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Centre d’études interaméricaines Institut québécois des hautes études internationales
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CHRONIQUE
Industrie des hydrocarbures et régulation énergétique nord-
américaine: le cas mexicain
Par Marion Giroux – Candidate à la maîtrise en études internationales et auxiliaire de recherche
au Centre d’études interaméricaines
Introduction
L’annonce de la réforme énergétique par le gouvernement mexicain de Peña Nieto le 20
décembre 20131 a été accueillie favorablement par les investisseurs étrangers. En particulier, les États-
Unis y voient l’abolition d’un protectionnisme pétrolier ayant cours depuis près de huit décennies au
Mexique. Cette nouvelle relance le débat sur la place de l’énergie dans les différents accords
internationaux, en particulier l’ALÉNA. En effet, les hydrocarbures, qui constituent une part non
négligeable du secteur énergétique, sont le moteur de l’économie mondiale. La fluctuation des prix de
l’énergie a une incidence dans tous les champs d’activité industrielle, comme l’ont démontré les crises
pétrolières subséquentes de 1970 et 1973. Or, qu’ils soient producteurs ou importateurs de pétrole, les
États ont des intérêts divergents en cette matière; c’est pourquoi il est difficile de circonscrire ces
intérêts de manière cohérente au sein d’accords commerciaux multilatéraux ou plurilatéraux communs.
Concernant cette divergence d’intérêts, le cas nord-américain est très révélateur. Tous les trois
producteurs de pétrole, les parties à l’ALÉNA ont des besoins et des façons d’entrevoir leur marché
1 John Mill Ackerman, « Le Mexique privatise son pétrole », Le Monde diplomatique (Mars 2014), en ligne : http://www.monde-diplomatique.fr/2014/03/MILL_ACKERMAN/50153.
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respectif des hydrocarbures (dans toutes ses phases) différemment. Cela se reflète dans le chapitre 6 de
l’ALÉNA qui s’applique aux produits énergétiques et aux produits pétrochimiques de base, comme
nous le verrons plus tard. Ce qu’on remarque avant tout dans ce chapitre, c’est l’absence d’engagement
concret du géant mexicain relativement au domaine de l’énergie, en particulier dans les hydrocarbures,
lesquels occupent notre attention dans le présent essai.
Avec les réformes lancées récemment, on peut s’attendre à une arrivée massive
d’investissements étrangers, notamment dans le secteur de l’exploration « deepsea ». En outre, le
Mexique rompt avec sa traditionnelle approche protectionniste par rapport aux hydrocarbures. On peut
ainsi se demander si les réformes de 2014 auront un impact sur les engagements internationaux – pour
l’instant minimes – du Mexique sur ce sous-secteur énergétique. La question sera d’abord traitée dans
son aspect historique afin de mieux comprendre pourquoi le Mexique protège son marché pétrolier et
gazier depuis la fin des années 30. Nous nous attarderons ensuite aux réformes successives qui ont
conditionné l’ouverture de ce marché. De même, nous verrons de quelle façon s’inscrivent les
engagements internationaux du Mexique. Cet aspect sera abordé en deux temps: d’abord, nous
survolerons les mesures multilatérales régulant le secteur énergétique, puis nous verrons de quelle
manière la régulation de l’énergie se traduit dans l’ALÉNA. Enfin, nous déterminerons si les réformes
peuvent s’inscrire dans un changement de position du Mexique à l’intérieur de ses engagements
internationaux (à la fois à l’OMC et au sein de l’ALÉNA) en matière d’hydrocarbures.
2. La place du pétrole au Mexique : d’hier à aujourd’hui
2.1 Pétrole, expropriation et enjeux constitutionnels
Comme dans beaucoup de pays latino-américains producteurs de pétrole, les termes « pétrole »
et « souveraineté » sont étroitement liés au Mexique. Cette association a pris racine au début des années
1900, quand Porfirio Diaz, alors président mexicain, accorda à deux lords des titres de concession
individuels pour l’exploitation pétrolière. L’année suivante, le président Diaz promulgua la « Loi
spéciale sur le pétrole » qui reconnaissait les droits des propriétaires terriens sur le sous-sol mexicain2.
Cette loi permit, à terme, à 18 entreprises étrangères de s’installer au Mexique, bien qu’à l’époque, la
2 Meyer, Jean. « Los Estados Unidos y el petróleo mexicano: estado de la cuestión » Historia Mexicana, 18: 1 (Juillet-septembre 1968) à la p 86.
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production pétrolière était dominée par Shell et la Standard Oil au Mexique3. Le débat entourant la
propriété de l’État sur ses ressources naturelles fut l’un des enjeux de la révolution mexicaine de 1910
qui mena à l’exil du président déchu Porfirio Diaz. Pour mettre fin à ces quasi-monopoles, les artisans
de la révolution inscrivirent à l’article 27 de la Constitution mexicaine que les combustibles minéraux,
définis comme étant le pétrole, et les carbures d’hydrogène solides, liquides et gazeux sont propriété de
l’État. Leur appropriation est exclusive aux citoyens mexicains (art. 27.1), ne permettant dès lors aux
entreprises privées que l’exploitation du pétrole, dans la mesure établie par l’État (art.27.4)4.
