radio. Environ 1800 d’entre eux ontainsi été répertoriés, notamment par le grandradiotélescope de Nançay, en Sologne. « Avant l’ère Fermi, nous ne connaissions que six pulsars émet-teurs de gamma, explique David Smith, du Centred’études nucléaires de Bordeaux Gradignan(CENBG) 1, l’un des cinq laboratoires françaisimpliqués dans l’interprétation des données dela mission Fermi 2. Aujourd’hui, trente-six pul-sars de plus ont pu être vus à ces hautes énergies. » L’exploitation des données fournies par Fermipermet d’ores et déjà aux scientifiques de dresser

un portrait plus détaillé de ces pulsars. Jusque-là,il était convenu que la source des rayons gammadevait se situer non loin de celle des faisceauxradio, près de la surface de l’étoile à neutrons etde ses pôles magnétiques. D’après les nouvellesobservations, cette zone serait en fait assez éloi-gnée de la surface. Par exemple pour le pulsar deVela, la plus puissante source de rayons gammaconnue, elle pourrait se situer à environ 200 kmde l’étoile. Quant à l’origine proprement dite durayonnement, elle demeure mal connue : lesmodèles actuels prévoient des causes différen-tes selon l’altitude, justement, et Fermi n’a pas per-mis de trancher. Mais gageons qu’il y parvien-dra : « Fermi couvre un cinquième du ciel à unmoment donné, tourne en permanence sur lui-même

et donne une image complète du ciel toutes les troisheures », précise David Smith. Le nombre de pul-sars gamma connus devrait ainsi tripler en cinqans, durée minimum de la mission.

Nadia Daki

1. Centre CNRS / Université Bordeaux-I.2. Avec le Laboratoire Leprince-Ringuet (CNRS / Écolepolytechnique), le Laboratoire de physique théorique et astroparticules (CNRS / Université Montpellier-II), le Centre d’étude spatiale des rayonnements (CNRS /Université Toulouse-III) et l’Irfu-CEA.

CONTACTÔ David SmithCentre d’études nucléaires de [email protected]

Image en microscopieélectronique à transmission d’un film d’aluminium (en orange),de taille nanométrique, que l’on a étiré. Les lignes et les points noirs sont de minuscules irrégularitésappelées dislocations.

CONTACTÔ Jean-Marie PierrelLaboratoire « Analyse et traitementinformatique de la Languefrançaise » (Atilf), [email protected]

cher aux forgerons : pour renforcerleurs métaux, ces derniers frappentles matériaux pour les larder de dis-locations qui, en s’enchevêtrant, enaugmentent la résistance. Or quandla traction qu’ils appliquaient surl’échantillon a atteint une valeurseuil, les scientifiques ont constatéque les dislocations migraient versles bords, où elles s’évanouissaientcomme le pli d’un tapis disparaît si

CONTACTÔ Marc LegrosCentre d’élaboration de matériaux et d’études structurales (Cemes) du CNRS, à [email protected]

Conçu pour les lycéens, le logicielLytext identifie définitions, rimes,figures de style… Un temps précieuxgagné dans l’analyse des textes! ©

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Depuis ses débuts en juin 2008, le satellite Fermi découvre pulsars sur pulsars. Mais pas n’importe lesquels : ceux-ci émettent des rayonsgamma, contrairement à l’écrasante majorité des pulsars déjà connus.Ce qui permettra d’en savoir beaucoup plus sur ces drôles d’objets. C’est le sursaut gamma le plus puissant

jamais observé que le satellite Fermia détecté en fin d’année dernière et dont les astrophysiciens de la mission livrentaujourd’hui l’analyse. La bouffée de rayonsgamma baptisée GRB 080916C est apparuedans la constellation de la Carène. D’après les instruments à bord du satellite,les rayons les plus extrêmes qui ont quitté la source – sans doute à la suite del’effondrement d’un trou noir – transportaient30 milliards de fois plus d’énergie que la lumière visible. Les observations ont également permis d’établir sa distance :12,2 milliards d’années-lumière.

Ô Plus d’infoswww2.cnrs.fr/presse/communique/1538.htm

L’EXPLOSION LA PLUSVIOLENTE DE L’UNIVERS

Belle moisson de pulsars pour Fermi

dérés comme difficiles par les enseignants.Quant aux 5 % restants, ils recouvrent desmots surtout liés au contexte social del’époque… Mais c’est ici l’affaire des socio-linguistes.Reste encore quelques points à automatiser,concernant la détection des figures de styleou bien celle des allitérations. Subtile, doncardue. Et pour ce faire, « nous comptons surla recherche fondamentale », conclut Jean-Marie Pierrel dans un sourire. À suivre,donc.

Patricia Chairopoulos

1. Laboratoire CNRS / Universités Nancy-I et II /Université Metz – www.atilf.fr2. http://atilf.atilf.fr/tlfi.htm3. Créé en 2005 par le CNRS, www.cnrtl.fr.

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Le ciel vu en rayonsgamma par Fermi, aprèstrois mois d’observation.

La bande brillante est le plan de la Voie

Lactée. Parmi les pulsars découverts,

on voit ici Geminga et le Crabe.

Page 6: JDC169 2e couve pub BATLe journal du CNRS n 231 avril 2009 éditoedito L a communication, c’est un peu comme la vie, insaisissable, indis-pensable et seulement perceptible dans ses

les espèces endémiques : ce qui explique en par-tie que la moitié des végétaux méditerranéensne se trouve nulle part ailleurs.Pour cartographier les zones refuges, FrédéricMédail et Katia Diadema ont analysé quinzeannées de travaux scientifiques (une centainede publications scientifiques) portant sur la « phy-logéographie » du bassin méditerranéen, une

Le mont Pablia Orba,

dans le nord-ouestde la Corse,

fait partie des 52 refuges de biodiversitérépartis autour

du bassinméditerranéen.

VIEDESLABOS Actualités10

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

BIODIVERSITÉ

Lorsque le climat change, les espèces végétales cherchent des refuges pour survivre. Des chercheursviennent de montrer qu’une cinquantaine de sites méditerranéens, connus pour leur biodiversitéactuelle, jouaient ce rôle d’abri depuis plusieurs centaines de milliers d’années.

La Méditerranée, un refuge pour les espèces

Q uand on évoque les points chauds (hot-spots) de la biodiversité, ces zones richesen espèces mais menacées par l’acti-vité humaine, les regards se tournent

souvent vers les forêts tropicales humides. Maisplus près de chez nous, le bassin méditerranéenaccueille entre vingt-cinq mille et trente milleespèces végétales ! Frédéric Médail, de l’Institutméditerranéen d’écologie et de paléoécologie(Imep)1, et sa collègue Katia Diadema, du Conser-vatoire botanique national méditerranéen dePorquerolles, ont examiné les lieux privilégiés oùpersiste la biodiversité méditerranéenne. Et ilsrévèlent dans le Journal of Biogeography 2 qu’unecinquantaine de ces sites ont été de véritables refu-ges pour la flore au fil des aléas climatiques desderniers millénaires. Depuis l’ère tertiaire, le climat terrestre a plusd’une fois basculé. On relève notamment quatreépoques de forte glaciation depuis sept cent milleans, entrecoupées de pério-des interglaciaires. Avec pourconséquences d’intensesvariations de température(une quinzaine de degrés) etde pluviométrie (du simpleau double) en Méditerranée,qui auraient pu entraîner ladisparition d’une forte pro-portion de la flore, si les plantes n’avaient pu setrouver des abris. « Les refuges sont souvent deszones montagneuses, insulaires, des gorges, où latopographie locale a amorti les variations climatiquesdepuis la fin du tertiaire », explique Frédéric Médail.Ces refuges ont ensuite permis une reconquêtegéographique pour les espèces les plus aptes à ladispersion, ou sont devenus des réservoirs pour

discipline qui étudie la distribution géographiquedes espèces, en lien avec leur diversité et leur ori-ginalité génétique. C’est ainsi qu’ils ont révélé52 « refuges » : 33 à l’ouest et 19 à l’est du bas-sin. Ces derniers, moins nombreux, sont aussimoins fragmentés. « Sans doute parce que l’impactdes aléas climatiques a été plus sévère à l’ouest, cequi a morcelé les refuges », explique le chercheur.Bien souvent, ce sont des régions montagneuseslittorales qui ont permis aux espèces de résis-ter, la proximité de la mer atténuant l’aridité liéeaux baisses de pluviométrie au cours des gla-ciations. « La montagne permet des migrations enaltitude à de courtes distances, et donc les végétauxpeuvent plus facilement retrouver des niches écolo-giques favorables à leur survie. » Ces régions sontsituées pour la plupart dans la péninsule Ibérique,en Italie, dans les Balkans, et au Maghreb.Ces études sont essentielles pour dessiner denouvelles stratégies de conservation de la biodi-versité, notamment face à la croissance démo-graphique. « La connaissance des refuges est indis-pensable aussi pour imaginer ce que pourrait être

la flore dans un climat réchauffé », expliqueFrédéric Médail. En effet, ces plantes ont déjàrésisté à d’importantes baisses et montées detempératures. « Le nombre et la diversité de ceszones semblent assez rassurants pour l’avenir.Elles ont joué ce rôle de refuge plusieurs fois depuisla fin de l’ère tertiaire. Et elles devraient faciliterla persistance locale des espèces au fur et à mesure

que le climat se modifie. » L’exis-tence de ces refuges casse l’idéed’un impact global du climatsur la biodiversité. « J’ai du malà croire que la moitié de la bio-diversité végétale méditerranéennepourrait disparaître en cinquanteans, comme on l’entend parfois. »

Denis Delbecq

1. Institut CNRS / Universités Aix-Marseille-I et III / UniversitéAvignon / IRD.2. Paru en ligne le 26 janvier 2009.

VIEDESLABOS 11

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

BIOLOGIE

Une équipe menée par un chercheur CNRS vient de découvrir, chezla souris, une nouvelle voie pour lutter contre la sclérose en plaques.Leur arme : une molécule naturellement produite par notre corps.

Une hormone contre la sclérose en plaques

Suffira-t-il un jour d’injecter une subs-tance fabriquée naturellement par la thy-roïde, l’hormone T3 ou « triidothyro-

nine », pour ralentir la redoutable sclérose enplaques, cette maladie incurable à ce jour quine touche pas moins de 80 000 personnes enFrance ? Voilà ce que laisse espérer une étudemajeure réalisée par Said Ghandour et ses col-lègues du Laboratoire d’imagerie et de neu-rosciences cognitives 1, publiée en décembredans la revue The Journal of Neuroscience 2.Pouvant se manifester notamment par destroubles de la marche et une grande fatigue, lasclérose en plaques (SEP) est liée entre autresà la destruction progressive de la myéline, cettesubstance qui « gaine » les fibres nerveusesdu cerveau et de la moelle épinière, et permetainsi la bonne transmission de l’influx ner-veux. Autant dire que la réparation de ces gai-nes est considérée comme un objectif majeurde la recherche : elle pourrait permettre deralentir, voire de prévenir la maladie. Or juste-ment, les travaux de Said Ghandour et de sescollègues montrent qu’il est possible d’induirela « remyélinisation » grâce à l’administrationde l’hormone T3. « En fait, on savait déjà depuisle début des années 1980 que lors dudéveloppement du cerveau chez l’em-bryon et au cours de la période post-natale, la T3 est nécessaire pour lamaturation des cellules nerveuses etla formation de la myéline ; mais per-sonne n’avait montré qu’elle rendaitaussi possible la remyélinisation dansun cerveau adulte déficient en myé-line ! », précise le biologiste. Quienchaîne : « Représentant un travailde deux ans financé par l’Associa-tion européenne contre les leucodys-trophies (ELA), notre étude indiqueque la T3 stimule la capacité d’auto-réparation du cerveau. »Pour arriver à ce résultat, le chercheur CNRSet ses collègues ont injecté la T3 à des sourissouffrant d’une forme de la SEP. Et ce, quoti-diennement, pendant trois semaines. Puis, ilsont analysé le cerveau des souris via notam-ment une technologie d’IRM, dite « IRM dutenseur de diffusion », technique qui permetd’observer très précisément la régénérationde la myéline au niveau des fibres nerveuses.

Au final, « nos travaux ont révélé qu’une injec-tion quotidienne de T3 pendant trois semainesinduit une réparation spectaculaire et complètede la gaine de myéline en douze semaines », indi-que Said Ghandour. Comment ? Les cher-cheurs ont montré que l’hormone T3 entraînela transformation de cellules souches céré-brales en des cellules bien particulières – les« oligodendrocytes » – capables de produire dela myéline. Cette dernière permettant ensuitede « réparer » les lésions propres à la SEP. Prometteur, ce résultat n’est pour l’heure pastransposable chez l’homme, chez qui une sur-dose de T3 entraîne habituellement plusieurseffets secondaires importants. Mais les cher-cheurs pourraient se diriger vers la mise aupoint d’une molécule synthétique analogue,c’est-à-dire ayant les mêmes effets que la T3mais sans ces effets indésirables.

Kheira Bettayeb

1. Laboratoire CNRS / Université Louis Pasteur,Strasbourg.2. “Recovery from chronic demyelination by thyroidhormone therapy : myelinogenesis induction andassessment by diffusion tensor magnetic resonanceimaging”, The Journal of Neuroscience, 24 déc. 2008.

CONTACTÔ Said GhandourLaboratoire d’Imagerie et de neurosciencescognitives, [email protected]

VIEDESLABOS Actualités

Il faut revoir la politique de gestion des espaces naturels. C’est ce que conclut l’équipe dirigée parDavid Mouillot, du Laboratoire « Écosystèmes Lagunaires »1, dans des travaux publiés en octobredernier dans PNAS. Les chercheurs ont étudié la manière dont est modélisée la relation entre la surfacedes « points chauds » de biodiversité de la planète et le nombre d’espèces qu’ils contiennent. Ils ontconstaté de grandes incertitudes dans ces modélisations. Or celles-ci sont utilisées pour définir lesrégions à protéger. Ils en concluent qu’il faudrait protéger des régions beaucoup plus vastes. Car si desdoutes subsistent, c’est rien de moins que la survie de nombreuses espèces qui dépend de la définitionexacte de ces « points chauds ».

1. Laboratoire CNRS / Université Montpellier-II / Ifremer / IRD Montpellier.

PROTÉGER DE PLUS GRANDS ESPACES!

L’hormone T3 entraîne la naissanced’oligodendrocytes (en vert). Ces cellules peuventproduire de la myéline, qui permet de « réparer » les lésions propres à la sclérose en plaques.

BRÈVE

L’étau se resserreautour du boson de HiggsOn en sait un peu plus sur la masse que pourrait avoir le boson de Higgs, cette particule prédite par les théoriesphysiques (le modèle standard) mais que personne n’a encore observéedirectement. Les nouveaux résultats desexpériences D0 et CDF, menées au grandaccélérateur de particules Tevatron duFermilab, aux États-Unis, et auxquellesparticipent les chercheurs de l’IN2P3 du CNRS, excluent que cette masse puisseêtre comprise entre 160 et 170 GeV. La particule, si elle existe bel et bien,aurait donc une masse comprise entre 114 et 160 GeV ou entre 170 et 185 GeV. Les limites de 114 GeV et 185 GeV ont étédéterminées par des expériences passées. > www2.cnrs.fr/presse/communique/1557.htm

CONTACTÔ Frédéric Médail Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie (IMEP)[email protected]

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L’orchis des marais (une orchidée), la cisteladanifère et le frêne à fleur (de gauche à droite) ont profitéde refuges pour survivre aux époques glaciaires.

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Conçu et assemblé sous la direction de l’Institutd’astrophysique spatiale, le détecteur « haute fréquence » HFI fait appel à une technologieencore jamais employée dans l’espace.

C ’est une relique de la naissance de l’Uni-vers. Un rayonnement fossile produit370 000 ans après le « Big Bang », aumoment où se formèrent les premiers

atomes. Ce flux de photons arrive quasi inchangésur Terre et nous donne une image de ce que futle cosmos dans sa prime jeunesse, voici 13,7 mil-liards d’années. Pour étudier ce rayonnementafin d’en dresser une carte plus précise et d’ensavoir plus sur les premiers temps de l’Univers,le satellite Planck, de l’ESA, sera mis en orbite enavril par une fusée Ariane-5 qui partira de Kourou,en Guyane. Ses deux instruments recueillerontdes données uniques sur l’histoire et la compo-sition du cosmos.Planck succède à deux missions de la Nasa, lessatellites Cobe et WMAP, lancés respectivementen 1989 et en 2001, qui ont déjà réalisé des car-tes de ce rayonnement fossile. Celles-ci ont misen évidence des zones sombres au milieu de

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PLANCK ET HERSCHEL

Objectif Universthèse toujours débattue de l’inflation. Enfin,Planck devrait servir à établir une théorie de la for-mation des grandes structures du cosmos etmême à dresser une carte d’objets difficilementdétectables : amas de galaxies ou nuages de gaztrès éloignés. Une mission très ambitieuse donc. Il aura fallu plus de quinze ans pour voir abou-tir le projet. Planck nécessitait, en effet, une plusgrande sensibilité, une meilleure résolution angu-laire et la capacité de fonctionner sur une plus largegamme de fréquences que Cobe et WMAP. Àson bord, le LFI (Low Frequency Instrument) estun perfectionnement d’un instrument déjà utilisé.Également du voyage, le détecteur HFI (HighFrequency Instrument), lui, fait appel à un pro-cédé nouveau, jamais utilisé dans l’espace. Conçuet assemblé sous la direction de l’Institut d’as-trophysique spatiale, il permet une très grande sen-

sibilité mais il doit fonctionner à des températu-res très basses, proches du zéro absolu. Pas sim-ple dans l’espace ! Sa mise au point a donc mobi-lisé en France pas moins de 80 scientifiquesvenus de 9 laboratoires du CNRS (Insu et IN2P3)et du CEA 1. Sa réalisation, d’un coût de 140 mil-lions d’euros environ, apportés pour moitié parle Cnes et le CNRS, aura été un véritable défi.Constitué de 52 capteurs spéciaux, des bolomè-tres, l’instrument fait appel à une chaîne cryo-génique dont le dernier étage, conçu au CRTBT,est destiné à le refroidir jusqu’à 0,1 degré au-dessus du zéro absolu! La mise au point au CESRde son électronique a, quant à elle, obligé leschercheurs à imaginer des méthodes nouvellespour s’affranchir des « bruits » susceptibles de per-turber des mesures réalisées au milliardième devolt près. Une tâche de longue haleine donc. Maissurtout un fantastique pari qui ouvre une voieroyale à la connaissance de l’Univers.

Vahé Ter MinassianÔ En savoir plus« Univers, les mystères des origines », Le journal du CNRS, n° 228-229, janvier-février 2009

1. Institut d’astrophysique spatiale (IAS), Institutd’astrophysique de Paris (IAP), Laboratoire de l’accélérateurlinéaire (LAL), « Astroparticule et cosmologie » (APC),Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie(LPSC), Centre de recherches sur les très bassestempératures (CRTBT, Institut Néel), Centre d’étudesspatiales des rayonnements (CESR), Service d’astrophysique(Sap), Laboratoire d’étude du rayonnement et de la matièreen astrophysique (Lerma).

CONTACTSÔ François BouchetInstitut d’astrophysique de Paris (IAP)[email protected],

Ô Martin Giard Centre d’étude spatiale des rayonnements(CESR), [email protected]

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

ÉNERGIE

Sur le papier, l’hydrogène est une source d’énergie sans pareille.À condition de trouver une solution durable pour le produire en masse. Des chimistes s’en rapprochent en s’inspirant… de la photosynthèse des plantes.

Hydrogène : et si l’on copiait les plantes?

