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l'infini

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  • Inni

    : le symbole inni.

    Le mot inni (-e, -s ; du latin in-, prxe ngatif, et -nitus, limit ) est un adjectif servant qualier quelquechose qui n'a pas de limite en nombre ou en taille.La notion d'inni a fortement marqu la pense occiden-tale depuis le XVIIe sicle : Alexandre Koyr arme que la substitution d'un univers inni et homogne au cos-mos ni et hirarchiquement ordonn de la pense an-tique et mdivale implique et ncessite la refonte desprincipes premiers de la raison philosophique et scien-tique [1].

    1 L'inni dans les cultures orien-tales

    Cette section est vide, insusamment dtaille ouincomplte. Votre aide est la bienvenue !

    1.1 Mathmatiques indiennes

    Articles dtaills : Yajur-Veda et Mathmatiques in-diennes#Mathmatiques de l'poque vdique (1500 400).

    Le Yajur-Veda documente la plus ancienne utilisationconnue de nombres allant jusqu' cent mille billions(parrdha en sanskrit[2]). Il utilise aussi le conceptd'innit numrique (pra), tablissant que si on sous-trait pra de pra, il reste toujours pra[3].

    2 L'inni et les PrsocratiquesLes philosophes prsocratiques taient en fait les pre-miers physiciens (phusikoi). En eet, tant les premiers avoir os tudier la nature pour elle-mme, ils en sont ve-nus instaurer une mthode d'analyse, de recherche et derexion qui deviendra plus tard celle des scientiques etdes philosophes. cet eet, une grande partie du jargonscientique encore utilis l'heure actuelle a t intro-duite par ces penseurs et avait l'origine comme fonctiond'exprimer les concepts indispensables pour faire pro-gresser l'tude de la nature. Univers (kosmos), principe(arch)[note 1], raison (logos), nature (phusis) sont autantd'outils avancs pour pntrer au cur des choses et endcouvrir le mcanisme ; les fonctions traditionnelles desdivinits, jusqu'alors conues comme interventions ex-ternes, sont de ce fait naturalises. Ces penseurs avaientdonc comme objectif d'internaliser les principes grantle fonctionnement du monde, et ainsi de trouver des ex-plications inhrentes la nature elle-mme. travers cetobjectif, ils utiliseront directement ou indirectement leconcept d'inni (apeiron)[4].

    2.1 Les acceptions gnrales du concept del'inni chez les prsocratiques

    Il ne reste que quelques fragments de leurs crits, ce quirend la recherche dicile. C'est pourquoi, an de sa-voir ce que disent les prsocratiques quant au concept del'inni, il faut consulter Aristote qui fut le premier re-censer leurs thses. Sur l'inni, c'est dans le livre III de saPhysique qu'il numre les points communs entre les pen-ses de ses prdcesseurs et les raisons qui les ont pousss croire en l'existence de l'inni :

    2.1.1 Quelques points daccords sur linni

    Les prsocratiques font de linni un principe.

    Ils ne croient pas que linni existe en vain, non plus quilait une autre valeur que celle de principe. Pour eux, toutest principe ou provient dun principe, or, linni ne pro-vient pas dun principe du fait mme quil en est un.

    Linni est non engendr et non corruptible en tantque principe.

    1

  • 2 2 L'INFINI ET LES PRSOCRATIQUES

    Linni est principe de toute chose, il les dirige toutes.Cest que toute chose provient dun principe ou est elle-mme principe. Dune part, linni en tant que principena lui-mme pas de principe qui lengendre, sa limiteest celle de ne pas en avoir et il est donc non engendr.D'autre part, toute gnration reoit une n et toute cor-ruption a un terme. Or, non engendr, linni ne reoitpas de n et il est donc incorruptible.

    Immortel et imprissable, linni apparat tre ladivinit.[note 2]

    2.1.2 Cinq raisons qui ont pouss la croyance delinni

    Premirement, l'inni est dans la division des grandeurs.

    Les mathmaticiens aussi utilisent l'inni, et ce par la di-vision. Par exemple, la formule de l'aire du cercle .r2 estcorrobore par la division du cercle en un nombre innide triangles.

    Deuximement, il y a innit de la source.

    En eet, la destruction et la gnration ne spuisent pas,ce ne peut tre que grce linnit de la source do toutest engendr.

    Troisimement, le temps est inni.

    Toute gnration reoit une n, mais la source n'a pas deprincipe qui l'engendre et ainsi elle n'a pas non plus de n.Ainsi, le mouvement de la gnration et de la corruptionsinscrit dans le temps et il est d une source inengen-dre et incorruptible. Cest dire que le temps lui-mmeest inni.

    Quatrimement, il n'y a pas de limite en soi.

    Ce qui est limit ne l'est que par autre chose, de sorte querien ne sera limite puisque la limitation est toujours entredeux termes. L'inni est cette absence de limite en soi.

    Cinquimement, la reprsentation de l'inni nel'puise pas.

    Aristote donne pour exemple les grandeurs mathma-tiques et ce qui est hors du ciel. Les quantits et les ten-dues ne peuvent pas circonscrire l'inni par reprsenta-tion. Autrement dit, on ne peut pas cerner l'inni dansson ensemble, car l'inni est toujours plus grand que cequ'on aura cern.Il est toutefois possible, partir des fragments et des com-mentaires, de distinguer la pense de chacun des prso-cratiques et de la comprendre pour elle-mme.

    2.2 L'inni travers quelques thoriesprsocratiques

    2.2.1 Anaximandre

    Schmas du modle de l'univers d'Anaximandre. gauche, lejour en t ; droite, la nuit en hiver.

    Le concept d'inni (apeiron) fut pour la premire fois in-troduit dans la pense du philosophe Anaximandre, lvede Thals. Sous son inuence, il voulut se pencher sur lefondement de l'univers, et c'est ainsi qu'il en vint postu-ler l'inni comme principe et comme substrat des chosesqui existent. En eet, le rle de substrat ne peut tre as-sign l'un des quatre lments (l'eau pour Thals, l'airpour Anaximne, le feu pour Hraclite), car ils sont chan-geants, dpendent les uns des autres et aucun ne peut treprivilgi. Il faut donc, au-del des lments, une autrenature qui agit comme substrat d'o sont engendrs tousles mondes. Ce substrat, c'est l'inni, le principe qui en-gendre l'univers sous l'inuence d'un mouvement ter-nel. Le mouvement ternel est en constante production,il sagit en ce sens dun retour gnrique . Ce retoura besoin dun principe matriel qui doit tre inpuisablean de tout produire ternellement. Cest celui de lapei-ron et cest en ce sens que linni est aussi mouvementternel chez Anaximandre.

    2.2.2 L'cole pythagoricienne

    Parmi ses doctrines, l'cole avance celle de l'ternel re-tour : les choses seront de nouveau les mmes. Si pourd'autres philosophes, comme Anaximandre ou Hraclite,un retour gnrique peut tre observ, chez certains py-thagoriciens il existe un retour individuel qui peut se re-produire l'inni. En eet, sil y a 1) un nombre nid'vnements possibles, 2) si chaque vnement possdeune cause et que 3) une mme cause doit toujours pro-duire un semblable eet, il en rsulte qu'au sein d'untemps inni les vnements reviennent ncessairement[5].

  • 32.2.3 Hraclite

    Pour Hraclite, le feu est le principe de l'univers : toutechose est convertible en feu et le feu en toute chose. D'unepart, l'inni sy retrouve travers la gnration car pourlui, toute chose advient par le conit et la ncessit (toutechose est mue vers son contraire). Mais le feu, en tantqu'unit fondamentale de cette pluralit contradictoire,n'est jamais puis par ces tensions dynamiques, par cestransformations. D'autre part, l'inni caractrise le tempscar pour Hraclite, l'univers n'a ni commencement ni n.Le cosmos tait, est et sera toujours feu ternel.