À l’intérieur de ce chantier de réappropriation des ressources naturelles, la pomme de discorde
entre les États-Unis et le Mexique était le caractère « non rétroactif » des principes nouvellement
établis par la Constitution de 1917 pour les entreprises pétrolières établies au Mexique avant le 1er mai
19175. Ce point litigieux fut tranché par la Cour Suprême mexicaine qui réitéra que la Constitution
serait appliquée de manière non rétroactive de façon à reconnaître les droits légalement acquis de ces
entreprises6. Celles-ci demeureront ainsi au Mexique et c’est plutôt la détérioration des relations entre
les travailleurs mexicains du secteur pétrolier et les compagnies étrangères qui entraînera leur
expropriation officielle7. En effet, l’Union regroupant les travailleurs mexicains du secteur pétrolier, le
« Sindicato de Trabajadores petroleros de la República mexicana», trouvait abusives les conditions de
travail imposées par leurs employeurs. Le conflit fut porté devant le « Federal Labor Board » qui, après
avoir constaté des irrégularités financières et des pratiques de gonflement des prix au sein des
compagnies en question, trancha en faveur des travailleurs mexicains. Les compagnies allèrent en appel
de la décision auprès de la Cour Suprême mexicaine, mais sans succès. Et lorsque ces compagnies
refusèrent d’appliquer les obligations découlant de la décision de la Cour Suprême8, elles furent
expropriées par le biais d’un décret présidentiel, en application de la « Loi sur l’expropriation » et
conformément à l’article 123 par.11 de la Constitution mexicaine9. Parallèlement, le président mexicain
nationalisa le secteur du pétrole et du gaz et fonda Petróleos Mexicanos (Pemex), une compagnie 3 Ibid à la p 92. 4 DIARIO OFICIAL DE LA NACION, Constitucion original de 1917, 5 de febrero, art 27, http://www.diputados.gob.mx/LeyesBiblio/ref/cpeum/CPEUM_orig_05feb1917_ima.pdf. 5 Supra note 2 à la p 89. 6 Ibid à la p 91. 7 U.S. Department of State, Office of the Historian, Mexican Expropriation of Foreign Oil , 1938, https://history.state.gov/milestones/1937-1945/mexican-oil.
8 Nora Hamilton. Mexico : Political, Social and Economic Evolution, New York, Oxford, 2011 aux pp 55-56. 9 Décret présidentiel, « Decreto expropiatorio del 18 de marzo », Diario Oficial de la Federacion (18 mars 1938), en ligne : http://biblio.juridicas.unam.mx/libros/2/935/18.pdf.
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appartenant entièrement à l’État mexicain, à travers le « Decreto que crea la Institución Petróleos
Mexicanos » émis le 7 juin 193810. Ce décret annonçait Pemex comme étant une corporation publique,
sans mentionner ses compétences ni son champ d’action11.
2.1.2 PEMEX et son importance au Mexique
À partir de 1938, l’ensemble des activités touchant l’industrie pétrolière, de l’exploration à la
distribution à la pompe, devint exclusivement réservé au gouvernement mexicain par l’entremise de
Pemex. Cette exclusivité fut inscrite dans la « Ley Reglamentaria del Articulo 27 Constitucional en el
Ramo del Petróleo de 1941 », abrogée et remplacée près de 20 ans plus tard par la « Ley Reglamentaria
del Articulo 27 Constitucional en el Ramo del Petróleo de 195812 » qui rendit illégal l’octroi de contrats
de profits partagés à des compagnies privées. La Loi de 1958 a ainsi renforcé la position de Pemex
comme agent unique d’exploration du pétrole mexicain et a répété l’exclusivité de Pemex sur toutes les
phases de l’industrie pétrolière au Mexique13.
En plus de symboliser l’indépendance économique du pays, le Petróleos Mexicanos revêt une
importance économique capitale pour l’État mexicain, représentant à lui seul près du tiers des revenus
du Mexique14. Le fardeau fiscal de Pemex est aujourd’hui considéré comme le plus élevé au monde
pour une entreprise de ce type, avec un taux de taxation s’élevant à environ 55% de ses revenus
(2012)15. Or, la volatilité des prix du pétrole au niveau mondial – lesquels sont déterminés par les pays
de l’OPEP – provoque des incertitudes qui risquent d’avoir des conséquences sur les finances du
Mexique si celles-ci continuent de reposer autant sur le secteur pétrolier. La forte taxation de Pemex,
jumelée à des déficits récurrents16, l’empêche de réinvestir ses profits dans la modernisation de ses
installations. En effet, entre 2004 et 2011, la production de brut est passée de 3,4 à 2,5 millions de 10 Petróleos Mexicanos, « Historia de Petróleos Mexicanos », en ligne : http://www.pemex.com/acerca/quienes_somos/historia/Paginas/historia-pemex, consulté le 26 novembre 2014. 11 Marcos Kaplan. Revolucion, Tecnologica, Estado y derecho, Mexico D.F., Universidad Autonoma de México, 1993 à la p.159. 12 Ibid. 13 Martin Miranda. « The Legal Obstacles to Foreign Investment in Mexico’s Oil Sector », Fordham International Law Journal 33 (2009-2010) à la p 215. 14 Samples et Vittor, p.698-699 Tim R. Samples et José Luis Vittor, « The Past, Present, and Future of Energy in Mexico: Prospects for Reformunder the Pena Nieto Administration», Houston Journal of International Law 35: 3 (2013) aux pp 697-734.
15 Karol Garcia. « Pemex, la petrolera que paga mas impuestos en el mundo », El Economista (29 février 2012), en ligne : http://eleconomista.com.mx/industrias/2012/02/29/pemex-paga-impuestos-record-2011. 16 Alicia Puyana, « Mexican Oil Policy and Energy Security within NAFTA », International Journal of Political Economy, 35 : 2, (été 2006) à la p 84.