Candidat au statut de source énergétiquede masse, l’hydrogène a un gros atoutsur son curriculum vitae : sa combus-

tion n’engendre aucun gaz à effet de serre.Hélas, il n’en existe aucun gisement sur Terre.Il faudra donc le produire industriellement sil’on veut qu’il remplace un jour l’essence denos voitures. Tout récemment, Ally Aukauloo,Pierre Millet et Élodie Anxolabéhère-Mallart,à l’Institut de chimie moléculaire et des maté-riaux d’Orsay (ICMMO)1, viennent de franchirdeux nouvelles étapes vers un procédé propreet économiquement viable de synthèse del’hydrogène. Leur source d’inspiration ? Lesplantes, et plus précisément la photosynthèse,qui leur permet de créer de la matière à par-tir de l’énergie solaire. Cette idée pourraitrapidement gagner du terrain parmi les nom-breuses pistes envisagées pour la productiond’hydrogène. Pour produire de l’hydrogène avec de l’eau, lanature propose donc la photosynthèse.Comme l’explique Ally Aukauloo, « au coursd’une première étape, la photosynthèse permetl’absorption de la lumière solaire, sa conversionen énergie chimique, puis l’acheminement decelle-ci vers un centre réactionnel du végétal oùsont dissociées les molécules d’eau 2. Ensuite, lesprotons et les électrons qui en sont issus sont uti-lisés sur d’autres sites réactionnels, pour la syn-thèse de nouvelles molécules tels des sucres ou…de l’hydrogène. » Évidemment, ces différen-tes étapes nécessitent une « usine » molécu-laire d’une rare complexité, et façonnée par desmillions d’années d’évolution. Et comme leprécise le chimiste, « pour l’heure, il est exclude la reproduire artificiellement. Toutefois, lesoutils de la chimie permettent de s’en inspirer ».On parle de procédés bio-inspirés. Prenons le cas de la première étape de la pho-tosynthèse. Elle est l’œuvre de la chlorophylle,un pigment qui capte et convertit l’énergielumineuse. La dissociation de l’eau se pro-duit sur un complexe chimique à base demanganèse. De multiples combinaisonsseront à tester avant de trouver le systèmechimique qui réalisera artificiellement cetteétape le plus efficacement possible. Mais leschimistes d’Orsay, dans le cadre d’un finan-

CONTACTÔ Ally AukaulooInstitut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (ICMMO)[email protected]

Herschel constitue la seconde mission-clé de l’ESApour l’année 2009. Cet instrument qui fonctionne dansl’infrarouge lointain et dans le domaine des ondessubmillimétriques est, avec son miroir de très hauteprécision de 3,5 m de diamètre, le plus grand télescopespatial jamais envoyé en orbite. En observant duranttrois ans l’Univers à 1,5 million de kilomètres de la Terre, il devrait nous permettre d’en apprendre un peu plus sur la manière dont se forment les étoilesau sein des nuages interstellaires et sur la chronologiedes événements qui ont conduit à l’apparition des premières galaxies. Herschel, qui succède aux satellites ISO (ESA) et Spitzer (Nasa) lancés en 1995et en 2003, a largement fait appel à des compétencesfrançaises. Grâce à des financements apportés pour

moitié par le Cnes et pour moitié par leurs organismesde tutelle, des équipes du CNRS1, du CEA (Sap) et del’Observatoire de Paris ont participé à la conception et à la fabrication des trois instruments de bord : les spectromètres et caméras Pacs, Spire et Hifi.

V.T.M.Contact : Laurent Vigroux, [email protected]

1. Laboratoire d’astrophysique de Marseille, CESR, Institutd’astrophysique spatiale.

HERSCHEL, LE TÉLESCOPE DES STARS

Le 26 avril prochain, une fuséeAriane-5 emmènera dansl’espace deux télescopeseuropéens qui devraient nous en apprendre beaucoup sur l’Univers. Plusieurslaboratoires du CNRS figurentparmi les grands artisans de ces bijoux technologiques.

Le satellite Herschel est dédié à l’étude de la formation des étoiles dans les nuagesinterstellaires et des premières galaxies.

cement de l’Agence nationale de la recher-che, ont posé une première pierre en déve-loppant des systèmes moléculaires capablesde casser une molécule d’eau. Comment? Engreffant entre elles deux molécules. « La pre-mière est un complexe à base de ruthénium, quis’active chimiquement lorsqu’il capte la lumière,détaille Ally Aukauloo. Il cède alors une chargeélectrique positive au second complexe sur lequelest accrochée une molécule d’eau. Celle-ci se pola-rise puis se dissocie, cédant des protons à la solu-tion dans laquelle elle se trouve. » Et que faire de ces protons ? De son côté, lanature utilise à cette étape des complexes chi-miques, appelés hydrogénases, qui catalysentla synthèse de la molécule d’hydrogène. Pourreproduire cette fonction, l’équipe de l’ICMMOvient de synthétiser un nouveau complexe,composé d’un atome de cobalt enchâssé dansune cage formée par d’autres espèces chimi-ques. Avantage : « Il ne nécessite pas l’emploide métaux précieux, précise le chercheur. Deplus, la possibilité de jouer sur la nature chimi-que de la cage dans laquelle se trouve l’atome decobalt permet d’adapter les propriétés de notrecatalyseur à différentes situations. »Malgré ces succès, les chercheurs restentextrêmement prudents, rappelant qu’une« feuille » artificielle capable de produire del’hydrogène industriellement à partir d’eauet de la lumière du soleil n’est pas pourdemain. Pour autant, Ally Aukauloo s’en-thousiasme : « Nous nous rapprochons lente-ment de ce Graal. Et pouvons peut-être envisa-ger un prototype de laboratoire d’ici à dix ans. »Un futur pas si lointain !

Mathieu Grousson

1. Institut CNRS / Université Paris-XI.2. Elles perdent alors des électrons pour former de l’oxygène gazeux et des protons.

régions brillantes. Des taches qui seraient l’em-preinte des germes des grandes structures actuel-les du cosmos. Les « grumeaux » repérés cor-respondent aux endroits où la matière primitives’est d’abord assemblée avant de s’effondrer surelle-même pour donner naissance aux premiè-res étoiles, puis aux galaxies et aux amas. Enmesurant la répartition de ces taches, leur taille,l’intensité de la lumière qui s’en échappe, Cobeet WMAP ont déjà fourni une belle moisson derenseignements sur l’Univers primitif.Le but de la mission Planck est d’aller beaucoupplus loin. Ses objectifs : préciser la valeur de cer-tains paramètres cosmologiques comme la cour-bure de l’Univers, clarifier les parts respectivesd’énergie noire, de matière noire ou ordinaire,comprendre les mécanismes qui ont engendréles grumeaux et tester différents modèles de la

13Mission VIEDESLABOSVIEDESLABOS Actualités12 VIEDESLABOS Actualités

Le satellite Planckpermettra d’établir une carte du rayonnement fossile et de déterminer avec précisionles paramètres d’évolution de l’Univers.

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INNOVATION 15

BREVET

Magsalia : à la recherche des trésors enfouis

Voir » à travers les entraillesdu sol et jusque dans les fondsmarins : cette prouesse digne

des récits de Jules Verne est main-tenant réalité ! Le procédé Magsalia,développé par un mathématicien,permet en effet de détecter préci-sément des objets enfouis ouimmergés jusqu’à 200 mètres deprofondeur. En marge des techni-ques précédentes, comme le Sonar,fondé sur les ultrasons, cette inno-vation, protégée par un brevet, uti-lise le magnétisme.« Au-dessus d’un objet enfoui, lechamp magnétique terrestre varie : lemesurer fait apparaître des anoma-lies sous forme de taches. Grâce aucalcul différentiel que j’ai développé, et

que j’exploite de manière informatique,Magsalia met au net cette image floueexactement comme un verre de lunettecorrige la vision », explique l’inven-teur, Bruno Wirtz, du laboratoire demathématiques de Brest 1. En outre,Magsalia peut livrer des informa-tions sur la masse de l’objet, car ceparamètre apparaît dans les lois phy-siques qui décrivent le champmagnétique.Après des premiers tests concluantsen 2001, l’inventeur détecte l’annéesuivante, à 2 mètres de profondeur,un four à sel du VIIe siècle av. J.-C.,ce qui sera confirmé par des fouil-les en 2004. En août dernier, il cal-cule, à 2 mètres près, la positiond’épaves dans les fonds marins tro-

picaux du sud-est asiatique dans lecadre d’un contrat de consultingavec la DRSM (Détection et recher-che sous-marine). À présent, il veutpartir à la recherche de la Cordelière,navire amiral d’Anne de Bretagne,coulé en 1512 dans le goulet de Brest.En 2006, Bruno Wirtz reçoit le tro-phée de l’innovation de la RégionBretagne, juste après avoir déposéun brevet au nom de l’université deBrest, avec l’aide des services devalorisation de son université et deBretagne Valorisation. Si Magsalia foisonne d’évidentesapplications en archéologie, « il peutaussi servir à détecter les mines anti-personnel, or je ne tiens pas à ce queleurs fabricants sachent comment elles

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C ’est un avenir un or qui se dessine actuel-lement pour le bois ! Qu’on en juge : lesnouveaux produits à base de ce maté-riau durable trouvent leur place dans des

domaines aussi variés que la papeterie (évi-demment), la chimie, mais aussi la construc-tion automobile (plus surprenant)… et mêmel’ingénierie médicale. Néanmoins, l’habitat restele secteur d’activité le plus gourmand en termesd’innovations visant à valoriser le bois, maté-riau à la fois résistant, esthétique et isolant. C’estpourquoi les recherches en la matière sont sifoisonnantes. Parmi elles, on trouve les divers pro-jets menés au sein de l’Unité Sciences du bois etdes biopolymères (US2B), en Gironde : « Noustravaillons par exemple à la fabrication d’une cloi-son acoustique à base de fibres végétales et de bois,explique Patrick Castéra, directeur de l’US2B.Dénommée “Silent Wall”, elle vise à empêcher le pas-sage d’une pièce à l’autre des ondes basse fréquence,qui représentent une nuisance sonore en pleine aug-mentation, avec la multiplication d’appareils detype home cinéma. » Autre innovation étonnantemise au point par le laboratoire, une mousseconstituée de fibres de bois dilatées par un gaz !Isolante et légère, elle est destinée à certainsmobiliers et aux faux plafonds.Afin de prédire l’efficacité et les conséquencesenvironnementales de l’utilisation de produitsd’origine végétale tel que le bois pour des appli-cations si diverses, le laboratoire disposeaujourd’hui d’une nouvelle arme créée eninterne. « Il s’agit d’un logiciel de modélisationbaptisé TED pour “Tool for Ecodesign”, annoncePatrick Castéra. Unique en son genre, cet outild’éco-conception sera prochainement déposé àl’Agence de protection des programmes. » Si lasimulation est concluante, la phase expéri-mentale peut débuter. C’est ainsi qu’avec unéquipementier automobile, l’unité teste actuel-lement l’incorporation de farine de maïs enremplacement de certaines matières plastiquesdans les garnitures de portières de voitures…avec de premiers résultats très encourageants.

Mais les innovations déve-loppées par ces cher-cheurs créatifs ont biend’autres applications. Unexemple : le traitementde faibles volumes d’eaucontaminés par desmétaux lourds, grâce à untout nouveau filtre à basede tiges de maïs, substituables aux résines issuesdu pétrole utilisées aujourd’hui. « Et il y a quel-ques années, l’US2B démontrait l’intérêt de molé-cules contenues dans le bois – les phosphates de cel-lulose – comme biomatériaux intégrables danscertaines prothèses médicales », ajoute StéphaneGrelier, directeur adjoint du laboratoire.On l’aura compris, certaines molécules végéta-les peuvent se substituer efficacement à cellesissues de la chimie classique. Ainsi, la trans-formation de la lignine, un des composants debase du bois, peut générer des molécules trèspuissantes pour tuer des insectes, champignonset micro-organismes. Ces substances dites « bio-cides » pourraient donc constituer une alterna-tive à certains produits phytosanitaires actuels.« Une de nos équipes développe également deshuiles végétales modifiées pour remplacer les colleschimiques qui lient entre elles les fibres des pan-neaux de bois, annonce Patrick Castéra. En effet,ces colles à base de formaldéhyde dégagent des com-posés organiques volatils nocifs pour la santé etl’environnement. »

Mais le bois représente aussi une importantesource d’énergie. Dans ce domaine, l’US2B s’im-plique notamment dans l’amélioration du procédétransformant la cellulose, un polysaccharide pré-sent dans le bois, en bioéthanol. Et travaille plusparticulièrement sur le concept de « bioraffine-rie », qui doit permettre d’obtenir des produitsde base pour l’industrie, comme l’éthylène, àpartir de ce bioéthanol. « Car l’éthylène est poten-tiellement transformable en polyéthylène, benzène,styrène, polystyrène… Autrement dit, il est capablede générer la plupart des molécules issues de lapétrochimie, à la différence qu’elles sont alors d’ori-gine naturelle », explique Stéphane Grelier. Cettecellulose peut être récupérée dans les déchetsde l’industrie du bois, les coupes rases de forêts,mais aussi la paille des céréales, les cannes demaïs, la bagassen, résidu fibreux de canne àsucre… Le bois et les végétaux qui le produisentn’ont pas fini de nous étonner !

Jean-Philippe Braly

1. « Salon européen du bois et de l’habitat durable », du 23 au 26 avril à Grenoble, et « Salon Bois Énergie », du 2 au 5 avril à Lons-le-Saunier.2. Unité CNRS / Inra / Université Bordeaux-I.

MATÉRIAUX

Une forêt d’innovations

CONTACTSUnité Sciences du bois et des biopolymères (US2B), Bordeaux

Ô Patrick Casté[email protected]

Ô Stéphane Grelier [email protected]

INNOVATION

Le bois fait aujourd’hui l’objetd’un fourmillement d’innovationsaussi diverses qu’insoupçonnées.Alors que deux salons dédiés à ses utilisations s’apprêtent à ouvrir leurs portes1, l’Unité sciences du bois et des biopolymères (US2B)2

nous dévoile ses travaux.

Une chercheusemesure, parprofilométrie laser, la rugosité de surfaced’un matériau à basede bois. Le but?Étudier ses propriétésacoustiques en vue deson intégration dansune cloison d’habitat.

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À gauche, photo de fouilles à Marsal, en Lorraine. On y met àjour des fours à sel préhistoriquesque les données de Magsalia ontpermis de détecter. Superposées à la photo dans l’image de droite,elles montrent en rouge foncé les zones les plus magnétiques,celles-là mêmes qui révèlent la présence de terre cuite.

BRÈVES

Deux nouvelles normes pour la sécurité sur InternetLa sécurité sur Internet sera bientôt renforcée grâce aux travaux d’un chercheur du Laboratoire d’informatique, de modélisationet d’optimisation des systèmes (Limos) 1, à Clermont-Ferrand. En collaboration avec la société informatique Ineovation, MohamadBadra a apporté deux améliorations au protocole SSL/TLS 2, développé en 1995 par Netscape et largement utilisé aujourd’huipour sécuriser les échanges et les transactionssur internet. Elles rendent plus sûrs d’une part les échanges de clés numériques

qui permettent le chiffrement et le déchiffrement des données, d’autre part la fonction dite de hachage, utilisée pourgarantir l’intégrité des données. Ces deuxaméliorations ont été intégrées aux normespubliées par l’Internet Engineering Task Force,groupe international qui élabore les standardsinternet, et sont d’ores et déjà à la dispositiondes programmeurs et des éditeurs de logiciels.

1. Laboratoire CNRS / Universités de Clermont-Ferrand-I et II /Institut français de mécanique avancée.2. Secure Socket Layer / Transport Layer Security.

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peuvent être repérées », insiste-t-il.« Couplé à d’autres instruments demesures physiques, comme un Sonarou un Lidar qui utilise un faisceaulaser, ce procédé peut aussi rendrecompte des microreliefs d’un terrainet des lieux de circulation de l’eau à fai-ble profondeur. Cela permettrait parexemple de déterminer des zones où ilconviendrait de limiter l’épandage d’en-grais. » Enfin, comme les techni-ques d’imagerie médicale sont aussifondées sur l’enregistrement de gran-deurs physiques, Magsalia pourraità l’avenir améliorer la détection descancers… Et même, plus inattenduencore, contribuer un jour à larecherche d’exoplanètes.

Aude Olivier

1. Laboratoire CNRS / Université de Brest.

Ô 207C’est le nombre de brevets publiés par le CNRS en 2008. L’organisme se classe ainsi à la 9e place du palmarès français, dont le podium est occupé par trois grandes entreprises : PSA Peugeot Citroën, Groupe Renault et L’Oréal.

CONTACTÔ Bruno WirtzLaboratoire de mathématiques, [email protected]

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JEUNESCHERCHEURS 17

Un parfum de réussite plane sur les travaux de ce jeune chercheurlyonnais de 36 ans, lauréat en 2008de la médaille de bronze du CNRS

et d’un prix américain 1 pour ses découvertessur l’olfaction. Fasciné depuis l’enfance par le monde des fragrances, il entreprend en1998 une thèse en psychologie cognitive sur letraitement affectif des odeurs, autour de deuxquestions essentielles : comment mesurer les émotions olfactives ? Comment les odeursinfluencent-elles notre comportement ? Il poursuit ces recherches lors de sonpostdoctorat à Berkeley et entre au CNRS en 2004, au laboratoire « Neurosciencessensorielles, comportement, cognition » 2. Le rôle des émotions est primordial dans la survie et l’adaptation de l’espèce, et l’odoraten est un facteur essentiel. C’est en effet sur la base d’alertes olfactives que les animauxapprennent à éviter les prédateurs, à chasserleurs proies ou à choisir leurs aliments. Dansl’espèce humaine, les réactions émotionnellesaux odeurs contribuent également de façonmajeure aux relations sociales. MoustafaBensafi va en explorer tous les aspects et les circuits. Il commence par révélerl’existence de différents systèmes, en privilégiant l’observation de caractéristiquesnon verbales, comme les mimiques faciales ou les variations du rythme cardiaque. Puis démontre, dans des expériences réaliséesà Berkeley, que les odeurs influencent le comportement humain et cela, même hors du champ de la conscience. Mais son terrain de prédilection, « ce sont les représentations mentales ! » Comment les odeurs sont-elles pensées par le cerveauhumain ? L’imagerie fonctionnelle montre que la pensée des odeurs et la sensation réelled’odeurs activent les mêmes réseauxneuronaux, notamment situés dans le cortexpiriforme. Confirmation avec une expériencesur le « flairage » à laquelle a contribuéMoustafa Bensafi, où les participants devaientpenser à un parfum. Les chercheurs ont alorsconstaté qu’ils humaient activement pourgénérer cette odeur et cela, d’autant plus fortet plus longtemps que l’odeur imaginaire leurétait plaisante. Mais qu’il suffisait de leurmettre un clip sur le nez pour que la clarté del’image olfactive se dégrade. Les réponses hédoniques aux odeurs varientau cours de la vie. Codées et mémorisées dansl’enfance, elles se développent durant

l’adolescence et l’âge adulte puis décroissent.Une expérience réalisée avec Lancômemontre une « anhédonie » chez certainesfemmes autour de la ménopause, c’est-à-direune baisse de la capacité à éprouver du plaisiren réponse à des stimulations sensorielles ;mais l’usage de crèmes parfumées provoque

des effets relaxants et apaisants même chezles femmes les moins réceptives au plaisir. Cequi ouvre d’immenses perspectives dansl’industrie des cosmétiques et del’environnement. « Nous sommes très sollicitéspar l’industrie, reconnaît Moustafa Bensafi,mais je privilégie la recherche fondamentale ! »Il travaille actuellement sur deux projets. L’un sur les différences transculturelles :

à partir de groupes humainsgéographiquement éloignés, il étudie avec d’autres scientifiques le rôle que joue,dans la formation des préférences olfactives,l’exposition à des saveurs pendant l’enfance.L’autre projet porte sur l’inné et l’acquis : en travaillant sur le modèle animal avec sonéquipe, il cherche à vérifier si des constantesse sont maintenues au cours de l’évolution des espèces. Une hypothèse récemmentvérifiée, puisqu’il s’avère que les souris et les hommes ont les mêmes préférencesolfactives, ce qui confirme que ces préférencesne sont pas seulement déterminées par l’expérience ou la culture mais aussi par la structure de la molécule odorante 3.Reste-t-il à Moustafa un peu de temps libre ?Avec trois jeunes enfants, il avoue que les loisirs sont rares. Mais il se régale à voir sa fille et ses deux garçons commencer à flairer les roses du jardin…

Françoise Tristani

1. Le Moskowitz Jacobs Inc. Award for Research Excellencein the Psychophysics of Taste and Smell.2. Laboratoire CNRS / Université Lyon-I.3. www2.cnrs.fr/presse/communique/1495.htm

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Moustafa BensafiDu goût pour les odeurs

CONTACTÔ Moustafa BensafiLaboratoire « Neurosciences sensorielles,comportement, cognition », [email protected]

Dans l’espècehumaine, les réactionsémotionnelles auxodeurs contribuent de façon majeure auxrelations sociales.