    2.2.4 Parmnide

    Quant Parmnide, la conception de l'inni inhrente sa pense se retrouve dans l'explication de l'immobilit etde l'ternit de l'tre, et ce contrairement Hraclite. Eneet, Parmnide considre que l'tre ne peut pas changer,sinon il ne serait pas. Ainsi, il doit tre immobile. De plus,la gnration et la corruption sont galement des formesde changement, et c'est pourquoi l'tre doit tre ternel,c'est--dire qu'il est inengendr et imprissable. L'inniest donc ncessaire l'existence d'un tre ternellementidentique.

    2.2.5 Mlissos

    Mlissos, lve de Parmnide, considre que ce quiexiste, ou plutt ce qui est, doit tre unique : il n'existequ'une seule chose. Bas sur les dires de son matre, ilarme qu'une chose qui existe, existe toujours, maisil ajoute qu'elle doit galement toujours tre innie engrandeur. L'argument prend comme point de dpartl'impossibilit du vide. Par exemple, sil n'y a rien entreplancher et plafond, c'est dire que le plancher et le pla-fond sont contigus, et qu'il n'y aurait pas de sparationentre ces deux termes. Le vide ainsi expuls, sil y a del'tre, il n'y a que de l'tre. Ensuite, toute chose doit tredans un espace et il n'y a qu'un espace, or ce dernier estoccup pleinement par l'tre et par un tre qui est unique.En eet, nul ne peut dire de l'tre qu'il est et qu'il n'est pas,ni dire qu'un tre est certains endroits et pas d'autres.C'est pourquoi l'tre est inni en grandeur, c'est--direqu'il n'y a pas de limite l'tre.

    2.2.6 Dmocrite

    En ce qui concerne Dmocrite, la nature est constituede petites substances illimites en nombre qui se trouventdans un lieu qu'il nomme l'inni. Cette innit de petitessubstances qui nagent dans un vide inni et ternel parfoissagglomrent et forment les corps visibles travers leurmouvement. L'inni se retrouve donc dans une divisiondes corps en une innit de substances, ce qui constituela premire thorie atomiste.

    D'autres penseurs prsocratiques ont galement utilisle concept d'inni dans leurs recherches, comme parexemple Anaximne, Alcmon de Crotone, Xnophaneet Znon d'le.

    3 Les paradoxes de ZnonArticle dtaill : Paradoxes de Znon.Znon est un philosophe grec de lAntiquit (environ 400

    Znon dle montrant ses disciples la porte du Vrai et celledu Faux, fresque de l'Escurial, Madrid, n du XVIe sicle.

    av. J.C.). Habitant dle, il avait comme matre Parm-nide qui dfendait le fait que la ralit est immuable. Z-non ne traite pas directement du sujet de linni. Il sesert plutt de la notion dinni dans le cadre dlaborationde preuves par labsurde visant prouver limpossibilitdu mouvement. La mthode de Znon consistait utili-ser des prmisses admises par tous et den dduire desconclusions absurdes ou contraires. Il voulait donc mon-trer que le mouvement nest quune illusion et que croirelinverse conduit ncessairement des contradictions. Ondoit de nombreux paradoxes Znon (au moins une qua-rantaine), mais seuls quelques-uns sont connus, traversles crits dAristote. Des quatre paradoxes sur le mouve-ment cits par Aristote, deux utilisent linni pour prou-ver que les prmisses armant la possibilit du mouve-ment aboutissent labsurde.Dans les deux paradoxes qui suivent, Znon utilise la pr-misse selon laquelle lespace peut tre divisible lin-ni pour montrer que le mouvement ne peut exister. Laporte philosophique de Znon est incontestable ; selonAristote, il aurait t linventeur de la dialectique.

    3.1 La dichotomie

    Article dtaill : Paradoxe de la dichotomie.

    Si le mouvement existe, un corps en mouvement doitse dplacer sur une certaine distance en un temps ni ;mais avant davoir parcouru toute la distance, le corpsdoit dabord en avoir parcouru la moiti ; et avant denavoir parcouru la moiti, il doit avoir parcouru la moi-ti de cette moiti. Puisque toute distance est divisible enmoitis, et ce, linni, et puisquil est impossible de par-courir un nombre inni de positions en un temps ni, lemouvement nexiste donc pas.

  • 4 4 AVICENNE

    3.2 Achille et la tortue

    Article dtaill : Paradoxe d'Achille et de la tortue.

    Achille, hros de la mythologie grecque, ne peut rattra-per la tortue quil poursuit ; en eet, avant de la rattraper,il doit dabord atteindre le point do celle-ci est partieau dbut de la course. Mais pendant ce temps, la tortuecontinue davancer dune certaine distance ; mme si cettedistance est moins grande que celle parcourue par Achille(car la tortue est plus lente), elle avance quand mme,elle nest pas immobile. Ainsi, durant le temps quil faut Achille pour parcourir cette deuxime distance, la tortuea encore parcouru une certaine distance. Donc, mme sicette distance diminue chaque tape, la tortue ne serajamais rattrape par Achille[6],[7].

    4 Avicenne

    Avicenne - portrait sur un billet de banque au Tadjikistan

    4.1 Avicenne reprend Aristote

    Avicenne, pour tablir sa mtaphysique, a repris celletablie par Aristote, mais lue travers Al-Frb et lenoplatonisme[8]. Cest--dire quil va comprendre desnotions aristotliciennes, mais dans un contexte tholo-gique. Ainsi, il reprend lide du monde ternel, maisdans une mtaphysique crationniste[9]. Dans le cadre delinni, il est vident que lexistence dun Dieu viendradonner un sens nouveau la mtaphysique dAristote carDieu amne des notions dinni qui ne sont pas prsentes

    chez Aristote. Avant de poursuivre, il faut dnir certainsconcepts an de montrer comment Avicenne les utilise.

    4.2 La distinction entre acte et puissance

    La puissance est dnie comme tant : toute dispositionse trouvant dans une chose et tant principe de change-ment [10], tandis que lacte (ou lactualisation) tant cepassage de ltat de repos ltat actif, une chose chan-geant dtat passerait de la puissance lacte. On peutprendre par exemple, la graine qui dtiendrait larbre enpuissance et qui deviendrait acte une fois celui-ci pous-s. ce sujet Aristote accepte linni en puissance (sousforme dinni par division et par addition), mais rejettelinni en acte. Avicenne va rajouter une sous-divisionentre actualit forte/faible et potentialit forte/faible[11].

    4.3 Linni dans le monde supralunaire

    Notons tout dabord que Dieu est par dnition inni etcest le principe premier do tout mane[12], mais Dieunest pas le seul tre inni ; il y a une dpendance onto-logique des intelligences clestes (qui sont au nombre dedix) envers le premier principe, dpendance traduite parle dsir de se rapprocher de la perfection de Dieu. Le d-sir comme principe de motion tant le fait de vouloir at-teindre Dieu, lui ressembler. Ce dsir de perfection, seraitle principe de tout mouvement selon Avicenne[13]. Ain-si, les intelligences cleste en dsirant le premier principeferaient mouvoir les sphres leurs correspondant dans unmouvement inni.Avant de poursuivre, il faut prciser que le mouvementen question dans le monde supralunaire est dirent decelui dans le monde sublunaire[14]. Dans le premier cas,le mouvement est constant ; il a toujours la mme vitesse.Cest pourquoi on peut dire quil y a un inni prsuppospour les intelligences clestes. Cependant, dans le mondesublunaire, le mouvement est sujet la dclration etlacclration.Pour conclure sur ce point, il faut nommer une autrepreuve abondant dans le sens de la prsence de linnichez les intelligences clestes, cest--dire, le passage oAvicenne dit que mme ce qui est inni (et ncessaire) re-quiert une cause[15]. Enn, notons que si Avicenne parlede linni dans le monde supralunaire, il ne le classie pascomme il va le faire pour linni prsent dans le mondesublunaire. Probablement parce que linni mtaphysiquene prsente pas a priori autant de problmes que linnidans un monde limit (physique).

