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ENQUETES TÉLÉCOMS INTERNET DES OBJETS LA BATAILLE LORA-SIGFOX LoRaet Sigfox, deuxtechnologiesd'origine française,s'affrontent pour leCraalde l'internet desobjets. Ellessont menacées, àterme, parlatechnologieNB-loT. PAR RIDHA LOUKIL U ne fois n'est pas coutume, la bataille de l'internet des objets oppose deux technologies d'origine française. D'un côté Sigfox, développée par la pépite toulousaine de même nom. De l'autre LoRa, inventée par la start-up grenobloise Cycleo, rachetée en 2013 par le fournisseur américain de puces Semtech. Si Sigfox semble avoir aujourd'hui l'avantage, l'issue finale reste incertaine. « LoRa et Sigfox visent le même marché, elles peuvent soit gagner toutes les deux soit perdre toutes les deux », prévoit Olivier Hersent, le président et directeur technique d'Actility, une société qui fournit une plate-forme de gestion du des réseaux d'internet des objets. «L'internet des objets est aujourd'hui une réalité dans les applications de gestion de flottes, de terminaux de paiement, de distributeurs automatiques et d'appel d'urgence dans les voitures, rappelle Louis Jouanny, le directeur de l'école d'ingénieurs Esiea. Mais il passe par LE FACE-A-FACE Sigfox équipera les bagages Louis Vuitton d'une solution de suivi à l'aéroport. I TECHNOLOGIE LORA SIGFOX i PROMOTEUR Le consortium LoRa Alliance La société Sigfox FRÉQUENCEDE FONCTIONNEMENT 868 MHz (sans licence) 868 MHz (sans licence) BANDE PASSANTE 125 kHz 100 Hz DÉBIT MAXIMAL DE DONNÉES 50 Kbits/s 100 bits/s NOMBRE DE MESSAGES PAR JOUR Illimité 140 DURÉE DE VIE DE LA BATTERIE Plus de dix ans Plus de dix ans COÛT DE CONNECTIVITÉ PAR OBJET Moins de 2 euros à terme Moins de 2 euros à terme COUVERTURE ACTUELLE 43 pays 46 pays NOMBRE DE RÉSEAUX 76 dans le monde 1seul réseau mondial NOMBRE D'OBJETS CONNECTÉS Non communiqué 3 millions les réseaux mobiles GSM, 3G et 4G. » Une solution inadaptée aux objets banalisés, comme les capteurs fonctionnant sur piles et transmettant peu de données. LoRa et Sigfox partagent l'ambition de lever ces freins en offrant des alternatives à bas coût, basse consommation et bas débit. Nul besoin de licence. Elles fonctionnent toutes les deux sur des bandes de fréquences libres. LoRa se distingue par sa capacité à réaliser des réseaux locaux. «C'est une sorte de Wi-Fi de l'internet des objets, explique Louis Jouanny. Vous installez quelques émetteurs et un concentrateur sur votre site industriel et vous êtes prêt à relever les données de vos capteurs sans passer par un opérateur et sans coût récurrent. C'est un gros avantage par rapport à la technologie de Sigfox, qui vous oblige à passer par la start-up toulousaine ou par un opérateur partenaire. » Cette fonction ouvre un champ d'application immense de réseaux privés dans les usines, les campus et les villes intelligentes. Un aspect qui intéresse des équipementiers comme l'américain Cisco et le français Schneider Electric. Des questions de coût et de réseaux Alors que Sigfox est présenté comme un système fermé et propriétaire, avec la société Sigfox qui contrôle toute la chaîne de valeur, depuis le protocole de communication jusqu'au service de réseau, LoRa se veut une solution ouverte, produit collaboratif des 500 entreprises membres du consortium LoRa Alliance. «Le modèle de Sigfox est plus simple et intégré, estime Olivier Hersent. Il ressemble à celui d'Apple dans les mobiles. LoRa ressemble à Android. ro -v Î VVVVvV* , v Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 48-49 SURFACE : 185 % PERIODICITE : Hebdomadaire DIFFUSION : 28323 JOURNALISTE : Ridha Loukil 7 juin 2018 - N°3566

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ENQUETESTÉLÉCOMS

INTERNET DES OBJETS

LA BATAILLELORA-SIGFOX

LoRaet Sigfox,deuxtechnologiesd'originefrançaise,s'affrontent pour leCraaldel'internet desobjets. Ellessont menacées,àterme, par latechnologieNB-loT.PAR RIDHA LOUKIL

