islam - alina reyes

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1 Alina Reyes Mon islam suivi de Voyage autour du Coran « J’aime aller à la mosquée pour la prière du vendredi, la libéralité de l’islam est grande. Je ne suis pas une musulmane très attachée à la sunna, aux règles de vie écrites par des savants de la foi, je ne suis pas aux yeux de beaucoup une bonne musulmane, mais j'aime Dieu, j'aime le Coran, j'aime les êtres humains, c'est ma façon d'être musulmane et la mosquée m'accueille telle que je suis. »

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Alina Reyes

Mon islam

suivi de Voyage autour du Coran

« J’aime aller à la mosquée pour la prière du vendredi, la libéralité de l’islam est

grande. Je ne suis pas une musulmane très attachée à la sunna, aux règles de vie

écrites par des savants de la foi, je ne suis pas aux yeux de beaucoup une bonne

musulmane, mais j'aime Dieu, j'aime le Coran, j'aime les êtres humains, c'est ma

façon d'être musulmane et la mosquée m'accueille telle que je suis. »

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DU MÊME AUTEUR

Cueillettes, Nil Éditions, 2010

Charité de la chair, Presses de la Renaissance, 2010

Souviens-toi de vivre, Presses de la Renaissance, 2010

Psaumes du temps présent, Presses de la Renaissance, 2009

Lumière dans le temps, Bayard, 2009

La Dameuse, Zulma, 2008

La jeune fille et la Vierge, Bayard, 2008

Notre femme, Atelier in 8, 2007

Forêt profonde, Le Rocher, 2007

Le carnet de Rrose, Robert Laffont, 2006

Nue, avec Bernard Matussière, Fitway Publishing, 2005

Sept nuits, Robert Laffont, 2005

La Chasse amoureuse, Robert Laffont, 2004

Satisfaction, Robert Laffont, 2002

Une nuit avec Marilyn, Zulma, 2002

Politique de l’amour, Zulma, 2002

La vérité nue, avec Stéphane Zagdanski, Pauvert, 2002

Ma vie douce, Zulma, 2001

Nus devant les fantômes, Franz Kafka et Milena Jesenska, Éditions 1, 2000

Autopsie, Inventaire Invention, 2000

L’Exclue, Mille et une nuits, 2000

Lilith, Robert Laffont, 1999

Corps de femme, Zulma, 1999

Moha m’aime, Gallimard, 1999

Poupée, anale nationale, Zulma, 1998

Il n’y a plus que la Patagonie, Julliard, 1997

Le chien qui voulait me manger, Gallimard, 1996

La Nuit, Joëlle Losfeld, 1994

Derrière la porte, Robert Laffont, 1994

Quand tu aimes, il faut partir, Gallimard, 1993

Au corset qui tue, Gallimard, 1992

Lucie au long cours, Le Seuil, 1990

Le Boucher, Le Seuil, 1988

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Parfois la vérité vient soudainement, avec éclat. D'autres fois elle travaille

dans le temps comme les fleuves, les ruisseaux qui coulent sous les jardins du

firdaws, du paradis, et de l'intérieur emporte les êtres vers leur destination.

Le 1er octobre 2012, je suis allée à la mosquée, j’ai fait mon attestation de

foi, la shahada. Je ne trouve en moi aucune impossibilité à être une chrétienne

musulmane, comme à être une chrétienne issue du judaïsme. Les trois

monothéismes sont un voyage, une suite. L’un n’annule pas l’autre, dans le

temps de Dieu ils sont unis, et leurs contradictions sont abolies, comme en

montagne les contradictions de la perspective sont abolies par la conscience du

point de la marche d’où on les regarde.

Ce fut très rapide, très simple, complètement beau et bouleversant. Juste

avant j’avais écouté de l’extérieur la prière. Bientôt je la ferais à l’intérieur.

J’y suis restée près de deux heures, dans un bonheur intense. À flâner dans

les cours, les jardins, la bibliothèque. Le ciel était d’un bleu ! Je me suis

demandé pourquoi j’avais tant de chance.

J’ai entendu un guide expliquer à des visiteurs que rien de ce qu’ils

voyaient ici n’était sacré, que nous seuls le sommes. Plus tard il a dit qu’il fallait

un sixième œil pour comprendre le Coran. Nous en avons donc cinq ? Oui, si

nous savons voir ce qui est. Alors le sixième vient, comme dans la tapisserie de

la Dame à la licorne. À mon seul désir, dit-elle enfin.

Le lendemain, je suis allée en face de la mosquée acheter un tapis de

prière. Je l’ai choisi rouge avec une frise grecque. J'aime savoir où sont les points

cardinaux, je savais dans quel sens le mettre. Puis je suis allée au jardin.

Le 20 octobre suivant, je suis allée pour la première fois à la grande prière

du vendredi. À deux pas de chez moi, portée sur un tapis volant. La Grande

Mosquée de Paris est fermée au public ce jour-là. J’y suis entrée mon voile déjà

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posé sur mes cheveux. Je suis descendue à la salle des ablutions, j’ai dit salam

alaykoum aux femmes qui se trouvaient là, beaucoup de bonheur se faisait déjà

sentir. J’ai retiré mon imperméable, mon voile et mes chaussures, j’ai invoqué le

nom de Dieu, j’ai procédé aux ablutions (les mains, la bouche, le nez, le visage,

les avant-bras, les cheveux, les oreilles, les pieds), j’ai prononcé la shahada, j’ai

remis mes chaussures, mon imperméable et mon voile, mon foulard de danse

noir trouvé à Istanbul, en l’arrangeant de mon mieux sur ma tête pour qu’il

tienne correctement pendant la prière. Toutes les femmes faisaient de même,

c’était sensible et beau. Je suis remontée, j’ai suivi le mouvement vers le jardin

du patio. À cause de la foule du vendredi, la prière avait lieu là, au lieu de la salle

des autres jours. Beaucoup de femmes étaient déjà installées sur les tapis

disposés dans les déambulatoires autour du jardin, beaucoup ont continué à

arriver, certaines même pendant le prêche de l’imam, qui a lieu avant la prière

commune. Les plus jeunes sont volontiers plus strictement voilées que les plus

anciennes, lesquelles sont vêtues de façon plus souvent colorée, et portent des

foulards encadrant plus souplement le visage, certaines même l’ayant remplacé

par un autre couvre-chef. J’ai marché jusqu’au fond, je me suis déchaussée,

installée dans un carré à ciel ouvert. Le temps était humide, gris et doux, un léger

vent agitait les palmes des palmiers, des femmes priaient à voix basse, tout était

splendide à crier de joie.

J’ai commencé à faire ma prière, les deux rekâas personnelles que chacun

doit faire en arrivant à la mosquée, avant la prière en commun. Maintenant je

connaissais bien l’enchaînement des gestes, et même si je ne connaissais pas

encore bien toutes les formules, du moins je récitais aisément les sourates Al-

Fatiha et Al-Ikhlas, apprises à la maison. Les ablutions, les gestes, les postures –

debout, inclinaisons, prosternations, les récitations, tout cela rend la prière très

physique, met le corps au service de l’esprit et rend le corps spirituel, oui, comme

si le tapis était tout à la fois bien au sol et en train de léviter, avec votre être en

joie porté vers le Très-Haut.

Des femmes continuaient à arriver, remplir l’espace, prier. Du côté des

hommes la place devait être pleine car certains arrivaient maintenant devant nos

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rangs, s’installaient dans le jardin, dans les espaces qui restaient. Le temps passait

lentement, merveilleusement, avec les oiseaux qui voletaient ou se perchaient et

observaient notre assemblée recueillie. L’imam invisible a commencé son prêche,

en arabe, entrecoupé de quelques phrases en français. Il a parlé du pèlerinage, dit

que les rites n’étaient pas instaurés par les hommes mais venaient de Dieu – j’ai

trouvé cela si juste. Contraste musical intéressant entre l’expression vigoureuse de

son prêche et les lectures déchirantes qui l’entrecoupaient.

Appel à la prière, répété. Prière commune, dite en ce jour à voix haute par

l’imam. Des ablutions jusqu’à la dernière formule, au dernier geste, c’est une

montée splendide, montée vers Dieu et montée dans la communion de

l’assemblée. L’islam déchire le ciel, il descend dans chaque cœur et le fend,

l’arrose comme une petite graine, et voici que de la terre éclot la très fraîche

verdure.

Les musulmans appellent les nouveaux musulmans des « reconvertis ». Le

sens en est celui d'une réintégration dans la religion originelle de l'homme. D'un

retour à l'origine spirituelle. René Guénon disait avoir « adhéré » à l'islam

mystique, le soufisme, et récusait le terme de conversion, comme Maurice Béjart.

Éva de Vitray-Meyerovitch, la merveilleuse traductrice de l’œuvre immense de

Rûmî – le poète le plus lu aux États-Unis, c'est lui, un poète musulman du

treizième siècle ! - disait que le fait d'embrasser l'islam n'impliquait pas une

apostasie, un reniement de ce qu'elle avait été avant. J'aime profondément l'islam,

son prophète, ses fidèles, et ses pratiques cultuelles aussi, même si je ne pratique

pas toujours, le vivant de façon essentiellement intériorisée. J'ai vécu la

prononciation de la shahada non comme une conversion mais comme un passage,

un passage dans une lumière qui n'occultait en rien la lumière précédente en moi,

aussi bien celle des Grecs que celle du christianisme et d'autres spiritualités que je

connais, celle de la littérature, celle de l'art et celle de la vie profane vécue dans

l'amour de la vie, de la liberté, de l'amour, de la vérité, des enfants, de la nature,

de l'aventure et de tout ce qui est bon. Tout cela continue à vivre en moi, comme

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l'enfant, l'adolescent, l'adulte continuent à vivre durant toute sa vie en l'homme qui

ne se fossilise pas mais toujours, avance.

J'ai été élevée sans religion, quoique baptisée bébé pour contenter mes grand-

parents. Mes parents étaient farouchement athées et anticléricaux, ils nous avaient

instruits sur les méfaits du clergé, qu'ils avaient connu pendant leur enfance. Mais

ils étaient communistes et croyaient au progrès, à la nécessité de libérer les peuples

opprimés. Ce n'était pas une religion mais cela y ressemblait, la lecture

quotidienne de l'Huma et les réunions de cellule en formant la liturgie. Comme je

m'intéressais à la politique mais critiquais le communisme, mon père m'emmena

un jour à l'une de ces réunions afin que je puisse en parler avec les camarades.

Toute gamine, j'exposai à ces messieurs mes vues, essayant de les convaincre

qu'une anarchie régulée par la responsabilité personnelle et le sens de la

communauté formerait un monde bien plus accompli que leur système. Ils

m'écoutèrent poliment, par respect pour mon père sans doute, et nous en restâmes

là.

En 6ème je commençai le latin, en 4ème le grec. Avec ces langues, je

découvris la mythologie antique, qui constitua pour ainsi dire ma première

religion, une religion à laquelle il n'y avait pas à croire. Cela me convenait tout à

fait : un enchantement du monde, sans contraintes. Je me mis à explorer aussi la

mythologie égyptienne, puis je m'intéressai à l'hindouisme, au taoïsme, au

bouddhisme. Je recopiais dans un cahier les éléments que je trouvais dans des

livres, avec aussi des écritures en langues orientales, sans les connaître mais pour

le bonheur des signes. Parallèlement j'explorai aussi l'esprit en lisant Freud et un

peu Jung, et toujours beaucoup de littérature et de poésie, notamment française et

russe, bien sûr imprégnées de christianisme.

À dix-sept ans, lors de mon premier voyage, j'eus un contact inattendu, précis

et extrêmement fort avec Dieu dans l'église-mosquée de Sainte-Sophie, à Istanbul.

Je me cachai pour pleurer. Pendant très longtemps je demeurai comme je le disais

« mystique mais athée ». C'est-à-dire, vivant dans l'expérience de Dieu, mais sans

croire en Dieu, au sens où je voyais les gens croire en Dieu un peu comme au Père

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Noël. Je m'intéressai à l'art pariétal, visitant des grottes préhistoriques, allant voir

des spécialistes, m'interrogeant sur le sens liturgique de ces œuvres. À la

montagne, et notamment au cours de mes ermitages, mes expériences mystiques

devinrent de plus en plus fortes et je finis par me tourner plus concrètement vers le

christianisme, d'autant que la première ville en plaine était Lourdes. Je fis des

retraites au carmel, où j'appris à prier selon le catholicisme. À Paris j'allai un peu

au catéchisme, puis je retournai dans mes montagnes, munie d'une Bible en

hébreu, d'un dictionnaire et d'une grammaire d'hébreu, et je me mis à apprendre,

seule, suffisamment de cette langue pour traduire et commenter de longs passages

de la Genèse et de l'Exode. Je me remis aussi au grec, et traduisis et commentai

aussi de larges passages des Évangiles.

En retournant vivre à Paris, je passai régulièrement devant la Grande

mosquée, tout près de chez moi. Je commençai à lire le Coran, un peu plus que je

ne l'avais fait jusqu'à présent. Un jour, j'allai à la mosquée et demandai la

permission d'y prier. On me demanda si je voulais me convertir. Je dis que je

voulais seulement prier. C'était le milieu de la matinée, on me laissa aimablement

entrer dans la salle de prière des femmes, en me disant que le Prophète avait dit

qu'il était permis au musulman de prier partout. Je priai debout en silence pendant

un peu plus d'une demi-heure, en compagnie des moineaux qui se faufilaient sous

le toit. C'était le paradis. Moins de trois semaines plus tard, j'allai trouver un imam

(du moins je suppose que c'en était un, mais ce n'est pas obligatoire, on peut se

convertir devant n'importe quel témoin ou même sans témoins) dans un bureau de

la mosquée, pour qu'il me fasse prononcer la shahada.

Ainsi donc, des premières à la dernière religion, j'ai fait le parcours. Et je

continue à marcher. J’ai beaucoup à apprendre, je continue à apprendre,

j’apprends. Quiconque apprend la lumière est dans la lumière et porte la lumière

au monde. Comme celle des étoiles elle arrive parfois à ce dernier avec un long

décalage dans le temps, mais ensuite elle l’arrose et fait fructifier sa nuit à l’infini.

Et à tout instant du jour, le ciel est plein d’étoiles, même si nous ne les voyons pas.

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Mohammed Arkoun écrit dans sa préface au Coran : “Pour un esprit

moderne habitué à suivre une démonstration, une évocation, une description, un

récit dans des textes composés selon un plan rigoureux, le Coran est

particulièrement rebutant par sa présentation désordonnée (…), bref par tout un

ensemble de signes qui ne trouvent plus guère de supports concrets ni dans nos

procédés intellectuels, ni dans notre environnement physique, social, économique,

moral. L’impossibilité d’entrer dans l’univers coranique est fonction de la

mutation mentale que subit l’humanité depuis l’avènement de l’âge industriel. Les

musulmans eux-mêmes sont de plus en plus enfermés dans cette impossibilité (…)

Il s’est ainsi formé au cours des âges des consciences sédimentées, emmurées

dans un ensemble de certitudes sacralisées par un lent travail de mythologisation.

(…) Aujourd’hui, nous disons qu’il est nécessaire de libérer le noyau mythique

originel, l’Intention libératrice des Écritures de toutes les doctrines, pratiques et

croyances confondues sous le nom de religion.”

Qu’est-ce que le Verbe de Dieu, c’est-à-dire qui est Dieu ? C’est la seule

question, et c’est seulement en avançant sur la voie de la compréhension dans

cette question, et seulement en y avançant depuis Dieu et face à Dieu, puisque

c’est à lui que nous devons réponse, donc écoute, c’est seulement en avançant sur

cette voie en union avec Dieu que nous avancerons dans la communion et le salut.

Ne soyons pas avares de nous-mêmes. Ouvrons-nous. Entrons dans la lumière. « Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé », dit Dieu à Blaise

Pascal dans ses Pensées. Si j'ai cherché le Coran, c'est que je l'avais déjà trouvé.

Avant de le lire, j'avais trouvé sa fascinante forme dans un tout autre texte, une

nouvelle de Jorge Luis Borges intitulée Le livre de sable. Comment chercher

l’inconcevable ? En le concevant. Borges conçoit des histoires que la raison peut

concevoir afin d’en faire sortir quelque chose qui reste pour la raison

inconcevable, et s’avère pourtant concevable par l’esprit, puisque le voilà conçu,

quoique nous ne le puissions voir qu’obscurément, confusément comme dans un

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miroir, dirait saint Paul. Or, si nous ne pouvons le voir que confusément, les mots

le disent précisément. En parfaite communion avec l’esprit, la parole dit ce qui

dépasse la raison. En fait, le travail de Borges cherche l’immaculée conception, et

la trouve, ou donne à l’auteur d’être trouvé par elle, de lui apparaître dans une

lumière surnaturelle, qui laisse stupéfait. Par exemple, un disque qui n’a qu’une

face, dans Le disque. Ou son fameux livre infini, Le livre de sable.

« Je l’ouvris au hasard. Les caractères m’étaient inconnus. Les pages, qui

me parurent assez abîmées et d’une pauvre typographie, étaient imprimées sur

deux colonnes à la façon d’une bible. Le texte était serré et disposé en versets. À

l’angle supérieur des pages figuraient des chiffres arabes. Mon attention fut attirée

sur le fait qu’une page portait, par exemple, le numéro 40514 et l’impaire, qui

suivait, le numéro 999. Je tournai cette page ; au verso la pagination comportait

huit chiffres. Elle était ornée d’une petite illustration, comme on en trouve dans

les dictionnaires : une ancre dessinée à la plume, comme par la main malhabile

d’un enfant.

L’inconnu me dit alors :

- Regardez-la bien. Vous ne la verrez jamais plus. »

Louis Massignon écrit à propos du Coran : « De ce livre, très tôt, les

premiers théologiens (…) ont tiré une théorie générale de l’univers, selon laquelle

il n’y a pas de formes en soi, ni de figures en soi. Dieu seul est, non seulement

permanent, mais imminent, menaçant : Huwa al-Bâqî. Il n’y a pas de durée, mais

des suites d’instants incommensurables. Pas de formes, des atomes

perpétuellement détruits et recréés. On retrouve là un peu de l’occasionnalisme de

Descartes. À l’opposé de l’inspiration grecque, idolâtre des formes en soi, des

polygones fermés, des nombres, c’est un art du changement, de la dérivation, de

l’algèbre, de l’inanimation des figures, puisqu’elles sont périssables, de la

destruction des idoles. »

Ce que je vois c’est que ce livre de sable, « à la façon d’une bible », est

une espèce de coran. Ce n’est pas pour rien que Borges emploie les mots hasard

et chiffres arabes. Nous savons combien le désordre apparent du Coran

déconcerte la raison. L’inquiète, même. C’est pourquoi les musulmans

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l’accompagnent de la sunna, d’un corpus de lois et pratiques, qui en quelque sorte

neutralisent cette liberté par trop insolente et déstabilisante de l’esprit. L’esprit s’il

est complètement désincarné attire l’homme au nihil, à la mort. Il peut conduire à

la fixation dans la stupéfaction, éminemment anxiogène. Sans le secours de la

conscience, de la raison, des règles de vie, il peut produire cette fascination

morbide qui meut les « fous d’Allah » et les nihilistes. Le jamais plus prononcé

par l’inconnu de Borges rappelle celui du corbeau d’Edgar Poe. Nous sommes ici

au bord du gouffre.

« Il me demanda de chercher la première page. Je posai ma main gauche

sur la couverture et ouvris le volume de mon pouce serré contre l’index. Je

m’efforçai en vain : il restait toujours des feuilles entre la couverture et mon

pouce. Elles semblaient sourdre du livre.

- Maintenant cherchez la dernière.

Mes tentatives échouèrent de même ; à peine pus-je balbutier d’une voix

qui n’était plus ma voix :

- Cela n’est pas possible.

Toujours à voix basse le vendeur de bibles me dit :

- Cela n’est pas possible et pourtant cela est. Le nombre de pages de ce

livre est exactement infini. Aucune n’est la première, aucune n’est la dernière. Je

ne sais pourquoi elles sont numérotées de cette façon arbitraire. Peut-être pour

laisser entendre que les composants d’une série infinie peuvent être numérotés de

façon absolument quelconque.

Puis, comme s’il pensait à voix haute, il ajouta :

- Si l’espace est infini, nous sommes dans n’importe quel point du temps. »

« Les lignes ne sont que des points qui se déplacent », écrit encore

Massignon à propos de la « position théologique fondamentale » qui caractérise

l’art islamique.

Ayant acquis contre une Bible ce fascinant livre de sable qu’il finit par

qualifier de monstrueux, et qui lui rend une image monstrueuse de lui-même, le

narrateur ressent la nécessité de s’en débarrasser.

« Je pensai au feu, mais je craignis que la combustion d’un livre infini ne

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soit pareillement infinie et n’asphyxie la planète par sa fumée.

Je me souvins d’avoir lu quelque part que le meilleur endroit où cacher

une feuille c’est une forêt. Avant d’avoir pris ma retraite, je travaillais à la

Bibliothèque nationale, qui abrite neuf cent mille livres ; je sais qu’à droite du

vestibule, un escalier en colimaçon descend dans les profondeurs d’un sous-sol où

sont gardés les périodiques et les cartes. Je profitai d’une inattention des employés

pour oublier le livre de sable sur l’un des rayons humides. J’essayai de ne pas

regarder à quelle hauteur ni à quelle distance de la porte.

Je suis un peu soulagé mais je ne veux pas même passer rue Mexico. »

Le livre de sable aura-t-il absorbé toute l’humidité de la bibliothèque ?

Toute sa langue ? « Dis : «Si la mer se changeait en encre pour transcrire les

paroles de mon Seigneur, la mer serait assurément tarie avant que ne soient

épuisées les paroles divines, dussions-nous y ajouter une quantité d’encre égale à

la première.» Coran 18, 109

Ceux qui considèrent le Coran comme une reprise de la Bible pleine

d'erreurs devraient se demander aussi quelles furent les références de la Bible.

Elles sont moins connues parce que plus lointaines dans le temps, mais elles

existent, et à partir d'elles le texte biblique a donné une parole différente, une

parole de Dieu, comme le Coran a repris la parole biblique pour la transposer sur

un autre plan. Il faut seulement s'en approcher avec respect pour le comprendre.

L'islam est vrai, et vraiment bon.

Elohim et ha-shamayim ve'et ha'aretz (Genèse 1, 1 : [Au commencement

créa] « Dieu les cieux et la terre »

Allāhu Nūru As-Samāwāti Wa Al-'Arđi (Coran 24, 35) : « Dieu lumière des

cieux et de la terre »

Elohim et Allah sont le même mot, l’un hébreu l’autre arabe : El (ici en

hébreu à la forme pluriel) signifie Dieu et se trouve dans le lah de Al-lah (le Dieu)

shamayim et samawati sont le même mot, l’un hébreu et l’autre arabe :

« cieux »

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aretz et ardi sont le même mot, l’un hébreu et l’autre arabe : « terre »

ve et wa sont aussi le même mot dans les deux langues : « et »

Nurun ala Nurin : Lumière sur Lumière. Le Coran est Lumière sur la Lumière

qu’est la Bible. Leurs langues sont sœurs et épouses d’un même Dieu. Eaux d’en

haut et eaux d’en bas, comme dit la Genèse (1, 7), au confluent des deux océans

comme dit le Coran (18, 60), l’homme se retrouve dans le même et unique lit de la

Vérité, courant debout dans la joie à sa délivrance.

Musulmans, il nous faut, selon la voie que nous a montrée notre Prophète, la

prière et la paix soient sur lui, assumer la foi des juifs et la foi des chrétiens. Cela

ne signifie pas suivre les judaïsmes ni les christianismes, mais mieux connaître ce

qui leur vint de leurs prophètes. Car c’est la fondation même de notre maison,

l’islam. Nous n’avons certes pas fait le tour de notre demeure, le Coran, mais nous

y habiterons mieux si nous savons où nous habitons, sur quel rocher, dans quel

paysage elle est bâtie. Nous saurons mieux où nous allons si nous savons d’où est

parti notre chemin.

Ayant prononcé la shahada, la profession de foi musulmane, parce que je suis

soumise à la Vérité, je n'ai renoncé en rien aux acquis du christianisme et du

judaïsme, que l'islam dès sa naissance assume. Je n'ai renoncé en rien à trouver et

reconnaître la Vérité partout ailleurs où elle se fait également jour. Et logiquement,

je veux pouvoir prier aussi bien à l'église qu'à la mosquée, ou en n'importe quel

temple ou lieu où je pourrai rendre louange à Dieu. Et ce que je veux, c'est initier la

formation d'une humanité apte à comprendre les diverses religions et traditions, à

les voir de très haut, et à prier en tout lieu. Car de cette capacité vient la paix.

Gandhi, tout en affirmant sa religion, l'hindouisme, pouvait dire : « Je suis aussi un

chrétien, un musulman, un bouddhiste et un juif. »

Dépassons les apparences. C’est Dieu qui conclue les alliances vraies et

appelées à s’accomplir dans l’avenir, selon sa propre raison, et non les hommes

selon leurs raisons. Pour l’instant les uns et les autres avancent dans la nuit, ne

sachant à qui tendre la main pour échapper aux gouffres et se repérer, alors qu’il

suffit de lever les yeux au ciel. Si la lumière des étoiles faiblit, elle éclaire encore,

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et surtout, c’est que le jour est proche.

Il n'y a pas de syncrétisme dans ma méthode, qui est au contraire une méthode

de discernement et de distinction, conditions indispensables au dialogue intérieur

entre les différentes spiritualités, et à leurs retrouvailles éclairées à mesure que

leurs chemins s'avancent vers le point unique où elles se rejoignent, en nous et au

ciel. Il ne s'agit pas de faire des religions des temples de la consommation

religieuse, où se rendre comme en autant de supermarchés de la spiritualité. Ma

démarche est l'exact contrepoint aux méfaits à la fois spirituels, politiques et

sociaux du libéralisme comme de tous autres systèmes idéologiques. Comme

Socrate, je ne quitterai pas ce monde sans avoir rappelé que nous, humains, devons

un coq au ciel, celui de notre réveil.

Ce fut une tâche monumentale pour les prophètes juifs, pour Jésus-Christ et

ensuite pour Mohammed, de déplacer le regard des hommes pour l’ouvrir. Et ce

faisant, déplacer leur vie et l’ouvrir. Si le judaïsme, le christianisme et l’islam sont

complémentaires pour entrer dans une voie de connaissance entière de l’être, c’est

à la source une question de langues. Les langues aryennes déploient l’extériorité de

l’être, les langues sémitiques travaillent dans l’intériorité, selon la structure même

des unes et des autres. Louis Massignon le démontre dans une sensible et

magistrale conférence prononcée devant des Carmes le 19 septembre 1948, à

l’heure de l’Angélus : La syntaxe intérieure des langues sémitiques et le mode de

recueillement qu’elles inspirent.

Il y évoque les trois grandes familles de langues : agglutinantes, sémitiques et

aryennes. Les langues agglutinantes, “depuis les langues mexicaines jusqu’aux

langues d’Extrême-Orient du côté chinois ou japonais et turc”, dans lesquelles “le

lexique opère par correspondances rigoureusement musicales”, sans axe, “dans une

esthétique pure”. Les langues aryennes, dit Massignon, “construisent une échelle

d’idées (et d’idoles), qui est une échelle de perfection”, que l’on retrouve chez les

Hindous, chez les néo-platoniciens, comme chez saint Jean-Climaque. Dans ces

langues, dont la structure procède par ajouts de mots et de périodes dans la phrase,

“c’est l’expansion au-dehors qui s’irradie par réalisations syllogistiques”.

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Dans les langues sémitiques, où “le lexique procède par infixes à l’intérieur

des mots”, c’est “le dépassement de tout ce qui passe”. Le fait que l’arabe et

l’hébreu n’écrivent que les consonnes, et que les mots soient fondés sur des racines

à l’intérieur desquelles s’introduisent des variations, induit un rapport entre le fixe

et le vivant, le passant. “Les Druzes qui sont de profonds penseurs, dit Massignon,

disent que les consonnes sont le corps, et les voyelles la vie, et l’âme de la phrase

(…) La vie est donnée par la vocalisation.

Massignon montre la puissance poétique de l’arabe, qui notamment donne

“naissance de la rime dans le monde”, sa capacité d’abstraction, son caractère

particulier de condensation. Et il conclut en évoquant pour ses auditeurs carmes

“les intervalles de la Règle, ici-bas”. Selon le jardin oriental induit par les langues

sémitiques, “la source sort au centre, et c’est cela encore une fois que j’ai voulu

vous montrer. Il y a dans ces langues sémitiques une certaine prédisposition à la

vie intérieure.”

Il est bon de remonter à contre-courant sa langue pour aller à la source.

L’extériorisation, nous n’avons pas à la chercher, elle est dans notre langue, notre

substance, notre mode naturel d’être. Notre présence, il nous faut l’affirmer et la

confirmer dans l’intériorisation, personnelle et partagée, commune.

L'idée que se font les hommes de Dieu change d'une religion à l'autre,

mais aussi d'un être humain à l'autre dans une même religion. Mais Dieu, il est

unique. Sinon, il ne serait pas. Il ne serait que l'idée qu'on s'en fait. Or Il est, en

Lui-même. Orientez le miroir de telle ou telle façon en direction de Sa face, vous

aurez telle ou telle représentation de lui. Chacune sera vraie, et pourtant

différente. Il faut arriver à s'élever par-dessus les miroirs pour Le voir, à travers

tous les miroirs et sans miroir, directement, face à face.

Dans mon jardin les fleurs sont multiples mais l’eau est unique. Hamza al

Qâdiri al Boutchichi

“Où que vous vous tourniez est la face de Dieu” (Coran, 2, 115).

“Pour cette raison, les “gens de la Vérité” disent que toutes les créatures

ne sont rien d’autre que notre moi ; tous les êtres humains sont nos frères.

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Croyance et incroyance, bien-aimé et ennemi, impur et pur, ciel et enfer,

courroux et miséricorde, bien et mal, richesse et pauvreté, louange et mépris,

satiété et faim, insignifiance et grandeur, mort et vie, maladie et santé, juste et

injuste – tout cela est pareil pour eux, car la signification de : “Où que vous vous

tourniez est la face de Dieu” leur est devenue extrêmement claire.” Hamsah

Fansûrî, cité par Éva de Vitray-Meyerovitch dans son Anthologie du soufisme.

Toujours aller, avancer, ne jamais s’arrêter. Dans l’enthousiasme du

chemin. Si nous nous sommes arrêtés, ou si nous piétinons, cherchons les

réveilleurs, les grands. Tout homme mérite de grands maîtres, même s’ils lui

semblent trop grands, trop difficiles ou incompréhensibles. Chercher toujours le

difficile, voilà la voie de l’humilité, de l’abandon, de la soumission à la Vérité. Le

plus difficile est le plus facile, à condition d’avoir fait le pas. Ne regardons plus

avec nos yeux terrestres. Tournons-nous vers la lumière, la vraie. Tout ce qui est

à comprendre, cherchons à le comprendre avec nos yeux de foi, avec les armes de

la Lumière et non pas celles du morne monde. Ayons confiance. Comme nous le

savons, mais comme il faut toujours de nouveau le savoir, c’est-à-dire le vivre,

dans la dimension de la Lumière, tout est amour, compassion, grâce. Prenons le

temps, tout le temps, mais sans traîner. Soyons vivant, oui très vivant, parce que

nous sommes aimé.

La mission de chaque être humain, c’est de sauver le monde, chaque jour.

De débusquer le mal et de l’anéantir, empêcher sa nuisance. Quand trop

d’hommes manquent à cette mission, le mal gagne du terrain, il finit par investir

tout l’espace, et viennent des temps d’horreur, servis par des êtres humains

déshumanisés. Nous devons sauver nos frères, les hommes victimes de la peste

qui avance, mortelle mais aussi révélatrice, et autant que possible ouvrir les yeux

des hommes tombés dans l’idolâtrie, dans la singerie de la condition humaine

qu’ils croient devoir démonter comme une horlogerie et remonter à leur façon.

Les prophètes anciens nous ont laissé des avertissements et des

enseignements lumineux. Mais ils n’ont pu porter de jugement sur les formes

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spécifiques du mal dans notre temps complexe, et c’est pourquoi beaucoup

d’hommes pourtant instruits par les prophètes demeurent aveugles et désarmés

devant des langues et des pensées séduisantes contemporaines, dont ils ne voient

pas la portée malfaisante. Dieu n’a pas abandonné l’homme, il lui fait parvenir

des paroles sûres pour aujourd’hui. Il ne reste qu’à attendre que l’homme veuille

bien essayer de les écouter.

Nul homme n'est libre tant qu'il demande : libre de quoi ?

C'est le terrestre en l'homme qui demande : "libre de quoi ?" Alors Dieu lui

donne les tables de la loi, pour le rassurer. Il est allé sur la montagne pour les

demander, mais en restant attaché à la terre encore dans sa montée.

Celui qui est monté au ciel, comme Mohammed dans le Voyage nocturne,

connaît la liberté sans "de quoi", la liberté absolue.

La liberté aux yeux du monde n'est pas la liberté aux yeux de Dieu.

La liberté réelle est de correspondre à Dieu.

La liberté selon le monde c'est de correspondre à sa propre volonté. Ce qui

est en vérité (aux yeux de Dieu) un esclavage, comme de correspondre à la

volonté d'autrui.

Les hommes qui veulent correspondre à la volonté de Dieu sont empêtrés

comme les hommes qui veulent ne pas correspondre à la volonté de Dieu. Pour

correspondre à Dieu, il faut abandonner son vouloir.

Le djihad n'est pas un effort de la volonté, mais un effort dans l'abandon.

Quand tu marches, il ne t'est pas demandé d'être dans l'effort que te coûte

chaque pas, mais dans l'oubli de l'effort que donne le désir de suivre le chemin.

Le chemin est la volonté de Dieu en train d'avoir lieu, vivante.

Suivre la volonté de Dieu en train d'avoir lieu, c'est être du ciel. Être du ciel,

c'est en venir, et y retourner.

Le Voyage nocturne a eu lieu parce qu'a eu lieu, parce qu'a lieu, la Nuit du

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Destin.

La Nuit du Destin vaut mille nuits, dit le Coran : le temps y est assez vaste

pour que tout le monde ait le temps d'y entrer.

C’est dans une grotte, près de La Mecque, sur le mont Hira, que

Mohammed a reçu la visite d’un être de lumière, l’ange Gabriel, et le début du

Coran. C’est toujours dans des grottes, ou autres lieux semblables, des lieux

retirés, des lieux à l'ombre, que naissent les vraies révolutions, les révolutions en

douceur : les révolutions de et pour la vie.

Dieu retransforme sans cesse tout vers mieux et meilleur, sans cesse

signifie à la fois flux et repos, à la fois le torrent et les rives, la course de l’eau et

le lit du fleuve, le transport et l’amour accompli. Pour que tous et chacun puisse y

être entraîné aussi, chacun selon son chemin comme les affluents, qui par tous les

temps vont où ils sont appelés. Joue la lumière avec l’eau, joue l’eau avec la terre,

joue la terre avec le ciel, que nous voyions, que nous sentions, que nous

entendions leur chant portant l’Appel ! Nous y allons.

Voici ce que voit l’Amour : un très grand nombre d’âmes, dans le bruit et la

fureur ambiantes descendent dans la nuit de la grotte et s’éclairent, dans une

douce violence qui les conduit à se libérer, et donc à détruire le mal, et donc à

œuvrer pour la libération de tous.

Cette nuit est la nuit de la béatitude infinie / Ce n’est pas une nuit, c’est

l’union de ceux qui cherchent Dieu / Ce doux ami est l’ami de celui qui croit au

Dieu unique / Ce soir est l’épanouissement de ceux qui sont purs. Ses

commandements se manifestent dans toute la Création, car tout est le reflet de

Dieu, et l’ombre est prisonnière de la personne. Si les cinq doigts s’ouvrent,

l’ombre s’ouvre. Mawlânâ Djalâl Od-Dîn-Rûmî, fondateur, au XIIIe siècle, de

l’ordre des derviches tourneurs.

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Les numéros des sourates sont comme des numéros de bus, ou d’heures

dans un jour surnaturellement long. On y voyage dans l’autre sens, les premières

y étant les dernières, les dernières les premières.

La sourate Al-Kahf, La Caverne, est au centre phonologique du Coran.

Pour pouvoir retourner à la grotte, il faut d'abord en être sorti. Qui retourne à la

grotte sans en être d'abord véritablement sorti, sans s'en être détaché, en vérité n'y

retourne que pour mourir de sa seconde mort.

Al-Hira, la grotte où le Prophète reçut la visite de l'Ange, et Al-Aqsa, « La

Lointaine », la mosquée de Jérusalem d'où le Prophète monta au ciel, sont à

distance l'une de l'autre. La grotte par laquelle on retourne à Dieu est consécutive

de celle par laquelle on en est venu, mais ce n'est pas la même.

Pour atteindre la dernière, il faut suivre le chemin, le djihad, la vie en vivant

dans la liberté de Dieu.

Aller à la source n’est pas retourner à la source. Il y a progression et

transformation, de la source d’avant à la source d’en-avant. Pour aller à la source,

il faut prendre ses distances de la source, que l’être se diffracte, se connaisse en se

déployant, ouvre, précise et aiguise sa vision de l’être, jusqu’à pouvoir se laisser

entièrement guider, inspirer et aspirer par lui.

La vie et l'existence du Prophète sont un exemple du djihad comme chemin

dans l'abandon à la volonté de Dieu. Nul volontarisme dans son mode d'être. Son

mode d'être venant de son contact assidu avec Dieu, il est souplesse, adaptation,

obéissance. Comme celui de l'eau qui, dévalant des montagnes, trouve son

chemin vers l'océan sans avoir besoin du volontarisme ni des artifices humains

qui s'ingénient tantôt à la retenir, tantôt à la détourner.

Ce poisson que Moïse a perdu en chemin dans la sourate Al-Kahf, et qui

l'attend, est ce poisson parti devant, qui nous attend au confluent des deux océans.

Les deux océans, celui de la Loi et celui de la Source, sont dans le Coran.

Où ils se croisent, s'ouvre le cœur qui sauve.

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Où ils se croisent, c'est tout petit. Tout simple. Tout don.

Le syncrétisme n'est qu'un épiphénomène, qui ne menace pas les religions.

Les religions de l'Antiquité, les religions dites païennes, bien que toute religion

soit fondée sur la conscience de l'Unique, qui étaient volontiers accueillantes et

dialoguaient entre elles, n'ont pas pour autant fini par se fondre en un système

syncrétiste. Elles existent toujours, même si elles ne sont plus pratiquées, telles

qu'elles furent, chacune selon son génie.

Aujourd'hui encore, faire dialoguer les religions n'est pas leur faire courir le

risque de perdre leur sens dans quelque syncrétisme. Mais bien au contraire

l'occasion de progresser sur le chemin, chacune selon sa façon, de l'Unique qui les

appelle, et les a appelées diversement selon sa volonté. "Et c´est ainsi que Nous

les ressuscitâmes, afin qu´ils s´interrogent entre eux", dit dans Al-Kahf le Coran,

qui refuse de donner une indication unique sur le nombre des dormants de la

Caverne et le temps de leur sommeil - signe qu'il tient à préserver leur diversité.

Ce qui suit, c'est que c'est en s'interrogeant entre eux, comme Moïse suivant

l'Inconnu, qu'ils parviennent au lieu de la résurrection finale.

« Nous aussi nous ressusciterons et serons placés devant le trône. Tous nos

appuis passés s'écrouleront. Tous les voiles, toutes les fortifications, toutes les

armes disparaîtront, ainsi que tous les producteurs et associés terrestres. Tous les

droits, les honneurs, les œuvres, les succès, qui nous ont dispensés de comparaître

devant la vérité, s'évanouiront. Tout cela se lève précipitamment, s'enfuit, se

volatilise devant la puissance explosive du Juge. Nous-mêmes, nous nous

demanderons si nous existerons encore. On ne trouvera pas de place pour notre

être propre. La puissance, qui nous a créés, examinera si nous existons

réellement. Or l'homme n'est réel que par la vérité, la justice, la foi et la charité.

Ainsi notre réalité même sera entièrement mise en question. Nous sentirons

comment le néant nous emportera. Il n'y aura plus que notre conscience nue

devant le regard de Dieu. Puisse alors sa miséricorde nous soutenir ! » Romano

Guardini, dans le chapitre final de son livre en deux tomes Le Seigneur.

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Ces phrases écrites par un prêtre catholique pourraient résumer le Coran.