    4.4 Linni dans le monde sublunaire

    Tout dabord, linni en acte est amen par la thologie ;les mes (des hommes) tant immortelles, il y en a donc

  • 5.1 Un apport l'inni mathmatique 5

    une innit dans un monde ternel[16]. Cest d'ailleurs cequi caractrise linni en acte fort dans lavicennisme.Linni en acte faible tant quant lui dni par les vne-ments et les annes passs[11]. Pour bien comprendre cetype dinni, il faut maintenant sattarder au concept decausalit. Car, selon Avicenne, il y aurait des causes ac-cidentelles (ou adjuvantes) en nombre inni. En dautrestermes, il y a une succession innie de causes prpara-trices. Ici entre en jeu la distinction entre causes essen-tielles et causes adjuvantes. Les causes essentielles (ouvraies) tant lies au mouvement, au continu, car ellesdemeurent avec leet. Les causes vraies empchentla non-existence de la chose [17]. Les causes adjuvantessont secondaires car elles sont antrieures la chose.Celles-ci seraient en nombre inni selon Avicenne. Onpeut penser la relation pre/ls qui remonterait de g-nration en gnration pour expliciter ce fait. Car, dansle contexte dun monde ternel, il y a une innit de rela-tions liales. En eet, [] ce qui va ad innitum cestun individu qui vient aprs un autre [] [18].En ce qui concerne linni en puissance fort, il est tou-jours le mme que linni en puissance dAristote, sa-voir linni par division et par addition. Cest pourquoi ilne sera pas plus dtaill dans cet article. En eet, commedans les paradoxes de Znon, on peut facilement imagi-ner la division dune ligne en quatre parties, la division dechacune de ces parties en quatre et ainsi de suite, l'inni.Concernant linni en puissance faible, il se trouve dans lemouvement. Tel que mentionn prcdemment, ce mou-vement ne correspond pas celui des sphres clestes. Eneet, celui-ci, nest pas rellement continu et peut se re-garder de direntes faons. On peut dj le voir commele mouvement gnral dun corps. Cependant, cette d-nition du mouvement ne sera pas celle important dansle cas de l'inni en puissance faible ; limpulsion concrtedun corps un instant prcis tant plutt la dnition retenir[11]. En d'autres termes, le passage dun temps A B serait un mouvement constitu dune innit de temps.On peut penser une addition innie de points mis bout bout pour former une ligne. Cette ligne, comme le mou-vement, serait dapparence continue mais serait en ralitconstitue de plusieurs points intermdiaires[19].

    5 Jean Duns Scot

    5.1 Un apport l'inni mathmatique

    Dans une dmonstration du mouvement continu desanges au Livre II de l'Ordinatio, Scot soulve deuxparadoxes qui entreront dans la postrit. Dans sa d-fense, il voudra rfuter la thse selon laquelle le conti-nu est form d'indivisibles. Chez Aristote, dans Le LivreVI de la Physique, il est clair qu' il est impossible qu'uncontinu soit form d'indivisibles, par exemple qu'uneligne soit forme de points, sil est vrai que la ligne est un

    John Duns Scot

    continu et le point un indivisible [20], mais cette preuveinspire de l'autorit du Philosophe ne lui sut pas. Ilproposera deux problmes gomtriques du mme espritmontrant tout le contradictoire d'une telle thorie.Dans l'une des deux, on trace deux cercles concentriques partir d'un centre a. Le petit, not D et le plus grand, notB. Scot dira que puisque, selon cette thorie, la circonf-rence du grand cercle est forme de points, il est possibled'en identier deux, b et c. Du point a, traons une lignedroite le joignant chacune de ces deux points de ma-nire ce que les deux droites formes coupent le petitcercle D. La question : les droites ab et ac coupent-ellesD en un seul point ou en deux points distincts ? S'il sagitdu mme point, l'une des deux droites ne sera plus droite(mais courbe) ce qui entre en contradiction avec la pr-misse du dpart. Dans le cas contraire, B et D incluraientle mme nombre de points, pourtant, fait remarquer Scot,il est impossible deux cercles ingaux d'tre compossd'un nombre gal de parties gales. Il en dcoule qu'uncontinu, ici reprsent par la ligne, ne peut tre composd'un nombre de points discrets[21].Bien que Scot lui-mme n'ait pas explicit la chose dansces termes, pour sa postrit, il sest retrouv illustrer l'aide de ces gures gomtriques, en germe, certaines desdcouvertes les plus importantes concernant l'inni ma-thmatique se retrouvant entre autres chez Georg Can-tor. Les rayons issus du centre crant entre les pointsdes deux cercles une correspondance biunivoque, le pa-radoxe soulve la possibilit pour deux ensembles innisd'indivisibles d'tre gaux malgr leurs tailles manifeste-ment ingales[22].

  • 6 5 JEAN DUNS SCOT

    Le paradoxe des cercles

    D'ailleurs, dans une autre dmonstration, Duns Scot sefrottera de pareils dbats quant la grandeur des innis.Scot la question 3 du livre II, distinction 1 de l'Ordinatiorabat l'objection selon laquelle il serait impossible pourDieu de produire quelque chose d'autre que lui-mmesans que cette production ait un commencement[23]. Se-lon cette objection, si la cration est ab aeterno sine prin-cipio, l'inni qui a men jusqu' hier est quivalent l'inni qui sest coul jusqu' aujourd'hui ce qui va l'encontre de l'axiome d'Euclide voulant que la partie soittoujours plus petite que le tout. cela, dans un premiertemps, le Docteur rpondra que ces deux dernires ca-ractrisations ne sont applicables qu'aux grandeurs niespuisque les choses se divisent en ni et inni avant que plus grand ou plus petit ne sappliquent. Ce-pendant, ses adversaires soulvent le problme qu'unecration de toute ternit produirait une quantit innied'mes en acte, or, une telle chose est impossible selon lePhilosophe. Devant cette objection, Scot dveloppe da-vantage : Tout ce qui ne peut pas tre fait par Dieu en unjour, parce que cela implique contradiction ne pour-rait, pour la mme raison, tre fait par lui au cours duntemps dune dure innie. [24] Il en vient cette conclu-sion : Il apparat donc, que les instants de ce jour voirede cette heure ont une innit gale celle des instantsinnis de ces jours innis. [24] Cette intuition se verra,entre autres, conrme par Richard Dedekind dans sa d-nition dun ensemble inni qui se caractrise justementpar l'quivalence entre le dit ensemble inni et une de sesparties propres de ce point de vue[25].

    5.2 De l'inni mathmatique l'innithologique

    Il nen demeure pas moins que le fondement de larma-tion par Scot quil existe quelque chose comme un innien acte est thologique. Jean Duns Scot refuse quil soitimpossible pour Dieu de crer spontanment une inniten acte. En eet, selon Aristote une grandeur ne peut treinnie quen puissance. Or, voulant construire l'ide d'unenature innie intensivement (selon la qualit), Scot fait unpassage oblig par la dmonstration d'une grandeur ex-tensivement (selon la quantit) innie en acte[26]. Selon ladnition dAristote au Livre III de la Physique, l inniest ce qui est tel que lorsquon en prend une quantit, cest--dire quelque grande que soit la quantit quon prend, ilreste toujours quelque chose prendre [27], donc un toutinni nest quune ralit potentielle et par cela, conclutScot, imparfaite. Pour remdier une telle situation, lemdival imagina partir de cet inni potentiel ce quilserait en acte :

    Pour notre propos, ditDuns Scot, transformonsla notion dinni poten-tiel dans la quantit enla notion de linni enacte dans la quantit ensupposant quil puisse treen acte dans la quan-tit. Ncessairement, laquantit crotrait toujours,en prenant une partieaprs lautre, mais si nousimaginons que toutes lesparties qui peuvent treprises successivementle sont simultanment,alors nous aurons unequantit innie en acte,puisquelle sera aussigrande en acte quellelest en puissance. Si donctoutes les parties taientconues comme prsentesen acte simultanment,linni ainsi imaginserait vritablement untout et serait vritablementparfait, car il ny auraitrien au dehors. Bien plus,nulle quantit ne pourraitlui tre ajoute, car alors ilpourrait tre excd. [28]

    Par ce passage, Jean Duns Scot fait de linni non pas cequi laisse toujours quelque chose derrire, mais bien cequi excde le ni selon toute proportion dtermine oudterminable[29].

