indispensable à gérer avec phosphore précision

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L'eutrophisation de certains milieux aquatiques, estuaires, plans d'eau, etc, peut être due en particulier à une présence importante de phosphore, hypothèse validée par les scientifiques. La maîtrise du phosphore est donc devenue nécessaire pour parvenir à une réduction de l'eutrophisation. Les sources de phosphore sont diverses : naturelles, domestiques, industrielles et agricoles. La contribution des sources domestiques a longtemps été très largement dominante. Néanmoins, les mesures de maîtrise mises en place commencent à donner des résultats. Le schéma directeur ou SDAGE Loire Bretagne a intégré cette problématique dans les enjeux majeurs concernant la gestion de la ressource en eau. Ainsi, le programme de mesures identifie des obligations aussi bien envers les rejets industriels, les rejets des collectivités que les pratiques agricoles. De plus, une réglementation spécifique existe pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Des solutions pratiques sont ici proposées aux agriculteurs au niveau de l’alimentation animale, des pratiques agronomiques, de l'occupation du territoire, de l’exportation des matières organiques... Elles doivent permettre de répondre à cet objectif de protection de la qualité de l'eau. Un élément indispensable à gérer avec précision PHOSPHORE DOSSIER l Coordination du dossier : Brigitte Landrain, Chantal Pape. l Ont participé à la rédaction de ce dossier : l Pour les chambres d'agriculture de Bretagne : Catherine Calvar - Elizabeth Congy - Bertrand Decoop- man -Elodie Dezat - Manuel Lacocquerie - Brigitte Landrain - Gérard Losq - Aurore Loussouarn - Frédéric Pabœuf. l Pour Terra : Chantal Pape. l Composition : Jeanine Deshoux.

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Page 1: indispensable à gérer avec phosphore précision

L'eutrophisation de certains milieux aquatiques, estuaires, plans d'eau, etc, peut être due en particulier à une présence importante de phosphore, hypothèse validée par les scientifiques. La maîtrise du phosphore est donc devenue nécessaire pour parvenir à une réduction de l'eutrophisation. Les sources de phosphore sont diverses : naturelles, domestiques, industrielles et agricoles. La contribution des sources domestiques a longtemps été très largement dominante. Néanmoins, les mesures de maîtrise mises en place commencent à donner des résultats. Le schéma directeur ou SDAGE Loire Bretagne a intégré cette problématique dans les enjeux majeurs concernant la gestion de la ressource en eau. Ainsi, le programme de mesures identifie des obligations aussi bien envers les rejets industriels, les rejets des collectivités que les pratiques agricoles. De plus, une réglementation spécifique existe pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).Des solutions pratiques sont ici proposées aux agriculteurs au niveau de l’alimentation animale, des pratiques agronomiques, de l'occupation du territoire, de l’exportation des matières organiques... Elles doivent permettre de répondre à cet objectif de protection de la qualité de l'eau.

Un élément indispensableà gérer avec

précisionphosphore

DOSSIER

l Coordination du dossier : Brigitte Landrain, Chantal Pape.

l Ont participé à la rédaction de ce dossier :l Pour les chambres d'agriculture de Bretagne : Catherine Calvar - Elizabeth Congy - Bertrand Decoop-man -Elodie Dezat - Manuel Lacocquerie - Brigitte Landrain - Gérard Losq - Aurore Loussouarn - Frédéric Pabœuf.

l Pour Terra : Chantal Pape.

l Composition : Jeanine Deshoux.

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26 DOSSIER

Réglementation phosphore et environnementl le facteur "source" qui doit tenir compte de l’apport ou pas de fertilisation phos-phatée, des modalités d’apports et d’enfouissement dans le sol ainsi que du stock du sol, ce dernier jouant surtout sur le flux de phosphore soluble (minoritaire par rapport au phosphore total)l le facteur "transport" qui prend en compte les effets de l’érosion, du ruisselle-ment, du drainage, mais aussi des déplacements (machines, animaux)l le facteur "connexion" qui permet au phosphore d’atteindre l’eau (proximité à la ressource) avec un rôle important des surfaces imperméabilisées.