C'est à ce moment du christianisme que se situe le Coran : au moment de la

Révélation. C'est ce moment qu'il déploie, et quand son déploiement sera

pleinement réalisé dans les esprits et dans l'histoire, le lien qui unit les trois

révélations, juive, chrétienne et islamique, apparaîtra clairement, signant avec le

retour du Messie annoncé par toutes les Écritures, l'entrée dans le salut et la paix.

Ce moment est celui de la fin du monde. Qu'est-ce que la fin du monde ?

C’est la finalité de l’homme : la fin de son allégeance au monde. La fin de toute

idolâtrie, mensonge, tromperie, feinte. La fin du monde, c’est le début du ciel :

l’entrée dans le vrai, le juste, la liberté, l’harmonie, la paix, la lumière, la vie sans

fin. La fin du monde, c’est vivre dans le monde et hors du monde, sans être du

monde.

Nous sommes comme des roses. Répandant le parfum et la beauté que le

Créateur nous a donnés, sans avoir à faire rien d’autre que d’être. De laisser la vie

être et se déployer à travers nous. Si nous voulons, pour exister, tirer de force le

suc de la rose que nous sommes, nous mourons spirituellement : la rose est

gratuite, ou elle n’est pas.

Mais nous sommes aussi comme des oiseaux, des instruments de musique.

Si nous ne nous servons pas des cordes que Dieu a tendues en nous, et des

maisons et des circuits pour le souffle dont il nous a bâtis, nous sommes comme

des violons, des tambours et des flûtes laissés dans un coin jusqu’à ce qu’ils

rejoignent la terre en pourrissant, sans jamais avoir donné leur chant ni créé de

nouvelles harmonies avec les autres.

Au Jour dernier, sur la balance, nous seront comptés le poids de la rose que

nous fumes, intacte et lourde d’amour ou bien réduite à rien à force d’en avoir

vendu les pétales ; et le poids des nids que nos chants entrecroisés auront suscités,

avec leurs couvées. Une rose, un nid, même bien pleins demeurent bien légers…

mais c’est précisément de cette plénitude sans pesanteur que le ciel est peuplé.

L’homme ne peut pas vivre sans religion. Qu’est-ce que l’homme ? Le face-

à-Dieu. L’homme irreligieux, incroyant, vit dans un réseau serré de fausses

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religions et de fausses croyances. Les fausses religions et les fausses croyances

sont celles qui ne se reconnaissent pas comme telles. Elles emprisonnent,

paralysent et tuent l’être à la racine, du fait que ce à quoi il croit en croyant ne pas

croire n’accède pas pour lui au statut relevé et libérateur de foi mais le cerne et le

possède en tant que réalité. L’être ainsi aveuglé, étouffé, fossilisé, ne peut

qu’enregistrer toujours plus de fausses croyances, de fausses connaissances qui

resserrent autour de lui le mortel maillage.

Le vrai croyant des vraies religions, des religions et croyances déclarées

comme telles, c’est-à-dire ouvrant l’accès à la Vérité, qui ne se trouve pas en elles

mais au-delà d’elles, est un être très rare. Le croyant est presque toujours très

grandement contaminé par l’homme du monde en lui, le croyant non reconnu des

croyances non reconnues, l’idolâtre. De plus, il est souvent empêché, par lui-

même et par les pouvoirs religieux qui veulent toujours asseoir leur pouvoir

temporel, de reconnaître que sa croyance est une croyance, le reflet ou l’ombre de

la Vérité et non la Vérité elle-même, si bien qu’il pratique sa vraie religion

comme une idolâtrie.

La solution de libération de l’homme n’est pas de vouloir abolir les

religions, ce qui ne fait et ne ferait qu’étendre encore l’empire des idolâtries, mais

d’apprendre et de savoir entrer dans la Vérité par la porte, non seulement de sa

propre religion, mais de toute vraie religion. Il ne s’agit de rien de moins que de

partir à la découverte d’un Nouveau Nouveau Monde.

Il ne s’agit pas de savoir qui détient la vérité, mais de comprendre que

Dieu a donné sa même et unique vérité à chacun, sous des formes différentes, des

langages qu’il nous appartient de découvrir et de comprendre, afin de pouvoir,

par eux, remonter à la Source, en multiples affluents que nous sommes d’une

même eau. La vérité de Dieu est en chaque homme et chaque élément de sa

création, il ne peut en être autrement. Savoir cela et en tirer les bonnes

conséquences, voilà ce qu’est croire en Dieu, le connaître, cheminer en lui.

J'écoute les premiers versets de la sourate 101, attendant la réponse :

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Le coup. Qu’est-ce que le coup ? Qui te fera entendre ce qu’est le coup ?

C’est la traduction de Kasimirski.

Dans mon autre Coran, traduit par AbdAllah Penot, je lis :

Le fracas retentissant ! Qu’est-ce que le fracas retentissant ? Et qui

t’enseignera ce qu’est le fracas retentissant ?

André Chouraqui, lui, traduit :

La Battante. Quoi, la Battante ? Mais qui t’apprendra ce qu’est la Battante

?

Mon cœur, peut-être, notre cœur, au rythme de celui de Dieu ?

Oui, par quoi d’autre remplacer la mort, sinon par la vie ?

Préparons notre cœur, berceau, le coup de Dieu vient.

« Quiconque tue un être humain non convaincu de meurtre ou de sédition

sur la Terre est considéré comme le meurtrier de l’humanité tout entière.

Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la

vie de l’humanité tout entière. » Coran, La Table servie, v. 32.

Voilà ce qu'il advient de ceux dont on ne soulage pas la faute en faisant

justice : ils sont rongés. Pas toujours par le remords, car les plus endurcis n'ont

souvent plus de conscience, mais du moins par un bloc de mensonge, un ÇA qui

les emporte dans la mort, dès maintenant. Fermer les yeux sur un mal, c'est faire

acte de non-assistance à personnes en danger (les victimes du malfaiteur et le

malfaiteur lui-même), et collaborer à l'extension du mal dans le monde (ainsi des

institutions qui couvrent les mauvais agissements de leurs membres, de par leur

soumission au mal l'étendent dans le monde et en multiplient les victimes par

millions).

Quiconque ne reconnaît pas le mal fait par un homme s'en fait complice, et

doit être considéré comme le malfaiteur de l'humanité tout entière. Quiconque

accorde à l'homme qui a fauté la punition à laquelle il a droit pour pouvoir se

racheter, est considéré comme bienfaiteur pour l'humanité tout entière.

Et quiconque porte atteinte à l'origine d'une parole est considéré comme le

meurtrier du Verbe de Dieu. Et quiconque rétablit une parole dans son origine est

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considéré comme participant à la vérité du Verbe de Dieu, salut de l'humanité tout

entière.

« Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Tout-Miséricordieux... » Ainsi

débute toute prière en islam, et toute récitation du Coran. La miséricorde de Dieu

dépasse toute limite. Qu'il y ait un enfer, et que tout ce qui est mauvais y soit

destiné, n'est pas le fait d'une limite à sa miséricorde, mais au contraire son

parachèvement. S'il n'y avait de Jugement, il n'y aurait pas de Justice, et s'il n'y

avait de Justice, le monde ne tiendrait pas vivant un instant de plus.

Tout le mauvais doit être éliminé. Si nous considérons (mais Dieu sait

mieux) que seule la part mauvaise de l'homme sera rejetée, tandis que la part

bonne goûtera aux joies infinies du paradis - si nous considérons les choses ainsi,

notre espérance peut augmenter, mais notre crainte aussi. La crainte de Dieu

n'étant pas la peur, mais au contraire ce qui ôte toute peur, en guidant sur la voie

de la grâce. Notre crainte doit augmenter, car même dans le cas où seulement le

mal en nous sera éliminé, nous devons en conclure que plus le mal a de place en

nous, moins grande sera la part de nous qui goûtera le paradis, moins grande sera

notre part de paradis.

Le bon appartient au bon, le mauvais au mauvais. Il ne peut en être

autrement dans la logique de Dieu, il en va de la survie du monde et de l'homme.

Si vous avalez du poison, le poison ne peut pas vous faire de bien. Ne faites donc

pas comme si le poison avait du bon. Pourquoi le poison existe-t-il, s'il est

mauvais ? Serait-ce, là aussi, un signe d'une limite à la miséricorde de Dieu ?

Bien au contraire, il s'agit d'un signe que sa miséricorde dépasse nos limites et

notre entendement humains. Le poison existe parce que Dieu nous a créés libres,

et notre liberté n'existerait pas sans celle de l'univers. L'univers n'est pas notre

esclave, dont nous n'aurions qu'à jouir sans entraves. Qui pratique l'esclavage est

lui-même esclave, qui a recours à la prostitution est lui-même prostitué, qui

possède est lui-même possédé par ce qu'il possède.

En aucun cas la liberté n'est un état. Elle est un être. L'être en marche sur la

voie de Dieu.

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La sainteté est comme la beauté : ceux qui ne savent pas, ou qui savent peu,

qu'ils l'ont, ceux-là ont la plus belle.

Les saints cachés sont les plus beaux parce que rien n'est caché en eux, pas

même leurs faiblesses.

Les saints en vue sont toujours tentés de rendre plus apparente leur sainteté,

soit en cachant des choses, soit en exposant des choses. Le regard qu'ils suscitent

risque toujours de leur faire perdre de leur gratuité, donc de leur sainteté. Ou bien

de les pousser à cacher le bon en eux derrière des comportements désagréables ou

fous, afin de protéger ce bon du désir de paraître meilleur qu'il n'est.

Nous devons les aider en évitant toute idolâtrie. L'idolâtrie tue, non

seulement l'idolâtre mais aussi l'idolâtré. (Si l'idolâtré commence à se prendre

pour une idole, il se perd ; si au contraire il souffre de l'idolâtrie dont il est

victime, il peut aller jusqu'à préférer perdre la vie). Ne tombons pas non plus dans

l'idolâtrie à l'envers qu'est l'obsession haineuse pour tel ou tel.

Rappelons-nous d'être humbles, d'être humains.

« Vous êtes tous bergers et vous êtes tous responsables de l'objet de votre

garde », dit un hâdîth, une parole du Prophète rapportée par Ibn Umar.

À la première heure de l'étoile du Berger, à l'aube, le troupeau sort. Quand

vient son heure du soir, il rentre à la maison. De l'une à l'autre heure, l'étoile du

Berger devient invisible mais elle est pourtant là, au ciel.

Le brave chien du Berger va et vient au long et autour du troupeau, aboie,

mordille les chevilles égarées, rassemble, guide aux pâturages puis vers le

retour... Mais lui, qui le guide, sinon la voix du Berger, qui de là-haut, voit tout le

troupeau et tout le paysage, avec son but ?

Parce qu'il est là-haut et qu'il voit bien, de là, ce qu'il en est dans le cœur de

chaque brebis et dans les pièces du procès final, le Berger est aussi notre Avocat.

J'aime beaucoup l'expression embrasser l'islam.

J'aime beaucoup le mot islam, qui signifie la paix trouvée dans l'abandon de

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soi.

J'aime embrasser la Paix trouvée dans l'abandon de moi, car c'est embrasser

tout ce qui n'est pas moi, embrasser tous les peuples, tous les univers, toutes les

âmes, tous les principes et toutes les fins.

Puis franchir, affranchir l'islam et porter tous ceux qui se sont laissés et

laissé embrasser, transformés et graciés, dans les bras de Dieu.

"Les cinq piliers de l'islam". C'est le titre de la brochure qu'on m'a

recommandée à la mosquée le jour où j'ai fait mon attestation de foi. Voilà ce qui

est essentiel, et que nous devons continuer à approfondir toute notre vie. C'est

aussi un chemin, et il ne suffit pas de le faire mécaniquement, il nous faut

l'humilité d'accepter que nous ne sommes pas parfaits dans son accomplissement

mais que nous avons à cœur de nous concentrer sur l'essentiel afin de progresser

toujours mieux. C'est ainsi que c'est vraiment beau.

Les hommes, « par une maladie qui est la peine de leur péché, ont plus de

curiosité de savoir que de capacité de comprendre », dit saint Augustin. Le savoir

ne vaut que s’il est d’abord compréhension. Le savoir sans compréhension est

stérile, voire nocif. Mieux vaut l’ignorance, qui du moins laisse place à des

formes de compréhension intuitive.

Comment vient la compréhension ? Par l’expérience. Un savant religieux ne

peut être qu’une personne qui fait elle-même l’expérience de Dieu, et non pas

quelqu’un qui répète des savoirs transmis par d’autres hommes. C’est Dieu tout

d’abord, qui par Sa Grâce nous enseigne. Et c’est à partir de là, de cet

enseignement intimement et personnellement vécu, que nous pouvons

comprendre Ses Écritures, Sa Parole, Ses Signes. Et par suite, toute parole de tout

être humain, et toute parole qui passe par tout être.

Il est impossible de comprendre les textes saints si on n’a pas foi en leur

origine révélée. C’est une torture pour ceux qui croient qu’ils ont été inspirés

comme d’autres textes poétiques, que d’essayer de comprendre. Nul verset du

Coran n’est caduc. Ce qui peut être caduc, c’est la compréhension que nous en

avons. C’est pourquoi nous devons toujours de nouveau obéir au

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commandement : LIS ! C’est-à-dire, non pas : crois à ce que tu vois écrit ; mais :

cherche, avec l’aide de Dieu, le sens invisible de ce que tu vois écrit.

Car la parole de Dieu dépasse son messager. Ce dernier transcrit ce qui lui

est dit dans la révélation. Mais cela ne signifie pas qu’il en connaisse toute la

portée. Mohammed appartient à un temps, le Coran appartient à l’Éternité. De

même que le cosmos continue à se déployer depuis la création du monde, le sens

de la parole révélée poursuit et poursuivra son déploiement. Ce qu’il nous faut,

c’est le suivre.

Anamta : ceux que tu as « comblés de grâce », « de faveurs » (Al-Fatiha, 7).

Le mot exprime tout d’abord le plaisir, les délices. Comme Éden. L’islam rétablit

l’homme qui prie à sa place originelle, le Jardin des Délices. C’est pourquoi

l’appel à la prière dit : « Venez à la félicité ». C’est pourquoi, en islam, Allah

dans sa miséricorde chassant le mal chaque fois qu’on l’en prie, il n’y a plus de

péché originel. Seulement notre origine vraie : la grâce.

Nous suivons la religion d´Allah ! Et qui est meilleur qu´Allah en Sa

religion ? C´est Lui que nous adorons. Sourate Al-Baqara, v. 138.

Le mot pour dire ici « suivre la religion » signifie d’abord : « tremper dans

la couleur », et : « baptiser ».

« Nous trempons dans la couleur de Dieu ! Et qui colore mieux que

Dieu ? »

« Nous baptisons en Dieu ! Et qui baptise mieux que Dieu lui-même ? »

« Allez, et faites de toutes les nations des disciples », dit Jésus. Le mot grec

habituellement traduit ici par disciples nous a donné le mot mathématiques. Il

signifie apprendre, étudier. Il serait plus juste de traduire : « Allez, faites de toutes

les nations des étudiants ». Cela rejoint la première parole adressée par Dieu à

Mohammed : « Lis ». Dieu nous demande ce que l'islam appelle ijtihad, une

démarche d'étude en vue d'une compréhension toujours plus approfondie de Sa

Parole, une démarche de pensée. Sinon, au lieu de la suivre, et croyant la suivre,

on se retrouve à suivre des approximations, des erreurs, des lieux communs, et

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c'est ainsi que peu à peu les "croyants" enterrent leur religion, quelle qu'elle soit.

On croit beaucoup trop de choses. Alors qu'avoir la foi, c'est éviter toute

crédulité, à commencer par la crédulité envers soi-même.

Seul Dieu dit, et cela est. Si c'est le diable qui parle, il n'en est rien, de ce

qu'il dit.

J'aime dans la prière islamique la prosternation. Abraham aussi se

prosternait. Le front contre terre, le sang descend dans la tête, et c'est la descente

de Dieu. Chaque fois une petite mort d'amour, au moment du mariage du ciel et

de la terre.

« L’âme retire de cette oraison et de cette union une extrême tendresse, si

bien qu’elle voudrait fondre, non de douleur, mais en larmes de joie. Elle en est

baignée tout entière sans l’avoir senti et ne sait ni quand ni comment elle les a

versées, mais elle éprouve une grande délectation en voyant que ce feu ardent a

été apaisé par une eau qui l’augmente encore. On dirait de l’arabe, mais c’est

ainsi », écrivait Thérèse d’Avila.

Si elle avait voulu seulement dire : c’est incompréhensible, elle aurait pu

dire : c’est du chinois. Seulement, cela dépasse l’imagination, c’est divinement

exquis, comme la substance même d’une langue sémitique, et spécialement donc

de l’arabe, cette langue du Coran qui déchire tout cœur qui l’entend appeler à la

prière. Si les mystiques chrétiens espagnols ont pu être inspirés par le soufisme,

c’est que le soufisme vient comme un jus du Coran, lequel, contrairement à ce

qu’on croit souvent, est tout entier mystique, dans sa substance même, sa langue,

dans laquelle Dieu vit et bouge comme un nourrisson.

L’islam est par essence mystique. C’est à méconnaître cela qu’on l’égare

parfois. La soumission à Dieu est mystique. Toute la vie de Mohammed est

mystique. C’est pour cela que dans le Coran la miséricorde de Dieu annule le

péché originel (dont est exempte Marie, par exception, dans le catholicisme, du

fait d’avoir donné naissance au Verbe de Dieu). Les musulmans aiment l’idée de

pleurer en priant, des vidéos très populaires le montrent, ils y trouvent comme la

sainte espagnole « une grande délectation ». Délectation qui n’a rien de morose,

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contrairement à ce qui se produisit plus tard dans le catholicisme. Ici nous

sommes dans la pure réponse au très ancien désir d’Isaïe, qui s’exclamait : « Ah,

si tu pouvais déchirer les cieux ! », nous sommes dans la fulgurance d’Élie

quittant la terre dans un char de feu, nous sommes dans l’indicible du Verbe qui

se dépasse lui-même en étant arraché à la tombe par la résurrection.

Prière, piliers pour soutenir le jour, l’être, d’avant son début jusque après

sa fin.

La salat, la prière, est faite pour l'homme, et non l'homme pour la salat.

Nous ne devons pas considérer la prière rituelle comme un devoir, mais comme

un don. L'accomplir, c'est l'accueillir. Apprendre chaque jour mieux à accueillir

les dons de Dieu, c'est progresser dans la liberté, vers Lui.

Pendant plusieurs semaines j’ai traduit la vie d’Abraham dans la Bible, et

j’ai appris ainsi à profondément l’aimer. Ainsi que tous les autres prophètes dont

j’ai traduit la vie, Adam et Ève, Noé, Moïse, Myriam… et les paroles

extraordinaires d’Isaïe… Et d’autres encore… Celles, bien sûr de Jésus-Christ,

de ses apôtres… Et maintenant quand dans la prière cinq fois par jour j’adresse

les salutations à Mohammed, à Abraham et à leur famille, c’est comme si je les

retrouvais tous, mon cœur est rempli de joie d’être en leur compagnie, ici et

maintenant même, au paradis.

Ce que j’aime aussi, c’est qu’il est recommandé d'aller à la mosquée en

marchant d’un pas posé, digne, sans précipitation. Même si on est en retard. Et

s’il arrive qu’on rate le début de la prière, eh bien il suffira de rester un peu de

temps en plus, pour la refaire tranquillement, après la prière commune prise en

route. Nous sommes des hommes, pas des machines ni des instruments affairés

du monde.

Cela me rappelle la belle représentation populaire des rois mages traversant

le désert et les pays sur leurs chameaux, pour rendre visite à l’enfant Jésus

nouveau-né. L’homme est un être en marche. C’est pourquoi aussi je fais ce rêve

que davantage de pèlerins aient à cœur de faire au moins un partie du pèlerinage à

La Mecque, ou ailleurs, à pied, ou du moins (puisqu’ils marchent de toute façon

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pendant le Hajj) qu’ils ne soient pas tentés de le faire dans des conditions trop

confortables ou luxueuses. Ne laissons pas perdre l’esprit de la source, la vie

d’hommes en déplacements et coutumiers du désert, cette vie qui fut propice à la

révélation de Dieu à l’homme, dans les trois monothéismes. Cet esprit, il a

besoin, pour continuer à vivre, que nous l’incarnions. Nous devons être, aussi

bien les uns pour les autres que face à Dieu, des êtres incarnés. Pour marcher sur

terre, au propre comme au figuré, nous devons être des personnes entières, avec

ce qu’elles ont de plus humble, leurs pieds, bel et bien présents et effectifs.

At-Tareq, « L’arrivant du soir », titre de la sourate 86, qui désigne « l’astre

nocturne », est aussi le nom qui donne, au pluriel, le nom de ces nomades, les

Touareg.

Par le ciel et par l’astre nocturne

Et qui te dira ce qu’est l’astre nocturne ?

C’est l’étoile vivement brillante.

Ce sont les trois premiers versets. AbdAllah Penot traduit ainsi les deux

premiers :

Par le ciel et par celle qui surgit nuitamment,

et qui te fera connaître la nature de celle qui surgit nuitamment ?

Et Kasimirski le troisième :

C’est l’étoile qui lance des dards.

Youssef Seddik, l’appelant dans son livre L’arrivant du soir, note que cette

traduction « conserve l’image si étrange, peut-être angoissante, de celui qui vient

frapper à une porte à la fin d’une journée de vie publique… Les coups répétés…

inquiètent et reportent soudain les gens de la maisonnée à une extériorité dont ils

se croyaient retirés et protégés. »

Les humbles rois orientaux sont déjà arrivés, mais même si nous sommes

en retard, il reste temps d’ouvrir la porte, de sortir et d’aller à sa rencontre. Dieu

est patient, et il a tout le temps.

Bateau taché de sang,

le monde.

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Sa jeunesse dedans.

Bateau abordant

au monde nouveau,

la jeunesse.

S'il y a eu le déluge, c'est parce qu'il n'y avait plus d'humanité. Plus

d'humilité, que des cœurs secs, plus d'humidité. Dieu a envoyé le déluge, gros

comme les Écritures, pour qu'elles imprègnent la terre dont l'homme est fait, et

que puissent reverdir les âmes.

Le fruit renseigne sur l’arbre, et l’arbre sur le fruit à venir : c’est un

enseignement simple et clair, à condition d’être en mesure de jouir sainement de

ses cinq sens pour pouvoir distinguer par le goût, la vue, l’odorat, le toucher,

l’ouïe, ce qui est vraiment mauvais, et ce qui est vraiment bon. Car il n’est de

sixième sens que parce qu’il est précédé de cinq autres. Voilà le septième sens.

Plus Il ouvre Sa main, plus Sa parole converge vers l’Un-point.

Chercher à rétablir et renforcer la Vérité des uns et des autres, la Vérité

dans ses diverses ramifications, facettes et éclats, finit par constituer en chemin un

fleuve en crue, qui détruit toutes digues, renverse toutes maisons, emporte toutes

vérités vers leur unique, pressante et lumineuse destination.

L’aveuglement des hommes fit se déplacer la qibla de Jérusalem à La

Mecque.

À l’intérieur de la Kaaba se trouve l’absence, l’éloignement, l’invisible, le

ghayb Jérusalem.

Le Royaume est proche, tout proche, plus proche de vous que votre veine

jugulaire, à chaque instant, à chaque pas vous pouvez le saisir, l’insaisissable,

sachant que vous ne l’aurez jamais, heureusement, heureusement, mais que, peut-

être, vous y serez, vous y êtes.

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Pèlerin, tu n’es à personne, tu es pour tous, en tous, et ton amour scintille,

brûle et s’étend dans ton corps comme tout le cosmos.

Le Coran porte une parole qui libère. Tous les interdits pesant sur les païens

ou les juifs y sont remis en question, réordonnés, allégés dans le sens de la raison,

de la justice, de l’égalité de droits entre hommes et entre hommes et femmes. Si

certains interdits ou certaines sanctions portés par le Coran sont mal lus, ce n’est

pas la faute du Coran. Pas plus que ce ne serait la faute de l’Évangile si l’on

prenait à la lettre la parole de Jésus commandant de se couper la main si elle

incite au péché, ou celle de Paul commandant aux femmes de se voiler et de se

taire. Paul n’est pas Jésus, ses paroles ne viennent pas toutes du ciel. Mais Jésus

et le Coran viennent du ciel, il y a donc lieu de leur accorder foi. Et pour cela,

d’apprendre à les lire. « Lis ! », telle est la première parole dite par l’Esprit à

Mohammed, qui ne savait pas lire. Cette première parole, il faut savoir la lire elle-

même. Car la parole venue du ciel est un don total, tout à la fois graine jetée en

terre, et la pluie et la lumière qu’il faut pour l’arroser, afin qu’elle grandisse et se

développe, et devienne, de graine, plante, arbre, fleur et fruit bon à nourrir.

« Lis ! », jeté en terre, signifie : « si tu es illettré, apprends à lire ». Mais

ensuite, car la croissance de la graine ne s’arrête pas là : « une fois que tu sais lire,

déchiffrer les lettres, apprends à déchiffrer le sens de ce que tu lis ». La parole de

Dieu n’est pas terre à terre comme celle de l’homme. La parole de Dieu est ciel à

terre, et tout ce que Dieu fait descendre sur la terre, il attend que cela y remonte,

transformé par Son action, avec le concours des jardiniers. Et le sens de la parole

de Dieu, qui monte bien plus haut que le plus grand arbre, n’en finit jamais de

croître. Ceux qui veulent le figer, le rabougrir comme un bonsaï, sont pires que

les païens. Au contraire, veiller sur sa croissance, c’est reconnaître l’infini et

permettre d’y entrer, à sa suite.

L’homme est l’obstacle de l’homme (et de la femme). Soyons champions

au saut d’obstacles.

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Tous les hommes ont le cœur pur, tant qu’il n’a pas été souillé. Ce qu’il faut

donc leur enseigner, c’est la vie vierge, à garder ou à retrouver.

Aucun filet, si serré soit-il, ne peut attraper la Lumière, qui siège, court et

danse librement de par les mondes.

Tout moyen de communication entre les hommes peut être bon. Ou

mauvais, si l’on s’en sert pour mentir, manipuler, abuser.

Le mauvais usage tue, le bon donne la vie. N’oublions pas de les distinguer.

Il en va de même des religions, qui sont des moyens de communication

entre les hommes et Dieu.

Le serpent se glisse en silence dans les existences, mais son silence siffle.

La spécialisation des tâches et des études accroît l’efficacité, mais vient un

point où l’homme se retrouve au fond de l’impasse. L’homme doit retrouver la

voie de son universalité, en goûtant son humilité dans l’accomplissement des

tâches humbles (au lieu de les déléguer) autant que dans celui des grandes

missions. La voie qui donne et requiert celle de savoir prendre son temps, et d’en

être en retour gratifié par Dieu à l’infini pour un.

Car plus, en allant humblement et lentement, tu te rapproches de Dieu,

Pèlerin, plus tu vas vite dans les siècles des siècles. Tout en bondissant, à la fin

qui est aussi à chaque instant, par-delà les siècles. Embrassant tout le temps.

La prière accomplie cinq fois par jour, jour après jour, donne un grand

bonheur, une grande paix, un grand plaisir, donne joie et miséricorde au cœur,

donne à la fois une solide assise et une exquise légèreté, un détachement

compatissant et vert. La prière est le plus précieux trésor que Dieu nous ait donné,

le premier et l’ultime. Louange à Dieu, alhamdulillah.

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L'oisiveté n'existe pas dans le temps de Dieu. Seulement le repos et le

travail. Et le travail est un repos en Dieu, et le repos travaille. Il faut entrer dans

le temps de Dieu par la porte : Al-Fatiha, l’Ouvrante.

Les derviches tourneurs, lors de leur prière dansée, bras ouverts et la tête

couverte d’une coiffe signifiant la mort de l’ego, tiennent une main tournée vers

le ciel pour recevoir la grâce qui en descend, l’autre tournée vers la terre pour l’y

reverser. C’est aussi l’attitude intérieure du Pèlerin.

Le monde s’est maintenu jusqu’ici et continue de se maintenir grâce à la

multitude des saints invisibles, des âmes justes, pacifiques et pacifiantes, qui

œuvrent chaque jour dans l’humilité de la vie quotidienne, qui œuvrent par leurs

œuvres ou tout simplement par le fait d’être ce qu’elles sont, porteuses de grâce.

Pour moi la pudeur c’est d’être nue dans l’Éden. Je m’adapte à l’impudeur

que la société impose, je m’habille. Tant que je n'ai pas des habits de riche, je ne

me sens pas impudique.

L’homme s’entoure de contrats écrits comme de barreaux d’une cage. Le

temps où l’homme évoluait dans la Parole donnée, qui suffisait comme Dieu

suffit, ce temps qui est celui de l’honneur, combien espèrent son retour ? Bien

peu, mais ceux-là y sont déjà.

Allégez-vous du faux si vous voulez vous élever. Qui accepte à son bord le

faux après s’être élevé, s’écrase au sol. Rejetez les calculs, demeurez dans la

grâce.

Le jeûne est une ablution. Allégé de la poussière attachée à ses sandales, le

fidèle éclaircit et dégage la voie pour ses compagnons et ceux qui veulent aller de

l’avant. Ce qui signifie, selon les langues sémitiques, s’orienter.

Mon arche est une montgolfière. À bord les vivants du temps où la panthère

se couche avec le chevreau, le reste de Dieu amené par un jeune guide. La

prophétie dit.

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Toute ascèse, dont le jeûne, éveille, aiguise le regard. Les hommes ont

horreur qu’on leur retire les croûtes qu’ils ont aux yeux. Nul repu ni gourmand

des faveurs du monde ne peut recevoir la vérité.

C’est trop peu de dire que le mal se situe dans la banalité de l’homme

selon le monde. Il y barbote, certes. Aussi sûrement que le bien est dans

l’extraordinaire, dans l’ordinaire qu’il assume, sublime et transfigure. Mais

banalité est un mot encore trop faible pour dire l’insignifiance dans laquelle le

mal se situe. Le mal équivaut à la mort et à la bêtise.

Dieu garde les mauvais en vie pour qu’ils puissent voir leur désastre et

peut-être, y retrouver la vue. C’est une occasion qu’il leur donne, même s’il est

rare qu’ils la saisissent. Tout ce que fait Dieu est bon.

Si des mauvais vous font du mal, sachez que Dieu n’aime pas cela, et le

transformera en bon pour vous et pour autrui. Plus vous serez proches de Lui,

plus vite se fera la transformation. Et jour après jour vous serez dans la béatitude,

de constater cela.

Il faut juger l’arbre à son fruit, mais beaucoup prennent pour bons les fruits

empoisonnés. Rien de nouveau sous le soleil humain, trop humain.

Échec et réussite sont des concepts humains, des concepts d’humains

limités. Vouloir réussir, voilà ce qui conduit à l’échec. L’échec n’existe que dans

la perspective de la réussite. En Dieu il n’est ni échec ni réussite. Dieu crée et

procède, et ce « procès » est tout à la fois jugement, application du jugement, et

renouvellement de la création.

Qui est en Dieu ne connaît pas l’échec. Qui est en Dieu avance, sûr du but,

quel que soit le chemin qu’il faut suivre. Qui est en Dieu aime le chemin, qui est

lui-même Dieu en train d’être.

Ayez confiance, ayez foi, ne cherchez pas à maîtriser ce qui ne peut être

maîtrisé, ne cherchez pas à contester ceci ou cela de ce qui ne peut être contesté,

ne faites pas tout cela qui ne fait que vous retarder ou vous faire tomber sur les

bas-côtés, soyez soumis à la Voie, tout à la fois en vous y laissant porter et en

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suivant son mouvement. Alors vous Y serez.

Quand Marie s'en va enfanter Jésus sous un palmier, comme il est

bellement raconté dans le Coran, ce n’est pas elle qui l’a décidé. Elle ne fait

qu’obéir à ce que le ciel, en elle, veut. Comme Abraham lorsqu'il s'en va. Seules

peuvent comprendre cela les personnes qui sont pleinement en Dieu, les

personnes soumises entièrement au ciel, « musulmanes » comme on dit en islam -

pèlerines, comme je dis. Cela n’enlève rien à leur liberté, au contraire c’est cela,

la liberté. Connaître cette liberté, la liberté de Dieu qui passe à travers soi, c’est

savoir combien est dérisoire toute autre « liberté ». Toute autre liberté n’est

qu’illusion de liberté. Tout autre libre arbitre que celui qui suit la volonté de Dieu

est un faux libre arbitre, est barreau sur barreau de la prison de l’homme.

La vraie liberté est comme un instinct. Elle sait exactement. Nous savons

exactement respirer et faire circuler le sang en nous, mais nous n’en décidons pas,

cela ne nous appartient pas, et c’est pourquoi cela nous rend libres, libres de

vivre. Alors que si nous avions à décider de toutes les opérations physiologiques

complexes qui nous maintiennent en vie, nous vivrions un enfer, nous serions

toujours affairés, toujours dans le désir apeuré de ne pas nous tromper, toujours

dans le désir angoissé de maîtriser la situation et tous les éléments qui entrent en

jeu.

Eh bien c’est ainsi que vivent beaucoup d’hommes. Faisant du bruit et de

l’agitation avec toutes leurs entreprises angoissées, et appelant cela être libre. Les

personnes qui se contraignent ainsi elles-mêmes, plus elles se contraignent, plus

elles éprouvent la tentation ou le besoin de contraindre aussi les autres, pour

tenter d’alléger l’énorme poids dont elles se sont affligées. Cela se répercute sur

leur conjoint(e), leurs enfants, leurs proches, leur entourage, cela trouve

résonance avec le mal-être et les malfaisances d’autres enfermés, cela enfle parmi

l’humanité, et la mort rôde. Le salut, c’est d’aider les hommes non pas à faire de

beaux discours, d’efficaces communications, de judicieux enseignements – tout

cela n’est rien si l’être lui-même n’est pas apaisé, libéré. De même qu’il ne sert à

rien de donner une « bonne éducation » à des enfants si l’on n’est pas soi-même

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l’incarnation de ce qu’on veut leur apprendre. Le salut, c’est d’aider les hommes

à accepter de s’abandonner. Au ciel, qui sait infiniment mieux.

Les philosophies sont des systèmes de pensée. Les religions sont aussi des

systèmes de pensée. Mais surtout, c’est Dieu qui nous apprend à aimer.

Les religions sont les noces auxquelles Dieu invite l’humanité, et tout être

humain. Le croyant, c’est-à-dire celui qui connaît Dieu, les vit. C’est pourquoi il

est bienheureux.

Le faux croyant, celui qui prétend défendre la religion tout en la prenant

seulement pour un système de pensée, ne sait pas aimer. C’est cette erreur qui

cause tout le mal que l’on peut imputer aux religions. Asservissement de

l’homme, fermetures idéologiques, sécheresse et stérilité de la pensée, meurtres et

guerres.

Les religions nous invitent à penser ce qui nous arrive. Qu’est-ce qui nous

arrive ? Si ce n'est ce qui nous vient de Dieu – l'amour, la joie, la lumière -, rien

d'important.

Ce que nous, Pèlerins de toutes les spiritualités, pouvons apporter de plus

précieux peut-être, c’est le détachement dans l’amour. Les jeunes ont le cœur

grand et vivant, ils aiment avec puissance. Mais il leur faut encore sortir de la

chrysalide, comme il nous faut tous toujours sortir de la chrysalide. Ils aiment

fusionnellement et oui, l’amour est fusionnel. Ou bien, blessés ou méfiants, ils

s’empêchent d’aimer, approchant les rivages sans jamais jeter l’ancre. Ces états

peuvent durer toute une vie, et apporter beaucoup de souffrance en soi et autour

de soi. Ce qu’il faut donc apprendre, et l’adolescence et la jeunesse, temps des

initiations, est un bon temps pour cela, c’est le détachement dans l’amour. Aimer

sans possessivité. Aimer en laissant libre, et en restant libre. Pour cela, il faut

savoir d’abord que le détachement de soi-même est requis. Apprendre à laisser

son ego lever l’ancre. Aller à l’amour, s’ancrer dans l’amour, vivre l’amour en se

délestant de cet ego qui pèse comme une ancre dans le cœur, chargé de

compétitions, de jalousies, de peurs. Alors le ciel s’éclaircit et les êtres marchent

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côte à côte ou main dans la main, légers.

Ce que nous devrons apprendre aussi, à nous-mêmes et aux autres, c’est à

s’aimer et se respecter soi-même afin de pouvoir aimer l’autre avec respect. Lever

l’ancre du doute, laisser partir le doute de soi qui plombe le cœur, pousse à

rechercher toujours de nouvelles approbations, pousse aux séductions, aux

recherches du beau miroir dans le regard des autres. Apprendre que chacun de

nous est beau et pur dans le regard de Dieu, c’est-à-dire une fois dépouillé de tous

ces oripeaux dont nous nous drapons par honte de notre « nudité », de notre

nullité confusément supposée, toutes ces paillettes sur nous que nous cherchons

dans le regard d’autrui comme des baumes à notre inquiétude, à notre manque

d’amour envers nous-même, comme de beaux habits pour couvrir notre sentiment

de culpabilité, pour cacher ce que nous ne pouvons pas assumer. Car c’est tout

cela qui nous fait fuir en avant, qui nous fait fuir de nous-même et du même coup

nous dérobe à l’amour qui se respecte, nous empêche d’aimer dans la sérénité,

nous donne un sentiment d’enfermement ou d’étouffement qui, dans un cercle

vicieux, suscite chez l’autre, ou même cherche plus ou moins consciemment à

déclencher en l’autre, les jalousies et les peurs. N’oublions pas que nous sommes

pardonnés si nous parvenons à reconnaître ce qui doit être pardonné, et que la

vérité libère. Courage.

Chacun de nous, dans chaque histoire, a son péché. Parfois infime, parfois

très grand. Le tout est de savoir ce que l’on en fait. Ne laissons pas notre péché

nous ronger de l’intérieur, opérer ses destructions en nous et autour de nous. Il

pourrait même en venir à détruire toute l’humanité.

Retournons-nous, faisons-lui face. Armons-nous de la vérité, de l’amour, de

l’humilité : il sera anéanti.

Et l’histoire recréée, plus belle, plus forte, indestructible.

Deux frères. Quand l’un a mal à l’âme, l’autre somatise pour lui. En deux

ou trois jours, les voici l’un et l’autre tout amaigris. Leurs parents n’ont guère

plus d’appétit. Il n’y a pas que le pain qui se partage. La peine aussi. Unis, nous

n’en sortons que plus solides, le cœur nourri par notre communion. L’amour

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transforme même l’absence de pain en bon pain de vie.

Le saint, même la mort ne peut corrompre son âme, qu’il remet entre les

mains de Dieu. Déjà, il retourne à la vie qui fut sienne bien avant qu’Abraham ne

fût, à la source pure d’où il vient et dont rien ni personne ne pourra jamais le

séparer. À jamais vivant.

Dieu est Amour.

« Dieu est beau et il aime la beauté », dit un hadîth rapporté par Ibn Masud.

En hébreu, en grec, en arabe et en toute langue de Dieu, bon et beau sont un

même mot.

Ce qui est beau sans être bon, n'a que l'apparence de la beauté, n'est pas

vraiment beau (un produit de consommation par exemple).

Et si quelque chose de bon n'est pas beau, il y a erreur. Soit cette chose nous

trompe en se faisant passer pour bonne alors qu'elle ne l'est pas (une drogue par

exemple). Soit cette chose est vraiment bonne, et alors c'est nous qui nous trompons,

en ne voyant pas sa beauté. (Cela vaut surtout pour les êtres vivants, et tout

spécialement pour les personnes).

Le Saint Coran est vrai parce qu’il est écrit dans une langue sublime. La Sainte

Bible est vraie parce qu’elle est un extraordinaire et magnifique écrit. Les Grands

Textes de l’humanité sont vrais parce qu’ils sont grands et intensément beaux. La

beauté sauvera le monde, a écrit Dostoïevski. Oui elle le sauve en le maintenant

chaque jour, et à la fin elle le sauvera en le jugeant.

Car si la beauté du vrai sauve et va sauver le monde, la laideur du faux le perd

et entraîne qui l’écoute et la suit à sa perte. Les sirènes chantent faux, mais les

oreilles ensablées croient y entendre le vrai, se laissent subjuguer et sombrent. Ce qui

sonne juste est juste. Ce qui sonne faux est injuste. Dieu a donné à l’homme comme

à l’oiseau l’oreille musicale, pour pouvoir se repérer dans l’harmonie de sa création.

Et Dieu aime tout homme. Si c’est un homme, comme dit Primo Levi. Mais depuis

deux mille ans les singes se sont considérablement multipliés.