Une fois n'est pas coutume, la bataille de l'internetdes objets oppose deux technologies d'originefrançaise. D'un côté Sigfox, développée par lapépite toulousaine de même nom. De l'autreLoRa, inventée par la start-up grenobloise Cycleo,

rachetée en 2013 par le fournisseur américain de pucesSemtech. Si Sigfox semble avoir aujourd'hui l'avantage,l'issue finale reste incertaine. « LoRa et Sigfox visent lemême marché, elles peuvent soit gagner toutes les deuxsoit perdre toutes les deux », prévoit Olivier Hersent, leprésident et directeur technique d'Actility, une société quifournit une plate-forme de gestion du cœur des réseauxd'internet des objets. «L'internet des objets est aujourd'huiune réalité dans les applications de gestion de flottes, determinaux de paiement, de distributeurs automatiques etd'appel d'urgence dans les voitures, rappelle Louis Jouanny,le directeur de l'école d'ingénieurs Esiea. Mais il passe par

LEFACE-A-FACE

Sigfox équipera

les bagagesLouis Vuitton

d'une solution desuivi à l'aéroport.

I TECHNOLOGIE LORA SIGFOX i

PROMOTEUR Le consortium LoRa Alliance La société Sigfox

FRÉQUENCEDE FONCTIONNEMENT 868 MHz (sans licence) 868 MHz (sans licence)

BANDE PASSANTE 125 kHz 100 Hz

DÉBIT MAXIMAL DE DONNÉES 50 Kbits/s 100 bits/s

NOMBRE DE MESSAGES PAR JOUR Illimité 140

DURÉE DE VIE DE LA BATTERIE Plus de dix ans Plus de dix ans

COÛT DE CONNECTIVITÉ PAR OBJET Moins de 2 euros à terme Moins de 2 euros à terme

COUVERTURE ACTUELLE 43 pays 46 pays

NOMBRE DE RÉSEAUX 76 dans le monde 1seul réseau mondial

NOMBRE D'OBJETS CONNECTÉS Non communiqué 3 millions

les réseaux mobiles GSM, 3G et 4G. » Une solution inadaptéeaux objets banalisés, comme les capteurs fonctionnant surpiles et transmettant peu de données.

LoRa et Sigfox partagent l'ambition de lever ces freins enoffrant des alternatives à bas coût, basse consommation etbas débit. Nul besoin de licence. Elles fonctionnent toutes lesdeux sur des bandes de fréquences libres. LoRa se distinguepar sa capacité à réaliser des réseaux locaux. «C'est une sortede Wi-Fi de l'internet des objets, explique Louis Jouanny.Vous installez quelques émetteurs et un concentrateur survotre site industriel et vous êtes prêt à relever les donnéesde vos capteurs sans passer par un opérateur et sans coûtrécurrent. C'est un gros avantage par rapport à la technologiede Sigfox, qui vous oblige à passer par la start-up toulousaineou par un opérateur partenaire. » Cette fonction ouvre unchamp d'application immense de réseaux privés dans lesusines, les campus et les villes intelligentes. Un aspect quiintéresse des équipementiers comme l'américain Cisco et lefrançais Schneider Electric.

Des questions de coût et de réseauxAlors que Sigfox est présenté comme un système fermé

et propriétaire, avec la société Sigfox qui contrôle toute lachaîne de valeur, depuis le protocole de communicationjusqu'au service de réseau, LoRa se veut une solutionouverte, produit collaboratif des 500 entreprises membresdu consortium LoRa Alliance. «Le modèle de Sigfox estplus simple et intégré, estime Olivier Hersent. Il ressembleà celui d'Apple dans les mobiles. LoRa ressemble à Android.

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Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 48-49SURFACE : 185 %PERIODICITE : Hebdomadaire

DIFFUSION : 28323JOURNALISTE : Ridha Loukil

7 juin 2018 - N°3566

Page 2: INTERNET DES OBJETS LA BATAILLE LORA-SIGFOX · 2018-12-13 · ENQUETES TÉLÉCOMS INTERNET DES OBJETS LA BATAILLE LORA-SIGFOX LoRaetSigfox,deuxtechnologiesd'origine française,s'affrontentpourleCraalde

« Sigfox est le seul réseau mondial qui fonctionne »1 /

Où en est aujourd'hui le développementcommercial de Sigfox?Trois millions d'objets sont connectésà notre réseau. Nous en étionsà 2,5 millions à la mi-février 2018et pensons atteindre 6 millions d'objetsà la fin de 2018. En 2017, nous avonsdépassé 400 salariés et réalisé un chiffred'affaires 50 millions d'euros. Nousattendons 80 millions d'euros en 2018.

Le cabinet IHS Markit donneLoRa gagnant sur Sigfox.Cela vous inquiète-t-il ?

Pas du tout. Nos clients industriels ontbesoin de la même connectivité partoutoù ils sont dans le monde. Nous sommesles seuls à leur apporter cette connectivitéglobale avec un réseau unique couvrant46 pays aujourd'hui et 60 à la fin de 2018.Sigfox est le seul réseau mondialet qui fonctionne. C'est pour cette raisonque Louis Vuitton nous a choisispour sa solution de suivi de bagagesdans les aéroports. Alors que BouyguesTelecom revendique 20 000 objetsconnectés à son réseau LoRa en France,nous en sommes, nous, à 1 million.