Fin 2009, le SDAGE Loire Bretagne réaf-firme l'exigence de l’équilibre de la fer-tilisation phosphorée dans les dossiers ICPE. Certains bassins versants en amont de plans d’eau sont choisis (zones 3B1 : soumises au risque d’eutrophisation, utilisées pour l’alimentation en eau potable et particulièrement exposées au stockage du phosphore particulaire) et doivent répondre à cette exigence dans un délai imparti (fin 2013). Ces bassins versants représentent environ 12% de la SAU régionale (30% pour les Côtes d’Armor).Fin 2010, une lettre-instruction du Préfet de Région précise les règles "phosphore" qui sont actuellement imposées aux installations classées soumises à Autorisation.

Des actions complémentaires doivent être mises en place pour limiter le transfert de phosphore vers les milieux aquatiques. Le dossier du plan d’épan-dage devra donc inclure un diagnostic mettant en évidence les risques érosifs. Les dispositifs existants permettant de lutter contre l’érosion des sols seront mentionnés (talus, haies, zone enher-bées ou boisées) et les parcelles sur lesquelles des mesures complémen-

taires sont recommandées, telles que l’implantation d’un maillage bocager, seront identifiées.

Actuellement, on compte 7205 élevages soumis à autorisation en Bretagne (DRAAF RA2000, extrapolation 2010), dont plus de 650 IC-A en zone 3B-1.Il faut noter que les plans d’épan-dage des prêteurs de terre sont aussi concernés par cette règle.

Installation classée soumise à autorisation

Dossiers < 25000 uN

Dossiers > 25000 uN et créations ex nihilo, a minima

Si "siège d’exploitation et/ou 3 ha de terres en propre

situés en 3B1"

80 uP (90 uP volailles) en phosphore total

+ maillage bocager Equilibre (+10%) + maillage bocager

Sinon (hors 3B1) 85 uP (95 uP volailles) en phosphore total

+ maillage bocager

l Les installations classées et le SDAGE, une réglementation évolutive

La réglementation s'impose sur deux paramètres : la fertilisation et la gestion du risque de transfert. Pourtant, afin de limiter les impacts négatifs du phosphore dans l’environnement, plusieurs facteurs de risque sont à prendre en compte (selon Jean-Michel Dorioz de l’Inra).

Différents types d’actions permettent de limiter ces risques. On peut citer la fertilisation et l’alimentation animale, mais aussi la structure et la couverture

des sols, les modalités d’épandage, l’aménagement parcellaire (talus…), les zones tampons, les voies de circulation et l’accès à l’eau des animaux.

Bassins versants retenus dans la cadre du SDAGE :•Moulin Neuf (29)•Kerne Uhel (22)•Etang Au Duc (56)•Guerledan (56 et 22)•Gouet (22)•L‘Arguenon (22)•Rophemel (35)•La Valiere (35)•Villaumur (35)•La Chapelle Erbrée (35)

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Page 3: indispensable à gérer avec phosphore précision

Réglementation phosphore et environnementl L’impact économique de l’équilibre de la fertilisation phosphore

Cet impact est inégal suivant la zone et le type d’exploitation. Toutefois, une première expertise des chambres d’agriculture de Bretagne a été réalisée en 2009 sur les bassins versants de l’Argue-non (22) et de l’Etang au Duc (56). Deux hypothèses de travail ont été retenues :

• 1ère hypothèse : traitement supplémentaire d'effluents Pour les 253 exploitations excédentaires du Bassin versant de l'Arguenon, le coût de traitement moyen est estimé à 179 €/ha SAU/an, auxquels il faut ajouter 23€/ha/an d'achat d'azote minéral tout en tenant compte d'un coût d'investissement de 1 100 €/ha SAU pour ces mêmes exploitations.