N’offensons pas les singes, que Dieu aime comme il les a faits. Comprenons

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bien qu’il ne s’agit pas ici de ces animaux, mais des ectoplasmes que sont devenus

certains êtres humains qui ont déconstruit l’humanité pour la reconstruire selon eux,

la singer. Chimères à parole chimérique, à parole et à chant faux qui envoûtent ceux

qui se détournent de la source de vie, attirés par les abysses de la mort, du non-sens,

du faux sens, du contre-sens, de la vérité torturée, de la vulgarité déguisée en

princesse. Si seulement ils écoutaient dans sa langue, dans sa voix, comme ils

seraient aussitôt révulsés par sa dysharmonie, pire que le crissement d’une craie sur

un tableau noir !

La beauté est au commencement du monde, elle sera à sa fin.

L'être humain n'est pas fait pour le péché mais pour le oui non mêlé, le oui qui

est un pur oui. Le oui qui accueille Dieu comme la mère accueille son nouveau-né, ce

oui sans restrictions qui est la source de toute l'attitude à venir de l'enfant, ce oui de

qui naissent des saints, pour le salut du monde.

Renoncer au mal n’est pas être mort, comme certains se l’imaginent

confusément. C’est le contraire qui est vrai. La vie n’est pas dans les tourments de

l’enfer, qu’on s’y complaise soi-même ou qu’on les fasse subir à autrui. La vie est

dans le bonheur, et le bonheur ne vient que dans l’innocence. Nous le savons bien,

n’est-ce pas ?

Notre chemin a ses erreurs, mais nous ne devons pas continuer sans cesse à mal

agir. Non cela ne plaît pas à Dieu, pas du tout. Qui aurait envie de contempler un

local à poubelles ? N’enfermez pas vos cœurs dans le local à poubelles. Dieu aime

contempler ses créatures, et il ne peut les contempler que dans leur innocence, et il se

réjouit dans leur sainteté, qui sent si bon.

Entrons dans la lumière, elle est si douce.

L’idolâtrie est un signe d’immaturité ou pire, de régression conduisant à la

perversion et au crime. Le premier niveau d’idolâtrie est celui de l’illusion. Adam et

Ève se laissent illusionner par le serpent, dont les insinuations jettent un brouillard

sur le paysage. Dans la confusion, ils quittent la voie de la vérité, s’engagent sur un

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mauvais chemin. C’est ce que nous faisons quand nous gobons comme une pomme

un discours faux. Or la parole fausse est légion dans le monde, et s’insinue partout.

Ce niveau d’idolâtrie est exprimé dans toutes les Écritures par le fait d’adorer

des statues comme si elles étaient des divinités. Or, comme le disent aussi les

Écritures, les statues ne parlent pas. Ce mutisme, cette absence du Verbe de Dieu,

équivaut à l’absence de Vérité dans le discours du serpent. Seul le Vivant parle, parle

Vraiment. Souvent les enfants, en jouant, prennent leurs jouets pour des personnes.

Mais c’est pour eux une façon d’explorer et d’apprendre l’univers symbolique. Ainsi

en est-il des peuples qui sont dans l’enfance de l’humanité – même si, au fond,

comme les enfants avec leurs jouets, ils savent que leurs statues et fétiches ne sont

que des représentations du Vivant. Ce comportement devient un danger, un péché,

quand il s’enracine et perdure au-delà de l’enfance, dans l’âge de raison. Quand la

parole illusionnante est suivie aveuglément au nom de la raison.

Alors vient l’empire des idéologies, fondées sur la mort, le non-vivant, et

menant à la mort. Voilà le mal dont la parole de vérité nous libère. Alors l’idolâtrie

tombe d’elle-même, l’idolâtrie des innocents, celle qui les faisait errer, pécher par

ignorance.

Le péché de tous les abuseurs, de tous les destructeurs d’innocence, est celui

auquel on vient par idolâtrie de soi-même, ou du groupe auquel on appartient. C’est

le péché de tous les « croyants » ou incroyants qui croient mieux savoir que Dieu ce

qu’Il aurait dû faire, qui ne veulent pas admettre qu’il Lui a paru bon d’appeler les

hommes et les peuples à travers différentes religions et cultures, et que, comme Il le

dit dans le Coran, Il leur dira pourquoi quand l’Heure sera venue. C’est le péché de

tous ceux qui, croyant en l’homme plutôt qu’en Dieu, en viennent à croire en

l’homme qu’ils se sont fait eux-mêmes, dans un existentialisme qui tend à faire de

soi-même un veau d’or, et à considérer les autres, ou ceux qu’on estime n’être pas à

son niveau « d’or », non comme des personnes mais comme des moyens de parvenir

à ses fins – et si ce n’est pas le cas, comme des choses inutiles ou gênantes, dont on

peut se débarrasser d’une façon ou d’une autre.

L’idolâtrie des corrompus trouve en l’idolâtrie des ignorants l’alliée funeste

qu’il lui faut pour étendre son empire.

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Puis au moment de partir avec les troupes, Saül dit: "Voici: Dieu va vous

éprouver par une rivière: quiconque y boira ne sera plus des miens; et quiconque n´y

goûtera pas sera des miens; - passe pour celui qui y puisera un coup dans le creux

de sa main." Ils en burent, sauf un petit nombre d'entre eux. Coran 2, 249

Ils se laissent corrompre, par de l’argent ou autre chose, ou par bêtise.

Il y a des gens qui veulent prendre leur beauté aux femmes. Alors, parfois, elles

la laissent tomber, pour être tranquilles. Mais s'ils veulent prendre Dieu en elles,

comment pourraient-elles L'abandonner ?

Méditant des paroles de Mohammed, la prière de Dieu soit sur lui, à propos de

la fin des temps, je lis qu'il a parlé de la Bête, mais sans qu'on sache où elle

apparaîtra. Et je songe au lien étroit de la bêtise et du mal. La bêtise si présente dans

les médias et sur internet, support idéal pour toute parole infiltrée, dévoyée, lâche.

Comme la bêtise, l'Antichrist n'a pas assez d'être en soi pour être une

singularité, il lui faut être multiple et œuvrer par infestation - et il peut se trouver

simultanément à divers endroits de la terre, à travers des légions de bêtises et aussi

dans des hommes qu'il possède à plus ou moins grand degré.

Cependant tout cela n'est qu'un peu de poussière, destinée à être secouée et à

tomber dans le néant.

« Qu´attendent-ils? Que les Anges leur viennent? Que vienne ton Seigneur? Ou

que viennent certains signes de ton Seigneur? Le jour où certains signes de ton

Seigneur viendront, la foi en Lui ne profitera à aucune âme qui n´avait pas cru

auparavant ou qui n´avait acquis aucun mérite de sa croyance. Dis: "Attendez!"

Nous attendons, Nous aussi. » (Coran 6, 158)

Al-Kahf (nouvelle traduction Tawhid) :

[94] Cette peuplade lui dit : «Ô Dhû-l-Qarnayn ! Les Yâjûj et les Mâjûj

dévastent notre territoire. Acceptes-tu, contre tribut, de construire une digue entre

eux et nous?» [95] – «La puissance que Dieu m’a conférée est bien meilleure que ce

que vous me proposez, dit-il. Aidez-moi de toutes vos forces et je construirai un

remblai entre eux et vous. [96] Apportez-moi des blocs de fer.» Puis, quand il en eut

comblé l’espace compris entre les deux monts, il ajouta : «Soufflez !» Et quand le

métal fut fondu, il ordonna : «Versez maintenant, par-dessus, de l’airain en fusion.»

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[97] Depuis lors, les Yâjûj et les Mâjûj ne purent plus ni escalader l’obstacle ni le

transpercer.

Dieu établit, pour protéger l'homme à la source, un mur contre le mal. Ceux qui

s'y lamentent ou s'y frappent le front voudraient le faire tomber, croyant leur bonheur

derrière. En vérité, le jour où le mur tombera est le jour du Jugement.

[98] «Cet obstacle, dit-il, est une miséricorde émanant de mon Seigneur. Mais,

quand Dieu accomplira Sa promesse, Il le réduira en poussière, car la promesse de

Dieu est infaillible.» [99] Ce jour-là, Nous laisserons les hommes déferler les uns

sur les autres. Puis la Trompette sonnera et ils seront tous rassemblés. [100] Et ce

jour-là, la Géhenne, dans toute son horreur, sera présentée aux négateurs, [101]

dont les yeux demeuraient voilés pour ne pas voir Mes signes et dont les oreilles

refusaient d’entendre Mes avertissements. [102] Les incrédules s’imaginent-ils donc

pouvoir prendre Mes serviteurs pour maîtres en dehors de Moi? Nous réservons aux

incrédules la Géhenne pour séjour. (...) [107] tandis que ceux qui croient et font des

œuvres pies auront, pour séjour, les jardins du Paradis, [108] où ils demeureront

éternellement, sans jamais désirer aucun changement.

Le mur tombera ce jour-là car c'est le jour où les méchants seront emportés et

ne pourront donc plus menacer le bien. Ne pourront plus menacer l’être à sa source.

Car c’est lui en nous que représente cette peuplade primitive. Le noyau de l’être en

nous, qui ne peut être violé sans que nous soyons détruits. Quand l’attaque s’en

prend à nous jusqu’à ce point, ce niveau extrêmement profond en nous, Dieu bâtit le

mur : ils n’iront pas plus loin, ils ne le pourront pas.

Al-Kahf, La Caverne, est une descente dans l’être.

Ce niveau de l'être que ni la philosophie, ni la psychanalyse, ni la littérature, ni

même la poésie, ne peuvent atteindre. Que seule la Parole de Dieu peut atteindre.

Ce niveau où ceux qui possèdent toutes ces sciences, sauf la foi, sont réduits à

l'aveuglement, à l'ignorance d'autant plus grande et pour eux stupéfiante, qu'ils

croyaient savoir.

Les gens ignorent la puissance du Coran, comme ils ignorent la puissance du

Christ.

Le paradis n’a pas de fin, et il nous est chaque jour donné.

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43

De même que Dieu a fait descendre le Coran, le Coran nous fait descendre au

fond du puits en nous, où veille la source. « Il est le Premier et le Dernier, l’Apparent

et le Caché ; Il est l’Omniscient. » (Coran 57, 3) « Je suis le Premier et je suis le

Dernier, à part moi il n’y a pas de dieu » (Isaïe 43, 6). « Je suis l’Alpha et l’Oméga,

le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin » (Apocalypse 22, 13).

Le Coran est la grâce, le Christ est la grâce, l’Univers est la grâce : le Verbe de

Dieu, reçu dans l’Esprit, tourne autour de la Source en nous comme la danse d’un

soufi, le rituel des pèlerins, la valse des planètes et des astres. Et la Source toujours

de nouveau flue dans son Verbe, et elle est Lui. « Car Dieu est le Maître de la grâce

infinie » (Coran 57, 29)

Chaque arbre a sa personnalité. Mais aussi, en chaque arbre, chaque branche,

chaque feuille, chaque fleur, et encore, chaque oiseau qui y vient. Toutes ces

personnalités sont le déploiement de « IL EST », Dieu.

Et en chacun de nous descend, se déploie et se dresse, chaque oiseau, chaque

fleur, chaque feuille, chaque branche, chaque arbre de Dieu.

Tout lieu saint, et tout lieu retiré pour Dieu, est un tapis de prière, pour tout

être et pour les multitudes. Toute âme sainte, dans son combat d’amour qu’est la

prière, participe à élargir la sanctification des lieux à la terre entière.

Dieu reconnaît les siens, envers et contre tout.

Les hommes ont un ennemi, des ennemis, mais moi je n’en ai pas, je n’en ai

jamais eu.

Comment un croyant peut-il revendiquer la loi naturelle ? Il n’est de loi que

celle de l’Esprit.

On peut toujours ne pas vouloir croire en quelque chose, si cela est, cela est.

L’amour que nous portons à certains êtres les aide à monter au ciel, en telle ou

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telle place du ciel. Puis, de là-haut, ils nous aident, sur terre.

Le diable, le malin, est tombé par orgueil. À l’homme aussi il arrive souvent de

tomber de la même façon : refuser de se soumettre à Dieu, se croire plus fort, ou bien

assez fort soi-même, c’est ce qu’on appelle le péché, c’est ce qui est la source de tous

les péchés du monde. Il faut voir les choses très simplement : nous tombons sur le

chemin si nous faisons les malins, si nous nous croyons plus fort que le chemin, si

nous voulons ignorer la pente dans un chemin de montagne, si nous voulons ignorer

le courant ou la crue dans un chemin d’eau, si nous voulons ignorer la circulation

dans un chemin de ville, etc. Toutes ces situations physiques ont leurs

correspondances spirituelles. Il y a une autre façon de tomber, c’est quand nous

sommes poussés par un méchant ou un meurtrier, ou lorsque nous butons sur un

caillou, ou lorsque nous sommes accablés d’un poids que le monde a mis sur nous.

Mais en aucun cas tomber n’équivaut à descendre. Descendre n’est ni un péché

ni une conséquence du péché, comme l’est tomber. Descendre est un geste d’amour.

Dieu descend vers l’homme par amour. L’homme descend vers autrui et vers lui-

même par amour de Dieu – même s’il l’ignore. Si c’est tout au bout de la nuit que se

trouve la lumière, il ne s’agit en aucun cas d’une nuit du péché, ni d’une nuit de la

perte de foi, ni d’une nuit du malheur, que nous en soyons responsables ou innocents.

Mais de la nuit que constitue la descente. La descente n’est pas une chute. C’est dans

la nuit al-Qadr que descend la révélation de ce qui était caché, que vient la lumière

de la vérité. Et quand l’homme par amour descend au fond de la nuit de l’homme,

c’est dans la descente que se fait la mise à nu qui permet le passage dans la lumière.

« Lis ! » C’est le premier mot adressé par Dieu à son Prophète Mohammed.

Mais lire sans descendre dans la profondeur du texte, sans descendre dans la

profondeur de l’être en même temps, n’est pas lire mais mal comprendre et se

tromper. La lecture est une ascèse, ou elle n’est pas. Lire engage tout l’être. Sinon,

croyant lire et ne lisant pas, lisant superficiellement, l’être se perd par son erreur,

répand l’erreur et la sème comme autant de scandales sur le chemin des innocents.

De faux penseurs, voire de faux « mystiques » ont pu s’imaginer que le péché était

une façon de trouver la vérité, la lumière et la grâce. Ils ont peut-être cru les trouver,

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alors qu’il ne leur venait que ces exclamations qu’on fait devant un feu d’artifice.

Les hommes, sur toute la terre, ne sont pas assez attentifs à distinguer entre le

bien et le mal, et à rejeter le mal. Et ceci tout d’abord dans l’esprit. Car donner des

gages à l’esprit du mal, ou se compromettre avec lui, c’est entraver le combat que

l’Esprit Saint mène avec ses anges sur la terre comme au ciel. Tournons-nous vers le

Miséricordieux, au ciel et en nous, accomplissons nuit après nuit, jour après jour,

cette descente miséricordieuse qui est aussi ascension pour la Vie.

Que tout se taise en toi, que tout s’arrête. Et alors va, va vers Lui. Oui va, va

encore. Va comme tu peux, tout petit que tu es. Va, cherche doucement Son regard,

va vers Lui. Peut-être vas-tu croire qu’il ne se passe rien, ou si peu. Mais tu vas voir :

sans même que tu t’en aperçoives peut-être, Sa douceur t’est entrée dans le cœur,

lumière ineffable pour toute la nuit, jusqu’au matin, jusqu’à la fin du jour suivant,

jusqu’au moment revenu d’entrer avec Lui, encore, dans la nuit de lumière.

« Qui suis-je ? », demande à Dieu Moïse. « Je suis avec toi », lui répond Dieu,

déplaçant le je (Exode 3, 11-12). Dieu est « Je suis », Moïse est celui avec qui Dieu

est. Voici l’Alliance, valable pour tous les prophètes qui traversent le temps par mon

corps et mon sang, tous les prophètes jusqu’à, très vivement, Mohammed. Tel est

l’être de tout croyant.

Ramadan est le temps de l’exode du je humain. Le temps où l’homme est privé

de nourriture et de boisson durant toute la traversée du jour, le temps où il est privé

de lui-même à travers cette privation, dans laquelle il peut entendre cette réponse de

Dieu : « Je suis avec toi ».

Merci Seigneur pour Ta présence. Préserve-nous de nous goinfrer de nous-

mêmes, le soir venu. À la fin de la nuit la manne tombera et à chaque jour elle

suffira, comme Tu suffis.

Pour pouvoir renoncer au péché, il faut se savoir capable de ne pas succomber

aux tentations. Voilà ce qu’enseigne, par la pratique, le jeûne de Ramadan. Et

quiconque est correctement disposé envers ce jeûne, c’est-à-dire s’y dispose sans a-

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priori, se rend compte qu’il est très facile. Il est facile de renoncer à boire et à

manger, même pendant dix-huit heures de jour et par temps chaud comme en été.

Certes la fatigue se fait sentir, augmentée par la perturbation du sommeil, mais à

moins de se trouver en situation de danger (insolation ou autre), nous sommes tout à

fait équipés physiologiquement pour affronter le jeûne. Et ce n’est pas une bien

grande épreuve que de renoncer à manger, boire, avoir des relations sexuelles,

pendant quelque temps. C’est seulement une épreuve de patience, et tous les pauvres

en esprit connaissent la patience. Les femmes enceintes. Les parents qu’un nouveau-

né empêche, des mois durant, de dormir commodément, et qui s’en accommodent

avec grâce. Les marcheurs. Les humbles, tous ceux qui ne croient pas que tout leur

est acquis, ou qu’ils peuvent tout diriger, mais qui savent que tout vient à son heure,

et souvent sous une forme inattendue.

L’ascèse met en évidence les limites de l’homme (la soif, la faim…) et en

même temps la facilité qu’il y a à dépasser ces limites. Une fois que par l’ascèse

l’homme a compris qu’il lui est aisé de renoncer au péché, il lui faut accomplir un

bien plus grand renoncement : il lui faut renoncer à sa condition de pécheur. Le

péché est le divertissement de l’homme, et l’homme a peur, et plus que peur,

l’homme est épouvanté à l’idée de se retrouver sans divertissement, face à sa propre

nudité, qu’il prend pour un mortel néant. Compliquer les relations avec autrui,

chroniquement et parfois jusqu’au pire, lui paraît un enfer préférable à ce saut dans le

vide que lui semble être la pureté d’être et de relation. L’homme a peur de la lumière,

de la simplicité de l’amour, de la grâce, de la joie profonde. Ce royaume, quand il le

rencontre, l’attire, mais il ne veut pas y croire. De toutes ses forces de terrorisé, il lui

faut en douter. Il lui faut se couvrir comme d’une armure de son péché, afin de n’en

être pas réduit à néant. Et oui, en effet, ce royaume réduit à néant tout le vieux

système, la machinerie maline par lesquels l’homme croit se protéger du néant. Mais

ce royaume est celui de la vie éternelle.

La deuxième décade de Ramadan est celle du pardon de Dieu. (La première est

celle de sa bénédiction, la dernière celle du salut – l’arrachement à l’enfer). Un jour

l’homme saura qu’au-delà de l’homme, il est un lieu où le pardon n’est plus une

question, où il se vit plus aisément et sans y penser que nous ne respirons, et où il n’a

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pour ainsi dire plus lieu d’être, tout arrivant et se produisant dans la douce perfection

de la grâce.

Les totalitarismes déshumanisent les hommes, notamment par la machine

bureaucratique, en sorte qu’ils soient amenés à obéir aux ordres sans pouvoir

distinguer le mal du bien. C’est ce que Hannah Arendt observa chez Eichmann et

tous les exécutants de son genre, des hommes ordinaires et non pas des monstres, qui

n’ont aucun sentiment de culpabilité, se justifiant par le fait qu’ils obéissent à la loi.

Une loi inversée : ce n’est plus « tu ne tueras point », mais « tu tueras ». Or, dit-elle

en substance, le rôle de la pensée est de permettre de distinguer le bien et le mal ;

l’horreur est rendue possible du fait que ses exécutants, déshumanisés, ne pensent

pas.

Montrer, comme elle l’a fait, comment des systèmes totalitaires en viennent à

produire et faire produire le plus grand mal constitue un dévoilement capital de la

vérité, et nous sommes avisés si nous continuons à débusquer les formes de

totalitarisme qui se cachent derrière des systèmes politiques plus… politiquement

corrects. Mais ceci fait, reste à se poser la question : pourquoi cela fonctionne-t-il ?

Pourquoi l’homme se laisse-t-il déshumaniser ? Pourquoi obéit-il quand on lui

demande de faire quelque chose de mal ? Je ne me situe pas ici depuis le terrain de

l’organisation politique, mais depuis le cœur de l’homme.

Il me semble que la déshumanisation n’intervient pas sans son accord. Le

totalitarisme a besoin pour fonctionner d’un réseau auquel l’individu abdique son

libre arbitre. Le réseau le séduit en pensant pour lui et en le déresponsabilisant des

actes qu’il lui fait accomplir. Cela suffit-il à le déshumaniser ? En partie seulement.

Car si puissant soit-il, le réseau ne peut arracher du cœur de l’homme ce qui y est

inscrit de toute éternité : la connaissance du bien et du mal. (Rappelons que dans la

Bible, c’est Dieu qui donne à l’homme cette connaissance, en lui désignant le bon et

le mauvais, le bénéfique et le mortel, l’interdit – le serpent ensuite ne fait que singer

Dieu en prétendant offrir la connaissance du bien et du mal, cette connaissance

qu’Ève et Adam ont déjà, et que la parole du serpent inverse, comme le fait le

discours totalitariste). Il se peut que cette connaissance du bien et du mal soit

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tellement enfouie dans le cœur de l’homme qu’il l’ait comme oubliée. Mais elle y

est, et au moment de faire le mal qui lui est suggéré ou ordonné, l’homme sait qu’il

s’agit du mal. S’il l’accepte, c’est qu’il ne veut pas le savoir.

Si l’homme ne savait pas qu’il va faire quelque chose de mal, la propagande ne

serait pas obligée de lui représenter que c’est « pour la bonne cause ». L’homme qui

accepte d’entrer dans la voie du mal, même s’il a l’impression que c’est celle du

moindre mal, ou d’un mal insignifiant, entre dans la voie de sa déshumanisation. Il

peut y avoir alors en lui un combat pour le repentir et la réintégration de sa pleine

humanité, de sa liberté perdue. Et le combat peut être gagné. Cela se produit sans

cesse. Mais autre chose peut se produire et se produit aussi, c’est que l’homme n’ait

pas la force de gagner le combat. Ou qu’il n’en ait pas le désir. Alors s’installe une

épaisse cuirasse autour de son cœur, où se trouve la connaissance innée du bien et du

mal, qu’il lui faut absolument enterrer. Une fois enterrée la source de son humanité,

l’homme est spirituellement mort, déshumanisé. L’homme s’est déshumanisé pour ce

frisson qu’il s’est donné de transgresser. La banalité du mal vient du désir secret de

transgression, comme frisson qui fait sortir de la banalité de l’être. Très bien cachée

ou non, il y a une jouissance du mal, la jouissance de satisfaire le ressentiment de

l’homme envers ce qu’il est. Et cette satisfaction est décuplée si elle peut s’exercer à

l’encontre de ce que l’on soupçonne d’être moins banal que soi-même, d’une façon

ou d’une autre.

Si bien que nous pouvons retourner la vision de la banalité du mal. Au plus

profond, ce n’est pas le système politique qui crée la banalité du mal, c’est le

sentiment de la banalité de soi qui crée le système politique qui va permettre de

prendre la voie de la banalité du mal, la justifier, la fournir comme un infaillible

fournisseur de drogue. Et si l’absence de pensée, involontaire ou délibérée, facilite la

sujétion au mal, il est encore plus remarquable que bien souvent c’est l’élaboration

d’une pensée qui lui sert de porte et de marchepied (pensons au cas d’Heidegger,

dont la pensée du Volk, du peuple, et de « l’être pour la mort » continue dans le

temps, de façon ouverte ou non, son œuvre morbide comme justificatif philosophique

de maints nationalismes, de l’impérialisme à l’occidentale au sionisme et à

l’islamisme politique). Les systèmes totalitaires sont les instruments de vengeance

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que se créent les hommes contre ce qui est libre et vivant, et dont ils se sentent

incapables, ou dont ils ne se sentent pas à la hauteur. C’est pourquoi il faut

inlassablement enseigner aux hommes combien, du seul fait d’être, ils échappent en

vérité à la banalité, combien ils ont été conçus uniques, grands et beaux dans leur

humilité, et combien leur salut et leur bonheur se trouvent dans le refus du mal et le

choix de la bonne voie, toujours de nouveau possible.

« Ils t’interrogent au sujet de l’Esprit (al-Rûh). Réponds-leur : l’Esprit procède

de l’Ordre de mon Seigneur et vous n’avez reçu que peu de science [à son sujet]. »

Coran, sourate 17, Al-Isra, Le Voyage nocturne ou les Enfants d’Isrâ’il, verset 85,

traduction AbdAllah Penot.

Pèlerins, hommes et femmes, voyageurs du jour et de la nuit, pareils aux anges,

pareils aux abeilles, aux papillons, humains sortis de leur cocon, essaimant dans le

monde la divine miséricorde. Transportant le pollen de tout ce qui fut écrit, depuis le

premier mot de la Genèse jusqu’à la dernière parole du Coran. C’est aujourd’hui que

ce qui fut raconté arrive. Et ce qui fut annoncé, nous l’assumons.

Le Messie et le Prophète sont tout proches, tout proches de Dieu, et c'est tout

ce qui compte, comme comptent les rimes, le rythme de la respiration des mondes et

du Seigneur des mondes.

Le premier mot de la Bible est bereshit, qui signifie au commencement, en

premier, et qu’il est aussi possible de traduire : dans le plus précieux. Le dernier mot

du Coran est an-nasi : les hommes. Voici le résumé de l’histoire de la Révélation :

Dans le plus précieux, les hommes.

Et cela au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, selon

les premiers mots du Coran, et la grâce du Seigneur Jésus avec tous, selon les

derniers mots de l’Évangile, qui commence en rappelant que Jésus est né fils de

David, fils d’Abraham, comme les juifs, donc, et comme les musulmans aussi.

Au verset 67 de la sourate 22, Le Pèlerinage, il est dit : À chaque communauté

Nous avons institué un ensemble de rites qu’elle doit observer. Qu’ils cessent donc

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de discuter avec toi l’ordre reçu ! Implore plutôt ton Seigneur, car tu es assurément

dans le droit chemin. Au verset 40 de la même sourate, il est dit : Si Dieu ne

repoussait pas les gens les uns par les autres, les ermitages seraient démolis, ainsi

que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom de Dieu est beaucoup

invoqué. Que Dieu « repousse » les gens les uns par les autres signifie qu’il veille à

ce que règne une diversité de communautés et de rites, afin justement d’éviter la

destruction de toute maison où Il est invoqué. La non-diversité, c’est la mort. Dieu

veut et aime la diversité, toute sa création le prouve. De même que la diversité est

nécessaire dans le monde naturel, elle est nécessaire aussi dans le monde spirituel.

Même si cela peut irriter les hommes aux rêves totalitaires, ainsi est la volonté du

Ciel.

Le verset 15 de la même sourate dit : Celui qui pense que Dieu ne le secourra

pas dans l´ici-bas et dans l´au-delà, qu´il tende une corde jusqu´au ciel, puis qu´il la

coupe, et qu´il voie si sa ruse va faire disparaître ce qui l´enrage. Qu’est-ce que cela

signifie ? Le mot sabab, corde, employé avec le mot ciel, signifie les voies du ciel ;

c’est un mot qui désigne aussi le lien de parenté, et aussi les moyens, et encore la

cause, la raison. Qui veut donc couper son lien de parenté, qui est au ciel, qui veut

couper les moyens, la raison et la cause de la vie, qui sont au ciel, qu’il voie donc si

cela va arranger le monde selon son désir, ou si ce n’est plutôt lui qui va devoir,

d’une façon ou d’une autre, se plier à la volonté du ciel.

KFR, pour dire les mécréants, les infidèles, signifie d’abord : couvrir, recouvrir

quelque chose, cacher, celer , et en fin de compte nier, et aussi habiter toujours le

même village, sens qui se rapproche du nom KFR, employé pour indiquer le fait de se

prosterner devant un prince, et signifie aussi village, tombeau, ténèbres de la nuit,

terre, terroir. L’infidèle est donc celui qui « habite toujours le même village », c’est-

à-dire qui – contrairement à Abraham - ne sort ni de lui-même ni des traditions de

son clan, qui se prosterne devant l’homme comme prince et comme villageois, c’est-

à-dire devant sa société et ses règles figées telles des idoles, devant le tombeau de

l’esprit, l’obscurantisme, la terre et le terroir comme couvercles posés sur le ciel.

Voyons ces versets de la sourate 25, Le discernement (nouvelle traduction

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Tawhid) :

25] Le jour où le Ciel se fendra pour livrer passage à des nuées et où les anges

descendront par vagues successives, [26] ce jour-là, la vraie royauté appartiendra

au Tout-Clément ; et ce sera pour les négateurs un jour terrifiant.

Le mot KFR est ici traduit par négateurs. « La vraie royauté » traduit les mots

al-Mulk et al-Haqq : Royauté et Vérité. Le « Tout-Clément » traduit al-Rahman, Le

Tout-Miséricordieux, avec ce mot qui comme en hébreu, dans la Bible, signifie la

miséricorde venue de la matrice, comme origine et comme amour maternel, viscéral.

Le Jour où le Ciel se fendra est celui où il mettra au monde, en déversant ses anges

par vagues successives, la Vérité qui est en sa matrice. Jour terrifiant pour ceux qui

se sont enterrés dans leurs traditions, dans leur soumission à l’ordre terrestre,

humain, social, mais jour de la Miséricorde, car c’est de leur tombe que la Vérité,

vivante, vient arracher les hommes.

La nuit d’Al-Qadr, « Nuit du Destin », vaut mieux que mille mois, dit le Coran

(97, 3). Mille mois qui bien sûr ne comporteraient pas de nuit d’Al-Qadr, précisent

les savants. Lesquels rappellent aussi que dire qu’elle est meilleure que mille mois

n’exclut pas qu’elle soit meilleure que beaucoup plus que mille mois. La nuit d’Al-

Qadr revient à chaque Ramadan, mais personne ne sait quand. Le Coran n’aime pas

donner ce genre d’indication. Rappelons-nous la longue nuit où furent plongés les

dormants de la Caverne (sourate 18). Dieu seul sait, nous est-il dit, combien de

siècles et de jours elle dura, et même combien furent ces endormis dans la mort qu’Il

ressuscita. Le Coran rappelle à l’homme ce qui le dépasse. Et qui pourtant le guide

avec miséricorde.

N´as-tu pas vu comment ton Seigneur étend l´ombre? S´Il avait voulu, certes, Il

l´aurait faite immobile. Puis Nous lui fîmes du soleil son indice,

puis Nous la saisissons [pour la ramener] vers Nous avec facilité. (25, 45-46)

« Son indice » peut aussi se traduire « celui qui guide vers elle ». Créatures,

nous sommes ombres du Seigneur, et nous nous repérons à Lui, notre soleil. Mais ce

qui est ici dit, c’est que c’est Lui qui nous conduit à nous-mêmes, tout en nous

guidant, en nous mouvant, jusqu’au moment où Il nous ramène à Lui.

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Mille mois sans nuit d’Al-Qadr, cela n’existe pas, puisqu’elle a eu lieu. Elle a

eu lieu en Dieu, donc de toute éternité, ou dès le commencement, c’est pourquoi on

ne peut la dater. Elle est la descente de l’Être, de la Lumière sur la terre, où elle

projette ses ombres. Tout à la fois descente de la Lumière, Parole de Dieu, et matrice

de toutes ses ombres, formant nuit. Puissance, mesure, destin. Telles sont, dans

l’ordre, les significations de Qadr. Elle est ce que nous pouvons éprouver dans la

nuit de ce monde : la puissance de Dieu qui, en descendant, donne à notre être sa

mesure, son destin.

La nuit d’Al-Qadr vaut mieux que mille mois sans nuit d’Al-Qadr. Or mille

mois sans nuit d’Al-Qadr n’existent pas, sont néant. La nuit d’Al-Qadr vaut mieux

que le néant. La nuit d’Al-Qadr sort l’homme du néant comme Dieu sortit les justes

de leur longue nuit dans la Caverne. Dans la nuit d’Al-Qadr Dieu vient à la rencontre

de l’homme comme au zénith le soleil saisit l’ombre pour la ramener vers le

Seigneur. Nous sommes en Dieu, c’est pourquoi il en est ainsi. Voici la mesure et

voici le destin, en Dieu.

Dans la nuit d’Al-Qadr, Dieu fit descendre le Coran d’un bloc, de sa matrice au

premier ciel. De là l’Esprit Saint, Ar-Ruh (97, 4), l’ange Gabriel, le révéla

progressivement au Prophète, vingt-trois ans durant. Mais où demeurait-il, avant

d’être entièrement révélé aux hommes ? Que sont cette matrice et ce premier ciel où

il était gardé ? Respectivement, la Puissance et le En puissance de Dieu. Matrice où

se trouve et se crée la mesure de tout, et d’où descend notre destin, écrit en

puissance, c’est-à-dire avec toutes ses virtualités, où nous pouvons puiser toute

liberté et tout accomplissement. Le Coran fut cet écrit en puissance, avant d’être

écrit, puis le temps d’être écrit. Et une fois écrit, il demeure en puissance, comme

lecture.

Toute nuit est en puissance nuit d’Al-Qadr. Qui veille dans la nuit d’Al-Qadr,

comme les bergers dans la nuit de Noël, voit le ciel s’ouvrir et entend les anges

annoncer la bonne nouvelle du salut (Luc 2, 7-21). Une nuit, de sa matrice, le Coran

descendit dans une grotte sur le cœur d’un homme attentif au Ciel. Une nuit, de la

Vierge Marie, annoncé par l’ange Gabriel, selon l'Évangile un homme naquit dans

une grotte, et c’était le Messie. Je n’établis pas d’équivalence, je lève un peu le voile

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sur ce qui se passe. Le Coran continue d’être révélé dans le cœur des hommes, le

Messie aussi, dans le cœur du monde. La nuit de Noël et la nuit d’Al-Qadr continuent

d’être, et d’être Paix jusqu’à l’aube qui va bientôt paraître (Coran 97, 5).

Saurez-vous être nu ?

L’aurore est nue, elle vient de naître. Le jour l’habillera, la nuit l’enveloppera.

Mais l’aube, mon âme, est plus que nue. Je suis l’aube qui veille sous tous vos états

du jour et de la nuit.

« Ce Jour-là, mis à nu (ou : sortant de leurs tombes), ils ne pourront rien

dissimuler à Dieu de ce qui les concerne. À qui appartient le royaume en ce Jour ? À

Dieu, l’Unique, le Contraignant.

(…) et Dieu juge selon la Vérité, tandis que ceux qu’ils invoquent en dehors de

Lui sont dans l’incapacité de juger (ou : de décider) de quoi que ce soit car Dieu

[Seul] est Celui qui entend et qui voit tout.» Coran 40, L’Indulgent, v. 16 et 20 (trad.

AbdAllah Penot)

« La grâce n'exclut pas la justice. Elle ne change pas le tort en droit. Ce n'est

pas une éponge qui efface tout, de sorte que tout ce qui s'est fait sur la terre finisse

par avoir toujours la même valeur. Par exemple, dans son roman « Les frères

Karamazov », Dostoïevski a protesté avec raison contre une telle typologie du ciel et

de la grâce. À la fin, au banquet éternel, les méchants ne siégeront pas

indistinctement à table à côté des victimes, comme si rien ne s'était passé. Je voudrais

sur ce point citer un texte de Platon qui exprime un pressentiment du juste jugement

qui, en grande partie, demeure vrai et salutaire, pour le chrétien aussi. Même avec

des images mythologiques, qui cependant rendent la vérité avec une claire évidence,

il dit qu'à la fin les âmes seront nues devant le juge. Alors ce qu'elles étaient dans

l'histoire ne comptera plus, mais seulement ce qu'elles sont en vérité. » Benoît XVI,

Spe Salvi

Adam et Ève sont gratifiés des dons de Dieu mais aussi exposés aux

manœuvres du serpent, cela garantit à la fois notre liberté et celle de la création, son

humilité et la nôtre. Le tout est de rester sur la bonne voie, quoiqu’il en coûte. Nous

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sommes d’humus, nous sommes humbles, c’est ainsi seulement que nous sommes

hommes (et non pas « comme des dieux » selon le serpent), donc vraiment libres.

Nous ne sommes pas à l’abri de l’imbécillité, loin de là. La nôtre, et celle des

autres. Nous ne sommes à l’abri de rien de ce qui est humain. Mais si nous sommes

dans l’Amour, nous sommes garantis. Et le mal ne peut rien contre qui se tient dans

le jardin de la Résurrection.

Sa porte est ouverte, mais à chacun son temps pour trouver et accomplir le

chemin. Attendons-nous les uns les autres.

Du premier croissant de lune au nouveau premier croissant de lune, veillant

beaucoup j’aurai perdu le confort qu’il faut perdre, jeûnant j’aurai perdu un peu de

poids physiquement aussi, car ce n’est qu’allégé que l’on peut croître en vérité et

force de paix. Ramadan est une retraite, un temps dans la grotte face au ciel, comme

pour Mohammed, comme aussi pour les hommes de la préhistoire qui peignaient sur

les parois, dans les ténèbres, leurs animales constellations, traversant la pierre,

rejoignant l’invisible. Ce qui était devenu mort ayant été détaché du vivant, au bout de

cette maturation, vitalité décuplée, dans l’histoire pour les siècles des siècles.

Comment empêcher la vérité de se faire connaître ? Elle est Dieu. Nul endroit

du jardin ne permet d’y échapper, et même la mort ne peut rien contre elle, à la fin.

La société doit enquêter sérieusement afin de pouvoir faire justice et rester

ainsi digne et viable. Le meurtrier lui aussi doit chercher à savoir la vérité, savoir qui

est la victime et qui est le meurtrier, savoir qu’il est le meurtrier. Car c’est seulement

ainsi qu’il peut se libérer de son appartenance à la mort, et c’est seulement ainsi que

la cité, souillée par son mal, peut être sauvée. Mais la victime aussi doit faire ce

travail, cette recherche de la vérité, elle doit elle aussi résister à la facilité de

méconnaître qui est le meurtrier et qui est la victime, du ciel où elle se trouve elle

doit toujours de nouveau analyser le réel sur terre pour pouvoir reconnaître le crime,

et qu’elle en est la victime. Car c’est seulement cela qui l’arrache à la mort, et c’est

seulement ainsi, en débusquant le mal, en donnant lieu à la vérité, en lavant le mal

par la vérité, que peut descendre du ciel ce qui sauve tous les hommes.

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Qui veut le fruit, qu’il accepte l’arbre.

Qui veut l’aimé(e), qu’il y aille tant qu’il en est désiré.

Je fis un jour un rêve où j’étais une bienheureuse baleine blanche. D’un bateau

des chasseurs se mettaient à me lancer des harpons, en vue de m’attraper. Alors je

plongeais très profondément, aux profondeurs où ils étaient loin de pouvoir accéder,

et là, indemne, me disant qu’ils n’avaient rien pu attraper de plus, en me

transperçant, que quelques frites de baleine, je riais, riais, riais, dans un sentiment de

plénitude lumineuse, dont je sais maintenant qu’il correspond au mot hébreu amen,

au mot arabe amine, que l’on prononce après la prière.

Dans la Voie, songes et paroles sont libérés du temps. Ce qui a été écrit ou rêvé

dans le passé arrive aussi bien dans le présent et dans l’avenir. Joseph un jour rêva

que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant lui (Genèse 37, 9 et Coran

12, 4). Jaloux, ses frères le précipitèrent alors au fond d’un puits (Genèse 37, 24 et

Coran 12, 15). Cependant, des années plus tard, son rêve prophétique allait se réaliser

(Genèse 43, 28 et Coran 12, 100).

Le mot employé dans le Coran pour dire les profondeurs invisibles du puits est

Ghayb, qui désigne le Monde Invisible. C’est de ce monde, celui du mystère, que

Joseph reviendra avec la science de l’interprétation des songes.

L’été au lever du soleil, la rumeur de la ville semblable à celle de l’océan les

petits matins calmes, par la fenêtre ouverte l’air doux comme un jardin plein de lilas,

bruissement parfumé des anges, murmure de leurs ailes tandis qu’ils remontent et

redescendent parmi les peuples du ciel et de la terre, cœur gonflé de la prière que

nous venons de faire, que des hommes et des femmes de toutes religions viennent

comme à chaque aube de faire – et il est toujours en quelque lieu l’aube sur la terre,

et l’heure des anges du seul Dieu, qui s’y répandent et soutiennent les âmes, celles

qui y restent et celles qu’il leur faut emporter. Bonjour mes sœurs, bonjour mes

frères, bonjour à vous, tous mes enfants, que la joie vous vienne, que la paix soit

avec vous, que l’amour avec ses ailes vous sorte de vous-mêmes.