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barils par jour (bdp). Ce déclin est dû en bonne partie au vieillissement des gisements qui ont, pour
80% d’entre eux, atteint un stade « mature », et sur lesquels reposent 90% de la production mexicaine.
Cette situation est inquiétante, car pendant que la production diminue, la consommation augmente,
risquant d’ébranler la sécurité énergétique du Mexique17. Certains prédisent même que le Mexique
pourrait devenir un importateur net de pétrole d’ici peu18. Bien que les récentes découvertes dans le
golfe du Mexique aient ravivé l’espoir de découvrir de nouveaux gisements, les barrières légales à
l’octroi de concessions, de contrats de partage des risques et de partenariats de production19 sont un
frein aux investissements privés.
L’inefficience de Pemex fut soulevée par le président Carlos Salinas de Gortari au début des
années 80. Il a été le premier à tenter de réformer l’entreprise publique et, par le fait même, l’industrie
pétrolière et gazière mexicaine dans le but de la déréguler.
2.2 Entre espoirs et déceptions : l’inachèvement des réformes
Le président Salinas donnera suite à ses déclarations et engagera le Mexique dans le programme
de modernisation de l’énergie nationale de 1990-1994 qui visait à faire de Pemex une entreprise
compétitive plutôt qu’un instrument politique20. Ce programme a mené à la décentralisation de Pemex
et à la restructuration de l’entreprise. Par décret du Congrès21, quatre entités subsidiaires à Pemex ont
été créées: Pemex-exploration et production, Pemex-raffinage, Pemex-gaz et pétrochimie de base et
Pemex-pétrochimiques (produits pétrochimiques secondaires) 22 . Malgré une identité légalement
indépendante de Pemex23, les quatre organismes subsidiaires sont demeurés la propriété de l’État
comme le prévoit l’article 25 de la Constitution mexicaine de 191724. En somme, ce qui devait être une
réforme de grande ampleur ne se révéla qu’être une restructuration interne de Pemex ayant peu d’écho
chez les investisseurs étrangers.
17 Supra note 14 à la p 702. 18 Agence internationale de l’énergie, 2010 International Energy Outlook, en ligne : www.eia.doe.gov\oiaf\aeo. 19 Supra note 14 à la p 708. 20 Lopez-Velarde, Rogelio. « Mexico’s New Petroleum Law : The Internal Reforms at Pemex and the North American Free Trade Agreement », Int'l L, 28. (printemps 1994) à la p 13.
21 Ley organica de Petróleos Mexicanos y organismos subsidiarios, Diario Oficial de la Federacion (16 juillet 1992). 22 Ibid., art. 45. 23 Ibid., art. 4. 24 Supra note 20 aux pp 17-18.
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Afin de contrer le déclin de la production, une seconde réforme du secteur pétrolier a eu lieu en
2008, menée par le président Felipe Calderon. Cette fois, on a établi un cadre pour la tenue d’appels
d’offres encadrés par Pemex-exploration et production afin de permettre la sollicitation d’entreprises
privées pour certains projets d’explorations à plus haut risque. Le secteur privé a dès lors pu participer
à certains projets de Pemex25 ; même l’article 60 de la « Loi sur la société Petróleos Mexicanos »
prévoit que l’État est propriétaire des hydrocarbures et en détient le contrôle. Devant le
mécontentement populaire, les ambitions réformatrices du gouvernement ont été étouffées et le cadre
législatif rigide est demeuré le même. Devant le peu de garanties offertes par le gouvernement, les
grandes pétrolières ne se sont pas précipitées lors de ces appels d’offres, en particulier pour les
troisièmes tours d’appels d’offres26.
On constate ainsi que malgré la volonté de rouvrir le secteur pétrolier, le gouvernement a bien
du mal à faire passer des réformes substantielles en raison de pressions sociales, d’une part, et de
pressions politiques d’autre part27. C’est donc sans surprise que le Mexique est récalcitrant à l’égard de
toute négociation touchant à ce secteur de son économie. Le protectionnisme mexicain en cette matière
s’est reflété à tous les niveaux de négociation internationale, autant au sein de l’OMC que de
l’ALÉNA.
3. Engagements internationaux en matière d’énergie : le Mexique fait bande à part
3.1 L’OMC : des engagements dispersés
L’OMC fournit un cadre très général à tout ce qui concerne la régulation de l’énergie. Il
n’existe pas, à l’instar du secteur agricole, d’accord multilatéral spécifique en matière d’énergie. Cela
mène à une application discordante des différentes règles internationales, tout dépendant de la
qualification (bien ou service) de ce qui entre sous l’appellation « énergie ». 28 Il s’agit d’un concept
très intégré et évolutif, qui ne se classifie pas aisément. La régulation du secteur de l’énergie à l’OMC
se situe particulièrement au niveau des services. Dans leurs listes d’engagements positives, les États
peuvent inclure le secteur de l’énergie dans l’une des trois catégories suivantes, soit les services liés au 25 Voir annexe 1. 26 Petróleos Mexicanos. « Previous Bidding », en ligne : http://contratos.pemex.com/en/previous/Paginas/default.aspx ; Supra note 14 aux pp 720-722. 27 Supra note 8 aux pp 169-170. 28 Thomas Cottier et al., Energy in WTO law and policy, world trade report 2010, http://www.wto.org/english/res_e/publications_e/wtr10_forum_e/wtr10_7may10_e.htm.