• 2e hypothèse : réduction des effectifs animauxCette option est particulièrement impactante en production porcine, avec une perte de 40 à 45 000€ pour une exploitation type de 140 truies naisseur-engraisseur, une perte potentielle de main d’œuvre et une capacité très limitée pour faire face à l’endettement existant.

l Les aides de l’agence de l’Eau Loire-Bretagne en faveur des investissements, individuels ou collectifs, pour les outils d’extraction/concentration du phosphore

• Opérations éligibles : matériels de traitement (centr i fugeuses ,…) , plateformes et équi-pements de compos-tage, équipement de séchage, remplacement de caillebotis par litière biomaîtrisée.Remarque : cette liste est amendable en fonc-tion de l’évolution des techniques.• Bénéficiaire : agricul-teurs, autres opérateurs…• Conditions relatives aux élevages : élevages excédentaires, réduc-tion des rejets de phosphore à la source, effectifs ICPE, filière d’exportation des co-produits obligatoire et surtout fertilisation équilibrée en phosphore.•Taux d’aide :- 60% pour les élevages localisés dans les 14 plans d’eau (3B-1 du SDAGE) et les 8 baies à ulves prioritaires (10A-1 du SDAGE),- 40% pour les élevages localisés dans les bassins versants faisant l’objet d’une opération territoriale avec des actions agricoles ou d’un renouvellement de l’autorisation ICPE nécessitant le traite-ment du phosphore.• Coûts plafonds :- Investissements liés à l’extraction du phosphore des déjections brutes (coûts plafonds = 15€/kg P2O5 extrait),- Investissement permettant d’améliorer l’exportation des copro-duits riches en phosphore (CP = 5€/kg P2O5 exporté).

JEAN-PIERRE LE BIhAN président de la commission

environnement des chambres d’agriculture de Bretagne

"Éviter que la réglementation phosphore ait des impacts

économiquestrop préjudiciables

pour les éleveurs"

"Devant la diversité des sources poten-tielles de phosphore, la profession insiste sur la nécessaire cor-responsabilisation entre les différentes activités. Pour la par-tie agricole, il est plus efficace à court terme de travailler sur la maîtrise du risque de transfert via l’érosion et le ruissellement plutôt que sur un

équilibre strict de la fertilisation. Ce dernier est sans réelle efficacité sur l'eutrophisation et peut avoir des effets indésirables et incohérents avec d'autres règles environnementales (relance de l'achat d’azote minéral, impasses techniques pour certains systèmes notamment herbagers, risques de relance de la course au foncier,…). En 2010, une approche réglementaire forfaitaire, distinguant la nature des produits et prenant en compte l’analyse du risque de transfert, a été rete-nue. Cette approche permettra notamment de valoriser les efforts déjà faits pour maîtriser ce risque : suppression de tout rejet direct, couver-ture hivernale des sols, reconstitution bocagère, bandes enherbées ; sans oublier la résorption des excédents via l’alimentation et l’exportation de produits organiques. Il nous appartient main-tenant d’éviter que cette réglementation ait des impacts économiques trop préjudiciables pour les éleveurs. Des adaptations réglementaires sont demandées, notamment au niveau des ZES, afin de faciliter la valorisation par épandage chez des prêteurs. Certains pourront aussi chercher des solutions en optimisant encore plus l’alimentation via l’utilisa-tion du BRS (bilan réel simplifié). D’autres devront sans doute envisager des solutions plus radicales de résorption (exportation, couplage avec une démarche de méthanisation…). Sur ce dossier, l’approche collective peut aussi être une voie à explorer. Elle peut permettre d’optimiser soit des investissements, soit une valorisation des unités fertilisantes via une mutualisation des épandages en privilégiant l’utilisation locale des effluents au meilleur ratio azote sur phosphore et en exportant les déjections les plus riches en phosphore".

