ja 2628 du 22 au 28 mai 2011

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JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011 AVEC LE DOSSIER AUTO

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Page 1: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

ALPHA CONDÉ

« Ceux qui ont pilléla Guinée vonten payer le prix »

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2628 • du 22 au 28 mai 2011 jeuneafrique.com

Une interview exclusive du chef de l’État

SYRIE LA CHUTE DE LA MAISON ASSAD

FRANCE

DSK,LE CRASH

CAMEROUNTENSIONSPRÉÉLECTORALES

AUTOÀ QUANDDES USINESAFRICAINES?Spécial 12 pages

Cet exemplaire vous est offert et ne peut être vendu. | Not for sale.

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Ce que je croisBÉCHIR BEN YAHMED • [email protected]

Jene sais pas si j’ai raisonde consacrer cette livraisonde Ce que je crois à une affaire aussi particulière, etpour tout dire scabreuse.Mais,depuisqu’elleaéclaté il yaunesemaine, elle

aétéà launedesmédias,aucentredesconversationsdanslemondeentier et a fait l’effetd’uncoupde tonnerre.Àcejour,onn’enconnaîtquedesversionspartielleset contra-dictoireset, tout l’indique,biendes rebondissements sontencore devant nous.J’ai doncpenséque jemedevaisdevousendire,àmon

tour et à ce stade, ce que j’en sais et ce que j’en pense.■

Onl’appelle« l’affaireDominiqueStrauss-Kahn»ou,pourfaire plus court, « l’affaire DSK ». Elle a pour protagonisteun homme et une femme.Lui a 62 ans. Il est riche, célèbre et comblé.Hommepolitique français depremier plan et l’unedes

personnalités les plus en vue du Parti socialiste, il a étéchoisi,ennovembre2007,pourêtre ledirecteurgénéralduFondsmonétaire international(FMI).Cettehautefonction,il l’aexercéeavecbrio; lacriseéconomiquemondialeayantdonné au FMI un rôle crucial, son directeur général estdevenu l’alteregodesplusgrandsdirigeantsde laplanète.C’est donc en pleine gloire que DSK s’apprêtait à quittervolontairement sa prestigieuse fonction internationalepourdevenir,possiblement, voireprobablement,dansunan, le président élu d’une grande puissance: la France…

Elle n’a que 32 ans. C’est une Guinéenne musulmanearrivéeauxÉtats-Unisen1998etquitravailleà l’hôtelSofiteldeNewYorkdepuis troisanscommefemmedechambre.Sonnomn’estsansdoutejamaisapparudansaucunjournalavant ce 14mai où son destin a lui aussi basculé.NafissatouDiallo, dite «Ophelia », a fait irruption dans

l’actualité en osant accuser DSK, qu’elle ne connaissaitpasauparavant,de l’avoir séquestréedans lasuite2805/06qu’il occupait, de l’avoir agressée sexuellement et mêmeviolée.Elleétaitentréedanscettesuiteversmidipourlanettoyer,

la croyant libérée par son occupant.La police et la justice new-yorkaises l’ont crue et ont

arrêtéDSKaumilieude l’après-mididans l’avionoù il avaitpris place pour quitter les États-Unis et se rendre à Paris.Ils l’ont inculpéd’unesériedechefsd’accusationgravesetinfamants,qui l’exposentàplusieursdizainesd’annéesdeprison, et l’ont traité, aux yeux dumonde entier, commesi sa culpabilité était établie, lui refusant même, dans unpremier temps, avant de l’accepter, la liberté provisoire,quelles que soient la caution et les garanties proposéespar ses défenseurs.

Cesamedi14maiauradoncétépourDominiqueStrauss-Kahnune journée fatidique, cellede lachute laplusverti-gineuse qu’on puisse imaginer: de l’étage sociopolitiquele plus élevé au sous-sol.Directeur général du FMI, en route pour la présidence

de laRépubliquefrançaise jusqu’aumilieudel’après-midi,arrêtépar lapolicenew-yorkaisevers16h30,considéréparellecommeuncriminelen fuite interceptéde justesse, il aété écrouéetpromis, le soirmême,à l’incarcérationà vie.Il a donc fini la journée en détenu.Conscients de l’avoir conduit au désespoir le plus noir,

ses geôliers ont estiméqu’il pourrait songer à se suicider.Et ont pris toutes les dispositions pour l’en empêcher.

DSKachoisi deplaidernoncoupable et sesdéfenseursont tentédeconvaincre lapoliceet la justicenew-yorkaisesde la véracité de ses dires, lui recherchant ici un alibi (« ilavait déjàquitté l’hôtel »), làunargumentmassue (« il n’ya ni agression ni viol puisqu’elle était consentante »).Le 18mai, lorsqu’il a dû démissionner pour permettre

au FMI de le remplacer, DSK a réitéré haut et fort, sur leconseil de ses avocats, qu’il était totalement innocent decedontonl’accusait:« Je réfuteavec laplusextrêmefermetétout ce quim’est reproché », a-t-il écrit.Maissoncomportementdepuis laminuteoù lapolice l’a

extraitde l’avionn’estpasceluide lavictimed’uneméprisepolicière ou d’une erreur judiciaire.L’hommequeles télévisionsontmontrén’étaitni révolté

ou indigné par une injustice, ni combatif. Il était abattuet résigné.Ceux et celles qui le connaissent sans être aveuglés par

SAMEDI 21 MAI

« L’affaire DSK »

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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l’amitiéoul’amoursaventquesabrillanteintelligencecachemal unmanque de volonté et une fragilité certaine.On l’avu,au fildu temps,prendrebeaucoupdekilos, en

perdrepourenreprendre: ilnerésistepasà labonnechère,est incapable de s’astreindre à un régime et de s’y tenir.Lesdérapagessexuels?Onluienconnaîtbeaucoup,qui

ontété jusqu’ici contrôlésouétouffés.Onparled’«addic-tion au sexe, de penchants pathologiques » nécessitantdessoinsmédicauxet l’onenarrive, aprèscetteaffairequisemble être une grave récidive, à se demander pourquoises proches ne l’ont pas persuadé qu’il devait impérati-vement se soigner.Laisse-t-on au volant d’une voiture puissante et rapide

unconducteur imprudentqui représenteundangerpourlui-même et pour les autres?

Onareproché,surtoutenFrance,à lapoliceetà la justicenew-yorkaises leursévéritéexcessiveà l’égarddeDSK:ellesn’ont pas tenu compte de son titre et de sa personnalité,n’ont pas supposé qu’il pouvait être innocent.C’estexactmais, ce faisant,ellessesontmontrées fidèles

à leur réputation d’être plus sévères avec les riches et lespuissants qu’avec les démunis et les plus faibles.Je trouve, pourma part, que c’est très bien ainsi. Et me

demandemêmesicetteaffaireaurait éclatéavec lamêmerapidité et la même intensité dans une autre ville ou unautre pays. N’aurait-elle pas risqué partout ailleurs, sauf

peut-être dans les pays scandinaves, d’être étouffée outraitée en catimini?

Même à New York, il faut s’attendre à ce que, dans lesprochains jours, la défense de DSK passe à l’offensive etobtiennedesrésultats.Ellead’oresetdéjàobtenu, le19mai,sa libérationsouscautiongrâceauxgaranties importantesqu’elle a proposées.Plus tard, contremonnaiesonnanteet trébuchante, elle

conclurauneententeavec lapauvreNafissatouDiallo,quidevra atténuer ce qu’elle a soutenu pour que la peine deDSK soit réduite.Mais d’ici là, il est inculpé: la justice a retenu contre lui

tout ce dont Nafissatou l’accuse et que la police a vérifié.Lesconditionshumilianteset coûteusesqu’il adûaccep-ter pour sortir de prison sont celles-làmêmes infligées àBernardMadoff.Etildevra,danslesprochainessemaines,pouréviterlepro-

cès, changer sa tactique de défense et plaider coupable.■

Conclusion: à la fin des fins, il reste que, auxÉtats-Unisplus qu’ailleurs, de bons avocats et beaucoup d’argentpermettent d’obtenir des résultats spectaculaires.LacarrièredeDSKest trèsprobablement terminée.Mais

ilneserapas jugéet,parconséquent,neretournerapasenprison. Espérons, pour lui et pour nous, qu’il se résoudraou qu’on l’obligera à se soigner. ●

Ð La volonté est aveugle, la douleurmyope. Ernst Jünger

Ð La colère est comme l’alcool : àpetites doses et de temps en temps,cela peu rendre service.Robert Escarpit

Ð Plus on avance dans l’explorationde l’homme, moins on lui trouve deraisons d’exister. André Frossard

Ð Ce qu’on appelle philosophie,je l’appelle littérature ; ce qu’onappelle littérature, je l’appellejournalisme; ce qu’on appellejournalisme, je l’appelle ragot ;et ce qu’on appelle ragot,je l’appelle, généreusement,voyeurisme.Nassim Nicholas Taleb

Ð Le poisson ne devient méfiant quelorsqu’il est déjà pris dans le filet.Proverbe africain

Ð Les économies, c’est très bien,surtout si vos parents les ont faitespour vous. Winston Churchill

Ð Multiple est le mensonge, une est lavérité. Sagesse berbère

Ð Une belle femme plaît aux yeux, unebonne femme plaît au cœur; l’uneest un bijou, l’autre un trésor.Napoléon Bonaparte

Ð Si tu mélanges toutes les races, tuvas obtenir quoi? Un Noir qui mangedu couscous avec des baguettes enbuvant du vin rouge!

Brèves de comptoir

Ð Mieux vaut étudier que jeûner toutun jour et veiller toute une nuit pourméditer.Confucius

Ð Les alentours de la trentaine,c’est un âge critique pour unhomme, celui où l’on fait les grossesbêtises, ou plutôt l’âge où lesbêtises que l’on fait commencentà être irrémédiables.Jean Dutourd

Ð Il n’est d’époux parfait que celuid’une veuve.Émile Augier

Ð Que la douceur de l’amitiésoit faite de rires et de plaisirspartagés.Khalil Gibran

Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a étédit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y.

Humour, saillies et sagesse

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Ce que je crois4

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Dr Barack etMr Dominique

B ARACK OBAMA ET OUSSAMA BEN LADEN se sonttous deux adressés, en ce jeudi 19mai, aumêmepublic.Le premier in vivo et en direct depuis le départementd’État à Washington, le second dans un message audio

posthume enregistré deux semaines avant sa mort, mais diffusélemême jourparAl-Qaïda.Devinette: lequel des deux adit,mar-tial : « La répression échouera, les tyrans tomberont, la nuit doitfinir »? Et lequel des deux, nettement plus poétique: « Les ventsdu changement vont souffler sur l’ensemble du monde musul-man »? La rhétorique usuelle voudrait que la première phraseémaneduchef terroristedéfuntet la secondedu44eprésidentdesÉtats-Unis. Erreur: c’est l’inverse. La comparaison s’arrête là biensûr puisque, tout à sa volonté de replacer l’Amérique du bon côtéde l’Histoire dans une région où ses intérêts ont toujours primésur ses valeurs, Barack Obama ne cherchait évidemment pas àemployer un vocabulaire quen’aurait pas renié le reclus d’Abbot-tabad.Outre cet anecdotiqueglissement sémantique, cediscoursaumonde arabe annoncé commemajeur est de lamême trempeque ceuxprononcéshabituellementpar sonauteur, lequel déçoitrarementen lamatière.Obamaacertesplusdebonnes intentionsquededollarsàdispenser, et l’exerciced’équilibrismedans lequelilexcellequelquesoit lesujet lerattrapeàchaqueparagraphe,maisl’essentiel estdit.Auxchefsd’État arabes: sachezque les réformesdémocratiques sont (avec les approvisionnements en pétrole)la nouvelle priorité américaine de Rabat à Dubaï. À BenjaminNetanyahou: ne croyez pas que le soutien des États-Unis à Israëlsoit inconditionnel,donc indéfini.À tous:apprêtez-vousàchanger,ou à être changés (lire pp. 10-12).

Familierdesréférenceshistoriques,BarackObamaacomparéle « printemps arabe » à la révolution américaine et convoquépource faire lesmânesdeson lointainprédécesseur, le trèséclairéThomas Jefferson.Celui-làmêmequi, si l’onencroit la cover storydécapante du dernier numéro de Time (« Sexe, mensonge, arro-gance:qu’est-cequipousse leshommespuissantsà secomportercomme des porcs »), n’hésita pas à engrosser à six reprises l’unede ses esclaves noires en se passant, est-il besoin de le préciser,du consentement de la victime puisqu’elle était noire et esclave.CommepourBenLaden, ilnes’agit làévidemmentqued’unepurecoïncidence.NiObamanipersonnen’auraientpu imaginerquecediscoursallaitcohabiteravec lesmiasmesde l’affaireStrauss-Kahn,de sa présumée victimenoire et de leur extraordinaire expositionmédiatique. L’ex-patron du FMI, candidat plus que probable àl’Élysée, redoutaitquesesadversairesnecherchentà l’attaquersurtrois fronts: la judaïté, les femmes et l’argent. Il n’avait pas tort encequiconcerne les femmeset cesentimentd’impunitéérotisantequeprocurent lepouvoir et la richesse.Mais sansdoute ignorait-ilqu’il n’avait de pire adversaire que lui-même.

PS: si une telle affaire avaitmis auxprises enAfriqueunpuis-sant et une femme de chambre, que se serait-il passé? Poser laquestion c’est, hélas, y répondre…

ÉditorialFrançois Soudan

03 Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed08 Confidentiel

10 LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

10 Diplomatie Obama face au « printemps arabe »14 Tour du monde16 Libye Les mystères de Tripoli17 Centrafrique François la voix d’or17 Cannes 2011 Le port de l’angoisse18 Afrique du Sud L’ANC en pente douce19 UPM Et si c’était lui?20 Nabil al-Arabi Quand la Ligue arabe s’éveillera21 Guinée-Bissau Lucinda a craqué

22 GRAND ANGLE

22 Guinée La grande interview d’Alpha Condé

30 AFRIQUE SUBSAHARIENNE

30 Cameroun Les nerfs à fleur de peau33 Coopération Un Letton en Afrique34 Éthiopie Zenawi, seul maître à bord36 Tribune Le Rwanda face à l’impossible

présomption d’innocencePHOTO

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CAMEROUNLES NERFS À FLEURDE PEAUÀ cinq mois de l’électionprésidentielle, PaulBiya laisse planerle mystère sur sacandidature. Enattendant, le pouvoirfait feu de tout bois pourjuguler la grogne sociale.

DIPLOMATIE OBAMA FACEAU « PRINTEMPS ARABE »Deux ans après le discours du Caire,

le président américain relance la politique desÉtats-Unis au Moyen-Orient et au Maghreb.

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No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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37 Niger La nouvelle vie de Tandja38 Confidences de Ngozi Okonjo-Iweala39 Togo L’adieu à Akitani

40 MAGHREB & MOYEN-ORIENT

40 Syrie La chute de la maison Assad45 Tribune Tunisie : du faux départ

à la contre-révolution46 Tunisie Kaddafi, Aqmi : la double menace48 Algérie Un binôme pour les réformes50 Égypte Amr Moussa en pole position

52 EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

52 France DSK, la déchéance58 Cuba Raúl, l’in-Fidel59 Singapour Les adieux du vieux lion60 Parcours Ben Marc Diendéré, l’efficacité payante61 Allemagne Revoilà les plombiers polonais !

62 ÉCONOMIE

62 Éthique Les multinationales ont-elles changé?64 Zambie Glencore exploite le filon de l’évasion fiscale65 Hôtellerie Azalaï ajoute une étoile sur sa carte

66 Algérie Les télécoms souffrent en attendantl’internet mobile

67 Électronique Samsung vise l’Afrique68 Télécoms Alcatel-Lucent renoue les fils du succès69 Analyse Embellie européenne70 Réseaux Reda El Mejjad connecte les entreprises71 Cameroun Olivier Leloustre, hyperactif du web72 Valeurs pétrolières Les juniors s’affirment73 Baromètre

74 DOSSIER

74 Automobile À quand des usines africaines?

88 CULTURE & MÉDIAS

88 Musique Les vérités de Ray Lema91 Médias Télésud : chronique d’une instabilité92 Portrait Dans la peau de Rachida Dati93 Cinéma La Croisette sur un air de révolution94 En vue La semaine culturelle de J.A.

104 VOUS & NOUS

104 Le courrier des lecteurs106 Post-scriptum

GRAND ANGLE2222INTERVIEWINTERVIEWRAY LEMA

À l’occasion de la sortiede son nouvel album, lepianiste revient sur samusique, la France

et la RD Congo, où il nes’est pas rendu depuis plus

de trente ans…Sans complaisance.

AUTOMOBILE À QUANDDES USINES AFRICAINES?• Location : franchise et concessions• Le marché tunisien s’émancipe• Occasion : la limite d’âge en question

Spécial 12 pages

ALPHA CONDÉ« Pendant cinquante ans,

je me suis battu pour la démocratie.Qui oserait me donner des leçons? »

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Interview exclusive du chef de l’État

40SYRIE

LA CHUTE DE LAMAISON ASSAD

La répression sanglantede la contestation aattisé la colère d’un

peuple déterminé à enfinir avec un régime aupouvoir depuis plus dequarante ans. Enquête.

DSK, LA DÉCHÉANCEEN QUELQUES MINUTES, Dominique Strauss-Kahn,l’ex-directeur général du FMI, a tout perdu. Pourune sordide histoire dans un hôtel new-yorkais.

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JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs 7

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LE CHIFFREQUI FAIT BRONZER

Le nombre d’agencesde voyages – auquelil faut ajouter cinqcents journalistes –invitées depuisle début de l’annéepar l’Office nationaldu tourisme tunisienafin de redorer l’imagedu pays.

�ALI ZEÏDAN (À G.) ET MANSOUR SAIF AL-NASR (À DR.) reçus par le présidentsénégalais AbdoulayeWade, le 18 mai.

RD CONGO LA BATAILLE FAITRAGE AU MLCAprès avoir été évincé de sonposte de secrétaire généralduMouvement de libérationduCongo (MLC), le 18 avril àKinshasa, FrançoisMuambaorganise la riposteetdénoncele caractère illégal de cettedécision. Objectif : retrouver

ses fonctions et son titre deprésidentpar intérim –du faitde « l’incapacité » de Jean-PierreBemba,toujoursdétenuà LaHaye par la Cour pénaleinternationale (CPI) et enattente de son procès. Dansla foulée, Muamba souhaitequesoit convoquéuncongrèsdu parti. C’est la raison pour

laquelle iladéposéuneplainteauprès du tribunal de grandeinstance de Kinshasa, quidevrait rendre son jugementle 25mai. Sonentouragene lecache plus : « Il faut àprésentfaire sans Bemba et se met-tre en ordre de marche pourla présidentielle du mois denovembre. »

RD CONGO LA CIMENTERIENATIONALE À VENDRETrois ans après l’échec desnégociations avec le groupefrançais Lafarge en vue dela reprise de 31 % du capitalde la Cimenterie nationale(dont le siège est àKimpese),le gouvernement congolaisrenonce à son contrôle surla société. Un appel d’offreslancé au début dumois pro-pose aux investisseurs uneprise de participationmajo-ritaire. Lafarge, qui l’exigeaiten 2008, devrait à nouveauconcourir.Conseil pour l’opé-ration, StandardBankaffirmeavoir reçu « plusieurs offres,notamment africaines ».

TCHAD ACCORDCNPC-EXXON?Propriété de la ChineseNa t i o n a l P e t r o l e umCorporation (CNPC), legisement de Rônier, dans lesud-ouest du Tchad, devraitproduire en 2012 davantagedepétrole brut que la raffine-rie de Djermaya (au nord deN’Djamena)nepeutentraiter.«LesChinoisnégocientavecleconsortiumCotco,mené parExxon, l’autorisationd’utiliserl’oléoduc Tchad-Camerounpour exporter leur surplus »,révèle un consultant. Leditoléoduc est actuellementsous-utilisé en raison de labaisse de la production dansle bassin de Doba (225 0000barils en 2008, moins de lamoitié aujourd’hui).

ABOU/LESO

LEIL

ÀQUELQUES JOURSdusommetextraordinairede l’Unionafricaine sur la crise libyenne (à Addis-Abeba, les 25 et26mai) et àunmois du sommet ordinaire de l’organisa-tion, la France et le Qatar multiplient les initiatives sur

lecontinentpourobtenirdesreconnaissancesofficiellesduConseilnationalde transition (CNT), lemouvement rebelledeMoustaphaAbdeljalil. Dans la délégation venue de Benghazi qui a été reçue,le 18 mai à Dakar, par le président Abdoulaye Wade – lequel l’aqualifiéed’«oppositionhistorique et légitime » –figuraientMan-sour Saif al-Nasr, le chargé des relations avec la France du CNT,ainsi que, un peu en retrait, le philosophe Bernard-Henri Lévy,très proche sur ce dossier de Nicolas Sarkozy et qui a été aperçuen compagnie deKarimWade. Autres pays discrètement contac-tés en ce sens, par la diplomatie qatarie cette fois : la Gambie, laCentrafrique et le Rwanda ●

LIBYE Rebelles cherchentreconnaissances africaines

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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BÉNIN MAROC TÉLÉCOMLOIN DU COMPTENommé adjudicataire pro-visoire de Bénin Télécoms,Maroc Télécom voit sa proielui échapper. Le gouverne-ment béninois vient en effetdedéclarer infructueux l’appeld’offres de privatisation. Les56millions de dollars propo-sés par le groupe chérifienet les 30 millions de dollarsofferts par un opérateur sou-danais sont évidemment trèséloignésdesquelque200mil-lions attendus, semble-t-il,de l’opération. Un nouveaucahierdeschargesestencoursd’élaborationpourpermettreà d’autres opérateurs de par-ticiper aux enchères.

TUNISIE AQMI S’INFILTREPremières conclusionsd’une enquête menée parles services de sécuritétunisiens: plusieurs dizainesde djihadistes d’Al-Qaïda auMaghreb islamique (Aqmi)se sont, ces dernièressemaines, introduits dans lepays par le Djebel Chambi(Centre-Ouest) et, plus au

sud, par Gafsa. Ils venaientpour la plupart de la régionde Boukhil, dans le Saharaalgérien, base à partir delaquelle ils lançaient desopérations dans les Aurèset en Kabylie. « Ils sontextrêmement bienentraînés et bien équipésen armes, matériels detélécommunication etexplosifs », confie unenquêteur(lire aussi pp. 46-47).

CINÉMA LE « PRINTEMPSARABE » À TOUTES LESSAUCESLaréalisatricemarocaineLeïlaKilani, dont lepremier filmdefiction,Sur laplanche,vientdeséduire le Festival de Cannes(voir J.A. no 2627), préparesimultanémentplusieursfilms:un documentaire à tournerdans l’urgence sur les événe-ments récents dans lemondearabe, et deux filmsde fiction,l’un se déroulant à Rabat,l’autre (unpolar) en France.À

la longuelistedeslongs-métra-ges consacrés au « printempsarabe », il faudrabientôt ajou-ter R for Revolution, que s’ap-prête à tourner Amr Waked,le «Vincent Cassel égyptien »,déjà remarqué commeacteuraucôtédeGeorgeClooneydansSyriana.

« OR NOIR »À DOHA

Ornoir, le filmdeJean-JacquesAnnaudproduitparTarakBenAmmar, fera l’ouverture du3e Festival du film de Doha,du 25 au 29 octobre. TournéenTunisieaveclaparticipationnotamment de Tahar Rahim(césar2010dumeilleuracteurpoursonrôledansUnprophète,de Jacques Audiard), FreidaPinto (Slumdog Millionaire)etAntonioBanderas, le filmestune grande fresque évoquantla découverte du pétrole danslapéninsulearabique,danslesannées 1930.

ADO,WADE ET COMPAORÉD’ACCORD

Koné Tiémoko Meyliet, un Ivoirien à la BCEAOL’IVOIRIEN KONÉ TIÉMOKO MEYLIET sera le prochain gouverneurde la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest(BCEAO). Le 13 mai, à Dakar, le président Alassane Ouattara(ADO) a obtenu l’aval d’AbdoulayeWade, son homologuesénégalais, puis, trois jours plus tard à Ouagadougou, celuidu président burkinabè Blaise Compaoré. Actuel Conseillerspécial aux affaires économique et monétaire d’ADO,Tiémoko sera intronisé lors du sommet extraordinairede l’Union économique et monétaire ouest-africaine(UEMOA), à Lomé le 30 mai. Pour la succession deSoumaïla Cissé à la tête de la Commission del’UEMOA, ADO et Wade ont préféré le SénégalaisEl Hadji Abdou Sakho – qui partira favori – à sescompatriotes Aziz Sow et Hadjibou Soumaré.B

IAN/SIPA

GUINÉEMarchés publics: la boîte de PandoreÀ LA DEMANDE du président Alpha Condé, la Cour des comptes de Conakry a passéau crible une partie des 617 marchés publics conclus en 2009 et 2010 pourl’équivalent de 1,5 milliard d’euros et approuvés par le ministère des Finances. Lerésultat est dévastateur. Sur un échantillon de 82 marchés examinés, seuls trois ontfait l’objet d’un appel d’offres et tous sont truffés d’irrégularités : paiement via des« lettres de garantie », des « titres de paiement » ou des « régies d’avance » fictives ;avances dites « de démarrage » non suivies d’un début d’exécution ; chantiers enpanne; marchés successifs pour une même opération ; doubles paiements ;bâtiments en parpaings facturés comme étant en béton armé; véhicules payés deuxà trois fois le prix du modèle en catalogue, etc. Sous la présidence du capitaineDadis Camara, puis du général Sékouba Konaté, l’armée guinéenne a étéparticulièrement bien servie. En témoignent le mégaprojet du « Centre de conventiondes banquets et commercial des FAG » (sic) de Matoto, qui n’a pas dépassé le stadedes fondations ; les 112 appartements pour officiers des douanes facturés180000 euros pièce ; la commande de 50000 médailles en une seule livraison; ouencore 39000 tenues militaires à 700 euros l’unité.Recommandation de la Cour des comptes : geler tous les marchés en attendant leuraudit par un cabinet international. Ce n’est qu’à ce prix que le processus duréengagement en Guinée de la Banque mondiale et du FMI pourra se poursuivre. ●

PROD

�TAHAR RAHIM DANS LE FILM deJean-Jacques Annaudproduit parTarek Ben

Ammar.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

9Politique, économie, culture & société

Page 10: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

Critiqué pour sa timidité devant les premierssoubresauts des rues tunisienne et égyptienne,le président américain s’est placé clairement ducôté des manifestants, contre « la tyrannie de cesgouvernements qui dénient toute dignité à leurscitoyens ».

Mais le soutien aux aspirations démocrati-ques des peuples ne doit pas être assimilé à lavolonté d’exporter le modèle américain : « Tousles pays ne suivront pas nécessairement notre

C’est avec une demi-heure deretarddue,semble-t-il,àquel-ques hésitations de dernièreminute, que Barack Obamaa fait son apparition à midi,dans la salle de conférences

du département d’État, àWashington, le 19 mai,pourprononcer sondiscours sur leMoyen-Orientet l’AfriqueduNord.Cinqmois après le débutdesrévolutionsarabes,deuxsemainesaprès l’élimina-tiond’OussamaBenLaden, et alors que seprofilelaperspectived’unedéclarationunilatéraled’indé-pendancede laPalestine, lapositionduprésidentaméricain sur tous ces sujets était très attendue.

Avec le lyrisme dont, ancien avocat, il est cou-tumier, Obama a rendu un vibrant hommage auxrévolutionnaires tunisiens et égyptiens, mis engarde lesautocrates lesplus intransigeants,promisunengagementéconomique importantdesÉtats-Unisetappeléà la reprisedesnégociationsdepaixentre IsraéliensetPalestiniens,dont il souhaite,demanière inédite, la reconnaissanced’unÉtatdansles frontières de 1967.

En juin2009,avecsondiscoursduCaire,Obamaavait voulu donner « un nouveau départ » auxrelations entre les États-Unis et les musulmans.Deuxansplus tard, sonallocutiondeWashingtonambitionneencored’ouvrir«unnouveauchapitrede la diplomatie américaine ». Cette diplomatie,Obama la veut plus humble, plus à l’écoute despeuples et moins indulgente envers les régimesautocratiques.

Obama faceau «au «printemps aprintemps arabe

LAURENT DE SAINT PÉRIER

Soutien aux transitions démocratiques,promesses d’aide économique,appel à la reprise du processus de paixisraélo-palestinien… Deux ans aprèsle discours du Caire, le présidentaméricain relance la politiquedes États-Unis au Moyen-Orientet au Maghreb.

DIPLOMATIE

�BARACK OBAMA

sortant de la sallede conférences dudépartementd’État,àWashington,le 19 mai.

JIM

YOUNG/R

EUTE

RS

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

La semainede Jeune Afrique

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« UN SENTIMENT DETRAHISON. Les racines dela colère des musulmans contre l’Amérique »: cetessai du Dr Steven Kull, de l’Université duMaryland, paru le 6 avril, est le fruit d’une vasteenquête menée entre 2006 et 2010 dans les paysmusulmans. Celle-ci confirme et expliquel’impopularité des États-Unis.

La présence militaire américaine au Moyen-Orient est perçue par les musulmans comme unemenace immédiate qui vise l’accaparement desressources pétrolières. Israël et lesgouvernements autocratiques alliés àWashington apparaissent ainsi comme lesinstruments d’une forme de néocolonialisme quimine toute velléité d’émancipation et menacel’identité islamique. Attirés par les valeursdémocratiques promues par les États-Unis, lesmusulmans se sentent trahis en constatant quela politique américaine dans leurs pays est àl’opposé du discours officiel. ● L.S.P.

POURQUOI ILS N’AIMENT PAS L’AMÉRIQUE

faceObama faces arabeprintemps arabe »»

L’islamismeradicalest, enrevanche, fermementcondamné, l’éliminationdesonhéraut lepluscélè-bre coïncidant, estime-t-il, avec le déclin de cettemouvance:«AumomentoùnousavonsdébusquéBenLaden,unegrandemajoritédeshabitantsde larégion pensait que les idées d’Al-Qaïdamenaientàune impasse, et les peuples duMoyen-Orient etde l’Afrique du Nord avaient déjà pris leur aveniren main. » Condamné également, le sectarismeconfessionnel qui menace en Égypte, en Syrie età Bahreïn: « Les chrétiens coptes doivent avoir ledroit de pratiquer librement leur culte au Caire,tout comme les chiites ne doivent pas voir leursmosquées détruites à Bahreïn. »

HYPOCRISIE IRANIENNE. Prenant en compteles éruptions révolutionnaires, mais aussi lestendancesde fonddumondearabe,Obamadéfi-nit les trois priorités qui guideront sa politique

dans la région : démocratisa-tion, développement et paixau Proche-Orient.

Il s’agit tout d’abord de pro-mouvoir les réformes et desoutenir les transitions démo-

cratiques.Dès ledébutdudiscours, les autocratessontmisengarde:«Deuxdirigeantsontétéécartés.D’autres pourraient suivre. » Premier en ligne demire,MouammarKaddafi«quitterainévitablementle pouvoir ou y sera forcé ».Moins sévère à l’égarddeBacharel-Assad,Obamaconseille auprésidentsyriende «conduire la transitionoudese retirer »,dénonçant au passage « l’hypocrisie du régimeiranien,quidit soutenir lesdroitsdesmanifestantsà l’étranger, alorsqu’il brimeses compatriotes ».ÀBahreïn,prochealliédesÉtats-Unis,où lacontesta-tionchiiteest l’objetd’uneviolente répression,

formeparticulièrededémocratie représentative. »Semblant s’adresser, sans les nommer, aux partisislamistes qui gagnent du terrain sur les scènespolitiques égyptienne et tunisienne, il précise :« Les États-Unis respectent le droit qu’ont tousles citoyens pacifiques et respectueux des lois defaire entendre leur voix. Nous sommes parfoisen désaccord total avec eux. Mais nous sommesprêtsà travailleravec tousceuxqui se rallientàunedémocratie véritable et participative. »

CRÉDIT PHOTO

FeelingBetrayed.The Roots ofMuslimAngerat America,de StevenKull, BrookingsInstitution,275 pages.

« Deux autocratesont été écartés. D’autrespourraient suivre… »

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JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

L’événement 11

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AU MOMENT OÙ nous avonsdébusqué Ben Laden [le 2 mai auPakistan,NDLR], lagrandemajoritédes peuples du Moyen-Orient etde l’AfriqueduNord avait déjàprissonavenirenmain.Cemouvementvers l’autodétermination a com-mencé il y a cinq mois en Tunisie.Le 17 décembre 2010, un jeunemarchand ambulant, MohamedBouazizi, a été bouleversé quandun agent de police lui a confisquésa charrette. […] Ce genre d’humi-liation seproduit chaque jourdansdenombreuses régionsdumonde;il est la marque de ces gouverne-ments implacables et tyranniquesqui dénient toute dignité à leurscitoyens. […] Mais, cette fois, il enestalléautrement.Ce jeunehommequi ne s’était jamais particulière-ment intéressé à la politique s’estaspergé d’essence et s’est immolépar le feu.

Ilestdesmomentsdans l’Histoireoù l’acted’uncitoyenordinaire suf-fit à lever un vent de révolte, parcequ’il répond à une aspiration à la

liberté qui couvait et allait gran-dissant. Songez, dans l’histoire desÉtats-Unis, au geste de défi de cespatriotes de Boston qui refusèrentdepayerdes taxesau roi [George IIId’Angleterre, en 1773; allusion à lacélèbre «partiede thédeBoston»],ouà ladignitédeRosaParks[héroïnede la lutte contre la ségrégationraciale] quand elle refusa coura-geusement de céder sa place [à unpassagerblancdansunautobusdeMontgomery,enAlabama,en1955].Il s’est produit la même chose enTunisie : le geste de désespoir d’unmarchand ambulant a trouvé unéchodanstout lepays.Descentainesde manifestants sont descendusdans les rues, puis des milliers. Et,défiant les coups de matraques etmême les balles, ils ont refusé derentrer chez eux jusqu’à ce qu’undictateuraupouvoirdepuisplusdevingt ans l’eût enfin quitté. […]

Une occasion historique s’offre ànous. Nous pouvons montrer quel’Amérique a plus de respect pour

la dignité d’un marchand de ruequepour la forcebrutaled’undicta-teur[…].Aprèsavoiracceptépendantdes dizaines d’années lemonde telqu’il est dans la région, nous avonsaujourd’huil’occasiond’essayerdeleconstruire tel qu’il devrait être.

Évidemment,nousdevonsprocé-deravechumilité.Cenesontpas lesÉtats-Unisquiont faitdescendre lesgensdans la rueàTunisouauCaire– ce sont les gens eux-mêmes quiont lancé cesmouvements, et c’estàeuxqu’il appartientdedéterminerquelle en sera l’issue.

Les États-Unis se fixeront pourpremier objectif de promouvoirles réformes dans la région et desoutenir lestransitionsvers ladémo-cratie. Pour commencer, enÉgypteet en Tunisie, où les enjeux sontimportants – parce que la Tunisiea été à l’avant-garde de cette vaguedémocratique et que l’Égypte està la fois un partenaire de longuedateet leplusgrandpaysdumondearabe. Ces deux nations peuventmontrer l’exemple en organisantdesélections libreset transparentes;en s’appuyant surune société civiledynamique et sur des institutionsdémocratiques efficaces ; enfin, enmenant une politique régionaleresponsable. » ●

« Une occasion historiques’offre à nous »Extraits du discours de Barack Obama, prononcéle 19 mai, à Washington.

« À Bahreïn, le pouvoirdoit créer les conditionspropices au dialogue. »

« le gouvernement doit créer les conditionspropicesaudialogueet l’oppositionparticiperà lacréation d’un avenir juste pour tous ». Au Yémen,autre pays allié, « la nuit doit finir », dit Obama àl’adresse du président Saleh.

ÉTERNEL CONFLIT. Ledéfi est également écono-mique: la paix ne peut être assurée sans le déve-loppement. Très attendu sur ce point à quelquesjours de la réunion du G8 de Deauville (France),à laquelle sont invitées l’Égypte et la Tunisie, leprésident américain annonce le versementd’uneaide substantielle. Le Caire se voit ainsi remettre1milliarddedollars dedettes et garantir lamêmesomme en emprunts pour promouvoir les infras-tructures et l’emploi. En Tunisie et en Égypte, desfondsd’investissementsserontdotésde2milliardsde dollars, et la mise en œuvre d’une « grande

initiative departenariat pour le commerce et l’in-vestissement » est annoncée.

Le dernier développement de ce discours estconsacré au conflit qui s’éternise entre Israël etPalestine, sujet délicat à l’heure où le Fatah et le

Hamas se réconcilient et à laveilled’unevisitedeBenyaminNetanyahou,lePremierministreisraélien, à laMaison Blanche.Cepassagecontient sansdoutela déclaration la plus révolu-

tionnairedecediscours: pour lapremière fois, lesÉtats-Unisdéclarentque « les frontièresd’Israël etde la Palestine doivent se fonder sur les lignes de1967 ». Enfin, plaidant pour l’existence d’un Étatpalestiniensouverainmaisdésarmé,BarackObamas’attire d’ores et déjà les critiques d’une partie del’opinion arabe. ●

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No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

La semaine de J.A. L’événement12

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MILAN, SA VILLE NATALE ET SON FIEF, est enpasse de faire une très mauvaise blague à SilvioBerlusconi. Lors du 1er tour des électionsmunici-pales, le 15 mai, Letizia Moratti, du Peuple de la

liberté (PDL), qui brigue sa propre succession à lamairie, ya été devancée de sept points par le candidat du centre gau-che. Une humiliation pour le Cavaliere, qui n’avait pasmé-nagé sapeinepour convaincre lesMilanais de lui renouvelerleur confiance en votant pour sa protégée. Apparemment,les Italiens sont las d’un président du Conseil qui collec-tionne les casseroles judiciaires et tented’occulter sespiètresrésultats économiquespar des attaques àboulets rouges surles magistrats et l’opposition. Ses alliés de la Ligue du Nordayant, eux aussi, obtenu un score décevant, la perte de lacapitale lombarde, dans deux semaines, est une hypothèseà prendre au sérieux. La droite berlusconiennemet pour sapart en avant la percée réalisée à Naples, mais la portée dece scrutin est avant tout locale. La gauche au pouvoir s’y esten effet montrée incapable de résoudre la crise des orduresménagères.Depuis des années, celles-ci s’amoncellent dansles rues de la ville sans être collectées. ●

ÉTATS-UNIS

OprahWinfreyStreet

NÉE TRÈS PAUVRE au tempsde la ségrégation raciale, elle a

bâti un empire de 2,7 milliards dedollars. OprahWinfrey a désormaisune rue à son nom, àChicago.Inaugurée le 11mai, devant unefoule de fans, par le maire sortant,Richard Daley – dont c’étaitpresque la dernière apparitionpublique (il a cédé son fauteuil àRahm Emanuel le 16mai) –, la ruefait face aux studios Harpo, où lareine du talk-show enregistre soncélébrissimeOprahWinfrey Show(50millions de téléspectateursenmoyenne hebdomadaire). Ouplutôt, enregistrait. Car, le 24mai,le Show s’arrête, après vingt-cinqans de triomphe, la pétulanteanimatrice ayant décidé de lancersa propre chaîne câblée.

BIÉLORUSSIE

5LE NOMBRE DES CANDIDATSÀ LA PRÉSIDENTIELLE

biélorusse du 19 décembreinculpés de divers délitsà l’initiative du vainqueur,Alexandre Loukachenko.Le premier de la liste, AndreïSannikov, a été condamnéle 15 mai à cinq ans de réclusion.

LITTÉRATURE

Philip Roth« bookerisé »

AUTEUR D’UNE TRENTAINEDE ROMANS, dont Pastorale

américaine (prix Pulitzer 1998),La Tache, Le Complot contrel’Amérique et Exit le fantôme,l’écrivain américain Philip Roth,78 ans, s’est vu décerner, le18 mai, le prestigieux Man BookerInternational Prize, qui distinguetous les deux ans un auteur pourl’ensemble de sonœuvre. « Son

ITALIE

Mauvaise blague milanaise

Renversé par un coup d’Étatmilitaire, en 2006, puis condamné

par contumace à deux ans de réclusionen 2008, l’ancien Premier ministre– et richissime homme d’affaires –,Thaksin Shinawatra, bien qu’en exilau Cambodge, continue de tirer lesficelles de la politique thaïlandaise.

L’an dernier, les affrontements entreses partisans et ceux du Premierministre, Abhisit Vejjajiva, ont faitprès de cent morts et d’innombrablesblessés. À l’approche des législatives du3 juillet, le Puea Thai, son parti, vientde désigner Yingluck, sa sœur cadette,pourmener la bataille électorale.

THAÏLANDE

Si ce n’est toi, c’est donc ta sœur

ANTO

NIO

CALA

NNI/SIPA

Ý LETIZIA MORATTI,LA MAIRE DE MILAN,et son mentor :rira-t-elle encoreaprès le 2e tour?

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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imagination a non seulement refondénotre idée de l’identité juive, maisa aussi renouvelé la fiction dans saglobalité, et pas simplement la fictionaméricaine », a déclaré le président dujury réuni à Sydney (Australie).

GUATEMALA

Horreurà la mexicaine

NONCONTENTS de terroriserleur propre pays, les cartels

mexicains de la drogue étendent leurstentacules en Amérique centrale,notamment au Guatemala, où, danscertaines zones, ils paradent avec armesde guerre et véhicules blindés. Dans lanuit du 14 au 15mai, desmembres dugang des Zetas ont ainsi fait irruptiondans une ferme près de San Benito,dans le département septentrional duPetén. Apparemment, ils cherchaient

le propriétaire. Ne l’ayant pas trouvé, ilsont entrepris demassacrer ses salariés,puis de les décapiter. Bilan: unetrentaine demorts. Plusieurs centainesdemilitaires et de policiers ont étédéployés dans la région pour tenter deretrouver les tueurs.

IRLANDE/ROYAUME-UNI

Visite historiqueLA REINE D’ANGLETERRErendant hommage aux

indépendantistes irlandais tombésdans la lutte contre le colonisateurbritannique (1916-1922)? Cette scènesurréaliste a bel et bien eu lieu, le17 mai, lors de la première visite àDublin d’un souverain britanniquedepuis celle de George V, en 1911. Ily a eu quelques échauffourées entrela police et une poignée de jusqu’au-boutistes. Un engin explosif a étédécouvert à temps dans un autobus.

Peu importe. L’opinion irlandaiseestime le moment venu de tourner lapage d’un passé sanglant.

INDE

Séisme (électoral)à Calcutta

C’EST LE ALL INDIA TRINAMOOLCONGRESS, un parti populiste

conduit parMamata Banerjee, parailleursministre des Chemins de fer dela fédération indienne, qui, le 13mai,a remporté les élections régionales auBengale-Occidental. Avec 218 siègescontre 67, il écrase le Parti communisteindienmarxiste (CPI-M), au pouvoiràCalcutta depuis 1977.À l’évidence,ce dernier paie son incapacité àenrayer le déclin économique de larégion. Pour ne rien arranger, il perdaussi le Kérala, un État du sud du paystraditionnellement à gauche.

CHINE

À Changchun, les anges ne volent pas

ON DIRAIT UN ANGE DANS UN TABLEAU DU GRECO. Ce n’est qu’une jeune femme très malheureuse.À Changchun, province de Jin, dans le centre de la Chine, l’affaire aurait pu très mal se terminer, ce 17 mai.

Son fiancé ayant décidé de rompre après quatre ans de liaison, la belle a revêtu une robe de mariée et entreprisde se jeter du 7e étage. Par miracle, un certain Guo Zhongfan passait par là. Un ange lui aussi, mais gardien.

ARRÊT SUR IMAGE CHINA DAILY • Reuters

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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C hokri Ghanem, patron de laCompagnie nationale pétro-lière libyenne (NOC)etancienPremier ministre, a-t-il fait

défection?Safia, l’épousedeMouammarKaddafi, et sa fille Aïcha se sont-ellesréfugiées en Tunisie depuis l’intensifi-cation des frappes aériennes de l’Otancontre Bab el-Azizia, le QGdu «Guide »à Tripoli, comme l’affirme la secrétaired’État américaine Hillary Clinton ? Laréponse n’est pas évidente.

Jusque-là, l’un des rares dirigeants àpouvoir voyager librementétaitGhanem.Il est bien arrivé en Tunisie le 14 mai eta passé deux nuits sur l’île de Djerba,

dont l’aéroport est la seule porte de sor-tie depuis l’Ouest libyen. Mais rien neconfirmequ’iladémissionné.D’aprèsnossources, il s’est rendudeDjerba àTunis,d’où il est reparti vers une destinationinconnue. Ce pourrait être Vienne, oùrésident ses deux filles et où il se rendsouvent pour participer aux réunionsdel’Opep, auprèsde laquelle il représente laLibye.Mais il n’a communiquéni depuisla Tunisie ni depuis l’Autriche.

« Nous ne prendrons au sérieux uneéventuelle défection que si elle estpubliquement annoncée à la télévi-sion », souligne Mahmoud Chammam,responsable de l’information au sein du

Comité national de transition (CNT),siégeant à Benghazi.

Pour ce qui est de l’épouse deKaddafiet de sa fille, les sources gouvernementa-les àTunis sont catégoriques : ni l’uneni

l’autre ne se trouventen Tunisie. « Tousles membres de lafamille ou de l’en-tourage de Kaddafiqui font l’objet d’unmandat internatio-nal s’exposeraientautomatiquement à

une arrestation », ajoute une sourceau ministère de l’Intérieur. La rumeurd’une fuite d’Aïcha à l’étranger avaitcirculé une première fois le 24 février,au lendemain du premier bombarde-ment contre Bab el-Azizia. Aïcha étaitapparue aussitôt devant les camérasde télévision aumilieu des ruines pourjurer que jamais elle ne quitterait sonpère et la Libye.

« DÉSERTEURS ».Depuis la défection, àla findemars, deMoussaKoussa, ancienministre des Affaires étrangères et ex-patron des services de sécurité, aucunepersonnalité de premier plan ne s’estdésolidarisée de Kaddafi. Les principa-les défections ont eu lieu au début dela révolte populaire du 17 février et desfrappesde l’Otan.Parmi les«déserteurs»,on compte cinqministres (dont ceux del’Intérieur, de la Justice et des Affairesétrangères), douzeambassadeurs (ONU,France, Grande-Bretagne, Chine, Inde,Indonésie, Pologne, Unesco), une ving-taine d’autres diplomates et unedizained’officiers de haut rang dans l’armée etla police. Au total, une cinquantaine depersonnes, dont la plupart se trouvaienten Cyrénaïque libérée. Ceux qui restentsous la coupe de la police secrète et desbrigades de Kaddafi n’ont d’autre choixque d’attendre leur heure. ●

ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

30 MAISommet extraordinairedes chefs d’État del’UEMOA, à Lomé.Y serontdésignés le nouveaugouverneur de la BCEAOet le président de laCommission de l’UEMOA.

31 MAIOuverture du procès duprésident du Conseil italien,Silvio Berlusconi, accuséd’avoir eu une relationtarifée avec Ruby, uneprostituée mineured’origine marocaine.

31 MAI-1ER JUINAu 61e congrès de la Fifa, àZurich, le Suisse « Sepp »Blatter briguera unquatrième mandat deprésident. Il a pouradversaire le QatariMohamed Bin Hammam.

LibyeLes mystères de Tripoli

Ý CHOKRI GHANEM,patron de laCompagnienationalepétrolière(NOC), dans sonbureau deTripoli, le 2 mars.

L’épouse et la fille de Kaddafi ont-elles fui en Tunisie? Non, selonles autorités tunisiennes et libyennes. Chokri Ghanem, un caciquedu régime, a-t-il fait défection? Possible, mais pas encore officiel.

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CHRIS

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TERS

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

16 La semaine de J.A. Décryptage

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« J’ai vécu en Europe. Je sais ce qu’est lapresse. Mais vous devriez vivre ici pourcomprendre ce qu’est la presse latino-américaine : ici, la liberté d’expression,c’est mentir !»RAFAEL CORREAPrésident de l’Équateur

« Bachar al-Assad a pris duretard pour les réformes.

J’espère qu’il va s’y mettrerapidement et s’unir avec sonpeuple, parce que toutes lesfois que je me rends en Syrie,je suis témoin de l’affectionpopulaire dont il jouit. »

RECEP TAYYIP ERDOGANPremier ministre turc

« Je suis persuadéeque si cette affaire[Strauss-Kahn] étaitarrivée en France, onn’en aurait rien su.»GISÈLE HALIMIAvocate et écrivainefrançaise

« J’ai énormément de fans dans le mondemusulman. En Turquie, par exemple, il y aune véritable catmania! Pareil enIndonésie.»YUSUF ISLAM (CAT STEVENS)Chanteur britannique

« Nous allons changer Haïti,reconstruire ce pays. Nous ne

pouvons pluscontinuer à

nous humilieravec cettepolitique demendicité. »

MICHELMARTELLY

Président haïtien(lors de son

investiture, le 14 mai)

QU’UNRÉALISATEUREUROPÉENévoquelesortdesmigrantsafricains qui veulent s’installer outre-Méditerranée n’a riend’étonnant. Mais pourquoi un cinéaste finlandais habitué àtourner dans sonpays a-t-il choisi la France, et le décor plutôtmorne du port du Havre ? « Vous en connaissez beaucoup,vous, des Africains assez fous pour émigrer en Finlande ? »La réponse d’Aki Kaurismäki est bien dans la veine de soncinéma, inattendu et décalé, réaliste et au second degré.