  • 7Le passage de l'inni en quantit l'inni sous le mode dela qualit ne se fait pas non plus sans Aristote. Bien quechez ce dernier l'inni ne sapplique qu'aux grandeurs, ilouvre une porte au livre V de sa Mtaphysique admettantla transposition de notions quantitatives d'autres objets par extension [30]. la question 6 du Quodlibet, Scotcommente ce dernier passage et montre que des termesquantitatifs comme petit, grand, moins, plus, sont appli-cable tous les tres, peu importe leur genre. La transpo-sition de la physique la mtaphysique est, par l, pos-sible. Toutefois, Scot voudra faire de l'inni non un ac-cident mais une quantit d'tre ou quantit de perfection.Il tire de locan d'tre inni de l'essence divine de Jeande Damas le concept de l'innit comme mode d'tre in-trinsque d'une nature innie : de mme que l'ocanne serait l'ocan sans l'immensit de sa masse, de mmel'essence divine ne serait pas l'essence qu'elle est sans lamagnitude qui est la sienne. [31] Dans la mesure o nousconcevons un tre inni actuel en entit, explique Scot,il se doit d'tre pens sous le mode d'une quantit innieactuelle, c'est--dire qu'aucun autre ne saura le dpasseren entit. En cela, il sera vritablement un tout, et untout parfait [32].

    5.3 Linni dans la mtaphysique et lathologie scotiennes

    Dans la mtaphysique de Jean Duns Scot, le conceptd'inni est assimil aux transcendantaux. Les transcen-dantaux, outre l'tant, sont des attributs qui peuvent tre,chez le Docteur Subtil soit : des attributs disjonctifs (in-ni/ni, possible/ncessaire, en acte/en puissance, etc.) ;des attributs convertibles (l'un, le vrai, le bien) qui sontdirectement coextensifs avec l'tant ; des perfectiones sim-pliciter (i.e. un prdicat qui n'admet pas de limite telle quel'intelligence divine par exemple)[33].Le couple d'attributs disjonctifs inni/ni permetd'tablir une mesure de l'tre, non plus au sens stric-tement quantitatif, mais plutt au sens d'un degrd'excellence de l'tre. Il sagit d'une dirence stricte-ment modale plutt que formelle entre les tres : Dieuest sur le mode de l'inni, alors que l'homme est sur lemode de la nitude. Cette prcision qui ne sinscrit passeulement dans la mtaphysique scotienne, mais aussidans le cadre d'un argument thologique portant surl'existence de Dieu infre que la dirence entre un treni et un tre inni n'est pas une dirence gnrique cequi, au sein du raisonnement du Docteur Subtil, permetde sauvegarder la simplicit divine[34].En vertu de la thologie naturelle scotienne et, plus large-ment, de sa thorie cognitive, il est possible pour lhommede connatre laune de son exprience sensible. Ainsi, sila connaissance essentielle de Dieu n'est pas accessibleici-bas faute de pouvoir faire l'exprience de ce dernier,il est cependant possible de prdiquer Dieu des attri-buts partags avec lui (comme l'intelligence) en vertu de

    la thorie scotienne de la prdication univoque[35]. Parexemple, sil est possible de prdiquer l'intelligence Ma-rie, de mme peut-on attribuer l'intelligence Dieu, maispas sous le mme mode que celui de la crature nie. PourDieu, il sagira d'une perfectiones simpliciter. Il sagit dumme concept d'intelligence, mais qui n'est pas donnsous le mme mode chez la crature nie et chez Dieu,tre inni.De plus, la crature nie sera aussi en mesure de parvenir la caractrisation la plus parfaite et la plus simple duPremier principe. Comme vu plus haut, on parvient pr-cisment cette caractrisation positive avec le conceptd'inni, sous-tendant tous les attributs que l'on peut pr-diquer Dieu[36]. Scot renverse ici l'inni en tant queconcept ngatif pour en faire un concept positif. En ef-fet, on pourrait dfendre la ngativit du concept d'innisur le plan tymologique par la prsence du prxe inqui implique une ngation. Considr comme tel, il se-rait alors contradictoire de parler de l'inni comme unecaractrisation positive de Dieu. On peut analyser un telrenversement d'un point de vue logique en armant que,la nitude tant en soi concept impliquant une limite n-gative, l'ajout du prxe in, la double ngation fait natre(sur le plan logique et formel du moins) un concept po-sitif. Cependant, pour Scot, la nature de la distinctiondu couple ni/inni est mtaphysique et non formelle oulinguistique[37]. Ainsi, dfendre la positivit ou la nga-tivit du concept partir de la sphre de la logique ou,plus simplement, de l'tymologie est inutile dans l'optiquescotienne ; il faut plutt admettre sa positivit comme unprsuppos mtaphysique.

    6 GalileGalile remarque qu'il y a une correspondance biuni-voque entre les nombres et leurs carrs, d'o il dduit quel'assertion commune le tout est plus grand que la partie ne se vrie pas lorsqu'on parle de quantits innies[38].Cependant, loin d'y trouver une motivation pour l'tudedes ensembles innis, il y voit la preuve du caractrenon oprationnel de tels ensembles, position approuveplus de deux sicles plus tard par Cauchy[39]. Ainsi donc,jusqu'assez avant dans l'poque moderne, les mathmati-ciens sinterdisaient d'utiliser directement les ensemblesinnis et prfraient raisonner en comprhension surles proprits de leurs lments. Ils se contentaient alorsde la possibilit d'augmenter toute grandeur donne, oude la diminuer sil sagit d'une grandeur continue[39].

    7 Descartes

    7.1 Linni dans la pense mtaphysiquede Descartes

  • 8 7 DESCARTES

    7.1.1 Dieu en tant quunique inni

    Dans la pense mtaphysique de Descartes, seul Dieupeut tre quali dinni. La Mditation III ore une d-nition de ce dernier : Par le nom de Dieu jentendsune substance innie, ternelle, immuable, indpendante,toute connaissante, toute puissante, et par laquelle moi-mme, et toutes les autres choses qui sont ont t creset produites. [40] La notion dinni rel ou en acte eststrictement rserve Dieu ; seul Dieu est inni car il estltre inni lui-mme. Il est donc question chez Descartesdun inni dordre qualitatif ; dune perfection innie quiexiste uniquement chez ltre parfait, chez Dieu - il ny arien que je nomme proprement inni, sinon ce en quoi detoutes parts je ne rencontre point de limites, auquel sensDieu seul est inni. [41]

    7.1.2 Lide de linni dans la pense de lhomme

    La notion dinni a toutefois aussi une place danslhomme, dans sa pense. Elle sy trouve contenue en luien tant quide qui lui est inne ; lhomme possde uneide de linni, il est capable de concevoir, sa manirelimite, linni. Cest prcisment cette ide de linnique Descartes assimile lide de Dieu en l'homme ; lanotion de linni [] cest--dire de Dieu. [40] Il sagitsimplement de la conception que l'on est capable de sefaire dun tre inni et parfait, en dautres termes de notreide de la divinit. Bien quil ne sagisse pas de linni v-ritable, qui lui ne se trouve quen Dieu lui-mme, lidede linni (ou de Dieu) que lon retrouve dans la pensede lhomme occupe une place importante dans la mta-physique cartsienne car elle est ce partir de quoi Des-cartes infre lexistence eective et relle de Dieu (horsdu cogito). Cest la preuve de lexistence de Dieu dite par linni , que lon retrouve dans la Mditation III.