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Le retour annoncé de la France dans l’Otandivise l’opinion. Pourquoi ?B.I. : Rappelons que la France, l’un despremiers contributeurs de l’Otan en termes de troupes et de budget, n’a jamais quittél’alliance : c’est de son commandement qu’elle s’est retirée en 1966, lorsque le généralDe Gaulle a estimé qu’elle devait retrouver sa pleine souveraineté, grâce à l’armenucléaire. Or sur le plan militaire, France et Otan collaborent de plus en plus depuis1990, et cette coopération fonctionne plutôtbien. Du coup, se demandent certains, à quoi bon une telle réintégration, ou plutôtune « normalisation » ? D’un point de vuepolitique, les souverainistes dénoncent un risque d’alignement sur les États-Unis et une perte d’indépendance. Cet argument est à nuancer : l’Otan garantit l’autonomie de ses membres quant à leur participation à des opérations. De plus, la France resteraitindépendante en matière nucléaire. Il est vrai,cela dit, qu’en politique étrangère, ne pas êtremembre à part entière lui conférait plus de marge de manœuvre et d’importance pour dialoguer avec certains pays, notammentle monde arabo-musulman.Enfin, pour les « pro-Européens », ce retourannihilerait le développement d’une défenseeuropéenne autonome. Les « atlantistes »estiment au contraire que la relance de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) suppose la levée de notrestatut particulier. Dans tous les cas, il faudraéviter que ne se mette en place un partageinégal des tâches entre l’Otan et l’UE, que ne s’instaure un « droit de premier regard » de l’Otan sur les dossiers concernant la sécurité des Européens. Enfin, il faudraque les États-Unis acceptent à long terme le développement d’une défense européenne.Rien n’est moins sûr.

Propos recueillis par Stéphanie Arc

1. Centre CNRS / Sciences-Po.2. L’Otan rassemblait d’abord les signataires du Traité de Bruxelles (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni), les États-Unis et le Canada ainsi que cinqautres pays d’Europe occidentale (Danemark, Italie, Islande,Norvège et Portugal). Elle compte aujourd’hui 26 membres.

Ce mois-ci, l’Organisation du traité del’Atlantique Nord (Otan) célèbre ses 60 ans,notamment lors d’un sommet les 3 et 4 avril à Strasbourg et à Kehl en Allemagne. A-t-elle rempli les missions qui ont présidé à sa création?Bastien Irondelle : Créée le 4 avril 1949 par les États-Unis, le Canada et plusieurs payseuropéens 2, l’Otan avait à l’origine un doublerôle, qu’elle a effectivement tenu : assurer la défense de l’Europe dans un contexte de guerre froide et instaurer des relationstransatlantiques entre l’Europe de l’Ouest etles États-Unis. Elle garantissait l’implicationdes États-Unis dans la sécurité européenne. Orla guerre froide s’est achevée en 1989 par une« victoire » de l’Otan : non seulement le pactede Varsovie (l’alliance entre la plupart des paysdu bloc communiste) a été dissous, mais lespays d’Europe centrale et orientale (Hongrie,Pologne, Roumanie), ainsi que d’anciennesrépubliques socialistes et soviétiques tels les Pays baltes, ont rejointl’alliance atlantique. Lesrelations transatlanti-ques ont aussi été main-tenues. Et après 1989,bien que sa mission dedéfense collective se soitatténuée, elle a offert unegarantie de sécurité pourles nouveaux venus en1999 et 2004, inquiets d’une résurgence de la menace venant de leur voisin russe.

L’Otan aurait donc encore une utilité…B.I. : Indiscutablement. D’abord, elle demeurela seule organisation internationale à la foispolitique et militaire constituée par les États-Unis et l’Europe. Ensuite, depuis 1989, ses

missions ont évolué : elle a élargi son champd’action hors de la zone euro-atlantique,intervenant dans les Balkans, au Kosovo et en Afghanistan. Et elle a étendu ses fonctions :elle s’occupe de crises internationales, se déployant dans des opérations de stabilisation et de reconstruction ; elle s’inscrit par ailleurs dans la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue, et peutintervenir en cas de catastrophe naturelle.Revers de la médaille, on lui reproche parfoisde sortir de son terrain de compétences.

Justement, l’Otan est-elle adaptée à ses nouvelles fonctions ? B.I. : Loin de là. Pour preuve, l’intervention en Afghanistan dure depuis huit ans et son résultat est plus que mitigé… L’Otan a en effet été conçue dans le cadre d’une« grande guerre classique » et non pour luttercontre la guérilla. Elle doit aussi prendre en compte la délicate période de transition

entre le conflit armé et la stabilisation d’unerégion, tandis qu’il y a souvent concomitanceentre phases d’affrontements militaires et phases de stabilisation. C’est pourquoi elle entreprend sa « transformation militaire »pour disposer d’armées plus souples, capablesde se déployer vite et loin et de s’adapter àl’évolution du contexte conflictuel d’une crise.

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

«Elle demeure la seuleorganisation internationale à lafois politique et militaire constituéepar les États-Unis et l’Europe.»

L’Otan, une alliance en mutation

PAROLED’EXPERT16

CONTACTÔ Bastien IrondelleSciences Po, [email protected]

Bastien Irondelle, spécialiste des relations internationalesau Centre d’études et de recherches international (Ceri) 1

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Le XXe siècle a vu exploser le nombrede technologies capables de produireet diffuser de l’information. Jamaisl’humanité n’a baigné dans un telocéan de messages de toute nature et

de toute provenance. À l’heure actuelle, pour6,7 milliards et demi d’individus, on compte4,5 milliards de postes de radio, 3,5 milliardsde télévisions, 2,5 milliards de téléphones por-tables, 2 milliards d’ordinateurs… « En cinquanteans, les progrès accomplis par les techniques del’information ont entraîné une amplification extra-ordinaire des flux d’informations, dit PierreGuillon, directeur scientifique au CNRS (Insti-tut des sciences et technologies de l’informa-tion et de l’ingénierie, INST2I). Dans un futur pro-che, la capacité de ces supports à transporter sousforme numérique des données d’un point à unautre va encore augmenter, entre autres grâce audéveloppement des fibres optiques et des systèmes

satellitaires. En parallèle, l’essor des nanotechnologiesstimule la miniaturisation et la mobilité de cesoutils auxquels il s’agira de greffer des systèmesénergétiques aussi petits que possible. La numéri-sation de nos sociétés, dans tous les domaines, esten cours ! Encore faut-il réfléchir aux changementslourds induits par ces nouvelles technologies sur leplan social, politique, collectif. La communicationest toujours plus complexe que les techniques. C’estpourquoi, au sein de l’INST2I, nous promouvonsune activité de recherche dite “socialement res-ponsable” pour inciter les chercheurs à penser lesimplications sociétales de leurs travaux. »Pas de doute : les frontières de la communica-tion ont éclaté. Tout le monde, dorénavant, peutaccéder à toutes les informations, tout le monde« voit tout et sait tout sur ce qui se passe “ail-leurs”, tout le monde peut être au courant, enl’espace de trois ou quatre jours maximum, den’importe quel événement (crise financière,

L’ENQUÊTE18 L’ENQUÊTE 19

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

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LES MIRAGES DE LA COMMUNICATION UNIVERSELLE > 19 INTERNET, UN OUTIL AU SERVICE DE LA DÉMOCRATIE? > 22

QUAND LE POLITIQUE SURFE SUR LE NUMÉRIQUE > 25

On l’entend à tous les coins de rue : avec Internet, les SMS, les blogs, l’augmentation des flux d’information et les nouvellestechnologies numériques, communiquer n’a jamais été aussisimple. Se fait-on mieux comprendre pour autant? L’outil ne fait pas l’artisan… À y regarder de plus près, les théoriciens constatentque les outils numériques ne résolvent pas les difficultés decompréhension. Que changent vraiment les nouvelles technologiesdans nos relations? Et dans notre citoyenneté? Enfin, quel rôleexact jouent ces instruments dans la quête du pouvoir politique? Les spécialistes du sujet mettent à mal bien des idées reçues.

MONDIALISATIONPOLITIQUETECHNOLOGIES NUMÉRIQUES…

Les mirages de lacommunication universelle

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Le journal du CNRS n° 231 avril 2009 Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

catastrophe naturelle, guerre, assassinat, nais-sance…) survenant n’importe où dans le villageglobal de plus en plus numérisé qu’est devenue laplanète, renchérit Dominique Wolton, direc-teur de l’Institut des sciences de la communi-cation du CNRS (ISCC). Cela représente une rup-ture dans notre rapport au monde, parce que celanous rend visibles tous les autres, toutes les cultu-res, les religions, les couleurs de peau… ».Mais avec l’augmentation des flux d’informa-tions, le taux de compréhension et de toléranceentre les hommes s’accroît-il ? Avec l’explosiondu nombre d’ordinateurs, de serveurs Internet,de téléphones portables, de radios et de télévi-sions, nous rapprochons-nous davantage lesuns des autres ? De toute évidence, non. La pro-lifération des techniques d’information abolitles distances physiques et dilue les frontièresnationales, mais « elle ne dissout pas les difficul-tés d’intercompréhension, elle ne débouche pasautomatiquement sur l’universalité de la commu-nication, assure Dominique Wolton. En créantCNN au début des années 1980, les Américains sefiguraient naïvement que cette chaîne d’informationmondiale allait servir de rampe de lancement àleurs valeurs, propager urbi et orbi leur “way oflife” ou leur “world thinking”, et ensemencer la“conscience démocratique” là où elle n’existait pas.Or, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Loinde féconder du lien social, CNN n’a cessé de sécré-ter de l’anti-américanisme et d’attiser des revendi-cations identitaires. Ce n’est pas parce qu’un émet-teur répète indéfiniment un message que celui-cidevient forcément un modèle universel. Regarder nesuffit pas à adhérer. Être influencé ne signifie pasêtre dupe... »

LE FACTEUR HUMAINEn d’autres termes, aucun lien mécaniquen’existe entre la production exponentielle d’in-formations, via des médias de plus en plus per-formants, et le succès du dialogue, du partage,de la cohabitation avec l’Autre, celui dont la lan-gue, l’idéologie, les codes, la religion, les rituels,les références historiques…, sont bien souventaux antipodes des nôtres. Plus il y a d’informa-tion et de « tuyaux » pour la faire transiter et plusla communication, paradoxalement, s’avèreardue. « Le plus simple, dans la communication,reste les techniques, le plus compliqué, les hommes,les sociétés, la diversité culturelle dont l’importancea été reconnue officiellement par la communautédes États grâce à l’adoption par l’Unesco, en octo-bre 2005, de la “Convention internationale sur laprotection et la promotion de la diversité des expres-sions culturelles” (56 États ont ratifié ce traité) »,insiste Dominique Wolton, pour qui la ques-tion de la communication humaine dans la mon-dialisation se pose après la victoire de l’infor-mation. « C’est même la question essentielle de cedébut du XXIe siècle après celle de l’environnement,

dit-il. L’information, c’est le message. La commu-nication, c’est la relation, autrement dit quelquechose de toujours plus difficile à traiter, parce quedeux personnes qui parlent ensemble, non seulementne sont pas identiques, mais peuvent aussi ne passe comprendre. On voudrait tous que l’Autre nousressemble, et on s’aperçoit toujours qu’il est différentde soi. » Construire les concepts pour penser lacommunication – ou plutôt « l’incommunica-tion » – dans nos sociétés ouvertes ou encore laquestion grandissante de l’altérité, est donc indis-pensable. Deux philosophies de la communi-cation s’affrontent. La première soutient que ladémultiplication et la vitesse de fonctionnementdes « tuyaux », l’interconnexion de tous avectous résout d’elle-même la question des rapportsentre les hommes et les sociétés. « Cette appro-che valorise une vision technique et économiquede la communication et nie l’Autre en oubliantqu’au bout des réseaux, il n’y a pas des machinesmais des communautés humaines avec leurs lan-gues, leurs idéologies, leurs cultures singulières »,poursuit Dominique Wolton. La seconde appro-che s’efforce donc de « dé-techniciser la questionde la communication pour la “ré-humaniser” etla “re-politiser”. Elle se focalise par conséquent surla question de l’homme, place l’obligation de négo-cier avec autrui, la cohabitation des différences,au centre de ses réflexions ».

LA FRACTURE NORD-SUDSe pencher sur la « fracture numéri-que » Nord-Sud n’est pas moinsimportant. 80 % des utilisateurs de laToile se trouvent aujourd’hui dans lespays les plus riches du monde. Lescartes de trafic sur la planète sont élo-quentes. L’essentiel des échanges s’ef-fectue dans l’hémisphère Nord, entreles États-Unis, l’Europe et l’Extrême-Orient. L’Amérique du Sud est peuirriguée, l’Asie centrale encore moins,l’Afrique pratiquement pas, à l’excep-tion de l’Afrique du Sud. Même si desinitiatives sont prises par certains paysindustriels ou certaines organisationsinternationales comme l’Unesco, aunom de la « solidarité numérique »,pour mettre les nouvelles technolo-gies au service du développement éco-nomique du Sud, le fossé reste béant,voire s’élargit. Il y aurait plus de ser-veurs connectés à Internet dans l’Étatde New-York que sur l’ensemble ducontinent africain, où une heure pas-sée à surfer sur la Toile est souvent fac-turée l’équivalent des trois-quarts d’unsalaire mensuel. Dans le Sud-Ouest duBurkina Faso, la population parcourtdes distances moyennes de 35 kilo-mètres pour téléphoner. « Le Sud ne

dispose pas de ressources économiques suffisantespour bâtir des infrastructures de télécommunicationtrès coûteuses et les maintenir à niveau, dit DidierOillo, directeur de l’innovation à l’Agence uni-versitaire de la francophonie (AUF). Par ailleurs,bien des gouvernements locaux craignent d’êtredéstabilisés par une montée en puissance trop rapidedes équipements numériques et de leurs usages. Etlorsque, par le biais de la coopération, on envoie desmilliers d’ordinateurs d’occasion à des pays africains,on alourdit leur dette énergétique. Un simple clicde souris sur Google, c’est 3 watts de consommés !C’est pourquoi le recours à l’énergie solaire pour ali-menter ces machines à communiquer, en Afrique,pourrait représenter une solution d’avenir. »A fortiori, l’« e-learning » (ou « i-formation »),chargé de favoriser la formation de personnelsqualifiés via le Net et qui aurait pu apparaîtrecomme un moyen de réduire la fracture Nord-Sud, peine lui aussi à décoller dans les régionsles plus défavorisées. De plus, « on peut s’inter-roger sur la désinvolture des firmes européennes ouaméricaines qui élaborent les programmes d’ensei-gnement à distance », dit Michel Durampart, maî-tre de conférences, chercheur au laboratoire dessciences de l’information et de la communica-tion (Labsic) à l’université Paris-XIII. Pour cespécialiste des technologies de l’information et

de la communication pour l’enseignement(TICE) 1, « les contenus proposés et adaptés aumarché occidental sont rarement rédigés dans deslangues locales et prennent insuffisamment encompte le contexte social, culturel (symbolique) ettechnique dans lequel évolue “l’apprenant” du Sud.Il serait souhaitable que les fabricants, plutôt qued’imposer une logique d’offre transférée artificielle-ment du Nord vers le Sud, fassent davantage de “sur-mesure”. Il ne faut pas confondre les moyens duNord avec les réalités du Sud… ».

Philippe Testard-Vaillant

1. Les TICE sont communément définies commel’ensemble des projets et des actions visant à introduire les Nouvelles Technologies dans le domaine de l’enseignement. >

CONTACTSÔ Pierre [email protected]

Ô Dominique [email protected]

Ô Didier [email protected]

Ô Michel [email protected]

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L’ENQUÊTE22 L’ENQUÊTE 23

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009 Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Net-politique », « e-gouvernement ete-administration », « citoyenneténumérique »… : autant d’expres-sions en vogue qui traduisent un« reformatage », grâce aux nou-

velles technologies de l’information et de la com-munication, des règles à la base du fonctionne-ment de l’espace public dans nos sociétés. Cedernier, rappelle Éric Dacheux, professeur àl’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand,et membre du laboratoire « Communication etpolitique » du CNRS, « est un des concepts fon-damentaux de la démocratie. Il désigne le lieu sym-bolique où peuvent s’exprimer toutes les opinions quistructurent le jeu politique, où l’on traite des ques-tions relevant de la collectivité ». Sauf que cet espace, qui concourt à une certainepacification des mœurs sociales « en substituantla communication à la violence physique » et quise veut universel, est inégalitaire puisque tout lemonde n’y a pas accès. Ce qui explique, selonLaurence Monnoyer-Smith, professeur en scien-ces de l’information et de la communication àl’université de Compiègne et membre du mêmelaboratoire, qu’« un mouvement de fond, venu dela société civile, se dessine, qui réclame d’autres“modalités de participation” que celles qui exis-

taient jusqu’ici et qui passaient par les instances quesont le Parlement, les syndicats, les partis politiqueset les associations ».

LA PAROLE POUR TOUSCette tendance est liée à divers facteurs socio-politiques, au premier rang desquels l’élévationgénérale du niveau de l’instruction, l’ébranle-ment de l’idéologie du Progrès, la montée del’individualisme et la globalisation des risquesinhérents au changement climatique en cours,aux OGM, aux choix énergétiques tournés versle nucléaire… Sachant que ces problèmes socié-taux risquent d’appeler des décisions aux consé-quences très lourdes pour les populations, cesdernières ne veulent plus que les experts et lesÉtats soient « les seuls acteurs à participer au “pro-cessus décisionnel” et à détenir les clés de l’intérêtgénéral, poursuit la même chercheuse. Or, lesnouveaux supports de l’information et de la com-munication permettent de créer des dispositifs deconcertation inédits à même de répondre à cetteattente : blogs, forums, réseaux sociaux, sites dedébats publics comme celui mis en place lors duGrenelle de l’environnement, celui géré par laCommission nationale du débat public, ou encore,plus localement, celui ouvert à propos du projet

d’implantations d’éoliennes en Nord-Pas-de-Calais ». De fait, un nombre croissant d’indivi-dus « ordinaires » s’emparent de ces outilsnumériques pour prendre la parole, remettreen cause les « formats d’autorité traditionnels »,déplacer le centre de gravité des décisions etsigner une poussée de « l’expertise profane ». Etmonsieur tout-le-monde de pouvoir faire enten-dre sa voix dans le concert de l’espace public.Entièrement d’accord, opine DominiqueBoullier, ancien directeur du Laboratoire desusages en technologies d’information numé-riques (Lutin) 1 et actuel directeur du Laboratoired’anthropologie et de sociologie (LAS) de l’uni-versité Rennes-II, mais au-delà de ces débatspublics « formalisés » frayant « des pistes derelance » pour la démocratie représentative,d’autres formes de participation émergent, endehors de toute procédure publique. Exemple :ce groupe de citoyens anonymes baptisé « Piè-ces et main-d’œuvre » et basé à Grenoble qui a« généré sur Internet un mouvement contestant ledéveloppement des bio- et nanotechnologies dansl’agglomération alpine. Ce type d’interventionsissues de la sphère privée et destinées à semer ledoute, à tirer le signal d’alarme sans viser néces-sairement un but précis comme le ferait un mou-

vement social organisé (la satisfaction d’une reven-dication, le vote d’une loi…), est intéressant parceque son principe de fonctionnement relève de l’in-fluence et de la contagion, et parce qu’il détrône lesmédias de masse dans la fabrication de l’opinion ».