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28 DOSSIER

Diminuer les rejets de phosphore à la source : la voie alimentaireLe phosphore permet de couvrir les besoins essentiels de l’animal. Tout d’abord, avec le calcium, il est l’un des principaux constituants de l’os. En effet, l’os contient 99% du calcium et 80% du phosphore de l’organisme. Le squelette, sert, à ce titre, de "réser-voir" de phosphore. Le phosphore par-ticipe également au bon fonctionne-ment des cellules.

Il est aussi mobilisé pour la formation de la coquille des œufs et se retrouve en quantité importante dans le lait. Les carences entraînent des accidents osseux, des retards de croissance, une diminution de la production de lait, des œufs à coquille trop fragile… Depuis 1996, le Corpen a établi les rejets des porcs et des volailles selon les régimes alimentaires mis en place. Les phy-tases, enzymes capables de libérer le phosphore non disponible dans cer-taines matières premières, se sont développées dans les formules avec de nouvelles générations particulièrement résistantes aux facteurs de milieu.

Les besoins en phosphore des vaches laitières s’expriment en phosphore absorbable (Pabs) par jour : ils doivent couvrir les besoins d’entretien (17 g de Pabs/j pour une vache de 650 kg de poids vif), les besoins de production (0,9 g de Pabs/kg de lait, soit 27 g pour une production de 30 kg de lait) et les besoins de gestation (de 2 à 5 g de Pabs/j entre le 6ème et le 9e mois de gestation).

Les apports se calculent également en Pabs, le coefficient d’absorption réelle (ou CAR) dépendant de la source de phosphore de la ration (de 60 à 70 % pour les graminées fourragères, de 65 à 75 % pour les légumineuses fourra-gères, 70 % pour les concentrés et 65 % pour les phosphates des aliments minéraux). Ces coefficients revus à la hausse par l’INRA en 2002, doivent permettre de mieux ajuster les apports aux besoins des animaux. Le tableau suivant donne des repères de complémentation minérale en fonction des types de ration pratiquées.Lorsque du tourteau de colza est utilisé comme correcteur azoté des rations hivernales (tableau n°1), il n’y a pas lieu d’apporter du phosphore par le minéral. La ration en contient suffisamment, seul le maërl est nécessaire pour l’apport de calcium. A l’herbe, l’apport de phosphore par le minéral est inutile. En pâturage de RGA-TB, l’impasse en minéral est même possible pendant 2 à 3 mois ; au delà, il faut faire attention aux oligo-éléments. Si la pâture ne contient pas de trèfle blanc, 50 g de maërl devront cependant être apportés pour couvrir les besoins en calcium.

* n’est prise en compte ici que la fraction en bâtiment se retrouvant dans les fumiers. L’éleveur de volailles doit également prendre en compte les rejets sur son parcours.

Certaines rations contiennent suffisamment de phosphore sans apport de minéral

Type de correcteur azoté

Tourteau de soja Tourteau de colza

Ration 100 % ensilage de maïs 200 g 5-25 + 100 g maërl 70 g maërl

Ration mixte : moitié ensilage de maïs – moitié ensilage d’herbe

110 g 5-25 + 100 g maërl 70 g maërl

Complémentation minérale de rations hivernales (g d’AMV/VL/j)

N P2O5 K2O

Porcs - litière de paille accumulée

Sans compostage

Avec compostage

Truies kg/an 11,8 9,8 11,6 12,4

Post sevrage kg/porc 0,29 0,20 0,26 0,48

Engraissement kg/porc 1,93 1,35 1,57 2,80

Porcs - lisier

Truies kg/an 14,5 11 9,6

Post sevrage kg/porc 0,4 0,25 0,35

Engraissement kg/porc 2,7 1,45 1,93

Volailles

Poulet standard g/animal 30 25 33

Poulet label* g/animal 45 45 46

Dinde g/animal 227 238 222

Canard à rôtir g/animal 72 107 91

Rejets de phosphore par stade physiologique en production porcine (Corpen 2003, alimentation biphase) et pour quelques espèces de volailles (Corpen 2006)

l Pour les vaches laitières, raisonner les apports en phosphore absorbable

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Diminuer les rejets de phosphore à la source : la voie alimentairel Des avancées encore possibles en aviculture