    7.1.3 La preuve par linni de la Mditation III

    Lide de linni tmoigne de la nitude de lego cartsien,du je qui pense cet inni. Le degr de perfection du conte-nu que reprsente cette ide est dune telle ampleur quilrend manifeste la nitude du je dans lequel loge cette idemme. Ultimement, Descartes veut montrer quil est im-possible que cette ide, dont le contenu possde un tel de-gr de perfection, puisse tre la cration du je qui pense,puisse tre cause par lui de quelconque manire[42]. Celatant, elle ne peut tre imprime [43] ou se trouver dansce mme je quen vertu dun tre qui lui soit externe, cest--dire autre que le je, et qui possde formellement ou enacte susamment de perfection an de pouvoir tre lau-teur ou la cause du contenu de notre ide de linni. PourDescartes, il ne peut sagir que de Dieu, d'un tre poss-dant rellement en lui l'innit et la perfection que legone peut qu peine et de manire bien limite concevoir.Descartes dira, de manire mtaphorique, que l on nedoit pas trouver trange que Dieu, en me crant, ait mis

    en moi cette ide pour tre comme la marque de louvrierempreinte sur son ouvrage. [44]

    Bien que lhomme soit donc capable de penser linni, ilne peut le faire quavec ses capacits limites, celles deltre ni quil est. Bien quil tende le comprendre, etsaime le contempler, il ne pourra jamais saisir cet in-ni dans sa totalit, dans sa perfection absolue. De son idede linni quil trouve en lui, lhomme doit donc se conten-ter de la simple certitude quelle lui permet dacqurir delexistence eective, extrieure sa pense, de cet in-ni et que ce dernier soit non seulement la cause de cetteide mais aussi bien de lexistence de lhomme ainsi quede toute chose qui est[43]. Et toute la force de largumentdont jai us ici consiste en ce que je reconnais quil ne se-rait pas possible que ma nature ft telle quelle est, cest--dire que jeusse en moi lide dun Dieu, si Dieu nexistaitvritablement ; ce mme Dieu, dis-je, duquel lide esten moi, cest--dire qui possde toutes ces hautes perfec-tions, dont notre esprit peut bien avoir quelque ide sanspourtant les comprendre toutes, qui nest sujet aucundfaut, et qui na rien de toutes les choses qui manquentquelque perfection. [43]

    Linni dans lhomme, sous forme dide inne, permetdonc de connatre que cet inni existe actuellement horsde lhomme mais ne peut nanmoins propulser lhommevers une connaissance absolue de cet inni. Ce serait lune contradiction avec la notion mme de ce que signielinni chez Descartes. En eet, linni ne pourrait, parsa nature, jamais tre compris par le ni. Descartes diraqu il est de la nature de linni, que ma nature, qui estnie et borne, ne le puisse comprendre. [44] Le crateurne saura jamais tre compris par sa crature.Notre conception de linni nous permet donc non seule-ment de constater notre propre nitude, mais galementdinfrer avec certitude quun tel tre inni doit nces-sairement exister hors de nous-mmes, bien quon nepuisse jamais esprer le comprendre entirement. Des-cartes nomme cet tre Dieu[45].

    7.2 Inni et l'indni

    7.2.1 La distinction entre inni et indni

    Alors que l'inni se dit de Dieu, l'indni se dit du mondephysique et des mathmatiques. L'indni dsigne ce donton ne peut prouver les bornes. Sa vritable nature estl'indtermination, puisque ni ni, ni inni. Tout ce quiest ontologiquement second Dieu est seulement ind-ni, c'est--dire qu'il traduit l'ignorance du sujet. Pour-tant, Dieu lui-mme chappe l'homme. L'essence del'inni dborde toute tentative dicible. Il y a inadqua-tion entre l'ide de l'inni en moi et l'inni, puisque vou-loir dire l'inni, l'crire ou le dnir excde toujours lacomprhension qu'on peut en avoir. L'ide de l'inni, seprsente comme un paradoxe : c'est la fois l'ide la plusclaire et distincte, et l'ide la plus incomprhensible. En

  • 9armant qu'il est faux de concevoir l'inni en niant leni, Descartes suggre que l'on doit se contenter de seservir d'expressions ngatives tout en les refusant sur leplan du sens, non seulement parce que l'essence de l'innidborde toute tentative de le renfermer dans le langage,mais aussi que la mesure dans la positivit est essentielle l'inni[46].

    7.2.2 Descartes, hritier d'Aristote ?

    La tradition a plutt interprt l'indni cartsien commeun inni en extension ou inni spatial. Ce qui est prsup-pos dans cette interprtation est que Descartes reprendle couple inni en acte et inni potentiel d'Aristote. Jean-Baptiste Jeangne Vilmer[46] suggre de mettre en causecette interprtation et considrer plutt une interprtationlittrale de la notion d'indni dans la pense de Des-cartes ; c'est--dire indni comme in-dni ou non d-ni. Notons qu'il y a des raisons mtaphysiques pour refu-ser de considrer que l'indni soit un inni en son genre,dont le genre serait l'tendue. Ontologiquement, l'inniepositivit de Dieu implique ncessairement l'existenced'un seul inni. Aussi, l'tendue tant la marque du corps,cela constitue un dfaut. On ne peut donc pas la prdiquer Dieu, qui est innie perfection. Enn, puisque l'inni deDescartes n'est pas un inni de quantit, mais un inni dequalit - la perfection - on doit voir une dirence de na-ture et non de degr entre inni et indni.

    7.2.3 Mtaphysique et physique

    Cette distinction entre inni et indni sexplique aus-si par le rapport de subordination qu'il y a entremtaphysique et physique chez Descartes. La mta-physique est la science des sciences, celle qui permetd'atteindre les principes de base et d'expliquer les fonde-ments du savoir. Plus encore, les vidences des sciencesont besoin d'tre ultimement garanties par l'existencede Dieu. La preuve de Dieu tant le fondement del'ontologie, pour Descartes un athe ne peut tre go-mtre , elle assure la validit des vrits ternelles[47].

    7.3 Rle de la volont

    7.3.1 Volont comme marque divine

    On a not que l'ide de l'inni se prsente comme unparadoxe. La clart de la notion d'inni, vient de l'ideinne d'inni. Dieu ayant fait l'homme son image, il ya forcment un rapport de ressemblance entre les deux.C'est la volont qui a pour Descartes un rle d'image oude marque divine. On ne peut concevoir cette ressem-blance que par la mme facult par laquelle on se conoitsoi-mme. Cette facult est la volont, soit le pouvoird'armer ou de nier sans qu'une force extrieure nousy contraigne, c'est--dire porter un jugement qui lie des

    ides entre elles. On ne parle jamais de son caractre in-ni, mais seulement de son innitude parce qu'elle est pr-cise seulement semblable[48].

    7.3.2 L'innitude de la volont

    Cette innitude est le but, l'aspiration naturelle ou le d-sir que l'homme a pour l'inni. Pour viter que l'inni soitobjet et donc vienne contredire l'ide d'inni, il est nces-saire que l'inni soit l'origine et le but de l'homme. Ainsi,l'inni est origine puisque l'homme est marqu par lui enayant l'ide inne de l'inni. Et l'inni est aspiration natu-relle, puisque c'est la manifestation du refus du ni. L'idede l'inni qui est en moi, c'est--dire en tant qu'ide inne,est le point de dpart pour dpasser le solipsisme et de d-montrer l'existence de l'inni. On doit ensuite remarquerque dans la conception de la volont de Descartes, volontet libert sont lies, voire confondues. Il dnit la libertcomme l'amplitude de notre volont. Alors, poser que lavolont est innie c'est dire que son amplitude est innie,et ainsi l'homme a une innie libert. Si on peut armerson innitude, c'est parce que la volont porte les signesde l'inni : soit la positivit et l'incomprhensibilit. Lapositivit de la volont se traduit par l'vidence du librearbitre, alors que son incomprhensibilit rside dans leparadoxe de la nitude de mon entendement et de l'innievolont[48].

    7.3.3 Innitude comme cause de l'erreur

    On peut aussi voir la cause de l'erreur dans l'innitudede la volont ; l'erreur est une imperfection dont Dieune peut tre responsable, tant inniment bon et par-fait. La cause se situe donc ncessairement au niveau del'esprit humain, dans l'usage de ses facults. On dnitl'esprit humain comme cette chose qui pense, composede l'entendement et de la volont. D'abord, l'entendementest une facult passive qui reoit les ides. Bien quel'entendement humain soit ni, il ne peut tre la cause del'erreur puisqu'une ide ne peut pas tre plus ou moinsvraie, seulement plus ou moins claire et distincte. En-suite, la facult de la volont est active. Elle lie lesides ensemble pour former des jugements. Les relationsne peuvent pas tre errones en soi. Elle ne peut doncpas tre seule cause de l'erreur. Descartes montre quel'erreur se produit lorsque la volont dpasse les limites del'entendement et pose des relations entre des ides qui nesont pas claires et distinctes. Tel est l'eet de l'innitudede la volont[49].