QUI GOUVERNE INTERNET?Mais comment est gouverné Internet lui-même,cet enfant surprise de la guerre froide conçu àla demande des militaires américains dans lesannées 1960 et devenu depuis le milieu desannées 1990 la principale infrastructure mon-diale de communication doublée du seul dis-positif à permettre des échanges « many tomany » (de « tous à tous » et non de « un àun », comme avec le téléphone, ou de « un àtous », comme avec les médias de masse) ?Pour Françoise Massit-Folléa, chercheuse ensciences de l’information et de la communica-tion à la Fondation Maison des sciences del’homme et responsable scientifique du pro-gramme Vox Internet 2, il s’agit de distinguer lagouvernance avec Internet, la gouvernance surInternet et la gouvernance de l’Internet. La première, dit-elle, renvoie à la manière, évo-quée plus haut, dont « le réseau des réseaux est sus-ceptible d’accélérer la modernisation et la gestion despolitiques publiques, de renforcer le dialogue entre

l’administration et lesadministrés, de faciliter lesrelations hommes politi-ques-citoyens… L’Angleterre,de ce point de vue, est undes pays qui multiplient le

plus les initiatives en matière d’“e-government” etd’“e-administration”, encore que ce soit aussi outre-Manche que se produisent les bugs les plus fâcheux(données détruites, dossiers égarés…). Et ce n’estpas parce que l’on fait du débat en ligne, sur tel outel sujet de politique publique, que la décision ultimedébouche sur la satisfaction des opposants ! »La gouvernance sur Internet, quant à elle,concerne la régulation des contenus : droit despersonnes et des marques, lutte contre les spams(messages électroniques non sollicités), la cyber-délinquance, le racisme, la pornographie… Cetterégulation est soumise, pour l’heure, aux légis-lations nationales ou internationales en vigueur,dont l’articulation s’avère très complexe.

UNE NORMALISATION NÉCESSAIREReste la gouvernance d’Internet, laquelle inviteà une réflexion sur la construction démocrati-que des normes. Attention! « “Normalisation” estun mot trompeur qui ne signifie pas du tout “uni-formisation des contenus”, comme on le pense sou-vent à tort, mais production de standards techni-ques en matière d’interopérabilité (c’est-à-dire lacapacité qu’ont des systèmes informatiques à fonc-tionner ensemble), d’adressage, de cryptage, d’ac-cès au réseau…, autrement dit tout ce qui >

Internet, un outil au service de la démocratie?

« Information, communication et sciencesforment plus que jamais un trio inséparable »,affirme Dominique Wolton. Et de rappeler que la première est au fondement de touteconnaissance, la deuxième le moteur de l’interdisciplinarité (laquelle consiste, pour des sciences différentes souhaitantapprendre à travailler ensemble, à se rapprocheret à coopérer, à communiquer) et les troisièmessont les productrices essentielles de connaissances dans nos sociétés. « Plusprécisément, poursuit le directeur de l’Institutdes sciences de la communication du CNRS(ISCC), l’information et la communication siègent au centre des relations de plus en plus étroitesqu’entretiennent les sciences, les techniques et la société. Elles jouent donc un rôle “interne”aux sciences et aux techniques, et un rôle“externe” dans les rapports que celles-cientretiennent avec la société. Les sciences de lacommunication, dont je ne cesse de répéterqu’elles doivent être l’affaire de toutes lesbranches de la recherche, et non l’apanage dessciences humaines et sociales, constituent unensemble de savoirs nécessaires à une sociétédominée par les interactions, mais aussi un objetthéorique interdisciplinaire et une théorie de la connaissance. Des sciences formelles auxsciences de la matière et de l’environnement,des technologies aux organisations, des sciences du vivant aux sciences de l’homme et de la société, toutes les sciences, quellesqu’elles soient, sont concernées. »Voilà pourquoi, depuis sa création en 2006,l’ISCC, qui dans le domaine des sciences de l’information et de la communication a reçupour mission de mettre en place une politiquestructurelle interdisciplinaire au CNRS, en lien avec l’université et les autres institutionsde recherche, s’attache à mettre en avant troischamps de recherche transversaux qui forcément se fichent au cœur des préoccupations des autres instituts du CNRS : l’épistémologie comparée (pour comprendre comment l’information et la communication n’ont pas le même sens selon les disciplines); la construction de nouveaux domaines de recherchesinterdisciplinaires; l’expertise, les controverseset les industries de la connaissance. À leurscôtés, l’institut a également initié dix domainesde recherche qui sont liés à l’émergence des sciences de l’information et de lacommunication : l’épistémologie comparée, la place des concepts d’information et decommunication dans les différentes sciences; les conditions et les modalités du développementde l’interdisciplinarité; les controverses auxchamps scientifiques et techniques; la place

des systèmes d’information et des bases de données dans l’évolution des connaissances;l’histoire et l’anthropologie des sciences et des domaines de connaissance; l’expertise, les risques et les normes; les rapports, dans les deux sens, entre les communautésscientifiques et techniques et la société; les enjeux liés à la mondialisation des industriesde la connaissance et à la responsabilité des scientifiques; les mutations de la culturescientifique et des rapports entre informationscientifique, communication et vulgarisation dansl’espace public des sociétés médiatisées; lesconflits de légitimité et de responsabilité dans lesrelations entre sciences, techniques et société.« Les six premiers items sont liés à la place de l’information et de la communication dans la dynamique des connaissances scientifiqueset techniques, commente Dominique Wolton. Les quatre derniers concernent les rapports de plus en plus importants, et compliqués, entre le monde scientifique et la société. Enfinparallèlement, l’ISCC continue de développer sescinq axes de recherche prioritaires » : langage etcommunication; communication politique,espace public et société; mondialisation et diversité culturelle; information scientifique et technique; sciences, techniques et société.« L’ISCC s’appuie enfin sur un pôle Éditionregroupant la revue Hermès (20 ans, 53 numéroset plus de 1000 auteurs), la collection “Lesessentiels d’Hermès” (3 numéros par trimestredepuis 2007) et la collection “CNRScommunication”. »

P.T.-V.

ISCC : UN INSTITUT INTERDISCIPLINAIRE AU CNRS

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permet à Internet d’exister sous sa formeactuelle », intervient Jacques Perriault, professeurhonoraire en sciences de l’information et de lacommunication à l’Université Paris-X-Nanterre.Et de rappeler que si la norme TCP/IP et lanorme HTML 3 n’avaient pas été adoptées voilàun quart de siècle, Internet aurait aujourd’huides allures d’agrégat de microréseaux locauxfaiblement connectés entre eux, voire incapablesde dialoguer. « C’est un peu comme avec la prisecourant 220 volts, poursuit le même expert. Fauted’avoir le même type de prise et le même courantpartout, on ne peut pas utiliser n’importe où tel outel appareil électrique. »Les sociétés ont toujours eu besoin de standardstechniques (les monnaies, lesunités de mesure de l’espace etdu temps en témoignent toutau long de l’histoire), mais leurnumérisation galopante ampli-fie considérablement le mouve-ment. Que de multiples organis-mes4 où siègent essentiellementdes représentants des pays etdes grands groupes industrielssoient en charge de la normali-sation technique de la Toile estune chose. Que le « designtechnique » qu’ils conçoiventréponde à un dessein réellementéthique en est une autre. L’undes principaux enjeux actuelsconsiste à « distiller plus de démo-cratie et de transparence dans lesprocessus d’élaboration de normes,ce qui suppose que les experts nesoient pas les seuls à trancher, maisque les représentants de la sociétécivile, des organisations sociales, lesélus et les développeurs de logicielslibres s’impliquent vraiment »,plaide Jacques Perriault. D’autant, rappelle FrançoiseMassit-Folléa, que le caractère de« ressource publique » d’Inter-net, tout en ranimant le vieuxdébat entre technique et société,« l’inscrit dans un contexte poli-tique nouveau : celui de la gou-vernance multi-acteurs interna-tionale, en quête de principes pour dépasser lesconflits d’intérêts et de valeurs ».

L’INTERNET DES OBJETSUne évolution souhaitable alors que prend corps« l’Internet des objets » qui promet de relierentre eux des milliards et des milliards de produitsphysiques, chacun doté de sa propre adresse IP– IP pour Internet Protocol, série unique denombres qui permet d’identifier un ordinateursur Internet. Ce nouveau réseau mondial per-

mettrait par exemple, au risque de transférer lecontrôle de la vie quotidienne de chacun à des dis-positifs maîtrisés par d’autres, d’envoyer un SMSà la chaudière de sa maison de campagne pourqu’elle se mette en route plusieurs heures avantvotre arrivée, à un chéquier d’interroger uncompte bancaire en ligne et d’alerter son titu-laire en cas de découvert, à une imprimante decommander automatiquement de nouvelles car-touches d’encre… Pareille mutation de l’outil leplus puissant jamais inventé pour le partage del’information a de quoi nourrir des craintes :comment éviter que la traçabilité des objets ne setransforme en traçabilité des personnes ? Com-ment faire en sorte qu’un tel réseau ne soit pas

excessivement intrusif, etc. ? « Le développementde “l’Internet des objets”, qui risque de modifier lavie quotidienne de milliards d’internautes, ne sau-rait être laissé entre les mains des seuls industrielstant il soulève des enjeux sociaux, politiques, phi-losophiques, cognitifs, juridiques et éthiques, conclutDominique Boullier. Il est assez paradoxal deconstater qu’Internet sert aujourd’hui de supportmatériel aux discussions publiques autour de grandschoix technologiques comme la construction d’uneligne de TGV, mais que l’on peine à inventer des pro-

cédures semblables dans le domaine des technologiesde l’information, en préférant les instances de régu-lation où se retrouvent uniquement les experts. »

Philippe Testard-Vaillant1. Laboratoire CNRS / Université de Compiègne /Université Paris-VIII / Cité des sciences et de l’industrie.2. Vox Internet a reçu le soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Site web : www.voxinternet.org.3. La norme TCP/IP (Transmission ControlProtocol/Internet Protocol) définit les règles s’appliquantau transfert des messages, la norme HTML (HypertextMarking Language) à la présentation d’une page web. 4. IETF (Internet Engineering Task Force), W3C (WorldWide Web Consortium), ou ICANN (Internet Corporationfor Assigned Names and Numbers)… Cette dernière est une association de droit privé américaine qui gère, sous le contrôle du gouvernement des États-Unis, les noms de domaine et contrôle ainsi l’ensemble du système d’adressage du réseau…

L’ENQUÊTE24 L’ENQUÊTE 25

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009 Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Qui se réveillerait après un demi-siècle d’hibernation et s’intéres-serait aux formes de la commu-nication politique en ce début deXXIe siècle n’en reviendrait pas.

Car autant le souci propre à tout dirigeant poli-tique d’« aller au charbon », de se « mettre enscène et en récit » pour s’imposer dans l’arèneélectorale ou confirmer son statut, n’a pas variéd’un iota depuis des lustres, autant les métho-des ad hoc ont changé du tout au tout, ce qu’au-cun augure n’avait prévu. Blogs, forums, chats,SMS, télévision sur Internet, réseaux sociaux(Facebook, Myspace, Twitter…) : toute une bat-terie de dispositifs interactifs, mis à profit par desescouades de conseillers en communication(« spins doctors ») et permettant de jouer la cartede la modernité, de la rapidité, de la transpa-rence et de la proximité (le web-citoyen a l’im-pression d’être enfin écouté, voire entendu), etde se montrer sous un jour plus décontracté(au risque de tomber dans la « pipolisation »),a révolutionné l’univers de la « com’ politique »et ringardisé les médias de masse. Difficile,aujourd’hui, de trouver un homme ou unefemme politique, quelle que soit son étiquette,qui clame sa nostalgie pour les conférences depresse gaulliennes aux allures de longs mono-logues, et qui n’informe pas ses amis et adhé-rents, en temps réel ou presque, via la Toile, deses moindres faits et gestes.

TOILE DE PROXIMITÉD’innombrables enquêtes montrent en effetque la presse écrite, la radio et la télévision nesont pas les médias les plus efficaces pour pesersur la décision de l’électeur. C’est que « les inten-tions de vote sont très tôt et très fortement ancrées,dit Isabelle Veyrat-Masson, directrice du Labo-ratoire « Communication et politique » (LCP).Ces médias tendent donc moins à aider des citoyenscherchant à s’informer qu’à renforcer des opinionslourdement déterminées par des caractéristiquessociales. Pour décider de leur vote, les moinsconvaincus (les électeurs les plus susceptibles dechanger d’opinion) s’adressent en priorité aux“guides d’opinion” (parents, mari/épouse, patron,syndicalistes…) qu’ils jugent les mieux informés »,et surtout en qui ils ont confiance. Bref, l’in-fluence des médias classiques demeure trèslimitée, alors qu’Internet, malgré l’effet de satu-ration qu’il peut déclencher, donne à l’hommepolitique le sentiment, sinon l’illusion, de pou-voir engager une communication interperson-nelle, de pouvoir dialoguer quasiment les

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Quand le politique surfe sur le numérique

CONTACTSÔ Éric [email protected]

Ô Laurence [email protected]

Ô Dominique [email protected]

Ô Françoise Massit-Follé[email protected]

Ô Jacques [email protected]

La recherche de masse1, tout en produisant de plus en plusd’information scientifique et technique(IST), induit une nouvelle façon de faire de la science. « Certainssecteurs (la physique des particules,l’astrophysique, l’espace, le climat…)deviennent de plus en plus“collaboratifs”, constate Michel Spiro,directeur de l’Institut national dephysique nucléaire et de physique desparticules (IN2P3). Cette coopérationmondiale se traduit par l’émergenced’outils inédits comme la “grille decalcul” du LHC (Large Hadron Collider,le plus grand accélérateur de particules du monde), un super-ordinateur délocalisé qui fonctionneentre autres grâce à un réseau defibres optiques permettant d’envoyerles données du Cern vers onze centresde calcul majeurs en Europe, enAmérique du Nord et en Asie. Parailleurs, les nouvelles technologies de l’information débouchent sur uneéthique scientifique partagée et uneentraide entre les chercheurs : quandun collègue connaît des problèmes

avec les autorités de son pays, ellesaccélèrent la création de réseaux de solidarité et d’entraide. »La « révolution numérique » retentitégalement sur le mode de diffusion dugigantesque volume de savoir générépar les scientifiques aux quatre coinsde la planète. « L’avènement d’Internetet de l’édition électronique remetlentement mais sûrement en cause le modèle classique de l’industrie de la publication scientifique dominéeaujourd’hui encore à 80 % par cinqgros éditeurs (Reed Elsevier, Thomson,Wolter Kluwer, Springer, Wiley), dit Marc Guichard, directeur adjoint de l’Institut de l’informationscientifique et technique (Inist) du CNRS2 et directeur adjointscientifique de l’ISCC. Les chercheurspeuvent mettre maintenant une versionde leurs articles sur leurs propres sites ou les déposer dans des archivesouvertes telles que le serveur HAL duCNRS (www.hal.archives-ouvertes.fr).On voit donc émerger un modèlealternatif au schéma d’édition existant,au nom du “libre accès à l’IST”. »

Par exemple, le projet SCOAP3, initiépar le Cern et soutenu par le CNRS,modifie le modèle économique d’au moins six grandes revuesinternationales du domaine de laphysique des hautes énergies. Lessommes versées jusqu’ici aux éditeurspar les organismes de recherche pour s’abonner à ces publications le sont toujours, mais les éditeurs, qui ne devraient pas perdre pas uncentime dans l’affaire, vont désormaisrecevoir cet argent sous forme desubventions pour la mise en « openaccess » du contenu de leurs revues.

P.T.-V.

1. La France compte à elle seule quelque 100000 chercheurs publics.2. L’Inist, issu des centres de documentationdu CNRS créés en 1998, facilite l’accès aux résultats des différents champs de la recherche mondiale. Sa base de données multidisciplinaire comprend18 millions de références bibliographiques et reçoit entre 500000 et 800000 requêtes par jour. Site web : www.inist.fr

Contacts : Michel [email protected] [email protected]

LES DÉFIS DES INDUSTRIES DE LA CONNAISSANCE

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Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

pseudo-démocratie directe qui permet quasimentde chuchoter à l’oreille du président pourraitfonctionner concrètement. Quant à la façon detirer parti de l’énergie de cet incroyable réseau demilitants maintenant que la campagne est ter-minée, mon hypothèse est qu’à terme, il pourraitêtre mobilisé pour certains grands projets socié-taux ciblés et réclamant la présence d’une multi-tude de “micro-ambassadeurs” du pouvoir sur le ter-rain (comme la lutte contre le réchauffementclimatique) ».

UNE ARME À DOUBLE TRANCHANTSi l’irruption du numérique dans la panopliepolitique connaît une telle fortune, c’est aussipour des raisons moins avouables. Les hom-mes politiques utilisent ces nouveaux moyens decommunication, pensant « échapper à la tyran-nie journalistique et établir ainsi un lien directavec le public, analyse Dominique Wolton. Or ilne faut pas oublier que l’homme politique ne peutpas évoluer constamment dans une relation inter-active très chronophage et qu’il a besoin de plagesde silence, de lenteur, de durée, etc. Loin d’amélio-rer le fonctionnement de la démocratie, une surdosed’interaction risque au contraire de renforcer l’agi-tation politico-médiatico-démocratique et d’ali-menter un néo-poujadisme 1. Le public voudra ensavoir toujours plus sur l’homme politique tout enn’étant jamais ni sevré ni rassuré (“S’il nous ditautant de choses, c’est forcément qu’il nous encache beaucoup d’autres”) ». Autre phénomène encore mal théorisé, à l’heureoù la presse écrite est, globalement, en crise etoù Internet a dépassé les journaux et magazi-

nes « papier » comme support régulier d’in-formation des Européens : l’essor des blogspolitiques ou de sites d’information alternatifs(Rue 89, Mediapart, etc.) offrant aux internau-tes le moyen de compenser l’insatisfaction qu’ilséprouvent vis-à-vis de l’appareil médiatiquedominant (télévisions, radios, journaux en kios-que et leurs sites Internet, etc.). Qu’elles soientanimées par des journalistes professionnelstravaillant par ailleurs dans des organes d’in-formation classiques ou par des non-journalistes,

ces plateformes entendent « réinventer les condi-tions d’exercice du métier en opposition au jour-nalisme traditionnel dont ils dénoncent les dérivesde plus en plus marquées (culte de l’urgence etexcès de sensationnalisme, relations de dépen-dance, voire de collusion, avec les puissants, pres-sion des annonceurs…) », dit François Heinde-ryckx. Une reconfiguration de la profession quisoulève une légion de questions, et un nou-veau champ pour les théoriciens de l’informa-tion et de la communication. Ceux-ci vont parexemple s’attacher à étudier la position de ces« para-journalistes » vis-à-vis des règles déon-tologiques de leurs confrères. Ou encore la per-ception qu’a le grand public, habitué désormaisà surfer sur le Net pour glaner des informa-tions 2, de cette nouvelle forme de journalismeet de ses différences avec les médias classiques.

Philippe Testard-Vaillant

1. Le « poujadisme » désigne au sens large une politiqueconservatrice et démagogique.2. Dans le cadre de l’enquête annuelle du Center for the Digital Future de la Annenberg School forCommunication, parue début 2008, il apparaît que 80 %des Américains sondés (de 17 ans et plus) considèrent« Internet comme une source importante d’information poureux (contre 66 % en 2006) et plus importante que la télévision (68 %), la radio et les journaux (63 %) ».