À première vue, Le Havre a les allures d’un beau récithumaniste : un écrivain d’extrême gauche, qui a décidé dedevenir cireur de chaussures pour se rapprocher du peuple,se trouve par hasard enmesure de porter secours à un jeuneAfricain arrivé avec sa famille caché dans un conteneuret qui seul a réussi à échapper à la police. Mais grâce autalent narratif de Kaurismäki, ce film, auquel Cannes a faitun triomphe, ne ressemble à aucun autre sur ce thème ets’apparente à un conte de fées à la fois moderne et rétro.Penchant selon les moments vers Chaplin, Tati ou Carnépour évoquer une situation hélas tragique et bien contem-poraine, il en fait plus, avec sa légèreté et son humour, quetous les pensums bien-pensants pour dénoncer la politiquede rejet des immigrés. ●

RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyé spécial (voir aussi pp. 92-93)

CentrafriqueFrançois la voix d’or

LA VOIX DE FRANÇOISBOZIZÉ vaudrait-elle de l’or?D’audacieuses canailles s’ensont en tout cas servi pourse livrer à une arnaque d’ungenrenouveau: imiter la voixdu chef de l’État ou celle desonaidedecampafind’exigerde plusieurs personnalitéscentrafricaines des transfertsd’argent destinés à… crédi-ter le téléphone portable duprésident !

Le scénario est grossier,mais efficace : un premiercoup de fil du « président »ordonne à la victime poten-tielle de se rendre à Boali ouàBossembélé,àunecentainede kilomètres au nord-ouestdeBangui,pouruneaudienceou pour se faire remettreun véhicule de fonction.Quelques instants plus tard,invoquant un empêchementde dernière minute, l’escrocrappelle pour promettre un

troisièmecoupfil,àcondition,bien évidemment, que M. leprésidentdisposedecouponsde recharge téléphonique. Laproieestdoncgentiment invi-téeà s’enpréoccuperdans lesmeilleurs délais.

Au moins une dizaine depersonnes, dont un patronde presse, un préfet, unmagistrat et d’autres hautsfonctionnaires, ont reconnuêtre tombées dans le piège.Sans doute flattés d’avoir puainsi rendre service à l’auto-rité suprême, certains sontallés jusqu’à transférer plusde 500000 FCFA (760 euros)– alors que 50 000 F CFA(76 euros) auraient suffi. Laprésidencede laRépublique,qui s’en est émue, a cru bonde rappeler que « le chef del’État ne s’abaisserait jamaisà demander à un tiers de luitransférer des crédits ». ●

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Cannes 2011Le port de l’angoisse

GARYFA

BIANO/SIPA

ILS ONT DIT

SANDRINECEL

LARD/JER

RYCOM

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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AL-QAÏDALE BEN LADEN BLUES

EN ENFER selon toutevraisemblance, Oussama BenLaden rumine sans doute sesfaits d’armes dans le monde desvivants. Ici-bas, la franchiseAl-Qaïda a conservé son logomais perdu son super VRP. Passûr que l’Égyptien Saif al-Adel,son successeur désigné,parvienne à mobiliser autant dedjihadistes de tout poil. De quoidonner le blues à celui qui avaitlancé des avions contre lesTwinTowers de NewYork.

P as de catastrophe pour le partideNelsonMandelaetde l’actuelprésident JacobZuma,maisunepetite alerte. Certes, l’African

National Congress (ANC) confirme qu’ildomine toujours laviepolitique, enobte-nant63,7%desvoix lorsdesmunicipalesdu18mai(à l’heureoùnousmettionssouspresse). Iln’empêche: lepartiprésidentiel

recueille troispointsdemoinsquelorsdesdernièresmunicipales, en 2006.

Lesrésultatssontsurtoutencourageantspour l’Alliance démocratique (DA) deHelenZille, laPremièreministre(blanche)de la province du Cap-Occidental. Avec21,9 %, la DA obtient l’un des meilleursscoresd’unpartid’oppositiondepuis1994.Sa poussée est sensible dans les grandes

villes, où elle parvient même à progres-ser dans certains townships déshérités.Focalisée sur les difficultés de l’ANC àassurer l’accès aux services debase (eau,électricité, sanitaires…)pour lespluspau-vres, la campagne a révélé l’ampleur deleur déception, vingt ans après la fin del’apartheid. « Nous avons cassé les bar-rières raciales, s’est réjouiAtholTrollip, lechef de file de l’opposition à l’Assembléenationale. L’idée selon laquelle laDA estle parti des Blancs a volé en éclats. »

TRAVAILLERDUR.L’attachementaupartide la libérationexpliquequ’il ait pu limi-ter la casse : il conserve les villes de PortElizabeth (52%) et Johannesburg (58%)annoncées commeprenables par laDA.Servicesdebuspour ses électeurs, grandmeeting dans le nouveau stade SoccerCityà« Jo’burg»…L’ANCn’apas lésinésurlesmoyens.Lebudgetdecampagne–quele parti a refusé de dévoiler – pourraitdépasser 1 milliard de rands (101 mil-lions d’euros). « L’ANC doit travaillerplusdur », a lâchéGwedeMantashe, sonsecrétairegénéral,enapprenantsadéfaiteàMidvaal,municipalité auxmains de laDAdans la régionduGauteng et prioritéaffichée de son parti.

Ces résultats ne vont pas faciliter latâchedeZuma,dont lemaintien à la têtede l’ANC sera l’enjeu majeur de la pro-chaine conférence du parti, en 2012. ●

PIERRE BOISSELET

Afrique du SudL’ANC en pente douceBien que largement en tête aux municipales, le parti présidentiel voitses positions s’éroder. Son incapacité à assurer l’accès aux servicespublics de base pour les plus pauvres lui a coûté des voix.

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LE DESSIN DE LA SEMAINE Ronaldo • Vacaria • Brésil

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Ý LE PRÉSIDENT JACOB ZUMA dansun bureau de vote de Nkandla,son bourg natal, le 18 mai.

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

18 La semaine de J.A. Décryptage

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L es hauts fonctionnaires repré-sentant les quarante-trois Étatsmembres de l’Union pour laMéditerranée (UPM) doivent

se réunir le 25maiàBarcelone (Espagne)pour examiner les éventuelles candida-tures au poste de secrétaire général del’organisation, vacant depuis la démis-sion, en janvier, du Jordanien AhmadMassa’deh.

Seul candidat déclaré jusqu’ici, leMarocainYoussef Amrani a été présentépar son pays en marge de la réunionextraordinaire du Conseil de la Liguearabe, le 15maiauCaire. «C’estundiplo-mate chevronné, explique un ambassa-deur d’un pays de la rive Sud. Il est trèsapprécié dans toute la région,mêmedeses pairs algériens avec qui les discus-sions ne sont pas toujours faciles enraison des divergences politiques. »

Actuellement secrétaire général duministère marocain des Affaires étran-gères (MAE), cet homme de réseau,qui maîtrise parfaitement les dossiers(processus euroméditerranéen, coopé-ration en Afrique du Nord, migrations,énergie…), passe pour un interlocuteurincontournable. « Qui ne connaît pasM. Amrani auQuai d’Orsay? » confirmeun diplomate français.

YoussefAmraniestnéàTangeren1953et y a passé son enfance. «De cette villechatoyante et trépidante, il a conservécertains traits : une culture raffinée, une

maîtrise parfaite des langues latinesà côté de l’arabe, le goût du dialogueet de la confrontation pacifique desidées. Il en a aussi conservé la chaleur,la volubilité et le dynamisme – certainsdiraient l’insaisissabilité », expliquaitJean-François Thibault, l’ancien ambas-sadeurdeFranceauMaroc, en lui remet-tant la Légion d’honneur en 2007.

FUSEAUX HORAIRES. Toujours entredeux avions, trois conférences et qua-tre fuseaux horaires, Amrani a débutésa carrière à l’âge de 25 ans. Diplôméd’une licence d’économie et d’unmas-ter en management de l’Université deBoston (États-Unis), il intègre leminis-tère marocain des Affaires étrangèrescomme attaché de cabinet. En 1984, ilest directeur de département auCentreislamique pour le développement ducommerce, puis revient auministère en1989 commechef de cabinet au secréta-riat d’État chargéde l’UnionduMaghrebarabe. Il est ensuitenomméconsul géné-ral à Barcelone, puis successivementambassadeurenColombie, auChili et auMexique.De retouràRabat en2003, il estpromudirecteurdes relationsbilatéralesduMAE avant d’en devenir le secrétairegénéral ennovembre 2008. Sauf surprisede dernière minute, il devrait prochai-nement poser ses valises au siège del’UPM, à Barcelone. ●

PASCAL AIRAULT

UPM Et si c’était lui?

�DIPLOMATE CHEVRONNÉ ET POLYGLOTTE,Youssef Amrani est secrétaire généraldu ministère marocain des Affaires étrangères depuis 2008.

Sauf surprise de dernière minute, le Marocain Youssef Amrani devraitêtre désigné secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée.

Retrouvez l’interviewvidéo de Ismaïl Omar

Guelleh: « Les Égyptiens etlesTunisiens n’arrivent pasà diriger leur révolution. »

SONDAGEUn mois après lachute de LaurentGbagbo, commentjugez-vous l’actionde son successeur,Alassane Ouattara?

1. Il est trop tôt pour seprononcer 34 %2. Négativement, la Côted’Ivoire n’est toujours pasengagée sur le chemin de laréconciliation 24 %3. Positivement, sespremières décisions sontencourageantes 42 %

(588 votes)*

Les internautes dejeuneafrique.com ontun jugement majoritairementpositif sur l’action d’AlassaneOuattara, même si nombred’entre eux restent dansl’expectative.

CETTE SEMAINE:

Que pensez-vous de l’affaireStrauss-Kahn?

À LIRE AUSSI:Le dessinateur

Damien Glez récompensépar ses pairs.

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L a somnolente Ligue des Étatsarabes, dont le siège se trouveauCaire,dispose,depuis le15mai,d’unnouveausecrétaire général :

lebiennomméNabilal-Arabi (« l’Arabe»).La désignation duministre égyptien desAffaires étrangères a été acclamée par lafouleà l’extérieurdubâtiment.Trèspopu-laire, il a fait partie, à la fin de janvier, ducomitédetrentesageschoisipar les jeunesde la placeAl-Tahrir pourdialoguer aveclesautorités. Intègre, ilavait rompuavec lerégimeMoubarak il yadixans: sonespritd’indépendance quand il représentaitl’Égypte à l’ONU agaçait.

« ÉTAT DE DROIT ». Diplômé en droitinternational de l’université de NewYork, Arabi, 76 ans, a été de toutes lesgrandes négociations internationalesauxquelles a participé son pays. En1978, àCampDavid, il n’avait pas hésitéàdireauprésidentAnouaral-Sadatequ’ildésapprouvait certains aspects du traitéde paix en préparation avec Israël. C’estavec Tel-Aviv, encore, qu’il avait ensuitenégocié, pied à pied, la restitution de laville de Taba à l’Égypte. Arabi est aussiprofondément légaliste. C’est ce qui l’apoussé à annoncer la levée prochainedu blocus de Gaza, illégal du point devue du droit international, et à préparerl’adhésion de l’Égypte à la Cour pénaleinternationale (CPI). « Faire de l’ÉgypteunÉtat de droit », telle est l’obsession decet ancien juge à la Cour internationalede justice (2001-2006).

Nommé à la tête des Affaires étrangè-res le 6 mars, il a secoué en dix petitessemaines une diplomatie égyptiennedéclinante et sous influenceaméricaine.

Première grande victoire : la signature,le 4 mai, d’un accord de réconciliationentre le Fatah et le Hamas palestiniens.Il n’hésite pas ensuite à tendre la mainà Téhéran, avec qui Le Caire n’a plus derelationsdiplomatiquesdepuis1980.Uneinitiativeaudacieusequi suscite l’inquié-tude àWashington et à Tel-Aviv.

Certainsestimentalorsqu’il va troploinet trop vite. SelonKhaledSaadZaghloul,duquotidienAl-Ahram, « sanominationà la Ligue arabe permet de l’éloigner. Enpériode de reconstruction, on a préféréle mettre “au frigo” ». À l’instar de son

prédécesseur, Amr Moussa, envoyé à laLigueen2001pourneplus faired’ombreàMoubarak.MaisMoussaestaujourd’huile candidat lemieux placé pour la prési-dentielle de septembre : tout n’est doncpas perdu pour Arabi sur le plan natio-nal. D’autant que celui-ci n’a pas pos-tulé à la Ligue. C’est un candidat prochede Moubarak, Moustapha al-Fiqi, quiétait initialement présenté par l’Égypte.Mais, devant les réticences de plusieurspays et la candidature épouvantail du

Qatari Abderrahmane al-Attiya, Arabi a été appelé àla rescousse. Une solutionqui permet à ceux qui l’ontconvaincu (les militaires ?le gouvernement ? lesÉtats-Unis?) de faire d’unepierredeuxcoups.Cette foisencore, le secrétairegénéralde la Ligue sera égyptien.

Aujourd’hui,Arabiprendla tête d’une institution encrise : report à mars 2012du sommet initialementprévuàBagdadenmai2011,cafouillage verbal après ladécisionde l’ONUdebom-barder la Libye, blocage dela réforme de la charte dela Ligue censée mettre finà la règle de l’unanimitépourchaquedécision…Leschantiersdunouveausecré-taire général sont titanes-ques. Faceàune institutionsclérosée et divisée où secôtoient désormais jeunes

États« révolutionnaires », vieilles républi-ques crispées et monarchies pétrolièresfort peu démocratiques, Arabi va devoirredoublerd’audaceetd’imaginationpourfaire honneur à son nom. ●

CONSTANCE DESLOIRE

Nabil al-ArabiQuand la Ligue arabe s’éveilleraPopulaire, audacieux, très attaché au droit international, le successeurd’Amr Moussa réussira-t-il à sortir l’institution de sa léthargie?

� Lors d’une RENCONTRE avec une délégation del’Initiative israélienne pour la paix, le 19 mai, au Caire.

❘HENRI LOPESSCIENCES

L’écrivainet ambassadeurdu Congo en Francea été nommé membre

associé de l’Académiedes sciences d’outre-mer.

❘LAURA FLESSELFRANCE

La championne d’escrime

guadeloupéennea été nomméeprésidentedu Comité permanentde lutte contreles discriminations.

D.R.

NOMINATIONS

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No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

20 La semaine de J.A. Les gens

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ABDELAZIZ ZIARI

Le président de l’Assembéepopulaire algérienne se ditopposé aux réformes politiquesréclamées par la population.« De quelles réformes parlent-ils ? Ils veulent qu’on quittela scène pour qu’ils prennentnos postes ? », a-t-il déclaré.

ARNOLD SCHWARZENEGGER

L’ancien gouverneur deCalifornie (2003-2011) a reconnuavoir eu un enfant illégitimeavec une employée de maisonil y a dix ans. C’est la raisonpour laquelle son épouse,Maria Shriver, a récemmentdemandé le divorce.

FRANÇOIS HOLLANDE

DSK hors jeu, l’ex-premiersecrétaire du Parti socialistefrançais arrive désormaisnettement en tête des intentionsde vote des sympathisants degauche à la primaire du PS envue de la présidentielle de 2012avec 39 % des voix.

MOHAMMAD RASOULOF

Le réalisateur iranien, dont ledernier film est présenté auFestival de Cannes, a vuprovisoirement levée soninterdiction de voyager pendantvingt ans, à laquelle il avait étécondamné en 2010 pour« campagne hostile au régime ».

BARATALL

Accusé d’escroquerie sur leschantiers de la ville deThiès,l’entrepreneur sénégalais,directeur général de la firmeJean Lefebvre, a été relaxé parle tribunal correctionnel deDakar, le 20 mai, après quatreannées de procédure.

LARS VONTRIER

Le réalisateur danois a étédéclaré persona non grata auFestival de Cannes pour avoirdéclaré, sur le ton de laplaisanterie : « Je comprendsHitler. Ce n’est pas vraiment unbrave type, mais je compatis unpeu avec lui. »

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Menacée de mort par les narcotrafiquants,Lucinda Gomes Barbosa Ahukarlé, la directricede la police judiciaire, jette l’éponge.

E n 2008, un an après sa nomination à la tête dela police judiciaire, Lucinda Barbosa Ahukariéassurait que jamais elle ne céderait. « Je n’ai paspeur car je crois enDieu. Je suisdéterminéeàaller

jusqu’au bout du combat contre la drogue. » Lorsqu’elle atenu ces propos, elle avait déjà reçudesmenaces demort.Mais il faut croireque lesnarcotrafiquants ont étéplus fortsque sa foi : le 13mai, elle a annoncé sa démission. Tropdemenaces personnelles, pas assez de moyens…

« J’aimisenplaceunsystèmequiacommencéàporter sesfruits. C’est peut-être celaqui adérangé ces réseauxet leurscomplices locaux, explique-t-elle. Ils voulaientma tête. » Legouvernement assure, de son côté, qu’il ne s’agit pas d’unedémission, mais d’unemutation programmée.

Dans un pays qualifié par les diplomates américains depremier «narco-État » d’Afrique, considéré par l’Office desNationsuniescontre ladrogueet lecrime(ONUDC)commelemaillon faible du continent enmatière de lutte contre letraficdestupéfiants, cette femmemenued’unequarantained’années semblait au départ ne pas faire le poids, surtoutque sesmoyens étaient dérisoires. En 2008, la PJ comptaitune soixantaine de policiers en civil… et deux véhicules.«Quand ils arrêtent quelqu’un, ils doivent le conduire aucommissariat en taxi », expliquait récemmentSandraValle,conseillère interrégionale au sein de l’ONUDC.

SUCCÈS PLOMBÉS. Pendant quatre ans pourtant, cetteincorruptible donnedu fil à retordre aux trafiquants. Avecle soutien de l’ONU, qui a installé un bureau à Bissau, etgrâce à l’aide du Brésil, elle a étoffé et formé son équipe.Confrontée à l’armée et à l’administration – en décembre2010, elle a fait arrêter dix-neuf agents du ministère de laDéfense –, elle a aussi faitmontre d’efficacité,mettant auxarrêts trafiquants colombiens et terroristesmauritaniens,et interceptantplusieurs avions chargésde cocaïne.Autantde succès plombéspar la corruptionqui gangrène le pays :les stocks de « blanche » mis sous scellés ont disparu, leshommes arrêtés ont été libérés…

Selon l’ONUDC, le trafic de drogue amalgré tout reculéen Guinée-Bissau ces dernières années. C’était trop beaupour durer… ● RÉMI CARAYOL

Guinée-BissauLucinda a craqué

Ý Elle avaitassuré quejamais ellene céderait.Mais laCORRUPTION QUI

GANGRÈNE LE

PAYS a euraison d’elle.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Alpha Condé, 73 ans, a prisson job de président commeil a embrassé, un demi-siècledurant, sa vie d’opposant : àbras-le-corps. Levé à 6 heures,couchépasséminuit, ilenchaîne

les audiences au palais Sékoutoureya puis, le soirvenu, dans sa villa de Kipé, mange peu, se faitoccasionnellement masser le dos et ne se séparejamais de ses trois téléphones portables avec les-quels il gèredesaffairesqui, ailleursqu’enGuinée,pourraient paraître des détails.

Les importations de riz asiatique par exemple:l’entendrenégocier lui-mêmeleprixdelaprochainecargaison attendue dans le port de Conakry – « Jeveux tout sauf du riz de Birmanie : les générauxlà-basnesontpasdesgens sérieux»–estungrandmoment.Maisaussi ladistributiond’eauetd’élec-tricité dans les quartiers, lamarque des véhiculesde fonction, les états d’âme de la GrandeMuette,des imams et des petits changeurs de francs gui-néens, les bagarres de féticheurs au fin fond de laGuinée forestière et, surtout, le travail de chacunde ses ministres. Pour ce faire, « le Professeur »,ou « kôrô Alpha » (« grand frère Alpha ») disposed’une capacité d’écoute et d’un réseau parallèle

Alpha CondéAlpha Condé

Remise en ordre du pays, relance de l’économie, situationpolitique… Le nouveau chef de l’État guinéen parlesans détour pour sa première grande interview. Volontaristeet énergique, « sur tous les fronts », il promet « la fin del’anarchie ».

d’information impressionnants. Il fait tout, voittout, semêlede tout, concentre toutes lesdécisionset neménage guère son corps couturé de tant debatailles, de condamnations àmort et de séjoursen prison.

Dimanche 15 mai, le voici qui pose le pied surle tarmacde l’aéroport, de retourd’uneépuisantetournée de VRP en Afrique du Sud, en Turquie etdans leGolfe.Aussitôt : bainde foule,puismeetingdansune salle surchaufféeduPalaisdupeuple aucoursduquel il prononceun longdiscoursen troislangues, français, soussou et malinké (il ne parlepas le peul), avant de tenir une séance de travailavec les chefs de l’armée puis avec son Premierministre. « C’est vrai, je suis sur tous les fronts »,confie le président élu le 7 novembre 2010 avec52,5 % des voix et investi il y a à peine cinq mois,«mais tout ici est à reconstruire ».

À l’image de Conakry, capitale en lambeauxde deux millions d’habitants menacée d’AVC pardes embouteillages cauchemardesques, le pays

entier peine à sortir d’uncoma de cinquante ans.La démocratie, les droitsde l’homme, la bonnegouvernance y sont desnotionsnouvellesderrière

lesquellesaffleurenttoujourslestensionsethniques,la violenceet la corruption.C’estàcette tâcheher-culéenne qu’à sa manière – solitaire, déterminée,tranchante, militante, brouillonne en apparencemais dans le fond plutôt méthodique et évidem-mentsujetteàcritiquesde lapartd’uneoppositionmordantequ’ilaccusedésormaisdevouloirrecruterdesmercenaires– le camaradeAlpha s’est attaquéà corps perdu. Et peu importe si son sommeil estpeuplé de sacs de farine, de conteneurs de riz, debarils d’huile et de kilomètres de rails…

Propos recueillis à Conakry par FRANÇOIS SOUDAN

Il fait tout, voit tout,se mêle de tout…Et ne se ménage guère.

« Pendant cinquante ans, je me« Pendant cinquante ans, je mesuis battu pour la démocratie. Quisuis battu pour la démocratie. Quioserait me donner des leçons? »oserait me donner des leçons? »

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� LE 16 MAI, AU PALAIS

SÉKOUTOUREYA,où le présidentenchaîne lesrendez-vous.

VINCEN

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JEUNEAFRIQUE:Vous attendiez-vous àtrouver la Guinée dans un tel état?

ALPHA CONDÉ:Un peu, oui. Mais j’aitout de même été surpris par l’ampleurdesdégâts. Exemple: laquasi-totalitédescontrats passés par l’État en 2009-2010a été surfacturée. Certains de 200 %. LaBanque centrale deGuinée était aubordde la faillite, à cause de l’utilisation abu-sivedes avances auTrésor. Plus grave : legouverneur de cettemêmebanque s’estpermisd’émettredesbilletsnonsécurisés,rendant impossible la détection de lafaussemonnaie ! Toute notre économieest dans un état de déliquescence avan-cée. Un vrai désastre.

Depuis cinqmois, qu’avez-vous fait pourtenter d’y remédier?

Première chose: enrayer la corruptionen créant l’unicité des caisses de l’État.Tous les comptes auparavant dispersésentre divers pôles autonomes – port,mines, fonds routier, etc. –, dont les titu-laires usaient et abusaient à leur discré-tion, ont été rapatriés au ministère desFinances.Deuxièmemesure : la Banquecentrale ne fait plus aucune avance auTrésor sanscontrepartiedes recettes cor-respondantes. Troisièmeactede ruptureavec le passé : la suppression de l’impôtdecapitation, extrêmement impopulaire,et la gratuité des soins pour les femmesenceintes. La réduction drastique dudéficit budgétaire aussi, ramenéde 13%du produit intérieur brut à 2 %. La révi-sion des accords miniers, scandaleuse-ment désavantageux pour laGuinée. Lacréationdebureauxde change agréés etl’interdictionduchange sauvage et clan-destin. J’enpasse. Ici, le bouleversementest quotidien.

Vous avez renégocié, avec succès, plu-sieurs gros contrats conclus avec desgéantsminiers commeValeet surtoutRioTinto. Comment y êtes-vous parvenu?

C’est trèssimple.RioTintoarevendu,en2010, 47%de ses actions auxChinois deChinalcosansen informer l’État guinéen,ce qui est en contradiction avec le codeminier. Et cela d’autant que sa conces-sion expirait en février 2010.Nous avonsdonc exigé et obtenu de Rio Tinto uneindemnisationàhauteurde700millionsde dollars, plus 15 % d’actions gratuiteset 20 % d’actions payantes, soit 35 % autotal. Je crois que c’est une première enAfrique. Lanégociation a été arduedanslamesureoù les groupesminiers avaient

pris en Guinée de mauvaises habitudes– il leur suffisaitdeverserdesdessous-de-tablepourarriverà leurs fins.Désormais,cegenredepratiquesn’aplusdroitdecité.Unnouveaucodeminier est enprépara-tion. Quand il sera achevé, d’ici à juillet,nousdiscuteronsavec lesautres sociétés,dontRusal, pourqu’elles s’y conforment.Unarticleessentiely figurera: toutesociétéqui se rendra coupable de corruptionse verra contrainte de payer une forteamende. Dans les cas les plus graves, lecontrat sera tout simplement annulé.

La Chine a octroyé des prêts très impor-tants et à très bas taux à l’Angola età la RD Congo en échange de conces-sions minières. Ce raccourci ne voustente pas?

Non. Nous dissocions les prêts descontrats. Le contraire n’est ni sain nitransparent.

Vous avez promis de faire des audits dela gestion passée et de poursuivre ceuxqui ont détourné des biens publics. Oùen êtes-vous?

Pas de chasse aux sorcières,mais unevolonté forte de clarifier les choses. Lesprésumés coupables seront convoquésdevant la justice, ils se défendront, et lesjuges apprécieront. Des audits ont étéeffectués avant notre arrivée aupouvoir,d’autres sont encours. Pour le reste, nousavonsdécidéde récupérer tous les biens– terrains, villas, immeubles – appar-tenant à l’État et indûment accaparéspar d’anciens ministres. Idem pour lescommerçantsquiontosé spéculer sur lesdons étrangers : ils devront rembourserou faire face aux rigueurs de la loi.

Quand vous critiquez les commerçantsvéreux, la communauté peule a l’impres-sion que vous la stigmatisez…

�À Conakry, le 15 mai, UN DISCOURS EN TROIS LANGUES devant une salle surchauffée.

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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Grand angle Guinée24

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À tort. Ce sontquelques commerçantsayant abusé de leurmonopole d’impor-tation de certaines denrées, le riz ou lafarine par exemple, que nous visons. Enaucun cas les Peuls dans leur ensemble.Il faut casser les monopoles. Je l’ai ditaux commerçants peuls et libanais, jel’ai dit aux paysans, aux artisans : dansla nouvelle Guinée, il n’y aura plus deprivilèges indus.Sinousvoulonsproduirecequenousconsommonset consommercequenousproduisons, chacundoitêtreégal devant la loi.

Pourquoi avoir rendu publique la listedes quarante-deux plus gros débiteursde l’État? N’est-ce pas les désigner àla vindicte?

Non.Avant depublier cette liste, nousavons donné un mois à ces gens pour

qu’ils semettent en règle, sous peine devoir leurnométaléaugrandjour.Certainsl’ont fait etontproposéà l’agent judiciairedescalendriersde remboursement.Nousen avons tenu compte et ils ne figurentpas sur la liste. Quant aux autres, ils ontpris leurs responsabilités. Ils ont pillé cepays. Qu’ils assument.

En tête de cette liste,on trouve l’hommed’affairesMamadou Sylla, qui, pourtant,vous a soutenu lors de la présidentiellede 2010. Il a dû être surpris…

Ce n’est pas moi qui ai confectionnécette liste, mais le ministère en chargedesAudits et duContrôle économiqueetfinancier. J’ai simplementdit : publiez-la,quelle qu’elle soit. J’avais d’ailleurs étéclairà ce sujet pendantmacampagneenannonçant que je ferais tous les auditsnécessaires. Lorsqu’il s’agit des intérêtsdu peuple et du pays, je n’ai pas d’étatsd’âme: je neprotègepersonne souspré-texte qu’il m’a soutenu.

L’AllianceArc-en-Ciel, qui vous a porté aupouvoir, semblebattrede l’aile.Certainespersonnalités comme Lansana Kouyaté,Kassory Fofana, Mamadou Sylla biensûr, s’estiment plutôtmal récompensés.Cela vous ennuie?

Je ne m’occupe pas de cela, mais del’applicationduprogrammesur lequel j’ai

été élu. Le copinage et l’ethnocentrismene fontpaspartiedemesméthodes.Ceuxqui sont d’accord avec moi me suivent.Les autres… Jeme suis engagé devant lepeuple,pasdevant lespoliticiens, fussent-ils de mes alliés.

Pourtant, c’est bien d’ethnocentrismequ’on vous a accusé entre les deux toursdu scrutin présidentiel de 2010. Plusexactement, d’avoir joué la carte du« tout sauf un Peul au pouvoir »…

Écoutez. J’ai été longtemps présidentde la Fédérationdes étudiants d’AfriquenoireenFrance[Feanf]. Jesuisunmilitantde l’unité africaine. Ce n’est pas à monâge que je vais commencer une carrièrede tribaliste. Qui amenéune campagneethnique? Qui a dit « c’est notre tour »,« c’est le tour des Peuls »? CellouDalein

Diallo. Beaucoup de leaders de cettecommunautém’ont rejoint etm’ont sou-tenu, ce qui leur a valu d’être intimidéset menacés par mon adversaire. Moi, jen’ai jamais menacé un Malinké ou unSoussou parce qu’il avait rallié Cellou !SékouTouréétaitunMalinkécommemoi,je l’ai combattu. LansanaConté était un

Soussou, je l’ai combattu. Mon combatn’est pas pour ou contre une tribu, il estpour labonnegouvernanceetcontreceuxqui ont mis ce pays à genoux.

S’il a accepté le résultat de la présiden-tielle, Cellou Dalein Diallo répète quel’élection n’a pas été juste, qu’il a sauvéla Guinée de la guerre civile et qu’il necollaborera jamais avec vous. Cela vouspose problème?

Non. Parce que le problème ce n’estpas lui, mais l’eau, l’électricité, la pau-vreté, l’autosuffisance alimentaire, brefl’essentiel. Je ne réagis pas à ce que ditce monsieur depuis Dakar, quitte à cequ’onme le reproche.

Lors de son bref retour à Conakry, le3 avril, il y a eu de sérieux affronte-ments entre ses partisans et les forcesde l’ordre.

Ses gens ont refusé de changer l’iti-néraire de leur manifestation commecela leur avait été signifié. LaGuinée estdevenue un État de droit, chacun doits’y conformer. Le temps de l’anarchie,de la pagaille, des pierres jetées sur lesvoitures, c’est fini ! Le général françaisqui est venunousaideràmettre enplacele service civique pour les jeunes a étéagressé et blessédans sonvéhicule.C’estinacceptable.Alorsoui,nousavonsarrêtéles casseurs. Désormais, nul n’est au-dessus des lois en Guinée.

Ce n’est pas àmon âge que je vaiscommencer une carrière de tribaliste.

Ý « JE NE RÉAGIS

PAS À CE

QUE DIT CE

MONSIEUR

DEPUIS DAKAR,quitte à cequ’on me lereproche »,déclare-t-ilà proposde CellouDaleinDiallo, sonadversaireà laprésidentielle(ici ennovembre,lors d’unerencontreavec leprésident dela transition,SékoubaKonaté).

ISSO

UFSA

NOGO/A

FP● ● ●

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Le 10mai, c’est le domicile de CellouDaleinDiallo qui aurait étéperquisitionnéen son absence par des militaires dela garde présidentielle. Pourquoi cetacharnement?

Vous savez, lemensonge est chez cer-tains Guinéens une seconde nature. Iln’y a jamais eu de perquisition, mais unproblème interne à la garde personnellede Cellou. L’argent qu’il distribue à seshommes, dont certains sont des Béretsrouges, a été mal réparti, et l’un d’en-tre eux, mécontent, est venu exiger sondû les armes à la main. Tout ce qu’on araconté dans les médias à ce sujet estfaux.D’ailleurs, ce ne sont ni les agencesde presse, ni les radios étrangères, niles journaux, encore moins internet quiguidentmesactions.Vousmeconnaissezsuffisamment pour le savoir.

Tout de même. Quand la rumeur serépand, lors de votre récent voyage enAfrique du Sud, que vous vous y êtesrendu pour vous faire opérer en urgence,vous réagissez…

Oui,maisavec lesourire. Jesaisquecelaaurait fait plaisir à certaines personnes,celles qui vont voir les marabouts pourque je tombemalade. Si cela lesamusededépenser leur argent pour rien… Je suisallé en Afrique du Sud à l’invitation duprésident Zuma; de là je me suis envolépour laTurquie,Dubaï, puisAbouDhabiafin de vendre la destinationGuinée auxinvestisseurs, le tout en une semaine. Àpeine revenu àConakry, vousm’avez vutenir une réunion publique. Je crois quele malade se porte plutôt bien, non?

Quand auront lieu les élections législa-tives? Apparemment, vous n’êtes paspressé de les organiser. Or, selon lesaccordsdeOuagadougoude janvier 2010,elles auraient dû se tenir au maximumsixmois après la présidentielle, un délaidéjà dépassé. Pourquoi ce retard?

Elles auront lieu vers la fin du moisde novembre 2011.Mais je veux qu’ellessoient le plus irréprochables possible. Ilfaut donc procéder àunnouveau recen-sement électoral afin que les paysans,dont beaucoup refusaient de s’inscriresur les listes afin d’échapper à l’impôtde capitation, puissent le faire. Prenonsnotre temps, pour permettre à tous lesGuinéens de voter et pour réduire auminimum tous les risques de fraude. Lescartes d’électeur et les cartes d’identitéseront distribuées conjointement pour

éviter les doubles inscriptions, le votedes mineurs et autres aberrations. Voussavez, les choses sont claires : je me suisbattu pendant cinquante ans pour ladémocratiedans cepays et jen’ai aucuneleçon à recevoir dans ce domaine de lapart de ceux qui étaient de l’autre côtéde la barrière. J’ai gagné la présidentielleface à des gens qui disposaient de sou-tiens financiers énormes.Aucunhommed’affaires nem’a aidé. Je défie quiconquede prouver le contraire.

Vous êtes à la fois le chef de l’État et leministre de la Défense, car vous avezvoulu conduire vous-même la réformede l’armée. Pendant un quart de siè-cle, les militaires guinéens ont pris detrès mauvaises habitudes. Commentles en guérir?

Je suis fier de l’armée guinéenne. Ellene sort plus dans les rues, elle a acceptéque toutes ses armes lourdes soient

délocalisées à l’intérieur du pays, onne la voit plus déambuler dans les barsen tenue ni tenir des barrages dans lacapitale. Un programme de refonte esten cours qui prévoit notamment uneréorientation du génie militaire vers lesactivités de développement.

Le problème de l’armée guinéenneaujourd’hui, ce n’est plus son compor-tement mais sa composition : il y a plusde gradés que d’hommes de troupe, etcertains militaires sont d’active depuis

– tenez-vous bien – 1952 ! Des mises àla retraite accompagnées s’imposentdonc. Elles concernent pour l’instant4200 hommes et entrent dans le cadregénéral de l’assainissement de la fonc-tion publique. Sachez qu’en à peine unmois d’enquête sur le terrain, 8800 fonc-tionnaires touchant un double salaire et1 000 fonctionnaires décédés dont lesémoluments étaient toujours versés – et

Le peuple n’a plus peur de son armée.Elle est à nouveau considérée, respectée, aimée.

�AVEC LES PRINCIPAUX GÉNÉRAUX, le 15 mai au palais présidentiel.

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doncdétournés–ontétédétectés. Et sansdoute n’est-ce là que la partie émergéede l’iceberg. Pour conclure sur l’arméeguinéenne : le peuple n’en a plus peur.C’est un progrès décisif. Et elle se rendcompte d’elle-même que la démocra-tie est la meilleure chose qui puisse luiarriver. Elle est à nouveau considérée,respectée, aimée.

Quelles sont vos relations avec votreprédécesseur, le général SékoubaKonaté?

Jen’ai aucuncontentieux avec le géné-ral. J’ai toujours dit et je répète qu’on luidoit les élections en Guinée. Certes, lagestion du pays lorsqu’il était présidentn’a pas toujours été au-dessus de toutsoupçon.MaisSékoubaKonatén’étaitpasPremier ministre et il ne cessait de dire :« Je ne suis pas un économiste, je signetous les contrats que vousmeprésentez,mais vousvousexpliquerezavecceluiquime succédera. » Il ne connaissait rien àces histoires financières ou minières. Jene le considèredoncpas commerespon-sable de ces contrats léonins que nousremettonsencauseaujourd’hui. Lesvrais

coupables, ceux qui ont guidé sa main,tentent de le dresser contre moi pour seprotéger. Ils lui font croireque je le vise.Àtort. Sékoubaest sorti grandide l’Histoire,je ne lui reproche rien et il le sait.

Vous avez rencontré le capitaine DadisCamara à plusieurs reprises – la der-nière fois le 7 avril, à Ouagadougou.Apparemment, il veut rentrer enGuinée et cette perspective vous gêne.Pourquoi?

Beaucoupdegensparlentà la placedeDadis. Il n’a émis aucune exigence de cetype et je n’ai aucun problème avec lui.Il y a peu, certaines personnes ont voulucréer un mouvement pour le retour deDadis Camara enGuinée. Savez-vous cequ’il m’a dit ? « Il faut les faire arrêter, ilsne me représentent pas ! »

Dadis Camara est dans le collimateur dela Cour pénale internationale (CPI) poursa responsabilité dans le massacre du28 septembre 2009 à Conakry. Pour vous,c’est un vrai casse-tête…

Ce que je dis à qui veut l’entendre àce sujet, c’est qu’il faut faire preuve de

souplesse. LaGuinée est fragile, elle sortde vingt-six ans de régime militaire, ilfaut être prudent, ne pas jeter des paro-les en l’air.

Nousallonsorganiser, lemomentvenu,une conférence « vérité et réconcilia-tion », je m’y suis engagé. Mais nousdevons auparavant nous assurer que lesGuinéens soient capables d’entendre etde pardonner.

Pour cela, des comités de sages etde religieux sont progressivement misen place dans les préfectures afin desensibiliser le peuple sur la nécessité derevisiter notre histoire et notremémoire.Il n’y a pas eu que le 28 septembre, il y aeu SékouTouré, le campBoiro, lesmortsde la IIeRépublique, etc. Tout cela inciteà la circonspection, afin que l’exercicede réconciliation ne débouche pas surson contraire : la haine et un surcroîtde division.

La CPI entend-elle ce raisonnement?La CPI n’intervient que par défaut,

quand la justice nationale ne joue passon rôle. Ce qui, je l’espère, ne sera pasle cas.

� LORS DE LA CÉRÉMONIE D’INVESTITURE, le 21 décembre, avec le général Sékouba Konaté.

CEL

LOU

DIALL

O/A

FP

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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Le franc guinéen ne repose plus surgrand-chose, et certains de vos pairs– Blaise Compaoré et Amadou ToumaniTourépar exemple – vous recommandentd’intégrer la zone CFA. Comptez-voussuivre leur conseil?

C’estunsujetdélicat. Jenemeposequeles problèmes que je suis en mesure derésoudre. Pour l’instant, mon problèmeest de redresser l’économie et de rendrecrédible notre monnaie.

Cependant vous n’écartez pas cetteperspective…

Je vous dis que jem’attelle aux problè-mes immédiats.Quand ils seront résolus,je réfléchirai au reste.

Le franc guinéen, c’est un peu un bijoude famille. Mais le bijou est passable-ment terni.

La monnaie concerne tout le peuple,c’est vrai, et toute décision la concernantdoit être prise collectivement. Il faudradoncundébat national et c’est le peuplequi tranchera.

La polémique soulevée par la concessionau groupe Bolloré du terminal à conte-neurs du Port autonome de Conakry sepoursuit. On vous reprochemaintenantd’avoir accordé à Bolloré l’exclusivité surl’ensemble des opérations portuaires, ce

qui en fait de facto un monopole privé.Qu’avez-vous à répondre?

Que tout cela est faux. Le directeurgénéral du port a cru bon de signeravec le groupe Bolloré une conventiond’assistance concernant la gestion duport autonome conventionnel et ce sansen informer leministre des Transports.Quand nous nous en sommes aperçus,nous avons immédiatement annulécette convention. Bolloré ne gère quel’activité conteneurs, le chemin de feret un port sec, c’est tout. Pour le reste,il n’est même pas demandeur.

Vous vous êtes donné cinq ans poursortir la Guinée de la grande pauvreté etassurer son autosuffisance alimentaire.N’est-ce pas ambitieux?

Lemeilleurplandedéveloppementquiait été conçu pour ce pays date de 1955.

Il est l’œuvre du gouverneur français del’époque, Roland Pré, qui, au sortir de laguerre d’Indochine, s’était juré de fairede la Guinée le grenier à riz de l’UnionenremplacementduTonkin.C’était doncpossible. Par la suite, la paysannerie a

été totalement abandonnée alors que laGuinée, comme l’avait bienperçuRolandPré, est non seulement un scandale géo-logiquemais aussi agricole.

J’ai conclu un pacte avec les paysans :l’État va les aider et ils vont produirejusqu’à l’autosuffisance et au-delà, afinque nous devenions exportateurs. Lessociétés étrangères sont les bienvenuessi elles encadrent et soutiennentnospay-sans, mais nous ne vendrons pas nosterres comme àMadagascar. Il faut quece soit clair.

Comment relever un pays sans État?C’est tout le défi. Mais l’État guinéen

renaît, on le voit chaque jour. Regardezl’aéroportGbessia deConakry.C’était unhaut lieu de trafics et de rackets en toutgenre. Aujourd’hui, l’ordre y règne.Autreplaie: le traficdedrogue,quiétaitorganisé

auplushautniveauavecdeshélicoptèresvenant de Guinée-Bissau. Désormais,avec l’aide technique des Américains etdes Français, j’ai rattaché directement àla présidence la brigade antidrogue. Ilsarrêtent jour et nuit des trafiquants et ne

J’ai interdit à mon épouse de faire de lapolitique et des affaires. Sinon je divorce aussitôt.

� LE VAINQUEUR AVEC SA FEMME, MME CONDÉ DJÈNÈ KABA, à l’annonce des résultats de la présidentielle, le 15 novembre, à Conakry.

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rendent compte qu’à moi. Sur un autreplan, nous sommes en train de payertous nos arriérés auprès des organisa-tions internationales et nous réglons lesfrais des ambassades, dont certains sontimpayés depuis près d’un an. Je ne veuxplusd’ambassadeursguinéensclochards,àqui l’on coupe l’eau et l’électricité. C’estune question de dignité.

Vous êtes sur tous les fronts, vous vouleztout faire vous-même. Ne risquez-vouspas de vous épuiser rapidement?

Jen’ai pas, pour l’instant, d’autre choix.J’ai un Premierministre et un gouverne-ment qui travaillent, mais les mauvai-ses habitudes prises sont telles que jedois tout surveiller et tout vérifier. Je netolère aucune velléité de corruption, j’aidonc l’œil sur tout. C’est vrai que celamefatigue, mais qui d’autre que moi peutmener cette bataille des mentalités ? Jene gère pas des Guinéens venus de laplanète Mars, je gère les Guinéens telsqu’ils sont.

« Je suis pour des solutions africainesexcluant le recours à la force », aviez-vous dit à propos des crises ivoirienneet libyenne.Manifestement, vous n’avezpas été entendu…

Sur la Libye, ma position est celle del’Union africaine : un cessez-le-feu suivid’undébat national. Sur laCôte d’Ivoire,j’auraispréféréque la solutionpermettantauprésidentéluAlassaneOuattarad’exer-cer sonpouvoir soit purement africaine.Dans l’un et l’autre cas, notre incapacitéà résoudre nous-mêmes nos problèmesest préoccupante.

Voir Laurent Gbagbo arrêté et filmé enmaillot de corps, cela vous a choqué?

Je préfère ne pas commenter cela.

« La Guinée est de retour », aimez-vous àdire.Mais laCôted’Ivoire aussi.Commentexister à côté d’un tel voisin?

Je ne me compare à personne. Je saissimplement qu’à la fin des années 1950la Guinée était, de toutes les coloniesfrançaises, celle qui paraissait promiseau plus bel avenir. Nous n’avons pas sufaire fructifier ce capital. Mais le capitalest toujours là.

Vous n’êtes pas, chacun le sait, unhomme d’argent. Mais que faites-vouspour éviter que votre entourage familials’enrichisse indûment?

Je connais ce risque et je sais que lafamille est le talond’Achille debeaucoupde chefs d’État. Aussi ai-je décidé, tousles Guinéens l’ont remarqué, que monépouse vive dans un autre domicile quelemien. Elle est de Kankan, fief de nom-breux gros commerçants malinkés, qui,tout naturellement, viennent lui rendrevisite. Je ne veux pas que l’on dise quej’ai remplacé les commerçants peuls pardes commerçants malinkés que je rece-vrais encatimini.Commecela, les chosessont claires. Chez moi, je ne reçois quesur rendez-vous et vous n’y verrez pasd’hommes d’affaires.

Est-ce suffisantpour éviter les tentations,les influences?

Vous voulez que je sois plus clairencore ? J’ai interdit à mon épouse defaire de la politique et des affaires. Lejour où elle m’apportera un dossier defaveur, je divorcerai sur-le-champ. Ellele sait et je l’ai dit assez fort pour quechacun le sache.

Il n’empêche: votre filsMohamed serait,selon la rumeur, impliqué dans certainsdossiers économiques…

C’est faux.Mon filsn’estpasunhommed’affairesni unentrepreneur enquoi quece soit. Il a fait des études auxÉtats-Unis,il a travaillé au Brésil puis à Londres etil est revenu m’aider ici après le décèsde mon frère. Je parle mal l’anglais, luiest anglophone, aussi lui ai-je demandéde me servir de traducteur et de suivrepour moi les dossiers de coopérationavec l’Afrique du Sud demon ami JacobZuma.Pour le reste, jen’ai aucunhommed’affairesdansmafamilleet jenedonnede

mandatàpersonnepourme représenter.Le temps des ambassadeurs itinérantsexhibant des mandats de la présidenceguinéenne pour se remplir les pochesou des trafiquants colombiens munisde passeports diplomatiques est défini-tivement révolu. Je reçoismoi-même lesinvestisseurs et tous savent que je suisincorruptible.

Dans cinq ans, à quoi ressemblera laGuinée?

Àcequ’elleauraitdûêtre sinousavionsréussi notre indépendance. UneGuinéeavec des chemins de fer, des routes, desbarrages, des logements sociaux. UneGuinée avec un nouveau Guinéen pourqui la valeur porteuse ne sera plus lamagouille mais le travail. Une Guinéefière, débarrassée des mensonges, desjalousies et de l’autodépréciation. Avecl’aide de Dieu, le renouvellement desgénérations et le retour progressif de ladiaspora, nous y parviendrons.

Vous ne rêvez pas un peu?Ce sont les rêveurs qui font avancer

le monde.

Dernier livre lu?J’en ai lu un avant-hier dans l’avion

de retour d’AbouDhabi.Mais je ne vousdirai pas lequel.

Pourquoi?Laissez-moi une part de secret.

Même off the record?On se connaît depuis suffisamment

longtemps.Voussavezbienque jenecroispas au off avec les journalistes. ●

� LORS DE L’ENTRETIEN, le 16 mai, au palais Sékoutoureya.

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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Jean-Marie Atangana Mebara, ni aux anciensministres de la Santé, UrbainOlanguenaAwono,et de l’Économie, PolycarpeAbahAbah,qui crou-pissent enprisondepuis leur arrestation en2008.Lesprocèspourdétournementdedenierspublicsqui leur sont intentés dans le cadrede l’opérationanticorruptionÉpervier seraient eneffet liésà leurappartenance à ce G11, communément admiseen dépit de leurs dénégations.

Entrecoupsbasetcomplotsréelsouimaginaires,lesoupçons’est insinuéauseindelaclassepolitiqueet de la haute administration. Dans les allées dupouvoir, laparoleestsuspecte, lesilenceest la règle.Commemodedecommunication,legouvernementprivilégie lamise au point et le démenti.

Àcinqmoisdelaprésidentielle, leCamerounalesnerfsà fleurdepeau.Auxyeuxdesautorités,mêmes’il reste théorique, le risque politique majeur estuneagitationsocialed’uneampleursuffisantepourdéstabiliser lepays.Déjàpeuenclinaurelâchementdepuis les « émeutes de la vie chère », en 2008, quisesontsoldéesparunecentainedemorts, l’appareilsécuritaire appli-que la politiquede la « tolérancezéro ». « Qui saitd’oùviendra l’étin-cellesusceptibledetout embraser? » s’interrogeun cadrede la police.D’autant que le pouvoir sait que la communautéinternationale ne lui pardonnera aucun dérapagedans la conduite du processus électoral.