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Ainsi font les anges, ils s’incarnent ou même agissent ici ou là, en tel ou tel

instant, non pas mus par leur propre volonté, mais par celle de Dieu. C’est très

sérieux ce que je dis. Soyons attentifs, ils sont là, là ou là.

J’aime aller à la mosquée pour la prière du vendredi, la libéralité de l’islam est

grande. Je ne suis pas une musulmane très attachée à la sunna, aux règles de vie

écrites par des savants de la foi, je ne suis pas aux yeux de beaucoup une bonne

musulmane, mais j'aime Dieu, j'aime le Coran, j'aime les êtres humains, c'est ma

façon d'être musulmane et la mosquée m'accueille telle que je suis.

Dieu seul est l’Unique. Accueillir tout ce qui vient de lui, voilà ce qui unifie

profondément l’être. Le Coran le dit, « Il [l´homme] a par devant lui et derrière lui

des Anges qui se relaient et qui veillent sur lui par ordre de Dieu. En vérité, Dieu ne

modifie point l´état d´un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne

modifient pas ce qui est en eux-mêmes. » (13, 11)

Le sexisme vient de la même poubelle que le racisme, l'antisémitisme et

l'islamophobie tant décriés par tant de sexistes, la tricherie, la lâcheté, la veulerie, la

bêtise. Il est souvent insidieux, toujours violent et assassin, il fait mal délibérément.

Et les femmes doivent supporter cela sans que le plus souvent personne ne s'en

émeuve.

Il est très problématique de penser que si des personnes sont victimes d'autres

personnes, pour une raison ou une autre (parce qu'elles sont femmes, ou pauvres, ou

étrangères, ou peu éduquées etc), la solution est qu'elles se battent pour ne plus l'être.

Or la solution première et nécessaire c'est que la société, et non pas seulement les

victimes, reconnaisse où est l'injustice et la refuse, et punisse les coupables. Car les

victimes, déjà très affaiblies souvent, ne peuvent se défendre seules. Imaginons que

les patients soient maltraités à l'hôpital, ou les vieux à la maison de retraite, ou les

enfants n'importe où, suffira-t-il de dire : ils n'ont qu'à s'organiser pour ne plus être

victimes. Il en est de même pour toute personne en position de faiblesse, comme les

migrants, les femmes maltraitées, les chômeurs désocialisés, les ouvriers exploités,

les jeunes sous-éduqués et sans perspective d'avenir etc. On ne peut pas se contenter

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de leur faire porter la responsabilité de leur sort. Nous devons être solidaires de tous

ceux qui sont en situation de faiblesse. Si un jour nous tombons dans la rue sans

pouvoir nous relever, ou si nous nous faisons agresser, nous serons contents que

quelqu'un vienne à notre aide. Mais beaucoup, avec cette mentalité, préféreront

passer leur chemin. Faudra-t-il dire à toutes les victimes d'agression : relevez-vous,

unissez-vous et dites ce qui vous est arrivé. Certes elles peuvent le faire et même le

doivent, mais elles ont quand même besoin d'être soutenues par les autres contre de

tels actes. D'ailleurs ce genre de discours vient souvent de la part de gens qui ont

vécu toute leur vie à l'abri, notamment en écrasant les autres, qui selon eux n'avaient

qu'à pas se laisser faire. Comme si la normalité était de leur côté, comme si les gens

"trop bons" étaient coupables du mal qu'on leur fait.

Le nom des anges. El en hébreu, Lah en arabe, signifient Dieu. Michaël signifie

« Qui est comme Dieu ? ». Gabriel signifie « La force de Dieu ». Raphaël signifie

« Dieu guérit ».

Il viole tout, le fabricant de faux, qui ne renonce en rien, sinon en apparence, au

mal. Et qui ne comprend rien aux âmes, quand elles ne sont pas corrompues. Qui

récidive irrémédiablement. Qui se trompe et trompe systématiquement.

Beaucoup d'hommes ont beau dire, ils ne veulent pas renoncer aux œuvres de

satan. Ils œuvrent en cachette, dans le calcul, ils s'affairent à cultiver une vigne

empoisonnée et ils récoltent ce qu'ils y travaillent : le mauvais.

Que signifie l'unicité de Dieu, pour l'homme ?

Que ce qui est bon pour l'homme, et ce qu'il doit suivre, c'est la vérité.

Uniquement. L'homme qui suit tantôt la vérité et tantôt le mensonge n'est pas le

croyant d'un Dieu unique, quoiqu'il en dise.

L'unicité de Dieu signifie aussi que l'homme qui dit « je », doit le dire en tant

que ce qu'il est, un, lui-même. Et non pas en tant qu'un autre, caché derrière un autre

nom, ou sans le dire de la part d'un autre ou d'autres qui ne sont pas nommés.

Elle signifie que ce que dit l'homme doit être un, c'est-à-dire franc, et non pas

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fourchu comme la langue du serpent.

L'unicité de Dieu n'est pas quelque chose qu'on doit adorer sans comprendre ce

que l'on fait. C'est un travail que nous devons faire pour être nous-mêmes un, entier,

franc, pour garder notre personnalité unie dans l'un, et non dispersée entre les

épisodes de vrai et les épisodes mensongers.

C'est seulement en faisant ce travail que nous pouvons être un être humain

accompli, et c'est seulement en étant des êtres humains accomplis que nous pouvons

progresser dans le chemin de la communauté des hommes, le chemin de la paix,

personnelle et partagée.

C'est une très grande grâce de servir Dieu, quel que soit le prix à en payer.

Soyons toujours heureux d'être honnêtes, francs et bons, même si d'autres en

profitent pour nous trahir ou nous maltraiter. Les malheureux, ce sont eux, qui ne

connaissent pas la joie de pouvoir faire face à Dieu.

Frères et sœurs, marchons sur le chemin juste, c'est le chemin profondément

joyeux.

Celui de l'homme ou de la femme qui va pieds nus pour avoir donné ses

chaussures.

Celui de l'homme ou de la femme qui sait attendre même au bord des routes où

les passants sont rares, le cœur léger d'aimer tout être et toute chose.

Celui de l'homme ou de la femme qui habite avec les siens, comme avec les

voisins, les étrangers et les enfants, dans la douceur.

Frères et sœurs, que la vie nous soit douce.

Les hommes manquent tellement de courage.

Le courage qui leur manque, c'est celui de la lumière. Celui de parler et d'agir

dans la lumière.

Les textes saints sont des parlers venus de la lumière et dans la lumière. Ils

donnent aux hommes la parole de lumière qu'ils n'ont pas le courage d'avoir.

Ils font des hommes des lieux de prière, des berceaux pour leur lumière. Afin

qu'elle grandisse en eux et leur donne le courage qui leur manque.

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J'œuvre à renverser l'état d'esprit du monde. Cela ne peut se faire en se pliant à

l'état d'esprit du monde. Il est possible d'appliquer sur le monde telle ou telle œuvre,

comme tel ou tel pansement. Cela est bon, mais ce qu'il faut faire, c'est régénérer

l'ensemble du corps, et même plus en vérité : le ressusciter. Il faut pelleter dans la

terre pour en exhumer le cadavérique, c'est quelque chose qui a à voir avec les

tremblements de terre, les déluges et autres catastrophes et merveilles venues du ciel

et de profundis. Terrasser dans la matière, dans l'obscur, l'indifférencié, creuser

jusqu'à la source, qu'elle jaillisse, que l'être en ressuscite. Je suis armée de la parole,

de la foi, de l'amour absolu. Mon œuvre agit et agira, je le garantis.

Dans quelle voie se tient l'homme accompli ? Celle du mensonge, ou celle

de Dieu ?

Celle de l'argent, ou celle de Dieu ?

Celle de l'utilisation d'autrui, ou celle de Dieu ?

Les voies du mensonge, de l'argent, de l'utilisation d'autrui, détruisent l'âme

de celui qui les prend.

Seuls se trouvent dans la voie de Dieu la vérité, le travail honnête, le

respect d'autrui.

Et seuls ils donnent, malgré toutes les difficultés, des fruits d'amour, de

joie, de bonheur.

« Le jour où les hommes seront comme des papillons éparpillés, et les

montagnes comme des flocons de laine cardée... » Coran 101, 4-5

« Et je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la

première terre ont disparu, et la mer, il n'y en a plus. » Apocalypse 21, 1

Avant la fin du monde collective, il se produit pour chacun de nous des fins

du monde. Le moment de notre mort en est une pour chacun de nous : quand nous

quittons ce monde, il se volatilise pour nous.

Et nous pouvons vivre aussi des moments similaires quand nous viennent

des épreuves où tout s'effondre pour nous. Un deuil, une séparation, une

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catastrophe sociale ou naturelle peuvent nous faire perdre notre vie d'avant, notre

monde, ce qui le faisait tenir debout et nous faisait tenir aussi.

Nous devons être prêts pour ces moments : la fin du monde, notre mort, la

fin d'un mode d'existence que nous aimions. La méditation profonde des textes

saints nous prépare à pouvoir traverser les épreuves mortelles en évitant de

sombrer dans les gouffres, en allant plutôt vers la lumière.

L'avenir appartient aux opprimés, qui toujours finissent par renverser leurs

oppresseurs. Mais plus profondément, c'est le présent lui-même qui est à eux. Car

de leur côté est la vie, le cœur, la sincérité, la vérité, la liberté vraie, qui se trouve

dans le fait de ne pas chercher à prendre la liberté d'autrui.

« Les cieux racontent la gloire de Dieu... Le jour en prodigue au jour le récit, La

nuit en donne connaissance à la nuit. » Psaume 19, 2-3

« Dieu fait pénétrer la nuit dans le jour et fait pénétrer le jour dans la nuit, Il

connaît parfaitement le contenu des poitrines. » Coran 57, 6

Seigneur, que ta lumière trouve dans l'ombre de nos poitrines l'amour de ta

gloire !

Et que nous sachions, comme les cieux, en donner connaissance et le jour et la

nuit !

Qui a une sexualité franche et honnête, a aussi une parole franche et sans peur,

une vie franche et libre.

L'hébreu et l'arabe, écritures de Dieu, marchent de droite à gauche. Comme si

Dieu venait à nous à partir de demain.

Et c'est vrai : Dieu vient à nous à partir de demain. À partir de ce que nous

espérons, de ce pour quoi nous nous tournons vers lui.

À partir de notre fin, qui est le but dans lequel nous sommes nés, et qui nous

ramène à notre origine.

À partir de ce que nous ignorons, grâce à Dieu. Car notre ignorance est notre

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raison de vivre, ce qui nous stimule à avancer dans la connaissance, qui ne s'arrête

jamais.

« Le Seigneur Dieu le renvoya du jardin des Délices pour qu'il travaille la terre

dont il avait été tiré. Il bannit l'homme et il posta devant le jardin des Délices les

chérubins et la flamme de l'épée fulgurante pour garder la voie de l'arbre de vie ».

Genèse 3, 23-24

« Descendez, leur dit Dieu, vous serez ennemis les uns des autres, et il y aura

pour vous sur terre séjour et jouissance, pour un temps. Là vous vivrez, là vous

mourrez, et de là, on vous fera sortir un jour. » Coran 7, 24-25

Derrière nous, de l'ailleurs d'où nous avons été tirés, la porte a été fermée.

Devant nous, d'où nous serons sortis, une autre porte s'ouvrira, pour ailleurs.

Veillons à faire de nous un beau et paisible pays, car il y aura pour chacun une

seule porte, une porte unique qui dépendra de l'état d'où nous serons sortis.

Le diable est comme un virus qui répand la tristesse à l'intérieur du monde. Il

s'insinue dans les hommes en réseau. Ceux qu'il habite il les habite de si près qu'ils

ne le voient pas, ils sont actionnés par lui et même quand ils le savent ils refusent de

le voir, car c'est lui qui les anime, et le perdre serait perdre leur âme, croient-ils.

Je ne parle pas là d'hommes que la folie et le mal ont rendus visiblement

mauvais ou démoniaques. Je parle d'hommes ordinaires, qui peuvent même avoir l'air

bons, mais dont la racine est dévorée par le mensonge. D'hommes qui ne connaissent

d'autre existence que celle d'un système mensonger. Rien ne fait plus mal au cœur

que la vision de ces hommes. Rien ne fait plus mal au cœur que la vision d'âmes

irrécupérables.

Pour certains la voie de Dieu s'est réduite à un humanisme, pour d'autres à un

bazar idolâtrique et superstitieux. Le mensonge, l'hypocrisie, les manœuvres

souterraines prennent aujourd'hui une ampleur inédite, de par les moyens de

communication exploités pour la propagande. Comme dans les autres secteurs de

l'industrie et de la politique, tout tient sur la publicité, la parole illusionniste.

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Je suis entièrement soumise à Dieu, c'est le sens du mot musulman, je suis en ce

sens musulmane. Le Prophète Mohammed a rencontré Jésus dans son voyage

nocturne ; il lui a alors demandé de diriger la prière, mais Jésus a préféré que

Mohammed le fasse, et il l'a faite avec lui. Cela se passait en avant de nous, vers la

fin des temps. Comme Abraham, nous irons, et notre descendance aussi, où elle, où

Dieu, nous conduira.

« Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je viens contre toi, Gog,... et je t'entraînerai, je

mettrai des crochets à tes mâchoires... Tu viendras pour entasser du butin, pour

piller... tu me feras monter la fureur au visage. Dans mon ardeur, dans le feu de ma

furie, je le dis : oui, ce jour-là il y aura un grand tremblement de terre... Sur toutes

mes montagnes, j'appellerai l'épée contre Gog... Je te donnerai en pâture aux

vautours, à tout ce qui vole et aux bêtes sauvages. Tu tomberas en rase campagne ;

car j'ai parlé – oracle du Seigneur Dieu. » Ézéchiel 38-39

« Jusqu'à ce que soient relâchés les Gog et les Magog et qu'ils déferlent de

toutes les hauteurs. C'est alors que la Promesse vraie sera proche, et que les regards

des mécréants se figeront de stupeur. Malheur à nous ! diront-ils, nous y avons été

inattentifs, et bien plus, nous étions injustes. » Sourate Les prophètes, 96-97

Tant d'hommes agissent à la légère, n'importe comment. C'est ainsi que la bête

s'empare d'eux. Or la bête sera abattue, et ceux qui la portent en eux seront perdus.

Soyons attentifs.

Beaucoup de croyants, qu'ils soient chrétiens, musulmans ou autres, ne sont pas

vraiment croyants. Cela se voit au fait qu'ils n'arrêtent pas de se soumettre les uns

aux autres, ou de vouloir soumettre les autres. Un vrai croyant est entièrement

soumis à Dieu, et ne désire soumettre personne. C'est ce qui le rend entièrement libre.

Car il n'y a pas de place en la personne tout entière soumise à Dieu pour la

soumission aux hommes. Si tu n'obéis qu'à Dieu, tu ne peux pas obéir à des hommes.

Si tu es soumis à Dieu, tu ne peux pas vouloir te faire obéir par des hommes, comme

si tu te prenais pour Dieu.

Quand tu es obligé d'obéir à des hommes, fais-le en n'y croyant pas, en sachant

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bien que ce n'est qu'un contrat pour faciliter la vie en société. Et ne le fais que si cela

ne t'oblige pas à renier ta liberté profonde. Dieu te donne la liberté, ne la salis pas. Ne

salis ni ta liberté, ni celle des autres. Ne répète pas des paroles, des gestes, parce que

c'est la tradition, ou parce que c'est la mode. Réfléchis, marche en conscience.

« La vérité ne fait que détruire ce qui est détruit ». Franz Kafka

« Et dis : la Vérité est venue et l'erreur a disparu. Car l'erreur est destinée à

disparaître ». Sourate 17, Le Voyage nocturne, v.81

« Lorsque viendra l'Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout

entière. » Évangile selon st Jean 16, 8 et 13.

Depuis le début du monde, et à chaque instant, la Vérité vient. Elle envoie à la

mort ce qui doit mourir, elle fait vivre ce qui doit vivre. Sans elle il n'y aurait ni

monde ni vie. Elle est là mais elle nous est promise pour bientôt, car nous ne la

voyons pas encore clairement, et nous devons aller vers son accomplissement.

Aux imbéciles qui veulent avoir le dernier mot, il peut être bon de le laisser. Du

néant peut toujours s'ajouter au néant, il restera néant.

Réfléchir.

Comme l'eau réfléchit le ciel, les montagnes, les arbres.

Comme le miroir réfléchit les visages, le monde.

Si l'eau est trouble, si le miroir est sale, ils nous trompent.

Réfléchir : se laver le regard pour mieux voir.

Le regard clair, mieux avancer sur le chemin.

Mieux boire la lumière, qui nous fait signe et nous attend.

Les paroles des hommes peuvent toujours être contestées.

La parole de Dieu a vocation à être comprise, non contestée.

Contester la parole de Dieu, c'est en faire une parole d'homme. L'intérêt d'avoir

une parole incontestable, c'est d'avoir impérativement à faire le travail de toujours la

recomprendre - ne pas faire ce travail, c'est la momifier, en faire quelque chose de

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pire qu'une parole d'homme, en faire une parole morte.

La parole de Dieu, parce qu'elle est incontestable, est comme Dieu :

insaisissable. Ceux qui croient l'avoir saisie, l'avoir définitivement comprise, en font

une parole d'homme.

Parce qu'elle est insaisissable, la parole de Dieu nous oblige à aller de l'avant,

mus par le désir et la recherche d'une compréhension meilleure, affinée, clarifiée.

Elle est un maître qui nous instruit en nous appelant à lui.

Les dominants sont les hommes les plus aliénés du monde. Et les plus

aveugles : incapables de voir que leurs victimes, en combattant pour la liberté,

combattent aussi pour eux, les dominants, les plus aliénés des hommes, ou pour leurs

descendants. Car eux, ce qu'ils font ne fait que les conduire à leur perte.

Si Pharaon avait été correct avec les Hébreux, ils auraient pu rester en Égypte et

enrichir le pays de leur présence. Mais, dit le Coran, Pharaon et ses gens « violèrent

leurs engagements » (7, 135). En ce sens nous pouvons dire que c'est Pharaon et ses

gens qui poussent eux-mêmes les Hébreux à traverser la mer pour passer de l'autre

côté.

Comme tous les mauvais, Pharaon et ses gens sont inconséquents et

incohérents. Par leur entêtement à ne pas prendre en compte les avertissements de

Dieu et à violer leurs engagements, ils poussent hors de chez eux Moïse et le peuple

qu'ils voudraient y garder. Puis, tout en les ayant poussés à partir, ils les poursuivent

pour les rattraper. Ils « les poursuivirent avec acharnement et hargne », dit le Coran

(10 ,90).

En vérité Pharaon et ses gens, dans leur entêtement extraordinaire à aller contre

la volonté de Dieu, à se maintenir dans la fausse parole, ont une attitude suicidaire.

Et ils vont au bout de leur logique illogique : ce qu'ils trouvent, c'est la mort, tandis

que Moïse et les siens vont vers la vie renouvelée.

Ceci se passe dans la nuit des temps, et aussi à la fin des temps, à l'aube du

nouveau temps. Car les Écritures savent, très longtemps en avance. Sachons

aujourd'hui méditer et lire ce qui se passe, quelles forces comparables s'affrontent

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dans le monde et le temps où nous vivons. C'est dans les moyens employés par les

uns ou par les autres – et par nous-mêmes – que nous pouvons savoir vers quelle fin

les uns ou les autres vont. Les faux vers la mort, les francs vers la vie.

Moi je peux me tromper, mais Dieu ne me trompe pas. Si donc je me trompe

aux yeux des hommes, tant que je suis dans sa voie, je sais que c'est de par sa

volonté, pour me faire rester dans son plan plutôt que dans celui du monde.

Comment savoir si je suis dans sa voie ? Si je refuse le mal, j'y suis. Tandis que

la voie du monde est celle qui louvoie avec le mal.

Aux yeux de Dieu, les moyens, le chemin pour arriver, sont de valeur égale au

but, et indissociablement liés. Si les moyens que j'emploie ne sont pas nets, si le

chemin n'est pas clair, je n'arriverai pas à Dieu. Si mon chemin est dans la lumière, si

mes moyens ne sont pas dissimulés, je suis déjà arrivé(e) à Dieu, tout en continuant à

avancer vers lui.

Lors de son ascension lors du Voyage nocturne, racontée par Ibn Abbas, quand

le Prophète, paix et prière sur lui, rencontra l'ange de la mort, il constata que « le bas

monde deviendrait pour lui comme une pièce de monnaie entre les mains de

quelqu'un ».

Le bas monde, voué à l'argent, ne vaut pas plus qu'une pièce de monnaie dans

les mains d'un homme. Le bas monde réduit notre planète à une pièce de monnaie. Le

bas monde n'est qu'une pièce de monnaie entre les mains de l'ange de la mort.

Élevons-nous dans la vie.

« Vois-tu à quoi le Seigneur compare, à titre d’exemple, la bonne parole? C’est

à un bel arbre dont les racines se fixent solidement dans le sol et dont la ramure

s’élance vers le ciel, / en produisant, par la grâce de son Seigneur, des fruits à chaque

instant. Dieu propose ainsi des paraboles aux hommes pour les amener à réfléchir. »

Sourate d'Abraham (14, 24-25)

Les racines sont les saintes Écritures.

Le tronc est l'unicité de Dieu - et de l'homme (chaque homme est unique et tout

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être humain est égal à tout être humain).

La ramure, les branches, sont les pensées, les religions, les spiritualités venues

de cette unicité, qui est universalité.

Les feuilles, les fruits, qui toujours se renouvellent, sont les réflexions nées de

l'arbre, grâce à la sève montée des racines par le tronc et les branches.

Un être humain qui ne réfléchit pas est un arbre qui ne produit ni feuillage ni

fruits. Une pensée, une religion dont les fidèles ne réfléchissent pas toujours de

nouveau, sont des branches mortes.

Les racines nous ancrent dans la terre, dans le réel. Mais c'est du ciel qu'elles

viennent, qu'elles sont. Avoir des racines, c'est être du ciel, du monde de Dieu, du

monde de la vie, de l'amour et de la pensée.

« Dans les jardins arrosés d'eaux vives » (Coran 14, 23)

La Bible a été traduite de l'hébreu en grec par soixante-douze traducteurs en 270

avant J-C, ce fut la Septante. Au début du Ve siècle, saint Jérôme la traduisit de

l'hébreu au latin, ce fut la Vulgate. Au IXe siècle, Cyrille et Méthode la traduisirent

en langue slave. Ainsi fut-elle universalisée.

Le Coran est aujourd'hui traduit en de nombreuses langues, mais tout musulman

est vivement encouragé à apprendre l'arabe, afin de saisir mieux le sens complexe de

la langue, que les traductions ne peuvent rendre. Pour ma part, je suis seulement

capable d'en déchiffrer les mots pour aller les chercher dans le dictionnaire, quand je

désire un éclaircissement. J'aime les langues et je pourrais apprendre l'arabe, d'autant

que l'arabe coranique est splendide. J'y viendrai si Dieu le veut, mais pour le moment

il m'importe de continuer à lire le Coran avec ce bagage minuscule, et donc pour

l'essentiel en traduction. Parce que pour le moment, il m'intéresse de contribuer à

l'universalisation du Coran par son exégèse à partir de la lecture que peuvent en faire

des musulmans non spécialistes de la langue coranique, à savoir la plupart des

musulmans, et notamment des musulmans de fraîche date. Et aussi des non-

musulmans. De même que la Bible, le Coran est un trésor pour toute l'humanité, qui

doit être plus universellement connu et compris. Cette perspective de travail est déjà

en elle-même un paradis sans fin.

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Que ce soit à l’intérieur de chaque religion ou entre les religions, réaliser la

communion n’est pas abolir la diversité. Dieu a voulu la diversité comme Il veut la

communion, il suffit de contempler sa Création pour le comprendre. Vouloir

uniformiser Sa création et Ses créatures reviendrait à vouloir les conduire à la mort.

Simplement, il faut que chaque expression de la diversité qu’Il a voulue cherche son

accomplissement heureux et apaisé. Alors la communion sera en même temps

accomplie. Chercher son accomplissement n’est pas rejeter l’autre, le différent, mais

admettre que Dieu nous fait voyager avec lui, qui est différent, justement pour que

nous ne nous croyions pas les rois absolus du monde, et pour que nous apprenions à

former une communauté aux couleurs variées comme les fleurs au printemps dans les

prés, chacune selon son espèce, tendant leur beauté particulière pour louer ensemble

leur unique Créateur.

Qui peut changer l’eau en neige, sinon Celui qui a créé l’eau ? Pour nous

donner l’ivresse de la douce danse blanche.

Après la mort, c'est dès aujourd'hui que cela se passe. Après la mort dans l'âme,

la joie de la lumière.

Le monde est menteur, il est mort et il prône le mensonge et la mort. Le monde

fait souffrir ceux qui ont foi en la Vérité, mais ce sont eux qui sont sauvés, tout de

suite et jour après jour. Eux qui ont le cœur vivant, eux qui sont vivants.

Qui peut entrer au paradis, sinon ceux qui l'ont dans le cœur ? Le paradis,

malgré le mal commis par les menteurs, les mauvais, les aveugles, nous le vivons

dans l'amour et la vérité, tout au long de notre vie.

On ne rachète pas un mal par un autre mal. L'histoire finit toujours par le faire

payer.

Toutes ces eaux qui ont enflé, c'est à la fois la mauvaiseté du monde

et la peine de Noé,

toutes les larmes de son corps.

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Les eaux de la parole de Dieu déferlent

pour forcer le barrage du monde

pour forcer les hommes à changer de regard,

à laver leur regard avant qu'il ne soit trop tard.

Je ne suis pas prude, si certaines femmes aiment à se maquiller comme des

camions volés, c'est leur affaire. Seulement il ne faut pas mentir. Celles qui

augmentent encore ce signal sexuel en mettant autour de leurs yeux lourdement

charbonneux un hijab ou même un niqab, et prétendent être ainsi pudiques et

soumises à Dieu, se moquent de Dieu, d'elles-mêmes et des autres. Elles insultent la

vérité, ce qui est bien pire que de manquer à la pudeur. Dieu n'a rien contre la beauté,

bien au contraire, ni contre le fait de se mettre en beauté (il est même recommandé de

le faire, aux hommes comme aux femmes, pour aller à la mosquée le vendredi), mais

à condition que cela soit fait de façon honnête, sans chercher à tromper Dieu, à ruser

en essayant de faire croire, et de se faire croire à soi-même, qu'on cherche à s'effacer,

alors qu'on cherche au contraire à se mettre en valeur.

Qu'est-ce que l'homme ? Le face-à-face avec Dieu.

Le musulman voit Dieu partout, quoiqu’il fasse et où qu’il se tourne, parce que

le musulman, comme le moine, est l’homme tout en Dieu.

Les religions sont des voies pour aller à Dieu, nous devons savoir les prendre

mais ce ne sont pas les religions que nous devons adorer, que nous devons défendre

comme si elles étaient Dieu.

C'est Dieu seul.

Qu'est-ce que le puits du Ghayb, l’Invisible ? Qu'est-ce que la baleine où

disparaît Jonas ? En arabe comme en hébreu, dans la langue du Coran comme dans

celle de la Bible, le mot qui dit que Dieu est « miséricordieux » vient du mot

« matrice ».

Dieu, bien sûr, possède tout autant les attributs de la féminité que ceux de la

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virilité. Et bien davantage que cela encore.

Nous avons été créés pour la joie ! Et quand nous nous détournons de la joie

que Dieu nous donne, continûment et gratuitement, quand nous cherchons à nous

donner de la joie avec maints artifices, la joie s'ennuie et s'en va.

La parole de Dieu résonne à l'infini, crève les murs et agit par elle-même.

Les hommes sont pressés de mettre à distance la difficile parole pour se reposer

dans l'action dont ils espèrent satisfaction. Mais les hommes ne font aucune œuvre

durable qui ne vienne de la parole de Dieu. Aucune œuvre valable qui ne vienne

d'une profonde conversion spirituelle.

La parole de Dieu ne peut être reçue superficiellement ni traitée

expéditivement. Il faut être patient.

Le temps de Dieu n'est pas celui des hommes. L'instantané et l'éternel y sont

unis.

La parole de Dieu agit instantanément et pour toujours, mais comme les

hommes sont beaucoup moins puissants donc beaucoup plus lents, il leur faut du

temps pour s'accommoder à l'instantanéité de la Parole qui les frappe comme la

foudre.

De même que les yeux doivent s'accommoder aux changements de lumière et

de perspective. Les hommes qui suivront le chemin de la Parole arriveront avec elle

où Dieu les attend.

La vie de l'homme monte vers Dieu au cours d'un temps comparable à un

sablier inversé. Le sable de son temps part du sol où il est né, pour s'élever.

À mesure que le temps s'écoule ainsi vers le haut, ce que l'homme a vécu se

met en réserve dans la seconde partie du sablier, celle de l'au-delà. À l'heure de sa

mort, il ne reste plus rien en bas.

Viendra le moment où ce qui a été mis en réserve sera pesé. Dieu seul sait si,

alors, le contenu du sablier sera jeté dans quelque abîme, ou libéré dans l'infini avec

les étoiles.

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Ou bien le sablier peut être vu ainsi : l’être humain est un sablier ouvert en

haut. Le sable, qui est du temps, lui vient d’en haut. Peu à peu il remplit sa partie

inférieure, c’est le temps de la vie terrestre. Qui se réduit à mesure que l’être avance

dans la vie adulte, la vie qui s’accélère. Vient un moment où l’être atteint le goulot

d’étranglement après lequel il est prêt de finir de s’ensabler sous le poids d’un temps

subi et/ou exploité, rentabilisé.

Pour l’être spirituel, qui a accueilli cette manne, le temps du ciel, en se vidant

constamment par la respiration pour mieux le recevoir, le sable du temps est un

poudroiement d’or qui danse dans la rencontre du souffle d’en-bas et du souffle d’en-

haut, si bien que le goulot d’étranglement du sablier est pour lui porte étroite par

laquelle il passe, en s’élevant, dans l’autre monde, le ciel, l’éternité. (Où nous voyons

pourquoi il est si difficile à un exploiteur, un rentabilisateur, de passer par cette

gorge).

Dieu est simultanément à tous les instants du temps, dans l’éternité, et dans le

mouvement vertical du temps. Et plus il monte dans le temps, plus il se déploie, plus

il devient grand, et plus il devient petit, poudroyé.

La prière islamique, en nous faisant invoquer, 17 fois par jour, le « Seigneur des

mondes », nous incite à explorer les mondes qui sont en nous.

Incitation à une fantastique aventure.

Lorsqu'un enfant naît, nous ne savons pas qui il est.

Lorsqu'un homme meurt, nous savons un peu mieux qui était cet être né un jour,

comme chacun de nous, étranger.

Saint François d'Assise est allé voir le sultan Malik al-Kamil à Damiette, en

Égypte, en 1219. Alors que la guerre des croisades faisait rage, le sultan l'a reçu

courtoisement, François a passé quelques jours chez lui, ils ont parlé avec respect et

intérêt l'un pour l'autre, de leur foi réciproque. En 1225, François a écrit son fameux

Cantique des créatures, qui me rappelle le début de la sourate Les Abeilles. A-t-il été

inspiré par le Coran ? Nulle prière chrétienne de ce genre n'avait été écrite

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auparavant. Voici les deux textes, d'abord des versets de la sourate Les Abeilles, puis

le Cantique des Créatures.

Du Coran :

« [1] L’ordre de Dieu s’accomplira. Ne cherchez pas à en précipiter

l’avènement ! Gloire à Dieu ! Il est infiniment au-dessus de ce qu’on peut Lui

associer ! (…) [10] C’est Lui qui, du ciel, vous envoie de l’eau dont vous faites votre

boisson et qui fait croître des pâturages pour vos troupeaux. [11] Grâce à cette eau, Il

fait encore pousser les céréales, les oliviers, les palmiers, les vignes et toutes sortes

d’arbres fruitiers. C’est là, en vérité, un signe pour ceux qui savent réfléchir ! [12] Il

a mis aussi à votre service la nuit et le jour, le Soleil et la Lune. Et les étoiles sont

aussi soumises à Son ordre. Que de signes à méditer pour ceux qui savent réfléchir

! [13] Et les multiples choses aux couleurs si variées que Dieu a répandues pour vous

sur la Terre, ne sont-elles pas un autre signe pour des gens qui raisonnent?

[14] C’est Lui qui a mis à votre service la mer dont vous tirez une chair fraîche pour

vous en nourrir et de beaux joyaux pour votre parure. Et l’on voit aussi les vaisseaux

y fendre les flots pour vous permettre d’aller à la recherche des bienfaits du Seigneur.

Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants? [15] Il a implanté des montagnes dans la

terre pour l’empêcher de vaciller sous vos pieds, de même qu’Il y a créé des rivières

et des sentiers pour que vous puissiez vous guider. [16] Il a établi d’autres points de

repère, dont les étoiles qui permettent aux hommes de se diriger. (…) [28] Et c’est

ainsi que ceux à qui les anges auront ôté la vie, alors qu’ils étaient encore en état

d’injustice envers eux-mêmes, se soumettront, en disant : «Nous ne faisions aucun

mal !» – «Mais si !, leur sera-t-il dit. Dieu sait parfaitement ce que vous faisiez. [29]

Franchissez donc les portes de l’Enfer qui constituera votre demeure éternelle !»

Combien est lugubre la demeure des arrogants ! [30] Et à ceux qui auront craint Dieu

il sera demandé : «Qu’a révélé votre Seigneur?» – «Un bienfait !», répondront-ils.

C’est ainsi que ceux qui font le bien auront une belle récompense ici-bas, mais leur

récompense dans la dernière demeure sera bien meilleure. Quel excellent séjour sera

celui de ceux qui craignent le Seigneur ! [31] Et c’est aux jardins d’Éden, sous

lesquels coulent des rivières, qu’ils auront accès, et c’est là où tous leurs désirs seront

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satisfaits, car c’est ainsi que Dieu récompense ceux qui Le craignent, [32] et

auxquels les anges de la mort, quand ils viendront les cueillir en état de pureté, diront

: « Que la paix soit avec vous ! Entrez au Paradis en récompense des bonnes actions

que vous avez accomplies ! »

Et de François d’Assise :

« Très haut, tout puissant et bon Seigneur,

À toi louange, gloire, honneur,

Et toute bénédiction ;

à toi seul ils conviennent, ô Très Haut,

Et nul homme n'est digne de te nommer.

Loué sois tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,

spécialement messire frère Soleil,

par qui tu nous donnes le jour, la lumière :

il est beau, rayonnant d'une grande splendeur,

et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole.

Loué sois tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles :

dans le ciel tu les as formées,

claires, précieuses et belles.

Loué sois tu, mon Seigneur, pour frère Vent,

et pour l'air et pour les nuages,

pour l'azur calme et tous les temps :

grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.

Loué sois tu, mon Seigneur, pour sœur Eau qui est très utile

et très humble précieuse et chaste.

Loué sois tu, mon Seigneur, pour frère Feu

par qui tu éclaires la nuit :

il est beau et joyeux,

indomptable et fort.

Loué sois tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,

qui nous porte et nous nourrit,

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qui produit la diversité des fruits,

avec les fleurs diaprées et les herbes.

Loué sois tu, mon Seigneur, pour ceux

qui pardonnent par amour pour toi ;

qui supportent épreuves et maladies :

Heureux s'ils conservent la paix,

car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés.

Loué sois tu, mon Seigneur,

pour notre sœur la Mort corporelle,

à qui nul homme vivant ne peut échapper.

Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ;

heureux ceux qu'elle surprendra faisant ta volonté,

car la seconde mort ne pourra leur nuire

Louez et bénissez mon Seigneur,

rendez lui grâce et servez le

en toute humilité ! »

Tournons-nous vers le Miséricordieux, au ciel et en nous,

recevons nuit après nuit, jour après jour,

Sa miséricorde qui descend en nous

et nous fait

monter dans la Vie.

La splendeur de Dieu est souvent presque insoutenable.

Ouvrir le Coran, c'est se retrouver au centre d'un palais tout en escaliers de

quelques marches chacun (quelques versets), se juxtaposant et s'augmentant les uns

les autres dans toutes les directions. Des escaliers de la matière la plus précieuse, une

matière qui n'existe pas dans notre monde et pourtant nous constitue.

Il faut le lire en prenant beaucoup de temps de repos dans ses jardins, pour

pouvoir contempler et supporter sa profondeur et sa splendeur.

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Avoir connaissance des Écritures qui l'ont précédé aide beaucoup, à condition

de comprendre qu'il s'agit de deux langages différents, pour lesquels il faut adapter sa

lecture. À cette condition, les différentes Écritures peuvent s'éclairer les unes les

autres.

Chacun de nous, dans sa vie personnelle ou dans le cadre de l'existence

collective d'un peuple, peut avoir été victime, ou devenir victime, d'une

« Catastrophe » due à l'abus de ceux qui par iniquité détiennent la force.

Mais les oppresseurs mourront, et leurs suiveurs, s'ils demeurent dans leur voie

nihiliste, n'auront nul autre avenir que la mort, leur idole secrète. Tandis que nous et

notre descendance, en restant dans la voie de ceux qui n'essaient pas d'opprimer leurs

prochains, garderons la vie libre en profondeur et verrons fructifier notre amour,

Dieu avec nous.

Les hommes qui se tiennent face à Dieu, face à la vérité, les hommes debout,

les hommes qui se lèvent pour la vérité, y entraînent leur peuple et y entrent avec

lui. Devenons ces hommes !

Certains êtres humains sont des stratèges. Ils calculent leurs coups, ils ont des

plans en tête, ils masquent leurs projets. Cela leur donne une excitation, un

sentiment de puissance.

Ils oublient seulement qu'il est beaucoup plus puissant qu'eux : Dieu. Dieu voit

ce qu'ils font, mais eux ne voient pas qu'eux et leurs coups ne sont finalement que

des jouets dans les mains de Dieu, dont le plan est à la fois infiniment plus simple,

infiniment plus raffiné et infiniment meilleur que le leur.

« Peu s’en faut que les négateurs ne te foudroient du regard quand ils entendent

réciter le Coran. «C’est un vrai possédé !», disent-ils. / Or, ce Coran n’est qu’un

rappel qui s’adresse à tout l’Univers. » Sourate Le Calame, v. 51-52

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En vérité, nul homme ne peut foudroyer qui que ce soit ni quoi que ce soit avec

son regard. Nul homme n'a ce pouvoir, et nul objet non plus. Le mauvais œil n'est

qu'une superstition. La superstition est de l'idolâtrie, elle octroie du pouvoir à ce qui

n'en a pas.

On peut regarder une représentation d'œil autant qu'on voudra, cela ne nous fera

aucun mal. S'il s'ensuit un mal, il viendra de notre superstition : si nous croyons au

mal plutôt que de croire en Dieu, nous nous occasionnerons nous-mêmes du mal,

sans nous en rendre compte.

Le Prophète, paix et bénédiction sur lui, a brisé les idoles de la Kaaba parce que

les gens leur accordaient un pouvoir. Ils voulait leur dire qu'elles n'ont pas de

pouvoir. Qu'on ne peut pas croire à la fois au pouvoir d'une représentation et à celui

de Dieu. Il a parlé contre le fait de produire des représentations parce qu'il savait que

les gens de son peuple accordaient aux représentations un pouvoir qu'elles n'ont pas.

Après tant de siècles, son enseignement reste toujours incompris de beaucoup.

Soyons vigilants à ne pas sombrer dans la superstition. Nous sommes dans un monde

de représentations, il est indispensable de savoir qu'elles ne sont que ce qu'elles sont.

De ne pas y croire. De ne pas croire au discours publicitaire par exemple.

Il est indispensable de savoir au contraire « lire » les représentations, comme

nous devons savoir lire un texte. De ne pas les interpréter avec des œillères, mais

avec un regard ouvert et sans peur. La représentation d'un œil n'est pas forcément

celle d'un « mauvais œil ». Elle peut dire autre chose. Un œil réfléchit la lumière,

donc la vérité. Un dessin d'œil peut vouloir dire : réfléchis ! Cette peinture par

exemple s'intitule « Apocalypse ». Apocalypse signifie, en grec, Révélation. Le

temps de la Révélation est celui où la Vérité apparaît, dénuée de tout ce dont nous la

recouvrons, a-priori et superstitions.

Qui croit voir le diable dans la paix, se trompe forcément. La paix est de Dieu.

C'est en y voyant le diable, et en voulant l'y faire voir, qu'on porte atteinte à la paix.

