intervention dofp 2011
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DEBAT D'ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES (DOFP) POUR 2011
Intervention de Pierre Moscovici, Député du Doubs
Séance du mardi 6 juillet 2010
Monsieur le Président,
Madame et Monsieur les Ministres,
Mes chers collègues,
Le gouvernement nous présente ses premières orientations pour le prochain budget.
Ce débat n'est pas anodin, il est même majeur. Madame et Monsieur les ministres,
vous et votre gouvernement voulez vous présenter comme des réformateurs
courageux qui mettraient fin à une période de « 30 ans d'accumulation des déficits »
et feraient face à un « changement d'époque », comme si les gouvernements qui vous
ont précédé étaient, avec la crise, les seuls responsables de la situation désastreuse de
nos finances publiques.
Cette stratégie de défausse ne trompera personne. Jean-François Copé en
appelle à la vérité: alors parlons-en! Contrairement à ce que vous voulez nous faire
croire, la crise est loin d'être l'unique responsable du creusement abyssal du déficit et
de l'explosion de la dette depuis 2003 – et encore plus depuis 2007. Revenons à
l'essentiel, à l'efficacité et à la justice: je ne vois ni l'une, ni l'autre dans votre action,
je ne les vois pas davantage dans vos orientations.
Non, ce n'est pas la crise qui explique notre déficit structurel de plus de 5
points du PIB, soit les 2/3 du déficit actuel de l'Etat et engage la France
dans une spirale de l'endettement public, avec en 2009 une dégradation du
montant de la dette s'élevant à 1489 milliards d'euros au quatrième
trimestre 2009. C'est en grande partie l'échec de votre gouvernement.
Non, ce n'est pas la crise qui explique la baisse préoccupante des recettes
fiscales à hauteur de 100 milliards en 10 ans. Ce sont les cadeaux fiscaux
massifs auxquels vous avez consenti depuis huit ans, et surtout la politique
clientéliste que vous menez depuis 2007 en faveur des plus privilégiés. La liste
est longue: baisse de l’impôt sur le revenu des plus riches, bouclier fiscal,
défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de l'imposition sur les
grosses successions, baisse de l’ISF, baisse de la TVA dans la restauration,
déremboursements sociaux.
Non, tout ceci n'est pas le fait de la crise. C'est bel et bien le résultat des choix
économiques de votre gouvernement, et surtout du Président de la République, choix
faits à la fois à la contre-cycle et à contre-sens.
Votre politique d'hier est injuste. Vos propositions d'aujourd'hui le sont tout
autant. En fait, vous voulez faire payer votre laxisme budgétaire à tous ceux que
votre politique défavorise, en continuant de réduire les effectifs et les budgets de
fonctionnement des services publics, à travers la rigueur généralisée des politiques
publiques, qui supprime 100 000 postes, en mettant en cause les dépenses
d'intervention publique, nécessaires à la cohésion sociale, en rognant la protection
sociale, qui a contribué à amortir les dégâts de la crise, en asphyxiant les collectivités
locales, qui assument pourtant 73% de l'investissement public.
Force est de constater que vous êtes toujours bien plus prompts à entreprendre
des coupes dans les aides aux moins favorisés. Monsieur le Ministre, pas plus tard
que ce matin vous avez annoncé une baisse de la revalorisation de l'allocation aux
adultes handicapés, de 3% en 2011 contre 4,5% prévus initialement, l'interdiction du
cumul des APL (Aides personnalisées au logement) et de la demi-part fiscale pour
enfant à charge, de l'exonération de cotisations patronales pour les associations, la
baisse du nombre d'emplois aidés de 400 000 à 340 000. Pendant ce temps, les plus
grands bénéficiaires du bouclier fiscal, qui ne sont pas concernés par les niches
fiscales que vous voulez supprimer ou raboter, peuvent dormir tranquillement sur
leurs deux oreilles. En somme vous demandez des efforts, mais toujours aux mêmes,
et toujours aux autres.
C'est une politique de rigueur sans précédent, et même d'austérité, que vous
nous présentez aujourd'hui, même si Mme Lagarde a inventé pour l'occasion le
curieux néologisme de rilance – on voit où le « ri », pas la relance. Cette politique est
à la fois entêtée et aggravée, elle ne pourra pas désendetter l'Etat, asséchera le
carburant de la croissance, affaiblira la cohésion sociale.
Non, contrairement à ce que vous prétendez, il n'y a pas « qu'une seule politique
possible ». La rigueur généralisée n'est pas la solution: l'Europe doit définir un sentier
de croissance qui permette de sortir du piège de la dette. Ce n'est pas la stratégie que
vous avez retenue. Il me semble évident que vos choix budgétaires et fiscaux pour
l'année prochaine ne rééquilibreront en rien les finances de l'Etat, ils sont à la fois peu
crédibles, inefficaces, injustes,puisque vous refusez de changer le cap de votre
politique économique et sociale! Nous partageons la conscience d'un impératif, celui
de réduire les déficits et la dette. Mais nous pensons que vos options sont mauvaises,
nous ne les acceptons pas, nous les combattrons.