Au pouvoir depuis vingt-huit ans, Paul Biya,78 ans, laisse ses partisans le presser de solliciterun nouveau septennat à travers des «motions de

End’autres temps, lanoteque la filialecamerounaise dupétrolier françaisTotal aadressée le11maiauxdistri-buteurs de carburant serait passéeinaperçue:«Chersclients,nousvousinformonsquedefortes tensionssur

les stocksdeproduitspétroliersà la Société came-rounaise des dépôts pétroliers (SCDP) nous fontcraindredans les toutprochains joursune rupturede carburants (gasoil, super, pétrole, jet…). »

Divulguéepar lapresse, lamissiveaprovoquéunmouvementdepaniquechezlesconsommateursetdes sueurs froidesau seindugouvernement, qui apromptementdémenti tout risquedepénurie.«LaSociéténationalede raffinage (Sonara) fonctionneàplein régime et approvisionnenormalement laSCDP. Un programme de ravitaillement continudu marché local est en cours d’exécution et lesvolumesdeproduits pétroliers programmés sonteffectivement livrés », amartelé un communiquéà l’issued’une réuniondecrise tenue le 13 janvierautour du Premier ministre, Philémon Yang.

MISES AU POINT ET DÉMENTIS. « Je n’ai jamaisdit à qui que ce soit que la Sonara n’était plus enmesured’approvisionner la SCDPencarburant »,se défend Charles Metouck, le directeur généralde la Sonara. « Tout est faux dans cette affaire »,conclut-il, remonté. Iln’estpas loind’yvoir lamaindeceuxqui l’ontaffubléd’unecartedemembredu«G11 » («Génération 2011 »), un supposé groupede hautes personnalités préparant l’après-Biya.

Vraies ou fausses, il faut dire que les rumeursd’appartenance à ce club n’ont pas porté chanceà l’ancien secrétaire général de la présidence,

Les nerfsLes nerfsà fleur de peauà fleur de peau

GEORGES DOUGUELI

À cinq mois de l’élection présidentielle, Paul Biya laisse planerle mystère sur sa candidature. En attendant, le pouvoirfait feu de tout bois pour juguler la grogne sociale.

CAMEROUN

L’obsession de l’ordrepublic explique l’extrêmefrilosité des autorités.

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Afriquesubsaharienne

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L’obsessionde l’ordrepublic explique l’extrêmefrilositédespréfets, qui refusentdemanièrequasisystématiqued’accorderdesautorisationsdemani-fester sur la voie publique. Candidat déclaré à lasuccession de Paul Biya, l’opposant Louis TobieMbidaaétébrièvement interpellépouravoirvoulutenir «une réunion qui avait pour objectif de pré-senter son programme politique ».

Lesévénementsculturelsnebénéficientpasd’unmeilleurtraitement.Mi-avril, leFestivalinternationaldu filmdesdroitsde l’homme, financépar l’Unioneuropéenne, prévoyait de projeter gratuitementune dizaine de documentaires dans des quartierspopulairesetd’organiserdesrencontres-débatsentrespectateurs etmembresde la société civile.Moinsdedeuxheuresavant lapremière,prévueauCentreculturel français, la police s’est invitée sur les lieuxpour interdire l’événement en brandissant un

soutien», dont ladernière est signéeparplusieurscentaines d’universitaires –quelques-uns se sontrétractés.Silencieuxcommeàsonhabitude, lechefde l’État entretient lemystère sur sa candidature,tandisqueses stratèges sondent l’opinion interna-tionale et évaluent le soutien des pays amis.

MODENORD-AFRICAINE.Lesopposants(lireenca-drép. 32)considèrent,peut-êtreunpeuvite,que laprésidentielleest jouéed’avanceetque l’alternanceest impossiblepar lesurnes.Fin février, lanouvellegénération, qui s’agite en ordre dispersé, notam-ment au sein de la diaspora, a tenté une tactiquedemobilisation à la mode nord-africaine: via lesréseaux sociaux.Tactiqueattendueet rapidementdéjouée par le pouvoir qui, en mars, a suspendusur tout le territoire l’utilisationdeTwitter, serviceproposé parMTNCameroun.

TALL

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PRUBEN

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� EN 2008, LA HAUSSE

DES PRIX DE L’ESSENCE

avait déclenchéune vague deprotestation quiavait largementdépassé laquestion dupouvoir d’achat.

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arrêté signédupréfet,qui yvoyaitunemenaced’atteinteà l’ordrepublic.Annoncée lemêmemoisà la Fondation Muna, à Yaoundé, la projectionprivée d’un film sur les conditions de travail dansles bananeraies exploitées par l’entreprise PHP àNjombé(régionduLittoral) seracensuréepour lesmêmes raisons.

L’écho des troubles sociaux qui secouent plu-sieurs pays du continent est parvenu à Yaoundé.Lesdirigeants enont conclu, à juste titre, que leurlégitimité, issuedusuffrageuniversel, reposeaussisur l’indicedesprixà la consommation, le tauxdechômage des jeunes ou l’approvisionnement endenréesalimentaires. Et sur ceplan, la tranquillitéest loin d’être garantie.

Depuis trois ans, le taux de croissance écono-mique se traîne, à 2,5 % de moyenne (2,6 % en2008, 2 % en 2009, 3 % en 2010, selon le FMI),tandis que l’inflation avoisine les 3 %. Les chocsextérieurs, dus notamment aux coursmondiauxdu pétrole, n’ont pas épargné le Cameroun. En2008, la hausse continue du prix de l’essenceavait mis le feu aux poudres, provoquant une

grève des transporteurs et un mouvement deprotestationdépassant largement la questiondupouvoir d’achat.

Hanté par les conséquences d’une éventuelleaugmentationdesprixd’autresproduits, leministreduCommerce, LucMagloireMbargaAtangana, adès lorsconsacré l’essentieldesonagendaà la luttecontre la spéculationquidéséquilibre lesmarchésdusucre,dupoissonetduriz,notamment.Enfévrierdernier, lepouvoira jugé la situationsuffisammentgrave pour mettre sur pied une Agence de régu-lation des approvisionnements et des denrées debase ayant pourmission de contrôler les prix desproduits alimentaires importés. Selon leministreduCommerce, elle peut, le cas échéant, importeret stocker des denrées de première importance,qui seront vendues à prix conventionnel.

LA CAROTTE ET LE BÂTON. L’autremenace pourla paix sociale est représentéepar le chômagedesjeunes. Sur ce terrain, Paul Biya a choisi la carotteplutôtque lebâton.Le10 févrierdernier, il apromis25000recrutementsdans la fonctionpublique.Surunepopulationactivedeplus6millionsdeperson-nes, l’impactparaît dérisoire; surtoutau regarddutaux de chômage des jeunes, qui se situe, selon leministre de l’Emploi, Zacharie Perevet, citant deschiffresde2005, autourde13%auplannational etde22%àDouala, lapluspeupléedesvillesdupays.L’annonce a néanmoins suscité l’engouement dejeunesenrecherched’emploi,attiréspar lasécuritéque garantit la fonction publique.

L’avenir se joue également dans les nombreux«projets structurants » annoncés par leministèredel’Économie.Dequoi fairemiroiterauxpotentielscasseurs lesemplois induitsdans l’exploitationdesmines, la constructiondeports, debarragesouderoutes, le transport et les télécommunications.Ce sont lesmeilleurs arguments de campagneduRassemblement démocratique du peuple came-rounais (RDPC)aupouvoir.Resteà savoir cequ’enpense son champion, Paul Biya, dont tous lesCamerounais se demandent s’il va se représenterà lamagistrature suprême. ●

JOHN FRU NDI DEVRA ENCORE ATTENDRE avant de recevoirl’investiture de son parti. Le congrès du Social DemocraticFront (SDF) a été renvoyé à une date indéterminée. La formationréserve sa décision de participer à la présidentielle jusqu’àla prise en compte de ses exigences de transparence. ElectionsCameroon (Elecam), l’instance chargée d’organiser le scrutin,a été modifiée par une loi votée début mars, mais ne trouvetoujours pas grâce aux yeux du SDF. Elecam, qui passe de 12 à18 membres, a désormais interdiction de publier les tendancesdu scrutin (il doit transmettre les chiffres au Conseilconstitutionnel) : une nouveauté particulièrement décriée.

L’autre probable candidat de l’opposition, Adamou NdamNjoya, a été réélu fin avril à la tête de l’Union démocratiquedu Cameroun (UDC) et se prépare à entrer en campagne, tandisque Jean-Jacques Ekindi, qui entend tirer profit d’internet pourlancer des appels de fonds, profite de la promotion en Europede son livre, Politiques du Cameroun et d’Afrique, les défis,(éd. Amalthée), pour se faire entendre. ● G.D.

PENDANT CE TEMPS, DANS L’OPPOSITION…

Scrutindu 11 octobre 1992

Scrutindu 12 octobre 1997

Scrutindu 11 octobre 2004

AFR

ICANEL

ECTIONS.TR

IPOD.COM

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Une domination sans partage(Candidats arrivés en tête lors des élections présidentielles)

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Afrique subsaharienne32

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A bidjan,Conakry,KhartoumetJuba:quatrecapitalesàpeinesorties de périodes difficilesont reçu, cemois-ci, la visite

d’Andris Piebalgs, commissaire euro-péen chargé duDéveloppement.Quatrecapitales avec lesquelles la coopérationeuropéenne était au point mort. À cha-que étape, le Letton – qui a notammentannoncé un don de 44 millions d’euros

pour financer la relance de l’agricultureet la réformede la justiceenCôted’Ivoire,et un autre de 200 millions d’euros pouraider à la construction du nouvel Étatdu Sud-Soudan – portait unmêmemes-sage: l’Union européenne (UE) sera auxcôtés de ces pays dans leur processus dedéveloppement.

Un discours très politique. Surtout encequi concerne le Sud-Soudan, vis-à-vis

duquel le Vieux Continent veut se posi-tionner comme partenaire privilégié.

En février 2010, lorsqu’il a obtenu ceportefeuille, l’anciendiplomateavaituneréputationdetechnocrate.«Enunan,indi-que-t-il,maconceptiondel’aideachangé.Audébut, je pensais qu’il fallait être plusmathématique, exiger un rendement de4 millions d’euros lorsqu’on en investis-sait 2. » Mais l’homme dit avoir comprisque cette équation, ainsi présentée, étaitdifficile à résoudre. Car l’essentiel desappuis financiers de l’UE en Afrique vaaux États sortant de crises politiques eten général très fragiles.

Lecontinent imposerait-il sesréalitésauLetton?«Quandjediscuteavecdes indus-triels africains, affirme le commissaireeuropéen, beaucoupme disent que leurpaysauraiteulemêmeniveaudedévelop-pementqueSingapour,parexemple, si lespartenaires internationauxneleuravaientpasdonnédemauvaisconseils. »Defait, ildéclarevouloirdésormaissuivredavantageles Africains dans leurs choix. ●

STÉPHANE BALLONG

COOPÉRATION

Un Letton en AfriqueLe commissaire européen Andris Piebalgs revient d’une minitournéerégionale. L’enjeu : renouer avec des pays sortant de graves crises.

EUROPEA

NUNIO

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ÝAVEC LE LEADER SUD-SOUDANAIS Salva Kiir,à Juba, le 13 mai.

LE PREMIER MENSUEL

GÉNÉRALISTE

DE LANGUE FRANÇAISE

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SARKOZY

IL A ENFIN COMPRIS

L’AFRIQUEMADOFF

CONFIDENCES

EN PRISON

LE SOLAIREEspoir de la planète

On peut

se passer

du nucléaire!

Afrique subsaharienne 33

Page 34: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

«M on point de vuepersonnel, c’estque… j’enai assez. »Ainsi s’exprimait le

PremierministreéthiopienMélèsZenawidans les colonnesduquotidienbritanni-que Financial Times en 2009. Deux ansplus tard, ce court passage à vide a vrai-semblablementétésurmonté.Aprèsavoirfêté ses 56 ans le 8mai dernier, l’hommefort de l’Éthiopie célébrera ses vingt ansà la tête du pays le 28 mai. Quelquesmanifestations organisées via Facebookpourraientbienvenir, ce jour-là, troublerlaquiétudeensoleilléedeMeskel Square,la place centrale d’Addis-Abeba, maisrares sont ceux qui craignent un vastemouvement d’opposition.

Zenawi, loué pour ses réussites éco-nomiques, tient le pays d’une main demaître. Les voix discordantes sont rares,faibles et étouffées. « L’opposition estcomplètement invisible, confieune jeuneétudiante.Beaucoupn’ontplusd’espoir. »Pour le journaliste étranger qui chercheà en savoir plus, l’ambiance est souventpesante, plombée par une paranoïa quiproscrit les discussions franches et lesidées trop tranchées. Les généralitéspleuvent, habiles esquives face à desquestions gênantes : « De nombreusespersonnes apprécient Mélès Zenawi etle respectent, même si elles ne sont pasd’accord avec lui. Beaucoup pensentque la situation serait pire s’il n’étaitpas là. » Les reporters éthiopiens, eux,restent sur leurs gardes : « Il faut être trèsprudent sur ce qu’on écrit… Mais celafait sens, parfois, car certains racontentn’importe quoi. »

Enmai 2010, le parti de Zenawi a trèslargement remporté les élections législa-tives.Avec99%des suffrages recueillis, leFront démocratique révolutionnaire dupeuple éthiopien (EPRDF) n’a concédéqu’un seul des 547 sièges parlemen-taires à un élu de l’opposition, GirmaSeifuMaru. Le Premier ministre a doncles mains libres jusqu’en 2015. Après, ilen aura peut-être « assez », mais, pourl’heure, il reste fidèle à un poste acquisde haute lutte.

OriginaireduTigré,LegesseZenawiestnéàAdoua, cette ville restéecélèbredansl’histoire éthiopienneparcequ’elle vit lessoldats de l’empereurMénélik II défairel’armée italienne, en 1896. Issu d’unefamille relativement aisée, il est élève delaGeneralWingateSchoold’Addis-Abebaavant d’entamer, en 1972, des études demédecine.

NOMDE GUERRE.Mais le 12 septembre1974, la junte militaire connue sous lenom de Derg renverse le gouvernementde l’empereur Haïlé Sélassié Ier et prendlepouvoir.Zenawiabandonnesesétudespour rejoindre le Front de libération despeuplesduTigré (TPLF). Il fonde laLiguemarxiste-léninisteduTigréetabandonneson prénom pour prendreunnomdeguerre,celuid’unétudiantexécutéparleDerg,Mélès Haïlé. Le TPLF n’estquel’undesnombreuxgrou-pesarmésqui luttentcontrele régimesanglantdeceluique l’Occidentsurnomme « le Négus rouge »,MengistuHaïléMariam.Zenawigravit leséchelonsduTPLFetprend la têtede l’EPRDF, coa-litiondemouvements rebelles. Lesquels,bien que marxistes, reçoivent une aideappuyée de l’Occident.

Mengistu tombe en 1991 et rejointle Zimbabwe de Robert Mugabe, oùil vit toujours aujourd’hui. L’heure deZenawiestarrivée. Ildevientprésidentdu

gouvernement éthiopien. Peu connu enEurope, il est ainsi décrit dans un articleduquotidienfrançaisLibérationdu29mai1991: «Mélès Zenawi avait montré qu’ilpouvaitêtre cassant et efficace. Ilmontraensuitequ’ilpratiqueavecfacilité lalanguedebois(credo:démocratieetunité, libertéde la presse, volonté du peuple et paix),qu’il ne se paie pas de mots, ne dédai-gne pas les pointes d’humour et laisseaucomité exécutif le soind’officialiser saposition.»L’hommeest là toutentier,avecles traitsdecaractèreque le tempsaiguiseet les idées que le temps émousse.

En 1993, les séparatistes érythréensremportent le référendum d’autodéter-mination et l’Éthiopie perd son accès àla mer. Abandonnant les oripeaux dumarxismepour revêtir le costumecravatedes adeptes du libre-échange, Zenawiconduit le processus de transition qui,en 1995, permet lamise enœuvre d’unenouvelle Constitution s’appuyant sur leconcept de fédéralisme ethnique. Cettemêmeannée, ilobtientunMBAdel’OpenUniversity du Royaume-Uni.

La période de paix et de stabilité quis’annonce sera de courte durée : en1998, l’Érythrée envahit l’Éthiopie. Laguerre, coûteuse sur les plans financieret humain, duredeuxans – et sepoursuitaujourd’hui sous la forme d’escarmou-ches frontalières et d’escalades verbalesépisodiques.

Pèrede trois enfants,hommepolitiquehabile, Zenawi se présente comme unsolide rempart faceà l’Érythréed’Issayas

ÉTHIOPIE

Zenawi, seul maître à bordLe 28 mai, l’ancien rebelle célébrera ses vingt ans à la tête du pays.Vingt ans de réformes, de stabilité. Et de pouvoir sans partage.

De plus en plus critiqué pourses dérives autoritaires, il meten avant son bilan économique.

ALORS QUE LE PREMIER MINISTRE ÉTHIOPIEN fête ses vingt ans aupouvoir, le président ougandaisYoweri Museveni vient de prêter sermentpour son quatrième mandat. Comme Mélès Zenawi,Yoweri Museveni alibéré son pays d’une dictature sanglante, celle de Milton Obote. CommeZenawi, Museveni a le soutien des Occidentaux parce que son paysconstitue un îlot de stabilité dans une région troublée. Comme Zenawi,Museveni a fait de la lutte contre le terrorisme un axe majeur de sapolitique. Comme Zenawi, Museveni s’appuie sur un bilan économiquerespectable. Comme Zenawi, Museveni a réintroduit le multipartisme.Comme Zenawi, Museveni veut se construire une stature internationaleen intervenant en Somalie. Comme Zenawi, aussi, Museveni s’accrocheau pouvoir (il a cinq ans d’avance!), bâillonne la presse et envoieles forces de l’ordre dialoguer avec l’opposition. Où est donc passéela « renaissance africaine »? ● N.M.

DES HOMMES PROVIDENTIELS?

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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CRÉD

ITPHOTO

� PARTISANS DU PREMIER MINISTRE à la veille des législatives de mai 2010, où son parti, l’EPRDF, a réuni 99 % des suffrages.

Afewerki,mais aussi face aux rebelles duFront national de libération de l’Oga-den et du Front de libération Oromo.Les attentats terroristes, au Kenya et enTanzanie, puis sur le sol américain, vontaccroître sonpouvoir d’attractionauprèsdesOccidentaux. Il fautdirequel’Éthiopiejouxte une Somalie livrée au chaos et unSoudan aux penchants islamistes…

APPRÉCIÉ. Intelligent, éloquent, fin,structuré, Zenawi recueille quantitéde qualificatifs laudateurs, en Éthiopiecomme à l’étranger. Il fait partie de cette«nouvelle générationdedirigeants afri-cains » louée par le président améri-cain Bill Clinton. En 2004, il obtient unMaster of Sciences en économie au seinde l’ErasmusUniversitydesPays-Baset lePremierministre britannique fait de luil’undescommissairesde saCommissionforAfrica. En2009, il sera le représentantdu continent lors du sommet du G20à Londres et le président de la déléga-tion de l’Union africaine lors du som-met de Copenhague sur le changementclimatique…

Pourtant, quelque chose s’est briséen 2005. Cette année-là, la coalitionpour l’Unité et la démocratie a fait unelarge percée aux élections législatives(remportant 109 sièges sur 547, contre

327 pour l’EPRDF), notamment dansles villes et enparticulieràAddis-Abeba,où le Tigréen qu’est Zenawi n’a jamaisvraiment été accepté. Les manifesta-tions qui ont suivi le scrutin contesté ontcoûté la vieàquelque200personnes. Lessoldats avaient reçu un ordre : shoot tokill. Quant aux principaux dirigeants del’opposition, ils ont été condamnés à laréclusion à perpétuité pour « complotcontre la Constitution » et « incitation àunerébellionarmée»,avantd’êtregraciésdeux ans plus tard. À l’exception de laprésidentede l’Unionpour ladémocratieet la Justice, BirtukanMideksa, qui, pouravoir osé remettre en cause les termes

de sa grâce, restera en prison jusqu’au6 octobre 2010… jusqu’à ce qu’elle serepente publiquement. Le soutien amé-ricain reste malgré tout sans faille.

Deplus enplus critiquépour ses déri-ves autoritaires, Mélès Zenawi s’appuiesur des chiffres de croissance remarqua-blespour faire valoir sonbilan: 11,2%en2008; 9,95%en2009; 8%en2010.Quiditmieux?Lui s’engargarise. «Pouvez-vous

imaginer unendroit sur terre oùungou-vernement qui a permis une croissanceà deux chiffres pendant sept ans puisseperdreuneélection?Personnen’a jamaisvu pareil événement. »

DES ONG MUSELÉES. Quand une voixs’élève, commecelle d’une organisationnon gouvernementale (ONG), Zenawi atôt fait de la faire taire. Par exemple aveccette loi de 2009qui interdit auxONGdetravailler sur des thèmesen rapport aveclesdroitshumains, labonnegouvernanceet la résolution des conflits si plus de10 % de leur financement provient del’étranger. L’aide, oui ! L’argent, oui ! La

morale, non !D’ailleurs, en réponse

à un rapport de l’Interna-tional Crisis Group (ICG)de 2009 critiquant le fédé-ralisme ethnique et son

instrumentalisation, Zenawi lâchait :« Certains ont desmilliards de dollars àdépenser et s’imaginent qu’ils tiennentde Dieu le droit de dicter aux pays endéveloppement lamanièredegérer leursaffaires. Nous n’éprouvons que méprispour l’ICG! » Le moins que l’on puissedire c’est que, finalement, la langue debois n’est pas son fort. ●

NICOLAS MICHEL

SIMON

MAINA/A

FP

Ce politique habile se pose enrempart face à l’Érythrée voisineet aux rebellions armées.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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L’an dernier, à l’approche de l’élection pré-sidentielle rwandaise, un tir groupé d’ac-cusations aplu tel unorage sur le présidentsortant. Grenades lancées sur la foule

dans les gares routières, assassinat manquécontre ungénéral en fuite,meurtre d’un journalisteet d’un membre d’un nouveau parti, interdictionde sixmois pour deux journaux privés, arrestationd’une candidate à la présidence soupçonnéed’appartenance à une organisation terroriste…Le pouvoir du président Kagamé, pourtant créditéd’un bilan propre à lui assurer la victoire dans unfauteuil, semblait saisi d’une frénésie répressiveau piremoment. Celui où, à la faveur de l’électionprésidentielle, l’attention du monde entier sefocalisait sur lui. Qu’en est-il aujourd’hui, la pas-sion électorale passée?

Constatons d’abord que, sitôt le scrutin terminé,la liste des accusations relatives au climat d’insé-curité que le gouvernement rwandais se seraitlui-même infligé a été close, aucune nouvelleaccusation n’étant venue grossir cette sorte de« kit électoral » du soupçon.

Vingt-sept des lanceurs de grenades ont étéarrêtés. Leur comparutionapermisde faire avancerl’information sur les réseaux en cause et de réduirela fréquence de ces actes de terrorisme aveugleattribués sans soucide vraisemblance auxservices secrets dugouvernement.

Ancien ténor de l’ar-méeaffecté à l’ambas-sade de New Delhi depuis sept ans, le généralKayumba fut interrogé à son retour à Kigali surses liens avec les lanceurs de grenades, avant dequitter nuitamment le Rwanda pour l’Afrique duSud.Alors qu’il rentrait de courses à Johannesburgavec son épouse, il fut blessé par un tireur, qui pritla fuite après que son arme se fut enrayée. Un peupartout, le crime raté fut, lui aussi, attribué auxservices spéciaux rwandais. La présomption d’in-nocence ne jouant jamais en faveur du Rwandadans ces affaires, peu de gens se sont interrogéssur l’empressement suspect des « barbouzes »rwandais à éliminer le général sansmêmeattendrela fin d’une période aussi sensible que celle desélections, ni sur leurmaladresse insigne.Tout bonenquêteurn’aurait pourtantpasmanquéd’examinerd’autres pistes, dont celles de l’une ou l’autrefaction d’une opposition rwandaise notoirement

dispersée et antagoniste, encouragée de voir quele pouvoir était invariablement accusé.

Lesassassinsdu journaliste LéonardRugambageont été arrêtés, jugés et condamnés à la prison àvie. Ceux d’André Rwisereka, duminuscule GreenParty, sont encore recherchés. Mais, là aussi, lemeurtre d’un opposant quasi inconnu n’aurait pasvalu au gouvernement demise en cause automa-tique sans le contexte électoral et ses accusationsopportunément convergentes.

Condamnées pour avoir notamment publié,commeà leur habitude, des histoires de coucheriesentrepersonnalités, les revuesen langue rwandaiseUmusesoetUmuvugiziontétésuspenduespendantsixmois, avant d’être à nouveau autorisées. Entre-temps, leurs rédacteurs avaient trouvé un asileconfortable à l’étranger, grâce à la sollicitude deceux qui les prennent pour des héros. Une lubietragique pour qui sait lire le kinyarwanda.

Quant àMmeVictoire Ingabire, arrivée des Pays-Bas quelques mois auparavant avec un discoursaussi « habilement » imprégné de sectarismeethnique que celui des populistes européens sevoudrait « innocemment » raciste, c’est dans unrapport d’experts de l’ONUdenovembre 2009 queses accointances avec la milice des Forces démo-cratiques de libération du Rwanda, sévissant en

RD Congo, ont été établies. Avant, donc, qu’ellesne lui valent un procès au Rwanda. Si l’on ajoutequeMme Ingabire s’est présentéeà laprésidentielleavecunadjoint condamnépourgénocide, encavaledepuisdesannéesetqui s’est excusépubliquementpour ses crimes avant d’exécuter sa peine, on sedit que lesmilieuxoccidentauxqui trouvent légitimesa candidature à la présidence du Rwanda sontbien tolérants à l’égard de ce qu’ils interdiraientchez eux.À savoir, une candidate au langage équi-voquesur legénocide,dont leplusprocheentouragecomprend des personnes condamnées pour desfaits gravissimes*. Est-ce bien raisonnable? ●

*MêmesiMme Ingabire, absente duRwanda pendantle génocide, ne saurait être tenue pour responsabledans celui-ci, la condamnation à perpétuité de sa mèrepour y avoir participé ne saurait être occultée.

FaustinKagamé

Consultant encommunicationà la présidencede la Républiquedu Rwanda

TRIBUNELe Rwanda face à l’impossibleprésomption d’innocence

Deux journaux ont été suspendus et l’onprend leurs rédacteurs pour des héros.

Sait-on au moins ce qu’ils ont écrit en kinyarwanda?

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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OpOpininioions&

éditororiaiauxux

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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R enversé et arrêté lors du coupd’État du 18 février 2010,l’ancien président nigérienMamadou Tandja peut désor-

mais aller où bon lui semble. Dumoins,tant que la justice ne requalifiera pas lescharges qui pesaient contre lui.

La chambre d’accusation de la courd’appel de Niamey a annulé toutes lespoursuitesengagées, les jugeant illégales.Accusé de complicité de détournementde fonds, de délit de favoritisme et deviolation du serment coranique pouravoir convoquéunréférendumanticons-titutionnel,MamadouTandja apassé lesonze premiers mois de sa détention enisolement à la Villa verte, haut lieu dupouvoir durant les années Kountché,avant d’être transféré, en janvier dernier,à la prisonciviledeKollo,àune trentainede kilomètres au sud de Niamey.

Le 10 mai, jour de sa libération, alorsqueMeOumarouSouleye, son avocat, etses amis du Mouvement national pourla société de développement (MNSD)l’attendaient depuis 10heures dumatin,l’ancienprésident, serein, a tenuàdéjeu-ner et à faire une petite sieste avant dequitter les lieux, à 16 heures précises.Prélude au train de sénateur qui l’attenddésormais? Peut-être.

En tout cas, depuis qu’il est libre, ilconsacre plusieurs heures par jour à la

lectureduCoranet se reposedanssa rési-denceduquartier duPlateau, boulevardMali-Déro, àNiamey.Mais il reçoit aussisans discontinuer, entouré de ses deuxépouses et de deux de ses sept enfants,arrivés de Dakar pour la circonstance.

« FAIRE BARKA ». Parmi les premiers às’être pressés à son domicile dès le len-demain de sa libération, le président duMNSD,SeiniOumarou,qui futégalementsonPremierministre,ouencored’anciensministres commeAïchatouMindaoudou(Affaires étrangères) etAli LamineZeine(Économie). Tous les députés de la nou-velle opposition ont égale-ment fait le déplacementet, à l’intérieur du pays, denombreuses délégationsd’hommespolitiquesatten-dent d’être invitées à venir« faire barka », c’est-à-dire adresser leursfélicitations.

Reste que Mamadou Tandja n’a offi-ciellement rien révélé de ses éventuel-les ambitions politiques. Après quelquequinzemoispassésenisolement, ilestimeprobablement qu’il est trop tôt pour lesdévoiler ou préciser quel rôle il comptejouer au sein de son parti.

PourMeOumarouSouleye, « le simplefait qu’il reçoive enpriorité lesmembresdu MNSD prouve bien qu’il n’est pas

indifférentà la politique ». Pas sûr, toute-fois,qu’il ait encore lesmoyensdereveniraux premières loges. Selon les observa-teurs, l’entretien d’une heure accordéle 12 mai par le président MahamadouIssoufou au nouveau chef du MNSD,Seini Oumarou, marque la fin politiquedeMamadouTandja.Toutaupluspourra-t-il tenir au sein de sa formation un rôlesymbolique, comme celui de présidentd’honneur. On s’attend également à cequ’il la soutienne financièrement.

D’après son avocat, l’urgence, pourTandja, c’est d’organiser les obsèquesde sa mère, décédée mi-mars à l’âge de110 ans, alors qu’il était en détention.Il avait alors rejeté la permission d’unesemaine accordée par la Cour de justicede laCommunautééconomiquedesÉtatsde l’Afriquede l’Ouest (Cedeao), s’interdi-sant de sortir tant que sa situationn’étaitpas clarifiée.

Autre obligation inscrite sur l’agendade l’ancienprésident, âgéde73 ans : unevisite chez le médecin. Si ceux qui l’ontapproché le jugentplutôt bienportant, ildevrait bientôt se rendre auMarocouenTunisie pour y subir quelques examensmédicaux. Enfin, selon un responsablepolitiquenigérien,unevisitedeMamadouTandja au Sénégal n’est pas exclue, leprésidentAbdoulayeWadeayantpesédetout son poids pour le faire libérer. ●

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

NIGER

La nouvelle vie de TandjaLibéré le 10 mai, l’ancien président multiplie les audiences danssa résidence de Niamey. Sans rien révéler de ses intentions.

TAGAZA

DJIBO/A

P/SIPA

Pourrait-il se contenterd’un rôle symbolique au seinde sa formation politique?

�À sa sortie de prison, L’EX-CHEF DE L’ÉTAT (au centre) regagne son domicile, entouré de ses partisans.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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DIPLÔMÉE DE HARVARD ett i tu la ire d’un doctoratdu Massachusetts Instituteof Technology (MIT) en éco-

nomie régionale et développement,l’économiste nigériane rejoint laBanque mondiale en 1982 et y gravitles échelons pendant vingt et un ans.De 2003 à 2006, en tant que ministredes Finances, puis desAffaires étran-gères du Nigeria, elle s’efforce delutter contre la corruption et d’amé-liorer la gouvernance. Directrice géné-rale de la Banque mondiale depuisle 1er décembre 2007, Ngozi Okonjo-Iweala, 56 ans, mariée et mère dequatre enfants, vit àWashington.

Avez-vous eu une enfanceheureuse?

NGOZI OKONJO-IWEALA : Ouiet non. Jusqu’à l’âge de 9 ans, j’aivécu avec ma grand-mère dans unvillage, pendant que mes parentsétudiaient en Allemagne. J’étais unevraie fille de la campagne, faisant lestravaux de la ferme. Puis mes parentssont rentrés au pays et sont devenusprofesseurs d’université.

Durant la guerre du Biafra (de mes12 ans à mes 15 ans), je ne suis pasallée à l’école, ma famille a perdutout ce qu’elle possédait et nous avonsdû apprendre à ne faire qu’un seulrepas par jour. Mon père avait rejointl’armée du Biafra et nous devionssans cesse fuir. J’ai même failli perdrela vie. Une personne qui se trouvaità côté de moi a pris une balle quiaurait pu m’atteindre.

Comment vous êtes-vous retrou-vée à Harvard?

Je voulais voyager, mais mon pèreétait très strict. Il ne voulait pas queje parte à l’aventure. Je devais gagnerma place dans une grande université,alors j’ai passé les examens d’entréede Cambridge et de Harvard. J’ai étéreçue aux deux, j’ai choisi Harvard.

Est-il vrai que, lorsque vous étiezministre des Finances, on vous asurnommée « Okonjo-Wahala »(« Madame Casse-Pieds ») ?

C’est un jeu de mot sur mon nomde famille, car je me battais avecbeaucoup d’énergie [contre la cor-ruption, NDLR]. Cela étant, soyonsclairs : ce n’était pas le combat d’uneseule personne, mais celui de touteune équipe et, à l’époque, nous avionsun président très impliqué [OlusegunObasanjo].

Aujourd’hui, quelles sont vospriorités?

Je travaille sur de nombreux pro-jets : comment mobiliser plus decrédits pour le Fonds de sécurité ali-mentaire, réduire la volatilité descours des produits alimentaires, aiderles États affectés par des conflits,améliorer l’image de l’Afrique…

De quel succès êtes-vous le plusfière?

Il me reste tant à faire! Je suis néan-moins très fière de deux choses.D’abord, et surtout, de mes enfants.Ensuite, de l’allègement de la dettedu Nigeria : faire annuler 30 milliardsde dollars [environ 25milliards d’eurosd’alors] de dettes, de sorte qu’il n’enrestait plus que 5 milliards de dollarsà l’époque,m’a pris une énergie consi-dérable – j’y ai gagné des cheveuxgris ! –, mais, des années plus tard,je prends encore à peine la mesurede l’exploit que ça a constitué.

Avez-vous des points faibles?Plein ! Vous n’avez qu’à demander

à mes collaborateurs ! Je gagneraisce r t a i nemen t à ê t r e mo insimpatiente.

Qu’est-ce qui vous empêche dedormir la nuit?

L’injustice. Jem’inquiète du nombrede pauvres qu’il y a dans le mondeet je veux que ça change.

Quel est votre livre de chevet?Le Successeur, d’Ismail Kadaré.

C’est un roman remarquable qui sepasse à l’époque de la dictature enAlbanie.

Est-il plus difficile de parvenirau sommet quand on est unefemme?

Honnêtement, oui. J’ai dû travaillerplus dur, y passer beaucoup plus detemps que si j’avais été un homme,et être toujours au sommet de maforme. Contrairement aux hommes,on ne peut jamais faire une pause. Cen’est pas facile d’être une femmenoire,les portes ne s’ouvrent pas devantvous. Vous devez faire vos preuveschaque jour, mais j’adore ça! ●

Propos recueillis par LIZ BOLSHAW

© Financial Times et Jeune Afrique 2011.

Tous droits réservés.

Ð Cette économiste aguerrie a été la première femme ministre des Finances du Nigeria

Ð La sécurité alimentaire est actuellement l’une de ses principales préoccupations

«Madame Casse-Pieds » ne s’arrête jamais

� Elle doit faire ses preuveschaque jour ET « ADORE ÇA ».

CONFIDENCES DE | Ngozi Okonjo-Iweala Directrice générale de la Banque mondiale

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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NIGERPUTSCHISTESAMNISTIÉS

Une formalité.L’Assemblée nationalea voté, le 18 mai,à une écrasantemajorité la loid’amnistie des« auteurs, coauteurset complices du coupd’État du 18 février2010 ». Conduit par lecommandant SalouDjibo, le putsch avaitrenversé MamadouTandja (lire aussip. 37). Cettedisposition étaitprévue dans lanouvelle Constitutionadoptée parréférendum enoctobre.Tous lesdéputés présentsen séance ont votéle texte, même ceuxdu parti deTandja.

RD CONGOLA POLICEEN FORMATION

En vue des échéancesélectorales denovembre, 5 officiersformateurs et38 officiers stagiairesde la policed’intervention rapidesuivent, depuis le18 mai, à Kinshasa,une formation menéepar la France. Le butde ce stage estd’apprendre auxpoliciers congolais àassurer l’ordre publicdurant le processusélectoral sans recouriraux armes.Le projet concerne1000 policiers en tout.De son côté, laMonusco poursuitson programmede formation dela police nationale.

RWANDATRENTE ANSPOUR AUGUSTINBIZIMUNGU

Le général AugustinBizimungu, chefd’état-major desForces arméesrwandaises en 1994(il avait été nommédix jours après ledébut du génocide),a été condamné, le17 mai, à trente ansde prison par leTribunal pénalinternational pourle Rwanda. Il a étéreconnu coupablede crimes contrel’humanité, crimes deguerre et génocide.Arrêté en 2002 enAngola, il était accuséd’avoir ordonné lemassacre deTutsis etdistribué des armesà des civils hutus.

CÔTE D’IVOIREAMITIÉ AU SOMMET

Présent à l’investiture d’AlassaneOuattara, le 21 mai àYamoussoukro,le président françaisNicolasSarkozy aeu l’occasion de s’entretenir avec sonnouvel homologue. Réconciliationnationale, reconstruction, relance del’économie…Les sujets nemanquent

pas. Pourmener à bien tous ces chan-tiers, le chef de l’État ivoirien pourraégalement compter sur de fidèlessoutiens dans la région. Le 12 mai,il a rendu visite à AbdoulayeWade,avant de se rendre quatre jours plustard à Ouagadougou pour rencontrerBlaise Compaoré. Un futur « papa »Sarkozy et quelques pairs africains…Ouattara sait qu’il n’est pas seul. ●

Coulisses Afrique subsaharienne

P ropulsésur ledevantde lascèneà lamortdugénéralGnassingbéEyadéma pour porter les cou-leurs de l’opposition à la prési-

dentielledu24avril 2005– la candidaturede Gilchrist Olympio, son beau-frère,ayant été rejetée –, Emmanuel AkakpoviBobAkitani, qui avait déjà 74 ans et unesanté fragile, ne s’est jamais vraimentremis des jours qui suivirent ce scrutin.

Déclarébattupar FaureGnassingbé, ilavait dénoncé une fraude et s’était pro-clamévainqueur le 26avril : «Togolaises,Togolais !Votreprésident vousparle.Oui,votre président, car nous n’avons pasperdu cette élection. » Quelques joursplustard,victimed’uneattaquevasculairecérébrale, il était évacué en France.

Il était rentré au Togo à la fin de 2008,mais sa santé était précaire. « Quand ilétaitmalade,même lesmembres de sonparti [l’UniondesForcesdeChangement,NDLR]nesontpasvenus lui rendrevisite.La solitude a sans doute précipité samort », témoigne Carlos, l’un de ses fils.Il s’est éteint dansune cliniquedeLomé,le 16 mai. ● JEAN-CLAUDE ABALO, à Lomé

TOGO

L’adieuà AkitaniLe candidat unique del’opposition à la présidentiellede 2005 est décédé le 16 mai,à l’âge de 80 ans.

BEN

CURTIS/SIPA

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appels à la chute du régime se sont faits de plusen plus pressants. Aujourd’hui, le président sebat pour sa survie politique et celle du régimemisen place en 1970 par son père, feu le présidentHafez al-Assad.

Le règne des Assad père et fils dure depuisquarante et un ans, une longévité comparableà celle d’autres autocrates arabes qui semblent

ToutacommencéàDeraa,dansleSud,près de la frontière jordanienne, àla mi-mars, quand une quinzained’enfants ont été brutalementinterpellés pour avoir recouvert unmurdegraffitis hostiles aupouvoir.

Indignés, leursparents sontdescendusdans la ruepour manifester leur colère, bientôt rejoints pard’autres citoyens. Le soulèvement était amorcé ets’étendra rapidement à tout le pays, inspiré, dumoins enpartie, par ladémonstrationde forcedu« pouvoir populaire » qui s’est répandue commeunetraînéedepoudred’unpaysà l’autre,ébranlantles fondationsde l’autocratie arabe et bousculantl’ordre politique sclérosé duMoyen-Orient.

En Syrie, les autorités ont alors commis uneerreur fatale. Comme prises de panique, les for-ces de sécurité ont commencé à ouvrir le feusur les manifestants – et continuent de le faire.À la fin d’avril, on déplorait plus de sept centsmorts, davantageencoredeblessés et desmilliersd’arrestations. Mais les informations fiables enprovenancedeSyrie sont rares et il est impossibled’avoir des chiffres sûrs. Ville pauvre dans unerégion rurale négligée par le pouvoir et anémiéepar une longue sécheresse,Deraa a été le théâtred’undéchaînementde la violenced’État. Commepour la punir d’avoir été le berceau du soulève-ment, les chars y ont été envoyés pour écraserles manifestations dans ce qui s’apparente à unsiège. L’eau et l’électricité ont été coupées et lanourriture est devenue rare.

UNE « CAUSE » À DÉFENDRE. Les morts deDeraa et d’ailleurs, les processions funérairespoignantes qui les ont suivies, ont attisé la colèredu peuple et sa soif de vengeance. La légitimitédu président Bachar al-Assad s’est érodée. Les

La chute deLa chute de lla maison

PATRICK SEALE

La répression sanglante de lacontestation a attisé la colère dupeuple et sa soif de vengeance.Débordé par l’aile dure du régime, leprésident Bachar voit sa légitimités’éroder tous les jours un peu plus.Et ne dispose que de très peude cartes pour renverser la situation.

SYRIE

� PHOTO DE FAMILLE

DATÉE DE 1986.Assis, Hafezal-Assad et sonépouse,Anissa.Debout, de g. à dr.,leurs enfants,Maher, Bachar,Bassel, Majd etBushra.

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Maghreb &Moyen-Orient

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La chute de la maisonla maisonAssadAssad

immunisé contre lemécontentement populaire.Dans un entretien au Wall Street Journal, le31 janvier, il affirmait que la Syrie ne pouvait êtrecomparée à l’Égypte : «Pourquoi la Syrie est-ellesi stable, alors que nous nous trouvons dans unesituation plus difficile ? L’Égypte bénéficie dusoutien financier des Américains tandis que laSyrie est soumiseàunembargo international.

partager lamêmedéterminationàêtreprésidentsà vie. Dans aucune autre région dumonde onnecompte autant de dirigeants qui s’accrochent aupouvoir avecune telle obstination.Bachar sembleavoir vraiment cru que l’idéologie nationalistearabe dont il a hérité, son opposition à Israël etson soutien aux mouvements de résistance duHamas àGaza et duHezbollah au Liban l’avaient

BALK

ISPRES

S/ABACAPRES

S.COM

Repères

● ● ●

1963

Coup d’Étatmilitaire du Baas,instauration del’état d’urgence

1967

Guerre desSix-Jours

1970

Coup d’État deHafez al-Assad

1973

Guerre du Kippour

1982

Insurrection desFrères musulmansà Hama

1994

Disparitionaccidentelle deBassel, fils aînéde Hafez et sonsuccesseur désigné

2000

Décès de Hafezal-Assad. Son filsBachar lui succède

2003

Invasion de l’Irakpar les États-Unis.Le Congrès votedes sanctionséconomiquescontre Damas

2005

La Syrie retire sestroupes du Liban

2008

Visite de Bachar enFrance à l’occasiondu sommet del’Union pour laMéditerranée(UPM). Fin d’unepériode d’isolementdiplomatique

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Nous avons de la croissance, sans parvenirà couvrir tous les besoins de nos concitoyens.Pourtant, notre peuple ne s’est pas soulevé. Cen’est pas une affaire de besoins ou de réformes,mais d’idéologie, de convictions et d’une causeà défendre. Il existe une grande différence entrela défense d’une cause et le vide idéologique. »

Malheureusement pour Bachar, cette ana-lyse s’est révélée erronée. Prononcé devant unParlement totalement inféodé et régulièrementinterrompupar des acclamations déplacées, sonpremier discours public, le 30 mars, a été uneopérationde relations publiques désastreuse. Enaparté, il a semblé admettre que les crises exté-rieures l’avaientempêchédeconduire les réformes

envisagées lors de son accessionau pouvoir. Le 16 avril, dans unsecond discours, à l’occasionde la nomination d’un nouveaugouvernement, il a annoncé lalevéede l’état d’urgence, imposé

depuis la prise du pouvoir par le parti Baas, en1963, et l’abolitionde la sinistreCourde sûreté del’État. Mais ces gestes sont apparus bien timidesquand il s’est avéré que les manifestations res-taient soumises à une autorisation duministèrede l’Intérieur.

Bachar est désormais confronté àundéfi aussiarduquepérilleux : restructurer enprofondeur lesystème de gouvernance fossilisé hérité de sonpère, désormais obsolète et rejeté par lamajoritéde la population.À l’instar des autres Arabes, lesSyriens réclamentdes libertéspolitiqueseffectives,l’élargissement des prisonniers d’opinion, unejustice indépendante, lasanctiondespersonnalitéscorrompues, unepresse libre, unenouvelle loi surles partis politiques ouvrant la voie àunvéritablepluralisme (avec l’abrogation de l’article 8 de laConstitution, qui consacre le parti Baas comme« pilote de l’État et de la société ») et la fin, unefois pour toutes, des arrestations arbitraires, dela brutalité policière et de la torture.

Bachar peut-il satisfaire à ces exigences? A-t-illa volonté et la capacité de le faire ? Peut-il espé-rer l’emporter sur les intérêts vitaux de son clan,de ses services de renseignements, des chefs de

l’armée, des figurespuissantesde la communautéalaouite et de la petitemais influente « nouvellebourgeoisie », enrichie par la transition d’uneéconomie contrôlée par l’État à une économiedemarchéqu’il a lui-mêmeorganiséependant ladernièredécennie?Ces forcesdisparates refusentla fin d’un système qui leur a apporté privilègeset prébendes. Enfin, Bachar peut-il changer lesméthodes brutales de sa police et des forces desécurité? Peut-onespérermodifier deshabitudesde répression enracinées depuis plus d’undemi-siècle, voire plus longtemps ? (Car l’autocratien’est pas une invention assadienne.)

DURCISSEMENT. Avant que n’éclate la crise,Bacharnesecomportaitpas, tant s’en faut, commele « traditionnel » dictateur arabe. À 45 ans, ilaffichait une étonnante jeunesse d’esprit, avaitdesmanièresmodestes et n’était pasmûpar cettearrogance qui caractérise ceux qui sont nés pourle pouvoir. Il était un jeune étudiant en ophtal-mologie quand, en 1994, lamort accidentelle deson frère Bassel, successeur désigné deHafez, lepropulsa, à son corps défendant, sur le devant dela scène politique.

À son arrivée aupouvoir, en 2000, il se retrouveà la tête d’un pays totalement décalé par rapportàunmondedeplus enplus globalisé et technolo-giquement avancé. Ses premières réformes sontdonc financières et commerciales. La téléphoniemobile et internet font leur apparition. Écoles etuniversités privées se multiplient. En 2004, lesbanques et les compagnies d’assurance privéessont pour la première fois autorisées. Cinq ansplus tard, en2009, uneplaceboursière voit le jour.Bachar noue une alliance politique et économi-que avec la Turquie – les deux pays supprimentles visas –, ce qui renforce le commerce entre lesrégions frontalières et profite beaucoup à Alep.La vieille ville de Damas connaît une secondejeunesse. D’anciennes maisons arabes sont res-taurées, restaurants et hôtels poussent commedes champignons pour accueillir un nombregrandissant de touristes. Avant la crise, la Syrienégociait sonentréedans l’Organisationmondialedu commerce (OMC) et avait conclu un accord

Bachar peut-il encoreréformer un systèmepolitique fossilisé?

18 mars 2011

Manifestation àDeraa pour demanderla libération de15 adolescents quiavaient tagué« Le peuple veutla chute du régime »sur les murs dela ville. Violenterépression: au moins4 morts et descentaines de blessés.

23 mars

Le limogeage dugouverneur de Deraane met pas un termeà la contestation.Les tirs des forcesde l’ordre font unecentaine de morts.

26-27 mars

Violences à Lattaquié.Damas incrimine lesislamistes.

Libération de260 prisonnierspolitiques.

29 mars

Démission dugouvernement.Une manifestationde soutien aurégime rassembledes centainesde milliers depersonnes à Damas.

Chronologie d’une révolte

● ● ●

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d’association avec l’Unioneuropéenne.

Mais il semble que lesannées de pouvoir aientendurciBachar, quidevientplus autoritaire, développeun goût pour le contrôledes médias, de l’univer-sité, de l’économie – àtravers les « copains », telsque son richissime cousinRami Makhlouf (voir J.A.no2625)–, etplus largementde la société.

La liberté d’expressionn’est pas autorisée. Lesleviers politiques sonttenus par un petit cerclerestreint qui gravite autourdu président et des servi-ces de sécurité. Commeson père, Bachar n’aimepas être bousculé ni don-ner l’impression de céderà la pression. Pourtant, nombre de Syriens lesoutiennent encore et continuent de voir en luiun dirigeant éduqué, moderne et laïc, mieux àmême que beaucoup d’autres de mener à bienles réformes nécessaires.

DÉFECTIONS. À l’heure où nous écrivons ceslignes,Bachar sembleconserverunechance ténued’assainir la situation et de bénéficier, peut-être,d’un sursis. À la condition sine qua non de fairecesser lemassacredesmanifestants et deprendrela tête du mouvement réformateur en opérantun coup d’État silencieux contre les partisans dela ligne dure.

Mais il est peut-être déjà trop tard. Il se peut eneffet que Bachar ait perdu toute autorité sur deshommes comme son frère,Maher, commandantde la garde républicaine, qui semblepréconiser larépressionmusclée pour écraser la contestation.Tantquel’arméeet lesservicesdesécuritéresterontloyaux, l’opposition aura du mal à désarçonnerle régime. Mais des rumeurs de défections dans

l’armée circulent, et certains membres du Baasont démissionné.