    8 Leibniz et l'inni

  • 10 8 LEIBNIZ ET L'INFINI

    8.1 L'inni en acte

    Cest avec Gottfried Wilhelm Leibniz que lactualit delinni sera pour la premire fois objet dune vritableanalyse, tant donn que cette actualit est arme po-sitivement. Linni joue dans le systme leibnizien unrle fondamental quant lexistence de toute chose. Cettearmation soppose directement la pense aristotli-cienne selon laquelle le concept dinni ne peut tre pen-s que comme un possible. Selon Leibniz, linni en acteest la condition de possibilit de toute opration daddi-tion et de division, en tant que sa ralit est toujours djprsuppose[50].

    8.2 Les cinq contextes de l'inni[51]

    8.2.1 Dieu

    Selon Leibniz, seul Dieu et ses attributs peuvent v-ritablement tre dits innis . En ce sens, tous lesautres contextes o l'on trouve linni ne sont que desexpressions plus ou moins parfaites de linnit de Dieu.Cette absolue innit sexplique par la prmisse selon la-quelle Dieu est parfait, la perfection tant ici entenduecomme la grandeur de la ralit positive prise prci-sment, en mettant part les limites et bornes dans leschoses qui en ont . Dieu ne pouvant tre limit, cestsa perfection mme qui est innie. De par son innit,Dieu est dailleurs le terme ultime de la srie innie desfaits contingents du monde, en tant que raison susantedernire[52].

    8.2.2 Les ides de Dieu

    Cest dans les ides de Dieu que lon trouve une inni-t de mondes possibles. Linni y est donc dabord pos-sible, puis rel. Le passage du possible au rel est rgipar le principe de la dtermination du meilleur. En eet,la cration du meilleur monde possible par Dieu seec-tue selon un calcul qui prend en considration linnitdes possibles. Par la combinatoire, Dieu compare dabordlinnit des possibles, puis galement linnit des sys-tmes possibles, pour nalement dterminer le systmeprsentant le plus haut degr de perfection. Il y a doncdans les ides de Dieu innit dinnis[53].

    8.2.3 Les monades

    Linni se trouve galement dans les ralits individuelles(monades). Les monades tant par nature perceptives etapptitives, elles rassemblent une multitude de percep-tions dans leur unit substantielle. Leur capacit de re-prsentation nest donc pas limite un aspect partiel deschoses, mais la multitude des choses dans l'univers, cequi pousse Leibniz armer quelles vont toutes confu-sment linni, au tout (Monadologie par.60) . Il ne

    faut cependant pas se mprendre quant la nature bel etbien nie de la monade. Ce type de ralit est ferme, sans porte ni fentre , mais elle accde par ces tats la multitude des choses de lunivers. La monade est ainsiune ralit nie dont la capacit reprsentative est in-nie. La dirence entre linnit de Dieu et linnit dela monade est ds lors une dirence quant la maniredtre inni.

    8.2.4 L'univers

    Lunivers accde galement linni, mais en un toutautre sens. Lunivers nest ni une totalit, ni une ralitunique et simple. Il est plutt un amas dun nombre in-ni de substances . Cest donc que le monde cr, de parlinnit des substances et la division innie de la matire,ne peut tre uni. Il est donc ici question dun agrgatdune innit de ralits quoi lon ne peut assigner delimite[54].

    8.2.5 La divisibilit de la matire

    La nature est pour Leibniz une structure de corps ten-dus, ces corps tant divisible linni. Leibniz comparedailleurs la nature un tang habit par une multitude decratures, o chaque parcelle de ltang contient en lui-mme une innit dtangs. Cest donc que la divisionde la matire est comprendre non seulement commeune premire division linni, mais galement selon unemultitude de divisions o chaque partie actuellement di-vise est elle-mme divise linni, et ainsi linni.Cette division est d'ailleurs imagine par Leibniz selonqu'il sagirait de plis qui vont l'inni. La divisibilitdes corps l'inni doit tre reprsente non pas commeun nombre inni de grains de sable, mais comme les plisinnis d'une feuille de papier, o l'on ne peut atteindre lepli ultime[55].

    8.3 L'inni quantitatif dans le calcul in-nitsimal

    Conceptuellement, la prsence de la notion dinni dansle calcul innitsimal est problmatique. Lutilisation desexpressions dx et dy , qui semble faire rfrence une quantit inniment petite de temps ou despace peuten eet tre la source de confusion. Leibniz mentionne cet gard que le calcul innitsimal est autonome op-ratoirement quant sa mtaphysique, et que lcritureinnitsimale possde une valeur strictement instrumen-tale. Le calcul innitsimal peut donc tre dit indpendantde la mtaphysique leibnizienne du point de vue de sonfonctionnement. Linni mathmatique, en tant quinniquantitatif, sapparente davantage un faux inni , ou un inni simplement possible ; les direntielles sontdes grandeurs qui nexistent pas avant dtre instrumenta-lement poses[56].

  • 11

    8.4 L'inni comme objet de science8.4.1 Inni mathmatique

    Linni actuel et linni possible peuvent tous deux treobjets dune science. En ce qui a trait linni mathma-tique, bien quil soit considr comme un faux inni (potentialit), il est clair pour Leibniz quil est possible deconnatre la loi dune progression interminable de quan-tit. En ce sens, la raison susante de cette progressionest accessible ; nous en avons donc une connaissance.

    8.4.2 Inni physique et mtaphysique

    Le concept dinni en acte est une ide inne. En ce sens,lide dinni est vidente par elle-mme et donc sou-mise uniquement au Principe de non-contradiction, ce quila rend rationnelle. Il est galement possible davoir uneide adquate de linni mtaphysique ou vritable, c'est--dire qu'il est possible d'en avoir une connaissance oud'en prsenter une dnition dont l'on connait distincte-ment tous les termes. Dieu, de par ses attributs innis,soit l'ternit et l'immensit, peut alors tre connu. Or lesmonades sont des ralits nies qui ne peuvent percevoirlinni que du point de vue dans lequel elles sont places.Cest donc seulement en Dieu que la comprhension par-faite de linni est possible[57].

    9 KantLa premire des quatre antinomies de Kant est exprimecomme suit dans la Critique de la raison pure[58] :

    thse Le monde a un commencement dans le temps[..], relativement dans lespace, contenu dans cer-taines limites. II serait, en eet, absurde dadmettre une srie la

    fois innie et ralise. La totalit des tres ou desphnomnes forme un nombre qui dpasse notreimagination, mais qui est un nombre rel, et linnidpasse tous les nombres. Le pass contient unnombre dtres et de phnomnes auquel chaqueinstant ajoute. Il est contradictoire de nommer innice qui augmente ou peut augmenter. Le mme rai-sonnement rfute lternit du pass : lternit estinnie, inaugmentable et chaque instant augmentele pass.

    antithse Lemonde na ni commencement ni limitesspatiales mais il est inni [..] lespace que par rap-port au temps.

    Si le monde ntait ternel et sans mesure, il senve-lopperait donc dun temps et dun espace vides. Maisun temps vide ne renferme aucune cause, aucunecondition, aucune possibilit de commencement,et rien naurait jamais pu commencer. Borner lemonde dans le temps, cest lannihiler. Et un espace

    vide nest rien. Dire quun espace vide limite lemonde, dire que le monde est limit par rien, cestdire tout ensemble que le monde est limit et quilnest pas limit.