Réduire les pertes en phosphore est néces-saire pour équilibrer le ratio azote/phosphore dans les fumiers et s’adapter aux besoins des cultures. Les industriels étudient deux pistes pour fabriquer des aliment "bas phosphore" : dans un premier temps, mieux connaître les besoins des différentes espèces de volailles et dans un second temps, améliorer la dispo-nibilité du phosphore.Les dernières références Corpen datent de 2006 et sont encore utilisées aujourd’hui.

Depuis, les indices de consommation ont diminué tout comme les teneurs dans les aliments. Ainsi l’Itavi estimait en 2009 que la teneur moyenne en phosphore dans les aliments utilisés avait baissé de 5 à 28% selon les espèces. La profession travaille à la mise à jour de ces références.

l Diminution des rejets en porcs : l’incontestable contribution de la nutrition

La réduction de l’excrétion de phosphore par la voie alimentaire consiste, d’une part, à améliorer la disponibilité de ce nutriment dans l’alimentation et, d’autre part, à mieux ajuster les apports alimentaires aux besoins des animaux.L’utilisation de sources de phosphore miné-ral plus digestibles améliore la digestibilité du phosphore de la ration, réduisant ainsi

l’excrétion de phosphore des animaux. L’amélioration de la digesti-bilité du phosphore phytique des matières premières alimentaires permet aussi de réduire l’excrétion de phosphore. L’incorporation de phytases d’origine microbienne dans des régimes distribués à des porcs charcutiers, pratique désormais répandue dans de nombreux pays, conduit ainsi à diminuer jusqu’à 48% l’excrétion de phosphore. Le développement d’un système d’évaluation de la valeur du phos-phore basé sur sa digestibilité apparente et le calcul factoriel des besoins permet de mieux adapter l’apport alimentaire de cet élé-ment, et cela au regard du potentiel de croissance ou du stade phy-siologique des animaux. En outre, les marges de sécurité appliquées à la formulation des aliments peuvent être réduites. Au final, il s‘en suit une réduction de l’excrétion de phosphore.Au cours de ces 20 dernières années, les travaux de recherche ont conduit à une diminution des quantités de phosphore des aliments. Ces investigations sont aussi à l’origine de la mise au point de conduites alimentaires pour chaque stade physiologique. L’alimentation "biphase", largement répandue sur le terrain, permet ainsi d’ajuster au mieux les apports de phosphore aux besoins des porcs. Enfin, ces travaux ont rendu possible la modélisation du rejet de phosphore des élevages. A ce titre, l’Inra Saint-Gilles (35) déve-loppe depuis 1996 un outil de calcul des rejets qui tient compte des performances des animaux, des caractéristiques nutritionnelles des aliments et des modes de production (Bilan réel simplifié, 1996 et 2003, http://w3.rennes.inra.fr/Corpen/).

Attention : Le mode de production biologique interdit l’utilisation de phytases de synthèse dans l’alimentation des animaux .

TRoIS qUESTIoNS à AGNèS NARCy

ingénieur de recherche en alimentation minérale, Inra

"Ces recherches permettront d’établir dans quelles conditions

optimales on peut maîtriser les rejets de phosphore"

l Où en est l’état de la re-cherche sur les rejets en phosphore ?Agnès Narcy - "Nous dispo-sons d’éléments pour jouer sur le levier alimentaire. L’utilisation généralisée des phytases microbiennes a déjà permis de faire des progrès considérables en

termes de diminution des rejets. L’adaptation de l’apport de calcium permet également un dépôt optimal de phosphore dans le squelette des ani-maux et donc de moindres rejets. Un second levier très important est celui de la sélection avi-cole. Des lignées de poulets ont en effet été sé-lectionnées par des chercheurs de l’Inra sur leur capacité à digérer l’énergie et ont montré paral-lèlement des possibilités de diminution des rejets de phosphore".