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secteur minier, les services liés à la distribution d’énergie et le transport par oléoduc de carburant29.
Sans grande surprise, le Mexique n’a contracté aucun engagement en lien avec le commerce de
l’énergie au sein de l’OMC dans ses engagements horizontaux30.
En outre, plusieurs ensembles régionaux ont décidé de s’attaquer à la question de l’énergie par
le biais de forums, soit l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et le Marché commun
du Sud (Mercosur)31. Il existe également quelques programmes plurilatéraux portant spécifiquement
sur l’énergie. Le plus connu, l’International Energy Program (IEP) a une influence considérable32. Le
Mexique n’en fait toutefois pas partie. Il n’est d’ailleurs Partie à aucun accord international portant sur
le secteur de l’énergie, mis à part l’ALÉNA, au sein duquel l’énergie est un sujet traité très
prudemment par le Mexique.
3.2 L’ALÉNA : un bloc énergétique incohérent
Pour mieux comprendre la façon dont le Mexique s’est dégagé de quelconques engagements en
matière pétrolière et, plus largement, en matière énergétique au sein de l’Accord de libre-échange nord-
américain (ALÉNA), il faut d’abord comprendre dans quel esprit se sont déroulées les négociations à
ce sujet.
À la base, les motivations des trois partenaires nord-américains à négocier en matière
énergétique étaient divergentes à bien des égards. Les États-Unis, qui ne produisent qu’une faible
portion de l’ensemble de l’énergie consommée sur leur territoire, voyaient en cet accord l’occasion de
remédier à leur dépendance énergétique des pays de l’OPEP et dans une moindre mesure, au
Venezuela. La négociation du côté américain visait ainsi à sécuriser l’approvisionnement de pétrole de
la part de ses fournisseurs nord-américains. C’est ce que les États-Unis obtinrent grâce à la clause de
« proportionnalité »33. De son côté, le Canada, à la fois exportateur et importateur de pétrole – à l’instar
29 WTO, Energy Services, en ligne : http://www.wto.org/english/tratop_e/serv_e/energy_e/energy_e.htm, consulté le 3 décembre 2014 30 OMC. Mexico – Schedule of Specific Commitments, GATS/SC/90 (15 april 1994). 31 Yulia Kene Selivanova. Regulation of Energy in International Trade Law, The Hague, Kluwer Law International, 2011 à la p 338.
32 Jon R. Johnson. The North American Free Trade Agreement: A Comprehensive Guide Aurora, Goodman & Goodman, 1994 à la p 207. 33 Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Mexique, 17 décembre 1992, RT CAN 1994 n° 2 (entrée en vigueur : 1er janvier 1994) [ALÉNA], art 605.3.
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du Mexique – voulait s’assurer un accès au marché américain34. Le Mexique, lui, ne voulait tout
simplement pas négocier. Il va sans dire que sa position de négociateur était peu favorable
comparativement à celle du Canada. Ce dernier avait déjà négocié avec les États-Unis un chapitre
entier de l’ALÉ. Les assises du futur chapitre traitant du commerce de l’énergie étaient donc déjà bien
établies lors de la rédaction du chapitre 6 de l’ALÉNA. En fait, ce dernier est presque un « copier-
coller » de l’ALÉ35.
Alors que l’inclusion du marché mexicain aurait pu favoriser l’investissement étranger requis
pour le développement de ses infrastructures pétrolières, le Mexique a plutôt choisi de se retirer des
discussions, principalement parce qu’il était clair que les États-Unis ne prendraient aucun engagement
concernant l’immigration et le transport maritime36.
Il va sans dire que la position des trois gouvernements face à leur secteur pétrolier a été une
autre cause de l’inachèvement du chapitre 6 de l’ALÉNA. En effet, le Canada prévoit dans sa
Constitution que le pétrole est une ressource naturelle au sens de l’article 92A37. De cette façon, chaque
province peut légiférer comme elle le veut sur les ressources non renouvelables situées sur son
territoire. Au contraire, le Mexique prévoit que l’État est le propriétaire exclusif du pétrole38. Quant aux
États-Unis, le marché de l’énergie, et par prolongement celui du pétrole, est en bonne partie privatisé. Il
fut ainsi décidé que la pierre d’assise de ce chapitre serait le respect des constitutions de chacune des
parties, ce qui n’apparaissait pas dans l’ALÉ39. Concernant les dispositions de l’ALÉ qui se répètent
dans l’ALÉNA, le Mexique s’en soustrait à l’annexe 608.2.
D’ailleurs, si le Mexique est officiellement lié au chapitre 6, la majorité de ses articles ont une
portée réduite ou inexistante à son endroit, mis à part les articles 603 et 604. L’article 603 portant sur
les restrictions d’importations et d’exportations et qui reprend presque intégralement les prescriptions
de l’article XI du GATT40 s’applique bel et bien au Mexique. Or l’annexe 603.6 lui permet de
34 Supra note 31 aux pp 339-340. 35 Supra note 32 à la p 212.
36 Supra note 31 à la p 345. 37 Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c 3, reproduite dans LRC 1985, annexe II, n° 5. 38 Constitucion politica de los Estados Unidos Mexicanos, Diario Oficial de la Federacion (5 février 1917), abrogée le 7 juillet 2014, en ligne : http://www.diputados.gob.mx/LeyesBiblio/htm/1.htm, art 27.
39 Supra note 33 art. 601. 40 Supra note 31 à la p 360 ; Supra note 32 art. 603.2.
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maintenir des licences à l’importation et à l’exportation sur les hydrocarbures et plusieurs produits
dérivés41.