Il faut également souligner que le régimeAssada des ennemis déterminés, à l’intérieur comme àl’extérieur,quiconspirentcontre luidepuis lespaysvoisins – Liban, Jordanie, Irak, Arabie saoudite etaussi Israël –, sans oublier les opposants exilés àParis,àLondresetauxÉtats-Unis.Cesennemisontsenti l’odeur du sang. Surfant surla vague tumultueuse de la dissi-dence populaire, ils ne vont paslâcher prise. Selon des télégram-mes diplomatiques révélés parWikiLeaksetpubliésmi-avrildansleWashingtonPost, ledépartementd’Étataméricainafinancésecrètement,entre2005et2010,unréseaud’opposants syriens basé à Londres à hauteur de12millions de dollars [8,5millions d’euros].

Il est légitimede considérer que l’action du filss’inscrit dans le droit fil de celle du père. Hafeza non seulement désigné Bachar pour lui succé-der, mais il lui a aussi transmis un système

30 mars

Premier discoursde Bachar : la luttecontre la corruptionet le chômage sontune priorité. La levéede l’état d’urgencen’est pas évoquée.

8 avril

Manifestations àDeraa : 26 morts.

14 avril

Désignation d’unnouveau Premierministre chargé demener des réformes.Les manifestationscontinuent.

16 avril

Second discours deBachar, qui promet lafin de l’état d’urgenceet l’abolition de la

Cour de sûretéde l’État.

17 avril

10000 manifestantsà Lattaquié.

18 avril

20000 manifestantsà Homs.

25-26 avril

L’armée encercleDeraa.

27 avril

Démission de plusde 230 membresdu parti Baas.

2 mai

Les forces de sécuritédonnent quinze joursaux auteursd’« infractions »pour se rendre.

10 mai

Sanctions de l’UEcontre 13 responsablessyriens.

11 mai

19 morts parmiles manifestants àDamas et à Homs.

16 mai

Découverte d’uncharnier à Deraa.

Déterminés, les ennemisdu régime ne vont paslâcher prise.

� Jour de colèreà HAMA,le 29 avril.

AFP

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autocratique centralisé reposant sur uneprésidence toute-puissante. De même lui a-t-illéguédes principes, des alliés et des ennemis quiont largement déterminé la politique étrangèresyrienne. Les contours du profil de Hafez et deBachar ont été dessinés par le conflit avec Israël.La Syrie a dû se débattre dans un environnementhostile façonné par la victoire écrasante de l’Étathébreu lorsde laguerrede1967, l’annexiondevas-tes territoiresarabes–dont leplateauduGolan–etl’allianceétroiteentreTel-AvivetWashington.Cettedernière a scellé une hégémonie régionaleisraélo-américaine dont Damas et sesalliés tentent, depuis, de s’affranchir.Déclenchéepar laSyrieet l’Égyptepourrécupérer leurs territoires et forcerIsraël à négocier une paix globale, laguerrede1973,malgréquelquessuccèsinitiaux, n’a pas atteint ses objectifs.Pis, Le Caire a signé, en 1979, une paixséparée avecTel-Aviv et s’est retiré du frontarabe. La région passe alors sous la dominationsans partage d’Israël.

Pour se défendre, la Syrie noue, en 1979, unpartenariat avec lanouvelleRépublique islamiqued’Iran. En 1982, après l’invasion israélienne duLiban,qui visaitàneutraliser l’influence syrienne,détruire l’OLP et « satelliser » le pays du Cèdre,Damas trouvedes alliés locauxparmi lesmouve-ments de résistance chiites duSud-Liban, dont leHezbollahdeviendra le fer de lance. Engagédansuneguérilla, avec l’appui logistiqueetmilitairedelaSyrie etde l’Iran, leHezbollah réussit, en2000,àbouter Israël horsduSud-Liban,aprèsdix-huit ansd’occupation. Ainsi naquit l’axeDamas-Téhéran-Hezbollah qui, au fil des ans, devient le principalrival régional des États-Unis et d’Israël.

PRESSIONS EXTÉRIEURES. Washington et Tel-Aviv n’ont pas ménagé leurs efforts pour brisercet axe et l’empêcher d’acquérir une capacitéde dissuasion. L’Iran a dû subir une constantediabolisation, des sanctions économiques et desmenaces d’attaques militaires en raison de sonprogramme nucléaire, tandis qu’Israël multi-pliait les tentatives de destruc-tion du Hezbollah, comme lorsde la guerre de juillet-août 2006au Liban. La Syrie, de son côté,a essuyé des intimidations, dessanctions américaines, et uneattaque israélienne, en septembre2007, contreunsite censé abriter des installations nucléaires.

Bachar a dû se débattre avec ses propres cri-ses. Il a survécu à la « guerre mondiale contre leterrorisme » menée par George W. Bush aprèsle 11-Septembre, puis il a dû affronter la grandeépreuvede l’invasionetde la longueoccupationdel’Irakpar lesÉtats-Unis. Si l’entreprise américaineavait été couronnée de succès, la Syrie aurait été

laprochainecible, comme lesnéoconservateurs–principaux architectes de la guerre d’Irak – leprojetaient. Puis Damas a été confronté à la criselibanaise de 2005, déclenchée par l’assassinat duPremierministreRaficHariri. Les forces syriennesse retirentduLiban, tandisque lespressionscom-binées de la France et des États-Unis font planerunemenace sur le régime Assad.

Commeunnuagenoirsurlesévénementsactuelsplane lesouvenirdesmassacresdeHama,en1982,quand Hafez al-Assad réprima dans le sang un

soulèvement armé des Frères musulmans. En1977, cesderniersavaient lancédesattaquesterroristes contre le pouvoir, assassinantdesprochesduprésidentavantdeprendrele contrôle de Hama, où ils liquidèrentle Baas et les représentants du gouver-nement. Le régime reprit le contrôle dela ville au prix d’un bain de sang : entre

10000 et 20000morts.

DIALOGUE DE SOURDS. Trente ans plus tard,les islamistes rêvent de vengeance, tandis queles minorités redoutent de faire les frais d’unechute du régime. Sortant de leur clandestinité,les Frères musulmans ont appelé le peuple àrejoindre les manifestations. Le combat pour laliberté risque ainsi d’être noyé dans un conflitconfessionnel.

Tel a été l’apprentissage du président Bachar,qui a dû, comme son père, résoudre une sériede crises potentiellement mortelles. Les deuxhommes ont pu s’enorgueillir d’avoir assuré aupaysunecertaine formede stabilité et de sécurité,notammentenregarddessouffrancesdesLibanaiset des Irakiens. Mais il a fallu en payer le prix.

Pour survivre dans un environnement hostile,les autorités ont transféré d’importants pouvoirsaux services de sécurité, qui sont les gardiens durégime–aggravantd’autant la rancœurdesSyriens.Il en a résultéundialoguede sourds.Obsédésparlescrisesexternes, lesAssadenontnégligé la scèneintérieure. Qu’importent les libertés politiques,devaient-ils certainement penser, si la sécurité etla stabilité sont assurées. « La forme de liberté laplus sublime, écrit, le 25 avril, le quotidienofficielTishrin, est la sécurité de la patrie. »

La récente explosionde ragepopulaire a incon-testablement pris Bachar par surprise, commecomme ce fut le cas pour d’autres autocrates. Il adû détourner son attention des périls extérieurspour se concentrer sur des défis intérieurs plusurgents. Lasituationactuelle lui imposed’élaboreret demettre enœuvre des réformes profondes. Illui faudra changer radicalementd’approche.Celane sera pas chose aisée, et une issue favorableest loin d’être acquise. La menace intérieure àlaquelle Bachar est confronté est aumoins aussipérilleuse que lesmenaces extérieures que lui etson père ont affrontées avec succès. ●

Qu’importe la liberté sila stabilité et la sécuritésont assurées? Erreur!

onale

nt

soulèv19

3 10 10

77

Compositionconfessionnelle

de la population en%

POUR

22,19 millionsD’HABITANTS (2010)

SUNNITES

ALAOUITES

CHRÉTIENS

DRUZES

● ● ●

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«LA RÉPUBLIQUE des copains et descoquins ! » Une terrible formule duFrançaisMichel Poniatowski pour évo-quer, il y a trente-cinq ans, l’État-UDR.

LaTunisie a vécu la « République des coquins »durant vingt-trois ans. Elle connaîtrait maintenantla « République des copains », celle des clans etdes « visiteurs du soir ».

Certes, de telles accusations sont la conséquencedirecte de l’impression d’opacité que donneraitun pouvoir tenu par l’élite et par l’establishment,provoquant inévitablement la suspicion de labase populaire et augmentant les risques decontestation et de blocages.

Certes, ceux qui ont immédiatement « succédé »au dictateur ont commis l’erreur de s’appuyersur la Constitution de l’ancien régime : exit leComité de salut public adossé à l’armée – qui estlégitimiste – et la purge politique du système aunom des aspirations populaires.

Certes, le peuple a l’impression que les autoritésprovisoires tergiversent, que la liberté et la justicene sont pas au rendez-vous, que des personnalitésemblématiquesde l’ancien régimeet leurs acolytessont ménagés.

Certes, pensent certains, le temps faisant sonœuvre, le peuple se lassera et passera à autrechose. La grande révolution aura été que BenAliet samafia soient par-tis : maintenant, onpeut aller se coucher.Circulez, il n’y a rienà voir !

Certes, les caciquesde la politique comprennent difficilement que ladonne a changé, et que le peuple risque de consi-dérer que sa révolution est inachevée après cefaux départ et une contre-révolution rampanteque les nervis du passé tentent d’alimenter parla politique de la terre brûlée et la violence.

Certes, certes, certes, mais il va bien falloiravancer.

L’intérêt supérieur de laTunisie commande des’engager « haut les cœurs » dans la phase nou-velle qui se dessine: celle d’un processus électoralinédit. Une nouvelle République pourrait émergerde l’élection de l’Assemblée constituante. Laplupart des partis légalisés ont les yeux tournésvers cette élection, qu’ils croient déterminantepour eux, car ils pourront enfin mesurer leurpoids.Mais cela ne sera qu’indicatif: ce sera plutôt

lors des élections législatives que l’avenir politiquedes partis « croupions » se jouera. C’est là queles alliances et les coalitions prendront toute leurimportance, pour dégager une majorité de gou-vernement. D’ici là, ces partis auront eu le tempsde s’organiser.

Une Constituante n’est pas une Assembléenationale, sa gouvernance reste transitoire. LaConstituante pourrait choisir la solution de facilité,celle d’un gouvernement d’union nationale tran-sitoire, mais qui risquerait d’être paralysé. Ellepourrait aussi choisir l’apprentissage « grandeurnature » de la démocratie, avec un système decoalition post-électorale, unemajorité gouverne-mentale et une opposition républicaine.

Le Premierministre transitoire serait alors issude la coalition majoritaire de la Constituante,tandis que le président élu de la Constituantepourrait cumuler la fonction de président de laRépublique transitoire, afin de ne pas la person-naliser, le temps d’élaborer une nouvelleConstitution et d’organiser des élections législa-tives et présidentielle.

« De l’audace, encore de l’audace, toujours del’audace » pour que la magie tunisienne puisseopérer à nouveau.À défaut de donner à la dyna-mique de la révolution du 14 janvier « des gages »,

c’est « Dégage! » que les dirigeants entendrontencore crier sous leurs fenêtres.

Un gage politique d’ouverture serait l’introduc-tion du concept de référendum populaire. Unautre gage endirectiondudéveloppement régionalserait l’adoption duprincipe deConseils régionauxélus: ils bénéficieraient d’affectations budgétairesspécifiques décentralisées, autogérées par chaquerégion, sous le contrôle d’un Sénat constitué enSeconde Chambre des représentants desrégions.

Les métamorphoses audacieuses sont désor-mais requises: il ne faut pas hésiter à souffler surla braise si l’on veut que les cendres s’éparpillent!C’est ce que la lutte pour l’indépendance nationalenous avait appris. L’esprit de Bourguiba n’a-t-ilpas plané sur laTunisie en ce 14 janvier, pour laseconde libération du pays? ●

GhaziMabrouk

Conseiller spécialde l’Observatoireeuropéen duMaghreb

TRIBUNETunisie: du faux départà la contre-révolution

L’intérêt supérieur du pays commandede s’engager résolument dans la phase

nouvelle, celle d’un processus électoral inédit.

D.R.

OpOpininioions&

éditororiaiauxux

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Tunis

SilianaRouhia

Tataouine

Dehibaibaa

Remada

TUNISIE

ALGÉRIELIBYE

50 km

G éographiquement prise entenaille entre la Libye etl’Algérie, la Tunisie subit deplein fouet les contrecoups

de la guerre entre les forces de Kaddafiet ses rebelles. D’une part, les popula-tions frontalières vivent, depuis le moisd’avril, au rythme des tirs d’obus libyensetdes infiltrationsdesbrigadesdeKaddaficherchantàprendreà revers les rebelles.D’autre part, les incursions de groupesarmés– liésounonàAl-QaïdaauMaghrebislamique (Aqmi)–àpartir de l’Algérie semultiplient.

Sur le terrain, l’armée tunisienneet lesforcesdesécurité intérieuresontenalertemaximale, notamment dans le sud. Deshélicoptères et des F-5 de l’arméede l’airpatrouillent tout le long de la frontièreet des véhicules tout-terrain sillonnentle désert et les montagnesà la recherche de suspects.DesbrigadesdeKaddafiontàplusieurs reprises franchila frontière. On rapporte lecasde220soldats,àbordde70véhicules, quiontétédésarméset ren-voyés illico presto chez eux, le 14mai.

ÉQUILIBRISME.«Faceà laguerre libyennequiestànosfrontières,adéclarélePremierministre du gouvernement provisoire,Béji Caïd Essebsi, nous faisons preuvede sagesse, de circonspection, et nousne jetonspasd’huile sur le feu. »C’était le8mai, au lendemainde la troisièmepro-testationdiplomatiqueauprèsdeKaddafi,qui n’a cessépourtant depromettre qu’ilallaitmettre finaux tirsetaux infiltrations.Le gouvernement lui a lancé un nouvelavertissement, affirmant que la Tunisieprendrait « les dispositions nécessairespourpréserver l’intégritédeson territoirenational et la sécurité des habitants etdes réfugiés… »Mais Kaddafi n’en a cureet poursuit l’escalade militaire. Dernierincidentendate : le17mai,unevingtainede roquettes de type Grad tirées par ses

forces sont tombéesdans les environsduvillagedeDehiba,à lasuited’uneoffensiveavortée pour reprendre le contrôle duposte-frontière de Wazzan, tenu par lesrebellesadossésà la fortificationnaturelledu Djebel Nefoussa. Le gouvernementtunisien hausse aussitôt le ton dans saquatrième protestation en un mois etexprimesa«vive indignation»auxautori-tés libyennes.«Bienqu’il se soit engagé,àplusieursreprises,àempêcherses troupesde tirerendirectionduterritoire tunisien,le gouvernement libyen n’a pas respectéses engagements », déclare Tunis, quiavertit que la poursuite de ces « agres-sions » aura «des conséquencesnéfasteset immédiates » sur les relations entreles deux pays. Le gouvernement déclarequ’aucasoùcesviolationsnecesseraientpas la Tunisie serait amenée à prendre

des « mesures fermes » pour défendrel’inviolabilitéde son territoire, y comprisen portant l’affaire devant l’ONU.

Entre-temps,c’estàunexerciced’équili-brismequese livre legouvernement tuni-sien, dont le cœur penche pour lesrebelles, et qui entretient de bonsrapports avec les représentantsde leurgouvernementprovisoire,basé à Benghazi, sans toutefoislui accorder, au stade actuel, lareconnaissance diplomatique.Un effort extraordinaire estaccompli pour recueillir etsoigner lesblessés,etaccueillirles réfugiés libyens de tousbords. Kaddafi, de son côté, s’ilpersistedanscettevoie, risquedeperdreenTunisie le seulpointdepassage qu’il lui reste pour lesdéplacementsdeseshommesàl’étrangeret leravitaillement.Les

Tunisiensn’ontentoutcasplusconfianceen lui et s’attendent aupire. Ilsn’oublientpas que Kaddafi avait pris position enfaveur de BenAli dès le lendemain de sachute, un mois avant le déclenchementde la révolteenLibye. Il est vraisemblableque, s’iln’avaitpas lui-mêmeétéaccaparépar la répression de son peuple, il auraitaidéleclanBenAliàmenerdesopérationsdedéstabilisationde la révolution.Parsesopérationsmilitairesà la frontière,Kaddafiauraen tout cas amené le gouvernementtunisien à dépêcher le gros de l’armée etde lagardenationaledans l’ouestet le sud

pourempêcher les infiltrations tout lelong de la frontière avec laLibye (459 km) et l’Algérie(965 km). Un déploiementprioritaire,maisquidégarnitd’autantlesgrandesvilles,aumomentoù l’état d’urgenceest toujours en vigueur etl’insécuritépersistante,dufaitdes actes de violence spora-

diquesattribuésauxforcescontre-révolutionnairesetà la criminalité.

ACCROCHAGE MEUR-TRIER. Les infiltrationsde groupes armés via lafrontière avec l’Algérie

TUNISIE

Kaddafi, Aqmi :la double menaceTirs de roquettes et incursions de brigades loyalistes libyennes,infiltration de groupes terroristes via la frontière avec l’Algérie…La population et les forces de sécurité sont sur le qui-vive.

Tunis a déjà adressé quatreprotestations à Tripoli. Et pourraitporter l’affaire devant l’ONU.

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commencent, quant à elles, à devenirinquiétantes. Les forces de sécurité ontainsiarrêté,enmai,deuxgroupesdedeuxhommes de nationalités algérienne etlibyenne, vraisemblablement membresd’Aqmi (lire ci-dessous). Selon des sour-ces sécuritaires, l’interrogatoire de ces

commandos accrédite la thèse selonlaquelle Aqmi les a entraînés et envoyésenéclaireurs,avecpourmissiondemettreenplacedescachesd’armes–dontcertai-nesontétédécouvertes. Lesautoritésontappelé lespopulationsdansl’ensembledupaysà leursignaler l’identitédesétrangers

qu’ilshébergent,quecesoitdansleshôtelsou chez l’habitant, ce qui a contribué àaider les unités chargées depourchasserlessuspectsàopérerdenombreusesarres-tations.Danslecentre-ouestdupays,deuxhommes,détenteursdepasseportslibyens,venus d’Algérie et porteurs de ceinturesbourréesd’explosifs, ont ainsi étéabattusle 18 mai, près de Rouhia (gouvernoratde Siliana), alors qu’ils prenaient la fuiteaprès avoir été repéréspar lapopulation.Pourchasséspardesélémentsde l’arméeet de la garde nationale, ils ont ouvert lefeu, tuant un colonel et blessant deuxsoldats. L’opération s’est poursuivie parunratissagede la régionavec le concoursde l’aviation pour retrouver un troisièmesuspectetd’autresindividusquiseseraientrécemment infiltrés dans le pays.

Entre les incursionsd’éléments libyenset les infiltrations de groupes armés vial’Algérie, la tâchede laTunisie s’annoncerude. « Nous avons presque la certitudequecequisepasseenLibyepeutavoirdesconséquences fâcheuses dans la région,passeulementenAlgérie,maiségalementdans lespays voisins », déclarait, enavril,Mourad Medelci, ministre algérien desAffaires étrangères. Il ne croyait, hélas,pas si bien dire. ●

ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

AUDEOSN

OWYCZ

C e n’est pas un seul groupe pré-sumé membre d’Al-Qaïda auMaghreb islamique (Aqmi) que

les forces de sécurité tunisiennes ontarrêté dans le sud aumois demai,maisdeux. Lepremier, c’était le 11mai, à l’hô-telMédinadeTataouine. Il était composéde deux jeunes Libyens. Au départ, lesautorités ont déclaré qu’ils avaient une«bombe artisanale », venaient d’Algérieet comptaient poursuivre leur route versla Libye. C’était pour se donner le tempsd’approfondir l’enquête.

Le second groupe a été arrêté dans lanuit du 14 au 15mai, dans lamontagne

de Nekrif, à 25 km de Remada. C’estune unité saharienne de la garde natio-nale qui lui a donné l’assaut après avoirreçudes renseignements sur laprésenced’étrangers.

D’après des sources sécuritaires, legroupe est composé d’un Algérien sur-nommé « Abou Meslem », qui a rejointAqmi il yaunedouzained’années,etd’unLibyen, dont lenomdeguerre est «AbouBatin », qui a reçu, il y a cinq ans, uneformationdans le campd’entraînementd’Aqmi près de Bir el-Ater, à 87 km ausud de Tebessa, en Algérie. Tous deuxfaisaient partie d’une section d’Aqmi

qui aurait été chargée, au lendemain dela révolution du 14 janvier, de préparerdes attentats à l’explosif en Tunisie. Ilss’y sont rendus séparément etàdesdatesdifférentes dans la deuxièmequinzained’avril, via la frontière algéro-tunisienne,pour gagner ensuite les montagnes deBeni Khedache, à une cinquantaine dekilomètres de Tataouine.

ARSENAL. Les autorités ont saisi troiskalachnikovs, des munitions, des char-geurs et des explosifs TNT, ainsi qu’unGPS, deux téléphonesportables, un fauxpasseport libyen, des euros et desdinars.Lors de l’interrogatoire, ils ont reconnuqu’il y avait d’autres groupes d’Aqmiqui se dirigeaient vers le nord du pays.Des aveux qui ont sans doute permisaux enquêteurs de remonter jusqu’aucommando neutralisé à Rouhia, dansle centre-ouest, le 18 mai. ● AZ.B.

Un quatuor inquiétantLes deux minicommandos djihadistes arrêtés dans le sud auraientété chargés de préparer des attentats à l’explosif.

ÝÀ DEHIBA, non loin de lafrontière tuniso-libyenne,la tension est palpable.

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L e processus de réformes poli-tiques, dont une « profonderévision de la Constitution »,annoncé par Abdelaziz Boute-

flika le 15 avril est officiellement lancé.Pour le conduire, le chef de l’État a choisideux hommes, chargés notammentd’entamer les consultations, àDjenaneel-Mithaq, une résidence d’État sur leshauteurs d’Alger, avec les partis, les per-sonnalités politiques, les partenairessociaux, ainsi que les organisations dela société civile. Si le choix du prési-dent s’est porté sur deux personnalités,c’est parce que les réformes envisagéescomportent deux volets. Le premier,éminemment politique, concerne leprojet de révision constitutionnelle,l’élaboration d’un nouveau code élec-toral, d’une nouvelle loi sur les partis, etd’une loi organique sur l’élargissementde la participation féminine dans lesassemblées élues locales. Pour prépa-rer cette batterie de mesures visant àconsolider la pratique démocratique,Abdelaziz Bouteflika a décidé d’asso-cier à son élaboration l’ensemble de la

classe politique, représentée ou non auParlement. Conduire les consultations,recueillir les propositions et rédiger unrapport qui sera soumis, avant la pro-chaine rentrée sociale (septembre2011),à la présidence de la République, telleest la mission confiée à AbdelkaderBensalah, 70 ans, président du Conseilde la nation (Sénat).

CHOIX CONTROVERSÉ.Le secondvoletdes réformesporte sur ledialogue social,le développement local, le devenir del’entreprise (privée ou publique) et lamodernisationdumodedegouvernanceaux plans local et national à travers uneplus grande implication de la sociétécivile. Leprésident enaconfié la chargeàMohamedSeghirBabès,68ans,présidentduConseilnationaléconomiqueet social(Cnes),brillantuniversitaireetafricanistereconnu.Si lechoixdeBabèsn’aprovoquéaucune controverse, celui deBensalah afait couler beaucoup d’encre.

Né en novembre 1941 sur les hau-teurs de Fellaoucène, dans la régionde Tlemcen, Abdelkader Bensalah est

titulaired’une licenceendroit décrochéeen1966. Boudant les robesnoires, il optepour le journalisme et entame son par-coursprofessionnel commerédacteurauquotidien arabophoneEch-Chaab (« LePeuple »), puis comme correspondantau Proche-Orient, basé à Beyrouth. En1974, il retourne àAlger pour prendre ladirection générale d’Ech-Chaab. Deuxans plus tard, l’Algérie se dote d’uneConstitution qui prévoit l’instaurationd’un Parlement. Bensalah décide alorsd’entrer en politique.

Élu député en 1977, il prend la tête dela Commission des affaires étrangèresà l’Assemblée populaire nationale, unposte auquel il sera reconduit à deuxreprises et qui lui ouvre les portes dela diplomatie. En 1989, il est nomméambassadeur enArabie saoudite, avantd’être rappeléàAlgerpourdevenirporte-parole du ministère des Affaires étran-gères, puis membre de la Commissiondu dialogue national, créée en 1993pour trouver une issue à la crise insti-tutionnelle quimenace les fondementsde l’État.

HOMMEDE CONFIANCE.L’ancien jour-naliste devient une célébrité, le dialoguenational l’ayant mis en contact avecl’ensemble de la classe politique, lesgénéraux de l’armée – acteurs détermi-nants dans la vie publique –, ainsi queles personnalités d’envergure nationale.Il hérite, en 1994, de la présidence du

ALGÉRIE

Un binôme pour les réformesLe président Bouteflika charge Abdelkader Bensalah et MohamedSeghir Babès de conduire les consultations dans la perspectived’une « profonde » révision constitutionnelle.

CRÉD

ITPHOTO

LOUIZAAMMI

LOUIZAAMMI

ÝABDELKADER

BENSALAH

(à g.),présidentdu Conseilde la nation(Sénat),et MOHAMED

SEGHIR BABÈS,présidentdu Conseilnationaléconomiqueet social(Cnes).

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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Conseil national de la transition (CNT),un parlement croupion dont les mem-bres sontdésignéspar lepouvoir. Enpré-visiondes législatives de 1997, Bensalahfait partie des membres fondateurs duRassemblement national démocratique(RND, d’Ahmed Ouyahia), « le parti del’administration », comme le qualifientses détracteurs. LeRNDremporte l’élec-tion et Bensalah se retrouve à la têted’un Parlement élu.

Sa proximité avec les hautes sphèresdu pouvoir lui vaut aujourd’hui d’êtrecontesté dans son nouveau statut de« Monsieur Réformes » de Bouteflika.«Nous aurions préféré unepersonnalitéindépendante », déploreMoussaTouati,chef du Front national algérien (FNA,opposition). Un argument balayé d’unrevers de main par la présidence de laRépublique. « Il y a apparemment unmalentendu.Bensalahn’estpaschargédemener la révisionde laConstitutionmaisde recueillir des propositions et d’élabo-rer un rapport destiné au président dela République, assure un conseiller de

Bouteflika, et pour ce faire, il est normalque ce dernier choisisse un homme deconfiance. »Toujours est-il queBensalaha entamé, le 21mai, ses rencontres avecles partis politiques, épaulé par deuxconseillers de Bouteflika : le général à laretraite Mohamed Touati et MohamedAli Boughazi (lire ci-dessous).

ÉTATSGÉNÉRAUX.LechoixdeBabès estmoins controversé.À68ans, le présidentdu Cnes jouit d’une excel-lente réputation. Bardé dediplômes – Sciences-PoAlger (1967), Sciences-PoParis, chercheur associéà l’Université Laval, auQuébec –, Mohamed Seghir Babès aaccompli toute sa carrière profession-nelle au sein du service public. Anciendirecteur général de la Sécurité sociale, iladirigé leFondsdeparticipation(holdinggérant le portefeuille de l’État) dans lesecteur des services. Il a mené de frontactivitéspédagogiqueset gestion, recher-chefondamentaleetmissionministérielle

(Santé et population entre 1992 et 1994).En 1999, Bouteflika en fait son conseillerau sein duNouveau Partenariat pour ledéveloppement de l’Afrique (Nepad),dont il dirige le panel des éminentespersonnalités chargées du Mécanismeafricaind’évaluationpar lespairs (Maep).En2005, il est éluà la têteduCnes.C’estàce titrequ’il a étédésignépourorganiser,les 14 et 15 juin, les états généraux de lasociété civile, ainsi que la concertation

pour « définir les objectifs du dévelop-pementdurable et les adapter aux atten-tes de la population », selon la formulede Bouteflika. Autre mission confiée àBabès : assurer le suivi du développe-ment de l’économiehors hydrocarbureset l’élaboration de recommandationspour rendre plus efficiente l’entreprisealgérienne. ● CHERIF OUAZANI

P our assisterAbdelkaderBensalahdans sa mission de concertationavec la classepolitique,Abdelaziz

Bouteflika a désigné Mohamed Touati,général major à la retraite, et MohamedAli Boughazi, ancien élu d’Ennahdha(islamiste). Lesdeuxhommes fontpartiedu staff d’El-Mouradia. Le premier estconseillerpour les affaires sécuritaires, lesecond est devenu la voix de Bouteflika,puisqu’il est le principal lecteur des dis-coursprésidentiels, la santédéclinanteduchefde l’État l’ayantcontraintà réduiresesinterventionspubliques.Lechoixn’estpasfortuit. On y décèle un souci d’équilibreautant régional que politique. BensalahétantoriginairedeTlemcen,dans l’Ouestalgérien, Bouteflika a tenu à faire repré-senter le centre et l’est du pays.

Natif de la région de Béjaïa, en PetiteKabylie, réputéeprochede lamouvancedesdémocrates, le généralTouati, 70ans,est surnommé El-Mokh (« le cerveau »)

pour avoir longtemps étél’éminence grise de l’institu-tion militaire. Le plus politi-que des généraux a fait partie,tout comme Bensalah, de laCommissiondudialoguenatio-nal, créée en 1993 pour sortirl’Algéried’unecrise institution-nelle. La retraite lui a plutôtbien réussi, puisqu’il occupe,depuis 2004, les fonctions desecrétaire permanent duHautConseil de sécurité.

PONDÉRATION. Quant àMohamed AliBoughazi, docteur en mathématiquesoriginairedeSkikda,pôlepétrochimiquesitué dans l’est du pays, il est considérécomme un islamiste modéré. Il a faitune brève carrière ministérielle dansle premier gouvernement d’AbdelazizBouteflika, entre 2000 et 2003, à la têtede l’Aménagement du territoire, puis en

tant que secrétaire d’État à la Recherchescientifique. La pondération de cet isla-miste bon teint séduit le chef de l’État,qui en fait un sherpa, rédacteur et lecteurde discours.

Un nationaliste, un islamiste et unmilitaire.Voilà le triochoisiparBouteflikapour conduire le traindes réformesdontla pierre angulaire est la révision « pro-fonde » de la Constitution. ●

CH.O.

Le général, l’islamisteet la démocratieDeux conseillers présidentiels participerontaux concertations avec la classe politique.

� MOHAMEDTOUATI, général majorà la retraite, surnommé « le cerveau ».

Les propositions de leursinterlocuteurs seront remises auchef de l’État avant la rentrée.

SAMIR

SID

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Deux événements concomi-tants lui ont profité : l’expira-tionde son secondmandat desecrétaire général de la Ligue

arabe, enmars, et la vacance à la tête del’État égyptien après la chute de HosniMoubarak, le11février.Enoutre,sarapideprisedepositioncontre la répressiondesinsurgés libyenspar les forcesdeKaddafilui a valud’engrangerun important capi-tal de sympathie dans son pays.

Diplomate de carrière, ancien minis-tre des Affaires étrangères (1991-2001),AmrMoussa, 74 ans, avait annoncé, dèsle 27 février, qu’il ne briguerait pas untroisième mandat à la tête de la Liguearabe et qu’il envisageait d’être candidatà l’élection présidentielle, qui devrait setenir à la fin de l’année. Une annonceintervenue le lendemainde lapropositiondu gouvernement militaire provisoired’amender la Constitution pour auto-riser un plus grand nombre de candi-datures et limiter à deux le nombre demandatsprésidentiels. Lesmodifications

proposéespar laCommissionderévisionde la Constitution ont été approuvéespar référendum le 19 mars. Désormais,toutÉgyptienpeut concourirpour lapré-sidence. « Si Dieu le veut, je serai l’und’eux»,avaitalorsdéclaréMoussa.Lequel,

si l’on en croit les résultats d’un premiersondage, devance nettementMohamedel-Baradei, ex-directeurde l’Agence inter-nationale de l’énergie atomique (AIEA)et Prix Nobel de la paix, qui avait pris latête de plusieurs manifestations pour ladémocratie durant la révolution.

Amr Moussa est dans la diplomatiedepuis ledébutdesacarrière.MembredeladélégationégyptienneauxNationsuniesen 1972, il dirige ensuite le départementdesorganisationsinternationalesauminis-tère desAffaires étrangères, auCaire. En1983, il estnomméambassadeuren Inde,avant de devenir, en 1990, représentantpermanent de l’Égypte à l’ONU. Durantses années à la tête de la diplomatie, sesprises de position propalestiniennes lerendentextrêmementpopulaireparmi lessiens. Beaucoup verront d’ailleurs danssanominationà laLiguearabeunmoyenpourMoubarakd’éloignerunconcurrentpolitique.À l’époque, lequotidiennassé-rien Al-Arabi avait annoncé la nouvelleen titrant : « Le choc ! »

Mais AmrMoussa profite de ses nou-velles fonctionspour renforcer sa staturesur les plans national et international,notamment en condamnant la politique

ÉGYPTE

Amr Moussa en pole positionFort de sa popularité et de sa stature internationale, l’ex-secrétairegénéral de la Ligue arabe nourrit des ambitions présidentielles.

OLIVIERMORIN/A

FP

AmrMoussa

37sseinHussei

TantawiTa

1616

HusseinTantawi

16

AhmedZuweil

12

AhmedZuweil

12

EssamChChararafaf

77

EssamCharaf

7

OmOmOmarSoSoululSoululeieimamanenene

5

OmarSouleimane

5

hamedMohamearadeielel-B-Bararadad

2

Mohamedel-Baradei

2

WaelGhGhononimimGh

2

WaelGhonim

2

AyAymamanNour

1

AymanNour

1

Sondage conduit par téléphone entre les 9 et 20 marspar l'Institut américain Charney Research, auprès de

615 personnes (marge d'erreur =+/–4%)

Quel est votre candidat favoripour la présidentielle ?

(en %)

� SUR LES RIVES DU LAC DE CÔME, en Italie,le 3 septembre 2010.

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ABOU DHABIRECRUTEMERCENAIRES

Cheikh Mohamed IbnZayed Al Nahyane,prince héritier d’AbouDhabi et vice-commandantsuprême des forcesarmées émiraties, achargé Erik Prince,fondateur de lasociété de sécuritéprivée américaineBlackwater(aujourd’hui Xe), demettre sur pied uneforce contre-terroristecomposée de800 mercenairesétrangers. Reste àobtenir le feu vert dudépartement d’État,

qui est en traind’examiner la légalitéd’une telle « armée ».

ARABIE SAOUDITEJE CONDUIS,DONC JE SUIS

C’est au volant d’uneBMW argentée queNajla al-Hariri asillonné quatre joursdurant, en touteillégalité, les rues deDjedda. « Il n’y a pasde loi interdisant auxfemmes deconduire! » a déclaréla militantetrentenaire, maisseulement une fatwadatant de 1990 et unepratique coutumière.« À partir du 17 juin,

je conduis! »promet-elle, surinternet, aux quelque5000 Saoudiennesqui ont pris date.

AL-QAÏDA UN CHEFPAR INTÉRIM

Le leader djihadisteégyptien Saif al-Adelaurait hérité del’intérim d’OussamaBen Laden à la têted’Al-Qaïda enattendant que ladirection de lanébuleuse désigne unsuccesseur à l’ex-ennemi numéro undes États-Unis. Uneinformation accueillieavec prudence par lesOccidentaux.

ÉGYPTE UN FRÈRE MUSULMAN… CHRÉTIEN

LE NUMÉRO DEUX DU PARTI des Frères musulmans est chrétien! Le Partide la liberté et de la justice (PLJ), nouvel organe politique de la confrérie, quia déposé sa demande d’accréditation le 18 mai, a recensé 93 coptes parmises 8821 membres. Nommé vice-président du PLJ le 16 mai, Rafik Habibpartage avec les Frères une vision très religieuse de la société. Né en 1959en Haute-Égypte d’un père prêtre, il enseigne aujourd’hui la psychologie etprône, au nom de la défense de l’unité nationale, une alliance des chrétienset des musulmans au sein d’un État islamique décentralisé protecteur desminorités. Lui-même très conservateur, il adhère depuis longtemps auxidées de la confrérie islamiste, au point de réclamer l’application de la charia.Il avait auparavant rejoint le parti Al-Wasat, proche des Frères. Depuis sanomination, Rafik Habib est la cible de critiques virulentes de la part de sacommunauté, en proie de son côté à une radicalisation. ●

AFP

Coulisses Maghreb & Moyen-Orient

� RAFIK HABIB, vice-président du Parti de la liberté et de la justice.

américaine dans la région. En juin 2010,il est le premier responsable arabe à visi-ter Gaza depuis la prise de pouvoir duHamas, en2006. «Lapositionde laLiguearabe est claire, avait-il dit. Ce blocus,auquel nous faisons tous face, ici, doitêtre levé. » Cette fermeté lui permet deconsolider sa popularité, les Égyptiensdésapprouvant la politique régionale durégimeMoubarak, jugéepro-israélienne.AmrMoussaapromptement soutenu lesmanifestants de2011et s’est renduplaceAl-Tahrir le 11 février – un déplacementlargement interprété comme un test depopularité. Il a été acclamé aux cris de :«On te veut commeprésident, on te veutcomme président ! »

RÉFORMATEUR MODÉRÉ. Ce soutienn’estpourtantpasunanime.SelonAhmedMaher, l’undes leadersde laCoalitiondesjeunesde la révolution, « il ne s’est jamaisréellement engagé contre le régime. Il atoujours attendu que d’autres balisentl’espace politique et ne s’est expriméouvertement qu’une seule fois, dès lorsqu’il était sûrque le risqueétaitminime».Il n’en restepasmoinsque, dès l’élection

présidentielle de 2005, un groupe avaitlancé une pétition l’appelant à être can-didat–unedémarche souventutiliséeenÉgypte pour sonder l’opinion.

Amr Moussa semble aujourd’hui sepositionner comme le lien entre l’ancienet le nouveau : un réformateur modéréà même de jeter un pont entre les for-ces conservatrices de l’ancien régime etune société égyptienne qui se moder-nise. Lorsqu’on lui a demandé si HosniMoubarak devait être jugé (avant l’in-carcérationde ce dernier), il a répondu:«Pourquoi faire?Nousverronss’il yadeséléments contre lui.Mais, pour l’instant,il s’est retiré et devrait être traité commeunancienprésident, avec tout le respectqui lui est dû. » Une attitude qui a irritélesdétracteursdeMoussa. «Leproblèmeavec Amr Moussa, a commenté BaheyEddin Hassan, le directeur de l’Insti-tut du Caire pour l’étude des droits del’homme, c’estque,malgré sapopularité,c’est un fils du régime. » ●

PIETRO MUSILLI, au Caire

Il se présente commeun lien entre la société etles forces conservatricesde l’ancien régime.

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Nafissatou Diallo est une trèsbonne employée de l’hôtelSofitel de New York, notée4,5 sur 5 par sa hiérarchie.Originaire de la région deLabé, en Guinée, cette Peule

musulmane de 32 ans ne rechigne pas au travailingrat qui consiste à faire les chambres de cetétablissement de luxe. Divorcée, elle doit éleverseule sa fille de 15 ans dans le quartier du Bronx(lire page suivante).

Samedi 14mai, àmidi, la voici devant la portede la suite 2806. Elle entre, tandis qu’un de sescollègues achèvededébarrasser la table dupetit-déjeuneravantdes’éclipser.Ellecommenceà fairele ménage. Soudain, sa vie bascule. Un hommenu, selon les dires de la police, sort de la salle debains, ferme la porte d’entrée et, à deux reprises,veut la contraindre à une fellation. Il la traîneensuitedans la salledebainset tente,dit-elle, de lasodomiser. Elle se débat et parvient à s’échapper,totalement paniquée.

Lundi 16mai,Dominique Strauss-Kahn, direc-teur général du Fonds monétaire international(FMI), l’un des hommes les plus influents dela planète, devient l’accusé numéro 1225782 etprend le chemin de la prison de Rikers Island.Pour quelques jours seulement. Le 19 mai, le

DSKDSKLa déchéanceLa déchéance

FRANCE

Il était un grand directeur général du FMI. Et le favori pour l’électionprésidentielle de 2012. Bref, l’un des hommes les plus influents de laplanète. En quelques minutes, Dominique Strauss-Kahn a tout perdu.

Pour une sordide histoire dans un hôtel new-yorkais.

juge Michael Obus lui accorde la liberté souscaution (1milliondedollars).Des examens ayantconfirmé des traces de griffures sur le torse deDSK, il s’est vu signifier sept chefs d’accusation,dontune tentativede viol, unacte sexuel criminel(un viol sans pénétration) et une séquestration.Selon ses avocats, Mes Benjamin Brafman etWilliam Taylor, il a choisi de récuser l’ensemblede ces accusations.

« INFINIE TRISTESSE ». Conformément à lalégislation américaine, un grand jury de vingt-trois personnes estmis en place. Il a confirmé, le19mai, l’inculpationdeDominiqueStrauss-Kahn.Laveille, cedernier avait adresséauFMIune lettrededémissiondans laquelle il confiait son « infinietristesse»et réfutait«avec laplusextrêmefermeté»

l’ensemble desfaits qui lui sontreprochés.

La descenteaux enfers del’homme qui,

depuis des mois, caracolait en tête des sonda-ges pour l’élection présidentielle française demai 2012 a sidéré lemonde entier. Les premièresréactions sont venues de sa garde rapprochée,notamment de Jean-ChristopheCambadélis

ALAIN FAUJAS

« Nafi » entre dans la suiteet commence à faire le ménage.Soudain, sa vie bascule.

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Europe,Amériques, Asie

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� PENDANT LA

LECTURE DE L’ACTED’ACCUSATION

devant la courcriminelle deManhattan,le 16 mai.

SHANNON

STAPLE

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JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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et de Jean-Marie Le Guen. Les deux dépu-tés socialistes de Paris font bloc et jugent quecette agression « ne ressemble pas àDominiqueStrauss-Kahn ». Son épouse, l’ex-journalistevedette Anne Sinclair, publie un communiquépour dire qu’elle ne croit «pas une seule secondeaux accusations » portées contre lui. La droitefrançaise fait profil bas et respecte, dans unpremier temps, la consigne de l’Élysée de ne pasen rajouter : le traumatisme infligé aux Françaispar la diffusion des images d’unDSKmenotté ausortir du tribunal est amplement suffisant.

Mais le fait-divers sordide tourneviteà la tragé-die, tant il semble incompréhensibleque l’hommepolitique le plus admiré de France se soit laisséalleràdetellesmonstruosités.Onpeutvoiruneffet

de cette sidérationdans le sondageCSApublié, le18mai, parBFMTV,RMCet 20Minutes : 57%despersonnes interrogées s’y déclarent convaincuesque l’affaire du Sofitel est un complot.

Pour tenter d’expliquer l’inexplicable, les jour-naux battent le rappel de tous les psychanalystesetpsychiatresde laplace. L’unévoque l’hybrisdesGrecs, qui fait perdre aux hommes le sens com-mun. L’autre cite Tite-Live et samaxime: « Jupiterrend fou ceux qu’il veut perdre. » Un troisièmeparle d’une conduite suicidaire destinée à éviterà l’intéressé le carcan et le stress élyséens.

DE TRISTANE À PIROSKA. La presse s’est-ellemontrée complaisante à l’excès envers un grandséducteur, dont la compulsion relèverait en fait dela pathologie? Ressort alors l’histoire deTristaneBanon, cette jeune romancière et journaliste queDSK aurait tenté de contraindre à un rapportsexuel, en 2002,mais qui n’est pas allée plus loinqu’une dénonciation – cryptée – sur la chaîneParis Première, en 2007. Refait également surfaceune autre passade qui, en 2008, faillit lui coûtersa place au FMI : sa liaison « d’un soir » avec unede ses subordonnées, Piroska Nagy.

La défense s’organise. Le 16 mai, Me Brafmanamorceunmouvement tactiqueenexpliquantque« les preuves [de l’accusation] pourraient ne pasêtre compatibles avecun rapport [sexuel] forcé ».Le lendemain, leNewYorkPost, citant une sourceproche de la défense, estime que les avocats dudirecteur général s’efforcent dedémontrer que lavictime était consentante.

Le 18mai, la contre-attaque est lancée. Blake,unprétenduprochedeNafissatou (lire ci-contre),déclare àqui veut l’entendre que la jeune femmel’a appelé de l’hôpital Saint Luke, où les policiersl’avaient conduite. En larmes, elle se serait confiée

Réaction à chaud: 57 % desFrançais pensent que l’affairedu Sofitel est un complot.

AU CŒUR DU SCAN-DALE DSK, la victimeprésumée reste uneénigme.À l’abri dans

un endroit inconnu – elle n’estretournée ni à son domicile nià son travail depuis le déclen-chement de l’affaire –, la femmedeménage du Sofitel continuede se dérober à l’énorme pres-sion médiatique.

Trèspeud’élémentsont filtré,et certains sont contradictoires.Officiellement, on sait qu’ils’agit d’une femme de 32 ansde nationalité guinéenne, quivit depuis sept ans aux États-Unis, où elle bénéficie de l’asilepolit ique. Elle s ’appelleNafissatou Diallo et appartient,semble-t-il, à l’ethnie peule,éléments non repris par lapresse américaine.

Selon son avocat, Me JeffreyShapiro, elle a quitté son pays« dans des circonstances diffi-

ciles ». Divorcée, elle vivraitseule avec sa fille de 15 ansdans le Bronx, au nord deNewYork, dansunquartier déshérité.Enfin, rien n’est sûr. Un certainBlake, qui se présente commeson frère mais serait en réalitéson petit ami – il tient un res-taurant à Harlem –, soutientque la fillette n’aurait que9 ans.

Quoi qu’il en soit, JorgeTito,le directeur du Sofitel deManhattan, jure queNafissatouest une employéemodèle, « quidonne entière satisfaction tant

par son travail que par soncomportement ».

Selon l’un de ses voisins citépar leNewYork Post, un tabloïdqui n’a rien à voir avec la pressede caniveau britannique, elleserait une musulmane pieuseet mènerait une vie tranquilleet laborieuse: « Jamais, dit-il,elle n’a causé de problème àquiconque ; elle est toujoursaimable. »Mêmesonde clochedu côté de Me Shapiro: « Sontravail était tout pour elle. Ellen’aurait rien fait qui puisse l’enpriver. C’est une femmesimple,heureuse d’avoir un emploi quilui permet de subvenir à sesbesoins et à ceux de sa fille. »

Il n’est pas exclu que l’onn’en sache jamais beaucoupplus sur la femme de chambrequi a fait chuter le tout-puissantdirecteur général du FMI. Leprogramme de protection desvictimes dont elle bénéficie est

en effet trèsefficace.

Un procèspresque aussiretentissant quel’affaire DSK est

en cours devant la Coursuprêmede l’État de NewYork.Il oppose une jeune femme àdeux policiers qu’elle accusede l’avoir violée, en décem-bre 2008. Les agissements lesplus scabreux de l’un des poli-ciers, dont la biographie a étépassée au crible, sont étalés àsatiété sur la place publique.En revanche, l’identité de lavictime a été, à ce jour, scru-puleusement préservée.

Un avant-goût de ce quiattend DSK? ●

JEAN-ÉRIC BOULIN

Ð Qui est la femme de chambre qui a fait chuter DSK?

Ð Une Guinéenne pieuse et sans histoires,

répond son entourage

La victime sans visage

Il y a sept ans,elle a obtenu l’asile

politique aux États-Unis.

PROFIL | Nafissatou Diallo ● ● ●

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à lui : «Un homme a essayé de me faire quelquechose de très mal. » Il la décrit comme « en étatde choc », ayant « tout le tempsenviedepleurer ».Me Jeffrey Shapiro, l’avocat de la victime, soulignequ’il n’y a eude sapart aucune relation consentieet que, dès qu’elle a pu se libérer, elle en a « référéà la sécurité de l’hôtel ».

Les connaisseurs des procès pénaux auxÉtats-Unis en sont convaincus :DSKn’est pas dansune

position très favorable. S’il persiste à rejeter touteincrimination, il devra prouver sa bonne foi – ousa folie. Certains échafaudent un scénario selonlequel il aurait réservé lesservicesd’uneprostituée,qui aurait étédevancéedans la suitede l’hôtel parNafissatou.Resteraitàexpliquerpourquoi, quandla jeune femme lui a résisté, il ne s’est pas arrêté.

D’autres prédisent qu’il finira par plaider cou-pable et quedesmillionsdedollars serontmis surla table par sa famille pour convaincreNafissatouet ses avocats de retirer la plainte pour agressionsexuelle. C’est ce que les Américains appellentun plea bargain.

Enattendant lesprochains rebondissementsdel’affaire, force est de constater les ravages qu’elleprovoque,dans lemondeentier.EnFrance, lePartisocialiste est resté KO debout pendant plusieursjours. Lamisehors coursede son championpourla présidentielle, candidat encore officieuxmaisfavori des commentateurs, est en effet un rudecoup. Alors, il zigzague – un peu trop – entredéfensede laprésomptiond’innocencede l’accuséet compassion pour sa victime.

Le 17 mai, les larmes de Martine Aubry ontexprimél’émotiondessocialistesfaceà ladéchéanceduplusbrillantd’entreeux.Lapremièresecrétaireaindiquéque lecalendrierduparti restait inchangé:ledépôtdescandidaturespour laprimaireappeléeàdésigner le candidatà laprésidentielle aura lieu,comme prévu, du 28 juin au 13 juillet. Mais lesrapports de force traditionnels ont vite ressurgi.Le pacte conclu entre Aubry et DSK selon lequel

SHANNON

STAPLE

TON/A

FP

� DANS LE VISEUR D’UNE

CAMÉRA DE TÉLÉVISION

lors de sa premièrecomparutiondevant la justiceaméricaine,le 16 mai.