On vous reproche un écosystème propriétairefermé. Que répondez-vous à cette critique?S'il y a un écosystème fermé, c'estbien LoRa et non Sigfox. Dans LoRa,

LUDOVIC LEMOAN,

cofondateur et PDG de Sigfox

il y a un seul fournisseur de puces,l'américain Semtech. Que se passerait-ilsi demain le président Trump en interdisaitl'accès, comme il a décrété l'embargosur les puces du chinois ZTE ? Nousne courons pas ce risque puisque noustravaillons avec plusieurs fournisseursde puces, dont STMicroelectronics.Notre écosystème est bien plus ouvertque celui de LoRa.

La technologie cellulaire NB-loT se profileavec beaucoup de promesses.Est-ce une menace pour vous?Là encore, je suis serein. Je ne vois pasla technologie NB-loT comme concurrente.Je la vois plutôt comme une solution

complémentaire destinée aux applicationsayant besoin de plus de débit. C'est unetechnologie qui coûte et consommeau moins dix fois plus que Sigfox. C'estbien qu'elle existe. Il y a des possibilitésde collaboration avec nous. Dansdes applications à haut niveau de sécurité,la technologie NB-loT peut servirde connectivité primaire et Sigfoxde connectivité de secours. Le taïwanaisGCT Semiconductor propose une pucehybride qui combine les deux.

L'internet des objets est annoncé

comme un eldorado. Est-ce une réalité?

Il vaut mieux aborder ce marchéavec beaucoup de sérieux et avecdes compétences différentes de cellesd'un opérateur télécoms. Nous voyonsrégulièrement des chiffres sortirdu chapeau sans savoir ce qu'ils incluentexactement. Dans nos applications de suivid'objets industriels ou dans l'agriculture,nous sommes confiants. Nous proposonsà nos clients potentiels d'évaluer la valeurapportée par la connectivité. Si elleest supérieure à la valeur intrinsèquede la donnée de l'objet, nous leurrecommandons de se lancer. L'internetdes objets répond à l'enjeu majeurde la donnée. Sur ce marché, nous pensonsavoir le potentiel d'atteindre 1 milliardd'objets à l'horizon 2021 ou 2022. M

Son protocole de communication LoRaWAN découle d'untravail collaboratif, comme dans les réseaux mobiles. C'estun modèle qui rassure les utilisateurs car il offre pérennitéet robustesse. » Revers de la médaille, ce modèle collaboratifprogresse beaucoup moins vite, car il faut mettre tout lemonde d'accord. Le déploiement compte autant de réseauxdifférents que d'opérateurs. «Avec Sigfox, vous avez accès àun réseau mondial qui fonctionne de la même façon partoutoù il est présent, explique Yann Guiomar, le fondateur et PDGde Sensing Labs, une start-up de Montpellier spécialisée dansles capteurs connectés. C'est son gros avantage. Avec LoRa,vous dépendez de l'itinérance des réseaux. Des accords dansce sens entre opérateurs commencent à se conclure. Mais ilreste un grand retard à combler sur Sigfox. »

Le paysage est compliqué par l'irruption d'un troisième lar-ron, NB-loT, une déclinaison à bas débit des réseaux mobiles.« Cette technologie s'appuie sur les réseaux mobiles existantset ne nécessite pas d'investissement, précise Yann Guiomar.

Pour l'activer, les opérateurs ont seulement à procéder àune petite mise à niveau logicielle. En contrepartie, elleconsomme et coûte beaucoup plus cher que LoRa et Sigfox.Mais elle répond aux besoins d'applications réclamant plusde débit. » Cette complémentarité pousse les opérateurstélécoms à jouer sur les deux tableaux. Orange, qui défendLoRa, a choisi selon le pays de déployer aussi la technolo-gie NB-loT ou sa version plus rapide, Ml. SFR prévoit ledéploiement de NB-loT, tandis que Bouygues Telecom, quimise beaucoup sur son réseau Objenious en technologieLoRa, n'a pas encore annoncé ses intentions.

Selon Louis Jouanny, la technologie NB-loT pourrait tuerLoRa et Sigfox. «Avec la densification des réseaux mobiles,sa consommation d'énergie pourrait être ramenée au niveaude LoRa, souligne-t-il. Même chose pour les coûts, grâce auxénormes volumes de production offerts par les smartphones.Avec une charge de réseau et un coût proches de zéro, c'esttout bénéfice pour les opérateurs mobiles. » H

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 48-49SURFACE : 185 %PERIODICITE : Hebdomadaire

DIFFUSION : 28323JOURNALISTE : Ridha Loukil

7 juin 2018 - N°3566