Plus on avance dans la lecture de ce chapitre, plus on réalise qu’il contient des engagements
bilatéraux entre le Canada et les États-Unis plutôt que trilatéraux. D’abord, il était hors de question dès
l’amorce des négociations que la clause de proportionnalité déjà présente dans l’ALÉ s’applique au
Mexique. Le Mexique y déroge à travers l’annexe 605. De même, le Mexique est exempté de l’article
607 portant sur la sécurité nationale dans l’annexe 607. La plus importante dérogation du Mexique à
l’ALÉNA reste toutefois celle prévue à l’annexe 602.3. Dans cette annexe, le Mexique a formulé 5
exceptions majeures, auxquelles la littérature réfère communément en parlant des « five no’s42». Trois
de ces « no’s » tombent sous la compétence de l’article 27 de la Constitution mexicaine. Il s’agit de
l’investissement dans le secteur de l’énergie, des contrats à risque partagé et la libéralisation de
l’importation de gaz43. Les deux autres exceptions concernent quant à elles l’offre d’énergie et la
distribution au détail de gaz. En plus du chapitre 6, deux autres types de règles s’appliquent au secteur
de l’énergie de l’ALÉNA. D’abord, les principes généraux énoncés aux articles 301 et 302
(démantèlement progressif des tarifs et impossibilité de rehausser les tarifs ou d’en imposer de
nouveaux) s’appliquent au secteur de l’énergie. Or, ces articles ont peu d’impact, car entre le Canada et
les États-Unis, l’élimination progressive des tarifs est inscrite dans l’ALÉ. De même, le Mexique s’est
engagé au sein de l’échéancier du GATT à éliminer ses tarifs sur le charbon et les produits
pétrochimiques de base. L’ALÉNA répète ainsi que les tarifs mexicains dans le secteur pétrochimique
–de l’ordre de 10% à 15% selon le produit– seront éliminés au bout d’une période de 10 ans44.
D’autres chapitres ne touchant pas directement l’énergie ont néanmoins un impact sur ce
secteur de l’industrie. Parmi ceux-ci, le chapitre 11 qui porte sur les investissements de services et de
non-services. Il y a également le chapitre 12 sur le commerce transfrontière des services. Or, dans les
deux cas, le Mexique a inscrit le secteur pétrochimique dans ses réserves des annexes 1, 2 et 3 se
rapportant respectivement aux mesures existantes et d’engagement de libéralisation, aux mesures 41 G. C Watkins. « NAFTA and Energy : A Bridge not far Enough ? », Fraser Institute (20 octobre 1999), en ligne : http://oldfraser.lexi.net/publications/books/assess_nafta/energy.html ; Supra 33 annexe 603.6. 42 Supra note 31 aux pp 336; 344. 43 Antonio Ortiz Mena. « Getting to « no ». Defending against Demands in NAFTA Energy Negotiations » in John S. Odell, ed, Negotiating Trade – Developing Countries in the WTO and NAFTA, Cambridge, Cambrige University Press, 2008. 44 Georgina Kessel et Chong-Sup Kim. « The Mexican Petrochemical Sector in the NAFTA negotiations », The Energy Journal 14: 3 (1993) à la p 211.
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futures et à la propriété de l’État. Dans ces annexes, le Mexique se soustrait de l’article 1102 relatif au
traitement national en matière d’investissement. Le Mexique n’est donc pas tenu d’offrir un traitement
non moins favorable que celui offert à ses entreprises nationales45.
Autrement dit, dans l’ALÉNA, quand il s’agit de réguler le secteur de l’énergie, auquel sont
rattachés les hydrocarbures, le Mexique fait figure de grand absent. Malgré de légers assouplissements
internes et une ouverture réduite du secteur pétrochimique, en particulier après 2008, le texte de
l’ALÉNA n’a pas évolué. Concrètement, l’ALÉNA a permis une ouverture des services contractuels
dans l’industrie du pétrole et du gaz, la baisse progressive des tarifs en équipement voué à cette
industrie et l’intégration d’une clause de performance dans les contrats de services passés par les
entreprises nationales mexicaines46. Sinon, les exceptions des listes « négatives » mexicaines –à
l’inverse de l’AGCS– qui datent des années 90 sont encore en vigueur aujourd’hui.
4. La protection de l’investisseur : un concept en évolution au Mexique
Depuis le début du 20e siècle, c’est sans grand étonnement que le secteur du pétrole et du gaz au
Mexique est demeuré imperméable aux investissements étrangers. Le Mexique a adopté une approche
nationaliste quant au traitement des investisseurs étrangers. Sa réticence historique vient non seulement
du caractère « stratégique » des ressources en hydrocarbures, mais d’une vision largement partagée en
Amérique latine concernant le statut de l’investisseur étranger par rapport à l’investisseur national.
Cette vision, appelée la doctrine Calvo, tire ses origines d’abus de protection diplomatique accordée par
plusieurs pays développés à leurs entreprises subissant des préjudices dans des pays en développement,
dont le Mexique. Le Mexique a effectivement une réticence historique à accorder un standard de
traitement minimum aux investisseurs étrangers comme le prévoit le droit international coutumier en
matière d’investissement. De même, selon lui, l’expropriation est un droit reconnu à tout État
souverain.47 Cette posture anti-impérialiste communément appelée doctrine Calvo a façonné les
relations commerciales du Mexique au début du 20e siècle et a eu des résonnances jusque dans sa
Constitution, avec une clause « Calvo » insérée à l’article 2748. Suivant les principes de cette doctrine,
45 Supra note 33 art. 1102. 46 Mirian Kene Omalu, NAFTA and the Energy Charter Treaty : Compliance with Implementation and Effectivement of International Investment Agreements, The Hague, Kluwer Law International, 1999 à la p 224.