� JEFFREY SHAPIRO, L’AVOCAT DE LA PLAIGNANTE : « Ma cliente est une femme simple. »

BEB

ETO

MATT

HEW

S/AP/SIPA

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le mieux placé dans les sondages verrait l’autres’effacer à son profit est à l’évidence caduc. Lapatronne du PS se prépare donc à être candidateface à François Hollande, son prédécesseur. Uneconsolation,quandmême:malgré le scandalequinuitévidemmentà lagauche, l’unet l’autreseraient,à en croire les sondages, qualifiés pour affronterSarkozyausecondtourduscrutinde2012.MaispasSégolène Royal, la candidate battue en 2007.

Mais le coup n’est pas moins rude pour l’Eu-rope et l’euro. Initialement refusée par l’Unioneuropéenne et la Banque centrale européenne,la participationduFMI au sauvetage de laGrèce,queDSKavait fini par faire accepter, s’est révéléebénéfique. Ledirecteur général s’était opposéauxplans par trop drastiques imposés, dans un pre-mier temps, à ce pays – demême qu’au Portugal– par des négociateurs européens qu’il qualifiaitde « fous furieux » en raison de leur brutalité.Il avait obtenu d’allonger la durée des plans deredressement et refusait toute restructurationdela dette. Selon lui, il fallait donner du temps auxpays en difficulté pour leur permettre de réduireleur déficit et d’améliorer leur compétitivité.

DansuneUEdivisée et tentéepar les sirènesde

l’égoïsmenational,DSKs’était imposé commeunfédérateurcapabledeconvaincre lesparlementai-res allemands, dont il parle la langue, de secourirla Grèce, malgré ses tricheries passées. Ami deGeorges Papandréou, le Premier ministre grec,maisayant l’oreilled’AngelaMerkel, la chancelièreallemande, il était celui qui finissait toujours partrouver les astuces techniques et politiques pourdébloquer les discussions.

Lui absent, les pays émergents et lesÉtats-Unisrisquent de s’opposer à ce que le FMI apporte lesdizainesdemilliardsdedollarsdeprêts nécessai-res aux États européens en faillite. Car DSK étaitparvenuàconvaincreunàun lesmembresde sonconseil d’administration que cette aide coûteraitmoins cher à l’économie mondiale qu’un effon-drement de la zone euro.

La gouvernance mondiale, elle aussi, est endeuil. Car le désormais ex-directeur généraldu FMI avait été l’un des premiers à prendrela mesure de la gravité de la crise financière de2007. Avec Olivier Blanchard, son économiste

en chef, il avait préconiséune politique de relanced’inspiration keynésiennequi a évité au monde desombrerdansune«GrandeDépression ». La Chine et

les États-Unis, l’Allemagne et la France, le Japonet laCoréene regrettent certainement pasd’avoirsuivi ses prescriptions.

UN PEU PLUS À GAUCHE. DSK y a gagné unecrédibilité qui lui permettait de démontrer auxgrandes puissances la dangerosité pour leurspartenairesdecertainesde leurspolitiquesécono-miques. Aucundirecteur général avant lui n’avaiteu lamargedemanœuvre suffisantepour faire ensorteque leFMI soit unpeuplusàgauche,unpeumoins dogmatique et… à nouveau bénéficiaire.C’est lui, et lui seul, qui est parvenu à faire del’organisation la cheville ouvrière du G20.

Qui, désormais, saura alterner diplomatie etfermeté pour faire comprendre aux Chinois quel’entrée du yuan dans le panier desmonnaies duFMIsupposequ’ils seplientaux loisdumarchédeschanges?Qui répéteraauxAméricains, sansqu’ilsse braquent, qu’ils doivent épargner et exporterplus, donc consommer moins ? Qui rappelleraaux Brésiliens, sans qu’ils y voient une atteinte àleur souveraineté, que le contrôle qu’ils exercentsur les flux de capitaux peut devenir dangereuxpour leur économie?

Quant au FMI, il porte le deuil d’un hommequi a su redorer son blason passablement terni.Grâce à lui, le Fonds n’est plus considéré commeun Père Fouettard à la solde des pays riches,mais, de plus en plus, comme un médecin quisait adapter ses remèdes à la situationde chaquepays, suggérant, ici, d’augmenter les impôts desplus fortunés et de combattre la fraude fiscale(Grèce) ; là, de dépenser de l’argent pour éviteraux classes les plus défavorisés de sombrer dansla misère (Pakistan).

DSKn’apaspeucontribuéàcequelesEuropéensacceptent de perdre du poids, et du pouvoir, ausein du FMI au profit des pays émergents, qui,depuis longtemps, réclamaientdes responsabilitésplus importantes.

Son remplacement va donner lieu àde sévèresbatailles. Il était convenuque leprochaindirecteurgénéralneseraitplusautomatiquementeuropéen,commeilétaitd’usagedepuis1944.DSKlui-mêmeavait déclaréqu’il serait le dernier directeur euro-péen. Mais l’UE ne veut plus renoncer au postedès lorsque lesÉtats-Unis, quidétiennentundroitde veto, refusent d’abandonner la présidence de

Il s’oppose à la brutalitédes négociateurs européens,ces « fous furieux ».

�AVECANNE SINCLAIR,SON ÉPOUSE.Elle « ne croitpas une seuleseconde » auxaccusationsportées contre lui.

JEAN-C

LAUDECOUTA

USS

E/FE

DEP

HOTO

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XINHUA/G

AMMA

la Banquemondiale, qu’ils détiennent eux aussidepuis1944.Lesémergentsexigentquelespromes-ses qui leur ont été faites concernant l’ouverturedu processus de désignation soient tenues.

Alors, qui va lui succéder ? Certains nomsreviennent avec insistance. Ceux, par exemple,deTharmanShanmugaratnam, leministre singa-pouriendes Finances,Duvvuri Subbarao, le gou-verneurde laBanquecentrale indienne,ChristineLagarde, laministre françaisedesFinances,GordonBrown, l’ancien Premier ministre britannique,TrevorManuel, leministre sud-africain du Plan,KemalDervis, l’ancienministre turcdesFinances,

voire Stanley Fischer, le gouverneur de laBanqued’Israël.

Plutôt que de choisir en fonction de l’originegéographique des postulants, ne serait-il paspréférable de retenir celui ou celle qui sembleralemieuxàmêmedepoursuivredans la voie frayéeparDominiqueStrauss-Kahn?Unevoiequiauraitdû déboucher sur une gouvernance économi-que mondiale un peu plus forte et efficace, siun démon ne s’était glissé dans la suite 2806 del’hôtel Sofitel, àNewYork, le 14mai 2011. Pour lemalheur deNafissatou, de la France, de l’Europeet dumonde. ●

SÉBAST

IEN

CALV

ET

Ý FRANÇOIS

HOLLANDE,MARTINEAUBRY

ET SÉGOLÈNE

ROYAL.Après le retraitde DSK,l’investituresocialistepour laprésidentiellede 2012se jouera entreces trois-là.

Ð PHOTO DE

FAMILLE À

WASHINGTON,LE 15 AVRIL.Le directeurgénéral duFMI prend lapose avec lesministresdes Financeset lesgouverneursde banquescentralesdu G20.

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«O nnepeutpasremplacerun éléphant par centlapins », aurait un jourdéclaré Raúl Castro à

des banquiers américains. Il faut croireque si. Depuis qu’en août 2006 le frèrecadet de Fidel a pris les commandes deCuba à la faveur des sérieux problèmesde santé auxquels le révolutionnaire enchef a été confronté, on peutmêmedirequ’unseul lapinsuffit apparemmentpourrenverser les montagnes… auxquellesl’éléphant en question n’avait jamaissongé à s’attaquer.

À lami-avril, lors duVIeCongrès, Raúla été porté à la tête duParti communistecubain (PCC) – il n’en était jusqu’ici, aumoinsofficiellement,quelenumérodeux.Et il a aussitôt entreprisde faireévoluer lerégimeenfaisantadopterpar lesdéléguésprès de trois cents réformes. Les plusspectaculaires?La(relative) libéralisationde cent soixante-dix-huit activités pro-fessionnelles et la limitation de la duréedes mandats politiques. « Son idée estde développer une version tropicale du

modèlechinois, celuideDengXiaoping»,expliquait,en2007,BrianLatell,unancienanalyste de laCIAqui a écrit la premièrebiographiedeRaúl – «uneénigme, selonlui, plus complexe que Fidel ». Certes, lecadet des Castro ne pouvait faire autre-ment:desonpropreaveu, l’îleestaubordduprécipice.Mais il n’a jamais caché sesambitions réformistes.

RAILLERIES.HorsdesCaraïbes, il a long-temps suscité lamoquerie. Il était le petitfrère condamné à vivre dans l’ombre deson aîné. Aujourd’hui encore, certainsmédias occidentaux raillent cet homme« sanscharisme»appeléà remplacerunelégende vivante.

C’estoublierque,dansson île, l’homme,en dépit de son sourire et de son appa-rente jovialité, fait peur. « Raúl n’a nil’envergure intellectuelle ni l’habiletépolitique de Fidel, dont il finit toujourspar accepter l’avis.Mais les responsablescubains le craignent, parce qu’il est dur,difficile », expliquait en 2006 AlcibiadesHidalgo, qui fut sondirecteur de cabinet

dans les années 1980 jusqu’à ce qu’ilchoisisse l’exil, en 2002. C’est oubliersurtout que le castrismen’est pas le fruitdu seul Fidel. À en croire Latell, sansRaúl, « leproducteur », Fidel, « lemetteuren scène », aurait été « incapable de semaintenir au pouvoir ».

«Malgré leursdivergencespassagères,lesdeuxfrèressont toujoursrestéssoudés.Ils saventqu’une ruptureentreeuxouvri-rait une crise très grave », analyse JanetteHabel, chercheuse à l’Institut deshautesétudes d’Amérique latine, à Paris.

L’ICÔNE ET L’ARCHITECTE.Bref, le des-tin des deux frères est indissolublementlié. Raúl est né en juin 1931, cinq ansaprès Fidel, qu’il a longtemps idolâtré.Officiellement, ils ont lemêmepère, unimmigrant espagnol devenu riche pro-priétaire terrien (mais, selon la rumeur,Raúl serait en réalité un bâtard), et la

même mère, une cui-sinière créole. Ils sontnés au même endroit,dans le sud de l’île, etont fait leurs étudeschez les jésuites. Raúls’y serait, dit-on, mon-tré moins brillant quesonaîné.Maisbienplusprécoce en matière demarxisme, auquel il seconvertit dès 1953, huit

ansavantFidel. Ensemble, lesdeuxhom-mes ont tenté de prendre le pouvoir, en1953.Ensemble, ilsont connu laprisonetl’exil, rencontréErnesto «Che»Guevara,embarquéavecquatre-vingtsguérillerosàbordduGranma et fini par entrer triom-phalement à La Havane, en 1959.

Depuis, Fidel est l’icône de la révo-lution, Raúl son architecte. Le premierenvoûte les foules et joue les visionnairesà travers lemonde. Le second sécurise etorganise,à l’intérieur. Lorsqu’ils abattentle régime du général Fulgencio Batista,c’estRaúl quidirige l’exécutionsommairede plusieurs dizaines de prisonniers,avant de prendre la tête duministère delaDéfense, qu’il ne quittera qu’en 2006.Enquarante-sept ans, il a bâti unearméeefficace et un servicede renseignementssans faille. « En imposant à l’institutionmilitaire unedisciplineprussienneet enconstituant une police politique d’uneredoutableefficacité, il adécouragé toutevelléité de putsch », estime Latell.

Surnommé par ses compatriotes « lePetit Soldat » ou « le Terrible », il passait

CUBA

Raúl, l’in-FidelLe frère du Líder Máximo est désormais le seul maître à bord.Son ambition? « Actualiser » le castrisme.

ENRIQ

UEDELA

OSA

/REU

TERS

Ý LES FRÈRES

CASTRO

lors de lacérémoniede clôtureduVIeCongrès duParticommunistecubain, le19 avril àLa Havane.

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F ondateurde l’État singapourien,dont il fut le Premier ministrede 1959 à 1990, Lee Kuan Yew(87ans)aannoncé le14mai son

retrait du gouvernement dirigé par LeeHsienLoong,sonfils.Dans lemêmecom-muniqué, Goh Chok Tong (70 ans), quia succédé à Lee Kuan Yew en 1990, a luiaussi annoncé son départ :«Le temps est venuqu’unenouvellegénérationpousseen avant Singapour, dansun contexte plus complexeet difficile. […] Après desélections législatives qui constituentun tournant, nous avons décidé […] delaisser unenouvelle équipedeministresprendre contact et ouvrir le dialogueavec cette jeune génération pour bâtirl’avenir de Singapour. »

Le 7 mai, en effet, le Parti d’actionpopulaire (PAP), qui exerce sanspartagelepouvoir depuis 1956, n’a remportéque

81 sièges sur 87 aux élections législati-ves, tandis que l’opposition triplait lenombrede sesdéputés (voir J.A. n° 2627,15-21 mai 2011). Avec une croissancede 14,4 % et un PIB par habitant de48745dollars en2010, leplusélevéd’Asieaprès le Japon, le PAP avait pourtantde sérieux arguments pour demander

aux Singapouriens de cautionner, unenouvelle fois, sa politique.

MARÉE DE CRITIQUES.Quelquesmotsmalheureux de Lee Kuan Yew visant lesélecteurs tentésdevoterpour l’oppositionetunemaréedecritiques (chertéde lavie,problèmesde logement) sur les réseauxsociaux auront finalement eu raison duvieux lion, architecte visionnairedecetteîle marécageuse et couverte de jungledevenue sous sa houlette, en l’espaced’une génération, unenation industria-lisée. « L’autoritarisme n’est plus tolérépar une population jeune, éduquée etplus occidentalisée, déclarait récem-ment l’opposantChee Soon Juan.Onnepeut plus se satisfaire de la prospéritééconomique, au mépris des libertés. »AdmirateurdeMachiavel, LeeKuanYewoccupaitdepuis1990lafonction,crééesurmesure pour lui, de «ministrementor »de son propre fils.

« Les temps ont changé, commente-t-on dans les rues de Singapour. Mais ilaurait dû se retirer plus tôt. Le décès deson épouse, enoctobre 2010, a certaine-ment davantage pesé dans sa décisionqu’unehypothétiqueprisedeconsciencepolitique. Il abandonne,mais il a toujoursdit que la retraite était le plus court che-min vers la mort. » Même si, souligne-t-on aussitôt, Lee Kuan Yew n’est pasencore tout à fait parti, puisqu’il a étéréélu député. ●

JULIETTE MORILLOT

SINGAPOUR

Les adieux du vieux lionAprès un succès moins écrasant qu’à l’accoutuméeaux dernières législatives, Lee Kuan Yew (87 ans) s’est résoluà quitter le gouvernement. Il restera comme le grand artisande l’éclatante réussite économique de son pays.

DAVID

LOH/R

EUTE

RS

� LORS D’UNE CONFÉRENCE À HONG KONG,en juin 1997 : « Il aurait dû se retirerplus tôt », estiment nombre de sescompatriotes.

En une génération, l’île pauvreet marécageuse est devenueune nation industrialisée.

chez les premiers révolutionnairescubains pour un stalinien pur jus.Pourtant, il a toujours su semontrerpragmatique.Unexemple?Lorsde ladisparitionde l’URSS,Cubaperd sonprincipal soutien financier. S’ensuitunecrise sansprécédent (la«périodespéciale »). Raúl est alors l’un desseuls à prôner le changement. « Laprincipalemenacequipèse surnous,cene sontpas les canonsaméricains,ce sont les haricots. Ceux que lesCubainsnemangentpas»,ose-t-il, en1994.Aumilieudesannées1990, c’estlui qui pose les bases de l’évolutionactuelle en injectant une dose delibéralismedans l’économie.Luiaussiqui pousse l’armée à investir dansles secteurs d’avenir pour assurer sasurvie : le tourisme, l’immobilier, lesbanques et, bientôt, le pétrole.

GORBATCHEV CUBAIN? Lorsqueson frère tombe malade, Raúl, logi-quement, le remplace. Le castrismepoursuit sa route, mais on pressentdéjà la volonté du nouveau Líder dele faire évoluer. Au fil des années, cedernierplacesespions.Les fidèlesdeFidel sont remplacés par d’anciensofficiers que Raúl prend grand soind’écouter.Décritepar l’hebdomadairebritanniqueTheEconomistcomme« lapionnièreducapitalismecubain», l’ar-mée accentue son emprise sur l’éco-

nomienationale, qu’elle contrôleraitaujourd’hui à 50 %, tandis que lesjournauxofficielsouvrent leurspagesaux « réformistes ». Fidel ne bronchepaset se contente, chaque semaineàla télévision, de livrer sa vérité sur lesquestions internationales.

Raúl Castro sera-t-il le MikhaïlGorbatchev des Caraïbes ? Pas sûr.Onne l’a jamais entenduévoquer leslibertés individuelles.Enrevanche,onsait qu’il aimait la Russie soviétique,pas celledeBorisEltsine.Ensomme,onsedirigeplutôtversuneperestroïkasans glasnost. Bref, vers une version« raúlisée » du castrisme. ●

RÉMI CARAYOL

L’aîné envoûteles foules et joueles visionnaires.Le cadet organiseet sécurise.

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J PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

«Je repense souvent au tempsoù je faisais mes devoirs sousun lampadaire. Je devaismar-cher des kilomètres pour aller

à l’école et, en revenant, je profitais del’éclairagepublic pour étudier. » Jonglantavec deux téléphones, le directeur prin-cipal des relations institutionnelles deQuebecor Media n’oublie pas d’où ilvient. «Mamèreme rend visite une foispar an et il lui arrive d’avoir la larme àl’œil, confie fièrementBenMarcDiendéré.De savoir d’où je suis parti, de voir queje suis maintenant dans cette tour, auquinzième étage, avec vue sur le Saint-Laurent, Montréal à mes pieds… »

Ses fonctions l’amènent à rencontrerdes administrations, des institutionsprivées, des représentants du gouver-nement auprès desquels il défend lesintérêts de son entreprise, l’un des plusgrosgroupesde communicationdupaysavec 16000 employés et un chiffre d’af-faires de 4milliards dedollars canadiens(près de 3 milliards d’euros) en 2010.Mais le directeur garde un profil bas:«Dansma fonction,moins je suis visible,mieux c’est. »

Dans cet empiremédiatique diversifié(télévision, internet, téléphonie, presse),« il faut veiller aux intérêts de tous, c’estun arbitrage auquotidien ». Sans oublierde maintenir le lien avec les organisa-tions professionnelles et de déchiffrerles stratégies des concurrents, « amiset ennemis ». D’ailleurs, dans le largebureau de BenMarc Diendéré, un kios-que expose non pas les quarante-huitmagazines de Quebecor, mais leursrivaux, qu’il examine attentivement.« Je dois regarder ce qui se passeailleurs. Là où les gens voient de la pubdans unmagazine,moi, je compte com-bien il y en a et combien ça a coûté àl’éditeur. »

L’ascension du jeune dirigeant au seinde Quebecor semble fulgurante. Entrédans la compagnie en 2004 en tant quepremier conseiller aux relations institu-tionnelles, il est devenu conseiller prin-cipal, puis directeur en 2005. Son armesecrète: « L’efficacité, je pense. Je melève à 5 heures du matin, je gère montemps en fonction des priorités, jem’in-forme de tout. J’ai la chance d’avoir unboulot passionnant. » Passionnant,mais

pas irremplaçable: « Je suis en phaseavec moi-même, affirme cet hommeconfiant. Si les choses changent, je repar-tirai de zéro, tout simplement.AuBurkinaFaso, j’ai vécu beaucoup de choses. »

Né le 26 août 1971 à Bobo-Dioulasso,au Burkina Faso, Ben Marc Diendéré agrandi dans cette « petite ville », avecsesgrands-parentsagriculteurs.Samère,qui l’a eu très jeune, le pousse à fairedes études, d’autant que son père estenseignant. « L’éducation était nonnégo-ciable. »Après une scolarité secondairesans accroc, il décide de partir pour la

Ben Marc Diendéré L’efficacité payanteDe la campagne burkinabèaux gratte-ciel de Montréal,une ascension fulgurante.Ce diplômé en marketingest aujourd’hui cadredirigeant de l’un des plusgrands groupes decommunication canadiens.

�ARRIVÉ AU QUÉBEC EN 1995 pourachever ses études, l’enfantde Bobo-Dioulasso n’est jamaisreparti.

JEAN-F.L

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C’ est la fin d’une exception.Cinq ans après les autrespayseuropéens,l’Allemagne(deconcert avec l’Autriche)

a, le 1er mai, ouvert son marché du tra-vail aux Tchèques, Slovaques, Polonais,Slovènes,Hongrois,Estoniens,LituaniensetLettons. Jusqu’àprésent, les travailleursdeceshuitpaysd’Europecentraleetorien-tale(quiontrejoint l’Unioneuropéenneen2004)étaientdansl’obligationd’obtenirunpermisde travail.Une restriction justifiéeà l’époque par la crise économique et lacrainte d’un affluxmassif d’immigrés.

Depuis, toutachangé: l’économiealle-mandeestenpleineembellieetlechômagerégresse. Surtout, l’immi-grationapparaît désormaiscomme un remède à lapénurie de main-d’œuvrequis’annonce.Conséquencedu vieillissement de lapopulation, on s’attend en effet, à brèveéchéance, à un déficit annuel de 400000travailleursqualifiés–médecins,person-nels soignants et ingénieurs, en premierlieu. De nombreux Allemands y voientune forme de « dumping salarial ». Pourdésamorcercescritiques, lesautoritésontannoncé un durcissement des contrôlesconcernant le travail aunoir et le respectdes salaires minimaux. Pourtant, le suc-cès de cette ouverture tardive n’est pas

assuré.Entre100000et200000travailleurssupplémentaires (selon lessources)pour-raient franchir la frontière chaqueannée.Et jusqu’à 800000 d’ici à cinq ans, pourles plus optimistes. La majorité d’entreeux serait polonaise ou tchèque. Mais lemarché du travail allemand a perdu deson attrait. Désormais, le Royaume-Uniet laScandinavie séduisentdavantage lesEuropéens de l’Est.

FUITES DES CERVEAUX? En vérité, lalevéedes restrictionspermettra surtoutàdenombreuxétrangersderégulariser leursituation. On estime en effet que 500000Polonais, légaux et illégaux, vivent et tra-

vaillentdéjàenAllemagne.Siellesécartentl’hypothèsed’uneémigrationmassive, lesassociations professionnelles des paysconcernés restent vigilantes : elles crai-gnentunepossible fuitedescerveaux, trèsdommageableà leurs fragileséconomies.Quant aux Roumains et aux Bulgares, ilsdevront attendre2014pourbénéficierdela libre circulation des personnes sur leterritoire allemand. ●

GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin

ALLEMAGNE

Revoilà les plombierspolonais!Vieillissement de la population, pénurie de main-d’œuvre…Le marché du travail s’ouvre aux Européens de l’Est.

RAINER

UNKEL

/REA

On s’attend à un déficit de quatrecent mille travailleurs qualifiéspar an: médecins, ingénieurs, etc.

� OUVRIERS AGRICOLES ROUMAINS en Rhénanie-Westphalie.

Ville Lumière, où il s’inscrit à l’univer-sité Paris-II.Très vite, il ne se voit pasrester: « La vie parisienne n’était pasfacile. » Jeune titulaire d’un DEA enmarketing et communication de l’Ins-titut français de presse, il rencontreJean-Louis Roy, secrétaire général dela Francophonie. « Il a vu le potentielen moi. » Le jeune homme obtientune bourse pour finir ses études etchoisit, en 1995, le Québec.

« Plus j’étudiais, plus j’avais enviede rester. » Le Burkinabè entre alorsà la Société de développement desentreprises culturelles du Québec(Sodec), unedes institutionspubliquesles plus influentes de la province.« Jamais on n’avait offert cette placeàunNoir. »Auboutd’unan, il retourneen classe, à HECMontréal, pour obte-nir un diplôme de troisième cycle,avant de repartir dans la vie active.En tant que directeur des opérationset chargé des projets pour PartenariatInternational Inc., il gère la commu-nication et le lobbying dans lemondede la francophonie, il est aussi trèsactif auprès des gouvernements duQuébec et du Canada. Puis une occa-sion se présente. « En 2004, un ancienpatron de la Sodec a accepté unpostedevice-président auseindeQuebecor.Il insistait pour que l’on retravailleensemble. J’ai accepté. » Le challengeest de taille : le PDG, Pierre KarlPéladeau, qui est loin de faire l’una-nimité dans le monde de la presse,veut s’entourer desmeilleurs. « On apresque le même âge, mais il fautl’apprivoiser, avoue Ben MarcDiendéré. On a la même énergie et ilme fait confiance. »

« Rester accessible » est l’un desleitmotivs du jeunedirigeant. «Mêmedans la hiérarchie, je réalise qu’il y ades choses simples, desgens simples.Si mon téléphone sonne, je répondsmoi-même. J’ai appris une chose aucours de ces dernières années: si onest face à un problème, il faut deman-der de l’aide. À tous les niveaux. »Une philosophie qu’il transmet béné-volement, en collaboration avec laChambre de commerce deMontréal,lorsqu’il visite des écoles défavoriséesde la ville pour sensibiliser, à son tour,lesenfants sur l’importancedesétudeset de la persévérance. ●

ZORA AÏT EL MACHKOURI, à Montréal

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Europe, Amériques, Asie 61

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Économie HÔTELLERIEAzalaï ajoute uneétoile sur sa carte

de fer du Simandou. Conakry considérait qu’ilsavaient été obtenus dans des conditions désa-vantageuses pour le pays.

UNEMUEREVENDIQUÉE.Cesexemplesdéfraientla chronique, mais la plupart des observateursinterrogés reconnaissent que lesmultinationales,plus exposéesqu’avant au feudesprojecteurs, ontdans l’ensemble plutôt amélioré leurs pratiques.Selon Rachel Kyte, vice-présidente de la Sociétéfinancière internationale (SFI, filialede laBanquemondiale), « le greenwashing, c’est-à-dire ledéca-lage entreune communicationbienhuilée sur lesquestions environnementales et la pratique surle terrain, est en régression au sein des grandessociétés, qui ont compris où se situait leur intérêtà long terme : le coût d’un scandale médiatiqueou, pis, d’un procès, est bien supérieur à celuid’unepriseencomptedes sujets enamont ». «Desgroupes commeAreva oumêmeTotal sont plusouverts aujourd’hui, à l’inverse de sociétés pluspetites ou non cotées », reconnaît même MarcOna Essangui, président de Brainforest.

Dans les entreprises, on revendique cettemue.Shell Nigeria,mis en cause par un rapport acca-blant d’Amnesty International en 2009, annoncedesdépensesnonobligatoires d’aide audévelop-pement localde50millionsd’euros, enplusde sescontributionscontractuelles auxautorités locales.ChezAreva,mêmesonde cloche: «Notre groupeassume toutes ses responsabilités, y compris surnos sites qui ont fermé, cequi nous coûte environ25 millions d’euros chaque année », revendiqueDidier Fohlen, responsable de ces sujets au seindupôleminier dugroupe français. «L’installationd’observatoires de santé sur nos sites gabonais etnigériens, assurantunniveaudeprotectionmaxi-mal identique à ce que nous faisons en France,est une belle illustration de notre implication »,indique-t-il.Cetteopérationamis finàdesannéesde conflit avec les travailleurs africains d’Areva,qui jugeaient être moins protégés que leurs col-lègues français.

Alors que les multinationalesminières, pétrolières et fores-tières ne cessent demettre enavant leur implication sur lesquestions sociales et environ-nementales, lesactionsmenées

contre elles en Afrique se multiplient !Les ONG locales et internationales, les syndi-

cats ou les élus africains, auteurs de nombreuxrapports sur l’impact néfaste des géants du sec-teur privé sur les populations ou l’écosystème,n’hésitent plus à aller en justice.Dernier exempleretentissant: le12avril, cinqONG(unezambienneet quatre occidentales) ont déposé une plainteauprès de l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE) contreGlencore etFirstQuantum,pourmanipulationscomptables dans le but deminimiser leurs taxesen Zambie (lire page 64).

À Libreville, c’est l’association gabonaiseBrainforest qui est passéeà l’attaque: le 28 février,elle a porté plainte contre la Comilog (filialed’Eramet), demandant 747millions d’euros pourindemniser lespopulationsduplateauBangombe,affectéespar lapollutiondes rivièreset laviolationdesdroitsdel’hommeautourdelaminedeMoanda.Plus à l’ouest, les représentants des populationspygmées pourraient aussi demander réparationpour les dommages causés par l’installation del’oléoduc Tchad-Cameroun par ExxonMobil.

Dans le même temps, les États mettent aussila pression sur les multinationales, à l’instar dela Guinée, qui vient d’obtenir de l’australienRioTinto le paiement de 494 millions d’euros pourla pérennisation de ses droits sur les gisements

CHRISTOPHE LE BEC

Les pratiques sociales et environnementales des géantsminiers et pétroliers n’ont jamais été autant passéesau crible. Les dérapages sont-ils pour autant terminés?

LE MOTQUI LAVEPLUS VERT

GREENWASHINGAppelé aussi« écoblanchiment »,c’est un procédémarketing visant àdonner à l’opinionpublique une imagede responsabilitéécologique. Il setraduit davantage parune hausse du montantinvesti en publicité« verte » que par despratiques concrètes.

LesmultinationalesLesmultinationalesont-ellesont-elleschangé?changé?

ÉTHIQUE

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ALGÉRIELes télécoms souffrenten attendant la 3G

INTERNATIONALAlcatel-Lucent renoueles fils du succès

PORTRAITReda El MejjadPDG d’Afinis Communications

MARCHÉSFINANCIERSSpécial pétrole

extractives (ITIE), et une centaine travaillent àla construction de la grille de critères sociaux etenvironnementaux des Nations unies, dite deJohnRuggie, qui vise à établir les responsabilitésdesÉtats et des sociétés enmatière de protectiondes droits de l’homme.

PRESSIONDESBAILLEURS.Lesbailleursde fondsinternationaux, qui financent des partenariatspublic-privé, jouent aussi un rôle positif. « Pourl’élaboration d’un programme de réinstallationdes populations vivant sur le site de notre minemozambicaine,nousavonsscrupuleusementsuiviles recommandations de la SFI pour le secteurminier », indique Liesel Filgueiras, du brésilienVale, qui précise que ces règles sont suivies surtous les sitesdugroupe, y compris làoù la SFIn’est

pas un partenairefinancier.

Géraud Magrin,che rcheu r auCentredecoopéra-tion internationale

enrechercheagronomiquepour ledéveloppement(Cirad), constate auTchadun impact durabledesstandardsde laBanquemondiale : «En imposantaux acteurs publics et privés de respecter un

« Le vieil adage qui dit “pour vivre heureuxvivons cachés” ne vaut plus », estime StéphaneBrabant, avocat associé chez Herbert Smith,qui accompagne des compagnies extractives enAfrique. Désormais, les entreprises savent queleurs mauvaises pratiques pèsent sur leur coursboursier, car les investisseurs sont devenus sen-sibles à ces questions.

Le risque encouru est aussi judiciaire. « Leslégislationsnationales sontdevenuespluscontrai-gnantes, en raison de l’insertion dans la loi deprincipes environnementaux et sociaux tirés deconventions internationales.Etauniveaumondial,les grandes sociétés sont également exposées ; entémoigne la loiDodd-Frank,quioblige lesgroupescotésauxÉtats-Unisàdonnerdes informationssurce qu’ils font endehors du territoire américain »,détaille StéphaneBrabant.Demême,àBruxelles,une directive européenne instaurant la transpa-rencedans les industries extractives et forestièresdevrait être adoptée avant la fin de l’année.

L’adhésion volontaire de multinationales àl’élaboration de règles internationales avec lesÉtats et sociétés civiles témoigne aussi d’un pro-grès, même si elles n’ont pas force de loi. Unecinquantaine de grandes sociétés participent àl’Initiative pour la transparence des industries

AFO

LABIS

OTU

NDE/

REU

TERS

� DELTA DU NIGER

(Nigeria). D’aprèsl’ONG LesAmisde laTerre, la zonea subi PLUS DE

7000 MARÉES NOIRES

entre 1970et 2000.

Désormais, les entreprises saventque leurs mauvaises pratiquespèsent sur leur cours boursier.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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E npleineannéeélectorale,lemécontentementcouveenZambie.Lapopulationdemandedescomptessur

lesbénéficesgénéréspar lesminesde la « ceinturede cuivre », dans lenorddupays(70%desexportationsnationales).Réalisépar lescabinetsGrant Thornton et Econ Pöyry, un«audit-pilote»commandéparlefiscfournitdesélémentsderéponseausujetde la sociétéMopaniCopperMines (MCM),quiexploite lessitesdeMufulira et Nkana.

Leconstatdressépar ce rapport,que JeuneAfrique s’estprocuré, estaccablant pour cette compagniedétenue à 73,1 % par le suisseGlencore, à 16,9 % par l’austra-lien First Quantum et à 10 % parZCCM, un holding appartenant àl’État zambien. Les auditeurs ontrelevédenombreuses« incohéren-ces»comptablesentre2005et2008,

qui rendent la structure des coûts«peufiable».Accroissement« inex-plicable»descoûtsopérationnelsetde lamain-d’œuvre, facturationdela totalitédu fretàRotterdamalorsquedenombreuxcargosaccostentdans des ports « plus proches »,« différentiels significatifs » entreproduction déclarée et effective…La liste est longue.

PRODUCTION BRADÉE. MCMcéderait aussi la totalité de sa pro-duction àGlencore, par le biais decontratsà long termeetàprix fixescalculés au plus bas du cycle ducuivre.Cequipermetà «unecom-pagniequi voudrait sortir ses reve-nus taxablesd’unpaysdes’assurer

qu’elleenregistreradespertesaussibien lorsque les prix augmententquequand ilsbaissent », indique lerapport.Laproductionaparfoisétébradée à un prix inférieur de 75 %aux coursmondiaux du cuivre.

Selon l’audit, ces « incohéren-ces » s’expliquent par la volontéde MCM de diminuer ses profits,donc sa charge fiscale.À l’inverse,en revendant cette production surles marchés mondiaux depuis laSuisse, Glencore a pu réaliser debelles plus-values.

Lesperdantsde ce jeud’optimi-sation fiscale entre une filiale et samaison mère? L’État, d’une part,qui n’encaisse pas l’impôt sur lesbénéficeset les royaltiesqui lui sontdues. Et finalement les Zambiens,d’autre part, qui n’entrevoient pasle développement que le FMI leura faitmiroiterenrecommandant laprivatisationdesminesautournantdumillénaire.Desoncôté,Glencoreréfute les conclusions de l’audit etrappellequ’il a investi 1milliarddedollars dans le pays en dix ans etemploie15000personnes,soitdeuxfois plus qu’avant la privatisation.L’affaire estdevant les instancesdel’OCDE. ●

MARC GUÉNIAT, à Lusaka

EnZambie,Glencoreexploitele filonde l’évasion fiscale

Quelques sites épinglésQuelques sites épingléspar les ONGpar les ONG

Le groupe suisse gère deux mines de cuivre dans le pays, avecplus ou moins de transparence. L’audit commandé par le fisc zambien– et dont Jeune Afrique s’est procuré le rapport – est accablant.

Les perdants? L’État, à qui échappeune grande partie des taxes.Et, finalement, la population…

nouveau cadre de régulation environnementale,elle a installé durablement de bonnes pratiquessur le premier projet d’extractionpétrolière tcha-dien piloté parEsso àDoba,mêmesi elle s’en estretiréeen2008. Lespersonnes forméesàDobasurles questions environnementales ont par la suiteété recrutées par le chinoisCNPC,qui exploite lenouveaugisementdeRônier, et elles yperpétuentles mêmesméthodes. »

Si les multinationales ont donc changé, il neconvient tout demêmepasde leur signer un chè-queenblanc:«Cequ’il fautmaintenantaméliorer,c’est leur audit social et environnemental par descabinets véritablement indépendants », affirmeRachel Kyte, qui précise que les « Big Four », lesgrands cabinets d’audit américains, planchentactuellement sur le sujet avec le concours de laSFI. Reste que, sans le renforcement de l’autoritédesÉtats et de la société civile, il est vain d’atten-dre une amélioration des comportements desmultinationales de leur seul fait. La vigilancereste de mise. Surtout que des milliers d’entre-prises plus petites passent toujours à travers lesmailles du filet. ●

Gisement de MOANDA (Gabon)Comilog

Pollution des rivièresdu plateau Bangombe

Gisements d’ARLIT (Niger)et de MOUNANA (Gabon)

ArevaAnciens rejets de déchets

dangereux.Conséquences sur la santé

des travailleurs

Gisement de BOKÉ (Guinée)CBK (Rusal-Glencore)Niveau des salaires

et conditions de travail

DELTA DU NIGER (Nigeria)Shell Nigeria

Maintenance inadéquate desinstallations industrielles, inefficacitédes opérations de nettoyage des fuites.

Manque de transparencedans la politique de compensation

des populations locales

Oléoduc TCHAD-CAMEROUNCotco (ExxonMobil, Chevron,

Petronas)Pollution. Destruction du milieude vie traditionnel des Pygmées

IMPACT : environnementalhumain

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

64 Entreprises marchés

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A prèsleMali, leBurkina,la Guinée-Bissau et leBénin, Azalaï Hôtelsest sur le point de

signer un contrat pour l’acquisi-tion d’un hôtel à Dakar, dont lenomestpour l’instant gardéconfi-dentiel. «Avec cette implantation,nous comptons créer une sorte dehub à Dakar, carrefour d’affairesdans la sous-région, pour com-mercialiser l’ensembledenosuni-tés », explique Mossadeck Bally,PDGde la chaînehôtelière et fon-dateur, en 1993, du holding qui ladétient, la Société malienne depromotion hôtelière (SMPH).

Réalisant un chiffre d’affairesconsolidé de 9milliards de FCFA(13,7millions d’euros) en 2010, legroupe Azalaï finance ses acqui-sitions sur fonds propres et avecdes prêts de la Société financièreinternationale (SFI, filiale de laBanque mondiale). « Lorsquenous nous implantons dans unpays, nous créons une sociétéque nous détenons à hauteurde 60 % à 70 %, puis le reste ducapital est cédé aux investisseurslocaux », ajoute-t-on à la directiondu groupe malien.

À ce jour, Azalaï estime à plusde100millionsd’euros lemontanttotal investi pour se développerdans cinq pays. « Notre objectifest de nous implanter dans leshuit pays de l’UEMOA [Unionéconomique etmonétaire ouest-

africaine, NDLR] d’ici à 2013-2014 », expliqueMossadeckBally.Parmi eux, le Niger : le groupe ya déjà réalisé des prospections etentamera des négociations unefoisque lenouveaugouvernementaura pris ses marques.

CONTEXTE FAVORABLE. Enattendant, Azalaï pourrait s’im-planter enGuinée d’ici à fin août.Le groupe négocie le rachat desdeuxunitésque l’Étata récemment

misesenvente,l’hôtel Kaloume t l ’ h ô t e lCamayenne.

Ce dernierétablissement,

fermé depuis cinq ans pour tra-vaux, était considéré commeconformeauxstandardsinternatio-naux.MossadeckBally seraitprêtàinvestir environ15millionsd’eurosdans l’acquisition et la rénovationde ces établissements.

En s’implantant en Guinée,Azalaï prendra pied sur unmarché presque vierge, où desannées d’instabilité politiqueont laissé un parc hôtelier déla-bré. Le groupe, qui se situe sur lemoyen de gamme (trois et quatreétoiles), compte se positionnerdans l’hôtellerie d’affaires. Uncréneau qui, selon son président,« est stable dans nos pays ». Richeen ressourcesminières, laGuinéejouit à nouveau d’un contextefavorable pour attirer des inves-tisseurs étrangers.

700 CHAMBRES. Selon un obser-vateur, « le retrait des chaînesinternationales dans la sous-région, notamment pour desraisons sécuritaires, favorise uneredistribution des cartes dans lesecteurquipeut favoriser les grou-pes africains ». Parmi eux,LibyanAfrican Investment Company(Laico), présent dans quatre paysd’Afrique de l’Ouest. Avant l’écla-tement de la guerre en Libye, cegroupe qui se positionne dansle haut de gamme (cinq étoiles)était aussi à l’offensive et lorgnaitle marché guinéen.

Par ailleurs, Onomo Inter-national, une nouvelle chaînecréée en 2008 par des ancienscadres du groupe Accor etfinancée par des investisseurs

privés africains et euro-péens, tente également dese tailler une place. Basé

sur un concept d’hôtellerieéconomique et écologique avecdes chambres de standing inter-national (trois étoiles), le groupea ouvert son premier établisse-ment (108 chambres) fin 2010,à Dakar. Et prévoit l’ouverture,cette année, d’un nouvel hôtel àAbidjan, puis en 2012 à Bamako.Mais d’ici là, Azalaï, qui disposed’un parc de 700 chambres, auraentamé la deuxièmephase de sondéveloppement : la conquête del’Afrique centrale. ●

STÉPHANE BALLONG,

envoyé spécial à Bamako

HÔTELLERIE

Azalaï ajoute une étoile sur sa carteLe groupe malien,qui souhaite se positionnersur le créneaude l’hébergementd’affaires, est en passede s’implanter au Sénégal.Prochaines étapes :le Niger et la Guinée.

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

.

� La chaîne négocie actuellement le rachatde l’hôtel Camayenne, à Conakry, où LE MARCHÉ

EST PRESQUE VIERGE et le parc relativement délabré.

La compagnie a déjà réalisé desprospections à Niamey, mais lesnégociations n’ont pas commencé.

À Bamako,l’hôtel Salam,

le Grand Hôtel etl’hôtel Nord Sud

À Cotonou,l’hôtel de la

PlageÀ Ouagadougou,

l’hôtelIndépendance

À Bissau,l’hôtel 24 de

Setembro

LESÉTABLISSEMENTS

DU GROUPE

fina

À

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

65Entreprises marchés

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P révu pour cette année, lelancement des licences3G(ou4G)se fait toujoursattendre en Algérie. Et la

Journée mondiale des nouvellestechnologies, le17mai,auradenou-veaudéçu la profession, qui atten-dait à cette occasion une annoncedesautorités.«Lepaysacinqansderetard»,déploreKarimAbdelmoula,patron de la société de conseilOnMarket. Or l’absence d’internetmobilesetraduitparunmarchépeudynamique. Entre 2009 et 2010, lenombred’utilisateursa légèrementbaissé,pourpassersouslabarredes33millions – soit un chiffre d’affai-res global de 2,1 milliards d’euros,horsfixeet internet.«L’obligationdes’identifier pour acheter une pucetéléphoniquecompliquelesdémar-chesdesAlgériensetlimitelaréserved’abonnés encore disponibles »,estimeKarimAbdelmoula.

Surcemarchéatone,Djezzy,pro-priétédurusseVimpelcomdepuisavril, reste dominateur, malgré lesobstacles dressés sur sa route parl’Étatdepuisdix-huitmois. Interditd’importationd’équipementsetde

puces téléphoniques à la suite ducontentieux fiscal qui l’oppose àAlger,boycottéentantqu’annonceurpar leschaînesdetélépubliques, ilaaccuséen2010unreculde13pointsdesapartdemarché(46%).Mobilis,filialed’AlgérieTélécom,occupe ladeuxième place (28,8 %), talonnéparNedjma(25,2%),détenuà80%par le qatari Qtel.

RÉSISTANCE.Djezzyprofitede l’absencedeportabilitéenAlgérie, c’est-à-dire la pos-sibilité pour un abonné degardersonnuméros’ilchangede réseau. Et même si l’opéra-teur a réduit ses investissementsde 155 millions d’euros en 2009à 63 millions en 2010, il n’a pasconnudedépartmassif de clients.En find’année, sonchiffred’affairesétait néanmoinsen retrait de4,7%(1,25 milliard d’euros). Un recullié à la baisse de 6,9 % du revenumoyen par utilisateur (6,9 eurosparmois), entraînantunechutede7,2 % de la rentabilité calculée surla base de l’Ebitda (revenus avantintérêts, impôts, taxes).

Cesderniersmoisontsurtoutmisenévidencelamontéeenpuissancede Nedjma, dont le chiffre d’affai-res a augmenté de 25 % en 2010(430millions d’euros). La filiale deQtelpossédaitd’ailleurs leplusgrosbudgetpublicitairel’andernier,avec9,7 millions d’euros investis danslesmédias nationaux. Soit 25% demieuxqueMobilisetdeux foisplusque Djezzy (4,8 millions d’euros).L’arrivéedegrandscomptescommeDanone(environ7000lignes)parmisesclientsetunepolitiqueagressivevis-à-vis des entreprises ont per-misàNedjmadehisser son revenumensuel moyen par utilisateur de4,2 euros fin 2009 à 5,1 euros aupremier trimestre 2011. Une pro-gression qui a fait passer la margeEbitda de 33 % en 2009 à 38 % fin2010.«Pour lapremière foisdepuissondémarrageen2004, l’opérateurestmêmedevenurentable », souli-gneMohssenToumi,ducabinetdeconsultingBooz&Co.Unprofitnetde 7,1millions d’euros a succédé àune perte de 24 millions d’eurosen 2009.

LOURDEURS.Du côté deMobilis,qui a publié pour la première foisson chiffre d’affaires l’an dernier(465millionsd’euros), le climatestmoins serein. L’opérateur a perdu200000clientsen2010.Deserreurs

danslepositionnementdesoffrestarifaireset les lourdeursrégle-mentaires expliqueraient cedéclin. «Pour tous les achatssupérieurs à 30 000 euros,Mobilis doit publier un appel

d’offresquipeutn’aboutir qu’auboutdesixmois, alorsqueNedjmaouDjezzyprennent lamêmedéci-sionenunesemaine.Sanscompterqu’ainsisesconcurrentsconnaissentà l’avance lesorientations stratégi-quesde l’opérateurpublic », expli-queAbderrafiqKhenifsa,directeurde lapublicationd’ITMag. Lepro-grammed’investissement(790mil-lionsd’eurossurcinqans)annoncéparAlgérieTélécompourrapeut-être relancer sa filiale. ●

JULIEN CLÉMENÇOT

ALGÉRIE

Les télécoms souffrent enattendant l’internetmobileEn 2010, le marché de la téléphonie mobile a glissé sous la barredes 33 millions d’utilisateurs. Dans ce contexte, les opérateursespèrent que l’arrivée de la 3G apportera un regain de dynamisme.

Ý LE LEADER accuse une chutede 4,7 % de son chiffre d’affairesen 2010.

LOUIZAAMMI

Parts demarché(en% duvolume

d’abonnés)

Djezzy46 %

Nedjma25,2 %

Mobilis28,8 %

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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UEMOAUN SYSTÈME BANCAIRETROP FRAGILE

Les risques liés au système bancairede l’Union économique et monétaireouest-africaine (UEMOA) demeurentélevés, selon une étude de l’agencede notation britannique Standard& Poor’s du 17 mai. Dans la zone, selonelle, « le taux de créances douteusesest important (17 %) et leur taux de

couverture par des provisions(60 %) reste modeste, comptetenu du faible niveau decapitalisation des banqueset des risques inhérents auxconditions d’opération dansces pays ». Cette faiblesseest liée, d’après Standard& Poor’s, à la non-applicationde normes financièresinternationales. Si le restedu monde se prépare àpasser aux règles de Bâle III,les banques des huit pays

de l’UEMOA ne pratiquent pas encorecelles de Bâle II. Pour baisserles risques dans la zone, l’agencepréconise la poursuite des réformesentreprises depuis 2008 par la Banquecentrale des États de l’Afriquede l’Ouest et la concentration accruedu secteur. Fin 2009, la capitalisationdes 99 banques de l’UEMOA (59 en1998) avait augmenté de 29 % surun an, pour atteindre 997 milliardsde F CFA (1,5 milliard d’euros). ●

COCA-COLALE SOMALILAND EST SERVI

LE SOMALIEN Ahmed Guelleh vient derécupérer la licence Coca-Cola, perduependant la guerre civile. La productionde Somaliland Beverages Industry estdestinée au Somaliland et à la régionsemi-autonome du Puntland. L’usinea coûté 7 millions d’euros et devraitgénérer 2,2 millions d’euros de chiffred’affaires par an. La Corée du Nordet Cuba sont les deux derniers paysà ne pas vendre de Coca-Cola. ●

MAROCLE FONDS ÉMERGENCE À FLOT

OUTIL FINANCIER du plan Émergencepour le développement industriel duMaroc, Foncière Émergence a boucléson premier closing à 92 millionsd’euros. Dédié à l’immobilier

industriel, le fonds d’investissementétudie déjà trois projets d’implantationde groupes étrangers sur lesplateformes industrielles deTangeret Kénitra, dont celui d’un fournisseurde RenaultTanger Med. ●

AIR FRANCE-KLMRETOUR DES BÉNÉFICES

LA COMPAGNIE franco-néerlandaisea annoncé le 19 mai un bénéfice netpart du groupe de 613 millions d’eurosau titre de son exercice 2010-2011,clos le 31 mars (contre une pertede 1,3 milliard lors du précédent bilan).Le chiffre d’affaires a atteint23,6 milliards d’euros (+ 12,5 %).Le groupe entend poursuivre son plande réduction des coûts (470 millionsd’euros d’économies en 2011) et créerdes coentreprises sur des marchésimportants (Inde, Brésil). ●

TOUREBEH

AN/SIPA

Coulisses Entreprises marchés

• BANQUE La BEI accorde un prêt de 10 M€ à Bank of Africa pour financer

son développement dans l’UEMOA • LUXE Le fonds Qatar Luxury Group

Fashion a repris le maroquinier français Le Tanneur • INDUSTRIE Après

l’augmentation du prix du pétrole par Le Caire, le français Soprema (étanchéité

des bâtiments) fermera son usine d’Alexandrie • INFORMATIQUE De retour

sur le continent, IBM s’installe à Dakar pour couvrir le marché ouest-africain

SMS

L ecoréenSamsungaannoncédébut mai sa volonté d’at-teindre en Afrique un chif-fre d’affaires de 7 milliards

d’euros d’ici à 2015. Le continentdeviendraitainsipour legroupeunmarchéd’unetailleéquivalenteà laChine.L’andernier,leleadermondialde l’électronique a déjà enregistréune croissancede ses revenus afri-cainsde30%,à912millionsd’euros;il projette de doubler ce chiffre en2011.EnAfrique,iloccuperaitdéjà laplacedenumérounsur lesegmentdel’électroniquegrandpublic(télé-viseurs, réfrigérateurs, etc.).