    10 Hegel

    10.1 Un inni qualitatifLe projet du systme hglien de la dialectique et delinni a pour ambition de dpasser les oppositions phi-losophiques de linnit de la substance objective chezSpinoza et de la nitude de lentendement humain chezKant. Cest partir de la premire antinomie cosmolo-gique du ni et de linni dans la Critique de la raison pureque Hegel forme sa conception du vritable inni. PourKant, tchons de rappeler que labsolu nest jamais don-n dans lintuition, mais il est forg de toutes pices parlesprit en tant que simple concept, comme ide transcen-dantale. Cette ide de linni joue le rle de pure ctionpour lhomme, ction utile comme le dclarait Leibniz,alors quelle devient une ide-limite, une projection trans-empirique, peut-tre ncessaire comme outil de dvelop-pement de la connaissance, mais nayant vraisemblable-ment aucune ralit ontologique[59]. Selon Hegel, lerreurde Kant aura t de ne concevoir quun inni quantitatif,puisque le concept dternit, comme progrs temporelinterminable ne prend forme quen concevant une droiteinterminable ou encore une suite innie de nombres natu-rels. Il en va de mme pour linni spatial qui prsupposencessairement une grandeur inexhaustible dans laquellela nitude viendrait sengourer ; encore une fois, largu-ment est circulaire[59]. Les catgories a priori de la sensi-bilit que sont le temps et lespace chez Kant constituentla solution transcendantale au problme de la premireantinomie, mais elles ne peuvent rendre compte pour He-gel de la dialectique interne de lesprit seule apte sursu-mer les antagonismes quil porte en son sein mme[59]. Silinni hglien est dit qualitatif, cest bien parce quil nese rsume pas dans lnumration ou litration de sriesde nombres ou dans la somme de ces sries, mais bienparce quil rside dans le rapport quelles entretiennentensemble.

    10.2 Une mthode la fois analytique etsynthtique

    Les mathmatiques ont pour Hegel, un caractre essen-tiellement analytique, non seulement la valeur de vritdes quations mathmatiques ne tient pas de lexpriencesensible, mais elle drive toujours en quelque sorte de saconformit avec un paradigme au sein duquel sont pr-supposes des lois et des dnitions a priori (au sens kan-tien). En ce sens, pour Hegel, le procd analytique repr-sente, contrairement Kant, la pure immanence des d-terminations la totalit originelle prsente sous la moda-

  • 12 11 CANTOR

    lit de len-soi [60]. Autrement dit, ce nest pas le nombrecomme objet qui dploie de son essence les lois et m-canismes qui caractrisent son intriorit pure, mais ellessont insres de lextrieur par lesprit et deviennent desorte le miroir du fonctionnement de lesprit humain etde son organisation intrieure. Ultimement, lobjet, lenombre, nest que la pense, et la pense abstraite de lext-riorit elle-mme [] En raison de cette extriorit pure etde cette absence de dtermination propre, le penser a dansle nombre une matire dterminable innie qui nopposeaucune rsistance. [60]. La vrit pour Hegel, ou plutt,le dploiement de la connaissance est toujours la foisun procd objectif et subjectif, une mthode la foisanalytique et synthtique. La connaissance mathmatiquepartage donc ce caractre analytique avec la connaissanceconceptuelle, toutefois, elle se direncie de cette der-nire en ntant quanalytique, alors que la connaissancedu concept est galement un procd synthtique. PourHegel, le vritable inni est dans la relation qualitativequi stablit dans le rapport entre deux grandeurs quan-titatives. Comme Leibniz lavait remarqu avant lui, cene sont pas les quantits inniment petites ou innimentgrandes qui sont importantes, mais leur dirence qui estinnitsimal[59]. Le passage de la quantit en qualit sef-fectue travers une relation dynamique engendre parla raison qui rsulte en une mesure, une proportion, cequi pour Hegel signie lassimilation mutuelle du dter-minant (qualit) et du dtermin (quantit).

    10.3 Un rapport dynamique entre ni etinni

    La conception de linni labore chez Hegel navait pasde prime abord des prtentions mathmatiques ou pra-tiques, mais essentiellement mtaphysiques et c'est bienen ce sens que sa vision de linni devenait celle de ladynamique du concept absolu. Ainsi il faut galementprendre en considrations que pour Hegel - axiome fon-damental de tout son systme quil emprunte Spinoza-, toute dtermination est du mme coup une ngation etpar consquent, la ngation de la ngation rete lauto-mouvement du concept absolu. En rsulte que la nitudeet linni ne sont pas lis de manire externe par opposi-tion lune lautre, mais entretiennent plutt une relationdynamique internalise, linni absorbe en lui la nitudecomme un des moments de son perptuel dploiement. Pour Hegel, ce devenir processuel est un inni dynamiqueou qualitatif, et sa gure est celle du cercle sans point initialet sans point nal et non pas limage de la droite innieou de la suite illimite des nombres naturels. [59]. SelonHegel, lhistoire de ltre est un devenir perptuel, touteforme donne est pousse se dpasser, selon la ncessitdune pousse, dune pulsion, immanente, constitutive de lancessit de sa transcendance. [61]. Le mcanisme inh-rent ce mouvement universel est la dialectique, la loide la pense et du rel qui, progressant par ngations suc-cessives, rsout les contradictions en accdant des syn-

    thses elles-mmes toujours partielles et appeles tre d-passes [62]. Une conception particulire est toujours enelle-mme un systme positif et cohrent et en ce sens, ilcontient en lui un fragment du concept absolu qu'il repr-sente de manire incomplte. Une ide dpasse ne dis-parat jamais totalement, elle est plutt submerge dansun nouveau systme au sein duquel le fragment de son ab-solutisme est rati et incorpor. La ngativit qui est aucur de la dialectique seectue toujours dans un rapportdont elle est le principe mdiateur. En dautres mots, cestle ngatif qui eectue le rapport structurel entre une in-triorit idelle et une extriorit manifeste. En ce sens,le ngatif sapparente lessence de la chose, la poussedirectrice, le moteur ontologique de ltre. Ce travail dungatif, inscrit au cur mme du devenir, anime pour He-gel toute histoire particulire[62]. Ce mouvement est pourHegel un inni abstrait, un mcanisme universel luvreen toutes choses positives.Finalement, ce qui est ni, par dnition toujours en tran-sition, est toujours en devenir, toujours appel tretranscend, dpass vers linni. Labsolu contient doncen lui tous les moments de la nitude, labsolu saline lui-mme partir de lui-mme pour nalement sextriorisercomme esprit. Linni chez Hegel est donc esprit absolu,ide absolue ou concept absolu, synonymes de la totalitdu systme de la philosophie. Si lesprit ou lide est diteinnie chez Hegel, cest que linnit est ltre de ce quiest sursum et nest que sursum[63].

    11 CantorGeorg Cantor mathmaticien de formation constate,au l de ses travaux, que lanalyse mathmatique est insuf-sante saisir compltement lessence de linni[64]. Enfait, il se penche sur la question travers les ensembles,dont les proprits navaient pas t clairement lucidesavant lui. Celles-ci semblaient triviales pour les ensemblesnis, alors que celles des ensembles innis concernaientplutt la philosophie. Cantor devient donc le fondateurde la thorie des ensembles, une mthode plus rappro-che de la philosophie gnrale [64] et dont le dveloppe-ment constituera un achvement aux consquences ma-jeures dans lhistoire des mathmatiques [65]. La thoriedes ensembles, plus prcisment la thorie des nombrestransnis, qui en constitue le noyau[64], servira dassise une rexion sur un ventail dinnis dirents. Cantordistinguera donc trois notions direntes dinni : lin-niment grand, quil analyse et hirarchise et pour lequel ilest reconnu (sections 1 4) ; les innitsimaux, quil nieet rejette (section 5) ; enn, linni absolu, sur lequel ilfonde sa mtaphysique de linni[66] (section 6).Ainsi, lappareil conceptuel dploy par Cantor se fondesur des distinctions mathmatiques compltement nou-velles, qui font de linniment grand un objet part, nan-moins analysable, mais qui contredit lintuition[67]. Cantorcroit que larithmtisation de linni est possible, autre-

  • 11.2 Dnombrement des ensembles : la cardinalit 13

    Georg Cantor en 1894

    ment dit, il pense que linniment grand est une quantit laquelle doit tre attribu un nombre[68], nombre sur le-quel il convient dappliquer des oprations ordinaires[69].Il en vient penser ainsi la suite de ses travaux en arith-mtique et en trigonomtrie ; il ne prsuppose donc pasque l'inni ait direntes valeurs, il le dcouvre. Comme des proprits nies ne peuvent tre prdiques tousles cas de linni [70], il faut trouver les proprits delinni. Subsquemment, ces proprits seront laboresdans sa thorie des ensembles des nombres transnis.