47 Supra note 13 à la p 232. 48 Supra note 36 art. 27.
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le Mexique préconisait l’expropriation sans compensation « adéquate, prompte et effective », à
l’inverse de la doctrine Hull49.
Depuis les réformes instituées dans les années 80, l’approche économique du Mexique a connu
une évolution. Parallèlement, la doctrine Calvo a évolué pour venir appuyer la règle d’épuisement des
recours internes avant de faire appel aux instances internationales pour régler les différends en matière
d’investissement entre un investisseur et un État50. À partir de l’arrivée de Carlos Salinas au pouvoir, le
Mexique a changé d’approche en matière de commerce international. Même si la clause « Calvo » se
trouve toujours dans la Constitution mexicaine, le Mexique s’est définitivement tourné vers une
libéralisation de son économie. L’adhésion du Mexique à l’OMC, puis à l’ALÉNA, ont contribué à
officialiser ce changement de cap du gouvernement mexicain. D’ailleurs, le chapitre 11 de l’ALÉNA
est un héritage direct de la doctrine Hull. En effet, la nationalisation et l’expropriation demeurent
possibles, mais sous réserve de certains critères51. Le virage néolibéral n’a toutefois pas affecté tous les
secteurs de l’économie mexicaine et celui du pétrole et gaz est longtemps resté inchangé jusqu’à tout
récemment.
Effectivement, les réformes des années 90 et 2000 n’ont pas eu pour effet d’attirer des
investissements massifs en sol mexicain, les réformes étant dans leur ensemble assez superficielles.
Avec les modifications constitutionnelles actuelles en lien avec l’industrie pétrolière et gazière,
plusieurs affirment que le Mexique est en train de franchir une étape historique en matière de
libéralisation énergétique52.
5. La réforme énergétique de Peña Nieto
Le président Peña Nieto a fait de la réforme énergétique mexicaine (ERI) son cheval de bataille
lors de son entrée en poste en 2012, alors que près de 65% de la population mexicaine désapprouvait la
libéralisation du secteur du pétrole et du gaz53. Concrètement, les objectifs de cette réforme évoluaient
49 Justine Daly, Has Mexico crossed the border on state responsability for economic injury to Aliens ? p. 1168-1169 « Has Mexico crossed the border on state responsability for economic injury to Aliens ? », St. Mary's L. J., 25, (1993-1994) aux pp 1168-1169. 50 Annuaire de la Commission du droit international, vol. 2, Rapport de la commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, doc. A/CN/SER.A/2002/add. (2002) à la p 68. 51 Supra note 47 à la p 1180. 52 Supra note 1. 53 Zach Flati. « Pemex, Pena Nieto and Petro-Canada : Nafta and Mexican Energy Reform within the Changing North American Crude Landscape », Gonzaga Journal of International Law, 17 : 2 à la p 60.
12
autour de quatre axes principaux: la mise en place de contrats de partage des profits avec le secteur
privé, la révision du système de taxation de Pemex, une restructuration de l’organisation et
l’amélioration de la transparence de Pemex. Ce plan faciliterait ainsi l’investissement en exploration et
en exploitation des hydrocarbures, tout en maintenant la mainmise du Mexique sur ses ressources
naturelles. Une telle réforme a nécessité plusieurs amendements à la Constitution54. Les articles 25, 27
et 28 ont subi quelques changements. On répète aux articles 25 et 27 que l’État est propriétaire de son
sous-sol. On mentionne toutefois un peu plus loin à l’article 27 que les activités d’exploration et
d’extraction pourront être menées par des entreprises mandatées par l’État. De même, l’article 28
prévoit que l’État ne détiendra plus le monopole sur les fonctions d’exploitation et d’extraction des
hydrocarbures. Même si cette réforme ne permet pas la propriété privée des hydrocarbures, elle lance
un signal clair aux investisseurs étrangers.
Il faudra attendre avant de voir les impacts qu’aura cette réforme sur les investissements
étrangers au Mexique puisque l’approbation du Congrès pour modifier la Constitution n’a été donnée
que le 11 août dernier55. L’un des aspects à surveiller sera celui du règlement des différends sous le
chapitre 11 de l’ALÉNA. L’ERI de Peña Nieto crée une ouverture à l’application éventuelle de ce
chapitre56. Dans tous les cas, le gouvernement a mis en marche un mécanisme qui, selon certains,
pourrait entraîner avec lui le démantèlement de Pemex, avec l’influence grandissante des entreprises
privées qui feront affaire avec Pemex.57 Si l’on s’en tient aux réformes enclenchées par le décret d’août
dernier, elles auront certainement un impact sur les engagements pris dans le cadre de l’ALÉNA.