L’ENQUÊTE26

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

yeux dans les yeux avec l’électeur potentielet d’approcher ce dernier au plus près pourtenter de le convaincre.D’où l’usage intensif du réseau par les princi-paux candidats en lice lors de la dernière pré-sidentielle en France. Ségolène Royal a fondétoute sa campagne sur l’idéal de « démocratieparticipative » dont le vecteur principal a été laconsultation en ligne, par le biais de « forumsparticipatifs ». « Les cyber-militants du PS ont étéorganisés selon un véritable plan de bataille, rap-pelle Arnaud Mercier, professeur d’informa-tion et communication à l’université de Metz.Certains étaient chargés de surveiller les forums desadversaires et de faire remonter des argumentséchangés pour y trouver des parades, d’autres derépondre sur des forums. ». L’UMP, de son côté,a compris plus vite que les autres partis l’utilitéde la bataille sur le Net avec, par exemple,« l’achat de mots pour faire aboutir les recherchesGoogle sur son site de campagne, ou encore lesadhésions express par électronique et le marketingpolitique par courriel ou SMS, poursuit le mêmeexpert. L’innovation est aussi venue de la montéeen puissance de la NSTV, une “télévision” faite decentaines de reportages vidéo (meetings, visites,déclarations, témoignages de soutien…) sur NicolasSarkozy ».Le « réseau des réseaux », de l’avis des stratè-ges, aurait joué également un rôle déterminantdans la victoire de Barack Obama. Ses équipes,très jeunes, ont fait preuve d’un savoir-faireremarquable pour mobiliser grâce à Internet unearmée de militants prêts à donner de leur tempspour soutenir sa candidature. « Ce réseau n’a faitque grandir au fil des mois, dit FrançoisHeinderyckx, professeur de communicationpolitique à l’Université libre de Bruxelles. Onestime qu’environ 13 millions de personnes ontrejoint l’équipe de campagne d’Obama après s’êtreconnectées sur son site. Chacun de ces “petits sol-dats” recevait régulièrement sur son téléphone por-table ou par courriel des messages “exclusifs” quil’informaient avant tout le monde des derniersrebondissements de la campagne. Chacun avait parconséquent le sentiment de faire partie d’une avant-garde, d’une élite privilégiée. Grâce à ces canauxde communication directe, le Q.G. de campagnedu candidat démocrate pouvait atteindre directe-ment les militants avec des messages de premièremain, avant que l’information ne circule tronquéeet déformée par les médias et les opposants. »

LE NOUVEAU RÊVE AMÉRICAINDe quoi faire du 44e locataire de la MaisonBlanche le « premier-président-Internet-du-troisième-millénaire » ? À l’évidence, non !,répond Dominique Wolton. Son succès, le qua-dra désormais aux commandes de la premièrepuissance mondiale le doit d’abord et avanttout à son art d’imposer ses arguments politi-

ques, son identité et son style. Internet n’estqu’« un “tuyau de plus”, certes très puissant ettrès interactif, mais un système de communica-tion supplémentaire ne suffit pas à créer une muta-tion sociopolitique. C’est parce qu’Obama a su semontrer extrêmement convaincant que ses argu-ments se sont propagés sur le Net et y ont galvaniséses “troupes”. En tant que simple technique, ceréseau n’aurait jamais réussi à déclencher par lui-même une telle vague de militantisme, à catalyserun tel enthousiasme. Le Net est venu accélérer unesituation qui existait préalablement (un “désir dechanger” après les huit années de présidenceBush) ». Obama a pu faire un usage maximald’Internet parce qu’il avait le vent en poupe.Plus largement, renchérit Arnaud Mercier, toutel’histoire de la communication politique démon-tre que la montée en puissance d’un nouveaumédia s’accompagne toujours d’« un discourssimpliste prophétisant la mort des médias tradi-tionnels ». Et que la crédibilité d’un hommepolitique dépend moins de l’usage qu’il fait desnouvelles technologies que de sa capacité d’ac-tion et de conviction. Que reste-t-il du dispositif élaboré par l’état-major de Barack Obama depuis que celui-ci aprêté serment ? L’effet « lune de miel », visi-blement, persiste. « Toutes les lois que doit signerle nouveau président américain sont mises en lignesur le site web de la Maison Blanche pendant cinqjours pour “avis du peuple”, explique FrançoisHeinderyckx. Mais on est en droit de se deman-der, même si la nouvelle administration a promisd’être la plus transparente et la plus accessible del’histoire des États-Unis, comment ce système de

CONTACTSÔ Arnaud [email protected]

Ô François [email protected]

Ô Dominique [email protected]

Ô Isabelle [email protected]

Pour permettre au grand public de se forgerune opinion sur un sujet polémique, rien de tel que la communication scientifiqueexercée par les experts. Mais qu’est-ce qu’un expert? Comment est-il désigné et quel est son niveau d’indépendancelorsque l’on touche à certains intérêtséconomiques (toxicité des OGM, dangers du téléphone portable…)? Telles sontquelques-unes des questions auxquellesGérard Arnold, directeur adjoint scientifiquede l’ISCC et responsable de l’équipe« Génomique, biodiversité, comportements del’abeille » au sein du Laboratoire « Évolution,génomes et spéciation » (Legs), s’efforce derépondre, en lien avec des sociologues et deshistoriens : « Mes travaux m’ont conduit à exercer des activités d’expert, notammentdans un groupe de travail monté par leministère de l’Agriculture et chargé d’évaluerles effets de certains pesticides sur l’abeille.D’une manière générale, la composition et le fonctionnement des groupes de travailconsacrés à cette problématique ne sont pas totalement satisfaisants. Les chercheursspécialisés dans le domaine y sont parfoisminoritaires et les critères de nomination ne sont pas toujours clairs. »Il rappelle qu’un des critères principaux de l’évaluation du travail d’un chercheur est le nombre de ses publications dans des revues scientifiques de haut niveau.« Que cette règle soit également appliquéedans la composition des comités d’experts!,plaide Gérard Arnold. Et que la question des conflits d’intérêt soit systématiquementposée : certains chercheurs reçoivent des crédits de laboratoire provenant de firmes dont ils doivent évaluer lesproduits. » Un retour d’expérience tempérépar Françoise Gaill, directrice scientifique au CNRS (Institut écologie et environnement,INEE), pour qui certains types d’expertiseéchappent à la critique. « Ainsi, l’expertisecollective réalisée par le CNRS à la demandedu Meeddat (ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et del’Aménagement du territoire) et du Minefi(ministère de l’Économie, des Finances et del’Industrie) sur les enjeux scientifiques liésaux substances chimiques dans le cadre durèglement Reach bénéficie d’une base solideen s’appuyant sur les membres et les activitésdu programme interdisciplinaire “Chimiepour le développement durable” du CNRS. »

P.T.-V.Contacts : Gérard Arnold, [email protected]çoise Gaill, [email protected]

LES EXPERTS AU CŒURDES DÉBATS

À LIRE> Mac Luhan ne répond plus,D. Wolton, éd. de l’Aube, 2009> L’Internet des objets : quelsenjeux pour les Européens?,Chaire Innovation Régulationet Vox Internet II, éd. MSH, à paraître en mai 2009> La communication politique/ L’opinion publique / Lejournalisme / L’espace publicLes Essentiels d’Hermès,CNRS Éditions> Sauver la communication,D. Wolton, éd. Flammarion2005, version poche ChampsFlammarion 2007 > La malinformation,de François Heinderyckx, éd. Labor, 2003

> La logique de l’usage, Essai sur les machines à communiquer, de JacquesPerriault, éd. L’Harmattan, 2008

EN LIGNE

> www.iscc.cnrs.fr

> www.larevuehermes.cnrs.fr

> www.inist.fr

À VOIR> Hermès, 20 ans de communicationUne exposition proposée par l’ISCC, la direction de la communication et ladélégation Paris Michel-Ange,jusqu’au 30 avril, galerie duCampus Gérard Mégie, CNRS,3, rue Michel-Ange, Paris

(XVIe). Le 9 avril à 17 h 30 :table ronde, auditorium MarieCurie, animée par DominiqueWolton autour de la revueHermès et des « Essentiels »Tout savoir : www.iscc.cnrs.fr

> Émergence d’un nouveaumonde (2006, 53 min) de Jean-Pierre Mirouze,produit par Flight Movie, CNRS Images. Voir :http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=1810

Contact : Véronique Goret (Ventes),CNRS Images – Vidéothèque Tél. : 01 45 07 59 69 – [email protected]

POUR EN SAVOIR PLUS

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Karnak : trois sanctuaires au cœur de Louxor,anciennement Thèbes, capitale de l’Égyptepharaonique. Dans l’un de ces temples : lacélèbre salle hypostyle 2, où se dressent

134 colonnes avoisinant pour les plus hautes les20 mètres. « L’ensemble est grandiose, et la densité desdécors gravés dans la pierre sur ces colonnes est sai-sissante, s’émerveille Emmanuel Laroze, architecteau laboratoire « État, religion et société dans l’Égypteancienne et en Nubie » 3. Toutes ces gravures relatentl’histoire de ce lieu transformé successivement par huitpharaons. » Karnak fut en effet le centre religieuxde l’Égypte dès le Moyen Empire (environ 2 100 av.J.-C.) et pendant près de vingt siècles. Pour la première fois, vient d’être effectué un relevéexhaustif des scènes religieuses et des écrits figu-rant sur les colonnes de ce temple consacré au dieuAmon-Rê. Longtemps secondaire, maître de l’air etdu souffle, ce dieu est associé au soleil, et il prendde l’importance durant le Moyen Empire jusqu’àdevenir le socle du Nouvel Empire. La documen-tation amassée, puis une analyse détaillée seront unexcellent moyen de comprendre l’organisation et les

techniques de construction de la salle et de conser-ver l’information. En effet, les éléments architec-turaux se dégradent de plus en plus vite. Les res-ponsables ? La pollution, les remontées salines quigangrènent le grès, les violents chocs thermiquesquotidiens ou bien les détériorations que peuventengendrer 6 000 visiteurs qui se pressent chaquejour pour découvrir les lieux. C’est en 2005, après l’obtention du prix de l’Institutde France, que le projet d’Emmanuel Laroze voitle jour. Son objectif est au départ de poursuivre letravail d’inventaire, d’archivage et de documenta-tion de la salle hypostyle réalisé par ses prédéces-seurs. Après s’être attelé aux parois périphériques,il s’intéresse de près aux colonnes. « Jusqu’à pré-sent, observe l’architecte, il n’y avait pas eu de relevécomplet car le fait que les colonnes soient rondesconstituait un obstacle à l’utilisation des outils tra-ditionnels – relevés manuels sur plastiques, photo-graphie, etc. »

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ÉGYPTOLOGIE

Sur le site de Karnak, en Égypte, vient de s’achever une importante campagne de relevés photographiques,conduite par Emmanuel Laroze, architecte au CNRS, et le Centre franco-égyptien d’études des temples de Karnak (CFEETK). Ce travail d’équipe1, qui a nécessitél’utilisation de techniques de pointe, va permettre pourla première fois d’examiner dans leur intégralité lesdécors des 134 colonnes de la grande salle hypostyle.

1 Plan de la salle hypostyle.Cette grande salle est quadrilléepar 134 colonnes qui soutenaientjadis un plafond en pierre de 100 m x 50 m, soit une surface d’un demi-hectare.

2 Modélisation numérique d’une colonne de la travéecentrale. Le rendu des décors, des formes de la colonne et de sa texture est très précis et d’un grand réalisme.

3 Vue générale du grand templed’Amon-Rê à Karnak. Le templed’Amon est un ensemble imposantdont les agrandissements se sontétalés sur vingt siècles, durant le règne d’une trentaine de pharaons.

4 Réglage des appareils photosur la perche.

5 Les prises de vue demandent du temps et de la patience, car la manipulation de la percheet son déplacement sont délicats.Deux assistants assurent la stabilité du mât.

6 Le déclenchement simultanédes quatre appareils photo estcommandé au pied de la perchepar un ordinateur.

7 À certains endroits, le reculn’est pas suffisant pour installer la perche. Les photos ont donc été prises manuellement depuisune échelle de 8 m.

8 Détail d’un morceau de décorprésenté à plat. L’ensemble des décors des colonnes constitueune sorte d’abrégé des scènesgravées sur les murs de la salle et représente différentes phasesdu culte divin (scènesd’offrandes…). Chaque scènecomporte une ou plusieursdivinités comme Amon-Rê, patron de la royauté égyptienne.

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Pour contourner ces difficultés, l’équipe s’estappuyée sur deux techniques de pointe. La pre-mière est le scannage en 3D. Grâce à elle, les cher-cheurs ont pu créer un modèle numérique de lasalle en trois dimensions. Il s’obtient grâce à l’ac-quisition et à l’enregistrement en quelques minu-tes de plusieurs millions de points tridimension-nels avec une précision de l’ordre de quelquesmillimètres. Grâce aux données recueillies, leségyptologues pourront par exemple accéder vir-tuellement à des parties inaccessibles sur place, oureconstituer avec exactitude un élément de lacolonne qui serait endommagé ou détruit. Sur-tout, cela leur évitera de retourner sur le terrain poureffectuer de nouvelles mesures.Quant à la seconde méthode, dite de « photogram-métrie » 4, elle consiste à obtenir une couverturephotographique exhaustive des parois des colon-nes, qui seront ensuite appliquées sur la surfacescannée. Lors de cette mission, les prises de vueont été réalisées à l’aide d’une perche de 8 mètressur laquelle quatre appareils photographiques étaientfixés à des hauteurs différentes. Un ordinateur, ins-tallé à la base du mât, contrôlaitle cadrage et assurait le déclen-chement simultané des quatreappareils. Plus de 4000 imagesont été enregistrées. « La tâcheétait colossale, se souvientEmmanuel Laroze, puisqu’ils’agissait de photographier avecune définition suffisante et en untemps record la totalité des décors.Soit au total près d’un hectare et

demi de décors en un mois. » Tout ceci sans tenircompte des contraintes pratiques comme le manquede recul ou l’éclairage. Dans une journée, la lumièrene cesse de varier. C’est pourquoi tous les clichés ontété faits dans l’ombre et sont actuellement retra-vaillés sur ordinateur. Si les missions de terrain sont à présent termi-nées, une nouvelle aventure et un gros travail, quece soit de traitement des données ou d’assemblagede la mosaïque d’images, par exemple, commen-cent. Un long chemin reste à parcourir avant quel’ensemble des décors ne soit mis à plat et étudié.Peut-être les colonnes de la salle hypostyle auront-elles bientôt des mystères à nous révéler ? Encoreun peu de patience.

Géraldine Véron

1. Plusieurs institutions sont impliquées : CNRS, Écolenationale des sciences géographiques (ENSG-IGN), Conseilsuprême des Antiquités égyptiennes (CSA) et une entrepriseprivée spécialisée dans la numérisation 3D par laser terrestre(ATM3D).2. Salle dont le toit est soutenu par des colonnes.3. Laboratoire CNRS / Université Paris-IV / Collège de France.4. La photogrammétrie détermine les dimensions et les volumes d’un objet à partir de mesures effectuées

sur des photographies qui indiquentles perspectives de cet objet.

9 La première opération,réalisée en 2007, a été consacréeau scannage 3D complet des lieux.

10 Aperçu du « nuage de points »3D acquis par le scanner laser. Au total, celui-ci a enregistré un milliard de points de la salle.

11 Vue d’ensemble des modèles3D de certaines colonnes de la salle. L’enregistrementd’environ six millions de pointspar colonne et leur rattachement à des coordonnées géographiquesont été nécessaires pour recomposer en totalité ou partiellement l’image de la salle hypostyle.

12 Trois étapes de la modélisation numériqued’une colonne : après le maillagedes points 3D (à gauche), la représentation est ombrée (au centre), puis texturée (à droite).

13 La grande salle hypostyle, qui attire plus de sept millevisiteurs chaque jour (auxquels il faut désormais ajouter presqueautant de spectateurs nocturnes),symbolisait le marécageprimordial, le Noum duquelémerge une forêt de papyrusfigurée par les colonnes. Les chapiteaux représentent les boutons de cette planteouverte ou fermée et les piliers ses tiges.

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CONTACTÔ Emmanuel LarozeLaboratoire « État, religion et sociétédans l’Égypte ancienne et en Nubie »,[email protected]

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Innovant et persévérant. Deux valeurs cléspour qui se veut ingénieur, selon BertrandMénaert. Et qu’il a faites siennes. Elles nesont d’ailleurs peut-être pas étrangères au

Cristal du CNRS reçu l’an passé. Sous des dehorsaffables, cet ingénieur de 49 ans figure parmiles rares spécialistes français de la « croissancecristalline en solution à haute température ». Unediscipline de pointe qu’il exerce depuis huit ansau sein du pôle « Cristaux massifs » à l’InstitutNéel du CNRS, à Grenoble, « dans un environ-nement scientifique exceptionnel pour l’étude et lacaractérisation des matériaux avec la présence, àdeux pas d’ici, du synchrotron ESRF et de la sourcede neutrons la plus intense du monde, l’InstitutLaue-Langevin (ILL) ».Mais c’est en Lorraine qu’a émergé sa vocation.Sur les bancs du lycée, le jeune nancéien se voitbien travailler dans l’industrie chimique. Aprèsun cursus universitaire partagé entre physiqueet chimie, c’est un stage dans le laboratoire decristallographie de Nancy qui scelle son destin.Le hasard ? Pas tout à fait. « Mon père y travail-lait comme ingénieur d’étude, mais je n’avais pasprévu de suivre ses traces ! » Bien lui en prend. Ilrejoint ainsi la seule équipe à se consacrer, enFrance, à la production fort délicate des cris-taux de la famille KTP (formés de potassium, detitane et de phosphore). Dotés de remarquablespropriétés optiques qui permettent de modifierla longueur d’onde de la lumière, ces cristauxoptimisent les dispositifs laser en chirurgie ouen télémétrie militaire…Encore faut-il maîtriser leur fabrication : « Nousavons utilisé la “méthode des flux”, technique répu-tée délicate à mettre en œuvre. » Avec cetteméthode, la cristallisation s’obtient au coursd’une lente – près d’un mois ! – et minutieusephase de refroidissement. « Si ce projet a réussi,c’est en grande partie grâce au développement dansnotre équipe d’instruments originaux qui permet-taient de suivre en continu les différentes étapes decristallisation. » Ce qui vaut au jeune thésard, en1988, de cosigner son premier brevet. Et de créer

dans la foulée, avec ses collègues, la sociétéCristal Laser. Une réussite : la modeste PME estdevenue l’un des leaders mondiaux en produc-tion de cristaux pour l’optique. 1992 : Bertrand Ménaert intègre le CNRS en tantqu’ingénieur de recherche. Deux ans plus tard, sacarrière connaît un premier tournant avec letransfert de son équipe au laboratoire de physi-que de l’université de Dijon. Bouger n’est paspour lui déplaire. Même s’il doit passer près d’unan à « remonter » deux salles de cristallogenèse.S’ouvrent alors six belles années d’une « vie agréa-ble » et de recherches innovantes. Notamment surla découpe des cristaux, opération essentiellepour que le cristal « exprime » ses propriétés. Cetravail d’orfèvre l’amène à réaliser des sphèrescristallines pour les besoins d’une méthode ori-ginale de métrologie optique, puis des cylindrespour la réalisation de sources laser. Avec, à la clé,un second brevet cosigné et un transfert techno-logique vers la société américaine JDS Uniphase,spécialisée dans les sources laser.2001 s’ouvre avec un second déménagement.Direction Grenoble. Nouveau laboratoire, nouvelleinstallation d’une salle de production. C’est aussi

RENCONTREAVEC 31

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l’occasion pour Bertrand Ménaert de dévelop-per ses liens avec la communauté nationale. Ilparticipe activement au comité de pilotage duréseau Mission ressources et compétences techno-logiques (MRCT) du CNRS sur les cristaux mas-sifs pour l’optique 1 où, depuis six ans, notrehomme anime une formation nationale sur les« procédés d’orientation des cristaux ». Le restedu (peu) de temps, il le consacre à ses deuxenfants, sa maison… et dès que possible, à sesruches installées dans son ancien fief deBourgogne. La belle symétrie des alvéoles le faitrêver… aux cristaux, peut-être.