APPAREILS ADAPTÉS. Samsungentend se focaliser sur les dix plusgrosses économies, notamment leKenya, l’AfriqueduSud, leNigeriaetleSoudan,etaugmenter lenombred’appareils spécialement conçuspour lesmarchés locaux.« J’ai sousma responsabilité 300 ingénieurstravaillantdans49paysafindepro-poser des produits correspondantexactementauxbesoinsdumarchéafricain»,adéclaréKwangKeePark,responsable régional de Samsung.Lesclimatiseursconçuspour l’Afri-quepeuventparexemple faire faceaux coupures de courant.

Le développement de Samsungpasse par l’ouverture d’usines demontagecommecellesdéjà implan-téesauSoudan,enAfriqueduSud,auNigeria,enÉthiopieetauSénégal.Son effectif africain pourrait ainsiatteindre5000salariésd’icià2015.L’améliorationdelachaîned’appro-visionnement et de la distributionsontaussidesobjectifsprioritaires.Legroupeaparexempleannoncéunpartenariatavec lachaînedemaga-sins kényaneNakumatt. ● J.C.

ÉLECTRONIQUE

Samsungvisel’AfriqueLe groupe coréen veut fairedu continent un marchééquivalent à la Chine.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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U ne cause n’est jamaisperdue. C’est ce qu’esten passe de démon-trer l’équipementier

télécoms. Lanterne rouge duclassement des performancesboursières duCAC40depuis plu-sieurs années, l’action du groupefranco-américain a perdu 88,5 %desavaleuraucoursde ladernièredécennie.Mais, alorsqueplus rienne paraissait pouvoir enrayer ledéclin du groupe et de la valeurdu titre, Alcatel-Lucent réalise unretour tonitruant en 2011.Depuisle 1er janvier, l’action s’est envoléede 94,4% (voir infographie), pours’établir à 4,239 euros le 16 mai.Plus forte hausse du CAC 40, elledevance l’actionEADS, enhaussede31%depuis ledébutde l’année,et celle de Michelin (+ 22 %).

Sur un an, la progression estencore plus saisissante. Le titrea explosé de 107,3 %, alors que leCAC40ne progressait, lui, que de8,3 % pendant la même période.Un come-back qui n’est pas passé

inaperçu. Sur les douze derniersmois, Alcatel-Lucent est la valeurla plus performante de la placede Paris, devançant nettementses deux poursuivants, les grou-pes Peugeot (+ 48,5 %) et EADS(+ 47,3 %).

L’élément déclencheur d’un telrevirement? Les résultats positifsd’ungroupeà ladérivedepuisplu-sieurs années, qui ont dépassé lesprévisionsdes analystes. Le 6mai,ledirecteurgénéralBenVerwaayena annoncé un chiffre d’affaires enhausse de 15 % sur les trois pre-miers mois de 2011 (3,7 milliardsd’euros), un résultat d’exploitationde 13millions d’euros – supérieur

aux attentes du marché –, ainsiqu’uneperte réduite à 10millionsd’euros (515 millions d’euros aucours dupremier trimestre 2010).Unbilan rassurantpourungroupequi achève cette année un plantriennalde redressement.Déjà, en2010,Alcatel-Lucent avait enregis-tré une progression de son chiffred’affaires de 5,5 % (15,9 milliardsd’euros) et uneperte (159millionsd’euros) à son plus bas niveaudepuis la crise mondiale.

QUATREANNÉESNOIRES. «C’estunbondébut d’année 2011 et uneindicationclairequenoussommesen bonne voie pour devenir uneentreprise normale cette année »,adéclaréBenVerwaayen.La situa-tionn’a en tout cas plus rien à voiravec les quatre dernières annéesnoires. En décembre 2006, le rap-prochement du français Alcatel etdel’américainLucentTechnologies,deuxgroupesmaladesenquêtedestratégie de relance, devait fairenaître un géant des télécoms de18,6 milliards d’euros de chiffred’affaires, présent dans 130 payset fort de 79 000 salariés. Maisdès janvier 2007, puis en octobre,deuxplans sociauxétaient arrêtés,supprimant respectivement12500puis4000emplois, avecà la clédesplans d’économies de 2 milliardsd’euros.

Arrivé en sauveur en 2008, leNéerlandais Ben Verwaayen,ancien directeur général dugroupe de télécoms britanniqueBT, redresse la barre avec peine.Le rebond actuel repose d’abordsur la croissance desmarchés deséquipementsmobiles etde la fibreoptique, mais aussi sur les ventesauxÉtats-Unis (+ 40%aupremiertrimestre 2011) qui représentent40%duchiffre d’affaires de l’équi-pementier. Toutefois, il est encoreprématuré de parler de rédemp-tion.Legroupeconserve«unprofilopérationnel extrêmement fragileet sa visibilité est faible », relèveun analyste. ●

JEAN-MICHEL MEYER

TÉLÉCOMS

Alcatel-Lucent renoueles fils du succèsÀ la surprise des analystes financiers, le groupe franco-américainretrouve des résultats positifs après une lente descente aux enfers.Un renouveau qui a fait flamber le cours de l’action.

Ý Le directeur général BEN

VERWAAYEN, en février, lors de laprésentation des résultats 2010.

janvier février mars avril mai

2,25

2,50

2,75

3

3,25

3,50

3,75

4

4,25

4,50Cours de l'actionà la Bourse de Parisen 2011 (en euros)

2,2

2,5

2,7

3

3,2

3,5

3,7

4

4,2

4,5Cours de l'actionà la Bourse de Parisen 2011 (en euros)

MEIGNEU

X/SIPA

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International68

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PLUSRIENN’ARRÊTELEQATARdepuis qu’il a décroché l’organisationde la Coupe dumonde de football en 2022. C’estmaintenant au tour delamarque de textileBurrdade défier les rois des stadesNike etAdidas.Après la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, elle débarque enFrance et s’installera en Italie, en Espagne et au Portugal d’ici à 2012.Lancée en 2006, Burrda appartient à la société suisse Pilatus SportsManagement, détenue par le fondsQatar Sports Investments (QSI),lui-même propriété de Cheikh Tamin IbnHamad Al Thani, présidentdu Comité olympique du Qatar et héritier du trône.

Dotéed’importantsmoyensfinanciers, lamarqueestactivedanslefootball(maillotsdessélectionsbelge, koweïtienne ettunisienne), le hand-ball (Égypte, Grande-Bretagne, États-Unis)et le rugby (Toulon,Biarritz). Burrda,qui habille hommes,femmes et enfants, aannoncé un chiffred’affaires de 80 mil-lionsd’eurosen2010etvise les150millionsen2013.Dèsl’anprochain,Burrdas’attaqueraauxtenues pour le tenniset le golf et commer-cialisera sa premièrepairedechaussuresdesport. ● J.-M.M.

ENFIN UNE BONNE NOUVELLE dansces temps chahutés où les dictateursrésistent, où les hommes célèbresémargent à la rubrique « faits divers »

graveleux et où les produits alimentaires flam-bent dangereusement : les deux locomotivesde la zone euro, l’Allemagne et la France, voientleur croissance accélérer de façon inattendue– 1,5 % au premier trimestre pour la premièreet 1 % pour la seconde. Considérés commetrop optimistes par les experts, des taux decroissance prévus en 2011 à 3 % pour l’Alle-magne et à 2 % pour la France ne semblentplus hors de portée.

Les causes de cette embellie sont évidentes.Pour l’Allemagne, il s’agit de l’excellente tenuede ses exportations. Les produits made inGermany continuent de faire fureur, et notam-ment les biens d’équipement, dont l’Asie agrand besoin pour améliorer sa productivitéet la qualité de ses propres produits. Dans lecas de la France, le surcroît de dynamisme estvenu de la consommation qui a continué àêtre soutenue par la prime à la casse automo-bile. Supprimée le 31 décembre 2010, celle-cia fait sentir ses effets jusqu’au 31 mars.

Cette heureuse évolution permet auVieuxContinent d’apporter enfin sa contribution àla reprise mondiale. Première conséquence:l’Europe va adresser des commandes de pro-duits semi-finis ou de sous-traitance aux paysdu pourtour de la Méditerranée, qui en ontgrand besoin pour résorber leur importantvolant de chômeurs et pour conforter deséconomies secouées par les révoltes. Elleconfirmera son intérêt pour les matières pre-mières de l’Afrique subsaharienne, sans les-quelles elle demeurerait inerte.

Deuxième conséquence: alors que plus de1million de postes de travail n’ont pas trouvépreneurs au premier trimestre enAllemagne,selon l’Institut pour le marché du travail(Nuremberg), qu’attend donc l’Europe pourouvrir un peu plus ses frontières à ceux quipeuvent lui fournir la force de travail dont ellea besoin? Ce serait de l’égoïsme bien compriset une aide au développement intelligente. ●

Embellieeuropéenne

OOOppinionns&& ééditoorriaaauxx

pp& éditoriaux

pp

Alain Faujas

ANALYSE

BURRDA

EN CONTREPARTIE d’une aidefinancière de 78milliards d’eurosque l’Union européenne et leFMI viennent de lui accorder, lePortugal, plombé par ses dettes,s’apprête à lancer un sévère pro-gramme d’ajustements économi-ques. Celui-ci prévoit une série deprivatisations, dont celle la com-pagnie aérienne nationale. TAPPortugal,pourtantbénéficiaire en2010 avec un profit net record de62,3 millions d’euros (+ 8,7 %) etunchiffred’affairesde2,2milliardsd’euros (+ 14,6 %), sera donc misen vente entre juin et juillet.

Les repreneurs potentiels sebousculent déjà. Parmi eux, le

AÉRIEN

Surendetté, le Portugalcède sa compagnie

MODE

Burrda, du sable à la pelouse

brésilienTAMLinhasAéreas, quiaurait sollicité l’appui de son gou-vernement. Également intéressé,InternationalAirlinesGroup,néde la fusion entre British Airwayset Iberia, avance sespionset auraitdéjà pris contact avec les autori-tés portugaises. Mais l’allemandLufthansa, qui a fondé avec TAPPortugal le réseau Star Allianceen 1997, entend profiter de sonstatutdepartenairepourremporterl’offre. D’ici àquelques semaines,d’autres compagnies pourraientencore entrer dans la course. Etpeut-êtredespoids lourdsdutrans-port aérien africain… ●

STÉPHANE BALLONG

� Le club d’ELTON JOHN,Watford FC, a choisile groupe qatari comme équipementier.

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À latêted’AfinisCommu-nications – une filialedeMonacoTélécom –,le Marocain Reda

ElMejjadenestpersuadé: l’arrivéedes câbles sous-marins en fibreoptique, reliant les côtes africai-nes au webmondial, va décuplerl’utilisationduhaut débit dans lesentreprises, y compris en dehorsdescapitales. «Beaucoupdesocié-tés du secteur bancaire ouminierveulent déjà disposer desmêmesapplications informatiques surtous leurs sites, même les plusreculés », affirme ce diplômé deTélécom ParisTech, égalementtitulaire d’un MBA obtenu àMadrid.

Le marché des réseaux consa-crés aux entreprises serait en faitsur le point d’exploser enAfrique,passant d’environ 2,5 milliardsde dollars en 2010 (1,9 milliardd’euros) à 4milliards d’ici à 2015,selon le cabinet d’intelligenceéconomique Delta Partners.Notamment sous l’influencedes multinationales. « En obser-vant cette tendance, nous avonseu l’idée de créer un opérateurqui s’adresse aux 500 premièrescompagnies africaines, pour lesaccompagner dans leur dévelop-pement », explique le jeunepatronde 37 ans.

LONGUE EXPÉRIENCE. Pourarriver à ses fins, l’ancien vice-président de Wana, cofondateurdeWanadooMaroc au début desannées 2000, a piloté la fusiondesopérations africaines deMonacoTélécom, réunissant le fournisseurd’accès à internetConnecteo, pré-sent dans six pays subsahariens,et Divona, spécialisé dans les

télécommunications par satel-lite en Algérie. C’est ainsi qu’estnée une nouvelle filiale, AfinisCommunications. Mise en placeet gestion de liaisons satellitai-res et de connexions internet,management de réseaux…Afinisespère se positionner en concur-rent direct de mastodontes telsqu’Orange Business Services, labranche de France Télécompourles entreprises.

«Notre expérienceducontinentdepuis près dedix ans sera un vraiplus pournos clients, sans oubliernos huit bureaux auMaghreb, enAfrique de l’Ouest et en Afriquecentrale », plaide Reda ElMejjad.EnAfrique,Afinisdevranéanmoinscompter avec la concurrence deplus petits acteurs, comme l’ivoi-rien Alink Télécom, qui, outre lamise en place de liaisons satel-litaires, commence à offrir desservices d’hébergement.

Mais Reda El Mejjad sait qu’ilpossède un atout de taille enpouvant adosser son réseau auxinfrastructures du britannique

Cable & Wireless, maison mèrede Monaco Télécom. Coté à laBourse de Londres, ce groupe detaille mondiale affiche des par-ticipations dans 69 systèmes decâblessous-marinsdans lemonde,couvrant plusde500000km. Idéalpour sedifférencier et permettre àAfinis d’accompagner ses clientshors du continent.

ÉQUIPES SPÉCIALISÉES. Lancéeofficiellement en mars 2011, lasociété basée à Casablanca tra-vaille, pour lemoment, principa-lement avec des entreprises dessecteurs minier, pétrolier, maisaussi avecdesopérateurs télécomscomme MTN. « Le plus souvent,nousne sommespas concurrents.Ils font appel à nos services pourconcevoir et parfois gérer lesliaisons satellitaires permettantde relier des zones reculées aucœur de leurs réseaux », indiqueRedaElMejjad. Lesbanques et lesgrandes institutions internationa-les figurent aussi parmi les ciblesd’Afinis.«Chaquesecteurd’activitéest géré par des équipes spéciali-sées, afin demieux répondre auxspécificités de chaquedemande »,plaide le PDG.

Si la filiale deMonaco Télécomesthistoriquementbien implantéedans les pays francophones, sonpatronsaitque la réussiteduprojetimpose de faire demême dans lazone anglophone. Le Nigeria et

l’Afrique du Sud recèlent en effetbonnombre de champions conti-nentaux, alors que ces entreprisessont encore rares en Afrique del’Ouest. « Notre nouvelle straté-gie est panafricaine, assure RedaElMejjad.Àpreuve: le sud-africainMTN ou le nigérian United Bankfor Africa font déjà partie de nosclients. » ●

JULIEN CLÉMENÇOT

RÉSEAUX

RedaElMejjad connecte les entreprisesIl dirige Afinis, un opérateurtélécoms spécialisé dansles services aux sociétés.Son objectif : accompagnerla croissance des grandsgroupes du continent.

AFINIS

� Le patronde 37 ansvise les500 PREMIÈRES

COMPAGNIES

AFRICAINES.

Afinis espère se positionner enconcurrent direct de mastodontestels qu’Orange Business Services.

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ON EN PARLE

À 35ans,OlivierLeloustre,patron de Ringo, nepanique plus quandapparaît un nouveau

concurrentaufournisseurd’accèsàinternetnumérounauCameroun;et4G-Africa,dont lesservicesserontlancéscetété,ne faitpasexception.Ringo, 4,5millionsd’eurosdechif-fres d’affaires, 44000 abonnés, soit44 % du marché, n’a que trois ans

d’existence,maissonfondateursaitqu’ila lesoutiendesonactionnaire,le fonds d’investissement suisseGlenar, pour mener sereinementson plan de développement.

Loindesesatisfaired’êtredevenula référence duweb auCameroun,OlivierLeloustrechercheàsediver-sifier pour garder une longueurd’avance.«LaréussitedeRingomepermet de déployer ma vision du

marché»,expliquel’anciendirecteurcommercialdeCFAOTechnologiesCameroun,installéàYaoundédepuis2004.Soncredo:s’appuyersurinter-netpourdévelopperdes servicesàplus forte valeur ajoutée.

VENTE D’ESPACES PUB. Cetteannée, il s’est associé à Charles-Emmanuel Berc, figure françaisedescentresd’appels,pourcommer-cialiseràpartirdeYaoundélesespa-cespublicitairesduguidetouristiqueLe Petit Futé. « Un service facturéde 20 % à 30 % moins cher qu’enTunisieouauMaroc», se félicitecediplômé de l’École supérieure decommerce de Lille, qui, à la fin del’année, prévoit d’employer l’équi-valentde200tempspleinetréaliserunchiffred’affairesde200000eurosdans cette activité. Il songe aussi àuneweb-agency, dont la premièremission sera de commercialiser lapublicité du site internet de Ringo,avantdecréerunportail regroupantdes contenus locaux.

OlivierLeloustrenedélaissepaspourautantRingo.Outredespres-tations d’hébergement, la sociétépropose des systèmesde commu-nication radio, notamment pourlesgroupespétrolierset lessociétéslogistiques.Desservicesauxprofes-sionnelsqui représententdéjà25%desonchiffred’affaires.Enpointdemire, ledéveloppementd’uneoffretélécoms via internet (IP). Avec, àla clé, uneentrée fracassante sur leterrain d’Orange etMTN. ● J.C.

CAMEROUN

Olivier Leloustre,hyperactif duwebPatron du leader local des fournisseurs d’accès à internet, il multiplie lesinitiatives pour développer des services à forte valeur ajoutée sur la Toile.

SARAHTC

HOUATC

HA

� « La réussite de RINGO me permet de déployer ma vision du marché. »

PIERRE KEMLINATLANTIQUETÉLÉCOMDepuis le 23 mai, il est directeurmarque & communication de la filialeafricaine d’Etisalat (marque Moov).Passé par de grandes agences (LeoBurnett,TBWA), il a aussi œuvré ausein d’OrascomTelecomAlgérie et deTunisieTélécom.

DIANA LAYFIELDSTANDARD CHARTERED BANKÀ partir du 22 juin, elle sera lanouvelle directrice régionale pourl’Afrique du groupe. Depuis 2009, elleen dirigeait le département stratégieet développement. Diplôméed’Oxford et de Harvard, elle estentrée dans la banque en 2004.

AHMED ABOU DOMAORASCOMTELECOM HOLDINGLe nouveau PDG d’OTH est un pilierde la maison. Après un débutde carrière chez IBM, il a intégréle groupe égyptien en 1998,au service marketing de la filialeMobinil, avant d’en devenirle directeur marketing en 2008. D

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VALEURS PÉTROLIÈRES

TullowOil en tête,les juniors s’affirmentRésultats flatteurs et cours de Bourse qui s’envolent : le groupebritannique récolte les fruits de ses prises de risques sur le terrain.Des titres comme Afren et Kosmos Energy prennent le même chemin.

les réserves probables ont vite étérevues à la hausse, pour atteindrequelque 2,5 milliards de barils etune production prévisionnellede 200 000 barils par jour (untiers appartient à Tullow, soit unpotentiel de revenu quotidien de4millionsdedollarsavecunbarilà60 dollars – hypothèse basse).

Entre les deux découvertes, lecoursdubaril apercé lesplafonds,frôlant les 150 dollars à l’été 2008,année de tous les records pour lasociétéen termesdechiffred’affai-res. Alors que le cours de l’or noirn’est jamaisredescenduendessousde 60dollars depuis et que lamiseenproductiondu champ Jubilee acommencédans lesdélais, fin2010– une prouesse –, la capitalisationboursièredeTullowestaujourd’huiestimée à quelque 12,2 milliardsd’euros. Une santé de fer, avec unbénéfice qui a progressé de 137 %en2010, à 72,5millions dedollars,pourunchiffred’affairesde1,1mil-liard de dollars (+ 19 %). Mais lesactionnairesdevrontresterpatients.Leurdividende,payéle20mai,resteau même niveau que l’année pré-cédente, à environ 6,8 centimesd’euro par action.

MONTÉEENPUISSANCE.Lachutede 10% du prix du baril sur le der-nier mois a cependant montré la

dépendance des juniors à lavolatilité des cours: mal-mené, le modèle Tullowa-t-ilmontré ses limites?Selon Christopher Jost,analyste chez GoldmanSachs,c’estaucontraire lemomentdes’y intéresser:

«Larécentesous-performanceducoursoffreunebonneopportu-nitéd’acheterdestitresd’unesociétédeclassemondialedont l’actionesttiréepar leprixdupétrole. »AngusMcPhail, chez Investec, estime deson côté que « Tullow a de solidesflux de trésorerie en raison de lamontée en puissance de la pro-ductionauGhanaetdudémarrageimminentenOuganda.Lenombre

Elles s’appellentTullowOil,Afren, Kosmos Energy…En quelques années, cesjuniors pétrolières ont su

se faire une place de choix dans lepaysage africain. Illustration pro-bantedans le golfedeGuinéeavecle champ ghanéen Jubilee, mis aujour en juin 2007 par l’américainKosmos Energy et le britanniqueTullow Oil, sociétés quasi incon-nues, sinon des experts, avant cetévénement.Avecses1,8milliarddebarils de réserves et sa productionde 120000 barils par jour prévuedès juillet, cette découverte estconsidérée comme l’une des plusimportantes du continent depuisdixans,poussantmêmelesmajors(Total, ENI, ExxonMobil…) à réin-vestir la zone.

Les marchés financiers ne sontpas restés insensibles à l’efferves-cence suscitée par ces pionnièresquisaventprendredesrisques làoùleursgrandes sœurs sontpluspru-dentes. Cotée sur le London StockExchange, la valeur Tullow s’est

envolée,doublantentre juin2007etjuin2008,pourfinalementatteindreaujourd’hui trois fois son niveaud’avant la découverte de Jubilee.LasociétédirigéeparAidanHeavy,dont70,3%desactivitésse trouventsur lecontinent,estmêmedevenuela première position du « tracker »LyxorPanAfrica, fonds indiciel spé-cialisé sur l’Afrique, devantMarocTélécom.Selonunenote de la banque d’in-vestissement RenaissanceCapital datée du 12 mai, lapart de Tullow dans Jubilee(34,7 %) vaudrait quelque10,2 milliards de dollars(7,2milliards d’euros).

UNE SANTÉ DE FER. Le groupebritannique a multiplié les bon-nes nouvelles au cours des quatredernières années, rassurant unpeu plus les actionnaires sur sonpotentiel. En 2008, il a annoncéunedécouvertemajeureenAfriquecentrale,dans le lacAlbert.D’abordestimées à 800 millions de barils,

Ý Inauguration du champ Jubilee,en présence du présidentghanéen, JOHNATTA-MILLS

(décembre 2010).

TULL

OW

Sur le LondonStock Exchange,la valeur deTullow Oil a

triplé depuis ladécouverte duchamp Jubilee

(Ghana) enjuin 2007

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Marchés financiers72

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Baromètre Marchés financiers – Spécial Pétrole

SI LES MAJORS, hormisTotal, ontdécidé de quitter les activités deraffinage et de distribution en Afrique,elles poursuivent avec succès leurdéveloppement dans l’explorationet la production et recèlent de bellespépites cotées. Comme BP Zambiaet Mobil Nigeria, qui connaissentune croissance soutenue depuisle début de l’année. Si le mouvementde yoyo du pétrole depuis plusieursmois (baril de brut léger américain

à 98,40 dollars le 18 mai) risquede plonger les investisseurs dansl’incertitude au plan mondial, ilspourront se rassurer en Afrique (Libyemise à part), comme le montrent lesperformances de l’actionTullow Oil(lire article ci-contre). L’introductionréussie de Kosmos Energy le 10 maià la Bourse de NewYork et le projetde cotation par Maurel & Prom desa filiale nigériane Seplat témoignentdu grand dynamisme de ce secteur. ●

NOUS ABAISSONS NOTRE OBJECTIF deprix de 85 à 68 nairas en raison de la dilution

consécutive à l’émission d’actions gratuites récemmentapprouvée, au cours de laquelle Oando a émis uneaction gratuite pour quatre actions détenues. Pourquoiacheter le titre? Étant donné la récente élection pré-sidentielle remportée par Goodluck Jonathan, nousestimons que trois initiatives majeures, le PetroleumIndustry Bill, le Power Sector Reform Act et le GasRevolution Plan, vont continuer comme prévu. Vule caractère diversifié des activités d’Oando, nouscroyons que la société pourra potentiellement béné-ficier de chacune de ces trois initiatives. Dans le cadrede la cession de plusieurs puits par Shell, le faitqu’Oando n’ait pas été sélectionné pour le bloc OML 42 est décevant. Toutefois,cela prouve notamment qu’Oando, qui a su s’associer avec des partenairessolides dans l’aval, a fait preuve de discipline financière : nous n’aurions pasvoulu la voir payer plus de 600 millions de dollars pour ce bloc. » ●

VALEURS BOURSE COURSau 17 mai(en dollars)

ÉVOLUTION depuisle début de l'année

(en %)

BP Zambia LUSAKA 0,19 + 182,6Mobil Nigeria LAGOS 1,05 + 23,1Oando LAGOS 0,35 + 8,5Afriquia Gaz CASABLANCA 211,52 + 4,6Tullow Oil LONDRES 2115,53 + 3,9Afren LONDRES 235,85 – 1,4KenolKobil NAIROBI 0,11 – 1,6

Conoil LAGOS 0,23 – 2African Petroleum LAGOS 0,13 – 8,2Total Nigeria LAGOS 1,26 – 13,9

L’or noir comme refuge

Dragan TrajkovAnalyste chezRenaissance Capital

Valeur en vueOANDO Des initiatives gouvernementales favorables

BOURSE Lagos • CA 2010 2,5 milliards de dollars (+ 12 %)

COURS 54,85 nairas (17.5.2011) • OBJECTIF 68 nairasD.R.

importantdeperspectivesd’explo-ration en Afrique et en AmériqueduSudoffreunpotentieldehaussesignificative ».

La montée en puissance de lajunior Tullown’est pasune excep-tion.D’autres valeurs, tellesque sacompatrioteAfrenousonpartenaireKosmosEnergy, sontaussi sous lesfeux des projecteurs. Moins com-municants, ilsn’endemeurentpasmoins d’importants acteurs sur leterrain de l’exploration africaine.

Afren (29 participations dansonze pays du continent), qui a

annoncé en mars l’acquisition de74%dublocTanga enTanzanie etuninvestissementde40millionsdedollars pour les forages, a levé enmarssur leLondonStockExchangequelque 500 millions de dollars,contre450millionsvisés, illustrantun certain engouement des inves-tisseurs. Non seulement ceux quiont acheté des titres il y a un anont empoché 53 % de gain, maisen outre la société bénéficie d’unatoutdetailledanssesperspectivesà moyen terme: le démarrage duchampnigérianEbok(35000barilspar jour),qui luidonnelapossibilitéde tripler son chiffre d’affaires en2011, à 1milliard de dollars.

Enfin, entréeà laBoursedeNewYork le 11mai, l’action de l’améri-cainKosmosEnergypeineencoreàdécoller,clôturantmêmele17maiendessousdesavaleurd’introduc-tion(18dollars),à17,90dollars.Maisles perspectives restent positives.«Leprixdupétrolevacertainementcontinuer de grimper, ce qui amé-liore lavaleurperçuedelasociété»,indiqueHughJohnson,présidentdeHugh Johnson Advisors. En outre,alorsquecertainesmajors, commele français Total, ont connu unechute de leurs cours ces deux outrois dernières années, ceux desjuniors n’ont quasiment jamaiscessé de progresser. ●

MICHAEL PAURON

Pendant ce temps,des majors commele français Totalvoient leur valeurboursière chuter.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Dossier AutomobileINTERVIEWEdgar LourençonPrésident de General Motors Africa

pour nos véhicules à bas coûts, afin de soulagernotreusineroumainedePitesti », expliqueJacquesChauvet,directeurde larégionEuromeddugroupefrançais.Cettedécision,priseen2004,estaussimoti-véepar lespotentialitésdumarchémarocain: «LaLogan,quenousassemblionsdéjààCasablanca,afaitunbondémarragedansunpays sous-équipé,avec 65 véhicules pour 1000 habitants, contre450 pour 1000 en Europe du Sud », précise leresponsable de lamarque au losange.

L’Algérie, deuxième marché automobile ducontinent derrière l’Afrique du Sud, attire aussiles constructeurs de milieu de gamme, mêmesi les négociations avec le gouvernement s’avè-rent particulièrement âpres : « Les pourparlersautourd’uneusineàRouiba, qui devrait produire75000véhiculesparandestinésaumarchéintérieur,portent principalement sur le niveau de compo-sants locaux ainsi que sur les avantages fiscaux »,indique Jacques Chauvet, qui espère finaliser unaccorddans lesprochaines semaines, alorsqueceprojet est en discussion depuis près de deux ans.

Alors que les usines sud-améri-cainesdeGeneralMotors(GM),Renault et Toyota tournent àplein régime et que l’Europecentrale, la Turquie et mêmel’Iransontdevenusdesplatefor-

mes industriellesautomobiles, l’Afriqueaimeraitàsontouraccueillirdavantaged’unitésdeproduction.Cherchez l’erreur : 1,4 million de véhicules neufssont venduschaqueannéeenAfrique…alorsqueseulement 591109 y ont été fabriqués en 2010.

De fait, mis à part en Afrique du Sud (voir info-graphie), l’industrie automobile africaine en estencore à ses balbutiements. En 2010, l’Égypte n’aproduit que 69000 véhicules, le Maroc 50000.Ailleurs,c’estpresqueledésert industriel,mêmes’ilexisteun tissuétoffédesous-traitantsautomobilesenTunisieetquelquespetitesusinesd’assemblageen Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est.

Pour laplupartdesmarques, lecontinentestunezonedecommercialisationattirante,maispasuneterredeproduction.Conséquencespourlesconsom-mateursafricains:delongsdélaisd’acheminement,unegammedechoixétroite,desfluctuationsdeprixliéesauchange,etuncoûtplusélevé.Pourtant,desprojetsd’usines, tous localisésauxdeuxextrémitésdu continent, sont en gestation.

UN SECTEUR STRUCTURANT. Celui de RenaultTanger Med est le plus imposant. D’un coût de650 millions d’euros, l’usine marocaine – enconstruction–doit fabriquer170000voituresdès2012, et 400000 par an à partir de 2015. Elle serale premier exemple d’usine intégrale au nord duSahara:de l’emboutissagedespiècesdecarrosseriejusqu’aumontage des équipements intérieurs.

«Cette implantation s’explique par la conjonc-tion de deux volontés : celle duMaroc de faire del’automobile un secteur clé de son économie, carstructurantpour son industrie ; et celledeRenaultd’installer une seconde plateforme industrielle

CHRISTOPHE LE BEC

En Afrique du Sud, en Égypte et au Maroc, les constructeursaffûtent leurs plans pour augmenter leur capacité industrielle.Mais ailleurs, les petites unités d’assemblagesont jugées trop coûteuses, et l’importation domine.

ÀquanddesÀquanddesusinesusines africaines?PRODUCTION

En 2010,

591109véhicules ont été

fabriqués et assemblésen Afrique

12 % en Égypte

8 % auMaroc

80 % enAfrique du Sud

SOURCE:O

ICA

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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OCCASIONLa limitation del’âge en question

LOCATIONFranchise etconcessions

CRÉDIT-BAILUne activité quigagne du terrain

TUNISIEBen Ali parti, lemarché s’émancipe

l’intérêt de produire sur place: « Construire uneusinesedécideenfonctiondelacapacitéindustrielleexistante.Nousavonspréférénousappuyersurnosusines espagnole et turquepour répondre à la foisauxdemandesmaghrébineeteuropéenne»,indiqueDavidRio,directeurducommerce internationaldePeugeot pour l’Afrique et leMoyen-Orient.

Partout, lavogueestauxgrandesusinescapablesde faire des séries exportées sur un, voire sur plu-sieurs continents. On ne s’y lance pas à la légère,les investissementsen jeusechiffrentencentainesde millions d’euros. « Avec la libéralisation, lespetites usines d’assemblage partiel, qui s’étaientmultipliéesdans lesannées1970pour faire faceauxréglementationsanti-importationsdegrandspayscommeleNigeria,nesontplusaussi intéressantes:les coûts d’emballage, dedéballageetdemontagesurplacesontprohibitifsparrapportà l’importationde véhicules finis », analyse David Rio.

POIDSDE L’HISTOIRE.Lepoidsde l’histoire indus-trielle joue aussi. Une fois installé dansunpays ducontinent,unconstructeurnecherchepasàprendrepiedchez lesvoisins, cequi favorisenotamment lanationArc-en-Ciel.«Nousbâtissonsnotrestratégieindustriellepourlecontinentàpartirdel’AfriqueduSud,oùnoussommesprésentsdepuis1947, indiqueMattGennrich, deVolkswagenSouthAfrica.Nouspréféronsyagrandirnosusinesplutôtqued’implan-ter de petites unités sur des marchés africains oùnosfournisseursnesontpasprésents.»VolkswagenfabriqueàPort-Elisabeth135000Poloparan,dontun tierspour lemarchénational.Toyota, leaderdumarchésud-africaindepuis lesannées1980,écouledéjà50%desaproductionsud-africaineenAfriqueaustrale,profitantdesaccordsdouaniersdelaSouthAfrican Custom Union. Et il compte encore aug-mentersesvolumesafricains:en2010, ilaproduitàJohannesburg123752pick-upHilux,maissonusineest capable d’en fabriquer 220000 par an.

Enbref, si lacapacité industrielleafricaineestenpleinecroissance, il y aurapeudepayséluspar lesconstructeurs. Ceux-ci veulent de grandes usinesintégrées au marché mondial et ne disperserontpas leurs investissements. En dehors de l’AfriqueduSud,duMarocetde l’Égypte,quicombinentunenvironnement fiscal favorable à l’export, un tissuindustrielet logistiquesuffisantetunmarchénatio-nal dynamique, il est donc peu probable que l’onvoie émerger d’autres acteurs de premier rang. ●

Volkswagen lorgneaussi lepays:ChristofSpathelf,vice-président du constructeur allemand, s’estrenduàAlgerpourévoqueravec legouvernementun projet industriel de 100millions d’euros.

L’Égypte, avec ses 83millionsd’habitants, attireaussi, même si les projets y sont plus modestes.Ainsien2012,30004x4Fortunerseront assemblés au pays desPharaons, où Toyota vend déjà15000 véhicules chaqueannée.Même stratégie pour GM, quicompte s’appuyer sur sonusineégyptienne, d’une capacité de 50000 véhiculespar an, pour écouler des voitures en Tunisie et auMaroc grâce aux accords d’Agadir prévoyant desfacilités douanières. Enfin, le chinois Chery, quiassemble 12000 voitures par an au Caire, entendlui aussi étendre sa production.

Maistoutlemondenesuitpaslamêmeroute.PSA(marquesPeugeotetCitroën),quidétient10%desventes sur lemarchémaghrébin (40000 véhiculespar an, contre 5000 au sudduSahara), ne voit pas

GILLE

SROLL

E/REA

africaines?usines africaines?

Volkswagen a évoqué avecAlger un projet industrielde 100 millions d’euros.

Ý Chaîned’assemblagede véhiculesLogan, dansl’usinede la SOCIÉTÉ

MAROCAINE

DE CONSTRUCTION

AUTOMOBILE

(Somaca, filialedu groupeRenault),à Casablanca.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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INTERVIEW PRÉSIDENT DE GENERAL MOTORS AFRICA

«Pour aller de l’avant, GeneralMotorsélaboredes stratégies régionpar région»

JEUNEAFRIQUE: Pourquoi General Motors [GM]a-t-il changé son organisation en Afrique?

EDGAR LOURENÇON:En 2010, nos ventes ontprogressé de 15% sur le continent par rapport à2009, atteignant quelque 160000 véhicules, soitenviron 13 % du marché africain. Ce sont d’ex-cellents résultats, mais ils sont principalementdus à nos bons positionnements en Afrique duSud et en Égypte, pays qui représentent encore70 % de nos ventes. Pour aller de l’avant, il nousfallait chercher de la croissance ailleurs sur lecontinent, et pour cela une organisation diffé-rente était nécessaire.

C’est-à-dire?Jusqu’à présent, nous avions une approche

globale, menée depuis l’Afrique du Sud. Seulel’Égypte, où nous comptons des unités indus-trielles, bénéficiait d’une stratégie à part. Nousne pouvions plus nous permettre de fonctionnerde cette manière si nous voulions profiter de

l’émergence africaine, à laquelle nous croyons :en 2004, GM ne vendait que 3000 véhicules auMaghreb et en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui,nous en écoulons plus de 40000. C’est une belleprogression,mais qui reste insuffisante par rap-port à nos ambitions.

Nous travaillons donc à l’élaboration de stra-tégies adaptées par sous-ensembles régionaux,voireparpays, avecunedirection régionalebaséeau Caire pour les marchés d’Afrique du Nord,et une autre en Afrique subsaharienne, avecun siège à Port Elizabeth et un relais à Nairobipour l’Afrique de l’Est. En outre, nous sommesdésormais rattachés, avec les filiales asiatiques etsud-américaines, aupôleGMInternational, baséà Shanghai, et non plus au siège américain ; celafavorise un approvisionnement moins onéreuxet un meilleur partage d’expérience.

Quels marchés africains visez-vous en parti-culier?

Le marché nord-africain est extrêmementprometteur et, en dehors de l’Égypte, GM y étaitpeu implanté. Nous souhaitons être davantageprésents enAlgérie, premiermarchémaghrébin.En Afrique subsaharienne, nos cinq cibles prio-ritaires sont, dans l’ordre, le Nigeria, l’Angola, leKenya, le Ghana et le Sénégal, en raison de leurtaille. En Afrique australe, nous voulons aussi, àpartir de notre base sud-africaine et en profitantdes accords commerciaux de la Communautéde développement de l’Afrique australe, investirdavantage le marché zimbabwéen.

Sur quelles marques comptez-vous vousappuyer?

Chevrolet est sans aucun doute notremarqueleader pour les véhicules particuliers, et Isuzu,dont nous détenons la licence en Afrique, pourles véhicules utilitaires. Cela dit, dans les paysoù nous sommes peu présents, nous ne nousinterdisons pas de commercialiser des véhiculesOpel, si cette marque est plus connue. Depuis2004, notre groupe a développé pas moins de

Edgar Lourençon

Le Brésilien préside depuis 2009 les filiales africaines du géant américain. Afin de doper ses ventessur le continent – 160000 véhicules en 2010 –, une nouvelle approche par sous-ensemble géographiquea été adoptée en janvier. Explications.

� « Aujourd’hui,nous écoulonsPLUS DE

40000 VOITURES auMaghreb et enAfrique del’Ouest, contre3000 en 2004. »

KARLSC

HOEM

AKER

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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38 nouveauxmodèles. Nous pouvons donc nouspermettre de piocher le meilleur produit enfonction du pays, et faire face aux petits 4x4des coréens Hyundai et Kia, aux citadines desfrançais Renault et Peugeot, ou bien aux pick-updes japonais Toyota et Nissan, pour ne citer quenos plus grands concurrents.

Allez-vous fabriquer davantage de véhicules surle continent, afin demieux pénétrer lesmarchéset d’adapter vos produits à la demande?

Nous fabriquons déjàhuitmodèles enAfriquedu Sud, mais ce sont essentiellement des véhi-cules avec une direction à droite, donc desti-nés à l’Afrique australe et à l’Afrique de l’Est.L’attribution par la direction internationale de la

production de la Chevrolet Spark à notre usinede Port Elizabeth devrait nous aider à passerla barre des 50 000 véhicules produits dans lepays [contre 26000 actuellement, NDLR], ce quinous permettra, conformément à la réglemen-tation, de bénéficier de facilités à l’exportationvers l’Afrique australe, l’île Maurice mais aussil’Asie-Pacifique.

Enfin, nous avons décidé de nous lancer, avecnotre partenaire japonais Isuzu, dans le dévelop-pement d’une nouvelle version du pick-up KBdestinée au continent et qui sera aussi fabriquéedans nos usines sud-africaines. Cela étant, nousne pourrons certainement pas nous passer desimportations, dont nous comptons toutefoisdiversifier l’approvisionnement : dans des payscomme l’Angola, nous profiterons des accords delibre-échange avec le Brésil, où nous disposonsd’usines performantes.

Quelle est votre priorité jusqu’à la fin de l’an-née 2011?

La constructiond’un réseau solide dedistribu-teurs dans nos pays cibles.Mais ne nous voilonspas la face, cela prendra plus d’une année ! ●

Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC

Nous allons lancer,en partenariat avec Isuzu,un pick-up spécialementdestiné au continent.

CHEVROLETCADILLACBUICKGMCOPELISUZU

Les marquesdistribuées

par General Motorsen Afrique.

Le groupe bilstein est un des fabricants & fournisseursleader de pièces détachées automobiles et véhiculesutilitaires sur le marché des équipementiers. febi bilstein estreconnu dans le monde entier pour son innovation,sa qualité et sa réactivité; il est le partenaire compétentdu marché libre des pièces détachées. Avec à l´heure

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Dossier 77

Page 78: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

P remière chose que l’onvoit en descendantd’avion: l’alignementdescomptoirs de location

de voitures. « En Afrique, notremarché se répartit globalementà 50/50 entre clientèle interna-tionale de courte durée, touristeset hommes d’affaires en déplace-ment, et clientèle de résidents,nationaux ou non, qui pratiquentla locationdemoyenneou longuedurée », expliqueOlivierMétairie,directeurAfriqueetMoyen-Orientd’Europcar. Le marché est doncséparéendeux, entreuneclientèleinternationale qui s’adresse aux

grands groupes par commoditéet par sécurité, et une clientèlenationale qui sollicite plus faci-lement des loueurs locaux.

Thierry Domballe, directeurAfrique et océan Indien d’Avis,note de son côté « une part pré-pondérante d’entreprises parmi[ses] clients, à l’exception duMaroc et de la Tunisie, où la clien-tèle touristique est importante ».Ces sociétés préfèrent en géné-ral s’adresser à des compagniesinternationalespourdesquestionsde facturation, de visibilité et depossibilité de recours en cas deproblèmes.

Conséquence:afindeconjuguerimagedemarqueet adaptationauterrain, les loueurs ont tous choiside s’allier avecdesdistributeursdevéhicules. Europcar travaille avecle français Tractafric et le belgeDemimpex (en cours de fusion),ainsi qu’avec Imperial enAfriqueduSud.Avis est associé, enAfriquefrancophone,aveclefrançaisCFAOet, enAfriqueaustrale, avec le sud-africain Barloworld.

GAGNANT-GAGNANT. Le loueur,franchiseur, apporte son savoir-faire,sonmodèled’activité,sarépu-tation, sa visibilité et son systèmederéservation.Leconcessionnaire,franchisé, fournit son parc auto-mobile et sa connaissancedu tissuéconomique local. « Sans ça, cer-tains petits pays nous resteraientdifficilementaccessibles, alorsquela demande existe partout », com-menteThierryDomballeàproposde l’alliance Avis-CFAO.

Le typedevéhiculesdisponiblesdépend du pays, comme l’indi-que le loueur Sixt, dont la flotte

« est ajustée à l’état des routes etcomprend de ce fait surtout desvéhicules 4x4 ». En tout cas, lesperspectives pour les loueurs sontbonnes: lacroissanceéconomiqueet les projets de chantier sont legage d’une forte demande. ●

ANTOINE LABEY

LOCATION

Franchise et concessionsAfin de conjuguer image de marque et adaptation au terrain, les loueursinternationaux s’allient à des distributeurs locaux pour s’établir en Afrique.

ERICKAHOUNOU/A

PA

� LE TYPE DE VÉHICULES DISPONIBLES dépend du pays (ici à Dakar).

Pour des questions de facturation,les entreprises clientes préfèrents’adresser à de grands groupes.

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1er Salon International Professionnel de l'AutomobileEt des Métiers Affiliés de l'Afrique de l'Ouest

Dossier Automobile78

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E ntre la location longue durée etl’achat d’un véhicule, le leasingautomobile – ou location avecoptiond’achat–séduitdeplusen

plusd’entreprises. Il leurévited’immobili-ser leurcapital et lesallègede lagestionetde l’entretiende leurparcautomobile.EnAfrique, lapratiqueest surtout répandueauMaghreb.Parmi les sociétésdecrédit-bail lesplusconnues:MarocLeasingetMaghrebLeasingAlgérie (filialede Tunisie Leasing, du groupeAmen).

Au sud du Sahara, où l’ac-tivité est restée, jusqu’à trèsrécemment,embryonnaire,le numéro un du crédit-bailautomobiles’appelleAliosFinance.CrééauSénégal en1956 sousle nom de Sociétéafricaine de créditautomobile (Safca),legroupepanafricaincompte dans soncapital des acteurshistoriques de ladistributionautotelsqueCFAOetOptorg,maisaussi le fondsAfricinvestet, encore une fois, Tunisie Leasing.

UNMARCHÉÉTROIT.SienAfriquefranco-phone lecadre fiscal est encourageant, cen’estpas toujours le casailleurs. L’activitédevient alors peu avantageuse pour le

client, et risquée pour les sociétés deleasing. Lemarchéest souvent considérécomme trop étroit pour envisager touterentabilité. Christophe Dupras, d’ALDAutomotive, filiale du groupe Sociétégénérale spécialisée dans la locationlongue durée et la gestion de parcs auto,estime que « le seuil minimum de ren-tabilité d’une activité de leasing se situe

à 2000 véhicules, un volume difficile àatteindredanslaplupartdespaysd’Afriquesubsaharienne.Deplus, lamaintenancedes véhicules, qui est à la charge de lasociété de leasing, pose des problèmesdans pasmal de pays ».

Pourtant, les chosesbougent. Sénégal,Cameroun, Gabon, Nigeria ou Zambiesont autant de pays devenus très attrac-tifs pour Alios Finance. «Nous sommesaujourd’hui présents dans huit pays,expliqueMahdi BenHamden, directeurd’exploitation.Notreplandedéveloppe-mentprévoit deuxpays supplémentairesparan,déterminésenfonctiondumarchéautomobile local et du degré d’inser-tion de la location dans les habitudes

culturelles.Nousvenonsd’ailleursde lancer notre activitéen Tanzanie, où noussommes les pionniers,et lesPMEetPMI loca-les semblent parfai-tement accepter leprincipe. »

Depuis 2008, laSociété financièreinternationale (SFI,filialede laBanquemondiale)apportesonappuiaudéve-loppementducré-dit-bail par le biais

de l’Africa LeasingFacility (ALF). Dans le

cadre de ce programme,ellemène des actions de sensibilisationet de formation, en collaboration avecl’AfricanLeasingAssociation (Afrolease),qui regroupe les professionnels africainsdu secteur. ●

ANTOINE LABEY et MICHAEL PAURON

CRÉDIT-BAIL

Uneactivité qui gagnedu terrainAdoptée par les entreprises maghrébines, la location avec option d’achat se généralisepeu à peu à tout le continent. Le groupe panafricain Alios Finance avance ses pions.

Dossier 79

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L e clan Ben Ali en avait faitsa chasse gardée. « 80 %dumarchéde l’automobileétait capté par les proches

du palais de Carthage », affirmeFéridAbbas, lePDGdeSetcar, dis-tributeurdeVolvo.Unedominationassise sur la pratique des quotas.Chaque début d’année, tous lesconcessionnaires tunisiensétaientinformés du volume d’importa-tions qui leur était alloué, dansla plus grande opacité. « Pendantplus de dix ans, l’administration arefusédenousdonner lamoindreautorisation, avant denous accor-der une centaine de voitures en2007 [précisément 180 véhicules,NDLR]. Cette quantité ne suffisait

mêmepas à couvrir nos charges »,témoigne Férid Abbas.

Une méthode officiellementjustifiée par l’avantage donné auxconstructeurs faisant leplus appelaux équipements fabriqués parles industries locales. L’exemplele plus flagrant de népotisme futsans doute le traitement de faveurréservé à Sakhr el-Materi, gen-dre de l’ex-président, qui, pourla marque Kia, avait obtenu dèssa première année d’exploitation,en 2009, près de 2000 véhicules,puis 3000 en 2010. Sans compterles volumes acquis hors quotas :1300 lorsdudernierexercice, selonnos informations. Soit en toutprèsde 10 % dumarché.

Quatre mois après la chutedu régime Ben Ali, plus aucunconcessionnaire ne veut enten-dre parler du systèmedes quotas.« Le secteur doit être libéralisé »,clame Khaled Ben Jemaa, patronde la Société de l’automobile etdu matériel (SAM, distributricedes microbus et des 4x4 de mar-que Mitsubishi) et représentantdes patrons du secteur. Un mes-sage entendu par le ministre du

Commerce, Mehdi Houas, quijuge même ce fonctionnementcontraire aux règles de l’Organi-sation mondiale du commerce(OMC). « Il n’y aura plus de pro-blème d’équité, indique NaceurOueslati, directeur général

TUNISIE

BenAli parti, lemarché s’émancipeSoumis à des quotas d’importation sous l’ancien régime, lesconcessionnaires demandent la libéralisation du secteur. Les autoritéssont d’accord, mais la transition peine à se mettre en place.