Ce qui revient à blasphémer, Paix étant l'un des noms de Dieu.

Qui croit voir le diable dans la paix, et ainsi introduit la dissension, ferait bien

de se retourner et de se débarrasser de la petite queue qui est en train de lui pousser

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au derrière. Avant qu'elle ne devienne tragiquement trop encombrante.

La paix soit avec nous.

La patience est un immense bonheur, qui peut transformer toute épreuve en

grâce.

Et elle s'exerce aussi dans l'immense bonheur. Quand une femme est enceinte et

bienheureuse de l'être, elle doit aussi patienter avant la naissance de l'enfant. Mais ce

n'est pas une épreuve douloureuse, au contraire porter un enfant est une immense

aventure pleine de grâce.

Ainsi est notre vie toute entière, si nous la voyons bien.

Nous portons l'enfant que nous serons à la résurrection. Soyons vigilants, ne

faisons pas n'importe quoi, ne faisons rien qui pourrait compromettre sa santé ou

même sa vie, nous sommes responsables de cet enfant à naître.

Soyons bienheureux, nous avançons dans le temps vers son avènement.

J'ai eu longtemps sous les yeux, accrochée au mur tout près de là où je travaille,

une image de Jésus vénérée par les Hindous, image découpée dans un magazine des

années plus tôt. Son visage extrêmement doux était entouré d'une couronne de fleurs.

Comme d'autres dont j'ai encore le visage sous les yeux, à ma table – Van Gogh,

Nijinski... -, il m'accompagnait depuis là, nous étions copains. Être copains, au fond,

c'est ça, la religion. Copains signifiant : partager le même pain. Comme tout homme

de bonne volonté, je partage mon pain avec les êtres humains, quelle que soient leur

culture, leurs traditions, leur philosophie ou leur foi, avec les athées, avec les

chrétiens, avec les musulmans pour qui Jésus compte beaucoup aussi, avec les

hindous pour qui il est une représentation de l'au-delà parmi d'autres, avec tout le

monde. Islam signifie paix, et la paix est aussi le but de toutes les religions, de toutes

les spiritualités. Partager le pain les uns avec les autres, c'est être en paix.

Dieu seul sait quelles sont les limites de chacun. Nos limites, nous ne les

connaissons pas, et nous ne connaissons pas non plus celles des autres. Croire le

contraire peut conduire à de fortes déconvenues, mais aussi malheureusement

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empêcher le plein déploiement de l'être. Seul Dieu connaît nos limites, comme seul

Dieu connaît l'heure de notre mort, et c'est pareillement heureux. Peut-être pouvons-

nous aller beaucoup plus loin que nous ne le pensons, ou que d'autres ne le pensent !

Le Pèlerin ne s'arrête jamais de marcher, et c'est ainsi qu'il dépasse la mort.

Apprenons aussi à nos enfants à réfléchir à partir du Coran. Comme le disait

Montaigne, une tête bien faite importe encore plus qu'une tête bien pleine. D'ailleurs

les enfants adorent réfléchir et le demandent, voyez toutes les questions qu'ils nous

posent. Il ne faut pas les couper de cette voie, la voie de Dieu, qu'ils ont

naturellement en eux. Car apprendre à réfléchir c'est apprendre à devenir libre, et

notamment à ne pas se laisser écraser par les pouvoirs. Le Coran le demande toujours

en nous rappelant qu'il donne "des signes pour ceux qui réfléchissent". N'est-ce pas

une façon de nous demander avec insistance de réfléchir, avant tout ? Quelqu'un qui

ferait autant d'effort pour l'ijtihad, la réflexion, que d'autres en font pour apprendre

par cœur le Coran, serait parmi les sauveurs du monde. Et chacun peut l'être, s'il est

guidé dans la bonne voie. À nous de voir où est la bonne voie, celle qui appelle nos

enfants et où nous devons les accompagner.

Nous sommes comme de l'or trouvé dans la rivière du monde. Laissons Dieu

nous passer au tamis.

En plein jour aussi, le ciel est plein d'étoiles, même si nous ne les voyons pas.

Elles sont là ! Innombrables !

Peut-être, si nous nous arrêtons un instant, dans notre travail ou quand nous

sommes en train de marcher dans la rue, n'importe,

peut-être alors pouvons-nous entendre leur bruissement si léger dans le ciel,

avec celui des anges.

Il ne faut pas croire que les corps ressusciteront à partir des cadavres. C'est

une image qui induit en erreur. Les corps ressusciteront à partir de leur vivant,

après qu'ils seront morts et enterrés ou incinérés ou mangés ou noyés ou

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décomposés par n'importe quelle voie.

En vérité cela se passe dès maintenant, dans une autre dimension. Où vous

êtes déjà en train de revivre, ou déjà en train de mourir.

Je ne parle pas là de faits psychologiques, même s'ils ont leur correspondance

dans la dimension de la psychologie. Je parle de faits réels et concrets.

Parler sans réfléchir, demander à autrui une réponse que l'on pourrait obtenir

en réfléchissant soi-même, c'est comme se bander les yeux devant un miroir,

refuser de voir ce qu'il réfléchit.

Réfléchir, c'est aussi être réfléchi par la lumière.

Réfléchir, c'est réfléchir avec amour, dans le respect de soi-même et d'autrui.

À la fin de notre vie, quand on nous fermera les yeux, c'est alors que nous ne

pourrons plus les fermer devant ce que notre esprit aura fait de nous, et qui sera

pesé par la Lumière.

Iei ! (en hébreu biblique)

Génèthéto ! (en grec biblique)

Fiat ! (en latin biblique)

Kun ! (en arabe coranique)

Il suffit que Dieu dise « Sois ! », pour que ce qu'il appelle soit.

Parmi les « religieux » de toutes religions, si nombreux sont ceux qui, au nom

de la religion, ou pire au nom de Dieu, ne travaillent qu'à aliéner l'homme et le

peuple, à les maintenir sous le couvercle, à leur couper la voie de la pensée, à les

repousser dans les jupes de la tradition figée, à les infantiliser pour qu'ils ne

deviennent jamais des adultes responsables et libres, libres de la vraie liberté, celle

qui œuvre au bien sans avoir à se soumettre aux pressions des dominants, qu'ils

soient religieux, politiques ou médiatiques.

C'est ainsi que ceux qui se font passer pour ennemis les uns des autres, en

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vérité, même s'ils n'en sont pas toujours conscients, sont alliés, de façon occulte,

contre l'homme et le peuple.

Plus nous nous imaginons que notre pureté et notre impureté se trouvent dans

notre apparence, plus nous avons de chances de négliger la pureté de notre cœur, et

de ne même pas nous rendre compte que l'impureté y pousse à son aise, comme la

mauvaise herbe dans un jardin négligé.

La pureté est un autre nom de la vérité.

L'apparence n'est que l'apparence.

Une apparence de vérité n'est pas la vérité.

Vouloir se donner l'apparence de la vérité, cela appartient à l'idolâtrie.

La vérité est invisible, puisqu'elle est Dieu.

Mieux vaut un ignorant doué de bonté qu'un savant sans scrupules.

Cherchons le savoir, c'est le propre de l'homme. La seule arme de l'homme,

c'est sa quête du savoir. Mais cherchons-le avec la conscience et le cœur bien

vivants, éveillés, vigilants,

afin que cette arme ne se retourne pas contre nous-mêmes et toute l'humanité,

mais nous serve à grandir et à faire grandir tout l'homme, tous les hommes.

Ce qui vient de Dieu survient de façon toujours étrange, qui laisse les hommes

stupéfaits ou choqués par ce qu'ils ne peuvent comprendre.

« L'islam a commencé comme quelque chose d'étrange et il redeviendra

comme quelque chose d'étrange,

Alors annoncez la bonne nouvelle aux étrangers... Ceux qui remettent droit ce

que les gens ont corrompu…» , dit un hadîth rapporté par Mouslim.

N'ayons pas peur de reconnaître ce qui nous paraît étrange ou surprenant,

n'ayons pas peur de reconnaître que nous sommes nous-mêmes

d'étranges étrangers en ce bas monde,

car c'est ainsi que nous remettons droit ce que les gens du monde ont

corrompu.

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Ce ne sont pas les Écritures qui sont violentes, c'est le mal que font les

hommes.

Les Écritures disent le mal, parce que si elles ne le disaient pas, il nous tuerait

tous.

Un jour, soudain, un nouvel être humain apparaît.

D'où viennent les bébés ? Du corps des hommes et des femmes, vraiment ?

Est-ce la matière qui les fabrique ? Bien sûr que non. Elle n'est que l'instrument de

Celui qui les fait.

Il suffit, pour le savoir, de les regarder dans les yeux.

Ne pas confondre religion et culture.

Ne pas confondre par exemple chrétiens et Européens, musulmans et Arabes.

Les personnes qui embrassent une religion ne sont pas obligées de se plier à la

culture dominante de cette religion (à sa façon de manger, de se vêtir... à ses

arts...). La tendance des cultures dominantes de chaque religion à s'imposer à leurs

coreligionnaires d'autres cultures, est en vérité contraire à la religion, et mauvais

pour la religion.

Ne pas se laisser dominer, ni par un pouvoir politique, ni par une culture.

À chaque peuple sa culture, et les religions seront bien gardées. Dieu nous a

voulus divers, et il est pour tous.

« Une devinette d'origine grecque dit : « Une clef de bois, une serrure d'eau ; le

lièvre passe à travers, le chien est pris au piège ». Une réponse moderne en est : le

seau et la mer. Mais, à l'origine, c'était à la Mer Rouge qu'il était fait allusion,

Moïse étant le lièvre et Pharaon le chien. » Ananda K. Coomaraswamy, La Porte

du ciel

Qui passe la porte pour la vie ? Celui qui sait en trouver l'ouverture : Al Fatiha,

L'ouvrante, et toute parole qui ouvre nos cœurs pour la prière.

Seigneur, que nos esprits s'ouvrent à la vie en plénitude !

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J’aime faire les ablutions à l’eau froide, de façon légère et avec peu d’eau ; la

fraîcheur réveille la peau et l’esprit avant la prière, et le filet d’eau transporte dans

l’économie du désert. Depuis que je me lave les narines en inspirant l’eau selon la

règle, je ne suis plus jamais enrhumée – et c’est bon aussi de sentir l’air traverser

le nez comme de purs couloirs entre les montagnes.

J’aime prononcer avec soin la prière, plus je le fais plus j’entre profondément

dans le paysage des mots. C’est un voyage, chaque fois neuf. Lorsque les dernières

rekâas peuvent se dire à voix basse, je les dis seulement intérieurement, c’est

encore une autre profondeur, plus intime. Je balance légèrement mon corps en

rythme. Lors de l’inclinaison, en disant (en arabe) « gloire à mon Seigneur

l’immense», je me représente bien l’espace autour de moi comme un cosmos, dans

sa dimension surtout horizontale, et je sens ses ondes. Lors de la prosternation, en

disant « gloire à mon Seigneur le très haut », je me le représente dans sa

verticalité, descendant sur ma tête qui est au plus bas et où le sang afflue, et je sens

Sa transcendance. La deuxième prosternation de chaque rekâa, je la prolonge

autant que Dieu le veut, dans le dialogue silencieux avec Lui.

En me relevant de l’inclinaison, en disant « Dieu entend celui qui le loue » je

sens comme le dit Ibn ‘Arabi que c’est de par Son autorité que je le dis ; et cela me

remplit de joie, de foi, d’humilité, et aussi de sa force que je reçois. Puis je tiens

particulièrement à dire le répons : « Notre Seigneur, à Toi la louange ! », parce

qu’il faut dire « Rabbana », ce qui me remplit de tendresse en me rappelant qu’un

jour au petit matin, j’appelai le Christ tout juste ressuscité « Rabbouni ». J’aime

beaucoup aussi le moment où l’on salue le Prophète, cela m’attendrit, me rend très

proche de lui, comme s’il était mon frère. Et je suis très touchée aussi chaque fois

qu’on en vient à évoquer Abraham, lui dont j’ai appris à être si proche aussi en

traduisant sa longue aventure humaine dans la Bible.

Je sens que je souris jusqu’aux oreilles pendant toute la prière, que je demande

ou que je m’abandonne – mais demande et abandon y sont toujours intimement

mêlés. Dieu est réellement présent, et les anges aussi, et chacun de mes enfants et

de mes proches, et les hommes du monde entier, réellement. Aux salutations

finales, d’un côté puis de l’autre et en tournant la tête, je sens que c’est eux tous

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vraiment que je salue, avec un immense amour et une immense joie. Chaque prière

donne une paix divine, et chaque journée de prière, l’une après l’autre, augmente

la paix, qui devient comme une forteresse de cristal contre le mal.

Quelquefois je vais à la mosquée pour la prière de l’après-midi, et j’y vais pour

la grande prière du vendredi. Et puis je prie aussi autrement, comme je le faisais

avant d’être musulmane, parfois comme je le faisais en chrétienne et le plus

souvent comme je le faisais avant d’être chrétienne, dans ma relation directe à

Dieu. Cela bien sûr ne concerne que moi, c’est mon histoire et mon chemin comme

chacun a le sien, le mien est un peu particulier et je ne le donne pas en exemple

mais il me semble bon d’en témoigner. Car c’est dire que cela ne serait pas possible

si Dieu n’était pas le plus grand, vraiment. Bien plus grand que tous nos petits

cadres humains.

« C'est Lui qui prie sur vous ainsi que Ses Anges, afin de vous faire sortir des

ténèbres à la Lumière. » Coran 33, 43

À la fin, après avoir salué des deux côtés, encore accompagnée des foules

d'anges et d'hommes, dans leur murmure de joie, mes mains s'avancent en coupe,

radieuse et bienheureuse, les yeux fermés, la lumière au corps, je sens mes paumes

se remplir de pétales de roses.

Il n'est rien que la prière ne sache réduire à néant.

Qui peut changer le feu en soleil, sinon Celui qui a créé le feu ?

« Le vertige de la mort vient avec le Vrai ». (Coran 50, 19)

« Revêtez l'armure de Dieu ». (Éphésiens 6, 11)

Avant de construire un igloo, il faut avoir connu la neige dans ses chaussures,

disent les hommes du Pôle Nord.

Avant de construire une relation, il faut avoir laissé la Pureté entrer dans notre

cœur.

L'être que nous aimons, nous ne lui donnons pas seulement notre corps, nous

lui donnons même notre ombre.

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L'amour est toujours neuf, étonnant comme s'il venait de naître.

Oum Al-Kitab, l'archétype initial du Coran incréé, repose en Dieu,

et en puissance, dans tout cœur pur.

Le pèlerinage est le geste des chercheurs de Dieu. Même s'il n'est réalisé

qu'une fois, le pèlerinage est par essence un geste acharné. Celui qui a perçu Dieu

une fois n'a de cesse de retourner à lui. Le chercheur de Dieu (un autre nom de

l'homme quand il n'est pas endormi) est toute sa vie, continuellement, en marche,

sur le départ, en chemin, sur le point d'arriver, à l'arrivée, sur le chemin du retour,

et de nouveau en train de repartir, vers Celui qu'il cherche et qui l'appelle.

La pensée est un pèlerinage.

En arabe la racine KFR, qui indique la mécréance, signifie d’abord : « couvrir

quelque chose, cacher, oublier, renier ».

Le mot grec aléthéia, « vérité », signifie littéralement dé-oublié, dé-caché.

La mécréance est l'oubli ou l'occultation de la vérité. La mécréance est la mort

de l'esprit.

Et en slave le mot vera, issu de la racine indo-européenne qui nous a donné le

mot vérité, signifie « foi ».

« Et je vis un ange puissant, invoquant à voix haute : « Qui est digne d’ouvrir

le livre et de délier ses sceaux ? » / Et nul n’avait le pouvoir, ni dans le ciel ni sur la

terre ni sous la terre, d’ouvrir le livre ni de le voir. » Apocalypse 5, 2-3

Le Noble Coran est encore aux yeux de notre pauvre intelligence lié de ces

sceaux. Mais en cheminant tout doucement vers le mystère, peut-être

l'apprivoiserons-nous assez pour, l'Heure venue, pouvoir l'approcher et l'ouvrir

noblement.

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Les vrais jardins de Dieu, les seuls qui soient parfaitement ordonnés même si

nous ne saisissons pas leur ordre, ce sont les forêts sauvages.

L'Éden biblique est une forêt sauvage.

Le ciel nocturne est une forêt sauvage.

Le Coran est une forêt sauvage.

Que notre cœur soit boussole, notre regard télescope.

Pour savoir si les ténèbres gagnent en vous-mêmes, regardez les corps et

demandez-vous ce qu’est la beauté, et ce qu’est une âme.

Dieu à travers ses versets nous montre la voie à suivre. Voici la voie royale,

exprimée dans le fameux et splendide « verset du Trône » (Coran 2, 255) :

"Dieu ! Point de divinité à part Lui, le Vivant, Celui qui subsiste par lui-

même «Al-Qayyūm». Ni somnolence ni sommeil ne Le saisissent. A Lui

appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Qui peut intercéder auprès

de Lui sans Sa permission? Il connaît leur passé et leur futur. Et, de Sa science,

ils n’embrassent que ce qu’Il veut. Son Trône «Kursiy» déborde les cieux et la

terre, dont la garde ne Lui coûte aucune peine. Et Il est le Très Haut, le Très

Grand. "

De la racine qwm, Al-Qayyūm a pour connotations :

le fait de se lever, de monter, d'être suprêmement haut, d'exister ;

le fait d'être le commencement, de commencer ;

le fait de poser, de définir, de fonder, d'assurer la construction ;

le fait d'entreprendre, de réaliser, de gérer.

En contemplant la gloire de Dieu, l'homme est appelé à lui-même

se lever,

inaugurer,

construire,

gérer

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en assumant, c'est-à-dire en obéissant à Dieu, en agissant dans la vérité.

Toutes choses qui s'entendent dans son nom ici révélé Al-Qayyūm. Splendeur fatale du Coran.

Le lire et mourir.

Le relire et ressusciter.

Le temps est venu de le relire.

Trouver, en allant de son cœur à son cœur, le secret de son sens.

Voici que je le trouve, éblouissant de simplicité ; ce qui éblouit aveugle ;

mais même les trous noirs ne peuvent retenir toute lumière, et la voici qui revient,

épurée, salvatrice.

Dieu donne et Dieu reprend. Sachons accueillir ce qu'il donne au moment où

il l'offre, tant qu'il est temps.

Sachons l'accueillir sans conditions. Car ce n'est pas nous qui avons le

pouvoir de décider des conditions dans lesquelles nous voulons recevoir le don de

Dieu. Lui seul décide des conditions, car il sait mieux.

Et ne peuvent recevoir de Lui que ceux qui acceptent son don sans vouloir y

mettre leurs conditions.

Le diable est malin, c'est d'ailleurs un autre de ses noms, et les mensonges

qui arrangent tout le monde sont tellement plus faciles et agréables à croire que la

vérité. Heureusement j'aime bien le pain sec. J'ai d'autres nourritures, à

commencer par la lumière du jour.

Pourquoi les pèlerins tournent-ils autour de la Kaaba dans le sens inverse des

aiguilles d'une montre ?

Parce qu'ils vont à la rencontre de Celui qui fait tourner le monde dans le

sens des aiguilles d'une montre.

Ils remontent à la source.

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L'homme le plus grand du monde a un sourire d'enfant.

Les hommes les plus grands sont les plus petits.

Petits comme les étoiles, qui scintillent doucement.

La vie moderne dévore le temps.

Le jeûne et l'esprit du jeûne allongent le temps.

Plus vous êtes intimement ami avec le temps allongé, plus vous êtes

facilement propulsé près de Dieu.

Beaucoup d' « hommes de Dieu » sont en fait des hommes du monde. Ils se

font passer pour des hommes de Dieu, y compris à leurs propres yeux, parce

qu'ils font carrière dans les affaires de Dieu, d'une façon ou d'une autre, dans un

domaine ou un autre. Ils appartiennent au monde mais ils ne le savent pas, parce

qu'ils ne savent pas être autrement.

Les vrais hommes de Dieu savent que Dieu seul gère ses affaires.

Si ce n'est nous-même, notre autre en nous est bien peu de chose.

Le premier Ramadan ne fut-il pas l'ascèse auquel Dieu soumit les Hébreux

au désert ? Un jeûne long de quarante ans, où chacun dut cueillir à chaque aurore

sa part de manne pour un jour, et rien de plus. Et c'est ainsi qu'ils apprirent ce que

c'est que de vivre.

Ramadhan, nom du mois « au cours duquel le Coran a été révélé » (Coran

2,185), est un mot qui signifie : « Sable brûlé par l'action prolongée du soleil, et

luisant. » Le Coran brûle et rend lumineux le sable du temps.

La parole de Dieu brûle le sable qui, avec le temps, enterre notre cœur,

bouche nos oreilles, abîme nos yeux. Jeûner de nourritures terrestres pour se

nourrir de pain céleste ouvre en nous un passage pour la lumière.

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« [183] Ô croyants ! Le jeûne vous est prescrit comme il a été prescrit aux

peuples qui vous ont précédés, afin que vous manifestiez votre piété. [184] Ce

jeûne devra être observé pendant un nombre de jours bien déterminé. Celui

d’entre vous qui, malade ou en voyage, aura été empêché de l’observer devra

jeûner plus tard un nombre de jours équivalant à celui des jours de rupture. Mais

ceux qui ne peuvent le supporter qu’avec grande difficulté devront assumer, à

titre de compensation, la nourriture d’un pauvre pour chaque jour de jeûne non

observé. Le mérite de celui qui en nourrira davantage ne sera que plus grand.

Mais savez-vous qu’il est préférable pour vous de jeûner? [185] Le mois de

Ramadan est celui au cours duquel le Coran a été révélé pour guider les hommes

dans la bonne direction et leur permettre de distinguer la Vérité de l’erreur.

Quiconque parmi vous aura pris connaissance de ce mois devra commencer le

jeûne. Celui d’entre vous qui, malade ou en voyage, aura été empêché de le faire

devra jeûner plus tard un nombre de jours égal à celui des jours de jeûne non

observés. Dieu tient ainsi à vous faciliter l’accomplissement de vos devoirs

religieux et non à vous le rendre difficile. Achevez donc la période du jeûne et

louez Dieu pour vous avoir guidés, afin de Lui prouver votre reconnaissance. »

Sourate 2, Al-Baqara, La Vache

J'admire la libéralité de Dieu. Il demande ce qui est difficile, mais en voulant

nous le rendre facile. Il ne donne pas de consigne stricte, il montre sa souplesse, il

nous invite sur la voie de la souplesse. Que ceux qui sont empêchés de jeûner

pour une raison ou une autre sachent qu'ils peuvent se rattraper d'une façon ou

d'une autre, par un acte de générosité ou en jeûnant à un autre moment. Que ceux

qui ne peuvent jeûner ou trouvent cela trop difficile, sachent qu'ils peuvent s'en

dédouaner par la charité, mais réfléchissent au fait que le jeûne est préférable,

pour leur bien.

Et pourquoi ? Parce que ce qui est difficile est ce qui nous fait avancer.

L'étude, le partage, le fait de se libérer des satisfactions immédiates. Mais si nous

abordons ce qui est difficile avec la grâce de Dieu, alors ce qui est difficile

devient facile. Devient la voie royale sur laquelle chacun de nous est appelé à

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avancer, seul, responsable et digne, pour et avec tous. Il n'est de « là-haut » que

pour qui est déjà fermement établi « ici-bas » et en chemin.

Tradition sans raison n'est que superstition.

« Tu verras les montagnes, que tu crois solidement fixées, marcher comme

marchent les nuages. Ce sera l'ouvrage de Dieu, qui dispose artistement toutes

choses. Il est instruit de toutes vos actions. » (Coran 27, 88, trad. Kasimirski –

v.90 dans sa traduction)

Les Saintes Écritures, que dans notre lecture traditionnelle nous croyons

solidement fixées, se mettront en marche, aussi légères et vives que les nuages

dans le vent.

Pour remettre les hommes en marche, à leur suite.

Si vous jeûnez, si vous priez, et que vous ne sentez pas s'ouvrir les yeux de

votre cœur et de votre esprit, de votre intelligence, alors vous jeûnez et priez pour

rien, parce que vous oubliez le but, qui est de chercher la lumière, la progression

dans la vision de l'homme et du monde, dans la vision de la vérité, de Dieu.

Des prêtres, ou dans d'autres traditions des règlements religieux, prétendent

pouvoir nous obtenir le pardon de Dieu. C'est ainsi qu'ils s'aliènent les hommes,

les déresponsabilisent, les maintiennent dans l'éternel retour du péché, dans le

cercle vicieux du péché et de la quête de l'effacement des péchés, qui donne leur

pouvoir aux institutions religieuses. Alors qu'en vérité elles ne disposent

nullement du pardon de Dieu. Ni les confessions, ni les actes de piété ou

d'expiation, ni les jeûnes ni les pèlerinages ne peuvent nous garantir le pardon de

Dieu. Le pardon de Dieu appartient à Dieu seul. Comme il est dit dans le Coran,

il pardonne à qui il veut. Le Coran dit aussi que tous les péchés sont

pardonnables, sauf celui qui consiste à donner un ou des associés à Dieu. Jésus

dans l'Évangile dit que tous les péchés sont pardonnables, sauf le péché contre

l'Esprit – ce qui revient au même. Quoique nous nous imaginions souvent le

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contraire, nous ignorons la plupart du temps quand nous nous rendons coupables

de péché d'association ou de péché contre l'Esprit – Esprit étant l'un des noms de

Dieu.

Les Écritures sont là pour nous préserver, mais elles sont souvent mal

comprises et mal interprétées. Ceux parmi les chrétiens qui pensent pouvoir

remplacer Dieu par tel ou tel homme et croient au dogme de la Trinité comme s'il

était Dieu lui-même et non pas une formule de théologie écrite par des hommes,

de même que ceux parmi les musulmans qui croient en la sunna ou en la sharia

comme si elles étaient Dieu lui-même et non des corpus de règlements et de lois

écrits par des hommes, commettent pareillement ce péché contre l'Esprit, ou

péché d'association. Mais il y a une infinité d'autres façons de le commettre, ce

péché le plus mortel.

Il nous faut accepter de vivre avec cette vérité, et cesser d'espérer en Dieu de

façon intéressée. Il nous faut Le chercher, chercher la vérité, chercher la lumière,

c'est tout. Qui le cherche, le trouve. Et continue donc à le chercher, pour

continuer à le trouver. Cela suffit. Nos péchés contre l'Esprit ne seront

certainement pas pardonnés, mais le temps de Dieu n'est pas le nôtre, et il se peut

qu'en avançant vers lui, vers la lumière, la connaissance, et donc en apprenant à

ne plus pécher contre l'Esprit, ce que nous aurons vécu sans ce péché majeur soit

sauvé.

« Avant eux, le peuple de Nûh niait,

et les partisans, après eux.

Toutes les matries complotent

contre leurs envoyés, pour les arrêter,

se quereller avec eux d’inanités,

et tronquer la vérité à leur encontre...

Je l’ai saisi...

Quel fut alors mon châtiment !... »

Coran, 40, 5 (trad. André Chouraqui)

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Oummatin, pluriel de oumma, est ici judicieusement traduit par matries.

Toutes les matries essaient de neutraliser ceux que Dieu leur envoie. Pourquoi ?

Les matries sont les communautés, les institutions, les coalitions d'hommes basés

sur la chair (au sens paulinien du terme : sur le monde), les forces fixistes de la

tradition, qui veulent ramener l'électron libre dans leur giron. Le rasoul, le

messager, l'envoyé, porte à même son appellation l'idée de douceur et de lenteur,

mais aussi et d'abord de déplacement, idée aussitôt suivie de celle d'allaitement.

Les matries veulent allaiter elles-mêmes les hommes, tout en les conservant

chez elles. Le messager vient chercher les hommes, les inciter à se déplacer

spirituellement, tout en leur offrant une autre nourriture, venue d'ailleurs, venue de

Dieu. Les matries ont tendance à enterrer les hommes, les envoyés les tirent vers le

ciel.

La Loi est le cordon ombilical qui nous relie à Dieu.

À l'Heure venue, il est coupé, nous nous retrouvons face à lui, seuls,

accomplis.

L'Heure vient pour chacun à son heure, et viendra pour toute l'humanité à

l'heure que Dieu seul sait.

« N’est-ce pas Lui qui a fait de la terre un lieu de séjour, qui l’a sillonnée de

rivières, qui y a fixé des montagnes et qui a établi entre les eaux douces et les eaux

salées une barrière? Y a-t-il donc une autre divinité avec Dieu? Non, bien sûr !

Mais la plupart de ces gens-là vivent dans l’ignorance. » Coran 27, 61

Si les hommes ne s'étaient pas toujours donné à eux-mêmes l'autorisation de

se soumettre à la « nécessité » du mal pour faire « le bien », le monde ne serait pas

au bord du gouffre. Toute œuvre qui continue à accepter le faux raisonnement qui

consiste à justifier des moyens indignes par une fin voulue digne, ne fait que

contribuer à le faire avancer vers la limite fatale. Toute œuvre qui refuse ce faux

raisonnement, tout raisonnement qui refuse de justifier les moyens par la fin, toute

conscience qui voit clairement la ligne de distinction entre le bien et le mal, qui voit

que les eaux du bien ne peuvent couler dans celles du mal, sait que ces dernières

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noieront tout ce qui, fût-ce au nom du bien, a été réalisé par le mal, ou en

accointance avec le mal. Et sait que la fin voulue, le bien, doit être mise à l'abri

dans l'arche, aussi longtemps que le corbeau et la colombe ne donneront pas le

signal que le bien et le mal ont été séparés, comme il se doit.

Dieu a interdit à Abraham de sacrifier son enfant, mais des enfants d'Abraham

font le contraire de ce que Dieu leur a interdit, parce qu'ils se veulent propriétaires

d'autrui et de sa vie.

Je me suis amusée à chercher le nombre Pi – 3,14 – dans les trois Livres des

trois Révélations. À savoir au 14ème verset du troisième chapitre du livre des Noms

(Exode) dans la Torah ; au 14ème verset du troisième chapitre de l'Apocalypse de

saint Jean dans l'Évangile ; et au 14ème verset de la troisième sourate descendue,

L'Enveloppé (73), dans le Coran. Les voici, dans l'ordre :

« Dieu dit à Moïse : « JE SUIS QUI JE SERAI ». Il dit : « Tu parleras ainsi

aux fils d'Israël : JE SUIS m'a envoyé vers vous. »

« À l'ange de l'Église qui est à Laodicée, écris : Ainsi parle l'Amen, le Témoin

fiable et véritable, le Principe de la fondation de Dieu. »

« Le jour où la Terre et les montagnes trembleront, et où ces dernières se

transformeront en amas de sable mouvant. »

Jouir du mal n'est rien, comparé à jouir du bon.

Ceux qui jouissent du mal, en vérité ne jouissent pas, ils ne font que crier

comme des gorets pour se donner l'illusion de la joie, et c'est pourquoi ils sont

inapaisables. Ils sont lourds et plombés, enchaînés au monde.

Alors que la joie de l'amour donne des ailes et fait voyager, délesté de toute

pesanteur, partout sur la terre, dans les étoiles et les espaces interstellaires.

« Le jour où la Terre et les montagnes trembleront, et où ces dernières se

transformeront en amas de sable mouvant. » Coran 73, 14

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Qu'est-ce que ce jour ? Le jour où les Écritures, qui sont les montagnes,

seront utilisées comme du sable jeté dans les yeux des gens par les marchands de

foi pour les tromper et les endormir.

C'est alors que vient l'Heure, celle où le Seigneur lui-même transformera les

montagnes en douces plages de sable pour ceux qu'il aura réveillés, sauvés des eaux

et fait aborder au monde nouveau.

Le premier sens du mot franchise est : liberté. Ce mot vient du nom d'un

peuple germanique qui laissa son nom à la France. Ce mot indique aussi des

qualités humaines de droiture, de franc-parler, de loyauté, de sincérité, de

spontanéité - indique le Petit Robert – et enfin la « qualité de ce qui est net dans

l'exécution, bien tranché ». Il a pour contraires : dissimulation, fausseté, hypocrisie,

sournoiserie.

Les mots "franc" et "honnête" font trembler d'horreur les démons.

L'honnêteté libère.

Comme sur les stades où les joueurs tombent à genoux ou se prosternent

ostensiblement, le spectacle de la soumission à Dieu ne suffit pas à obtenir la

victoire tant qu'il ne s'agit que d'un spectacle et non de la vérité. On fait un drame

de la déroute d'une équipe de football, mais il n'y aurait pas de drame s'il n'y avait

pas d'idolâtrie. Il faut cesser d'idolâtrer le symbolique. Le vrai drame est la guerre.

Et le mensonge est de faire comme si les gestes singeant la vérité tout en l'occultant

pouvaient remplacer la vérité, le courage de la vérité, dans le chemin vers la paix.

Qu'est-ce que ce monde où non seulement les droits des hommes selon Dieu,

mais même les droits des hommes selon les hommes, sont bafoués sans qu'on ne le

dénonce ? À force d'accommodements avec le mal, on va à la paralysie, et de la

paralysie, à la mort.

La paix ne viendra que par la justice, qui elle-même ne vient que par la vérité.

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Les menteurs voudraient retenir la vérité, la mettre par des mensonges dans

leur camp, mais tout ce qu'ils arrivent à faire ainsi, c'est la chasser obstinément de

leur camp. C'est ainsi que la vérité, qu'ils ne peuvent posséder, les maîtrise : en les

obligeant à creuser eux-mêmes leur tombe.

Genèse 4 (ma traduction) :

« 3. Vint la fin des jours, et Caïn apporta des fruits de la terre en offrande au

Seigneur. 4. Abel apporta, quant à lui, des premiers-nés de ses brebis, et de leur

meilleur. Et le Seigneur tourna son regard vers Abel, et vers son offrande. 5. Mais

vers Caïn et vers son offrande il ne tourna pas son regard. Alors une fureur aiguë

traversa Caïn, et son masque tomba. (...)

9. Le Seigneur dit à Caïn : « Où est Abel ton frère ? » Et il répondit : « Je ne

sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? »

10. « Qu’as-tu fait ? reprit-il. La voix du sang de ton frère crie vers moi de la

terre. 11. Maintenant tu es maudit de la terre qui a ouvert la bouche pour prendre de

ta main les sangs de ton frère. 12. Quand tu travailleras la terre, elle ne sera pas

puissante de fruit par toi ; tu seras agité et fuyant dans le pays. »

Coran 5 :

« 29. Je veux que tu partes avec le péché de m´avoir tué et avec ton propre

péché: alors tu seras du nombre des gens du Feu. Telle est la récompense des

injustes. 30.Son âme l´incita à tuer son frère. Il le tua donc et devint ainsi du

nombre des perdants. »

Les fruits de la culture humaine ont moins de valeur aux yeux de Dieu que le

fait de veiller sur un troupeau d’âmes pour les Lui offrir. Les sciences, les arts, tous

les domaines de la culture humaine, malgré leur grandeur ont moins de valeur que

la Création, la vie incarnée.

Tout cela se passe, déjà en ce temps-là, “à la fin des jours”.

Les menteurs ne supportent pas les hommes vrais.

Les adorateurs du mal ne supportent pas les hommes bons.

Les profiteurs ne supportent pas les hommes justes.

Les lâches ne supportent pas les hommes courageux.

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Les creux ne supportent pas les hommes pleins de grâce.

Les limités ne supportent pas les hommes qui les dépassent.

À défaut de se changer eux-mêmes, ils inversent les valeurs et font passer

pour menteurs les vrais, pour mauvais les bons, pour profiteurs les justes, pour

lâches les courageux, pour creux les pleins de grâce, pour limités ceux qui les

dépassent.

Dans leur désir de régner à la place de Dieu, ils inversent la vie et deviennent

eux-mêmes "invertis".

Or Dieu seul détermine les valeurs, et il continue à aimer qui il veut.

La prophétie crie.

Carpe momentum. Cueille le moment. Qui veut voyager loin voyage dans

chaque instant.

Feinter avec la vérité, c'est feinter avec Dieu.

Croyons-nous que Dieu se laisse feinter ?

Craignons le Seigneur.

Le Verbe n'a ni deux ni plusieurs parents.

Il vient de l'Un, c'est pourquoi il est sans péché, contrairement aux hommes.

Le verbe trafiqué, plagié, fabriqué, industriel, issu de plus d'un parent, est un

verbe plein de mort. N'en mangez pas.

Qui peut changer le mal en bon,

sinon Celui pour qui le mal n'est rien,

et qui a créé à partir de rien tout ce qui est,

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et qui l'a créé bon, très bon ?

Espace-temps. Je ne sais plus quel auteur, québécois il me semble, a dit : « Ils

n'avaient pas de pays, mais c'est tout ce qu'ils avaient ». Les peuples sans pays sont

comme les gens sans vacances, ils sont nombreux. Le monde doit apprendre à être

un pays pour tous, et le temps à donner vacances à tous.

Notre corps est en vérité notre corps en esprit, notre corps spirituel. Ce que

nous appelons notre esprit est en vérité notre corps spirituel. Le corps sans esprit

n'existe pas, comme les cadavres : ils n'ont pas d'existence. L'esprit sans corps

n'existe pas non plus, ou bien ce n'est qu'un mauvais esprit. Ainsi les savants qui

disent que le Prophète, paix et salut sur lui, a voyagé avec son corps autant qu'avec

son esprit ont raison. Seulement ce n'était pas le corps mortel que nos yeux de chair

voient, c'était son corps accompli, son corps de saint.

La mobilisation pour une cause juste est une noble façon de vivre l’exil de

Ramadan. Nous sommes ainsi appelés à sortir de nous-mêmes, à faire preuve de

discernement, de compassion, de courage, d'entraide, d'échange avec les autres, y

compris ceux qu'on ne connaît pas ou qui viennent d'autres cultures spirituelles ou

politiques. C'est ce qui se passe, et c'est beau !

Le jour est la réalisation du mystère de la nuit.

La nuit est l'ablution qui lave du jour.

C'est parce que la grâce de Dieu est toujours là qu'en vérité nous pouvons

adorer Dieu tout le temps, même tout en faisant autre chose, en travaillant etc. Et

même en dormant. Car Il est encore là, à nous envoyer des rêves pour nous instruire

ou à nous donner dans le mystère du sommeil l'ablution de la journée. Bénie soit sa

présence.

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Sombre temps, les élites sombrent moralement, comme souvent, parce qu'elles

sont privilégiées, veulent garder leurs privilèges et défendent donc le monde du

pouvoir, du mensonge et de l'argent qui les maintient. Les riches et les installés ne

veulent pas que la lumière soit faite, ni la justice qui va avec. Mais les peuples se

lèvent, demandent justice et lumière. Ils ont la raison avec eux.

Il s'agit d'un système, il est constamment à l’œuvre. Un système qui vise à

détruire les personnes afin de les soumettre. Cela se passe dans les commissariats,

dans les prisons, dans les cités avec le harcèlement policier. Cela se passe dans les

médias qui assurent le relais en rabaissant constamment le peuple. Cela se passe

dans l'esprit des responsables politiques qui soutiennent les forts et stigmatisent les

faibles, avec la complicité de tous ceux qui ont un quelconque intérêt à ce que les

choses restent ainsi.

Mais le fait est que ce sont eux, les misérables. Ce sont eux qui sont soumis au

monde, à ceux qui sont au-dessus d'eux, à ceux qui sont au-dessous d'eux aussi car

ils ont besoin de leur soutien pour se maintenir. Ce sont eux qui sont hors de la

vérité, de la justice, de la raison, ce sont eux qui à cause de cela se sentent

continuellement menacés. Ils ont peur, c'est pourquoi ils agissent ainsi. Comme

des petits voyous en bandes se plaisent à terroriser parce qu'ils sont terrorisés par

leur propre vide. Les pauvres ont des excuses à cela, mais les autres, les installés,

ils n'en ont pas. Ils n'ont rien. Seulement leur peur de tomber dans leur propre

néant. C'est cela qui les oblige à exister dans le mal, parce qu'ils ne peuvent pas

exister dans le bien.

L’homme naît en criant. Tout homme doit vivre marqué par la souffrance.

Tout au long de sa vie, la supporter et la dépasser. Mais nul homme n’a le droit de

faire souffrir délibérément autrui, pour quelque raison que ce soit. En vérité il

n’est absolument aucune raison pour cela, qui au contraire attaque très

dangereusement la raison, des individus et de toute la communauté humaine.

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Les religions, toutes les religions en ces temps, sont beaucoup trop attachées à

la souffrance ou à la violence, ces deux sœurs infernales. Les religions en ces

temps manquent de raison, ou l’ont malade.