54 Décret présidentiel. « Decreto por el que se reforman y adicionan diversas disposiciones de la Constitución Política de los Estados Unidos Mexicanos, en Materia de Energía », Diario Oficial de la Federacion (20 décembre 2013), en ligne : http://www.dof.gob.mx/nota_detalle.php?codigo=5327463&fecha=20/12/2013. 55 Frédéric Saliba. « Le Mexique ouvre son marché pétrolier à l’appétit des investisseurs privés », Le Monde (12 août 2014), en ligne : http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/08/12/le-mexique-ouvre-son-marche-petrolier-a-l-appetit-des-investisseurs-prives_4470327_3234.html ; Décret du Congrès du Mexique. « Decreto por el que se expiden la Ley de Petróleos Mexicanos y la Ley de la Comisión Federal de Electricidad, y se reforman y derogan diversas disposiciones de la Ley Federal de las Entidades Paraestatales; la Ley de Adquisiciones, Arrendamientos y Servicios del Sector Público y la Ley de Obras Públicas y Servicios Relacionados con las Mismas », Diario Oficial de la Federacion (11 août 2014), en ligne :
http://www.dof.gob.mx/nota_detalle.php?codigo=5355990&fecha=11/08/2014. 56 Supra note 51 à la p 64. 57 Miguel Reyes Hernandez et al. « Denationalization of Pemex : implications and scope for Mexico », Latin American Policy 5 : 1 (2014).
13
6. L’ALÉNA et l’impact des réformes internes mexicaines
Les récentes réformes mexicaines ont nécessairement des implications dans l’ALÉNA.
L’ensemble du chapitre 6 s’interprète à la lumière des principes qui y sont énoncés à l’article 601. Le
premier principe, et le plus important, est celui du respect des Constitutions des Parties.58 Suivant ce
principe, s’il est inscrit dans la Constitution mexicaine que le marché demeurera fermé aux
investissements étrangers, les autres Parties doivent s’y plier. L’inverse est également vrai. De cette
façon, sans même changer les termes de l’ALÉNA, on vient modifier le cadre d’interprétation du
chapitre 6. Or, un problème se pose59. L’article 27 amendé entre en flagrante contradiction avec les
deux premières réserves du Mexique établies à l’annexe 602.3. Reste à voir si le Mexique modifiera
l’annexe pour rendre le texte de l’accord conforme à sa Constitution. Cela signifierait que le Mexique
serait assujetti aux cours internationales lors de différends avec un investisseur étranger60. Quant au
texte de l’ALÉNA lui-même, il est peu probable qu’il change suite aux nouvelles réformes. La
modification de l’accord est extrêmement complexe puisque ce sont les exécutifs des trois Parties qui
doivent d’un commun accord convenir de celle-ci, conformément à l’article 2202. Ainsi, tout porte à
croire que le chapitre 6 changera dans son interprétation plutôt que dans sa formulation.
7. Conclusion
La régulation du marché des hydrocarbures est complexe puisque tous les États ont des intérêts
divergents, qu’ils soient exportateurs ou importateurs. Le cas mexicain est particulièrement intéressant
à étudier puisqu’il met en exergue cette dualité. Alors que les États-Unis souhaitent assurer leur
approvisionnement en hydrocarbures auprès de leurs alliés naturels (Canada et Mexique), le Mexique
souhaite protéger ses ressources naturelles non renouvelables. Comme beaucoup d’autres pays, le
Mexique y voit un symbole de sa souveraineté nationale. Il a donc mis tous les moyens légaux à sa
disposition pour éviter une exploitation abusive, et ce depuis l’expropriation de 1938. Pemex est ainsi
devenue l’entité responsable de la gestion du secteur des hydrocarbures, de l’exploration à la vente au
détail, restreignant l’implication de tiers privés dans l’une ou l’autre des étapes de production. Or, il est
devenu évident que ses capacités techniques n’ont pas évolué au fil des années, et c’est principalement
dû au manque d’investissements privés dans ce secteur. C’est pourquoi plusieurs réformes ont été
58 Supra note 32 art. 601.1. 59 Supra note 56 à la p 145. 60 Ibid.
14
mises en œuvre pour attirer des investisseurs à même de pallier le peu d’expertise du Mexique.
Globalement, les réformes de 1994 et 2008 n’ont pas eu l’impact souhaité sur le flux d’investissements,
particulièrement dans les projets à risque élevé. De plus, le peu de protection traditionnellement
accordé aux investisseurs, notamment avec l’absence de standards de traitement minimum, a longtemps
constitué une barrière indirecte aux investissements étrangers.
Les réformes avaient un caractère superficiel et le marché des hydrocarbures mexicain est
demeuré globalement fermé comme en témoignent le peu d’engagements internationaux contractés par
le Mexique. Même sur le plan régional, le Mexique se retire indirectement de l’application du chapitre
6 de l’ALÉNA et émet des réserves à l’application des chapitres 11 et 12, par le biais des annexes de
l’ALÉNA.
Or, le Mexique se transforme et l’urgence d’ouvrir son marché du pétrole et du gaz pour
moderniser l’industrie se fait de plus en plus sentir. La réforme énergétique de Peña Nieto est une
nouvelle tentative de libéralisation qui redonne espoir à l’industrie pétrolière américaine : le processus
de privatisation de l’industrie pétrolière et gazière est définitivement entamé.
Les effets ne seront pas immédiats et il faudra attendre plusieurs années avant de les ressentir
dans les engagements internationaux du Mexique. D’abord, on peut supposer que l’interprétation du
chapitre 6 l’ALÉNA s’en verra altérée, puisque les Constitutions des Parties en guident l’application.
Dans l’éventualité d’une modification de l’annexe 602.3, le Mexique verra assurément ses obligations
envers les investisseurs étrangers augmenter et s’exposera à un mode de règlement des différends
conforme au droit international des investissements.
Certains suggèrent que Pemex prenne exemple sur Petrobras, l’équivalent brésilien de Pemex.