    11.1 Linni dans les ensembles

    La rexion de Cantor le mne fonder les math-matiques sur une thorie des ensembles plutt que surlarithmtique[64]. Il sinspire ainsi de la dmarche deBolzano[71] et de sa mthode de la correspondance biuni-voque, ou bijection. Cantor considre donc les ensemblescomme des objets ayant une existence en soi indpen-damment de nos moyens de latteindre [72] et seulementdnis par leur contenu. Cantor travaillera essentielle-ment avec les ensembles innis suivants :

    L'ensemble des nombres naturels N = {0, 1, 2, 3,...}.

    L'ensemble des nombres rationnels Q : les fractions,incluant les lments de N.

    L'ensemble des nombres rels R : Q, ainsi que lesnombres avec une innit de dcimales irrgulirescomme la racine carre de 2, ou e.

    Les nombres rels intresseront particulirement Cantorpuisquils permettent de localiser nimporte quel point surune droite, dans un plan, ou dans l'espace.

    11.2 Dnombrement des ensembles : lacardinalit

    Comme un ensemble se dnit par ses lments, il fauttrouver une faon de les compter pour pouvoir les com-parer. Cest ici quintervient la notion de cardinalit : lenombre cardinal dun ensemble est le nombre dlmentscontenus dans cet ensemble[73] ; ceci faisant abstractionde la nature des lments de lensemble [74]. Ainsi, danslensemble {2, ..., 101}, la cardinalit est de 100. Dans lecas des nombres innis, il faudra trouver une faon de lescomptabiliser et de leur attribuer un cardinal. Cela serapossible en les comparant entre eux.On peut ainsi chercher comparer la cardinalit d'un en-semble avec celle de son ensemble des parties : il sagit del'ensemble des ensembles possibles, l'intrieur d'un en-semble. Par exemple, si le cardinal de A = {1, 2, 3} est 3,celui de son ensemble des parties est 23 = 8, car on peutformer 8 ensembles partir de A : {1}, {2}, {3}, {1,2},{2,3}, {1,3}, {1,2,3}, .

    11.3 Comparaison des ensembles : la cor-respondance biunivoque

    11.3.1 Dans les ensembles nis

    Pour comparer les ensembles nis, il sagit de les comp-ter, ce qui nest rien dautre que les associer un un len-semble M des nombres {1, 2, 3, , n} o n est le nombredlments dans lensemble, autrement dit le nombre car-dinal. On cherche tablir entre eux une correspondancebiunivoque ou bijection, cest--dire une association detous les lments dun ensemble avec ceux dun autre, sans rptition ni omission [75] ; si une telle correspon-dance est possible, on dira que les deux ensembles ontla mme puissance , ils sont quipotents[74]. En destermes plus prcis, associer des lments de l'ensembleD ceux de l'ensemble E, sans rptition (pour chaquelment de D, il n'y a qu'un lment de E associ), estune simple injection, alors que les associer, sans oublierd'lments de D, est une surjection. Une bijection n'estqu'une relation de deux ensembles qui est la fois injec-tive et surjective.

    11.3.2 Dans les ensembles innis

    Une telle correspondance peut sappliquer aux ensemblesinnis. De ce fait, lensemble de tous les nombres naturels

  • 14 11 CANTOR

    pairs peut tre mis en association avec lensemble de tousles naturels par la fonction y = 2x, o x est un lmentparmi lensemble N de tous les naturels et y un lmentparmi lensemble N de tous les naturels pairs. La cardi-nalit deN et deN est donc la mme, aussi contre-intuitifque cela puisse paratre.Ainsi, premire vue, il semble y avoir davantage de relsque de rationnels, et de rationnels que de naturels[76] ;or, Cantor montre que les rationnels Q et les naturels Npeuvent tre mis en correspondance biunivoque, et doncquils possdent le mme nombre dlments. Cela per-mettra en fait de ranger les nombres rationnels (consid-rs comme fractions) de la faon suivante : Q+ = {1/1,2/1, 1/2, 3/1, 1/3, 3/2, 2/3, 4/1, 1/4, ...} (les fractions n-gatives ne sont pas incluses ici pour faciliter la compr-hension). On remarquera que, dans la suite, les fractionsrductibles, et donc rptitives, ont t retires (2/4 = 1/2,par exemple). Comme les nombres rationnels sont placsdans un ordre qui les runira tous sans exception, on peutdire quils sont dnombrables, cest--dire quon peut as-socier un nombre n chacun deux. De manire plus g-nrale, on voit que tout ensemble dnombrable inni a lamme cardinalit, et donc le mme nombre dlmentsque les naturels.Les comparaisons entre N et N ou entre Q et N re-viennent envisager une partie comme aussi grande quele tout ; ce qui va lencontre de ce que les philosophes onttoujours considr comme une rgle fondamentale[77].Cette apparente transgression chez Cantor devient na-lement la dnition dun ensemble inni : la cardinalitdun ensemble est innie si et seulement si une ou plu-sieurs de ses parties est gale son tout[note 3].Or, tous les ensembles innis nont pas la mme cardina-lit comme montre largument de la diagonale, dmons-tration de limpossibilit de dresser une bijection entre Net R, et donc que @0 < 2@0 , c'est--dire que la cardinali-t des rels est strictement suprieure celle des nombresnaturels. En eet, lensemble R des rels nest pas d-nombrable, et Cantor nommera sa cardinalit : puissancedu continu. Lensemble des rels est un ensemble conti-nu (par opposition discret) puisquil regroupe tous lespoints dune droite, dun plan ou dun graphique, sans trous .

    11.4 Les nombres transnisArticles dtaills : nombre cardinal et nombre ordinal.

    11.4.1 Aleph 0 et son arithmtisation

    Les nombres transnis est lappellation que donneCantor aux nombres innis correspondants aux di-rentes cardinalits des ensembles innis en raison de laconnotation ngative lie au concept dinni, comme silsagissait dun incomplet ou dun indni . Les

    transnis cantoriens sont de rels objets mathmatiques,ils sont en acte , tant donn que les ensembles, aussiinnis soient-ils, sont bien rels. Par convention, la cardi-nalit de N (qui est aussi celle de Z et de Q) est nommeAleph 0, @0 , et constitue la plus petite quantit innie. Aleph , qui signie 1 en hbreu, a sans doute tchoisi parce que, pour Cantor, les innis sont justementdes entits relles avec lesquelles on peut dvelopper unenouvelle arithmtique[78]. Mais comment eectuer descalculs arithmtiques partir de @0 ? Cantor dmontre[79]que, pour tout entier n, @0 + n = @0 , que @0 + @0 =@0 et que @0 x @0 = @0 .Ce dernier rsultat est dj tonnant, car il implique las-sertion que lensemble des fractions et celui des entiersont la mme cardinalit. C'est d'ailleurs galement le casde l'ensemble des points dune droite et de lensemble despoints dun plan, qui ont la mme cardinalit, qui est cettefois celle du continu. En fait, peu importe le nombre dedimensions de la zone de travail , le nombre de pointsquelle contient est identique. On a donc c c = c oc est la cardinalit dun ensemble transni. Par cons-quent, les espaces dun nombre arbitraire de dimensionspeuvent tre seulement cartographis sur la ligne unidi-mensionnelle des rels [80]. Dans sa correspondance avecDedekind, Cantor dira propos de cette dcouverte jele vois, mais je ne le crois pas [81].

    11.4.2 Le cardinal de l'ensemble des partiesd'Aleph 0

    On pourrait croire, d'aprs les rsultats prcdents, qu'iln'y aurait qu'une seule cardinalit innie. Mais Cantor d-montre (voir Thorme de Cantor pour une analyse d-taille) qu'il n'y a pas de surjection et donc pas de bi-jection entre un ensemble B et son ensemble des parties(P(B)). Cela est assez vident pour les ensembles nis,par contre, pour les innis, il faut oprer une reductionad absurdum et une construction (non eectue ici). Lersultat auquel arrive Cantor est que, la cardinalit de N