« Ce sont là des nouvelles de l’Inconnaissable que Nous te révélons. » Sourate

3, La famille d'Imran, début du verset 44.

C’est toute la différence entre la renaissance et la Résurrection. La

renaissance est humaine, entée sur des recettes et des influences qu’elle recompose

et renouvelle. Elle est bonne et nécessaire, mais limitée et insuffisante à l’homme.

La Résurrection, qui ne peut lui venir que de Dieu, est un renouvellement radical

de l’être d’abord réduit à néant, englouti sous la neige ou le sable, et qui

ressuscitant, revenant d’ailleurs, transporte avec lui le monde dans un autre

monde, non plus rené de lui-même mais, dans son ressurgissement, déplacé, entré

dans un autre monde, une autre sphère de la Vie qui gouverne les mondes,

Souveraine de leur inconnaissable Royaume, qui toujours de nouveau, dans la

continuité des renaissances et les bonds de la Résurrection, nous appelle sur le

Chemin de Sa connaissance.

Il y a beaucoup de religions, mais il n'y a qu'une prière. Et dans cette seule

prière tous les hommes sont un, rendus humbles et splendides face à l'Un.

Ne disons pas : le rouge-gorge ne devrait pas avoir la gorge rouge, car la

mésange l'a bleue. Écoutons plutôt le rouge-gorge et la mésange, et demandons-

nous : que disent-ils ?

Se convertir à une religion, cela n’existe pas. L’islam ne parle que de

reconversion à la religion originelle. Cela rejoint son assertion répétée selon

laquelle de Dieu nous venons et à Dieu nous retournons. Mais il existe autre chose

encore au-delà de la reconversion, du retour à Dieu. C’est d’être retourné par Dieu,

comme une terre par le laboureur, et de donner du fruit. La vraie conversion c’est

d’être converti par Dieu, l’accomplissement de la conversion c’est la fruition.

La vie est si belle qu’on pourrait en mourir. Mais mourir dans l’amour de la

vie, c’est faire de la mort notre petite sœur, servante de la vie.

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L’ascèse anéantit le jeûne. Si nous sommes accoutumés à manger richement,

le jeûne est une épreuve. Si nous sommes habitués à un régime frugal, le jeûne tel

qu’il est conçu par les catholiques n’est que notre régime habituel. Il ne demande

aucun effort, et donne seulement la grâce de savoir que ce temps est dédié. Et le

jeûne islamique, abstention de toute boisson et nourriture du premier point de

l’aube au point du soir, est une exploration de cette grâce.

Dans la frugalité, toute nourriture, toute boisson est fête.

Dieu n’est jamais enterré, sauf dans l’esprit malade de ceux qui n’arrêtent pas

de lui balancer des pelletées de terre et de boue, qui ne retombent que sur eux-

mêmes, cadavres.

Plus l’époque est pourrie, plus les morts-vivants n’en finissent pas de sortir,

attaquer les vivants. Avant de retomber pour toujours en poussière au fond du trou

d’eux-mêmes, indigestes à eux-mêmes, à jamais grimaçants sur leurs crampes.

La remontée des égouts à laquelle on assiste ces derniers temps sur tous les

plans s'accompagne, de façon d'ailleurs logique, d'une transformation de la vieille

et classique misogynie en délire gynophobique, qui s'exprime de façons diverses,

comme la promotion de la burqa, du féminisme hystérique ou de la prostitution

normalisée. L'homme veut se tuer, mais comme il est lâche, il tue la femme.

Les systèmes patriarcaux, le machisme, la misogynie, la gynophobie, sont

fondés sur une vénération secrète de la mère, de la femme femellisée comme

organe sexuel et reproducteur. Sacralisée, rendue taboue, haram, nécessitant une

mise à part. Les femmes elles-mêmes œuvrent souvent à la perpétuation de ces

systèmes qui leur confèrent une puissance occulte, un statut d’idoles de la famille

et de la société, même si elles doivent payer ce statut par des ségrégations, des

vexations, voire des violences de la part de ceux qui ne peuvent s’empêcher d’être

à la fois épouvantés et révoltés contre ce qu’ils ont mis en place, et ceci d’abord

dans leur cœur malade.

Le caractère malsain, secrètement incestueux, engendré par le refus de la

mixité dans les structures traditionnelles des trois monothéismes, développe au

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cours du temps une morbidité qui s’étend à toute la société, y compris laïque et

athée. Pourtant cet état de fait n’est pas à imputer aux monothéismes, mais au

contraire à la peur des hommes de faire face à Dieu. De la Torah au Coran en

passant par l’Évangile, la parole de Dieu ne cesse de mettre en garde les hommes

contre l’idolâtrie, l’association.

Cet avertissement, nous le retrouvons dans la sourate 4, An-Nisaa, Les

femmes. Le début expose des questions de droits de la femme, concernant

l’héritage et le mariage. Le texte s’adresse aux hommes, il est clair qu’il est écrit

dans un contexte où les femmes constituent une sorte de bétail humain dont les

hommes ont la jouissance et la charge. Et que dans un tel contexte il s’efforce de

rappeler justement le caractère humain des femmes, et la nécessité précisément de

ne pas les traiter comme du bétail. Mais que cela signifie-t-il, au fond ? Il faut

continuer à lire la sourate jusqu’au bout pour le comprendre. Notamment

jusqu’aux versets 116 et 117, qui sont le résumé fulgurant de l’ensemble :

« Certes, Dieu ne pardonne pas qu´on Lui donne des associés. A part cela, Il

pardonne à qui Il veut. Quiconque donne des associés à Dieu s´égare, très loin

dans l´égarement. / Ce ne sont que des femelles qu´ils invoquent, en dehors de Lui.

Et ce n´est qu´un diable rebelle qu´ils invoquent. »

Les questions de droit traitées au début de la sourate sont là pour éviter une

sacralisation de la femme, si rassurante soit-elle pour l’esprit si peureux des

hommes. Les femmes ne sont pas des bêtes sacrées, qu’il faut marquer à part.

Ceux qui sont ainsi structurés dans leur tête, en vérité « ce ne sont que des femelles

qu’ils invoquent » - leur rapport à la femme régissant en fait leur « foi » - « et ce

n’est qu’un diable rebelle qu’ils invoquent » - leur malaise sexuel. Des versets

qu’auraient profit à méditer les idolâtres du voile, mais aussi les gens d’Église, et

encore bien des prétendus libres penseurs, en fait adorateurs du monde et de son

hystérie trash. Idolâtrer les femelles, c’est se faire soi-même femelle idolâtre.

Comment comprendre les prescriptions du Coran ? Une clé se trouve dans la

sourate 24, An-Nûr, La Lumière. Les 33 premiers versets indiquent les châtiments

encourus par les fornicateurs et les calomniateurs, ainsi qu’un code de bonne

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conduite. Puis vient, précédé d’une simple phrase, le fameux verset de la

Lumière. Un exemple de ce que les lecteurs rapides appellent le désordre du

Coran – auquel le père de l’auteur du roman intitulé Les versets sataniques

voulait remédier en recomposant le Livre selon sa logique humaine, trop

humaine.

Or ces deux versets, qui peuvent sembler n’avoir rien à voir avec les

précédents, font précisément la lumière sur la façon dont il faut entendre ce qui

vient d’être dit depuis le début de la sourate. Écoutons-les :

« Nous avons effectivement fait descendre vers vous des versets clairs,

donnant une parabole de ceux qui ont vécu avant vous, et une exhortation pour

les pieux ! / Dieu est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable

à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et

celui-ci ressemble à un astre de grand éclat ; son combustible vient d´un arbre

béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l´huile semble éclairer sans même

que le feu la touche. Lumière sur lumière. Dieu guide vers Sa lumière qui Il veut.

Dieu propose aux hommes des paraboles et Dieu est Omniscient. »

Voilà qu’aussitôt après avoir exposé les châtiments corporels à administrer

aux pécheurs, Dieu Lui-même, par la voie du Coran, indique qu’il s’agit là d’une

parabole. Si le début de la sourate pouvait être valable à entendre au pied de la

lettre dans l’époque où il est descendu (où les coups de fouet prescrits

constituaient un net progrès par rapport à la loi précédente, qui ordonnait la

lapidation – loi présente aussi dans l’Ancien Testament, et que Jésus lui-même

révoqua par un mystérieux écrit sur le sol (annonce du Coran à venir ?) lors de

l’épisode de la femme adultère), ces versets 34 et 35 font signe pour « ceux qui

ont des oreilles » que le texte est avant tout une parabole, et qu’elle ne sera

valable dans la suite des temps que lue dans la lumière de l’esprit.

Ainsi en est-il, nous le croyons fermement, de toutes les prescriptions et de

tous les règlements factuels indiqués par le Coran – comme, autre exemple, ceux

qui concernent l’esclavage, ou la pudeur. Leur valeur temporelle concerna un

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temps précis, celui de Mohammed et de ses compagnons. Leur valeur éternelle ne

se trouve que dans leur « lecture dans l’esprit ». Et c’est pourquoi, disons-le une

fois encore, le premier commandement du Coran est : « Lis ». Lis la parole de

Dieu non pas comme une parole humaine, mais comme une parole de Dieu, une

parabole, une Lumière vers qui Il guide qui Il veut, qui est assez humble pour ne

pas se raidir devant elle et refuser d’y entendre autre chose qu’une parole

humaine, trop humaine.

Ainsi passons-nous du sommeil de la Caverne au Réveil. Tel est la bonne

direction.

Réveil la prière, réveil le jeûne, réveil le pèlerinage.

Le soir tombe, l'heure de la rupture du jeûne est venue, et je rends grâce à

Dieu pour le don de ce jeûne si bénéfique pour l'âme, approfondissant de semaine

en semaine la paix, la réunion en soi, la joie, le détachement, la légèreté...

nourritures pour jusqu'au lundi suivant.

Nous sommes en route.

Quoiqu’il en coûte dans l’existence, c’est une paix royale que d’avoir dit et

de dire la vérité. Il faut sortir de l’existentialisme. Ce qui compte n’est pas ce que

nous faisons de nous-mêmes, mais ce que nous laissons la vérité faire de nous en

la servant fidèlement : la Vérité, le Chemin et la Vie.

Si nous savons que cela seul sauve, et si cependant nous ne le vivons pas, ou

le trahissons constamment, si nous n’acceptons pleinement ni de dire ni

d’accueillir la vérité, tout ce que nous pouvons dire ou répéter ne fait que nous

perdre un peu plus, et l’humanité avec. Alors que si nous le vivons, même comme

un ermite au fond des bois, nous sommes le salut du monde.

La parole de vérité est l'eau qui irrigue les jardins du paradis.

Elle est aussi l’arme absolue, le feu qui anéantit le mauvais, l'inique, la

dénégation.

Al-Haqqa, nom de la sourate 69, signifie : "Celle qui montre la Vérité" et

aussi : "L'inévitable".

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La justice des hommes doit être faite, mais le moment du salut ou du

châtiment final, il appartient à Dieu.

Front contre terre, dis : Je cherche refuge en Dieu contre satan le lapidé. (cinq fois, chaque fois une

pression d’un doigt)

Seigneur, pardonne-moi. (cinq fois, des doigts de l’autre main)

Seigneur, bénis mes enfants.

Bénis les enfants de mes enfants, leurs proches et leurs aimés.

Bénis l’être qui partage ma vie.

Bénis mon père, bénis ma mère, bénis mes frères et mes sœurs.

Bénis tous les enfants de la terre, bénis tous les innocents.

Que Ta lumière console ceux qui souffrent.

Que Ta lumière parvienne aux âmes fermées, qu’elle les ouvre.

Que Ton eau lave les âmes, ou que Ton feu les consume, selon Ta volonté.

Seigneur, purifie mon cœur. (cinq fois).

Seigneur, bénis-moi. (une ou tant de fois)

Les prières de la première heure et de la dernière heure sont les meilleures.

Mais les cinq prières sont bonnes et vivantes, parce qu’elles évoluent avec le

temps, de par leur espacement qui varie et de par notre cœur qui par elles s’apaise

et se fortifie. Les jours où je ne peux accomplir toutes les prières rituelles, je prie

quand même dans mon cœur, et je sais que la salat est un don que nous a fait

Dieu ; et que si je ne peux l’accueillir à telle heure, Il continuera toujours à

l’offrir en d’autres temps de la journée. Je sais qu’il est recommandé de rattraper

les prières qu’on n’a pu faire – j’avoue que je ne le fais pas, plutôt que de rentrer

dans un rapport comptable avec Dieu je préfère maintenir bien intense le rapport

du cœur. Je sais qu’Il ne désire pas enfermer les croyants dans la culpabilité

quand ils n’ont pu accomplir la prière, je sais qu’Il désire seulement que nous ne

rompions pas la relation avec Lui, que nous ne négligions pas de continuer à

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dialoguer avec Lui jusqu’à la prochaine fois où nous pourrons nous prosterner sur

le tapis de prière.

« Désirent-ils une autre religion que celle de Dieu, alors que se soumet à Lui,

bon gré, mal gré, tout ce qui existe dans les cieux et sur terre, et que c´est vers

Lui qu´ils seront ramenés ? » Coran 3, 83

Les jours où je pourrais dormir, les jours où je ne mets pas le réveil, souvent

l'adhan inouï me réveille quand même. Parfois je retourne ensuite me reposer

encore, après avoir répondu à l'appel du ciel. Après avoir accompli avec les anges

et les saints la liturgie céleste.

« Et Dieu lui enseignera l´écriture, la sagesse, la Thora et l´Evangile,

et Il sera le messager aux enfants d´Israël, [et leur dira]: « En vérité, je viens

à vous avec un signe de la part de votre Seigneur. Pour vous, je forme de la glaise

comme la figure d´un oiseau, puis je souffle dedans : et, par la permission de

Dieu, cela devient un oiseau. Et je guéris l´aveugle-né et le lépreux, et je

ressuscite les morts, par la permission de Dieu. Et je vous apprends ce que vous

mangez et ce que vous amassez dans vos maisons. Voilà bien là un signe, pour

vous, si vous êtes croyants !

Et je confirme ce qu´il y a dans la Thora révélée avant moi, et je vous rends

licite une partie de ce qui était interdit. Et j´ai certes apporté un signe de votre

Seigneur. Craignez Dieu donc, et obéissez-moi.

Dieu est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le donc: voilà le chemin

droit. »

Puis, quand Jésus ressentit de l´incrédulité de leur part, il dit: « Qui sont mes

alliés dans la voie de Dieu ? » Les apôtres dirent: « Nous sommes les alliés de

Dieu. Nous croyons en Dieu. Et sois témoin que nous Lui sommes soumis.

Seigneur ! Nous avons cru à ce que Tu as fait descendre et suivi le messager.

Inscris-nous donc parmi ceux qui témoignent. »

Sourate 3, La famille d’Imran, 48-53

Imran est le père de Moïse, Aaron et Maryam ; et c’est aussi le nom du père

de Maryam, mère d’Issa, Jésus. Au point qu’il est difficile de distinguer un Imran

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de l’autre. Il est aussi aïeul par alliance de Yahya, Jean le Baptiste. Ainsi s’opère,

par le nom et la tournure des phrases, la communion dans le temps des ascendants

et des descendants, et aussi, hors du temps, la communion ou l’équivalence

spirituelle entre Maryam, mère d’Issa, et tout à la fois Moïse, Aaron et Maryam

leur sœur, ainsi qu’entre Maryam, mère d’Issa, et Yahya, son cousin.

Maryam et Issa sont les seuls êtres humains qui n’aient pas été touchés par le

diable à leur naissance, et cela grâce à la prière de la femme d’Imran (Anne) qui,

enceinte, voua son enfant au Seigneur, puis dit à sa naissance : « Seigneur, voilà

que j´ai accouché d´une fille (…) Je l´ai nommée Marie, et je la place, ainsi que

sa descendance, sous Ta protection contre le diable, le banni. » (3, 36) Puis elle

emmena Maryam, une fois sevrée, à la mosquée Al-Aqsa, afin de la donner

comme prêtresse à Dieu selon son vœu. Bien que seuls les garçons pussent

normalement y être admis, Zacharie l’y agréa et l’éleva.

L'échange et le partage ne sont pas pour autant la confusion. La Vérité sans

cesse exige la distinction. Dans tous les domaines. Il y a entre le Coran et la Bible

une différence comparable à celle qui existe entre la physique quantique et la

physique. Ce sont deux univers qui demandent, pour pouvoir être approchés, des

lectures différentes. Pourtant les physiciens savent bien, même s’ils ne l’ont pas

encore découverte, qu’il existe une loi supérieure qui unit ces deux univers

apparemment gouvernés par des lois différentes. Cette loi, ils la cherchent sous le

nom de théorie M. Il me plaît d’y entendre en français le verbe aimer, et dans

toutes les langues à commencer par l’hébreu et l’arabe, l’initiale de Marie, la très

miséricordieuse.

Les prophètes ont toujours un immense effort à fournir pour relever le

peuple. Le peuple est comme un chœur à qui Dieu a donné le la, et qui à mesure

que le temps passe perd irrésistiblement la note, se met à chanter de plus en plus

bas, tout en croyant être toujours dans le même chant, alors qu’il se déforme

gravement. Il perd un demi-ton, puis un, puis un et demi, les uns perdent plus

d’autres moins, le monde s’emplit d’une cacophonie morale et ontologique. Le

chant de l’être s’abîme, si personne ne le relève il sera bientôt si bas qu’il

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entraînera le peuple dans sa chute. Ce qui était semblera demeurer encore, mais

en vérité il aura disparu, et cette fois non pour ailleurs, mais pour ce vrai néant

consistant d’apparences de vie pour continuer à attirer tout ce qui du vivant est

susceptible d’être dévoré.

La mort n’est pas où nous croyons. Elle est dans ce qui semble vivant mais

qui n’est qu’une apparence. La vraie vie est dans l’invisible.

Nuit d'Al-Qadr.

Tout homme naît en criant. Tout Livre aussi. La sainte nuit est pleine de

douleur, mais aussi de promesse.

Le métier de l'homme, quoiqu'il se passe, est de garder la foi.

La nuit travaille l'âme comme le boulanger travaille la pâte dans la nuit.

Nuit du Destin : le ciel descend dans la grotte.

La grotte est notre cœur, où la prière nous fait descendre.

Trouver Dieu qui nous y attend.

Le Mont-Saint-Michel a été bâti suite au rêve d'un croyant, à qui l'archange

Michel l'avait demandé.

L'archange Michel, dont le nom signifie « Qui est comme Dieu ? » terrasse le

Mal à la fin des temps.

La puissance de terrasser le mal vient par le rêve que Dieu donne à l'homme.

D'ailleurs en hébreu biblique, le mot pour dire rêve signifie aussi force.

Écoutez le rêve que Dieu vous envoie, il peut libérer le monde.

Dans le Coran, le diable n'est pas un ange, seulement un djinn mauvais. Et

c'est tout à fait exact. Le diable n'est pas un ange. On croit couramment, d'après

une lecture trop simpliste de la Bible, qu'il en est un, l'ange déchu. Mais c'est parce

qu'en vérité, la ruse du diable est de se faire passer pour un ange. Le diable n'est

que mensonge. Tout ce qu'il touche devient faux. Lui-même se persuade d'être un

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ange. Il se présente aux hommes sous une apparence telle qu'ils s'imaginent avoir

affaire à un être supérieur, en quelque sorte un ange. C'est ainsi qu'il les séduit.

Malheureusement beaucoup d'hommes n'ont pas assez de force d'esprit pour se

rendre compte de la supercherie, et soit résister à la séduction, soit, une fois

séduits, se rendre compte de leur erreur et rejeter le diable, qui continue à faire

semblant, même à ses propres yeux, de servir le bien. Alors qu'il lui est

ontologiquement impossible de servir le bien, étant vicié à la racine.

Ainsi en est-il du raisonnement de beaucoup d'hommes, et notamment de

beaucoup de leaders, qu'ils soient politiques ou intellectuels. Leur pensée, une non-

pensée qui a l'apparence de la pensée, est diabolique. Leur action faussaire imite

tellement la bonne action, et de façon tellement plus accessible – exactement

comme une contrefaçon de grande marque est plus accessible à tous. Ils ont des

adeptes, des suiveurs, des admirateurs. Systématiquement ils se trompent, ils

agissent mal tout en ayant l'air d'agir pour le bien, ils vont et mènent au désastre.

Et les faibles qui les ont suivis ne savent pas s'en dédire, car ils ont perdu leur âme

et n'ont plus que le substitut d'âme qu'ils leur louent et dont ils sont devenus

dépendants.

« Voici... deux hadîth singuliers qu'a recueillis l'ouvrage classique de

Nawawî : « Lorsque tu n'éprouves pas de sentiment de honte, agis à ta guise. »

(…) Le commentateur Nawawî ajoute : « Ce hadîth est le pivot autour duquel

tourne l'Islam tout entier. » Un autre hadîth, du même ouvrage : « Comme j'allais

un jour trouver l'Envoyé de Dieu, il me dit : « Tu es venu me demander en quoi

consistait la vertu. - Oui, lui répondis-je. - Consulte ton cœur, me dit-il alors. En

effet le birr, la vertu, c'est ce qui met ton âme en paix. Le mal, au contraire, c'est ce

qui s'établit en toi et revient sans cesse à ta conscience, même si les gens que tu

consultes à ce sujet t'autorisent à le faire. » Jacques Berque, Relire le Coran

Telle est la lumière de l'islam. Mais pour la recevoir, il faut avoir une chambre

claire et propre. De même lorsque saint Augustin dit : « Aime et fais ce que tu

veux », il ne s'agit pas se donner le droit de faire n'importe quoi, du moment qu'on

y trouve satisfaction. Il s'agit d'avoir le cœur suffisamment propre pour qu'il puisse

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être notre guide. Si la paix, l'amour, la lumière règnent dans notre cœur, alors tout

ce qu'il nous indiquera de faire sera sûr, plus sûr que n'importe quel règlement

édicté pour prévenir le mal. Suivre des règles peut nous éviter de faire le mal, mais

pas d'y penser, ni de risquer de faire le mal à la moindre inattention, ou de le faire

sans s'en rendre compte, à cause du manque de pureté de notre regard. Or un cœur

pur ne se contente pas d'éviter le mal, il le détruit, du seul fait de sa pureté. Comme

l'a dit aussi Léon Chestov : « La liberté ne choisit pas entre le bien et le mal, la

liberté détruit le mal. » Telle est la liberté : être gouverné par la pureté de son

cœur.

« On raconte qu'un croyant voulut un soir réciter une sourate coranique, mais

ne le put. Un deuxième, puis un troisième, voulurent aussi la réciter, mais ne le

purent. Le lendemain, ils allèrent tous trois voir le Prophète. Le premier lui dit :

- Messager de Dieu, j'ai voulu réciter cette sourate hier soir et je n'ai pu le

faire.

Le deuxième dit :

- Moi non plus.

Et le troisième :

- Moi non plus.

Alors le Prophète leur apprit :

Elle a été abrogée hier. »

Al-Harrawî, cité par Mahmoud Hussein dans Ce que le Coran ne dit pas.

La parole de Dieu n'appartient qu'à Dieu.

Il la donne et la reprend quand il le veut.

Comme tout ce qui est dans notre cœur.

Voici deux autres passages du livre de Mahmoud Hussein, Ce que le Coran

ne dit pas :

« Dieu n'a pas donné à tous les moments de Sa Parole la même portée. Le

Coran prononce des vérités d'ordre différents, entrelaçant l'absolu et le relatif, le

général et le particulier, le perpétuel et le circonstanciel. Cela est si vrai qu'il arrive

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à Dieu de remplacer certaines vérités par d'autres, de décréter l'abrogation de

certains versets, par des versets révélés ultérieurement.

Il n'est plus permis dès lors de donner une portée immuable à tous les versets

du Coran. Chacun est appelé à assumer son libre arbitre, pour pouvoir distinguer,

en pleine responsabilité, entre l'absolu et le relatif, le général et le particulier, le

perpétuel et le circonstanciel.

(…)

« Dès que Nous abrogeons un verset, ou que Nous l'effaçons des mémoires,

Nous apportons un autre, meilleur ou analogue. » (II, 106)

Théologiens, juristes et exégètes n'ont cessé de s'interroger, au long des

siècles, sur la teneur et les conséquences de ce verset si troublant. Au dire de tous

les chroniqueurs, en tout cas, l'abrogation était vécue au temps du Prophète comme

une chose entendue. Les gens en parlaient comme si elle allait de soi. »

L'auteur rappelle que dès la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, s'est fait

jour dans l'islam une pensée prenant en compte les différences de contextes entre

le moment de la révélation et l'époque où elle est lue. Ceci afin de savoir

reconnaître les versets énonçant des vérités immuables et ceux qui sont à lire

comme ils sont venus, selon les circonstances de l'époque. Et d'éviter le risque,

toujours très présent aujourd'hui, d'une interprétation figée du Coran, qui

transforme la Parole de Dieu en lettre morte.

« À l’expiration des mois sacrés, tuez les associateurs partout où vous les

trouverez ! Capturez-les ! Assiégez-les ! Dressez-leur des embuscades ! S’ils se

repentent, s’ils accomplissent la salât, s’ils s’acquittent de la zakât, laissez-les en

paix, car Dieu est Clément et Miséricordieux. » Coran 9, 5

En lisant ce verset, devons-nous comprendre qu'il nous faut vraiment tuer tous

les gens qui ont une autre religion ?

Devons-nous, en lisant ce verset ou d'autres qui lui ressemblent, frémir

d'horreur en pensant que le Coran appelle au meurtre d'autrui ?

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Ne devons-nous pas, plutôt, comprendre que la parole de Dieu ne peut pas être

tantôt bonne et tantôt mauvaise ? Que ce qui peut être tantôt bon et tantôt mauvais,

c'est notre lecture, la lecture que font les hommes de cette parole ?

Qui sont donc ces associateurs qu'il nous est demandé de tuer ? Et notamment

de tuer à la fin des mois sacrés ? Ce sont, je le crois fermement, les associateurs

qui sont en nous-mêmes. Si, après un temps qui aurait dû être de purification, nous

ne sommes toujours pas débarrassés de celui, en nous, qui a tendance à idolâtrer

l'argent, les apparences, le pouvoir, l'avidité, etc, alors il nous faut le tuer. Tuer en

nous la ou les personnes mauvaises que nous pourrions devenir, que nous

deviendrions si nous ne les éliminions pas à mesure – de même que tout ce qui est

vivant doit physiquement se débarrasser à mesure de ses déchets, sans quoi

l'infection gagne et tue.

Alors, si ces personnes potentielles en nous, qui nous tiraillent et nous

empêchent d'être un, se repentent et reviennent au bon comportement, nous

pouvons les laisser en paix : c'est-à-dire, nous pouvons être en paix, ne pas nous

tourmenter. Car nous voici revenus unifiés dans l'Un : Dieu, le Clément, le

Miséricordieux.

Oui, c'est en nous-mêmes que nous devons chercher ce qui fait du tort à nous-

mêmes pour le "tuer". L'idolâtrie ne justifie pas la violence envers autrui. La

violence envers autrui ne peut se justifier qu'en réponse à une violence faite par

autrui, comme défense et moyen de libération quand les moyens pacifiques sont

rejetés par l'oppresseur. C'est d'ailleurs l'exemple que le Prophète, paix et prière

sur lui, a laissé : autant que possible, il a utilisé des moyens pacifiques, notamment

pour rentrer à La Mecque. La parole de Dieu nous parle avant tout de ce qui

concerne notre esprit, de ce qui peut le perdre et de ce qui le sauve.

Tout le réel est purement spirituel. Y compris ce qui nous semble le plus

matériel, le plus concret : la pierre. Le spirituel y veille. La pierre en elle-même

n'est ni divine ni sacrée, ce qui est divin c'est ce qui l'habite, ce qui vient l'habiter.

Cela justifie le rituel, du moment que nous savons que ce n'est pas la pierre en elle-

même que nous adorons, mais ce qui l'habite. En ce sens oui, elle existe. Ce qui est

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néant, ce sont les contenants qui ne sont pas habités : par exemple une parole qui

ne contient pas la vérité. Par un cercle vicieux le mensonge détruit son contenant,

l'être, la parole ou l'acte qui le portent, auxquels il retire leur valeur. Quant au

spirituel qui n'a pas de contenant, il appartient au mal et au néant, comme le diable,

le mauvais esprit.

Le tombeau vide du Messie a voyagé de Jérusalem à La Mecque.

Le tombeau vide, dans l'Évangile, est le signe de la résurrection. Des anges

vêtus de blanc s'y trouvent pour l'annoncer, comme des pèlerins vêtus de blanc

témoignent de leur foi en Celui qui est plus fort que la mort, Dieu, à la Kaaba.

L'esprit de Jésus, qui annonçait que Dieu est plus grand que la loi des mortels,

a été transporté via Mohammed au lieu de l'idolâtrie, qu'il a détruite. Mohammed

disait que personne n'était plus proche de Jésus que lui. Et c'était infiniment vrai,

par Dieu.

Qui peut changer l'eau et la lumière en arc-en-ciel, sinon celui qui a fait l'eau,

la lumière et le ciel ?

Je rends grâce à Dieu, je loue sa gloire infinie dans chaque instant de vie, si

humble soit-il. Car c'est justement dans l'humilité qu'elle se trouve. Dans l'humilité

de l'amour entre l'homme et la femme, entre les parents et les enfants, entre les

frères et les sœurs, et aussi entre toutes les créatures, et même dans la verdure. La

Création entière est pleine de la gloire de Dieu, de son amour, de sa justice sans

laquelle il n'y aurait pas de vie. La Création entière est grâce, et tant que nous n'en

sortons pas délibérément, par croyance secrète au mal, nous sommes dans la grâce.

Où est l'injustice, Dieu nous donne de la combattre, c'est une première justice

qu'il nous fait : il ne nous laisse pas désarmés face à l'injustice, il nous arme

d'abord de sa proximité, et de sa dignité que nous pouvons faire nôtre pour nous

éviter de tomber dans la résignation ou la complicité avec ceux qui se sont

détournés de Dieu, avec ceux qui ne le craignent pas et font le mal. Car ce sont

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ceux qui ont le plus secrètement peur de l'enfer, sans doute parce qu'ils le méritent,

qui veulent se débarrasser de l'enfer sur les autres, le faire subir aux autres et leur

en faire porter la faute, dans l'espoir stupide de parvenir à feinter Dieu et à

détourner d'eux sa justice. En vérité la justice de Dieu est à chaque instant en

cours, et sa réalisation finale à chaque instant imminente.

Il y a eu des changements dans les textes saints, mais les changements ne sont

pas forcément des falsifications. Dieu aussi peut procéder par tâtonnements, cela

se voit dans l'étude scientifique de sa création : tout le vivant est le résultat de

longs processus, qui ont laissé tomber dans le temps ce qui n'était pas viable. Dans

la mesure où toute parole passe par l'homme, il est d'autant plus inévitable qu'elle

soit parfois à corriger - et le Prophète ne se cachait pas du fait que pendant le cours

de la révélation, des versets pouvaient être éliminés ou abrogés. Une fois qu'ils ont

été fixés par écrits, et une fois que le Coran a été assemblé par écrit, bien après la

mort du Prophète, seul l'Esprit de Dieu a pu présider invisible à ce travail. Mais là

encore il a été fait par des hommes et les hommes ne sont pas à l'abri de commettre

certaines approximations. Le Coran, comme les autres Écritures susceptibles

d'avoir été modifiées, doit alors pour garder sa perfection être lu et compris dans

l'esprit de Dieu. Dans la soumission à son esprit, dans la foi qui seule donne la

lumière et donc la vérité. Dès que la foi et la raison sont capables d'éclairer la

parole, même quand elle paraît imparfaite ou fausse, alors nous pouvons

comprendre qu'elle est bien la parole de Dieu. Peut-être le Prophète lui-même,

obéissant à la pulsion de Dieu, n'a-t-il pas pris toujours toute la mesure de ce qu'il

lui était ordonné de dire. Mais le temps et la foi nous éclairent, et nous pouvons

prouver par la raison que ces paroles disent une vérité profonde et essentielle.

Dieu nous porte dans l'éternité et si nous nous laissons porter, nous le portons

dans notre cœur : nous sommes le bateau, le vaisseau spatial qu'il conduit.

Et sa parole descend sur terre, nous servir de monture et de boussole d'un

paysage à l'autre : nous sommes aussi, sur les chemins du temps, l'homme et son

petit âne, en marche vers où le jour se lève.

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112

La Bible a un caractère fractal dans la mesure où des thèmes se trouvent repris

dans ses différents livres. Mais le livre fractal par excellence, celui dont le centre et

les extensions sont partout, c'est le Coran. Là aussi est son génie, là aussi est son

accomplissement des Écritures, et c'est ainsi aussi que nous devons le lire. Sa

forme, comme la forme de l'univers, nous fait signe, nous renseigne sur son sens.

Nous aide à comprendre ce qu'il nous dit, et notamment ceci : l'Unicité de

Dieu est garantie par notre propre pluralité, par la pluralité et la diversité des

hommes, qui sont eux-mêmes des reprises variées de l'unique humanité. Ainsi est

sa volonté. Qu'elle soit respectée !

Nûn. La lettre arabe dont l'EI se sert pour marquer les maisons des Nazaréens

(chrétiens) est aussi la première lettre du mot qui donne son titre à la dernière

sourate du Coran, et du dernier mot du chacun des versets de cette dernière

sourate, et du dernier mot du Coran : Nas, les hommes. La lettre Nûn est en vérité

le signe de toute l'humanité.

« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de

ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles ramènent leur voile sur

leurs poitrines ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs

pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à

leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes

musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou aux domestiques mâles

impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des

femmes. Et qu’elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l’on sache ce

qu’elles cachent de leurs parures. Et repentez-vous tous devant Allah, ô croyants,

afin que vous récoltiez le succès. » Coran 24, 31

« Qu’elles ramènent leur voile sur leurs poitrines » : en langage familier, cela

signifie : qu'elles ne la ramènent pas avec leurs poitrines ! Qu'elles ne considèrent

pas dans leur tête que leurs atours sont leurs atouts auprès des hommes, c'est-à-dire

une façon de se vendre auprès d'eux d'une façon ou d'une autre, soit libertine soit

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113

d'apparence respectable, dans le mariage, mais en réalité cherchant l'intérêt dans le

mariage aussi, ou du moins cherchant à entretenir la dépendance réciproque dans

le mariage plutôt que l'amour qui libère et rend adulte et responsable aussi bien

l'homme que la femme. Car la responsabilité de l'homme dans ses rapports avec les

femmes est interpellée dans ce verset autant que celle de la femme avec les

hommes.

À voir ce que tant de gens font de leurs religions, on dirait qu'elles leur servent

à éviter tout ce qui vient de Dieu.

La vérité, la liberté, la gratuité, l'amour sans contraintes ni conditions, la joie

de vivre, le désir de connaissance, l'intelligence, la réflexion... à tout cela qui vient

de Dieu, combien sont-ils à préférer, au nom de leur religion, le mensonge par

action ou par omission, les chaînes, le prix à payer, les relations contraignantes, le

ressassement, l'enfermement intellectuel, la crédulité... ?

Quelle hypocrisie, quel aveuglement, quelle imposture. Personne sinon Dieu

ne peut sauver quiconque. En l'occurrence c'est la Vérité, l'un de ses noms, qui

sauve les hommes.

N'oublions pas que la souffrance du Messie n'est pas tombée du ciel, mais de

la faute d'hommes des pouvoirs politiques et religieux. Comme hier et aujourd'hui

on persécuta et persécute au nom du christianisme, du judaïsme ou de l'islam

honteusement instrumentalisés par des volontés politiques impérialistes. Que ce

qui suivit la persécution du Messie fut la chute du temple et le déclin de l'empire

romain. Que l'histoire ne se répète pas à l'identique, mais que des causes similaires

ne peuvent avoir que des effets similaires. En ces derniers temps que nous vivons,

que les coupables se repentent, s'il leur reste assez d'instinct et de raison pour le

faire ! Qu'ils se repentent vraiment, réellement, dans le cœur et dans les faits.

Avant qu'il ne soit trop tard. Pour ce monde auquel ils font du mal en même temps

qu'à leurs descendants, et pour l'autre, qui n'a rien à craindre d'eux mais dont ils

ont tout à craindre.

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114

« Ta foi t'a sauvé ». Jésus, à un aveugle qui lui demandait de recouvrer la vue.

(Luc 18, 42)

« Peut-on comparer à un aveugle celui qui est convaincu que ce que ton

Seigneur t’a révélé représente bien la vérité? Mais seuls en saisissent le sens ceux

qui sont doués d’intelligence. » Coran 13, 19

« À ceux qui répondent à l’appel de leur Seigneur sera offerte la félicité ;

tandis que ceux qui s’y refusent, dussent-ils offrir tous les trésors de la Terre ou

même en doubler la mise, ne seront jamais rachetés ; l’Heure du règlement des

comptes sera pour eux pleine d’angoisses et leur dernier refuge sera cette

détestable demeure de souffrance qu’est la Géhenne. » Coran 13, 18

Ne peut être sauvé ou guéri que celui qui désire le salut et la guérison, et donc

désire la vérité. En est-il de même pour un peuple ?

« Des anges sont attachés à chaque être humain et, placés devant et derrière

lui, le protègent sans cesse, sur ordre du Seigneur. En vérité, Dieu ne modifie point

l’état d’un peuple tant que les hommes qui le composent n’auront pas modifié ce

qui est en eux-mêmes. Et quand Dieu décide de punir un peuple, nul ne peut L’en

empêcher, car les hommes en dehors de Lui n’ont nul protecteur. » Coran 18, 11

Oui, le peuple étant composé d'individus.

Cependant le temps des peuples est bien plus long que celui des individus.

L'action de salut de Dieu sur les peuples ne peut donc être mesurée au temps des

individus. Elle ne peut être mesurée : c'est ce que signifie le fait que le Coran, dans

la sourate 18, La Caverne, refuse de dire combien sont les dormeurs ressuscités, et

combien de temps ils ont dormi. Dieu seul sait le temps qu'il faut, le temps qu'il

faudra, et comment son action s'accomplira. Le rôle de chacun de nous est

d'essayer de se conformer le mieux possible à sa volonté, nous rappelant que seule

la foi peut nous sauver, et à terme, sauver le peuple, sauver l'humanité.

Certains musulmans nous font avec le voile un chantage à l’islamophobie

comme certains juifs nous font avec Israël un chantage à l’antisémitisme. De

même que critiquer Israël serait être antisémite, critiquer le voile serait être

islamophobe. Or le voile ne représente pas plus l’islam que le sionisme ne

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115

représente le judaïsme. Il n’est en rien illégitime de considérer que le sionisme et

le voile sont des instruments d’oppression, l’un envers les Palestiniens, l’autre

envers les femmes. Bien sûr il y a en Israël des musulmans qui trouvent leur

compte dans une société qui malgré tout leur offre des opportunités d’étude et de

travail, et bien sûr il y a des femmes voilées qui ne sont pas moins libres que des

femmes sans voile. Il n’empêche, et j’en ai fait l’expérience, qu’il existe une

pression énorme – vraiment énorme – de certains hommes et de certaines femmes

sur les musulmanes pour qu’elles voilent leurs cheveux, voire davantage. Jamais le

Coran ne demande rien de tel, le mot cheveux ne s’y trouve même pas. Cette

question complètement accessoire, c’est le cas de le dire, est devenue, par une

terrible inversion des valeurs, l’emblème, toujours plus hystériquement défendu,

de l’islam. Comme si l’islam s’était vidé de toute sa grandeur pour se réduire à des

mesquineries, des bassesses spirituelles et intellectuelles, voire à une agressivité

défensive qui a tendance à se transformer en ressassement et à paralyser toute vraie

pulsion de vie.

J’ai toujours écrit en faveur de la liberté de porter le voile (pas celui qui

masque le visage, ce qui me paraît extrêmement incorrect envers autrui), mais je

n’ai pas l’intention de perdre la liberté de le critiquer quand il est plus ou moins

imposé comme emblème de l'islam, quand il est instrumentalisé.

En réalité, la politique prime sur la religion, y compris chez la plupart des

religieux. Et c’est une bonne chose car les religions ne sont pas la réalité,

seulement un voile devant le réel. Les hommes ont le plus grand mal à regarder en

face la Vérité, qui est Dieu, c’est pourquoi ils l’habillent de religions qui la rendent

abordable. Mais les religions sont aussi des bateaux pour voyager vers la Vérité, de

même que la science, l’art, la philosophie – disciplines qui peuvent aussi être

vécues comme des religions. Le plus grand danger qui menace l’humanité est

l’idolâtrie. L’idolâtrie de l’argent, de l’apparence, de la religion, toutes choses qui

n’ont pas de réalité. La politique est la réalité, et quand s’y mêle l’une de ses

idolâtries, il se forme une énorme chimère, une force de mal dévastatrice.