En 1995, Petrobras a permis l’octroi de concessions de gisements pétroliers à des compagnies
étrangères, offrant ainsi un cadre compétitif aux industries étrangères. L’agence de l’énergie brésilienne
supervise les appels d’offres et s’assure de la performance des compagnies présentes sur le territoire
brésilien. Dans l’ensemble, cette réforme a été qualifiée de succès pour l’industrie pétrolière, même si
Petrobras remporte la majorité des appels d’offres61. De la même façon, la privatisation du secteur des
télécommunications dans les années 90 au Mexique offre plusieurs pistes pour la modernisation de
61 Guilherme de Biasi Cordeiro et al. « Evaluating the Natural gaz framework in Brazil : regulatory reform development and incompleteness », J World Energy Law Bus, 5 : 2, (2012) aux pp 115-116.
15
Pemex. À l’instar de ce secteur, le Mexique pourrait privatiser graduellement son industrie pétrolière et
gazière et transposer les réformes internes dans ses engagements internationaux62.
Cependant, les enjeux énergétiques mondiaux sont en perpétuelle évolution. Dans le cadre des
négociations du cycle de Doha, la régulation du secteur énergétique a fait partie des discussions.
Plusieurs idées sont venues alimenter le débat entourant cet enjeu63. Notamment, le Canada a suggéré
d’incorporer l’énergie au sein de la classification W/120, pour tenir compte de la multiplicité des
secteurs impliquant l’énergie64. Certains auteurs prônent quant à eux la création d’un accord sectoriel
similaire à celui sur l’agriculture, sans rendre obsolètes les dispositions générales du GATT65.
Prochainement, le Mexique aura à se positionner clairement par rapport à son industrie pétrolière et
gazière. Le secrétaire de l’économie, Ildefonso Guardajo, a mentionné la possibilité que le secteur de
l’énergie soit inclus dans l’accord de partenariat transpacifique (TPP), dont on négocie actuellement les
termes. Or, cette porte ouverte laisse-t-elle entrevoir un réajustement des obligations mexicaines non
pas au sein de l’ALÉNA, mais plutôt au sein du TPP ? L’issue des négociations nous le dira, puisqu’il
est également question d’accompagner le TPP d’une clause « grand père » qui permettrait à l’ALÉNA
de prévaloir sur le TPP66.
62 Supra note 13 à la p 240. 63 Supra note 31 à la p 42. 64 OMC, Conseil du commerce des services, session extraordinaire, Communication du Canada, doc. S/CSS/W/58 (14 mars 2001), en ligne : https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/FE_S_S006.aspx?Query=(%20@Symbol=%20s/css/w/*%20or%20tn/s/w/*)%20and%20(%20@Title=%20oil%20and%20gas%20services%20)&Language=ENGLISH&Context=FomerScriptedSearch&languageUIChanged=true#. 65 Supra note 28. 66 Roberto Morales. « SE analiza incluir energia en el TPP », El Economista (2 février 2014), en ligne : http://eleconomista.com.mx/industrias/2014/02/02/se-analiza-incluir-energia-tpp.
16
8. Annexe I
Tableau 4.8 Participation du secteur privé dans le secteur des hydrocarbures
Activité Pétrole
brut
Gaz
naturel
Gaz de
pétrole
liquéfié
Essence et
autres
dérivés du
pétrole
Produits pétrochimiques de base
Exploration Nona Non s.o. s.o. s.o.
Exploitation Nona Non s.o. s.o. s.o.
Production/Raffinag
e Nona s.o. Non Non Nonb
Stockage dans les
champs pétrolifères
et raffineries Nona Non Non Non Non
Stockage (autres) Ouic Ouid Ouid Ouic Non
Transport par
canalisations Non Ouid Ouid Non Non
Transport (par
d'autres modes) Ouic s.o. Ouid Ouic Non
Distribution Non Ouid Ouid,e Oui Non
Commercialisation Non Ouid Ouid Ouie,f Non
Importation/Exportat
ion Nong Ouih Ouih Ouih Ouih
17
s.o. Sans objet.
. a Conformément à l'article 60 de la Loi Pemex sur la société Petróleos Mexicanos, et ses organismes
subsidiaires peuvent conclure des marchés pour l'exécution de travaux ou la prestation de
services que leurs activités exigent pour une réalisation optimale, avec les restrictions et aux
termes de l'article 6 de la Loi sur l'article 27 de la Constitution concernant le secteur pétrolier.
. b Quand l'élaboration de produits pétrochimiques secondaires aboutit à des sous-produits
pétrochimiques de base, ces derniers peuvent être utilisés dans la même usine ou livrés à
Pemex.
. c La participation du secteur privé est autorisée dans le stockage et le transport par d'autres modes
que les conduites après une vente de première main.
. d La participation du secteur privé est autorisée par le biais de l'octroi de permis.
. e Activités réservées aux personnes de nationalité mexicaine.
. f Par le biais du système de franchises de Pemex, dans lequel les franchisés peuvent uniquement se
procurer des produits de Pemex raffinage.
. g La législation ne restreint pas spécifiquement l'importation et l'exportation de pétrole brut mais,
dans la pratique, elles sont effectuées exclusivement par Pemex.
. h La participation du secteur privé est autorisée par le biais de l'octroi de permis.
Note: "Oui"/"Non": indique si la participation privée est autorisée par la législation.
Source: Secrétariat de l'OMC, sur la base de la législation mexicaine, et renseignements fournis par les autorités.
18
9. Bibliographie
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