NICOLA

SFA

UQUÉ/

WWW.IM

AGES

DET

UNISIE.COM

�VOLKSWAGEN a vu ses ventes chuter de 69 % en mars dans le pays.

Un traitement de faveur étaitréservé à la marque Kia, venduepar le gendre de l’ex-président.

● ● ●

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Dossier Automobile80

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du commerce extérieur auministère. L’année 2011 sera unepériode de transition. Pour nepas déséquilibrer la balance despaiements, nous avons décidé destabiliser le nombre de véhiculesimportésà45000unités,mais leurrépartition entre lesmarques a étéconfiée aux concessionnaires. »

Si le discours est bien rodé, lechangement peine pourtant à seconcrétiser.Transmisauministère,l’accord trouvépar lamajorité desdistributeurs aurait été avalisé parl’État, mais serait à la fois l’objetde contestation de la part de cer-tains concessionnaires et victimedes lenteurs de l’administrationpour sa mise en application. Ilaboutit notamment à une baissed’environ25%des volumesaccor-dés à certaines entreprises ayantappartenu auxproches deBenAliet depuis confisquées par l’État,comme Ennakl (Volkswagen,Audi), Alpha International(Ford) ouCityCar (Kia) ; d’autres,commeGeneral Motors (Opel etChevrolet), auraient obtenu aucontraire une forte augmentation,jusqu’à 500 %.

INERTIE.Certaines voix parmi lesconcessionnaires s’élèvent pourdénoncer l’inertiede l’administra-tion. «Nousavons été spoliéspen-dantdesannées,onnevoudraitpasque legouvernementde transitioncontinued’accorderdesprivilègesà ces sociétés, sous prétexte qu’ildevra à terme les vendre pour sonproprecompte»,plaideundistribu-teur sous le couvertde l’anonymat.

Difficiledecroireeneffetque l’Étatne soit pas tenté de préserver lasanté financièredecesentreprises,qui, en outre, emploient près de3000 personnes.

Dans l’attente de l’ouverturetotale à la concurrence, dès 2012selon leministère du Commerce,le secteur reste dominé par lesex-marques du clan Ben Ali. Aupremier trimestre 2011, Ford setaille toujours la part du lion, avec951 véhicules vendus (14,7 % desvolumes), suivi de Volkswagen(14,4 %), Peugeot (11,85 %) et Kia(8,9 %). À l’autre extrémité, Opel,Dacia et Volvo représentent à euxtrois seulement 1,5%d’unmarchéen très forte baisse.

« Avec la révolution, l’écono-mie est à l’arrêt, et nous aussi.Cette année, nous ne pourronspas écouler 45000,mais aumieux30000véhicules»,confirmeKhaledBen Jemaa. Au mois de mars, lesventesdesconcessionnairesétaienten recul de 44 %. Avec des chu-tes atteignant 82 % pour Renault,69%pourVolkswagenet61%pourMercedes.Si lacontre-performancede lamarque française s’expliquepar une rupture de stock au pre-mier trimestre, les constructeursallemands sont quant à eux éga-lement victimes de leur proximitéavec la famille Ben Ali.

La survie de certaines sociétésest-ellemenacée?Non, répondentles intéressés.Assurésdeconserverle marché du service après-venteet de la pièce de rechange grâceà l’entretien du parc existant, soit20%à30%de leurchiffred’affaires,

ATTRIBUÉ EN 2009 à des concessionnaires appartenant à des proches de BenAli, le renouvellement des bus des sociétés publiques de transport tunisiennesest la parfaite illustration des pratiques népotiques de l’ancien régime. Au total,l’affairisme du « clan » au pouvoir aurait induit un surcoût d’environ 14 millionsd’euros, sur un marché estimé à 150 millions d’euros pour l’achat de 1000 bus.« Sur chaque exemplaire, notre prix était inférieur de 50000 dinars[25000 euros, NDLR], mais c’est quand même Ennakl, propriété de Sakhrel-Materi, qui a décroché le gros des commandes », confirme Férid Abbas,distributeur Volvo, retenu pour fournir des bus articulés. Ce temps est révolu :plus question, pour les entreprises publiques de transport, d’assumer lesdérives de l’ancien régime. Certaines refusent même de payer les buscommandés, mettant en difficulté les concessionnaires autrefois privilégiés etaujourd’hui confisqués… par l’État. Bref, un vrai casse-tête pour les autorités. ●

J.C.

LE TRANSPORT PUBLIC SE REBIFFE

tous les concessionnaires affir-ment pouvoir attendre des joursmeilleurs,mêmesi le troud’airdureplus d’une année. L’autre raisonde cet optimisme tient au fait quebeaucoupde sociétés dedistribu-tionsontdétenuespardesgroupesdiversifiéscommeLoukil (Citroën,Mazda), Mzabi (Renault-Nissan)ouSetcar (Volvo), qui leur procu-rent une bonne assise financière.D’ailleurs, aucun n’envisage offi-ciellement de réduire ses effectifs.«Nos150 salariés ont enmoyennevingt ansd’ancienneté.Nousorga-nisons le travaildifféremment,avecdes journées plus courtes, mais iln’est pas question de mettre noscollaborateursauchômage», réagitKhaled Ben Jemaa.

PÉRIODE DE CALME. En outre,cettepériodedecalmeestpropiceàl’élaborationdenouvellesstratégies.Pour les représentants de Toyota,Nissan, Mitsubishi ou Mazda, lapriorité est d’élargir leur gamme.D’autres font le pari de nouveauxconstructeurs. « Le chinois SAIC

[Shanghai Automotive IndustryCorporation,NDLR]arepris lapro-ductiondesmarquesRoveretMG,mais à un prix inférieur de 30 % à40%.Nous sommes très intéresséspar la Rover 75 et par un modèleprochede laMinivenduparBMW.Ces troisdernièresannées, laChinea beaucoup progressé », expliqueKhaled Ben Jemaa.

DistributeurhistoriquedeRoveretMGenTunisie, l’hommed’affai-res se verrait bien être le premierà importer des véhicules chinois.Selon leministère, aucunobstaclenes’yoppose.Lesseulesconditionsà remplir par les concessionnairesaprès2011concerneront le respectdes normesde sécurité et la capa-citéàentretenir leparcdevéhiculesvendus. De bonnes dispositionsquedevra confirmer le gouverne-ment tunisien auxmanettes aprèsla période de transition. ●

JULIEN CLÉMENÇOT

Malgré un trou d’air, aucungroupe n’envisage officiellementde réduire ses effectifs.

● ● ●

Les marquesles plus vendues

en Tunisieau premier

trimestre 2011rd seavec

% deswagennet KiaiaOpel,

rent uD’ailleucicielelleme«NoNosvingngt annisonsde jo

14,714,4 11,85

VOLKSWAGEN

FORD

PEUGEOT

(en % des volumesvendus)

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Dossier Automobile82

Page 83: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

«L eSénégalrefused’êtrela poubelle des paysdéveloppés », plaidela ministre sénéga-

laise des Transports, Nafy DioufNgom, pour justifier la loi, adop-tée en 2003, qui interdit l’impor-tation dans le pays de véhiculesd’occasion âgés de plus de 5 ans.Interpellée à la fin de l’année der-nièreparundéputésurcette loi trèscontroversée, laministreaproposécommealternativede«développer

les usines de montages de véhi-cules dans le pays pour avoir unparcmoderne et des véhicules dequalité pour une bonne sécuritéroutière ». D’autres pays ont prisdesmesures similaires: leGabonafixé la limited’âgeà4ans, leNigeriaà 10 ans et l’Algérie à 3 ans.

Si l’objectif officiel de tellesmesures est de limiter l’impactsur l’environnement et de réduirel’âge moyen du parc automobile,la réalité est encore loin de l’effet

escompté. Faceauxdifficultés ren-contrées par les ménages pour seprocurerdesvéhiculesplusrécents,donc plus chers, de nombreusesastuces pour contourner la loiont vu le jour : fabrication de fauxpapiers, importations de véhicu-les enpièces détachées destinés àêtre ensuite remontés, recours auxbakchichs auprès des douanes…Entre2001et2005, les importationssénégalaises de pièces détachéesont par exemple presque doublé,passant de 4,6milliards à 8,5mil-liards de F CFA (de 7 millions à13 millions d’euros), et neuf voi-tures sur dix importées seraient« sans papiers ». Autre effet per-vers : la hausse des enchères surles occasions existantes.

BONUS POUR LENEUF.Restequelesconcessionnairesprofitentausside cette législation, et les ventesde véhicules neufs ont bien aug-menté. «Depuis la loi, nous avonsremarquéunenetteaccélération»,affirme Jérôme Collet, directeurcommercial Toyota chez CFAO, àDakar.Unconstatcorroborépar leschiffresduMouvementdesprofes-sionnels de l’automobile sénéga-lais: alorsque2748véhiculesneufsétaient vendus en 2003, quelque6425 l’ont été en 2010.

Si l’émergence du marché desparticuliers est une réalité, lesconcessionnaires pointent néan-moins du doigt des freins impor-tants : des délais trop longs pouraccéder auxprêts bancaires et destaux d’intérêt trop élevés. ●

ANTOINE LABEY

avec AURÉLIE FONTAINE, à Dakar

OCCASION

La limitationde l’âgeenquestionPlusieurs pays ont durci la législation sur l’ancienneté des véhiculesimportés. Mais les effets attendus ne sont pas au rendez-vous.

NABIL

ZORKO

T

� DANS LE PORT

D’ABIDJAN,des voituresen attentede déchar-gement.

-G&>&!G' ;+1+<=G 1D?@=D 07GB. 8))

/,883) /D=BBG:B. /G:C>=&2G4* (((+"G&>&!G'+$#&

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Dossier Automobile84

Page 84: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

C hefd’atelier,mécanicien,technico-commercial,ingénieur commercial,ingénieurmécanique…

Présent dans 23 pays africains,le concessionnaire automobileTractafricMotors rechercheprinci-palementdes jeunes,depréférenceavecunepremièreexpériencepro-fessionnelle.«L’activitédesservicesétantparticulièrementdynamiquesurlecontinent,c’estsurtoutdanslesecteurducommerceetde la répa-rationautomobilesquelademandedemain-d’œuvreest laplus forte »,préciseFredrikMorsing, directeurgénéral de Tractafric Cameroun.Même son de cloche chez CFAOMotorsSénégal,qui recruteenper-manence des commerciaux spé-cialisés, des techniciensqualifiésserviceaprès-venteetdesgestion-naires de pièces détachées.

Véritablemoutonàcinqpattes, lecommercialspécialisé (àpartirdebac+2), qui représenteunegrandemarque dans une succursale ouuneconcession,estencontactavecla clientèle, qu’il conseille. Pourréussir dans sonmétier, il doit êtreà l’affût des nouveautés commer-cialesetdes tendancesdumarché.Lapersévéranceest indispensable,l’éloquence un atout précieux.

Danslescentresautocommechezlesconcessionnaires,lesprofilsbac+5sontégalementrecherchés.Ilsaccè-dentassezrapidementàdespostesde direction, mais doivent d’abordacquériruneparfaiteconnaissancedu produit. Ils débutent commeconseillers commerciaux, puistravaillentenbinômeavecdeschefsde vente, qu’ils seront éventuelle-ment amenés à remplacer. Dansles concessions en particulier, lesbac+5sontadjointsaudirecteurde

RESSOURCES HUMAINES

Dequoi faire chez les concessionnairesLe secteur de la venteet de la réparation,en plein développement,recherche de nombreuxprofils. Le point sur lespostes et les formations.

�Atelierd’apprentis-sage dansune sociétéde câblageélectriqueautomobile,àTanger.LES SOUS-TRAITANTS

AUSSI

RECRUTENT.

site,responsablesdedépartement,directeurs commerciaux…

Lesdistributeursaffirmentavoirune politique de promotion descadresafricains.Desnationauxsontainsi recherchéspouroccuperdespostesdechefd’agence,responsa-ble desmarques ou responsablelocation. Les directeurs de filia-les sont également demandés, àcondition de justifier d’une expé-rience minimale de dix ans dansla profession.

SENS DE L’AUTONOMIE. En ter-mesde formation, lesBTS «mana-gementdesunités commerciales »ou «négociationet relationclient »sont prisés, notamment pour lespostes de commercial spécialisé.Largementdélivrésdans les lycéestechniques du continent, ces cur-sus peuvent être complétés parune formationen interne.Àbac+2toujours, le BTS «maintenance etaprès-vente automobile » a égale-ment la cote. Il permet au jeunediplômédedébuter, par exemple,comme réceptionnaire après-vente, avec un statut d’agent demaîtrise. Grâce à une formationcomplémentaire, ilpeutêtrepromucadre, à condition de justifier descompétences comportementalesnécessaires, comme le sens del’autonomie.

Les perspectives d’évolutiondépendent égalementduprofil dusalarié.Certainspréfèrent la techni-que,d’autres apprécient le contactavec la clientèle. Les premierspourront passer chefs d’atelier,lessecondsdeviendrontadjointsauchef de vente puis chefs de vente.Lesmissions diffèrent en fonctionde la tailledesstructures:dansunepetite concession automobile, unchef d’atelier peut également s’oc-cuper de la vente, alors que dansune concession plus grande, lesrôles sont plus cloisonnés.

Reste qu’il faudra un jour réglerl’épineusequestiondes formationsspécifiques à la gestion et au com-merceautomobilessurlecontinent.

Lesentreprisespeinentàyrecruterdesprofils qualifiés, en raisonde lararetédescentresdeformationspé-cialisés.Responsablescommerciauxetresponsablesservicessont leplussouventissusd’établissementsfran-çais, comme l’École supérieure ducommerceetdes réseauxde l’auto-mobile ou l’Institut supérieur ducommerce automobile duMans. ●

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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Les BTS des lycées techniquespeuvent être complétéspar une formation en interne.

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Dossier 85Dossier

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PANORAMA

Sept vedettes à ShanghaiLe Salon de l’automobilede la mégalopole chinoiseest devenu la vitrine desconstructeurs mondiaux.Revue de détail desmodèles qui ont marquél’édition 2011.

MICHAEL PAURON

JESS

ICA

RINALD

I/REU

TERS

Impossible de passer à côtédu constructeur chinois JAC,

qui a présenté à Shan-ghai quelque quin-ze nouveaux mo-dèles. Son SUV(sport utility ve-hicle)S1 – dispo-nible enAfrique –offre une palette

d’équipements desérie, mais ses per-

formances pourraientbien décevoir, car probablement en deçà de ce qu’on attend d’un modèle quasitout-terrain présenté comme étant à l’aise aussi bien en ville qu’à la campagne.D’un poids de 2 tonnes, il plafonne à 170 km/h… Son prix « asiatique » sera sansdoute la seule vraie performance du modèle.

Ne vous fiez pas à ses airs de berline.Le premier crossover de la marque

aux anneaux, avec sa garde au sol de17 cm, reste un SUV qui pourras’adapter à un grand nombrede terrains. Fabriqué enChine et en Espagne, leQ3 sera disponible endiesel (2 litres TDI 177et 140 chevaux, boîtemanuelle 6 rapports)et enessence (2 litres170 et 211 chevaux,bo î t e robo t i s ée7 rapports).

Jusque dans son lancement, cemodèle innove : la nouvelle

Chevrolet Malibu a été présentée,en même temps qu’à Shanghai, surle réseau social Facebook. La berline,équipée de série d’unmoteur Ecotec4 cylindres de 2,4 litres et d’une boîteautomatique 6 vitesses, est déjà unbest-seller aux États-Unis. De quoirassurer lamaisonmèredeChevrolet,GM, après une crise qui a laissé desstigmates.

CHEVROLET MALIBULANCEMENT EN RÉSEAU

JAC S1 DÉCEPTION ANNONCÉE

AUDI Q3 BERLINE TOUT-TERRAIN

T apis rouge : le Salon inter-nationalde l’automobiledeShanghai (du21au28avrildernier) est l’un des ren-

dez-vous incontournablesdusecteurautomobile, avec celui de Pékin (enalternance une année sur deux). Lamégalopole chinoise fait désormaispartie du grand schelem pour lesconstructeurs, qui n’hésitent pas àyprésenter leurs nouveauxmodèlesen première mondiale.

Il fautdirequelaChineestdevenuele plus gros marché automobile dela planète, avec plus de 18 millionsde véhicules écoulés en 2010 et unecroissance de 10 % par an prévuesur les prochaines années. Et si lesconstructeurs locauxsetaillent lapartdu lion, avecplusde45%dumarché,l’américain General Motors (GM) yest le premier constructeur étranger,avec 2,4 millions de véhicules ven-dus, devant l’allemand Volkswagen(1,9 million)… Ce n’est pas rien. ●

D.R.

D.R.

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Dossier Automobile86

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Le nouveau modèle familial de lamarque au lion remplace la 407

et la 607. Disponible en berline ou enbreak, la 508 propose des motorisa-tions HDI allant de 112 à 204 chevaux.Système Start & Stop et démarragemains libres pour la finition hautde gamme, habitacle somptueux…La comparaison avec les modèlesallemands de la même catégorie estflatteuse. Des progrès indé-niables ont été faits par rap-port à la 407.

PEUGEOT 508 EN PROGRÈS

Boîte automatique à 7 rapports, suspensions spécia-lementdéveloppées, 4,5 secondespouratteindre

les 100 km/h… La nouvelle sportive routière duconstructeur allemand alliera performancesmoteur, avec un V8 biturbo plus puissant quele V10 de laM4, et prouesses écologiques, puis-que le moteur consommera 25 % de moins,notamment grâce au système Start & Stop – undispositif d’arrêt et de redémarrage automatiquestrès utile en cas de feu rouge.

BMWM5 PUISSANCE ÉCOLOGIQUE

D.R.

E st-ce l’influence du nouveau propriétaire de la marque suédoise, lechinoisGeely?Toujoursest-il que lemodèleprésentéenavril–aprèsune

habile campagnedepublicité nedévoilantque ses lignes – fait couler beaucoupd’encre.Climatisation,GPSet sys-tème audio seront accessibles,via un écran tactile. Longued’au moins 5 mètres, racée,la berline de luxe est déjàannoncée comme unesérieuse concurrente desMercedes Classe S, BMWSérie 7 etAudiA8.Mais sadatede fabricationn’a tou-jours pas été annoncée.

Ce crossover surprend par son ouverture deporte enélytre, sur toute la longueurde l’ha-

bitacle. Samotorisation hybride s’inscrit dansune tendance reprise par BMWetMercedes,avec un moteur thermique 2 litres relié àuneboîte 8 vitessesmunie dedeuxmoteursélectriques. Surtout, ce concept car a étéentièrement dessiné en Asie par GeneralMotors Shanghai et le Pan Asia TechnicalAutomotive Center, centre de dévelop-

pement exploité en commun par GM et leconstructeur chinois Shanghai Automotive.

VOLVO UNIVERSE UNE CONCURRENTE DE TAILLE

BUICK ENVISION CONTOURS ASIATIQUES

LES « CONCEPT CARS »Ces modèles expérimentaux en disent long sur les ambitionsdes marques sur le marché du luxe, le plus dynamique de la planète.

D.R.

D.R.

D.R.

Dossier 87

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RAY LEMA: Le nombre 99 ne s’applique pasuniquement aux étrangers qui sont établis enFrance. Il sert aussi à désigner les Français nésà l’étranger. J’ai choisi ce titre pour saluer mafamille 99 qui est vaste et diverse. Elle apportebeaucoup de richesses à la France, quoi qu’enpensent certains. Je dénonce un peu ce systèmefrançais qui nous cause beaucoup de tracasse-ries. Nous avons acquis la nationalité française,nous travaillons dur, nous payons des impôts. Etnous contribuons à la richesse tant matérielleque culturelle de ce pays. Il est énervant de voirque le fait d’être 99 vousmet à la merci de petitsfonctionnaires qui abusent de leur pouvoir pourvous humilier sans état d’âme. D’où ce doublesentiment : la fierté d’appartenir à la France etla frustration de constater qu’on n’est pas traitécomme un Français à part entière.

En suivant votre parcours, on note que vous êtesparti du Zaïre, à l’époque, pour les États-Unis,avant de vous retrouver en France. Pourquoin’êtes-vous pas resté aux États-Unis?

LesÉtats-Unis sont une sorte d’État-continent.Quandonyvit, ona l’impressionden’avoir aucunregard sur lemonde extérieur. C’est un pays trèsnarcissique. Le fait pour les Américains de seconsidérer comme les premiers aumonde a uneconséquence : ils ne sont pas attentifs à ce qui sepasse ailleurs. Tout compte fait, ils se retrouvent

Dans l’univers de la musiquecongolaise, Raymond Lema aNsi, dit Ray Lema, est un cas àpart. C’est le seul pianiste, etson art se nourrit de toutes lessèves du monde. En plus, il ne

seprendpaspourune star, une vedette : il est toutsimplement musicien. Établi en France depuistrois décennies, Ray Lema ne cesse de parcourirle monde et de multiplier les expériences avecses frères enmusique.Blues, jazz, classique, rock,rythmescongolais traditionnelsoumodernes, rienne lui est étranger. Pour lui, un instrumentistedoitfaire la somme de nombreuses musiques en vuede connaître les arcanes d’un instrument. Il peutainsi,encaressant les touchesdesonpiano, trouverle son le pluspur, celui qui correspond à sa visionde l’art : la perfection.Dans sonnouvel album,99,Lema faithonneurà sa réputationdegrand.Et sonéclectisme, qui va des sons brésiliens au reggae,enpassantpar la rythmiquecongolaiseou le jazz,en sort renforcé. Et puis, en toute modestie, RayLemadévoileuneautre facette: c’estunhommedeconvictions qui a horreur de la langue de bois.

JEUNEAFRIQUE:Votre nouvel album a pour titreun nombre: 99. En France, ce nombre désigneles étrangers. Qu’y a-t-il derrière ce titre?

Ray LemaRay Lema

Propos recueillis par TSHITENGE LUBABU M.K.

À l’occasion de la sortie de son nouvel album, le pianiste revient sur sa musique,son pays d’adoption – la France –, mais aussi la République démocratique duCongo, où il ne s’est pas rendu depuis plus de trente ans… Sans complaisance.

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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� DANS SON STUDIO,en régionparisienne.

« Les Congolais se sont repliéssur eux-mêmes »

99, de Ray Lema(One Drop/Rue Stendhal)

MUSIQUE

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Culture& médias

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musicaux traditionnels. Ils ont des balafons,des sanzas, et ce sont des grands vocalistes.Du coup, les harmonies modales sont claire-ment énoncées. Pour diriger le Ballet nationalet comprendre les modes traditionnels, je mesuis beaucoup fondé sur l’étude des Lubas. J’aiune dette culturelle envers eux et je ne ratepas la moindre occasion de la payer à traversmon travail.

Ouvert sur lemonde,vousêtes pourtantméconnudu grand public congolais. Comment l’expli-quer?

Ce qu’on appelle lamusique congolaise est lepremier stylemusicalà s’êtreexportéhorsdupays.

non pas au centre du monde, mais plutôt à sapériphérie. Spirituellement, c’est une expérienceque j’ai refusé de vivre.

Pourtant, vos racines musicales, tout en étantcongolaises, sont aussi américaines…

C’est vrai. Mais elles sont également en partieeuropéennes, parce que j’ai beaucoup travaillélamusique classique dansma vie, arabes et asia-tiques. Je suis simplement et humblement unhumain qui vit de façon libre sa culture univer-selle. Il neme coûte aucun effort de passer d’unmode gnawa à unmode blues, d’une harmonieclassique àune rythmique traditionnelle congo-laise. Lorsque j’étais ledirecteurmusical duBalletnational du Zaïre, j’ai eu la chance de voyager àtravers le pays et de pouvoir me rendre comptede son immense richesse musicale.

Dans 99, vous revenez à lamusique traditionnelledu Kasaï. Qu’a-t-elle de particulier?

L’ethnie luba duKasaï est très importante pourmoi, car elle est la seule à avoir les deuxmodes

Mes racines musicales sontcongolaises, américaines, européennes,arabes et asiatiques.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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LesCongolais se sont repliés sur eux-mêmes, surcettemusique populaire, sans se rendre compteque le train du monde continue de rouler. Celame dérange beaucoup. Moi qui ai travaillé avecune variété d’ethnies, qui connais leurs trésorsmusicaux, j’ai l’impression de n’avoir à faire qu’àune seule ethnie. La musique congolaise estbasée sur trois accords. Dès que vous en ajoutezun quatrième, le chanteur est perdu parce queson oreille n’a pas été éduquée dans ce sens.C’est dommage !

Certains prétendent que la musique congolaiseest en déclin. Qu’en pensez-vous?

Quand on devient artiste, on a des rêves per-sonnels. Selon ce que je sais, il y a au Congo desartistes dont le seul rêve est d’acquérir, à Paris,une veste griffée. Je regarde cela avec beaucoupde fascination parce qu’au moment où certainsjeunes rêvent d’aller sur Mars, d’autres ne pen-sent qu’à des fringues demarque ! C’est juste unproblème d’éducation.

Parmi les objets qu’on trouve dans votre studio,il y a une photo de Joseph Kabasele Tshamala,l’auteur d’Indépendance Cha Cha. Que repré-sente-t-il pour vous?

Ce monsieur fait partie de mes débuts enmusique. J’ai pu l’approcher. Il m’a beaucoupimpressionné car il ne vivait pas la musiquecomme les vedettes congolaises d’aujourd’hui.Il était instruit et pouvait discuter de n’importequel sujet avec beaucoup de maturité. C’étaitun humain épanoui. J’allais souvent chez lui àLimete [l’unedes communesdeKinshasa,NDLR]pour discuter. Il m’a appris un tas de choses. Ilreste un modèle.

Vous n’êtes plus rentré au Congo depuis trente-deux ans. Est-ce une rupture?

Pas du tout. Jeme sens toujours, sinon davan-tage, congolais.Mais j’aimerais pouvoir être utileau Congo sans prendre de risques inutiles.

C’est-à-dire?Les pouvoirs africains sont très énervés dès

que vous leur posez des problèmes auxquels ilsne sont pas habitués. Ils ont alors l’impressionque vous ne les aimez pas, que vous voulez lesrenverser… C’est là que mon côté français semanifeste. Ici, nous avons l’habitude de discu-ter, de poser des questions, sans haine. J’aimetourner le couteau dans la plaie sans avoir peur.En Afrique, les hommes au pouvoir sont encoretrès susceptibles. Ils pensent que leur tenir têteest un crime de lèse-majesté. À cause de cela,beaucoup de cerveaux africains, dans tous lesdomaines, préfèrent quitter le continent.

Ce que vous refusez, c’est de devenir, comme

certains de vos confrères, un « griot »?Le griot, donc, le chantre du patron. Chanter

le chef, c’est presque dans notre culture. Nousne pouvons pas, nous Africains, refuser de nousouvrir à la culture internationale et rester confi-nés dans nos réalités, surtout au niveau de laconceptiondupouvoir.Souvent,noschefspensentqu’ils sont le choix de Dieu. Du coup, le peuplese confond en salamalecs. Ce qui nuit au bonfonctionnement des pays.

Votre discours est très politique…Ce n’est même pas de la politique. J’estime

qu’à 65 ans j’ai assez vécu pour me sentir res-ponsable. J’aimerais que nos dirigeants nousconsidèrent comme tels. Si vous refusez de vousprosterner devant eux, ils pensent que vous êtesun problème.

En République démocratique du Congo, laConstitution a été modifiée pour que la prési-dentielle soit à un tour. Il y a un grand besoinde financements extérieurs. Qu’est-ce que celavous inspire?

De l’énervement. Je penseque le jeunehommequi est au pouvoir n’est pas au courant de lamarche du monde. Il n’a aucun rêve, aucuneambition pour son pays. Je n’ai pas l’impressionqu’il ait compris que c’est un pays énorme, avecbeaucoup de richesses, notamment culturelles.Il ne laissera pas un souvenir impérissable auxCongolais.

À 65 ans, avez-vous encore des rêves?Je rêve de devenir un meilleur humain.

Sur votre album, vous avez reprisAta ndele, unechanson d’Adou Elenga qui date de la colonisa-tion, dans une version de Mayaula Mayoni. Atandele signifie « tôt ou tard, lemonde changera ».C’est aussi votre message?

Je voudrais que les Congolais se mettent celadans la tête. Il y a une autre chanson où je disque je n’ai jamais entendu parler d’une journéeéternelle. Par conséquent, il n’y a pas de nuitéternelle. La vie est faite de cette dualité : la nuitn’est belle que par rapport au jour et vice versa.Il faut vivre au lieu de subir.

Quels sont vos projets?Monprochainalbum, je le ferai avecunorches-

tre symphonique brésilien. Les Brésiliensm’ontmis dans la tête que ma manière de composersied bien à un orchestre symphonique.

À quand un concert à Kinshasa?Je ne cherche pas à m’imposer à qui que ce

soit. Si les Congolais ont besoin de moi et qu’ily a un piano, j’irai jouer à Kinshasa. Ce sera ungrand honneur et un grand plaisir. ●

1985

Medecine (Celluloid)

1988

Bwana Zoulou Gang(Mad Minute Music/Mélodie)

1996

Green Light (BudaMusique)

2007

Paradox (LaborieJazz/NaïveDistribution)

DISCOGRAPHIESÉLECTIVE

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Culture médias90

Page 90: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

D epuisquelquessemaines,l’am-biance àTélésud est délétère.Arrivésauxaffairesenoctobredernier,BernardVolker,direc-

teur général, et Aurélien Delpeyroux,gérantde la chaînegénéraliste consacréeauxpaysduSud,tententdefairepasserunedouloureuse restructuration. L’objectif ?Redresser la chaîneparisienneempêtréedans des difficultés financières.

Sur un effectif de trente salariés, prèsdu tiers serait concerné par un plan delicenciement collectif pour des raisonséconomiques.Deuxséparationsà l’amia-ble ont déjà été signées et aumoins huitautres salariés ont passé des entretiensde licenciement.Resteque,mêmesiuneliste a été constituée, les tergiversationsde ladirection sur lespostesà supprimerfont que « jusque-là, onne sait vraimentpasqui reste et qui part », confie un jour-naliste de la chaîne.

Seule certitude, la direction est déter-minée à réduire la masse salariale, quireprésenteplusde60%descharges fixes.Mais c’est compter sans le personnel quidénonce déjà des vices de procédure :contrairement à ce qu’impose la loi, lesdélégués du personnel affirment ne pasavoir été consultés. Aucundocumentne

leur a été remis. Dans un courrier datédu 15 avril, adressé à Bernard Volker età Aurélien Delpeyroux, et dont JeuneAfrique s’est procuré une copie, les deuxdéléguésdupersonnel ont réclamé l’an-nulation de la procédure.

DETTES À EFFACER. En attendant, lesnouveaux patrons de Télésud affirmentquelachaînevitau-dessusdesesmoyens.«Quand nous sommes arrivés, il y avaitquatre mois d’arriérés desalaires. La société, frap-pée par une interdictionbancaire, n’était en règleni avec le Conseil supé-rieurde l’audiovisuel [CSA,NDLR],ni avec l’inspectiondu travail… »,se défend Bernard Volker. Bien qu’elleait été renflouée entre fin 2009 et début2010 à hauteur de 2,5 millions d’eurospar son actionnaire majoritaire, ÉricBenquet, unFranco-Gabonais considérépar certains comme un prête-nom dePascaline Bongo, Télésud n’est toujourspas parvenue à effacer la totalité de sesdettes.Début 2010, la chaîneétaitmêmeà deux doigts de l’écran noir.

Aurélien Delpeyroux, le nouveaugérant, assure cependant que «d’ici à la

fin juillet, grâceauxéconomiesquenousréalisons, ladettedeprèsde700000eurosquenous avons trouvée en arrivant seraentièrement remboursée ». Certaines

sources soupçonnentle gérant de la chaîned’êtreunprochedunou-vel actionnaire majori-taire. La configurationdu tour de table deTélésudaeneffetchangéselon le procès verbald’une assemblée géné-rale extraordinaire des

associésqui s’est tenue le 24mars etdontJ.A. s’est procuré une copie. Désormais,le capital social du holding de Télésud,WirelessandInternetAfromedia (Wiam),qui s’élève à 20200 euros (202 parts de100 euros), est détenu àplus de 80%parunesociétéimmatriculéeauLuxembourg,dénomméeArtnelux.Déclaréeau Journalofficiel duGrand-Duché de Luxembourgdu 8 mai 2007, Artnelux a pour objet laprisedeparticipationdans toutessociétésopérant sur le marché de l’art. PatrickRochas, unadministrateurde sociétés etMaurice Houssa, un économiste, basésauLuxembourg, ensont lespropriétaires.Éric Benquet, qui jusque-là était l’ac-tionnaire principal de la chaîne, détientdésormais moins de 20 % des parts.

Si lepersonnel reconnaît auxnouveauxpatronsdes efforts ayantpermisde régu-lariser les salaires, il conteste cependantleurdémarchequi consisteà licencier lespetits salaires.«Nousnecomprenonspas,écrivent-ils, les choix de la directionqui,pendant qu’elle parle de réduction decoûts,achèteaumêmemomentdesémis-sions à 15000 euros parmois. » Défense

de la direction : pendant longtemps, lesprogrammesdelachaîneontététellementpauvresque l’audienceenasouffert.À telpoint que « Canal Afrique, le principaldiffuseur,menacededénoncer le contratqui [les] lie », explique Bernard Volker.

De source interne, l’on prétend quela direction « préférerait avoir à payerdes factures plutôt quede supporter descharges salariales ». Autrement dit, elleentendexternaliser unebonnepartie dela production… ●

STÉPHANE BALLONG

MÉDIAS

Télésud: chroniqued’une instabilitéSept mois après l’arrivée d’une nouvelle direction, la chaîne doitfaire face à une restructuration. Un tiers des emplois sont menacés.

VINCEN

TFO

URNIER/J.A

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La nouvelle direction dela chaîne pourrait externaliserla production des programmes.

Ý SUR LE

PLATEAU DE

L’ÉMISSION

TANTINE’SMATIN, avecl’animatriceNadinePatriciaMengue(en juin 2010).

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Culture médias 91

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P etite robe blanche et noire,chignonsage, sourirehésitant…Sur le tapis rougequiconduitauPalais des festivals, à Cannes,

Saïda Jawad a l’air de ceux qui préfére-raient de loin être ailleurs. En haut desmarches, il fautpresque la forceràpasseraupremierplanpour laphotode famille.Rien à voir avec la forte tête aux dentslonguesqu’elle incarnedansLaConquête,film tant attendu du réalisateur françaisXavier Durringer. Dans ce long-métrage–qui raconte la campagneprésidentiellede2007et la victoiredeNicolasSarkozy–l’actriceincarneRachidaDati,porte-paroledu candidat, puis première garde desSceaux d’originemaghrébine.

Sur le grand écran, Saïda Jawad a lescheveuxcourts, sadémarcheest assurée,ses lèvres écarlates. Sa voix, ses expres-sions sont tellement calquées sur cellesde l’originalque,parfois, l’onnefaitplus ladifférence.«Troublant.Çam’a rappelédemauvais souvenirs… » ironiseun journa-liste à la sortie de la projection àCannes,tant l’ex-ministrede la Justiceaétécontro-versée. Mais ça, ça ne compte pas pourSaïda Jawad. « Je ne fais pas depolitique,cela ne m’intéresse pas. En revanche,j’ai trouvé sanomination extraordinaire :une ministre jeune, jolie, intelligente etmaghrébine… Une lueur d’espoir pourtous les enfants d’immigrés. » Les deux

femmesontencommundesparentsarri-vésduMaroc, dans les années 1960pourRachida Dati et 1970 pour Saïda Jawad.DesMaghrébinsavidesdese fondredansla France et de faire de leur progéniturede vrais petits Gaulois.

DISCRÉTION. Mais, contrairement à lafemmepolitique, dont la viepersonnelles’estsouventretrouvéeà launedelapressepeople, l’actrice se dit parfois « agacée »du nombre d’informations qui peut cir-culer sur sa vie privée. «Mon âge? Pourquoi faire? »; «Mesparents vontbien, j’aideux frères et une sœur… et je préfère leslaisserhorsde toutça»; «Gérard [Jugnot,acteur français, son compagnon depuis2004, NDLR] et moi, non, je ne préfèrepas en parler. » La fille deRoubaix – elle y est née en1973 – cultive cette discré-tion propre aux gens duNord. «Pourme connaître,il vautmieuxvoirMonsieurAccordéon. »Lapremièrepiècede théâtrequ’elle a écrite et qui l’a fait connaître dugrand public en 2006.

Elle y raconte sa vie de petite fillecondamnée à faire ses gammes au lieude jouer dehors avec ses copines. «MonpèrevoulaitquejesoisunevraieFrançaise,alors il m’a inscrite à des cours d’accor-déon», raconte-t-elleunriredans lavoix.

« Jedétestais cela.C’estpourçaque jemesuis inscriteauclubdethéâtreaucollège.»L’occasion parfaite pour retrouver sescopineset faire lamêmechoseque toutesles fillesdesonâge.Elleévoqueégalementle début de sa carrière : « Très vite, je mesuis rendu compte que ça devenait plusqu’unpasse-temps.»Etaprès lebac,SaïdaJawadentreauconservatoiredeRoubaix,avantdepartiràParis, sondiplômeetuneambition affirmée en poche.

Commence la période de vachesmai-gresoùelle court les castings… Jusqu’àcequ’uncoupdefil viennetoutchanger.«Lethéâtred’AmienscherchaituneAntigoneet la directrice avait eu mon contact parun directeur artistique lillois. J’ai passél’auditionet j’ai été retenue. »Après deuxans de tournée en France, elle tente lecinémaet la télé. Sa première apparitionremarquable dans un long-métrage, cesera dans le drame du réalisateur ChadChenouga, 17, rue Bleue, en 2001.

Saïda Jawadenchaîne les longs-métra-geset lestéléfilms:AliBabaet les40Voleurs(2007), Musée haut, musée bas (2008),Rose et Noir (2009),Aïcha, job à tout prix

(2010)… À la rentrée, elle signera sonpremier scénario télé, Tout est bon dansle cochon, pour France 3. En attendant,elle planche déjà sur un autre projet,songe « pourquoi pas » à passer derrièrela caméra, sanspourautant abandonnerl’accordéon.Jadis tantdétesté,aujourd’huitant assumé. ●

MALIKA GROGA-BADA

PORTRAIT

Dans la peaude Rachida DatiL’actrice d’origine marocaine Saïda Jawad incarne l’ancienne gardedes Sceaux dans le film de Xavier Durringer, La Conquête.

ÉMILIE

DELA

HOSS

ERAYE

« Mon père voulait que je sois unevraie Française, alors il m’a inscriteà des cours d’accordéon! »

ÐAMBITION,POUVOIR,BLING-BLING,la campagnede NicolasSarkozyracontée surgrand écran.

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Culture médias92

Page 92: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

L e « printemps arabe » a hantéle Festival de Cannes, commeun film dans le film. Le 11 mai,lorsde la soiréed’ouverture,déjà,

ayant organisé une montée des célè-bresmarchesduPalais des festivals pourunedélégationde cinéastes tunisiens, leministre français de la Culture FrédéricMitterrandmontrait lavoie. Il récidivait le13mai– sansdoutepour faireoublierdesdéclarationsmalheureusesdes responsa-bles français avant la chute de BenAli…– en attribuant la Légion d’honneur auplusconnudescinéastes tunisiens,NouriBouzid.Unedistinctionquece turbulentréalisateur, qui a encore été l’objet d’uneagressionbrutalede lapartd’un intégristeen avril, a dit accepter avec fierté dans lamesureoù « elle décore la révolution » etoù, ajoutait-il non sans humour, elle nel’empêchera en aucun cas de continuerà tourner comme auparavant des filmsdérangeants.

SUR LE VIF. Trois longs-métrages célé-brantexplicitement le«printempsarabe»ont particulièrement retenu l’attention.Retenu in extremis en sélectionofficielle«enhommageà laTunisie», ledocumen-taire Plus jamais peur de Mourad BenCheikh entend restituer le déroulementde la révolution àTunis à l’aided’imagessaisies sur le vif dans lesmanifestations,ainsi qu’à travers des témoignages très

parlants sur l’ancien régime. Bien quetourné dans la plus grande urgence, ils’agit làd’unvrai film,construit et rythmé,quipermetnotammentdebien ressentirl’atmosphère qui a présidé au soulève-ment et la joie immense qu’a provoquéson succès. D’une moindre ambitioncinématographique, car il se veut avanttoutmilitant, le documentaire deNadiaEl Fani, présenté auMarchédu filmavecle soutien de la Société des réalisateursde films, ad’autantplus frappé les espritsque son auteure a étémenacée demortpar des islamistes après une projectionen avant-première à Tunis fin avril. Sontitre quelque peu provocateur,Ni Allah

ni maître, explicite bien son contenu :un plaidoyer radical pour la liberté deconscience et pour la laïcité en terred’Islam, et plus particulièrement enTunisie.

INÉGAL. Quant au film collectif de dixcinéastes égyptiens –Dix-huit jours, soitle temps qu’il a fallu aux manifestantsde la place Tahrir pour faire tomberMoubarak –, sa projection le 18 maia marqué l’apogée de la « journée del’Égypte ». Réalisépardes auteurs réunisderrièredegrandsnomscommeMarwanHamed(L’ImmeubleYacoubian)ouYousriNasrallah (FemmesduCaire), il proposeàla fileunesériedecourts-métragesd’unequalité inégale.Maisquiont tous leméritede tenter d’inclure dans des scénariosde fiction plutôt originaux des acteurset des aspects très différents de la révo-lution. Une façon d’illustrer les propostenus lematinmêmeparNasrallah, lorsd’une table ronde intitulée « Printempsdes peuples et renouveau du cinéma »,soulignant l’importance de préserverla source de l’estime de soi des artistes,autrement dit leur créativité, puisqu’elleest toujours lapremièrecibledes régimesdictatoriaux comme des islamistes. ●

FÉRID BOUGHÉDIR et

RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyés spéciaux

CINÉMA

La Croisette sur un air de révolutionDu 11 au 21 mai, le Festivalde Cannes a rendu hommageà la Tunisie et à l’Égypte.

ONSABID

� L’ACTRICEYOUSRA SALUANT LES FESTIVALIERS, lors de la « Journée de l’Égypte » le 18 mai.

COMMENCÉE EN DOUCEUR longtemps avant le printemps arabe,une autre révolution se dessine discrètement en permettant à un nombregrandissant de femmes arabes de s’emparer de la caméra. Deux longs-métrages réalisés par des femmes arabes étaient sélectionnés cette annéeà Cannes : aux côtés de la Marocaine Leïla Kilani (voir J.A. no 2627),qui a créé la surprise à la Quinzaine des réalisateurs avec Sur la planche,la Libanaise Nadine Labaki a présenté Et maintenant on va où ? dansla section Un certain regard. Dans un petit village où cohabitentmusulmans et chrétiens, les femmes redoublent d’astuces pour empêcherles hommes de ranimer la guerre civile qui menace. Moins réussi quesa première œuvre à succès, Caramel, ce film confirme néanmoins quele point de vue féminin est désormais incontournable pour stimulerun renouveau du cinéma arabe. ● F.B. ET R.R.

FEMMES ARABES CAMÉRA AU POING

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Culture médias 93

Page 93: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

■ ■ ■ Décevant ■ ■ ■ Pourquoi pas ■ ■ ■ Réussi ■ ■ ■ Excellent

LES CAMEROUNAIS SEPASSIONNENT pour leurhistoire et replongent au cœurd’une guerre secrète menéepar la France dans leur pays,de 1948 à 1971. Comme pouroublier cette période, ils se

ruent ensuite sur Le Devoir d’être heureux, et,pragmatiques, s’intéressent au Vocabulairejuridique ainsi qu’aux Contrats d’affaires, qu’ilfaut, bien évidemment, Savoir rédiger…

LES MEILLEURES VENTES DE LIVRES À… DOUALA ● LIBRAIRIE MESSAPRESSE ● Montée Saint-Michel

1 • Kamerun ! Une guerre cachée aux originesde la Françafrique, Thomas Deltombe, Manuel Domergue etJacob Tatsitsa, La Découverte, 744 pages, 21000 F CFA

2 • Le Devoir d’être heureux, Omraan Mikhaël Aïvanhov,éd. Prosveta, 30 pages, 1600 F CFA

3 • Vocabulaire juridique,Gérard Cornu, PUF, 1024 pages, 12000 F CFA

4 • Contrats d’affaires 2010-2011,François Xavier Testu, Dalloz, 715 pages, 36500 F CFA

5 • Savoir rédiger, Larousse, 160 pages, 1800 F CFA

ESSAIS

L’autre littérature sud-africainePOURBEAUCOUP,lagrandetraditiondeslettresde lanationArc-en-Ciel s’arrêteauxGordimer,Brink,Coetzeeetà leurhuma-nisme dissident. Le panorama que pro-

pose ce livre-cdinvite àdécouvrirla littératurepost-apartheid danstoute sa diversitéet sa richesse.Les articles qui

composentcevolumebrossent leportraitd’un paysage littéraire de l’après-criseoù des aspirations à la « redécouvertede l’ordinaire » (Njabulo Ndebele) s’en-trecroisent avec le souci de fonder unenouvellemodernitédont lesmaîtres-motssont«optimisme»et« imprévisible réel ».Cet ensembled’essaisdeprésentationestutilement complété par une anthologiede textes (prose et poésie) inédits enfrançais. ● TIRTHANKAR CHANDA

Comme un dimanched’août à Burgaz,d’Esther Heboyan, éd.Empreinte, 152 pages,15 euros.

■ ■ ■

« Oumar Ly, promenade photographique dans les rues de Saint-Louiset de Podor », du 21 mai au 24 juin 2011. ■ ■ ■

NOUVELLES

De la Turquieà l’Allemagne« ALLEZ OUSTE DERRIÈRE LA PORTE!Dans le hall réservé à cet effet! Où allaitla France avec tous ces contrevenantsvenus d’on ne sait où? » lance-t-onà H.K., « fille mal élevée par des parentsen mal de repères ». Fille de déracinés,autrement dit… Mêlant avec bonheurironie et douleur, tragique et truculence,ces neuf nouvelles retrouvent une unitédans les exils des protagonistes: de laTurquie à l’Allemagne, de Marseille àAcapulco, la même franchise désespéréerègne. Des récits d’amour et de familleécrits avec une grande justesse de ton. ●

JOSÉPHINE DEDET

PHOTOGRAPHIE

Portraitsd’un tempsLE PHOTOGRAPHESÉNÉGALAIS Oumar Ly aouvert le Thioffy Studio il y abientôt cinquante ans, en1963, à Podor, sur la rive suddu fleuve Sénégal, alors qu’ilavait à peu près 20 ans. Delà, il a sillonné la région, sonappareil Rolleiflex protégédans une petite valise. Du21 mai au 24 juin, Saint-Louiset Podor rendent hommageà son travail en exposant sesœuvres dans les rues desdeux villes. Essentiellementdes portraits de Sénégalais réalisés entre 1963 et 1978. Ceux qui n’auront pasl’occasion de profiter de ces « promenades photographiques » pourront se rabattresur l’élégant album Oumar Ly, portraits de brousse, paru aux éditions Filigranes(172 pages, 25 euros). ● NICOLAS MICHEL

MUSIQUE

Chants mystiquesACCOMPAGNÉEdupercussionniste liba-naisHabibYammine, lachanteusemaro-caine Aïcha Redouane rend hommageà Râbi’a al-’Adawiyya(714-801), une saintesoufie originairede Bassora (dansl’actuel Irak). Unevoix d’or et decristal pour unalbum à la tona-lité spirituelle quirevisite la musi-que arabe classi-que et savante. ●

SÉVERINE KODJO-

GRANDVAUX

Maqâmd’amour,d’AïchaRedouane(Le Chantdu monde/HarmoniaMundi). ■ ■ ■

Maqâm

Afrique du Sud, une traversée littéraire, de DeniseCoussy, Denis Hirson et Joan Metelerkamp, InstitutFrançais et Philippe Rey, 254 pages, 19 euros. ■ ■ ■

OUMARLY

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Culture médias En vue94

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Le Grand Palais et la ville deMarseille organisent uneexposition consacrée à« L’Orientalisme en Europe.De Delacroix à Matisse ».À voir du 28 mai au 28 aoûtau Centre de la Vieille-Charitéde la cité phocéenne.

Jusqu’au 3 juin, la Medina ArtGallery deTanger proposede découvrir les œuvres de laCasablancaise YasmineTahiri.Des photographies « pourtranscrire le réel », et des toilesaux formes cubiques et auxteintes de cuivre, d’or, de terreet d’ocre « pour exprimerautre chose et aller ailleurs ».

Après une escale à Lagosen avril, la comédie musicaleFela!, créée à Broadway etproduite notamment par la staraméricaine Jay-Z, reviendraà Londres en juillet prochain.Le Sadler’sWells résonneraau rythme de l’afrobeatdu 20 juillet au 28 août. Prixde l’entrée : entre 15 et 50 £.

La compagnie antillaise DiféKako, dirigée par Chantal Loïal,rendra hommage à Sawtche,surnommée la « Vénushottentote » au XIXe siècle,dans une pièce écrite par MarcVerhaverbeke et chorégraphiéepar Paco Dècina & PhilippeLafeuille. On t’appelle Vénusest à voir du 31 mai au 3 juin,auTarmac de la Villette à Paris.