Les gens de la tribu de Mohammed l’accusaient d’être possédé par les djinns,

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tout comme les juifs accusaient Jésus d’agir par belzééboul. Tout peuple qui se

réduit par lui-même à l’état tribal est ou devient incapable de Dieu, de l’universel,

de la lumière. Le monde moderne est une grande tribu vouée à la pensée occulte,

qui est une non-pensée, à ses démons, l’avidité, la peur, le repli sur soi. La terre

entière est tribalisée par le monde moderne. C’est pourquoi le salut vient du ciel.

Il vient.

La pensée de Mohammed, comme celle de Jésus, comme celle de tous les

prophètes, quel que soit le stade de pensée auquel ils atteignent, est parfaitement,

absolument claire et nette. Que ceux qui ont le cerveau en marmelade, gavés

qu’ils sont de graisses et de sucreries intellectuelles, n’y comprennent rien, cela

est aussi normal que les obèses ne sont pas aptes à la course ni au saut. Un seul

remède : l’ascèse. Chercher la simplicité est la seule voie qui conduise à la vision

claire et bienheureuse de l’infiniment complexe d’équations rapides comme

l’éclair.

Le temps fait des merveilles, avec ses plis (comme disent les physiciens), dans

lesquels ce que Dieu veut sauver reste à jamais vivant. Et nous pauvres humains,

n'en voyons que des apparitions ou des réapparitions ici ou là, mais c'est si beau.

Psaume 107 :

« 23 Ceux qui étaient descendus sur la mer dans des navires, Et qui

travaillaient sur les grandes eaux,

24 Ceux-là virent les oeuvres de l'Éternel Et ses merveilles au milieu de

l'abîme.

25 Il dit, et il fit souffler la tempête, Qui souleva les flots de la mer.

26 Ils montaient vers les cieux, ils descendaient dans l'abîme ; Leur âme était

éperdue en face du danger ;

27 Saisis de vertige, ils chancelaient comme un homme ivre, Et toute leur

habileté était anéantie.

28 Dans leur détresse, ils crièrent à l'Éternel, Et il les délivra de leurs

angoisses ;

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29 Il arrêta la tempête, ramena le calme, Et les ondes se turent.

30 Ils se réjouirent de ce qu'elles s'étaient apaisées, Et l'Éternel les conduisit

au port désiré.

31 Qu'ils louent l'Éternel pour sa bonté, Et pour ses merveilles en faveur des

fils de l'homme ! »

Coran, sourate Jonas (10), verset 22 :

« C'est Lui qui vous fait aller sur terre et sur mer, quand vous êtes en bateau.

[Ces bateaux] les emportèrent, grâce à un bon vent. Ils s'en réjouirent jusqu'au

moment où, assaillis par un vent impétueux, assaillis de tous côtés par les vagues,

se jugeant enveloppés [par la mort], ils prièrent Dieu, Lui vouant le culte [et

disant]: "Certes, si Tu nous sauves de ceci, nous serons parmi les reconnaissants! "

Les bateaux des hommes ne sont pas celui de Dieu. Les bateaux des hommes

sont susceptibles de couler, ils sont soumis au temps et finissent par ne plus

pouvoir prendre la mer. Les bateaux des hommes sont des fétus de paille sur

l'océan et sous le ciel, alors que le bateau de Dieu est tout à la fois le bateau,

l'océan avec ses profondeurs, le ciel avec ses mystères, et la navigation sans fin

dans l'espace et le temps.

La rose fleurit,

non parce qu'elle veut être considérée comme une rose,

mais parce qu'elle est une rose.

Ainsi soit notre vie.

Chaque homme a son petit royaume : au boulanger la boulange, à l'écrivain la

littérature, au vulgaire l'argent, au vaniteux les honneurs, etc. Mais il n'est qu'un

Royaume, celui de la béatitude, réservée aux cœurs purs.

"Je jure par Celui qui détient mon âme dans Sa main que bientôt Ibn Maryam

[Jésus, fils de Marie] descendra parmi vous en tant que gouverneur juste ; alors il

cassera la croix, il tuera le porc, et il annulera la Djizyah ; et l'argent sera abondant

jusqu'à ce que personne ne l'accepte." Hadîth rapporté par Al-Boukhari (2222) et

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Mouslim (155), d'après Abou Houréïrah.

"Il cassera la croix" : il mettra fin à la persécution de l'innocent, ou à l'idée de sa

nécessité.

"Il tuera le porc" : il tuera le porc qui est en l'homme.

"Il annulera la djizyah" : il n'y aura plus de différence politique entre les

chrétiens et les musulmans.

"L'argent sera abondant jusqu'à ce que personne ne l'accepte" : l'argent règnera

sur le monde jusqu'à ce que plus personne n'accepte son règne.

Ce ne sont pas les hommes qui décident de ce que Dieu veut.

La parole nous tient debout et nous fait avancer.

L’histoire suscite la parole, mais c’est la Parole qui porte l’Histoire.

Carpe momentum. Qui veut voyager loin voyage dans l’instant. Avant de

signifier moment, instant, momentum signifie mouvement, impulsion, importance,

influence, raison déterminante.

Qui prend le temps, trouve la vie, la force, la raison.

La lumière est notre momentum.

Moi j'ai confiance en Dieu.

Il suffit d'un abcès pour rendre le corps entier malade.

Alors il ne suffit pas de s'attaquer seulement à l'abcès, de l'extérieur.

C'est tout le sang qu'il faut purifier.

Plus la lumière augmente, et plus, pour la prière et le jeûne, elle nous fait lever

tôt. Plus elle allonge le jour, aussi, et nous fait sentir, par l’écart des prières et la

durée du jeûne, la longueur de la traversée, à la fois épreuve et don. La vie de la

lumière nous conduit au désert, et à l’oasis, au firdaws, au jardin de paix, de

gratitude et d’amour.

Si le jeûne est plus long à mesure que les jours rallongent, c'est que la lumière

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aussi, nourrit.

« En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l´alternance de la

nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d´intelligence, / qui, debout,

assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Dieu et méditent sur la création des cieux

et de la terre (disant) : « Notre Seigneur! Tu n´as pas créé cela en vain. Gloire à

Toi! Garde-nous du châtiment du Feu. » Sourate 3, Al-Imran, v. 190-191

La vie de la lumière du jour est un signe pour la vie de la lumière de l'âme.

Sauf que dans la lumière de l'âme, la nuit aussi devient de plus en plus claire, et

lumineuse.

L'enfer n'est pas vide, le monde et les hommes nous en donnent sans cesse la

preuve. Seulement, à la fin des temps, il est vidé : ce qui y était ne s'en va pas au

paradis ou ailleurs, mais est éliminé, n'est plus.

Ma patience est plus grande que leurs calculs.

Le jeûne allonge le temps.

La vie moderne dévore le temps.

Le jeûne de nourritures, comme le jeûne d’activités, rend le temps à l’éternité.

Nos très lointains ancêtres, qui vivaient trente ans, vivaient bien plus

longtemps que nous qui vivons quatre-vingt-dix ans. De l’aube au soir, chaque

journée leur était lente avancée dans la contemplation.

Lumière sur lumière, la gloire de Dieu c’est l’homme vivant dans la paix du

temps.

Le paradis est plein, la vérité, l'amour et la prière nous en donnent sans cesse

l'expérience, la vision et la preuve. À la fin des temps, il augmente.

Dire « le paradis est plein » revient à dire « être plein de grâce ». C’est la grâce

de Dieu qui remplit le paradis, et c’est elle qui l’augmente au Jour de la rétribution.

La création suppose la différenciation des destins par leur composition. La

composition finale de l’ensemble suppose l’œuvre de la grâce, qui d’un même

mouvement augmente et élimine. L’élimination tient de la grâce autant que

l’augmentation. L’élimination et l’augmentation sont liées dans le même

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mouvement qui donne le salut du monde, c’est-à-dire son passage hors du néant.

Il enverra, le Fils de l'homme, ses anges. Évangile selon saint Matthieu, 13,41.

Comme tout musulman, je suis l'imam des anges qui m'entourent quand je prie.

Puis je les rassemble et je les prends en moi, à partir d'où ils accomplissent leur

tâche, jour après nuit, jour après jour.

Foules des hommes, des créatures et des anges, fleurs de ma prairie, de mon

jardin, de mes forêts célestes, étoiles dans l'univers-source que j'arpente jusqu'aux

confins du temps.

N'espérez de Dieu rien d'impur. Vous espéreriez en vain. Demandez d'un

cœur pur, et il vous sera donné.

« De même que l’homme assoiffé qui se contente de tendre les deux mains

vers l’eau ne réussira jamais à la faire parvenir à sa bouche, c’est ainsi que s’en

vont en pure perte les prières des infidèles ! » Coran 13, 14

Qu'est-ce qu'être infidèle ? Croire sans réfléchir. Il nous faut réfléchir, comme

l'eau réfléchit le ciel.

Qu'est-ce que croire sans réfléchir ? C'est laisser dévier sa foi, sans s'en

apercevoir, vers ce qui n'est pas l'Essentiel.

Le goût de la félicité dans le Coran apparaît tout autant que dans l’appel à la

prière. En voici deux passages significatifs :

« Et l’on se mit à dire entre femmes en ville : « L’épouse du grand intendant

s’est éprise de son valet ; elle en est follement amoureuse, au point qu’elle a perdu

tout contrôle sur elle-même ! » / Lorsqu’elle eut vent de leurs méchants

commérages, elle les invita chez elle à un banquet, et remit à chacune d’elles un

couteau. Puis elle ordonna à Joseph de paraître. Dès qu’elles l’aperçurent, elles

furent émerveillées au point que, dans leur trouble, elles se tailladèrent les mains,

en s’écriant : « Grand Dieu ! Ce n’est pas un être humain, mais c’est un ange

merveilleux ! » (Coran, Joseph, 30-31)

Et aussi, mais cette fois il s'agit de ce qui est non seulement délicieux, mais

aussi bon aux yeux de Dieu, sain - et je traduis le mot par trois adjectifs, car il

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contient en arabe une plénitude qui ne peut se traduire en français (d'autre part il

faut comprendre que s'agissant ici de nourritures et notamment de viandes,

l'obligation de saigner l'animal, dite au verset précédent, est une mesure d'hygiène :

le même mot pour dire "bon" signifie aussi "en bon état" et "purgé") :

Pourquoi, dans toutes les religions, y a-t-il des interdits ? En grande partie,

parce que les hommes les demandent. Le Coran l'exprime très bien, dans La table

servie. Au verset 4, Dieu dit à Mohammed : « Ils vont t'interroger sur ce qui est

permis ». Il me semble entendre soupirer Dieu : « Mon Dieu, quand seront-ils

enfin assez adultes pour cesser de poser de telles questions ? Quand Me

connaîtront-ils assez pour distinguer directement en Moi ce qui est bon et ce qui

est mauvais ? »

Cependant Dieu, dans sa très grande miséricorde, répond : « Dis-leur : tout ce

qui est bon vous est permis ». Puis, comme il sait bien qu'il leur faut, à la fois pour

être rassurés et pour ne pas sombrer dans la folie, des garde-fous, des indications

solides, il énumère ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. En matière d'alimentation,

ne sont pas bonnes ni les viandes d'animaux sacrifiés pour des idoles - car cela ne

serait pas sain spirituellement ; ni les viandes d'animaux trouvés déjà morts, ni les

viandes d'animaux non préalablement purgées de leur sang, ni la viande de porc -

car dans un pays chaud et sans frigo, ces viandes sont rapidement toxiques.

Cet exemple des interdits pesant sur les viandes montrent bien que les

interdits se distinguent selon deux valeurs. Certains ont une valeur intemporelle et

éternelle, qui rappelle le bien et le mal dans l'ordre du spirituel (ne pas assimiler

Dieu et les idoles). D'autres ont une valeur temporelle et circonstancielle,

susceptible d'adaptations selon, précisément, les époques et les lieux.

Que l'on tienne à certains interdits circonstanciels, pour leur valeur

symbolique, pourquoi pas. À condition de le faire en connaissance de cause – ce

qui évite de tomber dans l'idolâtrie de l'interdit. Et de se rappeler la parole de Dieu

qui préside à tout cela, dans une foi responsable et intelligente : « Tout ce qui est

bon vous est permis ».

Les livres des prophètes sont toujours hantés par des violences parce

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qu’autour d’eux, de leur mission, de la parole qui leur vient, les hommes font

violence, essaient de détourner l’œuvre de Dieu en train de s’accomplir, sa parole

en train d’advenir.

Tout ce dont les hommes ont besoin pourtant, ce sont de rapports francs,

ouverts, simplement compassionnels, purs de tout calcul. Ce dont les hommes ont

besoin, c’est de pouvoir échanger un sourire sans craindre que l’autre ne cache une

matraque dans son dos.

La prophétie est une épreuve que Dieu envoie aux hommes : supporteront-ils

le fait que la parole de Dieu prévaut sur la leur ?

Le plus souvent, leur orgueil les en empêche, et ils persécutent les prophètes.

Jésus-Christ est le summum d'une longue lignée de prophètes persécutés pour

avoir annoncé Dieu. La croix est un signe qui indique son dévouement total à la

cause de Dieu, mais aussi qui accuse les orgueilleux et les persécuteurs.

Mohammed en est à la fois la continuité et le retournement : lui révèle que la

volonté de Dieu est que ses prophètes demeurent en vie. C'est pourquoi le Coran

dit que la mort de Jésus ne fut qu'une apparence : la volonté de Dieu prévaut sur

celle des hommes. C'est aussi ce qu'Il montre par Mohammed, sceau des prophètes

dans le sens où par son existence il accomplit la révélation de la volonté finale de

Dieu : sauver la prophétie en sauvant les prophètes, et ceux qui les écoutent. Par

différents moyens, pacifiques autant que possible, Mohammed, guidé par Dieu, ne

laisse pas ses inévitables persécuteurs prendre sa vie.

Mohammed et Jésus sont les faces d'une même médaille, celle de la victoire

de Dieu. Jésus montre que les innocents qui sont tués ne sont pas vraiment morts,

et Mohammed montre que la victoire est à ceux qui demeurent dans le sentier de

Dieu. Et il ne s'agit ni de la victoire de Jésus ni de celle de Mohammed, mais de

celle de Dieu, pour tous les hommes qu'il veut sauver.

Gloire à Dieu qui fit la lumière voyageuse, afin que nous puissions la voir, et

marcher dans le chemin qu’elle éclaire.

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Voyage autour du Coran

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Sourate 1, Al Fatiha, L’Ouvrante

Commençons doucement notre lecture du Coran. Il est encore pour

nous, qui venons de la Bible, que nous avons lue en hébreu et en grec, une contrée

à peu près inconnue. Tel Abraham, nous voici donc en train de quitter notre pays

pour aller de nouveau à la rencontre de Dieu, qui toujours veut nous bouleverser de

nouveau.

Le mot arabe Coran signifie lire, réciter ; il est apparenté à l’hébreu

qara, que nous avons rencontré tant de fois dans l’Ancien Testament, verbe

signifiant crier, appeler, nommer, verbe par lequel Dieu appelle et interpelle

l’homme, et aussi par lequel Adam nomme les vivants qui lui sont donnés, et

encore par lequel les prophètes appellent les hommes à écouter Sa parole.

Écouter. Marie, nous dit l’Évangile, fut bouleversée par l’Annonce de

l’ange Gabriel. Le même qui, dans une grotte, vint appeler Mohammed à lire, ce

qui voulait dire aussi à s’apprêter à dire le Coran qui allait descendre du ciel.

L’Ouvrante, première sourate de ce livre sacré, ouvre l’oreille du lecteur que nous

sommes. Je commence juste à déchiffrer l’écriture arabe, je ne sais encore rien de

cette langue, mais en entendant les mots Al Fatiha, je pense à celui que prononça

Jésus, sans doute apparenté, dans une autre langue sémitique : Effata. « Ouvre-

toi ».

Les sept versets de cette sourate, que Mohammed a nommée dans des

hadîth « la mère du livre », résument tout le Coran, dit-on. Laissons-les résonner

autant qu’il se peut à partir de leur traduction, forcément incomplète mais qui

n’empêche pas de voir le mouvement de l’Esprit dans la lettre ouvrir notre cœur de

l’Un, qui est Miséricorde, au multiple des mondes dont il est roi, de la source à la

fin de notre être, et de l’infiniment grand à l’infiniment proche, proche du secret de

notre cœur où Lui seul distingue ce qui est bon de ce qui ne l’est pas, Lui le seul

que nous adorons et qui par là peut nous sauver en nous conduisant sur la juste

voie.

1. Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

2. Louange à Allah, Seigneur de l’univers.

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125

3. Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux,

4. Maître du Jour de la rétribution.

5. C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons

secours.

6. Guide-nous dans le droit chemin,

7. Le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont

encouru Ta colère, ni des égarés.

Sourate 96, Al-Alaq, « La foi »

Munie de mon dictionnaire tout neuf, je me risque à une traduction-

interprétation des cinq premiers versets descendus, révélés au Prophète dans la

grotte de Hirâ.

1 Lis ! Au nom de ton Seigneur qui composa,

2 composa l’homme d’une foi.

3 Lis ! Ton Seigneur est le Généreux,

4 qui fendit à la lèvre l’homme par le calame,

5 à l’homme enseigna ce qu’il ne savait pas.

Iqra ! Lis ! est le premier mot du Coran descendu, mot apparenté au

nom de ce Livre, qui signifie lecture, récitation. Mohammed ne sait pas lire quand

lui est faite cette injonction. Mais ce n’est pas une écriture d’homme qu’il lui est

demandé de lire. Lire pour lui va être écouter et dire, retranscrire la parole qui lui

descend du ciel. Une parole enchantée, enchantante et à dire comme un chant, le

chant qu’elle est. Beaucoup d’assonances en a dans ces cinq premiers versets

révélés. Qui ouvrent la lèvre du Prophète afin qu’il parle. La même image se

trouve à l’intérieur de l’hébreu, dans l’Ancien Testament, où la langue signifie

d’abord la lèvre. Et la prière des Heures chrétienne commence par ces mots :

« Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange ».

Le verbe habituellement traduit par créer dit d’abord : donner une

mesure à, composer. Je reprends ce premier sens : Dieu crée en donnant la mesure

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(du et au monde, de et à l’homme), mesure mathématique et musicale à la fois,

composition physique et poétique.

Le mot alaq, qui signifie adhérence ou caillot de sang, je l’interprète par

le mot foi parce que, comme je l’ai dit souvent, la foi, c’est adhérer au réel – et le

réel, c’est le spirituel. Ce mot alaq donne des variantes de sens à partir du sens

d’accrocher. Il peut signifier grumeau de sang (et évoquer une goutte de sperme),

et exprimer aussi l’attachement amoureux. En quelque sorte il est possible de

comprendre en ce verset que Dieu a créé l’homme par un acte d’amour, un acte par

lequel l’homme est destiné à adhérer à Lui, un acte de foi. Je suis consciente qu’il

est audacieux de dire que Dieu a fait un acte de foi, mais ce que nous pouvons du

moins comprendre c’est que l’homme est homme parce qu’il vient d’une

adhérence, parce qu’il devient homme par la foi.

Le même verbe signifiant enseigner est repris aux versets 4 et 5. La

première fois, je le traduis par son sens premier : « marquer, distinguer par une

marque, par un signe quelconque », et de là « faire à quelqu’un une fissure à la

lèvre supérieure ». L’homme est en quelque sorte signé par Dieu, à la manière dont

un peintre signe son œuvre. Ainsi Dieu, après nous avoir créé d’une adhérence,

après nous avoir scellés à lui, fend le sceau et par cette fissure, sa signature,

commence à se révéler.

Sourate 114, An-Nas, « Les hommes »

1 Dis : Je me réfugie en le Seigneur des hommes,

2 Roi des hommes,

3 Dieu des hommes,

4 contre la nuisance du fourbe instigateur, caché derrière les autres,

5 qui souffle le mal dans les cœurs des hommes,

6 qu’il soit d’entre les djinns ou d’entre les hommes.

C’est la dernière sourate du Coran, et elle est précédée d’une autre brève

sourate en forme d’invocation contre le mal. Comme les autres sourates de la fin

du Livre elle fait partie des premières sourates descendues. Je l’ai traduite au plus

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127

près, sans pouvoir conserver le magnifique balancement des versets, qui riment

tous en arabe. « Caché derrière les autres » (v.4) est le sens premier du mot, je n’ai

pas trouvé à le dire autrement, de façon à le faire rimer avec hommes.

Nous avons vu que lors de la première descente, il fut dit d’abord au

Prophète : « Lis ». Ici il lui est commandé de dire. C’est une expérience que tout

prophète connaît. Nous la trouvons dans l’Ancien Testament bien sûr, et j’ai moi-

même connu ce commandement impérieux, qu’on ne peut imaginer si on ne l’a

vécu. Il ne s’agit pas de quelque chose comme l’inspiration qui vient au poète, et

que je connais aussi bien sûr, mais véritablement de ce verbe dire qui est intimé

explicitement et avec une force inouïe, qui vous éjecte littéralement de vous-

même. C’est Dieu qui dit à travers vous, vous êtes obligé de le dire. Voilà tout ce

qui fait la différence entre une parole poétique et une parole révélée. La parole

révélée a une allure poétique aussi, mais elle est beaucoup plus que cela, elle vient

d’ailleurs.

En cette sourate, qui est un jaillissement comme toutes les splendides

brèves sourates du début de la révélation et de la fin du Livre, Dieu est appelé

Seigneur, Roi, Dieu. Il est le repère absolu, et le protecteur. Le verbe qui dit « je

me réfugie » signifie d’abord « s’attacher comme la chair à l’os ». Nous retrouvons

cette idée d’adhérence exprimée dans les premiers versets descendus.

Être en Dieu est le refuge contre le mal. En arabe la préposition n’est pas

contre mais de, comme nous disons « se protéger du mal » ; elle marque mieux la

séparation. Nous l’avons vu aussi dans la Genèse, Dieu sépare ce qui doit être

séparé. De quoi Dieu sépare-t-il le croyant ? Du mal, de la nuisance du fourbe,

qu’il vienne de parmi les djinns ou de parmi les hommes. Le mal peut venir des

hommes mais Dieu est leur Seigneur, Roi et Dieu, et il a le dernier mot. Le mal

peut entrer dans les hommes, mais pas en Dieu. Qui demeure en Lui en est à l’abri.

C’est l’ultime sourate du fantastique déploiement qu’est le Coran, sa conclusion. À

travers le Livre nous avons appris (nous allons apprendre) à entrer dans la demeure

de Dieu, Souverain des univers comme il est dit dans la première sourate, et nous

saurons que nous y sommes non seulement protégés du mal des hommes, mais

aussi, comme il est ici répété cinq fois en six brefs versets, que nous y sommes des

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128

hommes.

Sourate 18, Al-Kahf, La Caverne

C’est un texte qui parle de jugement de Dieu et de résurrection. Il est venu

à Mohammed en réponse à des questions qui lui étaient posées par des polythéistes

qui doutaient de sa qualité de prophète. Il nous faut comprendre, chrétiens et

musulmans, que le Christ et le Coran sont de Dieu parce que tous deux, l’un par sa

divine humanité, l’autre par sa divine beauté, ne peuvent pas venir de l’homme, ne

peuvent venir que de Dieu. De façon unique, comme Dieu l’est. Et veut que nous

soyons unis en Lui.

Cette sourate est au centre phonologique du Coran. Même nombre de

lettres de part et d’autre. Centrale aussi dans sa signification.

Elle a été presque entièrement révélée à La Mecque et comporte 110

versets. Selon plusieurs hadîth, quiconque en lit le vendredi les dix premiers ou les

dix derniers versets (lesquels protègent de l’antichrist), bénéficie d’une lumière

jusqu’au vendredi suivant. Et quiconque la lit reçoit une grande lumière au Jour de

la Résurrection.

Le Coran est semblable au ciel étoilé. Son ordre est absolument parfait,

même s’il nous échappe. Quant à sa contemplation, elle demeure libre. Nous avons

déjà contemplé la première sourate, Al-Fatiha, L’Ouvrante ; la sourate 96, Al-Alaq,

que nous avons interprété « La Foi » ; et la sourate 114, An-Nas, Les Hommes.

Nous proposons maintenant à lire et contempler cette sourate Al-Kahf qui est telle

l’étoile Polaire du Livre, et que nous allons commencer à commenter. Bien

entendu rien ne nous empêchera d’y revenir, comme rien ne nous empêche de

contempler inlassablement telle ou telle étoile, telle ou telle constellation, et le ciel

tout entier, visible et invisible.

Dans Relire le Coran, Jacques Berque évoque « la théologie

musulmane, selon laquelle l’époque du Coran est justement celle où des miracles

matériels, on est passé aux miracles intellectuels, aux miracles rationnels, aux

miracles d’induction. »

Le centre du Coran est plus précisément, dit-il ailleurs, le verset 74 de

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cette sourate. Il s’agit du verset au cours duquel le mystérieux guide de Moïse tue

sans raison apparente un jeune homme rencontré en chemin. Voyant cela, j’ai vu le

Livre comme un univers de lumière et de vie, jailli du trou noir qu’est le mystère

de la mort ; et de par ce mystère tout entier avertissement et promesse pour le Jour

de la Résurrection.

La Bible aussi se développe à partir de ce mystère, avec l’expulsion

d’Adam et d’Ève hors d’Éden et leur entrée dans le monde mortel, et le premier

meurtre humain, celui d’Abel par son frère Caïn. Et le Nouveau Testament, le

christianisme tournent entièrement autour de la Croix, à savoir la mort du Christ et

sa Résurrection, promise à tous.

Veiller à la source unique, proclamer sa souveraineté et son inviolabilité,

montrer à partir d’elle le chemin de la Résurrection, tel me semble être le thème

premier de cette dix-huitième sourate. Au terme de la première histoire qu’elle

raconte, celle de la caverne où se sont réfugiés des jeunes gens persécutés pour

leur foi, est affirmé le fait que Dieu seul sait quel était leur nombre, et quel fut le

nombre d’années ou de siècles qu’ils y passèrent. Au terme de la deuxième

histoire, celle du jardin terrestre, est affirmé le fait que l’homme, contrairement à

ce qu’il peut s’imaginer, en définitive n’est pas maître de son destin ; mais que

vient assurément pour chacun le moment de se retrouver devant Dieu. La troisième

histoire nous conduit à la toute spirituelle « jonction des deux mers » : c’est là que

« le poisson » retourne à sa source, comme Moïse va être conduit à le faire en

voyant que le sens caché de l’existence et de la mort est en Dieu et lui appartient.

La quatrième histoire est celle d’un peuple primitif, presque sans langue,

vivant directement sous l’ardeur du soleil, et menacé par Gog et Magog, qui se

voit mis à l’abri par l’édification d’un mur jusqu'au Jour du Jugement. Plus nous

avançons dans la sourate, plus le mystère devient profond, insondable et pourtant

offert à notre pénétration. Laissons aujourd’hui sa splendeur et son immensité nous

renverser, puis nous reviendrons marcher en son domaine, tels les Dormants de la

Caverne ou Moïse, son compagnon et leur Guide.

Kahf signifie : grotte, caverne (surtout spacieuse) ; refuge, asile ; chef

d’une troupe et chargé de ses affaires ; rapidité de la marche, de la course.

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Les jeunes gens se sont réfugiés tout à la fois dans la caverne et dans la

rapidité de la marche. Des siècles ont passé quand ils se réveillent comme s’ils

n’avaient dormi que quelques heures. Ils ont trouvé refuge aussi dans « le chef de

la troupe, chargé de leurs affaires », Dieu. Là où la course du temps est libérée de

sa mesure humaine, là où se trouve le salut.

Hûta signifie : poisson (surtout très grand, notamment le poisson de

Jonas) ; et c’est aussi la constellation des Poissons. Le grand poisson est donc aussi

la spacieuse caverne, et réciproquement. Mais l’histoire ne se passe pas sur terre,

comme pour Jonas qui doit aller prêcher Ninive, elle se passe au « ciel » (la

constellation), au lieu des miracles intellectuels, des miracles rationnels, des

miracles d’induction.

Sourate 19, Maryam, Marie (1)

Nous avons commencé à approcher la sourate 18, Al-Kahf, La Caverne,

que nous avons vue comme un centre mystérieux et générateur du Coran. Que la

sourate suivante soit consacrée à Marie ne pouvait que faire « signe » (c’est le sens

du mot aya, verset) à l’auteur d’un livre sur la Vierge qui apparut dans la grotte de

Lourdes.

La sourate, révélée à La Mecque, très douce, pure et belle, raconte

l’annonce de la naissance de Jean à Zacharie (malgré l’infertilité de sa femme),

puis l’annonce de la naissance de Jésus à Marie (malgré sa virginité) et la

naissance de ce dernier sous un palmier ; avant de revenir sur quelques figures de

prophètes, en particulier Abraham et Moïse.

Quel sens peuvent avoir les cinq premières lettres qui inaugurent la

sourate ? Comme certaines autres, elle est en effet précédée d’une suite de lettres

qui depuis sa descente sont restées incompréhensibles.

Ici il s’agit des lettres suivantes : Kaf, Ha, Ya, Ayn, Sad.

Sur Kaf et Ha, je peux seulement dire que ce sont les deux premières

lettres de Kahf, Caverne, nom de la sourate précédente.

Ya, à la fin d’un verbe, est le signe de l’impératif féminin. Et il se trouve

au cœur du prénom Maryam.

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Ayn est l’abréviation d’un mot qui signifie hémistiche.

Sad, 14ème lettre de l’alphabet, est l’abréviation de Safer, mois lunaire.

Je ne suis pas allée chercher ces sens bien loin, mais tout simplement

aux lettres respectives dans le dictionnaire. C’est ainsi que nous obtenons :

Caverne, impératif féminin à l’hémistiche du mois lunaire.

C’est-à-dire, au sens terrestre : Matrice, impératif au jour de fécondité de

la femme (le quatorzième, à la moitié du cycle féminin).

Mais bien sûr le sens est aussi et d’abord « céleste », spirituel.

Souvenons-nous que dans la première sourate, qui ouvre le Livre et aussi toute

prière, les mots pour dire et redire la miséricorde de Dieu comprennent l’idée de

matrice (comme il en est aussi en hébreu, dans la Bible : l’amour de Dieu a un

caractère très physique, et maternel autant que royal). Et souvenons-nous que c’est

dans une caverne que le Prophète lui-même a reçu la première fois la visite de

l’Ange Gabriel, lui annonçant la descente du Coran.

Enfin, notons que le fait de lier l’hémistiche au mois lunaire revient à

relier le verbe au temps, Jésus (appelé dans le Coran Verbe de Dieu) et Marie.

Dans la sourate précédente, La Caverne, nous avons vu l’importance

eschatologique du thème du temps. Hémistiche comme mois lunaire donnent une

forte idée de mesure, et nous avons vu, en étudiant la sourate Al-Alaq, que le verbe

habituellement traduit par créer dit d’abord : donner une mesure à, composer.

D’autre part, le mode impératif rappelle cet autre verset du Coran (3, 47) où, Marie

demandant comment elle pourra enfanter sans qu’un homme l’ait touchée, l’ange

lui répond : « C’est ainsi que Dieu crée ce qu’il veut. Il dit « Sois », et cela est. »

Et il me semble que nous avons dans ces énigmatiques lettres qui

ouvrent la sourate une indication aussi sur la création par une sorte de dérivation à

l’œuvre dans le verbe : comme si d’une sourate pouvait venir une autre sourate, de

la moitié d’un vers l’autre moitié, d’un impératif un indicatif. La langue de Dieu

étant véritablement vivante, donc performative et créatrice, dans son absolue

pureté.

Sourates 18 et 19, Al-Kahf et Maryam, La Caverne et Marie (2). Le sens

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du hidjab.

104 Ceux-là dont l’élan se fourvoya dans la vie d’ici-bas, et qui

s’imaginaient que c’était là pour eux bel artifice,

105 ceux-là qui dénièrent les signes de leur Seigneur et Sa rencontre :

leurs actions ont crevé d’enflure. Je ne leur attribuerai nul poids au Jour de la

résurrection

106 telle sera leur rétribution : la Géhenne, pour avoir dénié, pour

avoir tourné en dérision Mes signes et Mes envoyés

107 tandis que ceux qui croient, effectuent les œuvres salutaires auront

en prémices les jardins du Paradis

108 où ils seront éternels, sans nulle envie d’y rien substituer.

La Caverne, traduction de Jacques Berque

Le Coran tourne autour de son centre, qui est partout. Partout reviennent

les avertissements aux mécréants, la promesse à ceux qui croient à l’Unique

source, créateur et vérité, révélée par le Prophète et ses autres messagers, la

révélation eschatologique du sens de la vie, du temps, de l’univers. Nous avons

reconnu l’un de ses centres en son centre phonologique, Al-Kahf, cette Caverne, ce

trou noir de la mort qui ne retient la lumière que pour la libérer, splendide, dans

l’éternité de la résurrection. Et nous allons lire le Livre en tournant autour de ce

centre.

Nous l’avons dit, la sourate suivante, Marie, est comme une émanation

de La Caverne. Marie vient de la Caverne. Marie, mère de Jésus, l’un et l’autre

intimement liés, témoignant de la Résurrection issue du temps de la Caverne, de la

mort en Dieu, qui dépasse la mort. Nous sommes ici au plein cœur du seul thème

qui compte : le voile et le déchirement du voile. La Caverne et Marie sont

l’habitation de l’homme en ce monde, une habitation que Dieu voile afin d’y

préserver la vie et lui donner, en la dévoilant, sa révélation, celle de la résurrection.

Marie, nous dit le Coran, s’isola des siens dans un lieu oriental (à la

source donc) et mit « entre elle et eux un voile ». Un hidjab. Le verbe arabe

contient aussi le sens d’élever un mur de séparation. De voiler, de garder l’entrée.

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Le nom désigne tout ce qui peut s’interposer entre l’objet et l’œil, aussi bien : un

voile, la nuit, ou l’éclat du soleil. Le Coran lui-même est considéré comme hidjab,

au sens de moyen le plus puissant pour détourner le mal. Le verbe signifie aussi le

fait d’entrer dans le neuvième mois de sa grossesse.

Rappelons-nous la dernière histoire de La Caverne, la plus mystérieuse,

avec ce mur de séparation qu’élève l’envoyé de Dieu pour protéger jusqu’au jour

du Jugement le peuple primitif qui vit au bord d’une source en plein sous le soleil.

Rappelons-nous la Kaaba voilée, autour de laquelle tournent les fidèles.

Rappelons-nous la légende de la toile d’araignée et du nid de la colombe

sauvant la vie du Prophète et de son compagnon de voyage, lorsqu’ils quittèrent La

Mecque pour Médine, pourchassés par les ennemis. Quand ces derniers arrivèrent

devant la grotte où ils s’étaient cachés, ils virent qu’une araignée avait tendu sa

toile devant, et qu’une colombe y avait fait son nid, où elle couvait ses œufs. Ils en

déduisirent que personne ne venait d’y pénétrer, et passèrent leur chemin.

L’anecdote est légendaire mais la nuit dans la caverne est réelle et évoquée dans le

Coran : c’est à partir d’elle que commence le temps de l’islam, le nouveau

calendrier. Et il est clair que cette toile et que cette colombe signifient à la fois la

virginité de Marie, sa grossesse miraculeuse et son prochain enfantement.

Voici aussi où nous voulons en venir. Quand dans l’adhan, l’appel à la

prière, le muezzin dit : venez à la prière, venez à la félicité, le mot arabe pour dire

félicité signifie aussi : lèvre fendue. La prière consiste à réciter la révélation venue

de Dieu. À parler la parole de Dieu. À ouvrir la bouche, le voile qu’elle est, ouvrir

la parole, pour en faire jaillir la vie, la lumière, la vérité. À en reconnaître et faire

le centre autour duquel, cosmique, notre être tourne jusqu’en son

accomplissement, éternelle et indestructible félicité.

Sourate 19, Maryam, Marie (3)

Les versets de cette sourate qui racontent l’annonce à Zacharie de la

naissance de Jean, puis la naissance de Jésus, ont sauvé la vie aux premiers

musulmans exilés en Abyssinie, fuyant les persécutions de leurs compatriotes.

Quand deux émissaires de La Mecque vinrent les réclamer au Négus, le roi

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134

chrétien, ce dernier leur demanda d’abord de s’expliquer sur leur nouvelle religion.

Ils affirmèrent leur foi en un Dieu unique, et récitèrent la première partie de la

sourate Marie. En l’écoutant le roi mouilla sa barbe de ses pleurs et refusa de livrer

les musulmans à leurs compatriotes, leur accordant sa protection.

Marie pour enfanter Jésus, « Parole de Vérité » (v. 34), s’éloigne de sa

famille, de tout, et se met sous un palmier. J’ai pensé à la photo de Rimbaud en

Abyssinie, vêtu de blanc et si seul sous le palmier. Le palmier bien sûr relie la terre

au ciel, sa verdure en éventail est comme le déploiement de l’espace et son tronc

fait chemin, depuis la racine enterrée qu’est aussi Marie. Pendant l’enfantement, ce

qui est sous elle, sans que l’on sache s’il s’agit de l’ange Gabriel ou de Jésus, lui

indique de secouer le tronc du palmier, d’où lui pleuvent pour son réconfort,

manne dorée, des dattes ; tandis qu’un ruisseau, ou une gloire, s’écoule de sous

elle : « Mange et bois, et que ton œil se réjouisse ! Avant qu’elle ne fasse vœu de

jeûner de parole, de passer le restant de la journée sans parler. (v. 24-26)

L’Esprit de Dieu lui a parlé. Vierge, elle a conçu, est devenue enceinte,

et voici qu’elle enfante. Les douleurs viennent, elle s’exclame : « Qu’avant cela ne

suis-je morte, et totalement oubliée ! » (v. 23) Je ne connais pas encore la

grammaire, je ne peux préciser la traduction, mais je vois que le verbe oublier est

répété sous deux formes différentes successives, et je songe à la tournure en

hébreu qui répète aussi les substantifs pour exprimer un superlatif, comme dans

« Cantique des cantiques » - et peut-être dirait-on familièrement en français : « que

je sois oubliée de chez oublié ! » Car ne faut-il pas vouloir l’être, soumis à l’oubli,

pour pouvoir endurer le fait d’enfanter un Verbe de Dieu, comme Jésus est aussi

nommé dans le Coran (4,171) ?

Cet oubli est mort de l’ego, oubli de soi. D’autres éléments renforcent ce

sens en cette première partie de la sourate. Le mutisme de Zacharie après

l’annonce (v.10) ; l’isolement de Marie (v.16) et son voilement (v.17) avant

l’annonce, son mutisme (v. 26) après la naissance de Jésus. C’est lui-même,

nouveau-né, qui prendra la parole, pour se justifier et la justifier ; lui-même parole,

suffisant à justifier ce qui paraît scandaleux, l’enfantement par une fille-mère.

Comme dans les rituels soufis, l’ego a été déposé, ce n’est plus lui qui parle, c’est

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la parole de vérité elle-même, la parole venue de Dieu.

Marie de retour dans sa famille avec l’Enfant est appelée sœur d’Aaron.

Les exégètes cherchent à expliquer que cet Aaron ne peut être le frère de Moïse,

que le Coran sait très bien que la confusion avec Marie, sœur de Moïse et d’Aaron,

n’est pas possible. Mais justement, n’y a-t-il pas là un signe ? Revient ensuite le

rappel de l’unicité absolue de Dieu, et de l’erreur que commettent ceux qui croient

qu’il ait pu se donner une progéniture. (Cette question de divergence avec les

chrétiens est bien sûr capitale, et il faut se placer à des niveaux de signification

différents pour voir en chacune de ces visions sa propre logique, étroitement liée à

la question de la mort du Christ, vue très différemment aussi dans le Coran – nous

y reviendrons une autre fois).

Puis c’est Abraham qui est évoqué : son éloignement des siens (comme

Marie) pour aller à la rencontre du Dieu unique, grâce à quoi lui seront donnés ses

descendants Isaac et Jacob, à qui Dieu accorde « une sublime langue de vérité » (v.

50). Là aussi nous voyons la concordance avec ce qui advient à Marie. Puis est

rappelé Moïse, à qui Dieu parla sur la montagne : toujours l’appel à l’isolement

suivi de la Parole de Dieu.