Patricia Chairopoulos

Ô Retrouvez les « Talents » du CNRS surwww.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm

1. « Cristaux massifs, micro-nano-structures et dispositifspour l’optique » (http://cmdo.cnrs.fr/)

BertrandMénaert

Un Cristal, des cristaux…

Ingénieur de recherche

CONTACTÔ Bertrand MénaertInstitut Néel, [email protected]

“Grenoble constitue un environnementscientifique exceptionnel pour l’étude et la caractérisation des matériaux.”

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PROGRAMME NATIONAL

Quand la recherche nous transporte

Avant de parler de ses nouvelles priorités, qu’est-ce au juste que le Programme national de recherche et d’innovation dans les transportsterrestres (Predit)? Jean-Louis Léonard : Le Predit est un outil demise en cohérence de la recherche nationale surles transports terrestres (routier, ferroviaire etfluvial). C’est également un intermédiaire entreles chercheurs (publics et privés) travaillant dansce domaine et les financiers, à savoir les minis-tères du développement durable, de l’industrie,de la recherche, l’Agence nationale de la recher-che (ANR), l’Agence de l’environnement et de lamaîtrise de l’énergie (Ademe) et Oseo, l’Agencede l’innovation (ex-Agence nationale de valori-sation de la recherche, ou Anvar). Plus précisé-ment, nous sommes là pour définir les orienta-tions et évaluer les projets de recherche proposés.Le but étant de mettre en œuvre la politique derecherche définie par le gouvernement.

De grands centres de recherche reconnusmondialement, comme le CNRS, n’auraient-ilspas pu jouer ce rôle d’intermédiaire?J.-L.L. : Pas vraiment… Certes, l’Institut nationalde recherche sur les transports et leur sécurité(Inrets), un grand laboratoire qui travaille dans

le domaine des transports, aurait pu accomplirles missions du Predit ; et le CNRS aurait pu lesréaliser en ce qui concerne la recherche fonda-mentale, par exemple. Mais l’avantage du Preditest qu’il n’est pas à la fois juge et partie, puisquecontrairement à l’Inrets ou au CNRS, il ne fait pasde recherche. Il est donc totalement neutre dansses choix et dans les labels qu’il attribue aux pro-jets de recherche, y compris ceux dans lesquelsle CNRS intervient.

En février dernier, vous avez présenté le « Predit 4 » à la presse… Donc il y a eu des éditions 1, 2, et 3…J.-L.L. : Oui ! Il faut savoir que l’idée de créer lePredit est née dès 1985, quand l’ensemble desfinanciers de la recherche sur les transports sesont rendu compte qu’ils se dispersaient dans larecherche sur les transports avec des redondan-ces dans les travaux qu’ils soutenaient. Alors cesfinanciers se sont rassemblés et ont lancé lePredit 1 (1990-1994) qui a permis de concrétiserle rapprochement entre eux. Puis il y a eu le Pre-dit 2 qui a duré de 1996 à 2001 ; le Predit 3 entre2002 et 2007 ; et enfin l’édition en cours (2008-2012), baptisée logiquement Predit 4. Les prio-rités de ce dernier ne sont pas les mêmes que cel-les des éditions précédentes, mais il assure unecontinuité dans des thèmes environnementauxou sécuritaires.

Justement, quelles sont ces nouvelles priorités? J.-L.L. : Il y a en six dans la conti-nuité de celles du Predit 3. Lapremière priorité est de mieuxmaîtriser la consommationd’énergie et les rejets nocifsdes gaz à effet de serre dansl’environnement – réduire lesémissions de dioxyde de car-bone sera d’ailleurs l’objectifprincipal du Predit 4. Ladeuxième est d’améliorer lasécurité, la fiabilité, l’accessi-bilité et le confort des trans-ports. Par ailleurs, il est impor-tant de perfectionner lamobilité dans les régions urbai-nes tout en réduisant les émis-sions polluantes. Développerdes technologies et des systè-

mes permettant d’assurer une meilleure effica-cité environnementale des modes de transportsterrestres de marchandises, tout en optimisantles organisations logistiques pour limiter l’aug-mentation de la demande de transport est la qua-trième priorité. La cinquième est d’assurer la

compétitivité de l’industriedes transports, un impératiféconomique majeur comptetenu de ce potentiel indus-triel en France. Et enfin, ilfaut concevoir des politiquesde transport de court, moyenet long terme cohérentes viale développement d’outils éco-nomiques et réglementairesacceptables et équitables. Ilest primordial de soulignerici que les transports sontplus que jamais concernés par la recherched’équilibres entre enjeux environnementaux,économiques et sociaux.

Quelles sont les pistes du Predit 3 qui ont étéabandonnées? J.-L.L. : En fait, on n’a écarté aucune piste, dansla mesure où les trois défis du programme 2002-2007 étaient d’améliorer l’environnement et decontribuer aux objectifs de réduction des gaz àeffet de serre ; d’assurer la mobilité durable despersonnes et des biens ; et enfin d’accroître lasécurité des systèmes de transport via le déve-loppement de systèmes de sécurité embarqués.Mais certains axes, comme la sécurité routière(par le développement de matériel embarquépar exemple), sont devenus secondaires, car trèsaboutis. Ensuite, on a laissé dans cette quatrièmeédition du programme plus de place à la recher-

che en sciences humaines etsociales liée au transport, quidevrait représenter 20 % desprojets financés, contre seu-lement 15 % dans le Predit 3(la recherche technologiquereprésentant alors 85 %).

Quelle est l’implication du CNRS dans tout cela?J.-L.L. : Le CNRS est pournous incontournable. Toutd’abord, ses chercheurs– comme ceux d’autres cen-tres – peuvent faire partie desgroupes d’experts élaborantles appels à projet et étudiantles projets candidats. Ils peu-vent aussi être membres de la

commission d’orientation stratégique du Predit.Permettant de débattre sur les orientations du pro-gramme afin de préparer les évolutions éven-tuellement nécessaires, cette instance est consti-tuée de soixante personnes, issues des milieuxproducteurs et utilisateurs de recherche et d’in-novation (organismes de recherche et d’études ;industrie des transports ; exploitants et entre-prises de service ; associations d’usagers ; presse,etc.). Enfin, bien sûr, les chercheurs du CNRSpeuvent également nous soumettre des projetslors d’un appel à projet.

Un exemple d’étude menée par un laboratoireCNRS?J.-L.L. : On peut citer le projet Love (« Logicielsd’observation des vulnérables »), visant la créa-tion de logiciels permettant de développer dessystèmes capables de détecter, par laser, des usa-

gers vulnérables, comme des piétons ou descyclistes, afin d’éviter de les percuter. Com-mencés en 2009 avec 12 partenaires et en coursde validation, ces travaux sont coordonnés parle Laboratoire des sciences et matériaux pourl’électronique et d’automatique (Lasmea) 1. Plusgénéralement, parmi les 800 projets de recher-che du Predit 3, le CNRS est partenaire ou lea-der de 220 projets, c’est-à-dire plus du quartdes recherches commandées par le Predit !

Qu’apporte le Predit à la recherche publique?J.-L.L. : Tout d’abord, il lui permet d’être plusefficace. Par exemple en faisant en sorte que lesappels à projets de recherche correspondent auxorientations sans redondance. Le programmestimule aussi la coopération entre recherchepublique et privée, du fait qu’il attribue les bud-gets aux deux types de laboratoires, travaillant sou-vent en partenariat.

Propos recueillis par Kheira Bettayeb

1. Laboratoire CNRS / Université Clermont Ferrand-II.

CONTACTÔ Jean-Louis Lé[email protected]

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Constituée d’un comité de pilotage formé de 13 personnes et présidé par Jean-LouisLéonard, d’un conseil d’orientationscientifique et d’un secrétariat permanent,cette structure évalue les projets derecherche grâce à des groupes d’experts.Ceux-ci sont au nombre de six (un parthème) pour cette quatrième édition duprogramme. Comprenant entre 20 et40 experts (des chercheurs, des journalistesspécialisés…), ces groupes travaillent sous l’autorité de leurs présidents et vice-présidents respectifs et, si nécessaire, du comité de pilotage. Ils élaborent et rédigent des appels à propositions de projets, analysent les dossiers retournés et les « labellisent »– mais ils accueillent aussi des projetsspontanés. S’ils n’ont pas autorité sur lesdécisions, ces experts peuvent néanmoinsconseiller les financeurs sur les actionsincitatives et les projets à financer. Ensuite,ils suivent, avec les financeurs, les travauxet s’assurent qu’ils restent en adéquationavec la commande initiale en partenariatavec les financeurs publics.

K.B.

LE FONCTIONNEMENTDU PREDIT

La mise au point d’Hynovis, prototype de bus propre et économe, a été soutenue par le Predit.

Concevoir, pour lesautomobiles, des systèmes de détection automatique de piétons et de cyclistes, tel est l’objectif du projet Love,coordonné par un laboratoiredu CNRS.

Entre 2002 et 2007, près de 1600 projets de recherche sur lestransports terrestres ont été financés grâce à 361 millions d’euros de fonds publics. Cinquante pour cent de ces fonds ont été injectésdans la recherche sur l’énergie et l’environnement; 22 % pour la thématique « mobilité des personnes »; 20 % pour la recherchesur la sécurité; et 8 % pour le transport des marchandises. En se référant aux seuls coordonnateurs des projets, le secteur privé(SNCF, RATP, Renault, PSA, Siemens, Michelin, nombreuses PME…)est coordonnateur d’études financées par 64 % des crédits attribués;le secteur public (Inrets, CNRS, IFP, CEA, ENPC, LCPC, des CHU,Inserm…), par 36 %. À titre de comparaison, la première édition du programme (1990-1994) a bénéficié de 2,6 milliards de francs. LePredit 2 (1996-2000) a permis d’engager environ 1400 recherches et a reçu plus de 300 millions d’euros de fonds publics. L’édition 2008-2012 (Predit 4), elle, devrait obtenir 400 millions d’euros de budget.

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En février dernier, ont été dévoilées les nouvellesorientations du grand programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres (Predit), dans lequel le CNRS est très impliqué. Jean-Louis Léonard, député de Charente-Maritime et président du Predit, nous en dit plus.

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POLLUTION

Si les bienfaits des nanotechnologies ne sont plus à prouver, leur essor pourrait s’accompagner d’une pollution des eaux. Deschercheurs mettent actuellement au point un procédé pour résoudrece problème; leur projet vient d’être récompensé au salon Pollutec.

Déjà présentes dans les cosmétiques, lespeintures ou les pneumatiques, les nano-particules, petit à petit, sortent des labo-ratoires de recherche. Et, qu’elles devien-

nent vecteurs de médicaments ou principes actifsde pots catalytiques, leurs propriétés physico-chimiques les promettent à un avenir industrielradieux. À une condition : que le nano-Eldoradone se transforme pas en un problème de santépublique et environnemental d’un nouveaugenre. Par exemple, les nanoparticules pour-raient se retrouver dans l’eau. Pour faire face àce risque, Pascal Guiraud, au Laboratoire « Ingé-nierie des systèmes biologiques et des procé-dés » (LISBP) 1, à Toulouse, et son équipe vien-nent de proposer une méthode capable d’éliminerles nanoparticules de l’eau et des liquides, encollaboration avec le Laboratoire de physique etchimie des nano-objets 2. Un procédé encore enphase de développement, mais déjà récompensépar le prix des techniques innovantes pour l’en-vironnement, au salon national Pollutec, à Lyon,en décembre dernier. « La question de la nocivité des produits créés parl’homme se pose rarement a priori, explique PascalGuiraud. Et généralement, ce n’est qu’après avoir

Pyrénées, et a reçu le soutien des établissementstoulousains d’enseignement supérieur et derecherche, ainsi que du CNRS. Il sera de plusassocié cette année à un programme de l’Agencenationale de la recherche (ANR). « Nous sommesen contact avec des industriels. Mais j’ai aussi entête le développement d’une start-up sur ce pro-jet », confie le scientifique. En attendant, il estprobable que d’ici à un an, les premiers tests àpartir d’effluents d’usines seront mis en œuvre.Une bonne nouvelle alors qu’un récent rapportde l’Agence française de sécurité sanitaire del’environnement et du travail (Afsset) conclutqu’« il est prudent de déclarer les nanoparticulescomme “niveau de danger inconnu” et de les mani-puler avec la même prudence que les matières dan-gereuses ».

Mathieu Grousson

1. Laboratoire CNRS / Insa Toulouse / Inra Toulouse.2. Laboratoire CNRS / Insa Toulouse / Université Toulouse-III.

Nanopièges en eaux troubles

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CONTACTÔ Pascal GuiraudLaboratoire « Ingénierie des systèmes biologiqueset des procédés » (LISBP), [email protected]

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PROSPECTIVE

d’une quinzaine de laboratoirespour aboutir à terme à une cen-taine d’entretiens.La « prospective » s’intéresse enpriorité aux métiers et compéten-ces mis en jeu dans les projets derecherche : projets instrumentaux,campagnes de mesures et infra-structures de recherche. Leur miseen place nécessite en effet une orga-nisation et des savoir-faire particu-liers. « Les besoins en personnel deslaboratoires ne sont évidemment pasles mêmes quand il s’agit de participerà la construction d’un nouveau satel-

lite ou de lancer une campagne demesures océanographique ou sismo-logique », indique Remy Bellenger.Ainsi, le satellite exige des labora-toires une mobilisation de compé-tences techniques extrêmementpointues sur plusieurs années. Tan-dis que l’océanographie ou la sis-mologie nécessitent d’orchestrerune série de mesures dans un envi-ronnement généralement très hos-tile et pour un champ de disciplinesvarié. Outre les métiers et les com-pétences, cette prospective vise aussià mieux distinguer « les évolutions des

structures de management des pro-jets, les besoins de mutualisation etles stratégies de codéveloppement avecdes start-up ou des industriels souventincontournables dans nos métiers »,ajoute Remy Bellenger. Cette consultation s’achèvera à l’au-tomne 2009 par la publication d’undocument et participe d’une pluslarge réflexion stratégique menéepar la direction technique de l’Insu.Y figurent également une école thé-matique technique « Management etprojets scientifiques » fin septem-bre, à Lyon, un colloque sur la R&Dau printemps 2010, à Marseille, et lacréation d’un club des partenairesindustriels, toujours en 2010. Untravail est mené en parallèle sur lacréation de plusieurs réseaux autourdes spécificités de l’Insu, comme lescompétences en technologie d’ins-trumentation marine ou le déve-loppement des détecteurs dans lesprojets spatiaux.

Séverine Lemaire-Duparcq

CONTACTÔ Remy BellengerResponsable de la division Projets à l’[email protected]

BRÈVES

L’Institut Jean Lamour, nouvelle unité de recherche dans le domaine des sciences et de l’ingénierie desmatériaux, vient de tenir en février son premier colloquescientifique à Nancy. Regroupement multidisciplinaire,formé par la fusion de cinq unités mixtes de recherchecommunes à Nancy-Université, au CNRS et à l’UniversitéPaul Verlaine-Metz, cet institut devient l’un des dixcentres de recherche les plus importants en Europe dans son domaine. Impliqué directement dans le tissuéconomique lorrain, il permettra notamment de valoriserles recherches dans des secteurs comme les énergiesnon polluantes et durables.> www.nancy-universite.fr/uploads/media/CP_institut_jean_lamour.pdf

Et vogue la recherche…Les chercheurs de la Station biologique de Roscoff viennent d’inaugurer la Neomysis, leurnouveau navire océanographique dédié à l’étude du milieu marin. Financé par l’Institut nationaldes sciences de l’Univers (Insu) du CNRS et par les fonds européens de développementrégional, à hauteur de 400000 euros chacun, le navire de 12 mètres de long est aussi équipé par l’Insu. Il dispose ainsi d’un thermosalinographe (appareil de mesure des températures et des salinités des surfaces), d’une station météo, d’un système d’acquisition et de traitementdes données et d’un réseau informatique interne.Il effectuera 150 à 200 sorties par an afind’assurer un suivi régulier des données de l’eautelles que le pH, la densité de phytoplancton, la température, la salinité, etc. Roscoff et septautres stations (Brest, Arcachon, Banyuls,Marseille, Villefranche-sur-Mer, Luc-sur-Mer etWimereux) utilisent ces données pour étudier lescycles climatiques et biogéochimiques naturels.> www.dt.insu.cnrs.fr/flottille/neomysis.php

Vivre plus vieux et mieux vieillir, tel pourrait être le credo de l’Institutde la longévité de l’hôpital CharlesFoix, à Ivry-sur-Seine, créé enfévrier dernier parl’université Pierre

et Marie Curie, l’AP-HP, les collectivitésterritoriales, et d’autres partenaires dontle CNRS. L’objectif sera de développer la recherche fondamentale et clinique surla longévité et sur les maladies associéesau vieillissement (Alzheimer, maladies

cardiovasculaires…). Il favoriseral’innovation, la valorisation technologiqueet la formation des professionnels grâce à l’installation d’un centre de recherche et d’une pépinière d’entreprises pour lesbiotechnologies et les gérontechnologies.À terme, ce dispositif unique en Francepermettra de développer de nouvellesthérapies et de nouvelles technologiesmieux adaptées aux personnes âgées et facilitant leur vie quotidienne. Ce projeta été porté par Jean Mariani, directeur de l’unité « Neurobiologie des processusadaptatifs » (CNRS / UPMC).> www.upmc.fr/fr/recherche/pole_4/institut_de_la_longevite.html

Un nouvel institut pour la longévité… … un autre pour les matériaux

Sciences de l’Univers : quels métiers pour demain?

Quels sont les besoins réels deslaboratoires de l’Institut natio-nal des sciences de l’Univers

(Insu) du CNRS en matière de recru-tement ? C’est pour le savoir quel’Institut a entamé une grandeenquête sur les métiers et les com-pétences des ingénieurs et des tech-niciens, dont les conclusions serontpubliées à l’automne prochain.Sur le terrain, l’exercice consiste, àtravers une série d’entretiens, à sui-vre l’évolution des modes d’orga-nisation et de fonctionnement, àidentifier les compétences émer-gentes et les emplois prioritairespour l’avenir de l’établissement et àmettre en avant les domaines d’ex-pertise de chacun. L’idée n’est pas de questionner briè-vement les 2700 ingénieurs et tech-niciens des 109 laboratoires quecompte l’Insu, mais de privilégier lecontact approfondi. « Une premièrephase a démarré l’été dernier avecune série d’entretiens exploratoiresqui a permis de définir les lignes direc-trices de notre questionnaire », expli-que Remy Bellenger, responsablede la division Projets à l’Insu. Etdepuis décembre, vingt-cinq entre-tiens ont été conduits avec les direc-teurs d’unités et les personnes clés

Les campagnes de mesures, comme ici sur un glacier alpin,nécessitent des compétencesspécifiques.

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Conception assistée par ordinateur d’une cellule de traitement d’effluentsliquides pollués par des nanoparticules.