Le Musée royal de l’Afriquecentrale deTervuren (Belgique)exposera jusqu’au 4 septembrele travail du photographeSammy Baloji et de l’écrivainPatrick Mudekereza. Le premierest parti sur les traces del’expédition de CharlesLemaire, le second a écrit destextes en réponse aux traitésde cession de terres signés pardes chefs locaux et en réactionà une œuvre d’art. Les deuxartistes ont travaillé à partirdes collections du musée.

L’ écrivainbritanniqued’originepolonaiseJosephConrad(1857-1924) a su comme personnesaisir les affres de la condition

humaine dans des textes d’une rarepuissance d’évocation comme LordJim, La Folie Almayer ou Le Nègre duNarcisse. Plusquede simples « romansde mer », les livres de ce grand voya-geur explorent lesméandresde l’esprithumain jusquedans ses plus insonda-bles tréfonds.Au cœur des ténèbres estsans doute son récit le plus connudeslecteurs africains, puisqu’il se déroulesur les berges du fleuve Congo.

Le 1er juin à 0h50, la chaîne franco-allemandeArte consacrera l’émissionLaNuit,dePaulOuazan, au «Carnetdevoyage imaginaire de Joseph Conradau Congo ». Un numéro entièrementréalisé à partir d’une collection dephotographies réunies par l’antiquaireArnaud Delas, toutes prises dans leCongo des années 1890. Paul Ouazaninvite à un voyage poétique liant lestextes deConrad sur l’Afriqueaux ima-ges sépia de l’époque. Les gros planssontpoussés jusqu’à l’abstraction, l’œilde la caméra erre sur les visages et lesdétails, fouille la végétation tropicalejusqu’à s’ynoyer. L’ambianceest lourdeet pesante, l’obscurité et la pourritureomniprésentes.

PaulOuazan restitue avecbeaucoupde finesse le sentimentqu’aConradde« n’y comprendre rien »… mais aussicette perception aiguë d’un mondedominé par des Blancs cupides. « Lemot“ivoire”emplissait l’air »,écrit-il.Oubien encore : «Toutm’est antipathiqueici, leshommeset les choses, et surtoutleshommes. »Pourparveniràcette ter-ribleconclusion:«Nousvivonscommenous rêvons : seuls. »

Installé à Londres, Arnaud Delasse dit « enthousiasmé » par « Conradau Congo », qui correspond à ce qu’ilaurait lui-même voulu faire à partird’une collection qu’il a commencéeil y a une dizaine d’années après avoirdécouvert les textes de Conrad, et quicomporte aujourd’huiquelque200cli-chéscouvrant lapériodede1874à1905dans larégionduCongo.Cetteémissionspéciale laisseplaner lemystère sur lesvisages des blancs photographiés enAfrique à cette période. Conrad est-ill’un d’eux ? « J’ai longtemps cherchéune photo de lui au Congo, dit Delas.Mais, pour l’heure, riendans ses écritsne laisse indiquer qu’il y ait été photo-graphié comme il le fut à Libreville. »« Conrad au Congo » est plus qu’uneinvitation au voyage, c’est un voyagesensuel et déroutant qui dérange etbouscule. ● NICOLAS MICHEL

DOCUMENTAIRE

Le Congo de ConradArte invite à un voyage poétique liant les textes sur l’Afrique del’écrivain britannique aux photographies des années 1890.

La Nuit : « Le carnet de voyage imaginaire de Joseph Conrad auCongo », de Paul Ouazan, le 1er juin à 0h50 sur Arte.

■ ■ ■

BON À SAVOIR

ARTE

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Culture médias 95

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Ben Bella et la TunisieJe trouve personnellement trèsétonnante l’attitude deM. Ben

Bella vis-à-vis de la révolutiontunisienne et des Tunisiens [voir J.A.no 2626 du 8 au 14mai, NDLR]. Endoutant des capacités combatives desTunisiens, est-il sincère? Ne sesouvient-il pas, lui qui a participé à laSeconde Guerremondiale, que sesfrères d’armes de l’époque du régimentdes tirailleurs tunisiens ont été les seulsà être cités et salués nommément par legénéral de Gaulle dans sesMémoires?Cela pour avoir accompli un des plushauts faits d’armes de cette guerre, lorsde la célèbre bataille deMonteCassino? En fait, M. Ben Bella n’est ni

arrogant niméprisant envers lesTunisiens. Il est simplement jaloux quela révolution tunisienne s’inscrive dansl’Histoire comme l’un des événementsmajeurs de ce début de siècle. ●

MOEZ KHEDIRI, TUNIS, Tunisie

Le pacifisme tunisienJeune lycéen à Sfax lors del’indépendance de l’Algérie, qui est

aussima terre –monpère y est enterréprès d’Annaba –, j’étais fasciné par lezaïmBenBella pour son courage et sessacrifices pour la liberté du peuplealgérien frère. J’aimêmeeu la chance etle bonheur de l’approcher et del’applaudir àBizerte, avec Bourguiba,Nasser etHassan II, lors de la premièrefête de l’évacuation en 1963.

Tout lemonde connaît et respectela révolution dupeuple algérien etses deuxmillions demorts. Nousconnaissons aussi les autres révolutions:française, russe, etc. Quemon illustreaînémepermette de lui rappeler quele peuple tunisien, quoique pacifique,s’est déjà révolté il y amille ans. Et, plusproche de nous, il y a cent cinquante

ans tout demême, la révolte d’Ali BenGhdahouma traversé le pays de Thala àTunis. Je rappelle également à Si Ahmedque des «poulesmouillées » ont réussi àdémanteler pacifiquement une dictaturede plusieurs décades.

À chacun saméthode, nous autresTunisiens sommes pacifiques. Que notrerévolution n’en soit pas une, peunousimporte! Ce qui compte c’est que leschangements voulus par notre jeunesseet notre peuple dans son ensembleaboutissent: liberté des femmes et deshommes = démocratie. Je souhaite deuxchoses: que cette démocratie devienneune réalité en Tunisie, et que Si AhmedBenBella, qui en doute tant, vivelongtemps pour le constater. ●

DR BELGACEM SAADAOUI, Paris, France

La bonne gouvernanceJe vous propose de créer unenouvelle rubrique pour publier

les idées des experts sur la bonnegouvernance et la démocratie. Le butest d’aider les Africains et les Arabes àen savoir davantage sur ces deuxnotions. Il faut beaucoup insisterlà-dessus et sur les droits de l’homme.Ainsi, J.A. sera reconnu comme uneréférence dans la lutte pour la bonnegouvernance. J’aimerais connaître l’avisd’autres lecteurs surma proposition. ●

AWALE OSMAN ELABEH, Djibouti

R estétrèsproched’AhmedBen Bella, MohamedBenelhad j, anciensecrétaire général du

Mouvement pour la démocratieenAlgérie (MDA), le parti qu’avaitcréé l’ex-président algérien aprèssa libération, en 1980, nous avaitprévenus : « Si je le lui demande,Si Ahmed vous recevra sûrementvolontiers un soir pour évoquerà bâtons rompus tous les sujetsque vous voudrez, mais pas sousla formed’uneinterviewformelle. »Lapromesseseratenueinextremis,vingt-quatre heures avant notredépart, lorsd’unpetit séjouràAlgeret dans ses environs dont l’objetétait de réunir quelques dernierstémoignages et de visualiser des«élémentsdedécor »pourun livreenchantiersur laguerred’indépen-dance. Décidée le matin même,l’entrevue aura lieu juste après ledîner, vers 20heures, dans la vasteetconfortablevillaEl-Menzel,situéedans le quartier Paradou, àHydra,sur leshauteursd’Alger.C’est làquevittranquillement,encompagniedesa filleMahdia– sonépouseZohraest morte il y a un an –, le premierleader de l’Algérie d’après 1962.

Directementintéresséparlespro-posdeBenBella,puisqu’il envisage

Une soiréeavec Ben Bella

RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyé spécial à Alger

Son parcours, ses anciens compagnons, le printemps arabe, Abdelaziz

Bouteflika… Le premier président de l’Algérie indépendantenous livre ses vérités. Sans prendre de gants.

DOCUMENT

qu’enarabequandlafatigueetquel-quefois unemémoiredéfaillante –« cela se brouille dans ma tête »,dit-il alors– laissaient lesquestionssans réponse ou le conduisaient às’éloigner trop longtempsdu sujetabordé.Mais, avouantpour sapart94 ans – certains pensent mêmequ’il est en réalité plus âgé –, l’an-cien responsable le plus connudu FLN n’eut en général besoind’aucune aide – et de moins enmoinsau fil de ladiscussion–pouraffirmer avec conviction pendantunebonneheureetdemie, souventil est vrai à l’occasiond’apartés, sesvérités sur sonparcours et sur l’étatde la planète, à commencer, bienentendu, par celui de l’Algérie etdumonde arabe.

TOUT SOURIRE. Nous pensionsle voir dans la pièce qui lui sert debureau, où nous avons patientédevant un beau portrait en noiret blanc le représentant à l’épo-que où il était au pouvoir. Devantnous,unepetite table transparentesur laquelle sont disposés deuxsuperbes Corans et sous laquelleest exposé un sabre magnifique– une armequi a appartenu,m’as-surera-t-on, à l’émirAbdelkaderetqui serait un cadeau d’Abdelaziz

très accueillant dans un salon àl’autre bout de la villa. Vêtu d’unpyjamaauxrayuresmulticoloressurlequel ilporteunedjellabablanchetrès légère, il nous invite à nousinstaller à ses côtés sur un divan–sansdoutepourqu’ilpuissenousentendredesameilleureoreille,caril n’aime pas mettre son appareilauditif. Ce qui nous place tous lesdeux faceàuntableau figurantunebelle femme volontaire au regardextraordinairementperçant–nousapprendronsqu’il s’agitdesamère.Souriant et chaleureux, au pointdeposerparfois sonbras surnotreépaule, s’exprimantdesavoixgravequidérapesouventvers lesaigus, ilaccepterasansfaçonquesespropossoientenregistrés. Ilnecraindrapaspour autant de parler crûment denombreux sujets.

Après lui avoir demandé s’ilsuivait toujours de près l’actualité–«biensûr! »–,nous l’interrogeonspour recueillir les sentiments quelui inspire l’effervescence actuelledans lemondearabe. Ilparled’unerégion « en ébullition » et trouve«naturel »qu’ons’agitepour «allerde l’avant ». D’autant qu’il y a debonnesraisonsdevouloir«dépous-siérer»–c’est levocabletrèsmodéréqu’ilemploie– lesrégimesenplace.

Ilnepensed’ailleurs «pasdu tout»qu’on puisse parler de révolutionpourqualifier les changements en

capacité à réaliser une véritablerévolution–delescomparer immé-diatementaveclesMarocains,«qui,eux, sont de vrais combattants »et « pas des poules mouillées ».La figure qui lui vient à l’espritpour illustrer son propos sur lesMarocains est celle d’Abdelkrim,hérosde la guerreduRif contre lespuissances coloniales espagnoleet française, dans les années 1920.Ses réservesà l’égarddesTunisiensne semblent pas étrangères à sonrejet sans appel de la personne

pas « dans tous les pays » des gens« prêts à prendre les armes pourquelque chose »?

UN PAYS « PAS FACILE ». Et l’Al-gérie? Risque-t-elle aussi de voirson régime ébranlé par le « prin-temps arabe »? « Je ne le voudraispas », répond-il immédiatement,avantde signifierplus tardqu’il necroit pas qu’un scénario de rup-ture serait bénéfique à son pays.«Nous avons quelqu’unqui est là,je préfère que cela reste comme

pas d’accord avec Bouteflika surbeaucoup de points. Qu’il préférerait « autre chose ».Mais s’«desmoinsetdespluschez lui,pourl’instant, c’est le moins mauvais,et je m’en contente ». Car, poursuit-il en expert, « l’Algérie, voussavez, c’estunpayspas facilejugement qu’il répétera plusieursfois au cours de l’entretien, le plussouvent en disant que «Algériens,c’estvraimentpasfacileCequ’il voitmanifestementdeplusévident à reprocher au président

OMARSE

FOUANE

Décembre 1916

Naissance à Maghnia(Oranais)

1947

Rejoint l’Organisationspéciale, formationparamilitaire chargée depréparer la lutte armée

5 avril 1949

Dirige l’attaque de laposte d’Oran

23 octobre 1954

Création du Front delibération nationale (FLN)

1er novembre 1954

Déclenchement de laguerre d’indépendance

22 octobre 1956

Arrêté par la Franceavec Aït Ahmed, Bitat,Boudiaf, Khider, après lepiratage de l’avion quiles conduisait de RabatàTunis

26 septembre 1962

Forme le premiergouvernement del’Algérie indépendante

15 septembre 1963

Élu président de laRépublique

19 juin 1965

Renversé parBoumédiène etemprisonné

1980

Libéré

p Dans lapièce qui luitient lieu debureau,sous UN

PORTRAIT LE

REPRÉSENTANT

à l’époqueoù il étaitau pouvoir.Il doute de la capacité des

Tunisiens, jugés trop timorés, àréaliser une véritable révolution.

62 Maghreb Moyen-Orient

Le courrier des lecteurs

JEVOUDRAIS RÉAGIR au « Post-scriptum » deTshitenge Lubabu M.K. pour dire que la

stigmatisation de l’autre, surtout s’il est différent denous par sa couleur, ses mœurs, est malheureusementune donnée difficile à gommer de l’histoire humaine.Certes, en France, on est au pays deVoltaire, de Hugo.C’est même à ce titre qu’on a tenté d’exporter notreidéologie à d’autres peuples, pour le meilleur ou pour lepire, comme on dit.

Aux premiers instants de Sarkozy au pouvoir, parmiun bric-à-brac idéologique allant du tout à son contraire(la complexité d’Edgar Morin sur le mot racaille), il fautavouer que des idées racistes, simplistes, puisées àl’extrême droite avaient déjà pignon sur rue. On pouvaitespérer que la crise économique donnerait à réfléchiraux Français, qu’ils se diraient que, peut-être, l’Arabe, leNoir, le Rom, le érémiste… n’étaient que pour très peude chose dans leur situation. Enfin, c’est un peu commesi une souris cachait un éléphant à notre vue. Eh bien, ils

voient toujours et encore la souris. Où en chercher lacause? Des médias défaillants, une culture plus centréesur l’entreprise que sur la connaissance? Je n’en saisrien.Toujours est-il qu’il est devenu plus que courantd’entendre des abominations, souvent plus bêtes queméchantes. Mais encore, si ce n’était que la France.

Après tout, la France est un petit pays, le reste dumonde peut très bien se passer d’elle. En lisant la presseétrangère, on se rend compte qu’ailleurs ce genred’idées est aussi vivace. Peut-être faudrait-il souhaiterque d’horribles Martiens viennent nous terroriser pourque nous comprenions que, même si nous n’avons pastous le même habit, à l’intérieur de l’autre vit un espritidentique au nôtre.

La planète va très certainement vivre des momentstrès « pénibles » et nos vues beaucoup trop courtesrisquent de nous handicaper lourdement. MonsieurTshitenge, inutile de déprimer pour la France. Elle ne lemérite pas en ce moment. ● YVON HENRY

À PROPOS D’ASTÉRIX

Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœurà [email protected] ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

J.A. n° 2626 du 8 au 14 mai.

No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

Vous& nous

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La route dégagée pour Kabila?Dans le texte intitulé « RDCongo: la route est dégagée pour

Kabila » [voir J.A. no 2626], vous notez,en guise de sous-titre, que « le chef del’État sortant fait figure de favori ». C’estbien dommage que vous n’ayez pasétayé cette affirmation. « En Afrique,aucun chef d’État n’organise lesélections pour les perdre », dit-on. Ilreste que Joseph Kabila ne pourrait enaucun cas sortir vainqueur en casd’élection libre, transparente etdémocratique. L’homme estimpopulaire dans aumoins 9 provincessur 11 faute d’un bilan digne de cenom, en dehors de quelques routesréhabilitées.

Durant les dix années passées àla tête de l’État, Kabila a « liquidé »le tissu économique. Le social n’ajamais suscité son intérêt. Beaucoupde promesses n’ont pas été tenues.Kabila n’avait-il pas promis detransformer le Congo en «Chine en2011 »? La population peine à satisfaireà ses besoins essentiels. Sur le plansécuritaire, l’échec est tout simplementbrillant : l’État paraît impuissant faceaux groupes armés qui sèment lamort.

La situation de Kabila en 2011ressemble fort à celle du présidentMobutu en 1991. Le «Grand Léopard »était candidat à sa propre succession.Mais l’État n’avait pas de ressourcespour organiser les élections. Lesbailleurs, eux, étaient prêts à délierles cordons de la bourse de peurque le président sortant demeurecalife à la place du calife. D’où lalongue « transition » et les pressionsexercées surMobutu afin d’ouvrirson gouvernement aux forces del’opposition dans le cadre d’unetransition. La RDCongo sembles’acheminer lentementmais sûrementvers la logique du « partage équitableet équilibré du pouvoir ». Un jeuqu’affectionne le personnel politiquecongolais, lequel considère le pouvoircomme un ascenseur… social. ●

BAUDOUIN AMBA WETSHI, JOURNALISTE

INDÉPENDANT, Bruxelles, Belgique

Où faut-il juger Habré?Parlant de l’affaireHissèneHabré dans vos colonnes [J.A.

no 2620], leprésident IdrissDéby Itno a ditqu’il necomprenait paspourquoi l’ons’obstine à ne pasremettre HissèneHabré à la justicetchadienne. Enhomme averti, ilne devrait pas se

poser pareille question. Il est bien placépour comprendre qu’aucune institutioncrédible ne peut livrer Habré à la justicetchadienne, puisque celle-ci estsoumise au pouvoir politique. JugerHabré au Tchad n’est pas envisageable.D’ailleurs, que peut-on reprocher àl’ex-président que l’on ne puissereprocher à son successeur? ●

ZOUBEMLE KASAZOUNGOU,Kinshasa, RD Congo

Encore bravo!C’est toujours agréable devous lire. Je le fais depuis mon

adolescence et je me suis abonné àpartir d’un petit kiosque de Rome, il ya aumoins dix ans. J’aime la plupartdes changements qu’apportent BéchirBen Yahmed et son équipe au journal.Votre nouvelle formule est magnifique,en termes de pagination et degraphisme, en particulier lescouvertures. Cette nouvelle formulefait plaisir, elle est légère, très facile àfeuilleter et à lire.

C’est pour moi l’occasion de fêteravec vous les cinquante ans de votrejournal. Et votre travail méticuleux,indispensable aux lecteurs en termes

de savoir et de culture. J’ai vécu debeaux moments en vous lisant. Et jecontinuerai à vous lire dans la mesuredu possible, même si je ne partagepas toujours vos idées sur certainssujets. Mes encouragements à BéchirBen Yahmed, qui a toujours su utilisersa belle plume pour écrire, décrire etinformer. Longue vie à lui-même et àson « Ce que je crois ». Bravo aussi àtoute la rédaction ! ●

MOHAMED BÂ, Rome, Italie

Non à la FrançafriqueJ’ai été étonnée par la réactiond’un lecteur publiée dans J.A.

n° 2625 du 1er au 7mai, intitulée « Lesvertus de la Françafrique ». Ce n’estpas le contenu qui m’a choquée, mêmequand il dit : « Vive la Françafrique […]nous encourageons les Français àimposer la démocratie dans cecontinent plein d’espoir… » Ce qui m’achoquée c’est le fait que vous ayezpublié ce texte. Donner la parole àtous, c’est bien. Mais pourquoi unechose et son contraire? Page 53, dansle même numéro, il y a un extrait duno 893, où il est question, s’agissant deJ.A., d’« élaborer un nouvel ordre », de« devenir la grande entreprise depresse dont l’Afrique et le Tiers Mondeont besoin pour être présents ». Preuveque nous sommes capables, nousAfricains, de faire quelque chose depositif pour nous et par nous-mêmes.Volonté largement partagée par lesAfricains. Ils n’ont pas besoin d’unsystème qui, à la base, a été mis enplace pour perpétuer l’impérialismeoccidental en Afrique. ●

MUKEMBE NSIANGANI, Paris, France

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT•51e ANNÉE • N° 2620•du 27 mars au 2 avril 2011

France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €

Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 €

Portugal cont. 4€• RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

www.jeuneafrique.com

ÉDITION AFRIQUE CENTRALE

«Kaddafi,«Kaddafi,

le Tchad et moi»le Tchad et moi»

IDRISS DÉBY ITNO

BÉNINBONI YAYI

PAR K.O.

GUERREEN LIBYESpécial 12 pages

RD CONGO

L’HOMME

QUI MURMURAIT

À L’OREILLE

DE KABILA

Candidat à sa propre succession le 24 avril, le président tchadien

redoute que l’offensive militaire déclenchée contre son voisin libyen

n’en vienne à déstabiliser toute la région. Interview exclusive.

« IB » : retour sur une exécutionC’ESTAVEC EFFAREMENT que j’ai appris, le 28 avril, l’exécution d’IbrahimCoulibaly, le chef du « commando invisible » d’Abobo, et de six de ses

compagnons. De toute évidence, il cherchait à se positionner sur l’échiquierpolitique ivoirien. Il réclamait avec raison son dû. Et c’était son droit, commepour n’importe quel autre Ivoirien, d’aspirer au pouvoir. Même ceux qui ontperdu toute humanité à unmoment, une fois que la justice se sera prononcée.« IB » menaçait-il le nouveau régime au point d’être abattu? Cette actionabjecte est le prolongement macabre du cycle infernal qui accable la Côted’Ivoire depuis la mort d’Houphouët-Boigny. Il n’y a que les acteurs qui chan-gent. L’élimination physique d’opposants et de rivaux demeure. Quelle stabi-lité réelle peut-on espérer dans un tel contexte? ● AMINATA SIETA KONÉ

J.A. n° 2625du 1er au 7 mai.

JEUNE AFRIQUE No 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Vous nous 105

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Internet halal

JUSQUE-LÀ, il y avait la viande halal, le mariage halal, lemaillot debainhalal, les voitureshalal avec tapisdeprière etboussole intégrés. Et voici qu’onnous annonce le nouveauvenudesproduits islamiquement consommables : internet

halal. C’est la dernière invention enregistrée en terre d’Islam, siimportante et si vitale pour le genre humain que les Iraniens,ses initiateurs, s’empressent de la lancer sans attendre, avantmême le nucléaire (halal ?). La version islamique du produitphare de la technologie occidentale, cette toile de fibre qui seraà internet ce que le hidjab en tissu est au corps des femmes,a été annoncée le 15 avril dernier à l’Agence de presse de laRépublique islamique (Irna) par Ali Aghamohammadi, adjointaux affaires économiques du premier conseiller du président(halal) Ahmadinejad.

Le mollah de l’informatique persane a justifié cette décisionpar le fait que les sites d’info et les réseaux étrangers sont infectésde vices et suintent la débauche. Il n’a pas ajouté qu’y circulentégalement des bactéries qui déclenchent des révolutions, extrê-mement périlleuses pour les amateurs de dictatures. Il a répétéque le réseau local « sera débarrassé des sites obscènes », nedérogeant pas à la conception du halal telle que définie par ledictionnaire : « halal = viande vidée de son sang afin de mini-miser les bactéries » (sic).

Quel sera le contenu de la nouvelle Toile de Téhéran ?De quoi s’éclater : elle proposera des services administratifs,commerciaux et bancaires. Elle parlera de foi et de vertu. Ellefournira les adresses des meilleures boutiques de tchadors etdes prospectus pour s’acquitter de ses devoirs religieux afind’emporter le titre de lauréat des croyants…Baptisé iraniannet etannoncé pour être fonctionnel dans dix-huitmois et connecterdixmillionsd’utilisateursdans lepays, le réseaucompte s’étendreà d’autres cieuxmahométans. Lesmarchands occidentaux, quifournissaient jusque-là la République islamique iranienne entechniques efficaces pour bloquer l’accès à des sites apparte-nant à divers réseaux internationaux et traquer les cybernautesréfractaires, sont prêts à vendre aux mollahs leur savoir-faireet planchent déjà sur l’iraniannet. Normal pour eux : halal oupas, tant que cela rapporte, c’est recommandé pour la santéfinancière et consommable sans mea-culpa.

Maintenant, on peut suggérer, nous aussi, des idées aux res-ponsables iraniens, leur proposer des intitulés de sites, et gra-tuitement en plus. J’ai déjà fait le tour des fidèles pour cette aidede première nécessité et j’en suis revenue avec des suggestionsd’adresses telles que : « les meilleures techniques de rasage aupoil près.ir », « comment s’y prendre pour aller au paradis sansse perdre en route.com », « www.la meilleure façon de lapiderune femmesans éveiller l’attentiondesmécréants », « iran-book,le réseau des antiémeutiers et contre-révolutionnaires », etcette dernière suggestion, mais elle est payante : « la connerie-halal@c’est pour com ? » ●

Post-scriptumFawzia Zouari

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONALPOLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année)

Édité par SIFIJASiège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARISTél. : 0144301960 ; Télécopieurs : rédaction 0145200969 ;ventes : 0145200967 ; Courriel : [email protected]

DIRECTION

Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED ([email protected])Directeur général : Danielle Ben YahmedVice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben YahmedActionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

RÉDACTION

Directeur de la rédaction : François Soudan ([email protected])Directeurs exécutifs :Marwane Ben Yahmed ([email protected]),

Amir Ben Yahmed ([email protected])

Rédactrice en chef déléguée: Élise Colette ([email protected])Rédacteur en chef technique: Laurent Giraud-CoudièreDirecteur artistique : Zigor Hernandorena

Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi(à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune

Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac

Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle),Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient),Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.),Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), TshitengeLubabu M.K. (Vous & nous)

Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, ConstanceDesloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Nicolas Marmié (à Rabat), Nicolas Michel,Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurentde Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar),Marie Villacèque, FawziaZouari ; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, AndréLewin, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck ; accords spéciaux: Financial Times

RÉALISATION

Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin,Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier ; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), VladimirPol ; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: DanTorres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation:Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret

JEUNEAFRIQUE.COM

Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ;responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel BenHmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano

VENTES ET ABONNEMENTS

Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ;marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet,Caroline Rousseau ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec:COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le Plessis-Robinson. Tél. : 33 1 40942222 ; Fax : 33 1 40942232. E-mail : [email protected]

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

AGENCE INTERNATIONALEPOUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATIONS.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centralede SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 ParisTél. : 0144301960 Fax: 0145200823/0144301986. Courriel : [email protected]

Président-directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directeur général adjoint :Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; secrétariat : Chantal Bouillet ;gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif :Chrystel Carrière, Mohamed Diaf

RÉGIESDirecteur de publicité : Florian Serfaty avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle),Sophie Arnould etMyriam Bouchet (chefs de publicité), assistés de Patricia Malhaire ;annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière

COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURESDirecteur général : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe :Myriam Karbal ;chargés de mission : Balla Moussa Keita, Nisrine Batata

REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES

MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca.Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16.

TUNISIE SAPCOM, M. ABOUDI. 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis.Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522.

SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENTET D’INVESTISSEMENTS.C.A. au capital de 15 000 000 eurosSiège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484TVA : FR47 784 683 484 000 25

Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva,Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben YahmedDirecteur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon;contrôlede gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité:Monique Éverard et FatihaMaloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel,avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines) ; Club desactionnaires: Dominique Rouillon

IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: MAI 2011. ISSN 1950-1285.

DIFCOM

NO 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion.

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Moins de consommation. Plus de plaisir.

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ANNONCES CLASSÉESConcernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : [email protected]

DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

JEUNE AFRIQUE N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Appeld’offres

1. Dans le cadre du plan « TAKKAL », la Société APIX s.a, agissant pour le compte du gouvernement du Sénégal et sur financement du Budget consolidéd’investissements (BCI) 2011 et de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) et a l’intention d’utiliser une partie de ce financement pour effec-tuer des paiements au titre du Marché de fourniture et exploitation de 70 MW FO en groupes conteneurisés sur le site de Tobène.

2. Apix s.a sollicite des offres sous plis fermés de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour réaliser les services suivants :la fourniture, l’installation et l’exploitation pendant une période de deux ans renouvelable, d’une centrale composée d’unités conteneurisées de puissanceunitaire de 1 à 3 MW, pour une puissance de 70 MW FO, comprenant une tranche ferme de 40 MW et une tranche conditionnelle de 30 MW, destinée àun fonctionnement en base sur le site de Tobène. Les services couvrent :

- la mise en place de la centrale ;- l’exploitation et la maintenance pour une période de deux ans renouvelable à partir de la date de début des prestations ;- l’aménagement du site ;- la construction des cuves de stockage de combustibles;- la mise en place d’un système de traitement du combustible ;- la mise en place du système de dépotage des combustibles ;- la gestion des effluents ;- l’étude, le transport, le montage et le raccordement des unités et de leurs accessoires et auxiliaires aux points de connexion désignés par Senelec ;- l’extension du poste 90 kV pour permettre le raccordement de la centrale ;- le raccordement de la centrale au réseau à travers deux (2) transformateurs de puissance de 65 MVA MT/90 kV ;- la prise en charge du raccordement en eau de la centrale.

3. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres International ouvert tel que défini dans le Code des Marchés publics, et ouvert à tous les candi-dats éligibles.

4. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule de Passation de Marché de APIX S.A à l’adresse électronique [email protected] prendre connaissance des documents d’appel d’offre au secrétariat de la Direction Administrative et Financière, au 52-54 Rue Mohamed V àDakar/SENEGAL.

5. Les exigences en matière de qualifications sont :

• Justifier, durant les cinq dernières années de : i) une référence au moins en tant que fabricant principal dans la fourniture d’équipements similaires (com-prenant au moins cent groupes conteneurisés fonctionnant au fioul lourd) ; ii) une référence au moins en tant qu’opérateur principal dans l’exploitationet la maintenance d’équipements similaires pour au moins 40 MW sur une période minimale de six mois.

• Avoir réalisé un chiffre d’affaire annuel moyen en réalisation et exploitation d’équipements similaires correspondant au moins à 2 fois le montant del’offre ;

• Disposer d’un montant minimum de liquidités et/ou de facilités de crédit net d’autres engagements contractuels de 5 000 000 euros au moins ;• Fournir les états financiers certifiés des années 2008, 2009, et 2010.

6. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-après : DirectionAdministrative et Financière, au 52-54 Rue Mohamed V à Dakar/SENEGAL contre un paiement non remboursable de deux cent mille (200 000) francsCFA. La méthode de paiement sera par chèque adressé à APIX S.A ou virement bancaire. Le document d’Appel d’offres peut être retiré sur place à partir du23 mai 2011 et pourra également être concomitamment transmis sur demande par courrier électronique (mail), seule la version en papier faisant foi.

7. Quinze (15) jours après la publication de l’Avis d’appel d’offres, une visite du site sera organisée à l’intention des Candidats ayant retiré le DAO.

8. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après : Accueil d’APIX s.a, 52-54 rue Mohamed V, rez de Chaussée, à Dakar/SENEGAL, au plus tardle 07 juillet 2011 à 11 heures. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candi-dats présents à la salle de conférence Madjiguène Guèye de l’APIX à l’adresse ci-dessus le 07 juillet 2011 à 11 heures. Les offres doivent compren-dre une garantie de soumission, d’un montant de huit cents (800) millions de francs CFA valable pour une durée de 28 jours après la date d’expira-tion du délai de validité des offres. Les offres devront demeurer valides pendant une durée de 90 jours à compter de la date limite de soumission.

Le Directeur Général

AVIS D’APPEL D’OFFRESN° AOO/APIX/BOAD/01/11

Fourniture, installation et exploitation d’une centralede 70 MW FO en groupes conteneurisés à Tobène

République du SENEGALUn Peuple – Un But – Une Foi

La SOCIETE ANONYME A PARTICIPATIONPUBLIQUE MAJORITAIRE

APIX s.a PLAN « TAKKAL »

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Annonces classées

N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011 JEUNE AFRIQUE

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTERE DES FINANCES

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊTSources de financement : Fonds propres du Gouvernement de la République Démocratique du CongoN° Avis à manifestation d’intérêt : AMI n° 279/INTERVENTION–GOUVERNEMENT/BCECO-MINFIN/DG/DPM/PM/2011/SCPoste : Services de Consultant (Firme) chargé de l’audit des assiettes fiscales déclarées par les

entreprises de télécommunications opérant en RD CongoDate de publication : 13/05/2011 - Date de clôture : 08/06/2011

1.Contexte généralLe secteur des télécommunications en RD Congo comporte trois (3) segments. Il s’agit de : la téléphoniefixe, la téléphonie mobile et le service Internet. Dans l’ensemble, trente-cinq (35) opérateurs interviennentofficiellement sur le marché des télécommunications.Ces sociétés sont pour l’essentiel des privées et/ou des filiales des grands groupes internationaux évoluantdans le secteur. Elles sont donc soumises au paiement des droits et taxes conformément à la législationfiscale du pays dont l’architecture se dessine sur trois branches, chacune ayant des impôts et taxes spéci-fiques à prélever sur les opérateurs de télécommunications.Ce système fiscal étant déclaratif, les régies financières procèdent généralement à des vérifications desbases de l’imposition et de taxation.Cependant, compte tenu de la spécificité du secteur de télécommunications, ces régies font face à un man-que de moyens leur permettant de vérifier les flux de trafics ainsi déclarés par les opérateurs afin de s’as-surer de la sincérité des états présentés.Pour ce motif, le Gouvernement de la RD Congo se propose d’utiliser une partie de son financement d’ur-gence intitulé « INTERVENTION DU GOUVERNEMENT » pour effectuer des paiements autorisés pour lesservices de Consultants (firme) chargé d’auditer les assiettes fiscales déclarées par les prestataires de télé-communications opérant en RD Congo..Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, par délégation de maîtrise d’ouvrage, achargé le Bureau Central de Coordination, en sigle BCECO, de la mise en œuvre du processus de sélec-tion dudit Consultant. Dans ce contexte, le Bureau Central de Coordination (BCECO) sollicite maintenantdes manifestations d’intérêt en vue de la fourniture des Services de Consultants (firme) pour auditer lesassiettes fiscales déclarées par les prestataires de télécommunications opérant en RD Congo.Le Consultant doit être un cabinet d’audit indépendant d’expertise international ayant déjà réalisé seul ouen association des audits technique et financier des entreprises de télécommunications. En raison desaspects techniques très pointus de la mission, le Consultant peut soumettre sa candidature seul ou en asso-ciation.Le personnel-clé devra compter les expertises suivantes : un associé signataire du rapport ayant la quali-fication d’expert comptable diplômé d’une institution de comptabilité et d’audit reconnue par l’IFAC ouCEMAC, IRC et FIDEF disposant d’une expérience minimum de 10 (dix) ans ; un directeur de missiondevra avoir un diplôme en audit et comptabilité de niveau BAC+ 5 au moins et ayant une expérience pro-fessionnelle d’au moins 10 ans et ayant déjà réalisé au moins 5 missions d’audit des entreprises de télé-

communications ; deux(2) réviseurs comptables (chargés de mission ou auditeurs assistants) confirmés deniveau minimum ou équivalent Bac + 5 ayant exécuté au moins cinq(5)missions d’audit au cours des cinq(5) dernières années dont au moins deux (2) audits des entreprises de télécommunications ; Un fiscalisterompu dans la fiscalité des entreprises de communications ou similaires ; Deux ingénieurs en télécommu-nications ayant une expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans les entreprises de télécom-munications; Un Informaticien analyste concepteur expert en informatique ( base de données, logicielsde comptabilité et autres) ayant une expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans une direc-tion financière.Le Consultant devra également proposer des compétences ou toutes autres exigences indispensables à lamaximisation de l’atteinte des objectifs de la mission.La durée de la mission susmentionnée est estimée à 10 semaines calendaires.Le Bureau Central de Coordination (BCECO) invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt àfournir les services décrits ci-dessus. Ceux-ci doivent fournir les informations indiquant leurs capacitéstechniques à exécuter lesdits services, notamment : brochures et références concernant l’exécution descontrats analogues, expériences antérieures pertinentes dans des conditions semblables, disponibilité desressources humaines qualifiées, etc.Un Consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans le code des marchés publicsde la République Démocratique du Congo.Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir, par courrier ou par E-mail, àl’adresse ci-dessous au plus tard le mercredi 08 juin 2011 et porter clairement la mention « AMI N°279/INTERVENTION GOUVERNEMENT/BCECO-MINFIN/DG/DPM/OM/2011/SC – Recrutement d’unConsultant (Firme) chargé de l’audit des assiettes fiscales déclarées par les entreprises de télé-communications opérant en RD Congo.

BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO)Pour le compte de la Direction Générale des Impôts (DGI)

A l’attention de Monsieur MATONDO MBUNGU, Directeur Général a.iAvenue Colonel Mondjiba, n°372 - Concession UTEXAFRICA

KINSHASA / NGALIEMA - REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGOTEL. (+243) 99 85 84 560 – (+243) 99 81 76 480

Email : [email protected] avec copie à [email protected];[email protected] ; [email protected]

MINISTERE DE L’INDUSTRIE,DU COMMERCE ET DE L’ARTISANAT

BURKINA FASOUnité - Progrès - Justice

SOCIETE NATIONALE BURKINABE D’HYDROCARBURES (SONABHY)Avis d’Appel d’offres n° : 2011-09/MICA/SONABHY.

Financement : Budget SONABHY / Gestion 2011Objet : Entretien décennale des réservoirs aériens de stockage d’hydrocarbures liqui-

des du dépôt de Bobo-Dioulasso1. Le président de la commission d’attribution des marchés de la Société Nationale

d’Hydrocarbures du Burkina (SONABHY) lance un appel d’offres international pourla réalisation des travaux d’entretien décennal des installations du dépôt pétrolier deBobo - Dioulasso.

2. La participation à la concurrence est ouverte à toutes les personnes physiques oumorales ou groupements desdites personnes agréés pour autant qu’elles ne soientpas sous le coup d’interdiction ou de suspension et en règle vis-à-vis del’Administration de leur pays d’établissement ou de base fixe.Les travaux se décomposent en quatre (04) lots répartis comme suit :Lot 1 : Travaux préparatoires et traitement des boues et déchetsLot 2 : Contrôle visuel et magnétoscopique, barèmageLot 3 : Peinture générale des réservoirs des tuyauteriesLot 4 : Fourniture et pose des vannes et équipements et réparations éventuelles des

points de corrosion.Le lot 4 fera l’objet d’un marché à ordre de commande.Les soumissionnaires ont la possibilité de soumissionner pour un, plusieurs ou l’en-semble des lots. Dans le cas où ils soumissionnent pour plusieurs ou l’ensemble deslots, ils devront présenter une soumission séparée pour chaque lot.

3. Le délai d’exécution ne devrait pas excéder : douze (12) mois.4. Les soumissionnaires éligibles, intéressés peuvent obtenir des informations supplé-

mentaires et consulter gratuitement le dossier d’Appel d’offres dans les bureaux dela Direction du Département de l’Administration et des Finances auprès de laPersonne Responsable des Marchés.

5. Tout soumissionnaire éligible, intéressé par le présent avis, doit retirer un jeu com-plet du dossier d’appel d’offres au secrétariat de la Direction Générale de la

SONABHY sis à Ouagadougou 01 BP 4394 Ouagadougou 01 moyennant paiementd’un montant non remboursable à la caisse de la SONABHY de :Lot 1 : cent cinquante mille (150.000) francs CFALot 2 : Soixante quinze mille (75.000) francs CFALot 3 : cent cinquante mille (150.000) francs CFALot 4 : cent mille (100.000) francs CFA

6. Les offres présentées en un original et trois (03) copies, conformément auxInstructions aux soumissionnaires, et accompagnées d’une garantie de soumissiond’un montant de :Lot 1 : dix millions (10.000.000) francs CFALot 2 : un million cinq cent mille (1.500.000) francs CFALot 3 : sept millions cinq cent mille (7.500.000) francs CFALot 4 : cinq million (5.000.000) francs CFAdevront parvenir ou être remises au secrétariat de la Direction Générale avant lemercredi 06 juillet 2011 à 09 heures à l’adresse ci-après :

SOCIETE NATIONALE BURKINABE D’HYDROCARBURES (SONABHY)Direction Générale sise secteur 17 quartier Pissy Route Nationale N°1

01 BP 4394 – Ouagadougou - Burkina FasoTéléphone : +(226) 50 43 00 01/ 50 43 00 34 Télécopie : +(226) 50 43 01 74

Courriel : [email protected]’ouverture des plis sera faite immédiatement en présence des soumissionnairesqui souhaitent y assister.En cas d’envoi par la poste ou autre mode de courrier, la SONABHY ne peut êtreresponsable de la non réception de l’offre transmise par le soumissionnaire.

7. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai maximum decent vingt (120) jours, à compter de la date de remise des offres.

T. Jean Hubert YAMEOGOOfficier de l’Ordre National

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Annonces classées

JEUNE AFRIQUE N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Manifestation

d’intérêt-R

ecrutement

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l. Dans le cadre de la maintenance du réseau électrique Basse Tension (BT)dans la ville de Lome et ses environs, la Compagnie Energie Electrique duTogo (CEET) souhaite recenser les poteaux BT défectueux en vue de leurremplacement.A cet effet, la CEET lance le présent appel à manifestation d'intérêt en vuede constituer une liste d’entreprises susceptibles de soumettre des proposi-tions de services. Une consultation restreinte sera faite pour les entreprisesretenues sur la base des critères de compétences.

2. Les entreprises intéressées doivent être expérimentées dans la construction,la gestion et la maintenance des ouvrages électriques de distribution. Ellesdoivent capitaliser une solide expérience dans ce domaine et démontrerdes compétences avérées dans la création d’une base de données. Unemaîtrise du logiciel Excel par le personnel clé est fortement souhaitée. Lesentreprises intéressées doivent être dotées d’un personnel ayant des com-pétences, expérience dans la connaissance et la construction du réseau BT.Les entreprises intéressées doivent fournir tous les documents et informa-tions indiquant qu’elles sont qualifiées pour exécuter la mission envisagée :

- La fiche de présentation de l’entreprise,- La liste, les compétences et les attributions du personnel clé à affecter

à ces travaux accompagnées de leur CV prouvant que ce personnel àl'expérience dans la connaissance et la construction du réseau BT et lamaitrise du logiciel Excel et est capable de créer une base de données,

- Une liste de deux (2) références au moins accompagnées par des pro-cès verbaux de bonne fin d’exécution de projets de nature et de com-plexité similaires.

3. Les travaux de l’entreprise consistent a recenser tous les poteaux BT défec-tueux dans la ville de Lomé et ses environs. Pour cela l’entreprise devra :

- Organiser les visites de terrain,- Recenser les poteaux BT a remplacer,- Localiser les poteaux défectueux par leurs coordonnées GPS (les géo-

référencer),- Mentionner les travaux a réaliser sur les poteaux défectueux recensés

(le nombre de branchements à reprendre, les réfections de réseau àfaire, autres tâches accessoires),

- Créer une base de données Excel contenant tous les éléments recensés.

4. Toutes les informations complémentaires seront obtenues a l’adresse suivante :COMPAGNIE ENERGIE ELECTRIQUE DU TOGO (CEET)

DIRECTION GENERALE .426, avenue Mama Fousséni

BP : 42 Lomé — TOGOTel : + 228 221 07 74 / 221 27 43 / 221 27 44 ; Fax : + 228 221 64 98

E-mail : [email protected]

5. Les dossiers de manifestation d'intérêt, rédigés en langue française et por-tant la mention “ Appel à manifestation d'intérêt pour la sélectiond’une entreprise dans le cadre du recensement des poteaux BTdéfectueux dans la ville de Lomé et ses environs “ doivent parvenir ausecrétariat du Département Approvisionnement et Gestion des Stocks(DAGS) à la Direction Générale de la CEET, à l’adresse ci-dessus au plustard le 28 juin 2011 à 10 heures TU.

COMPAGNIE ENERGIE ELECTRIQUE DU TOGOSiège social : 426, avenue MAMA Fousséni BP 42 - LOME

Standard : 221 27 44 / Dépannage : 220 82 20 / Fax : 221 64 98 / COE : 061207 HUTB N° 32 0497844 004 000 - BTCI N° 9030 059273 001 25 - BTD N° 402 100 276 T

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Page 103: JA 2628 DU 22 AU 28 MAI 2011

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• Le suivi de l’actualité de l’ensemble des pays de ladite zone;• L’élaboration de sommaires d’enquêtes;• La recherche de collaborateurs (pigistes) et experts;• La rédaction d’articles;• L’animation des membres de la rédaction chargés de couvrir

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Ouverture du poste de Secrétaire exécutif (ve)de l’Observatoire du Sahara et du sahel (n°240)

Date limite: 15 Septembre 2011L’OSS, organisation internationale basée à Tunis, a pour mission de promouvoir la synergie des efforts de luttecontre la désertification et d’atténuation des effets de la sécheresse dans une perspective de développementdurable et de lutte contre la pauvreté dans le circum Sahara d’Afrique et ce en attachant une attention parti-culière aux questions liées à l’eau et à la dégradation des terres à travers des programmes régionaux d’intérêtcommun.Le Conseil d’administration de cette Organisation, autorité décisionnelle veillant à son bon fonctionnement,compte recruter un(e) nouveau(velle) Secrétaire exécutif(ve), ressortissant d’un pays membre, et ce confor-mément à ses textes statutaires.Le dossier de candidature doit comporter :• Une lettre de motivation au nom du Président de l’OSS ;• Un formulaire de candidature dûment rempli ;• Une note de réflexion présentant la vision du (de la) candidat (e) de l’OSS et la manière dont il (elle) conçoit

le développement et la gestion de son secrétariat exécutif ;• Un CV permettant d’apprécier les compétences personnelles du (de la) candidat(e) au poste à pourvoir,

notamment l’expérience acquise en matière de management et de gestion d’entreprise ou de grands pro-grammes internationaux.

Le profil du poste (termes de référence) et le formulaire de candidature ainsi que toutes les informations utilessur l’OSS sont disponibles dans son Site Web (www.oss-online.org)Les candidatures doivent parvenir impérativement au secrétariat exécutif de l’OSS, sous pli fermé portant lamention «NE PAS OUVRIR- Appel à candidature poste SE – n°240 » au plus tard le 15 septembre 2011(la date du cachet de la poste faisant foi) à l’adresse suivante : Monsieur le Secrétaire exécutif de l’Observatoiredu Sahara et du Sahel, Boulevard du Leader Yasser Arafat BP 31- 1080 Tunis, Tunisie.Aucune candidature ne peut être reçue par voie électronique.

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JEUNE AFRIQUE N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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La vision du Gabon Emergent s’articule autour du développement de pôles économiques dynamiques reliés entre eux par une infrastructure moderne. Dansce contexte, le Gabon numérique dont la mise en œuvre a été confiée à l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF),doit jouer un rôle décisif dans la mise en cohérence de l’ensemble des axes stratégiques du Gabon Emergent avec pour orientations majeures :• Un environnement facilitant la confiance à l’usage du numérique par tous les acteurs ;• Une administration moderne orientée services aux citoyens et aux entreprises ;• Un accès universel à l’information sur l’ensemble du territoire national ;• Une promotion continue du capital humain grâce à l’accès facile à la connaissance ;• Une valorisation des initiatives et innovations en faveur de la production de contenus locaux ;• Une priorité accordée aux services destinés aux secteurs sociaux pour l’atteinte des OMD.L’ANINF a pour mission d’installer et de gérer les infrastructures et ressources nationales partagées dans les domaines des télécommunications, de l’audiovi-suel, de l’Informatique et des Fréquences, ainsi que de valider tous les projets de l’économie numérique afin de garantir la cohérence globale des systèmesmis en place.Pour réussir ce challenge, l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences souhaite recruter des compétences national et inter-national pointus et engagés.

POSTES D’ENCADREMENT• Directeur Général Adjoint• Directeur des Affaires Générales• Directeur Administratif et Financier• Directeur des Fréquences• Directeur de l’Ingénierie et des Applications• Responsable de division Infrastructures et Services Télécoms• Cadre Juriste• Cadre Audit• Cadre Organisation, Qualité et Stratégie• Juristes (débutants et confirmés)Pour postuler aux postes d’encadrement ci-dessus, envoyez vos dossiers de candidature (lettre de motivation et curriculum vitae) à l’[email protected]. Le message devra obligatoirement comporter en objet une référence à l’ANINF et au poste (ex. Recrutement ANINF-Directeur desFréquences)

POSTES DE SERVICES GENERAUX• Ressources Humaines• Relations Extérieures & Communication• Courrier, Archives & Documentation• Patrimoine, Moyens Généraux & Approvisionnement• Gestion, Finances, Audit et Comptabilité• Secrétariat de direction• Agents de servicesPour postuler aux postes de services généraux et techniques, envoyez vos dossiers de candidature (lettre de motivation et curriculum vitae) à l’[email protected]. Le message devra obligatoirement comporter en objet une référence à l’ANINF et au poste (ex. Recrutement ANINF - Secrétariatde direction)

POSTES TECHNIQUES• Ingénieurs système d’information• Ingénieurs télécoms• Ingénieurs informatique et réseaux• Ingénieurs radiocommunication et fréquences• Techniciens télécoms• Techniciens informatique et réseaux• Techniciens radiocommunication et fréquencesPour postuler aux postes de services généraux et techniques, envoyez vos dossiers de candidature (lettre de motivation et curriculum vitae) à l’[email protected]. Le message devra obligatoirement comporter en objet une référence à l’ANINF et au poste (ex. Recrutement ANINF- Technicieninformatique et réseaux)

Toutes les candidatures devront être reçues au plus tard le lundi 30 mai 2011.

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