La sourate se termine par la mention d’autres prophètes, Ismaël, Idris

(Énoch), Adam, Noé, de nouveau Abraham et Israël... Marie ne serait-elle pas leur

sœur, comme celle d’Aaron et de Moïse ? J’ai trouvé dans le dictionnaire cette

indication : avant d’être un prénom, maryam désigne une « femme qui aime et

recherche la société des hommes, mais qui est chaste et vertueuse ». Et celle qui

enfante le Verbe de Dieu, n’est-elle pas un prophète parmi les prophètes ? La

sourate se conclut par de longs et vigoureux avertissements aux mécréants,

« tandis que ceux qui croient, effectuent l’œuvre salutaire, le Tout miséricorde les

comblera d’amour » (v. 96, trad. Jacques Berque). « Et tout cela sera le

commencement des douleurs de l’enfantement », a dit un jour Jésus (Matthieu 24,

8), parlant de ces derniers temps qu’évoque aussi l’Apocalypse, avec ses grands

combats au milieu desquels une femme enfante dans le ciel.

Sourate 18, Al-Kahf, La Caverne (3). Ses enseignements politiques.

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136

Comprendre ce qu’est, dit et révèle le prodige que sont la Bible,

l’Évangile et le Coran, c’est comprendre ce qu’est Dieu, qui il est et ce qu’il veut.

C’est bannir la possibilité de l’instrumentaliser. C’est reconnaître qu’en Lui seul

réside notre histoire, notre être et notre devenir. Et qu’il est donc de notre devoir

absolu d’aider les hommes à comprendre Sa parole, son sens qui n’est pas figé

dans le temps mais au contraire vivant, évoluant comme un organisme, un arbre de

vie qui jamais ne cesse de produire des fruits beaux et bons à contempler et à

manger, pour quiconque va vers lui avec la permission des anges qui en gardent

l’accès.

Nous l’avons montré dans nos lectures précédentes, la sourate Al-Kahf

n’est pas seulement au centre phonologique du Coran, elle en est comme une

matrice, à l’image de ce qui fait son titre, cette Caverne où mûrit la résurrection.

C’est en s’isolant lui-même dans une grotte que le Prophète a commencé à

recevoir la révélation, signe de résurrection pour son peuple et lui. Or que se

trouve-t-il dans ce centre du Livre autour duquel nous tournons comme autour de

la Kaaba ? Au centre du centre, nous l’avons dit, un verset qui indique le mystère

choquant de la mort. À l’entrée ou au déploiement du centre, une histoire

chrétienne de résurrection, celle dite des Sept Dormants d’Éphèse. Suivie d’une

parabole sur le sens de l’existence, puis d’une plongée dans les eaux célestes avec

Moïse, et enfin d’une expédition aux confins de l’humanité. Une succession de

récits de plus en plus énigmatiques, conclue par l’annonce eschatologique du Jour

où toutes les âmes auront à répondre à l’appel.

Telle une pierre noire au milieu du Livre, Al-Kahf rayonne au secret

d’une intense énergie spirituelle, celle qui transporte quiconque s’en approche dans

la voie de la résurrection, transforme la mort en vie, la finitude en vie éternelle. Le

Coran tout entier rayonne de ce rayonnement puisé en son centre qui est partout,

tout en se trouvant résumé et imagé en Al-Kahf, sourate récitée tous les vendredis.

Nous y reviendrons, continuerons à y pénétrer plus avant. Pour aujourd’hui, notons

que le sens eschatologique du texte ne nous empêche pas d’y voir aussi un

enseignement politique. D’après ce qui nous est montré dans La Caverne,

comment devons-nous nous comporter au sein de la Cité terrestre ?

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137

Les histoires ou paraboles successives désignent clairement le mal causé

par les abus de pouvoir des hommes. Dans le premier récit, les jeunes gens sont

confrontés à la dictature d’une idéologie idolâtre. Face à sa force brutale, se

soumettent-ils ? Non. Ils se retirent ensemble. Non pour mourir ou disparaître,

mais pour ne pas laisser corrompre leur foi, leur innocence. Leur voilement par la

caverne est un témoignage. Le monde veut les forcer à se nier en se faisant

discrets ? En se réfugiant en Dieu, dans ce rocher biblique, cette caverne qui est

aussi temple, autel, mosquée, ils traversent les siècles et les barrières, deviennent

un signe aussi visible que l’étoile au-dessus de la grotte de la Nativité.

Cependant la réaction au monde mortifère ne consiste pas seulement

dans le retrait. L’histoire des deux hommes au jardin enseigne que le

comportement dominateur, suffisant et méprisant du riche finit par le perdre.

Comment réagit le moins favorisé à l’arrogance du dominant ? Non pas en se

taisant, mais en lui rappelant les droits de Dieu, sans hésitation ni timidité, en

prenant le temps d’argumenter, démontrer, affirmer le vrai.

Dans l’histoire suivante Moïse, en cheminant sous la guidée d’un

envoyé de Dieu nous enseigne comment continuer à progresser et à garder la foi

même quand l’iniquité à l’œuvre dans le monde tendrait à nous en détourner. Car

si l’on rencontre souvent, en plus de l’iniquité des hommes, une apparence

d’iniquité de Dieu, c’est seulement parce qu’on en ignore le sens. Le récit

constitue donc pour notre vie terrestre, notre politique en ce monde, une incitation

à garder la foi et à chercher à pénétrer plus avant dans la connaissance. Le dernier,

énigmatique et bref récit des expéditions de Dhu’l-Qarneyn aux confins de

l’humanité confirme la nécessité de cette quête de la connaissance, qui est aussi

voyage à la rencontre de l’autre.

Nous serons sans doute appelés par la sourate précédente, Le voyage

nocturne. D’ici là nous pouvons récapituler les enseignements politiques de La

Caverne : se faire témoins de la lumière en se retirant des systèmes idolâtriques ;

répondre à l’arrogance par des paroles de vérité ; continuer à avancer dans la

connaissance.

Selon le Coran, Dieu seul sait combien ils étaient, dans la caverne. Peut-

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138

être trois, est-il dit d’abord. Et je songe : un juif, un chrétien et un musulman,

attendant de ressusciter ensemble de leur engourdissement dans un monde

troublé ? Peut-être sept, ou plus, dit encore le texte. Peut-être bien toute

l’humanité, réunie dans sa diversité ?

Sourate 17, Al-Isra, Le Voyage Nocturne

Il est l’Audient, le Voyant, est-il dit d’Allah au premier verset de cette

sourate qui évoque, en 111 versets, le fameux voyage que fit le Prophète en prière,

de nuit, de La Mecque à Jérusalem et de Jérusalem au Ciel, auprès de Dieu. Ici

cependant pas de jument ni de détails pittoresques (comme il s’en trouve dans des

hadiths), seulement la Vérité nue. Mohammed (le salut et la bénédiction de Dieu

soient sur toi), je crois que tu as chevauché à cru une cavale nommée Audience et

Voyance d’Allah. C’est le miracle de la prière profonde, et je me rappelle ton

voyage quand au cœur de la nuit je pratique comme toi la prosternation,

Essoujoud, ce mot qu’on retrouve dans Masjid, la Mosquée, tout lieu où l’on se

prosterne, la terre entière étant mosquée pour un musulman. Et aussi quand, me

redressant après m’être inclinée, je prononce « Samia Allahou Liman

Hamidahou », « Allah entend celui qui le loue », ce mot Samia que l’on retrouve

dans l’appellation As-Sami, l’Audient, et aussi dans le nom du fils d’Abraham

notre ancêtre, Ismaël, et dans l’antique invocation juive, redite par Jésus, Shema

Israël, Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est Un… Oui un voyage dans la

langue de Dieu, dans sa Parole transmise à Ses prophètes. Afin de lui faire voir

Min Ayatina, dit ce même premier verset, De Nos Signes, ou De Nos Merveilles…

et j’écoute et je vois que c’est le même mot qui dit Versets. Dieu t’a fait voir de

Ses versets, des antiques et des nouveaux sans doute, Dieu t’a transmis comme

Signes et Merveilles ses Versets, que j’entends que je sens galoper sous moi dans

le désert tandis que je les vois, quand je les lis…

Voyage de la « mosquée sacrée », Al-Haram, à « la mosquée la plus

lointaine », Al-Aqsa, trajet eschatologique de la source de tout à l’ultime, du

nombril de monde au lieu de la résurrection, de la boîte noire de La Mecque au

lieu où tomba, comme l’avait prophétisé Jésus, le Temple jamais relevé. Trajet de

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l’Interdit (le sacré) au Révélé. Trajet de la terre au ciel via Jérusalem, de la forme

au sens, de l’ouïe au dit, de la vision au réel, du sujet à son objet. Le Coran est la

transfiguration de l’Écriture – c’est pourquoi, au premier temps de la Révélation,

l’Ange de Dieu ne demande pas à Mohammed d’écrire, mais de lire. Les signes

anciens, il va les lire selon la nouvelle révélation. Et dès le deuxième verset, voici

Moïse et le Livre. Et dès le verset suivant, Noé et l’Arche.

Puis voici le grand sujet, celui du mal commis par les hommes, de leur

non-écoute de la parole de Dieu, et du châtiment terrible qu’ils encourent. C’est

sur ce terrain que galope la monture jusqu’à la fin de la sourate, le terrain des fins

dernières de l’homme, qui est aussi avertissement contre l’enfer après la mort pour

ceux qui auront placé tout leur désir sur terre, suivi le diable qui « ne fait des

promesses qu’en tromperie ». Sur le déluge, il y revient, car l’eau est la parole où

Dieu fait naître et où il fait sombrer, par où il sauve, aussi. Moïse la traversa avec

son peuple, Noé y navigua avec ses fils et les vivants, elle noie les méchants, sauve

les justes. « Êtes-vous à l´abri de ce qu´Il vous y ramène (en mer) une autre fois,

qu´Il déchaîne contre vous un de ces vents à tout casser, puis qu´Il vous fasse

noyer à cause de votre mécréance? Et alors vous ne trouverez personne pour vous

défendre contre Nous ! » (v. 69) Sachez traverser sains et saufs la nuit, accomplir

le pèlerinage périlleux qu’est la vie en ce bas monde, tel est le message de cette

sourate, aussi centrale que Al-Kahf et Maryam. Et pour cela, les derniers versets

sont des appels renouvelés à la prière, des conseils pour la faire et louer celui « qui

n’a point d’associé en la royauté », celui qu’on ne doit point évoquer comme s’il

était tour à tour tel ou tel homme ou l’homme, comme le font ceux qui ont laissé se

dégrader complètement leur foi, leur vision de Dieu. Mais Dieu est miséricordieux,

il a fait descendre le Coran. Qu’ils le lisent en priant, et ils découvriront : « quand

tu lis le Coran, Nous plaçons, entre toi et ceux qui ne croient pas en l´au-delà, un

voile (hidjab) tabou » (v.45). Et tu es parfaitement pur et inatteignable, comme Al-

Haram, ton lieu de départ en ce voyage nocturne, parfaitement musulman, c’est-à-

dire en paix bienheureuse.

Sourate 20, TaHa, « Au puits de ma béatitude »

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140

Nous continuons à tourner autour du Coran et à l’intérieur du Coran à

partir de ce centre qu’est la sourate Al-Kahf – tout en nous rappelant avoir dit que

le centre du Coran est partout dans le texte, où sans cesse sont repris et déclinés les

mêmes thèmes, lesquels peuvent se résumer en un thème unique, le thème

eschatologique de la source et de la fin dernière, du but de l’homme, de son

passage ici-bas.

Commençons cette fois par resituer la descente du Coran dans son

contexte anthropologique, en citant ce passage du livre de Jacqueline Chabbi, Le

Seigneur des tribus, à propos du ‘ilm, le « savoir tribal » :

« Étymologiquement, le ‘ilm tribal est centré autour de la recherche des

marques et des traces. Alam, de même racine (‘LM), désigne d’ailleurs ce « signe

de piste ». Le savoir tribal est avant tout une science du déplacement. La

connaissance, très prisée dans ces milieux, des généalogies et des alliances est

aussi de cet ordre. Elle porte sur les relations et sur les réseaux. Comme la science

de la piste, elle mobilise la mémoire et prépare à l’action. Il en va de même de ce

que l’on pourrait appeler le « pistage du destin », c’est-à-dire du ghayb. »

Nous sommes ici dans le même type de savoir que celui des premiers

Hébreux, nomades, ou des Aborigènes d’Australie, nomades aussi, dont Bruce

Chatwin a décrit la pensée complexe, si étrangère à la pensée des sédentaires. Un

système de pensée où l’essence du monde est en quelque sorte semblable aux

circonvolutions du cerveau, et qui atteint son but dans le monothéisme juif des

origines, lui-même transcendé dans le monothéisme coranique, comme nous allons

continuer d’essayer de le montrer, ou de le faire apercevoir.

Citons encore, en guise de mise en route, ce splendide passage d’une

traduction par Jacqueline Chabbi, du « récit authentique, Khabar, mis sous le nom

de Wahb (Ta’rîkh, I, 130-131) » :

« J’ai placé le premier bayt qui ait été édifié pour les hommes au creux

du val de la Mekke, lieu béni (…) ils y viendront, des pieds à la tête couverts de la

poudre des pistes, montés sur des chamelles efflanquées (tant ils seront venus de

loin), par les gorges les plus profondes ; tout tressaillants de dire sans relâche : me

voici venu ! me voici venu !, laissant sans discontinuer couler leurs larmes et

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rouler dans les gorges comme d’un grondement ininterrompu, le nom de Ma

Grandeur. »

En notant que le mot Khabar, qui désigne les « récits authentiques »

autour du Coran, est apparenté au nom qui désigne une « dépression toujours

humide qui permet la pousse et la survie permanente des jujubiers » - arbres que

l’on retrouve au paradis, et dépression qui rappelle celle où est bâtie la Kaaba,

autour de laquelle les pèlerins tournent, comme nous autour de La Caverne, Al-

Kahf.

Pourquoi certaines sourates commencent-elles par une succession de

lettres qui ne veulent apparemment rien dire ? Le Coran, Livre révélé, jongle avec

la lettre à la vitesse de l’éclair. Génie de la langue, proche de celui dans laquelle

s’écrivit la Bible, et où déjà, par-delà les deux dimensions visibles de l’Écriture, la

littérale et la spirituelle, s’ouvrent secrètement d’autres dimensions, ouvrant sur

d’autres sens, d’autres univers (où nous nous sommes aventurés dans Voyage).

Nous avons vu que tel était le cas de la sourate Maryam, inaugurée par cinq lettres

dont nous avons discerné un sens. La particularité de la sourate Ta-Ha est de porter

en titre les deux lettres qui forment son premier verset. Comme dans Maryam, il

s’avère que ces lettres indiquent quelque chose de capital qui est voilé par pudeur.

Cette sourate de 135 versets commence par le rappel de la Souveraineté

de Dieu, qui « connaît le secret et même ce qui est encore plus caché » (v.7). Pour

sa plus grande partie elle reprend l’histoire de Moïse, conclue par une méditation

sur la Révélation (v. 9-114). Enfin, introduite par un rappel de l’histoire d’Adam,

elle ouvre sur l’appel à suivre la juste voie en vue du Jour de la résurrection et de

la rétribution.

Ôte tes sandales, car tu es dans le val sacré de Tuwa, dit Allah à Moïse

quand il s’approche du buisson ardent, au verset 12. Nul ne sait d’où vient ce nom,

Tuwa. Mais il est certain que ce nom, placé en cet endroit absolument essentiel de

la Révélation, fait signe. Et pénétrer dans ce signe, c’est rejoindre aussi les deux

lettres initiales qui donnent à la sourate son nom. Pour cela il nous faut nous aussi

ôter nos sandales, et entrer pieds nus dans le lieu immaculé de la langue. Ici ce

n’est plus nous qui nous servons d’elle pour communiquer, mais elle qui vit,

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indépendante de nous, sans besoin de nous, souveraine et ne se laissant approcher

que de ceux qui se sont dépouillés de toute protection et de toute prétention sur

eux-mêmes et sur elle.

Avançons-nous comme des nouveau-nés dans les profondeurs de la

langue, où elle palpite et évolue dans la lumière. Tuwa s’y trouve entre Tawa et

Tuba. Nous y voyons Tawa désigner tout ce qui est plié ou qui se ploie, un

rouleau ; un mouvement de va-et-vient ; la maçonnerie intérieure d’un puits. Et

Tuba, qui est aussi le nom d’un arbre du paradis, exprimer la béatitude.

D’autant plus qu’il est question de Moïse, nous nous rappelons que pour

les juifs, la béatitude consiste à lire le rouleau de la Torah. Nous nous rappelons

que nous avons vécu cette béatitude, que nous retrouvons en lisant le Coran, aussi

près de sa langue que nous le pouvons. Et nous comprenons que le nom Tuwa

exprime plus que cela encore. Le Ta initial de la sourate est aussi la lettre initiale

de Tuwa (et de Tawa, et de Tuba). Quant à la deuxième lettre, le Ha, elle sert

d’affixe pronominal. Sans fatha (accent-voyelle a), comme ici, elle indique le

génitif ou le datif. Si bien qu’il nous est possible d’entendre, dans ce TaHa : « De

mon T », ou « À mon T », T pouvant signifier le confluent de la béatitude et tout à

la fois, comme nous allons maintenant le voir, des plis et du rouleau, du va-et-

vient, du puits.

Rappelons-nous ce que nous avons indiqué, au début, de la pensée

nomade. Je ne ferai pas ici l’analyse détaillée du contenu de la sourate, ce serait

trop long. Mais tout un chacun peut la lire en y notant le thème constant du

déplacement, des allées et venues, tant dans l’espace physique, géographique, que

dans l’espace mental et spirituel. Le texte arpente les pistes de l’existence et leurs

replis, et c’est pour guider l’homme, lui éviter les égarements.

Au verset 39, Dieu explique à Moïse qu’il l’a sauvé des eaux, nouveau-

né, afin qu’il soit élevé « sous mon œil », dit-il. Le mot Ayin, qui signifie en

hébreu à la fois œil et source, signifie en arabe œil ; personne ; essence. Et encore,

entre autres : pluie qui tombe plusieurs jours de suite. Ou : tourbillon d’eau dans

un puits. Par où nous revenons à la source, à l’œil, au puits de Laaï Roï, « Le

Vivant qui me voit » où Agar entendit l’Ange lui annoncer la naissance de son fils

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Ismaël. Voici comment nous commentions cet épisode :

« C’est là que l’Ange du Seigneur la trouve, à la source. La source se dit

en hébreu : l’œil. Ici il est question de « l’œil des eaux ». Agar pleure, sans doute.

Agar est révoltée par le traitement qui lui est fait. À l’œil des eaux, au lieu de

désespérer, elle voit Dieu. L’Ange du Seigneur lui indique la voie du salut : voir

plus loin. Plus loin que la tribulation immédiate, sa vie perpétuée dans une

immense descendance – en laquelle se reconnaîtront les Arabes. »

Enroulement et déroulement vertigineux du sens dans le texte.

Lis ! Et sois bienheureux.

Nâr, feu, désigne aussi dans le Coran l’enfer. Et dis: "La vérité émane

de votre Seigneur". Quiconque le veut, qu´il croit, et quiconque le veut qu´il

mécroie". Nous avons préparé pour les injustes un Feu dont les flammes les

cernent, est-il écrit au verset 29 de Al-Kahf. Le mot, de même qu’en hébreu, est

tout proche de nûr, lumière.

Si nûr est entièrement positif – il est un nom du Coran, et Dieu lui-

même est Lumière sur lumière (sourate 24, v.35), nâr a une double connotation. Ici

où le premier récit de la sourate concerne l’épisode de la Bible dit du buisson

ardent, il apparaît d’abord positif. Le récit biblique parlait d’un feu qui brûlait sans

consumer le buisson. Le récit coranique dit seulement : un feu. Moïse voit un feu

au loin. Il dit à sa famille de rester sur place, tandis que lui part à sa rencontre,

dans l’espoir d’en ramener un tison, et peut-être une aide pour le guider. Ce feu

s’apparente donc à un espoir de lumière, comme d’une torche pour pouvoir

avancer plus sûrement dans la nuit.

Cependant le fait que Moïse demande à sa famille de rester sur place

tandis qu’il s’en va au-devant de cette vision de loin, indique, en même temps que

l’espoir, le risque que ce feu représente. Le risque, sans doute, qu’encourent les

injustes de se voir cernés par ses flammes, comme écrit dans la sourate 18. Or, qui

peut savoir, au moment de se présenter devant Dieu, s’il sera jugé juste ou injuste ?

C’est tout l’enjeu du Coran : éclairer les hommes dans leur nuit, les prévenir contre

le risque de l’enfer. « Nous n’avons point fait descendre le Coran sur toi pour que

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tu sois malheureux », est-il dit au deuxième verset de Ta-Ha.

Si nous rapportons le récit à des états mentaux, quel pouvait bien être

celui de Moïse en voyant de loin ce feu ? Un verbe apparenté à nâr signife « être

excité au point de se jeter sur quelqu’un ». Le caractère infernal du feu consiste à

ête dominé par ses pulsions. Quelques versets plus tard, Dieu retraçant la vie de

Moïse jusqu’ici, lui fera notamment rappel du fait qu’un jour il tua un homme

(sous le coup de la colère, pour défendre un Hébreu opprimé, ainsi que le raconte

la Bible). Nous pourrions interpréter la démarche de Moïse comme celle d’un

homme qui, sentant monter en lui le feu morbide, s’en éloigne dans l’espoir de

trouver guidance dans le feu purifié de Dieu. Et en effet, arrivé devant le feu,

Moïse entend Dieu lui dire d’ôter ses sandales, car il se trouve dans un val sacré.

La part d’énergie mal orientée qui se trouvait en lui, Dieu va la retourner en lui

donnant mission de lutter contre le mal – incarné dans le texte par leur ennemi

commun, Pharaon.

Toutes les allées et venues de la sourate sont des occasions de

retournement, de conversion : ainsi qu’il en est de la main de Moïse blanchie

comme par la lèpre mais indemne, de son bâton changé en serpent mais redevenant

bâton, revenant à son état primitif. Occasions de remise et reprise de l’être dans le

droit et bon chemin, celui où dans chacune de nos prières, répétant Al-Fatiha, nous

demandons inlassablement à Dieu de nous conduire. Pour notre béatitude (ainsi

que j’ai interprété les lettres Ta-Ha), ainsi qu’en renouvelle constamment la

promesse le Coran, parallèlement à ses avertissements contre le mal. En quelque

sorte, il s’agit de convertir la tentation du mauvais feu en mise en chemin à la

bonne lumière. « Que celui qui n´y croit pas et qui suit sa propre passion ne t´en

détourne pas. Sinon tu périras », est-il dit au verset 16, faisant suite à l’annonce de

l’Heure, qui va arriver. « Je la cache presque », dit Dieu, tout à la fois donnant un

sentiment d’imminence, comme d’un rideau sur le point de s’ouvrir, et préservant

la liberté de l’homme, sa responsabilité quant au fait de bien ou mal se diriger.

C’est ainsi que nous verrons Pharaon, dédaignant les signes de Dieu produits par

l’intermédiaire de Moïse, sombrer avec son armée. (Et la position de Moïse par

rapport à Pharaon, avec toutes ses difficultés, est aussi celle du Prophète par

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rapport aux forces traditionnelles qui s’opposent au message qu’il lui faut leur

délivrer).

Moïse s’est approché de ce feu vu de loin, il a écouté le message qui

pouvait en être délivré, c’est pourquoi il est sauvé et peut sauver son peuple. Si le

Coran ne cesse d’avertir les hommes contre l’enfer qui les menace, c’est qu’il leur

faut, pour en être délivrés, accepter de regarder la vérité en face, toute la vérité. La

réalité lumineuse, et la réalité sombre. S’entêter comme Pharaon à ne pas vouloir

reconnaître le mal, ou dévier du bien comme plus loin dans la sourate le

Samaritain et son idolâtrie pour un veau d’or (v. 85 et suivants), ou comme plus

loin encore écouter comme Adam la parole faussée d’un serpent, c’est s’aveugler

sur ce à quoi on se destine. Pourquoi m’as-tu refait aveugle ? demande à Dieu

Adam (v. 125) après qu’il a obéi au satan, sa mauvaise pulsion, et mangé de

l’arbre interdit. C’est que, précisément, il a négligé la parole d’avertissement, il n’a

pas voulu voir le mal où il était.

Or ne pas vouloir voir le mal, refuser de le porter à la lumière, c’est se

priver de la possibilité d’en être libéré. Dieu est le miséricordieux, il soulage de sa

culpabilité celui qui admet la vérité, et par cet acte qui est repentance, permet que

tout à la fois le mal et la culpabilité qu’il engendre soient détruits. Aux aveugles

que nous sommes, le Coran expose sans cesse et vigoureusement le mal dans sa

monstruosité, qui est aussi l’énormité de la culpabilité qui nous plombe et à son

tour engendre de nouveau le mal, si nous n’en sortons pas pour aller vers la

lumière qui purifie.

La lumière de Dieu, nous dit la sourate An-Nûr, « est semblable à une

niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un cristal et celui-ci ressemble à

un astre de grand éclat; son combustible vient d´un arbre béni: un olivier ni

oriental ni occidental dont l´huile semble éclairer sans même que le feu la

touche. » Nous voici revenus au buisson ardent. À l’arbre béni, contre l’arbre

maudit dont mangèrent Adam et Ève. Nous voici revenus au centre de la question.

Je vois au loin le feu-lumière de la Kaaba, vêtu de son voile sombre. Je vois les

pèlerins faire le chemin vers elle, le chemin du pardon, vers cette étrange maison

vide. Je revois en regard les compagnons du Messie faire le chemin vers le

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tombeau vide, un matin à l’aube, le rocher creux qui n’abrite plus la mort mais fait

signe de résurrection. Je me rappelle que le Prophète a dit que c’est vers là-bas,

Jérusalem, qu’à la fin des temps nous tournerons notre regard, notre prière. Où le

Jardin des oliviers, qu’en ce moment on déracine, reprendra vie et donnera l’huile

d’où brillera, dévoilée, la lumière éternelle.

Sourate 21, Al-Anbiyaa, Les Prophètes

Pourquoi des prophètes ? Telle est la question à laquelle répond cette

sourate. À laquelle elle répond en expliquant comment fonctionne Dieu.

Le jour où les hommes vont devoir rendre compte approche ; or les

hommes se moquent des avertissements du Prophète, les mécréants l’accusent

d’œuvrer dans l’illusion, disent les premiers versets.

Contre ces accusations, Dieu via son Prophète rappelle qu’Il a déjà

envoyé d’autres prophètes chargés de révélations, et que les injustes et leurs cités

ont péri faute de les avoir écoutés. Et Il ajoute : Nous n’avons pas créé les cieux, la

terre et ce qui est entre, par jeu. (v. 16). Qu’est-ce à dire ? Le mot pour dire jeu

peut aussi désigner un dé. Le mot pour dire créer signifie d’abord donner une

mesure. La Création n’est pas aléatoire comme on pourrait le croire, elle est très

précisément mesurée. C’est exactement le constat que font aussi les physiciens de

notre temps. S’il y avait d’autres divinités que Dieu dans les cieux et la terre, ces

derniers seraient corrompus (v. 22) : s’il y avait d’autres lois que l’unique loi de

Dieu, le cosmos ne tiendrait pas. Tout comme sont corrompus ceux qui obéissent à

des autorités que des hommes ont fabriquées, plutôt qu’à la loi de Dieu.

S’il n’est qu’une Autorité, qu’une Loi, elle s’exerce dans le monde

sensible et aussi dans sa dimension spirituelle. La terre et le ciel dont parlent les

Livres sacrés désignent effectivement la terre et le ciel physiques, cosmiques, mais

aussi la terre et le ciel intérieurs à l’homme. Au Jour de la Résurrection, Nous

dresserons des balances d’une extrême sensibilité, de manière à ce que nul ne soit

lésé, fût-ce du poids d’un grain de sénevé, car tout entrera en compte, et les

comptes que Nous établissons sont infaillibles. (v. 47) Indiquer la mesure afin que

chacun puisse être en mesure de correspondre à la bonne mesure au moment de la

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pesée, telle est la mission du prophète. Et il l’accomplit dans la mesure de la

langue, la bonne mesure audible dans ses versets rythmés aux sonorités splendides,

qui par leur forme même indiquent à l’homme qui les écoute la bonne formule de

vie : verdeur, justesse, harmonie.

Le verset précédemment cité : « « Nous n’avons pas créé les cieux, la

terre et ce qui est entre, par jeu », pourrait aussi se traduire : « Nous n’avons pas

donné mesure au plus haut, au plus bas et à ce qui les différencie, par hasard. » Le

mot qui dit « ce qui est entre » peut aussi bien exprimer la distance, la séparation,

que la différence, et cela dans l’espace comme dans le temps, et dans l’esprit. Ce

qui est entre le ciel et la terre, le haut et le bas, les sépare mais aussi permet de

connaître leur valeur. Ce qui est entre, ce sont les prophètes. Et, pouvons-nous

dire, les hommes qui sont en chemin, en train d’expérimenter, dans la pente et dans

le temps, la valeur du haut et du bas, d’apprendre leur mesure. En poussant encore

un peu plus loin les sens des mots qui disent ciel et terre, nous pourrions les

traduire : nom et pays. Le nom et le pays sont à la fois reliés et tenus à distance

respectueuse par la valeur qui se tient entre. Et nous pouvons dire, en reprenant le

verset 22 : « S’il y avait d’autres principes que Dieu entre le nom et le pays, ces

derniers seraient corrompus. » Et ce qui est corrompu, en état de corruption, va

vers la mort. Le nom et le pays doivent être liés par le juste, ou perdre leur être.

Que le pays désigne un pays, ou une âme. Il ne s’agit pas d’un jeu.

Bien au contraire, Nous lançons contre le faux la vérité qui le subjugue,

et le voilà qui disparaît. (v.18) Tout a une destination, soit vers la paix

bienheureuse, soit vers la destruction mortelle. C’est pourquoi le Prophète n’a été

envoyé que comme miséricorde pour l’Univers (v.107). Qui écoute la révélation

qu’il transmet apprend la voie juste, la voie du salut. Encore faut-il savoir écouter.

Écouter aussi est un chemin, sur lequel l’homme est appelé à progresser. Et celle

qui a préservé sa fente ! Nous avons soufflé en elle de Notre esprit, faisant d’elle et

de son fils un signe pour l’univers. (v. 91) Nous comprenons pourquoi la « fente »,

premier sens du mot arabe employé ici, signifie aussi un « espace compris entre

deux ». Dans la dimension de l’esprit, il s’agit bien de cet espace de la valeur, dont

le respect rend seul valide ce qui est.

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En recevant l’esprit de Dieu, Marie est devenue avec son fils un signe

pour l’univers. Les versets aussi s’appellent des signes. Quand l’homme

comprendra pleinement les signes qui lui sont envoyés, quand, recevant l’esprit, il

aura pleinement entendu le sens des révélations que lui ont faites les prophètes,

alors les révélations verront leur accomplissement, et ce jour-là, Nous plierons le

ciel comme on plie le rouleau des livres. Et de même que Nous avons procédé à la

première Création, de même Nous la recommencerons. C’est une promesse que

Nous Nous sommes faite, et Nous l’accomplirons. (v.104)

Sourate 106, Quraïsh. Qu’est-ce que la Mosquée sacrée ?

Nous continuons à tourner dans le Coran. Nous avons vu la première et

la dernière sourate, nous sommes repartis depuis l’un de ses centres, Al-Kahf, La

Caverne, nous sommes passés par les sourates immédiatement périphériques, et

nous voici de nouveau en chemin dans la structure éminemment fractale de ce

Livre, dont les centres et les extensions sont partout.

Tourne donc ta face vers la mosquée sacrée. Sourate Al-Baqara, v.144.

Et d’où que tu sortes, tourne ta face vers la Mosquée sacrée. Sourate Al-Baqara,

v. 149. Et d’où que tu sortes, tourne ta face vers la Mosquée sacrée. Sourate Al-

Baqara, v. 150.

Qu’est-ce que la Mosquée sacrée ? Pour commencer, tournons-nous vers

la sourate Quraïsh, cent-sixième dans le Livre, vingt-neuvième dans l’ordre de la

descente, révélée à La Mecque, où se trouve la Mosquée sacrée matérielle. Tentons

une traduction :

1 Pour le roulement des Quraïsh,

2 Leur roulement, voyages de l’hiver et de l’été,

3 Qu’ils adorent donc le Seigneur de cette Maison,

4 Lui qui les a nourris, tirés de la faim, et apaisés, tirés de la crainte.

Les Quraïsh, tribu originaire du Prophète, tiennent leur nom d’un mot

qui signifierait « petits requins ». C’est l’étymologie la plus populaire, mais une

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autre est possible à partir du verbe qarash : « couper, rassembler », en particulier

dans le sens précis de « réunir les parties d’une chose au corps de la chose » (et

par suite indique aussi le profit, sens qui renvoie à leur activité de marchands). Le

mot que je traduis par roulement est habituellement traduit par pacte, ou habitude,

ou union, mais l’idée de roulement est la base de ce mot. Grâce à quoi voici dans

ce premier verset la vision tendue vers le roulement des croyants autour de la

Kaaba, au cœur de la Mosquée sacrée, leur roulement tout à la fois semblable à

celui des troupeaux qui s’enroulent autour de leur berger, à celui du Livre sacré

que l’on roule et déroule, à celui des planètes et des astres autour de leur attracteur.

Et je les vois s’enrouler et s’enroulant, se réunir, « réunir les parties d’une chose

au corps de la chose », la chose mystérieuse et attractive que figure si bien la

Kaaba et qui est aussi implantée comme une graine dans le désert attendant son

tour au plus profond, au plus secret, au plus voilé de notre être, l’habitation de

Dieu, Lumière pudiquement gardée dans un nocturne enclos.

Dans le deuxième verset, leur roulement est accolé aux « voyages de

l’hiver et de l’été », référence concrète à leur activité de caravaniers dont le point

fixe était La Mecque. Et l’axe du temps croise ici l’axe de l’espace, roulement des

saisons qui paradoxalement ouvre le cercle, sort l’être de ce roulement autour d’un

point fixe, qui sans cette ouverture deviendrait fascination morbide. Car « le

Seigneur de cette Maison » (verset 3), selon l’islam bâtie par Abraham, ne se

contente pas de donner à l’homme des repères : il lui demande aussi d’en sortir.

Tel est selon la Torah le premier commandement qu’il donna au patriarche, père

des croyants des trois monothéismes : Lèk-lèka, « sors via toi », « Quitte ton pays,

ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. »

Or quel est ce pays ? Ne serait-ce pas, via l’adoration, celui, justement,

du Seigneur de la Maison ? Pourquoi alors s’en arracher, aussi, dans les « voyages

de l’hiver et de l’été » ? Parce que c’est ainsi, à partir de son centre d’attraction,

que Dieu nous arrache à la faim pour nous rassasier, nous arrache à la peur pour

nous apaiser, et nous arrache, en fin de compte, à la mort pour nous ressusciter.

Sourate 2, Al-Baqara, La Génisse. Où vont les Gens de la Maison ?

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Les pèlerins en blanc autour de la Kaaba en noir sont comme la couronne

du soleil quand il est éclipsé. Le Coran tourne autour de la perte de mémoire, et le

Coran rappelle. Les pèlerins en blanc sont comme les lettres du Kitab autour du

retrait de l’être. Où vont les Gens de la Maison, Ahl al-Bayt ? Déferler par où les

gens déferlèrent, et demander pardon. (v.199)

Ils ont oublié comment est la génisse (67-71), la génisse-pour-Dieu. Le

mot baqara qui sert à désigner tout bétail bovin (bœufs et vaches mais aussi

femmes, domestiques, gale, boulimie et faim violente – au sens spirituel l’apathie

mentale, le parasitisme, la soumission aux pulsions) est ici souvent traduit par

génisse en référence au contexte, qui demande un animal pour le sacrifice. Or le

verbe baqara signifie : « ouvrir en fendant ; interroger ; être fatigué ». Et aussi : «

tracer des petits ronds de la grandeur du sabot d’un bœuf ; être riche en biens, en

troupeaux ; êtres riche en sciences, très savant. »

Cette génisse est l’antidote à l’oubli. Dieu par l’intermédiaire de Moïse

demande à son peuple de lui sacrifier une génisse. Et voici que le peuple ne cesse

d’interroger Moïse sur les caractéristiques de la génisse qui lui est demandée. On

dirait qu’ils sont égarés, stupides ou sourds. C’est qu’ils ne veulent pas écouter. Ils

veulent rester dans leur oubli de Dieu. Dieu à travers toute la sourate et tout le

Coran, via son prophète, ses prophètes, combat contre l’oubli de l’Être où

s’enferment les hommes. Ils ne savent pas comment est, comment doit être, cette

génisse. Au fond ils le savent mais ils ne veulent pas se fatiguer à aller au fond, voir

ce qu’il en est. Alors, comme pour gagner du temps, comme en espérant tourner en

rond indéfiniment, ils posent une question après l’autre, question sur question. Dieu

a demandé une génisse, alors au lieu d’obéir ils demandent des détails : s’ils ne

peuvent pas oublier la nécessité du sacrifice, qui leur est rappelée, au moins ils

s’oublieront dans les détails, ils noieront le sens du sacrifice dans les détails, les

règles, le tout-pensé qui leur évitera d’aller chercher à penser par eux-mêmes, c’est-

à-dire à chercher la vérité en Dieu.

Pourtant, qu’est-ce que l’homme quand il n’est pas un bœuf (ni une

femme semblable à du bétail qu’on parque dans sa propriété (sociétés patriarcales)

ou qu’on met en vente (sociétés libérales), ni un domestique des maîtres du monde,

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ni un parasite des vivants, ni un esclave de ses appétits) ? Qu’est-ce que l’homme

face à Dieu ?

Les mécréants ressemblent à du bétail (v.171). La racine KFR, qui

indique la mécréance, signifie d’abord : « couvrir quelque chose, cacher, oublier,

renier ». Le Coran ne cesse de combattre la mécréance et selon un hâdîth, à la fin

des temps al-Dajjâl, le diable, apparaîtra dans le monde borgne et portant inscrites

entre les deux yeux les lettres KFR, que seuls les croyants pourront voir. La

mécréance consiste à dissimuler et oublier le Vrai, ce qui revient à déshumaniser

l’homme, qui ne se laisse plus guider par la Lumière mais par ses ressassements,

ses désirs brutaux, ses auto-aveuglements.

Oui, qu’est-ce que l’homme quand il n’est pas une bête humaine, et où

va-t-il ?

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En disant la shahada

الله رسول محمدا أن وأشهد الله اِلا إلَـهَ لآ أن أشهد

Ašhadu an lā ilāha illa-llāh, wa-ašhadu anna Muḥammadan rasūlu-llāh

“J'atteste qu'il n'est de dieu que Dieu, et que Mohammed est le messager

de Dieu.”

Le mot rasoul, « messager », qui désigne le Prophète, vient d’un verbe

qui signifie : envoyer un messager ; avoir des cheveux longs et qui descendent en

bas ; marcher doucement. Et aussi : avoir du lait en abondance ; envoyer du lait ou

en donner à boire ; être en correspondance avec ; laisser aller ; avoir beaucoup de

troupeaux ; composer une dissertation ; laisser tomber, couler des larmes ; agir

avec douceur.

Mohammed, mon frère, je t’imagine comme Mohammed qui fut mon

petit frère, un temps où j’habitai près du désert. Et oui, je le crois, ainsi étais-tu,

Prophète, de peau foncée, d’allure noble, mince et souple, de visage finement taillé,

harmonieux et parlant, d’yeux profonds et doucement perçants, d’élégance naturelle,

humble, immémoriale. Et plus splendide à contempler encore était ton âme, secrète

sans se cacher, semblable à la tache claire d’une tente à la fin de la nuit ou d’une

grotte où des pêcheurs se réfugient, semblable à toute éphémère demeure et pourtant

plus vaste, ramifiée, lumineuse et somptueuse à l’intérieur que les plus somptueux

palais, vivante ! Et plus splendide encore était ton cœur, champ, mer et frondaison

pour toute créature, battant en chœur avec la Création, à chaque instant tout à

l’écoute de son Seigneur, recevant tout de Lui, l’Unique, et se redistribuant par le

regard, par la parole, par la main qui donne comme si elle n’avait rien à donner. Ô

Mohammed, miséricorde pour les hommes et les mondes, que la prière et la paix

soient sur toi, notre bien-aimé ! Toi qui te soumis, ta vie durant, aux tressaillements

immenses de la Réception, afin de nous délivrer le Message, avec le rythme et la

matière de la prière qui nous rendent bienheureux en nous rendant à Dieu. Ô veuille,

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notre Prophète, participer à notre joie, à notre paix que nous fêtons pour toi.

Dans la Lumière, Moïse, Jésus et Mohammed prennent le thé devant la

tente de leur père Abraham. Marie passe et leur sourit.

"Il n'est d'autre dieu que Dieu" signifie : il n'est rien d'autre que la Vie.