Nanoparticules de siliceobservées en microscopieélectronique à transmission.

constaté leur présence dans l’environnement quel’on se pose la question de la dépollution. Maisactuellement, la production de nanoparticules aug-mente fortement. Ces nouveaux objets se retrouve-ront donc inévitablement dans les rejets industrielset domestiques, voire dans les ressources en eau.Notre programme vise à anticiper ce problème. »Pour ce faire, les scientifiques ont fondé leurtravail sur deux procédés classiques issus dutraitement des eaux. Avec le premier, les nano-particules seraient capturées par des bulles d’airqui les emportent vers la surface. Ce procédépourrait être couplé avec un second, qui consistecette fois à faire « coaguler » les particules pré-sentes dans l’eau par l’ajout d’agents chimiques :les particules plus grosses ainsi formées sédi-mentent et sont évacuées sous forme de boues.« Dans le cas de nanoparticules, cette dernièreoption utilisée seule nécessite une trop grande quan-tité de produits chimiques et n’est donc pas très inté-ressante économiquement, détaille le chercheur.C’est pourquoi nous nous acheminons vers le déve-loppement d’un procédé soit couplé, soit exclusive-ment à base de bulles d’air. »Né en 2006 sur un coin de table, ce programmeest désormais cofinancé par la Région Midi-

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Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Brillant ! Le mot est pesé pour qualifier leparcours de Mihai Barboiu, même silui assure qu’il ne faut rien exagérer. À40 ans, ce chimiste roumain dirige

l’équipe « Nanosystèmes supramoléculairesadaptatifs » à l’Institut européen des membra-nes 1 (IEM) de Montpellier. L’idée de base deses travaux? En étudiant les propriétés des mem-branes biologiques, dont il existe de nombreu-ses variétés dans la nature et qui ont la pré-cieuse faculté de laisser passer certainesmolécules tout en étant imperméables à d’autres,le chercheur met au point de nouveaux matériauxou des systèmes aux propriétés innovantes et auxapplications variées. La preuve par les dépôtsde brevets : son équipe a mis au point une mem-brane dix fois plus conductrice que celles utili-sées actuellement dans les piles à combustible.Deux brevets ont également été déposés pour desmatériaux qui permettent la séquestration duCO2 et d’autres encore dans le domaine de lasanté. Ces trouvailles sont quelque peu fortui-tes, comme cela s’est souvent produit pour degrandes découvertes scientifiques : « Les poly-mères conducteurs ont été révélés à la suite d’unefaute de manipulation, et Fleming a découvert lapénicilline en abandonnant ses cultures biologi-ques tout un été », rappelle le chimiste. Dont ladestinée, elle, ne doit rien au hasard.

Dès le lycée, dans sa ville natale de Pascani, dansle Nord de la Roumanie, le jeune Mihai se pas-sionne pour les sciences. Il participe aux Olym-piades de chimie et représente son pays à deuxreprises au niveau international. Il intègre ensuitel’Université polytechnique de Bucarest pourdécrocher un diplôme d’ingénieur en chimieorganique. Durant ses études, son professeur,Constantin Luca, l’autorise à disposer d’un petitlaboratoire où il peut laisser libre cours à sonimagination de futur chercheur, ce qui lui vau-dra sa première publication à l’âge de vingt-troisans. Mihai Barboiu enchaîne avec une thèse sur« l’utilisation des matériaux hybrides pour la recon-naissance moléculaire », tout en travaillant dansun centre de recherche de Bucarest. « En seule-ment trois ans, j’ai réussi à diriger ma propre équipede recherche », se souvient-il non sans une pointede fierté. Une collaboration se crée alors avec leLaboratoire des matériaux et procédés mem-branaires de l’université Montpellier-II, si bienque son doctorat se déroule finalement en cotu-telle. En 1999, une occasion exceptionnelle se pré-sente au chercheur roumain, alors à la recherched’un postdoc : un poste de maître de conféren-ces au Collège de France, dans le laboratoirestrasbourgeois de l’éminent professeur Jean-Marie Lehn, Prix Nobel de chimie en 1987.L’équipe est arrivée à reproduire artificiellementles mouvements des protéines du corps humain.« C’était un rêve pour moi, car j’admirais vrai-ment Jean-Marie Lehn! Travailler dans le labo d’unPrix Nobel est la plus belle chance du monde pourun chercheur en formation. »En 2001, Mihai Barboiu intègre le CNRS pour tra-vailler à l’IEM de Montpellier. En prenant pos-session de son nouveau bureau, il accroche lesphotos des professeurs qui l’ont inspiré, commeConstantin Luca, Louis Cot ou Jean-Marie Lehn.Trois ans plus tard, nouvelle consécration : MihaiBarboiu est lauréat du prix European ResearchYoung Investigators pour ses projets de recher-che sur l’évolution des systèmes dynamiques àl’interface entre chimie, biologie et physique.Cette même année, il devient également direc-teur de recherche et développe son travail sur lesmembranes biologiques. Pas de doute, le scien-tifique chemine bien dans les pas de ses mentors.

Caroline Dangléant

1. Institut CNRS / École nationale supérieure de chimieMontpellier / Université Montpellier-II.

CONTACTÔ Mihai BarboiuInstitut européen des membranes, [email protected]

Mihai BarboiuItinéraire d’un chimiste passionné

BRÈVE

Le 18 mars dernier, à Jérusalem, Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, et MénahemMegidor, président de l’Université hébraïque de Jérusalem, ont signé la convention créant le laboratoire européen associé (LEA) « France-Israel Laboratory of Neuroscience » (Filn). Il associe le CNRS, les universités Victor Segalen (Bordeaux) et Paris Descartes et l’Université hébraïque de Jérusalem. Il succède, sous une forme renouvelée, au premier laboratoire franco-isréalien créé en 2005, le « Laboratoire franco-israélien de neurophysiologie et neurophysique des systèmes ». Il est dédié aux étudesfondamentales et cliniques du cerveau. Auparavant, le 16 mars, le LEA « NanoBio Science(NaBi) » était inauguré à Rehovot en présence de Catherine Bréchignac et Daniel Zajfman,président de l’Institut Weizmann. Ce LEA associe pendant quatre ans sept laboratoiresaffiliés au CNRS 1 et les départements de chimie et de physique de l’Institut Weizmann. Les recherches porteront sur les nanosciences, la photonique et l’imagerie biologique. 1. L’Institut d’Alembert, à Cachan, qui fédère quatre unités mixtes en physique (LPQM), chimie (PPSM), sciences de la vie(LBPA) et systèmes et applications des technologies de l’information et de l’énergie (Satie), les Laboratoires de physiquestatistique (LPS) et de Chimie (Pasteur), à Paris, et l’Institut Fresnel, à Marseille.

> Contacts : Direction des affaires européennes du CNRS : Francesca Grassia, [email protected] : David Hansel, [email protected], Thomas Boraud, [email protected] NaBi : Joseph Zyss, [email protected]

La coopération se renforce avec Israël

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CONTACTSÔ Gilles Boë[email protected]

Ô Yannick Jaffré[email protected]

HORIZON 37

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

C ’est un véritable événement qui a eu lieule 16 janvier dernier à Paris, au siège duCNRS : la naissance officielle de lapremière unité mixte internationale

(UMI) de l’organisme avec l’Afrique. Baptisée« Environnement, santé, sociétés » (UMI ESS),elle réunit des chercheurs français, burkinabés,maliens et sénégalais autour d’une thématiqueon ne peut plus prioritaire : l’étude desconséquences sur la santé des transformationsenvironnementales (réchauffement climatique,pollution) et sociales (urbanisation). « Cettepremière opération d’envergure du CNRS en Afriquevise à établir un partenariat fort et équilibré entrechercheurs du Sud et du Nord », a déclaréCatherine Bréchignac lors de la cérémonie. Laprésidente du CNRS était alors entourée desdirigeants des trois autres organismes fondateurs,l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD),au Sénégal, l’université de Bamako, au Mali, etle Centre national de la recherche scientifique ettechnologique (CNRST), au Burkina Faso.Pour les scientifiques de l’UMI, le programmes’annonce chargé. Tout d’abord, ils vont en effetétudier les liens entre les transformations envi-ronnementales et la santé. Comprenez, parexemple, la manière dont la pollution entraînel’apparition de nouvelles pathologies respira-toires ; ou le rôle précis du réchauffement cli-matique dans la survenue des épidémies et cri-ses alimentaires. Mais ils se pencheront aussi surles questions sanitaires liées aux migrations ouaux évolutions démographiques, comme le vieil-lissement. Et pour compléter le tableau, ils ana-lyseront le fonctionnement des hôpitaux et cen-tres de soins, en vue d’améliorer la qualité destraitements. Autant de sujets qui seront étudiés à l’échellelocale en Afrique, mais dont l’intérêt survole lesfrontières : « Avec le réchauffement par exemple,des maladies présentes aujourd’hui dans les pays duSud risquent d’apparaître dans ceux du Nord, expli-que Gilles Boëtsch, directeur de l’UMI, et prési-dent du conseil scientifique du CNRS. Les pro-blématiques traitées au sein de l’unité intéressentdonc les chercheurs de tous les pays. » Et de toutesles disciplines : comme le suggèrent les intitu-lés des cinq axes de recherche (lire l’encadré),elles mobiliseront une quarantaine de spécia-listes des disciplines environnementales, dessciences de la santé et des sciences humaines etsociales. Une mosaïque scientifique indispen-sable selon Yannick Jaffré, directeur de recherche

CNRS au laboratoire « Anthropologie biocultu-relle » 1, qui sera l’un des cinq directeurs adjointsde l’UMI 2 : « Tout le monde saisit l’importancedes sciences du vivant pour étudier le paludisme enAfrique. Mais on ne peut aborder sérieusement cesujet sans aller voir comment les patients sont reçusdans les centres de soins, sans s’interroger sur l’uti-lisation des moustiquaires, ou sur la politique de laville qui, on le sait, joue énormément. Bref, sans leregard des sciences sociales. » C.Q.F.D.

Les chercheurs ont un bel atout en main : « Laplupart des équipes de l’UMI travaillent ensembledepuis plusieurs années, explique Abdou SalamSall, président de l’UCAD. Notamment car plu-sieurs chercheurs africains et responsables d’équipesde l’UMI ont fait leurs premiers pas dans les labo-ratoires du CNRS et ont poursuivi la collaborationune fois retournés dans leur pays. » Restait à offi-cialiser l’union, ce qui a demandé « un peu » depréparation : « C’est déjà compliqué de créer un

laboratoire entre deux pays, rappelle Gilles Boëtsch.Alors imaginez quand il y en a quatre… » Mais lerésultat est là : l’UMI existe pour quatre ans– renouvelables – sur quatre pôles (Marseille,Ouagadougou, Bamako et Dakar). « C’est unembryon de laboratoire mondial, se réjouit BasileGuissou, délégué général du CNRST. Il va per-mettre de partager les infrastructures, mais aussi,pour ainsi dire, d’être partout en même temps ! »Autre avantage : il offre une plus grande visibi-lité pour répondre aux appels à projet interna-tionaux. Recteure de l’université de Bamako,Ginette Siby Bellegarde est optimiste : « Chaquepartenaire apporte ses compétences et sa volonté detravailler en synergie sur des thèmes fédérateurs. Jene doute pas que les résultats de nos travaux serontà la hauteur de nos espérances », conclut-elle dansun sourire. Avant de confier que l’unité a voca-tion à s’ouvrir par la suite à d’autres pays voisins.

Matthieu Ravaud

1. Laboratoire CNRS / Université Aix Marseille-II / EFSAlpes Méditerranée.2. Avec Lamine Gueye et Nicole Chapuis pour le Sénégal,Ogobara Doumbo pour le Mali, et Blaise Sondo pour le Burkina Faso.

Pollution, réchauffement climatique, urbanisation… D’importantes transformations sont à l’œuvre partout sur le globe. Un ambitieux laboratoire franco-africain vient d’être créé pour en étudier les conséquences sur la santé.

UNITÉ MIXTE DE RECHERCHE

Grande première entre le CNRS et l’Afrique

Ô Pollution, santé et sociétéÔ Environnement, cognition et sociétéÔ Pathocénoses, dynamiques sociales,

préventions et sociétésÔ Espaces techniques de soins et sociétésÔ Modes de vie et santé, influence des

migrations et de la transition démographique.

LES 5 AXES DE RECHERCHE

Embouteillageà Dakar(Sénégal). Les chercheursétudieront les effets de la pollutionsur la santé.

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GUIDE 39

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

GUIDE Livres38

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Célèbre disciple de Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier a complété lathéorie de la parenté de ce dernier. Quand, par exemple, celui-ci expliquaitque les femmes étaient un objet d’échange matrimonial entre les hommes qui

consolidaient ainsi leurs systèmes d’alliance, ellemontrait comment les femmes s’en étaient trou-vées systématiquement défavorisées. Après Deuxsœurs et leur mère et Masculin/Féminin, l’anthro-pologue, scientifique de premier plan et intellec-tuelle engagée, nous livre ici ses réflexions surdes problèmes politiques, sociaux et culturelsactuels et témoigne de son engagement pour lesdroits à la dignité des femmes – et le droit desmalades à participer à l’orientation de la recher-che médicale.

Françoise Héritier, éd. Odile Jacob, mars 2009, 448 p. – 27,90 €

Plusieurs évènements semblent êtreà l’origine de ce premier état deslieux historique et socio-anthropo-logique sur la psychothérapie entant que phénomène social. Quelssont-ils?Disons d’abord que depuis le débutdu XXe siècle, ce phénomène socialqu’est la psychothérapie n’a cesséde prendre de l’ampleur et qu’il n’yavait, jusqu’ici, en France, aucun tra-vail sociologique sur le sujet. Ensuite,depuis les années 1990, des volontésadministratives et politiques se sontmanifestées pour contrôler la psy-chothérapie, sans, d’ailleurs, avoirsu lancer d’appels à études pourconnaître les usagers des psycho-thérapies ni les psychothérapeutes(à peine quelques enquêtes réali-sées par Psychologie magazine, laMGEN, des psychothérapeutes eux-

mêmes, analysées, bien sûr, ici). Cesprojets de réglementation et decontrôle ont abouti à une loi en 2004portant sur le titre de psychothéra-peute et à une expertise de l’Insermsur l’évaluation des méthodes psy-chothérapeutiques. Ces deux entre-prises ont déclenché une violente« guerre des psy ». Les conflits sepoursuivent, les décrets d’applica-tion de la loi ne sont toujours paslà…

Ces conflits interviennent-ils sur unfond quelque peu miné? En effet, des « déchirements » n’ontcessé de caractériser l’espace psy-chothérapeutique. Tout d’abord,parce que la psychothérapie est unepratique et une discipline mal définiedepuis l’origine et exercée, de fait,aujourd’hui, par quatre catégories

de professionnels : psychiatres, psy-chologues, psychanalystes et, enfin,psychothérapeutes qualifiés de « ni,ni, ni » (parce que n’appartenant àaucune de ces catégories), qui, àpartir de 1990 ont revendiqué la créa-tion d’un titre de psychothérapeute.Ce faisant, ils ont mis en efferves-cence le milieu de la psychothérapie(psychanalyse comprise). Cetteopposition entre médecins et psy-chologues renvoie à un désaccordquant à la nature de ce que pren-drait en charge la psychothérapie :une maladie, un mal-être, une « souf-france psychosociale »? Le conflitporte aussi sur la formation des pra-ticiens de la psychothérapie : les psy-chiatres et les psychologues, dont lecursus universitaire ne comporte pasde formation spécifique à la psycho-thérapie peuvent-ils être psychothé-rapeutes? Autre « déchirement » surla conception des troubles psychi-ques : sont-ils circonscrits et isolésles uns des autres ou renvoient-ils àun « mal-être » global? Enfin, la psy-chothérapie peut-elle être une prati-que standardisée et codifiée ou bien

repose-t-elle fondamentalement surla relation entre le « psy » et son« patient », « client »… ?

Quel est l’avenir de la psychothé-rapie?Je pense qu’elle est appelée à sedévelopper car les questions desanté mentale sont devenues un pro-blème de santé publique majeur (enoctobre 2007 a eu lieu la premièrecampagne d’éducation et de pré-vention sur la dépression), avec unvéritable coût économique que l’onchiffre désormais. Si nous ne som-mes plus à l’heure du « tout psy »,on s’oriente actuellement vers desprises en charge combinant médi-caments et psychothérapies, et leursusagers ont vite saisi les opportuni-tés données par l’ouverture du mar-ché psychothérapeutique. Si l’es-sentiel du livre porte sur lestransformations du domaine de lasanté mentale, nous terminons parune perspective anthropologique surles changements de fonctionnementde l’individualisme : la norme de l’au-tonomie d’aujourd’hui consiste pourchaque individu à devoir choisir savie – jusqu’à être responsable de sasanté mentale.

Propos recueillis par Léa Monteverdi

Françoise Champion est sociologue de la santé mentale, chargée de recher-che au Centre de recherche « Psychotropes, santé mentale, société » (Cesa-mes, CNRS / Inserm).

3 questions à…

Une révolution se produitactuellement en biologie : l’idéeque les êtres vivants ne sontpas gouvernés par un pro-gramme génétique omnipotentgagne du terrain. Alors quedepuis l’Antiquité, la biologie atoujours été dominée par desthéories « déterministes », voirefinalistes, les résultats expéri-mentaux de ces dernièresannées annoncent un change-ment de perspective radical :le hasard se niche au cœur desorganismes, dans le fonction-nement des gènes et des cel-lules. Par ce caractère proba-

biliste, la nouvelle biologie est sur le point de rendre caduque lathèse du « tout génétique ». Elle n’est pas une négation des acquisantérieurs mais constitue une extension de la conception physico-chimique du vivant. Les principaux aspects expérimentaux et théo-riques de cette révolution et les débats philosophiques qu’elle sus-cite sont exposés ici par les meilleurs spécialistes. Ils proposent àun large public un programme passionnant : comprendre comment,à partir du hasard moléculaire, se construit le vivant.

Le hasard au cœur de la celluleProbabilités, déterminisme, génétiqueJean-Jacques Kupiec, Olivier Gandrillon, Michel Morange et Marc Silberstein (dir.), éd. Syllepse,coll. « Matériologiques », février 2009, 192 p. – 15 €

Françoise Champion (dir.), éd. Armand Colin, coll. « Sociétales »,janvier 2009, 335 p. – 24 €

Françoise ChampionPsychothérapie et société

Professeur de neurologie à l’hôpital de la Sal-pêtrière – et chroniqueur régulier du Magazinede la santé sur France 5 –, Laurent Cohen proposeici un ouvrage clair et souvent drôle dont le but est de montrer commentles sciences du cerveau permettent aujourd’hui d’étudier, dans tous sesaspects, l’esprit de l’homme : mémoire, langage, émotions, relations socia-les, préférences politiques… Si notre esprit est différent de celui de noscousins animaux (Pourquoi les chimpanzés ne parlent pas), c’est qu’aucours des derniers millions d’années, l’évolution génétique a doté notre cer-veau d’une organisation qui lui est propre et qu’il est maintenant possiblede décoder de mieux en mieux. Illustré de cas spectaculaires de patients,de données récentes de l’imagerie cérébrale, d’exemples de comporte-ments animaux, ce livre donne une vue claire et attrayante des avancéesdes neurosciences cognitives et de quelques-unes de leurs retombéesmédicales.

Laurent Cohen, éd. Odile Jacob,janvier 2009, 255 p. – 23 €

Dans le cadre de l’Année mondiale de l’astro-nomie, cet ouvrage proposé par des spécialis-tes français fait le point des connaissancesactuelles sur cette « matière » dont le rayon-nement n’a commencé à être compréhensiblequ’après la Seconde Guerre mondiale.

Coordination James Lequeux,éd. Ellipses, février 2009, 214 p. – 24 €

Cet ouvrage met à la portée d’un large public la compréhension denotre système solaire, et surtout la découverte d’exoplanètes déce-lées autour d’autres étoiles de notre galaxie, nous autorisant désormaisà nous interroger sur l’existence de mondes habitables.

Système solaire et planètesCoordination Anny-Chantal Levasseur-Regourd, éd. Ellipses,février 2009, 250 p. – 24 €

L’auteur montre comment la démocratisation des systèmes édu-catifs a suscité un appel d’idées pédagogiques opposées auxbesoins fondamentaux de l’enseignement.Elle met au jour une série de croyancesfausses, mystificatrices, qui se sont consti-tuées autour de l’école, de ses succèscomme de ses échecs. De façon concise etclaire, des clefs de compréhension de la« crise de l’enseignement en France » sontdonnées, ici, au lecteur, esquissant lesbases d’une refondation de l’école afin quecelle-ci puisse avoir un avenir réel.

Nathalie Bulle, éd. Hermann, coll. « Société et pensées »,janvier 2009, 324 p. – 15 €En Lituanie, napoleon désigne un gâteau; au Danemark, par

temps froid, vous achetez du grand vin de pinard ; en néerlan-dais, un colbert est une veste, en allemand, salopp signifie sym-pathique, etc. Linguiste, auteur, entre autres ouvrages, du Dicodes mots-caresses, Marie Treps, convaincue qu’« il suffit dequelques kilomètres et pfuitt… un mot se transforme… »,emmène son lecteur dans un passionnant tour d’Europe, du

Moyen Âge à nos jours, par les routes et les chemins où, sensibles à l’hospitalité deslangues des pays visités, les mots français se sont aventurés – avec bonheur, sou-vent. Voici le récit allègre du devenir de ces émigrés dans les langues européennes :faux amis, décalages, absorptions, destins cocasses… les curiosités linguistiques sontau rendez-vous, témoignant de la vivacité des liens entre langue, politique, géogra-phie, histoire et imaginaire.

Marie Treps, éd. Seuil, février 2009, 372 p. – 20 €

Philosophes et scientifiques ont longtemps déclaré caté-goriquement que nos relations avec les chiens s’expli-queraient par notre tendance irrépressible à projeter nossentiments sur des êtres qui en sont dénués. Mais,aujourd’hui, après quelques décennies de recherchesconjointes, biologie et sciences humaines rétorquent quecette réponse ne vaut plus car sous bien des aspects, le chien est plus pro-che de l’homme que ne l’est le chimpanzé. Après lecture de cette enquête,nous serons convaincus que le chien et nous formons, depuis les origines, unevéritable société avec ses constantes, ses variations culturelles et son his-toire, et il ne nous viendra plus à l’idée de penser, devant un triste après-midide pluie, qu’il « fait un temps de chien ».

Dominique Guillo, éd. Le Pommier, coll. « Mélétè »,mars 2009, 320 p. – 22 €

Des chiens et des humains

Une pensée en mouvement

Pourquoi les chimpanzés ne parlent pasEt 30 autres questions sur le cerveau de l’homme

L’école et son doubleEssai sur l’évolution pédagogique en France

Les mots migrateursLes tribulations du français en Europe

Étoiles et matière interstellaire

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GUIDE Livres40

Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

Travailler sans les autresDanièle Linhart, éd. Seuil, février 2009, 224 p. – 15 €

« … Le travail brille à nouveau au firmament des valeurs […]Il n’est question aujourd’hui que de se lever tôt et de travail-ler plus […] Le gouvernement a même détaxé les heures

supplémentaires… » Mais les Français seplaignent. Mondialisation et baisse de lataille moyenne des entreprises rendentcaduques les « bonnes dispositions » gou-vernementales. L’auteur passe en revueles composantes de la crise actuelle tou-chant le travail et sa notion même – trente-cinq heures, risques, conciliation de la vieprofessionnelle et familiale, parcours pro-fessionnels –, et montre un mouvementpendulaire bien « stressant », entre atta-chement et désenchantement.

Le nouvel âge du travailPierre Boisard, éd. Hachettes Littérature,coll. «Tapage », février 2009, 211 p. – 14,40 €

Le travailDanièle Linhart et Nelly Mauchamp,éd. Le Cavalier bleu, mars 2009, 128 p. – 9,50 €

365 jours sous les glaces de l’Antarctique

Il y a cinquante ans, dans le cadre de l’Année géophysique inter-nationale (1957-1959), douze nations conjuguèrent leurs efforts dansun vaste programme de recherche afin de « percer les mystères ducontinent blanc ». Trois jeunes explorateurs français prirent part àcette expédition scientifique. Ils hivernèrent une année entièredans une baraque en aluminium de 24 mètres carrés enfouie sousla neige : la station Charcot. Mission :étudier les phénomènes géomagné-tiques, la glaciologie et la météoro-logie de cette partie du monde. Sansle savoir, ils jetèrent les bases d’unenouvelle science : la climatologie.Recueillant les témoignages de cestrois scientifiques, derniers témoinsvivants de l’hivernage à la stationCharcot, ce livre réunit une très belleiconographie de l’époque, en grandepartie inédite, et permet au lecteurde partager ce qui demeure uneaventure hors du commun.

Claude Lorius, Djamel Tahi, Roland Schlich, préface de Jean-Louis Étienne, éd. Glénat, coll. « La société des explorateurs », janvier 2009, 176 p. – 35 €

L’Atlantide retrouvée?Enquête scientifique autour d’un mythe

Préhistorien et spécialiste en géologie sous-marine, Jac-ques Collina-Girard raconte ici comment il a retrouvé dansla mer du détroit de Gibraltar un archipel englouti 9000 ansavant notre ère et comment il a découvert, à son grand étonnement, que l’âge et lalocalisation de ces îles sous-marines correspondaient exactement à ceux de lamythique Atlantide… Après être revenu sur le récit de la légende par Platon, ilretrace l’histoire géologique du détroit et détaille magistralement les évènementsayant entraîné la disparition d’un paysage sous la mer, suite au réchauffement cli-matique survenu à la fin de la dernière période glaciaire : rêve et réalité se rejoignentcomme en un puzzle.

Jacques Collina-Girard, éd. Belin, coll. « Regards »,mars 2009, 240 p. – 19 €

LE RÉENCHANTEMENT DU MONDEMichel Maffesoli, éd. Tempus, mars 2009,224 p. – 8€

REPÈRES POUR UN DÉVELOPPEMENTHUMAIN ET SOLIDAIREPaul Houée, éd. Les éditions de l’Atelier,janvier 2009, 208 p. – 22€

LA DERNIÈRE MARCHE DE L’EMPIREUne éducation saharienneSophie Caratini, La Découverte,février 2009, 305 p. – 23€

L’EAU, UNE RESSOURCE DURABLEMarie-Claude Leclerc et PascaleScheromm (dir.), éd. AcropolisInternational, coll. « Questions ouvertes »,191 p. – 18 €

LES ESSENTIELS DU MAGAZINELITTÉRAIREDirigé par Joseph Macé-Scaron, CNRSÉditions, coll. « Les Essentiels », mars 2009,900 p. – 30€

HISTOIRE DES NOIRS AMÉRICAINSDe 1865 à nos joursPap Ndiaye, éd. Gallimard Découvertes,série « Histoire », n° 542, mars 2009, 160 p. – 13,90€

ACOUSTIQUE DES INSTRUMENTS DE MUSIQUEAntoine Chaigne et Jean Kergomard, éd. Belin, coll. « Échelles », janvier 2009,704 p. – 45€

DARWIN, L’HOMME QUI OSACatherine Bousquet, éd. Belin, février 2009,159 p. – 6,95€

GHETTOS DE RICHESTour du monde des enclavesrésidentielles sécuriséesThierry Paquot, éd. Perrin, février 2009,298 p. – 20€

Retrouvez les publications de CNRS Éditions surle site : www.cnrseditions.fr

AUTRES PARUTIONS

Réparer l’irréparableLes réparations aux victimes devant la Cour pénaleinternationale

Pour la première fois dans l’histoire de la justice pénale internationale, une juridic-tion dispose d’un véritable régime de « réparation » aux victimes des crimes inter-nationaux : génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre… Le but de cetouvrage est double : d’une part, présenter et expliquer de manière complète etpanoramique le régime de réparation de la Cour pénale internationale ; d’autre part,évaluer et analyser l’efficacité et la justice d’un système qui tient un pari ambitieuxen rencontrant naturellement un certain nombre de difficultés.

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, éd. Puf, mars 2009, 216 p. – 19 €

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Le journal du CNRS n° 231 avril 2009

EXPOSITIONS

Êtes-vous femme ou homme? Unequestion simple… en appa-rence ! Le parcours de cetteexposition, qui commence parles différences visibles ounon chez les animaux, serecentre ensuite sur l’hu-main. La comparaisonentre l’aspect physique(bustes, photographies),les organes sexuels (cou-pes anatomiques), maisaussi l’intellect et l’émo-tionnel installe le doutedans l’esprit du visiteur. Ilva ensuite être amené às’interroger sur le poids dela culture dans la différen-ciation des sexes, à traversdes objets emblématiques (aspira-teur, voiture) et un examen des dernières évolutions qui interrogentla question du genre (homoparentalité, Pacs, implants…). De nom-breuses animations sur ce thème sont organisées pour l’occasiondans la région, et un « grand livre de l’exposition » réunit 24 auteurs,dont Bernard Andrieu (commissaire d’exposition), Marie-Jo Mathieuet Janine Mossuz-Lavau, du CNRS.

Homme / Femme De quel sexe êtes-vous?

Une pose solennelle, dont la rigueur est tempérée parle traitement délicat du costume, qui laisse transparaître les volumes stylisésdu buste, du bassin et des jambes, un imperceptible sourire conférant uneimpression d’intemporalité, les yeux dirigés vers le bas : cette figuration dubouddha est emblématique de l’art de Dvaravati, une culture ancienne des plai-nes centrales de l’actuelle Thaïlande du VIe au XIe siècle, dont on trouve desprolongements dans le nord du pays jusqu’au XIIIe siècle, et marquée par uneinfluence indienne. C’est une première en France que cet ensemble excep-tionnel qui réunit 145 œuvres provenant de 12 des plus grands musées natio-naux de Thaïlande et 19 pièces appartenant aux collections du musée Guimet.

DvaravatiAux sources du bouddhisme en ThaïlandeJusqu’au 25 mai 2009, musée Guimet, Paris(XVIe).Tél. : 01 56 52 53 00 – www.guimet.fr

Pour célébrer le 200e anni-versaire de la naissance de Darwin, le muséum pro-pose, parallèlement au festival de la bande dessinéed’Aix-en-Provence, une exposition autour de la B.D.Lucy, l’espoir, de Tanino Liberatore. Des planches de sabande dessinée sont présentées en association avec desfossiles et des objets préhistoriques, et des reconstitu-tions évoquent l’évolution de la lignée humaine depuisles australopithèques comme Lucy, découverte il y atrente ans par Yves Coppens, jusqu’aux Homo sapiens.

LucyJusqu’au 7 juin2009, muséum d’histoire naturelle d’Aix-en-Provence (13).Tél. : 04 42 27 91 27– www.museum-aix-en-provence.org

Un voyage au cœur de la Voie Lactée prendrait, à la vitesse de la lumière, plusde 20000 ans. Un périple irréalisable pour un vaisseau spatial, rendu possi-ble grâce aux images recueillies par les télescopes et les satellites en orbite.

Organisée dans le cadre de l’Année mondiale de l’astronomie,cette exposition présente en 10 étapes la formation, la vie et lamort des étoiles, des images les plus récentes aux instrumentsayant permis de les obtenir. En complément : un film en 3D,Cosmo 3 D, pour comprendre l’évolution de l’Univers, une séancedu planétarium intitulée « Étoiles et galaxie », et une expérienced’astrophysique pour découvrir la lumière infrarouge.

Voyage au centre de la galaxieJusqu’au 4 mai 2009, au palais de la Découverte, Paris (VIIIe).Tél. : 01 56 43 20 20 – www.palais-decouverte.fr

NANOMONDES,AU CŒUR DE L’INFINIMENT PETITDu 7 avril 2009 au 3 janvier 2010, Cap Sciences, Bordeaux (33). Tél. :05 56 01 07 07 – www.cap-sciences.net Invisibles, donc mystérieux et intrigants : les nanomondes réveillent peurs et fantasmes. Ils combinent science et imaginaire. Entrez dans le monde des atomes et des molécules, à une échelle30000 fois plus petite que l’épaisseur d’uncheveu! Découvrez les nouveaux outils qui permettent aux chercheurs de voir et de manipuler l’invisible, explorez la diversitédes applications actuelles ou futures desnanotechnologies. Films, quiz, manipulations,jeux… vous feront comprendre, expérimenteret tester le nanomonde. Une explorationinédite de l’infiniment petit !

LE SIÈCLE DU JAZZJusqu’au 28 juin 2009, musée du Quai Branly, Paris(VIIe). Tél. : 01 56 61 70 00 – www.quaibranly.fr« C’est une sorte de melting-pot, puisque je suis parti de l’idée que le jazz a effectivement été un melting-pot, non seulement de musique, mais aussi detoutes sortes d’autres choses », déclare Daniel Soutif,commissaire de l’exposition. Le résultat? Un parcours articuléen dix sections reliées entre ellespar une vitrine qui traversel’exposition telle une grandefresque chronologique et où sontréunis près de 1000 œuvres, objetset documents, partitions illustrées,affiches, disques et pochettes,photographies, audiovisuels, etc. « De la musique avant toutechose », disait Verlaine…

ET AUSSI

Rubrique réalisée par Olivia Dejean

Josephine Bakerau Bal Nègre, Keesvan Dongen, 1925.

Jusqu’au 7 janvier 2010, muséum-aquarium de Nancy (54).Tél. : 03 83 32 99 97 – www.expositionhommefemme.eu /www.man.uhp-nancy.fr

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Les accidents de l’enfance : présentés dans de petites historiettes pro-pres à détourner les enfants des actions qui leur seraient nuisibles, par PierreBlanchard (1850), ou encore Les empoisonneuses : Étude psychologique etmédico-légale, Dégénérescence mentale et hystérie, par le Dr RenéCharpentier (1906) : voici seulement deux exemples des nombreux ouvra-ges à consulter sur le site Scientifica, des livres scientifiques anciens, dela fin du XVIIIe au début du XXe siècle, issus des fonds de la Bibliothèque dessciences et de l’industrie (BSI). Un cabinet de curiosités qui s’adresse à tous!

Bibliothèque numérique – www.cite-sciences.fr, « bibliothèque »,« scientifica ».

EN LIGNE

DVD

Scientifica

La semaine du développement durable (du 1er au 7 avril) est l’occasion des’intéresser aux insectes parasitoïdes, qui, à la différence des parasites, tuentleur hôte. Jouant un rôle majeur dans la régulation des populations d’in-sectes, ils sont l’objet de recherches fondamentales mais représententaussi un enjeu pour des recherches appliquées, notamment dans la luttebiologique contre des insectes ravageurs de cultures. Une enquête à tra-vers l’Europe sur la piste de ces tueurs en série…

De Luc Ronat (2009, 28 min) produit parCNRS Images. Auteur scientifique : ÉricWajnberg du laboratoire « Interactionsbiotiques et santé végétale » (IBSV, CNRS / Université de Nice /Inra). Prix DVD : 15 € / 35 € (usage privé / institutionnel) + frais d’expédition.Vente : 01 45 07 59 69 – [email protected]

Tuer pour naître

Pour sa 13e édition qui s’achève en mai 2009, le « Théâtre de la science » apour thème : « L’homme et le paysage ». L’occasion pour le public de ren-contrer des paysagistes, chercheurs, historiens, sociologues, géogra-phes… et d’échanger avec eux sur une question qui concerne directe-ment notre cadre de vie. La rencontre du 8 avril fera intervenir notammentYves Luginbühl, ingénieur agronome, géographe et chercheur au CNRS.

Le jeudi 8 avril 2009, de 18 h 30 à 20 h, à l’École nationale supérieured’architecture et de paysage de Bordeaux (33).Tél. : 05 56 01 07 07– www.cap-sciences.net

RENCONTRES

Le théâtre de la scienceLe paysage entre protection et évolution

Un bar des sciences sur les nanosciences et les nanotechnologies, avecMarjorie Thomas, du centre de compétence C’Nano, et Éric le Cam (CNRS),de l’Institut Gustave Roussy.

Le mardi 7 avril 2009, à 19 h 30, Loisirs et culture, orangerie de Soisy-sous-Montmorency (95).Tél. : 01 39 89 37 92 – www.loisirs-et-culture.com

Le seigneur des nanos

Le 14 avril, l’espace des sciences propose une conférence avec David Elbaz,astrophysicien au CEA, dans le cadre de l’Année mondiale de l’astronomie.

Le mardi 14 avril à 20 h 30, salle de conférences Hubert Curien,Champs Libres, Rennes (33).Tél. : 02 23 40 66 00 – www.espace-sciences.org

CONFÉRENCES

Les Mardis de l’Espace des sciencesLes galaxies et le monde extragalactique

À l’occasion de l’Année Darwin, deux conférences-débats sur l’évolutionsont au programme ce mois-ci : le mercredi 15 à 15 h : « Créationnisme vs.évolutionnisme », avec Marc Puygrenier (Agropolis) ; le mercredi 29 à 15 h :« L’évolution des comportements de subsistance de –2,6 millions d’annéesà –10000 ans av. J.-C. », avec Thibault Bouveiron (MNHN).

Agropolis-muséum de Montpellier (34).Tél. : 04 67 04 75 00– www.museum.agropolis.fr/pages/savoirs/savoirs.htm

Savoirs partagés

La Picardie se prépare à accueillir des visiteurs venant detoute la France pour ce festival dont le cœur est la baiede Somme et dont le maître mot est le respect de la natureet la sauvegarde d’un milieu exceptionnel. Sorties guidées,projections de documentaires, expositions de photogra-phies et d’art animalier, ateliers juniors, sorties naturepour les plus jeunes, village nature à Abbeville… unebelle manière de saluer le printemps!

Du 18 au 26 avril 2009 en Picardie.Tél. : 03 22 24 02 02– www.festival-oiseau-nature.com

FESTIVAL

L’ÉVÈNEMENT

C’est le thème de la lumière qui éclairerala 6e édition de ce festival organisé enpartenariat avec le CNRS et ouvert àtous dès l’âge scolaire. Il propose d’aller à la rencontre des sciencespar le biais de films réalisés en collaboration avec les chercheurs etdédiés cette année à l’histoire et à la physique de la lumière. La mani-festation s’accompagne d’animations, d’expositions et de débats. Lefestival invitera nombre d’artistes, peintres, photographes, cinéastes,à dialoguer avec les scientifiques et avec le public sur ce trésor queles hommes partagent depuis les débuts de l’humanité.

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19e Festival de l’oiseau et de la nature

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Festival. Du 20 au 25 avril 2009, îlede Noirmoutier (87). Entrée libre– http://cap.sciences.free.fr

Incandescence astronomiqueUn 33-tours rayé sur lequel rougeoient les cendres de cigarette d’une fête bien arrosée…? Absolument pas! Il s’agit d’un composantoptique1 utilisé en astronomie. Sur cette fine plaque de silicium de 8 cm sur 15 mm, des rainures de six micromètres2 de large guidentet mélangent plusieurs faisceaux de lumière. Ici testé avec un laser rouge, ce composant mélangera à terme les faisceaux issus des quatre télescopes du VLT (Very Large Telescope), installé au Chili. Pour quoi faire? Petit rappel : plus le miroir d’un télescope est grand, plus l’image obtenue a une bonne résolution. Mais plus un miroir est grand, plus il est complexe et cher à fabriquer… C’est sans compter les prouesses de l’interférométrie, qui permet de reconstituer un grand télescope de 50 mètres de diamètre avec plusieurs petits télescopes… distants de 50 mètres! Du moment que l’on mélange leurs lumières en « franges d’interférence ».C’est ce que fera fin 2010 ce petit bijou développé au Laboratoire d’astrophysique de Grenoble (Laog)3. Avant ce type de composant, il fallait des tables optiques de plusieurs mètres de long, faites d’un agencement complexe de miroirs et de lentilles. C.Z.1. Fabriqué par le Leti / CEA.2. 1 micromètre = 10-6 mètre.3. Laboratoire CNRS / Université Grenoble-I.

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