l Quelles sont les pistes actuelles ?A. N. -"Un gros progrès a d’ores et déjà été réa-lisé sur le levier alimentaire avec une meilleure adéquation des apports aux besoins des animaux. Cependant, les interactions entre ces différents facteurs doivent être caractérisées et prises en compte, en particulier entre le calcium et les phytases. Ces recherches permettront d’établir dans quelles conditions optimales on peut maî-triser les rejets de phosphore tout en prenant en compte d’autres critères économiques et de bien-être animal. Les chercheurs de l’INRA participent aussi actuellement à un programme d’harmo-nisation européenne des méthodes d’évaluation des sources de phosphore et des besoins des animaux".

l La diminution des apports en phosphore dans l’aliment est-elle encore possible ?A. N. - "Les nouveaux outils que je viens de citer permettront effectivement de revoir les possibili-tés de diminution des apports de phosphore sur les souches actuelles notamment en adaptant la teneur d’autres composants des aliments tels que le calcium. Compte-tenu des divers défis liés aux apports de phosphore, différents critères de réponse devront être considérés : critère environ-nemental (rejets), critère économique (producti-vité) et critère de bien-être animal et de qualité des produits (minéralisation osseuse)".

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Page 6: indispensable à gérer avec phosphore précision

30 DOSSIER

La fertilisation en phosphore en grandes cult uresLe phosphore ne représente que 0,1 à 0,5 % de la matière sèche des végétaux mais son rôle est indispensable à la synthèse et mise en réserve des sucres, amidon et cellulose. Le phosphore est peu mobile dans le sol. Une bonne alimentation repose sur une croissance racinaire continue.

Le phosphore n’est assimilé par la culture que sous la forme d’ions solubles dans la solution du sol.Les réserves en ions solubles sont très faibles (1 à 5 jours de croissance de la culture). L’essentiel du phosphore pré-levé provient du déstockage de P2O5 adsorbé sur la matière organique et le complexe argilo-humique du sol. Les quantités de phosphore absorbé par les

cultures sont peu élevées (10 à 60 kg/ha) mais indispensables. Les quantités de phosphore contenues dans les déchets de culture sont faibles, donc non prises en compte.Trois méthodes d’analyse existent pour approcher la teneur en phosphore du sol.Bien qu’il n’y ait pas de lien entre ces 3 méthodes on peut proposer une échelle de correspondance à titre indicatif.

Des essais longue durée réalisés à la station expérimentale de Bignan (56) (1995 – 2010) ont permis de suivre l'im-pact de différents niveaux d’apports de fertilisation phosphatée sur la culture et sur la teneur du sol. Ils ont aussi permis d'identifier les facteurs les plus impac-tants sur les fuites de phosphore total et de phosphore dissous vers la ressource en eau.

Impact de différents niveaux de fertilisationCet essai montre qu'un apport régu-lier de 50 kg P2O5 /ha/an sur une rota-tion maïs / blé entraîne à terme une baisse des rendements. En parallèle, on observe une baisse progressive de la teneur en P2O5 Dyer du sol. Ces essais longue durée, non seulement sur la station expérimentale mais aussi sur d'autres sites français ont permis de montrer qu’il existe un niveau au-delà duquel le sol s’enrichit. Il est proche de 85 U P2O5 /ha/an en Bretagne.Des études complémentaires sur la relation entre fuites de phosphore total,

fuites de phosphore soluble et teneur du sol en P2O5 Olsen ont permis de préci-ser certains points.Pour un ruissellement donné, les fuites de phosphore soluble sont très liées à la teneur du sol. Pour une même pluie, le lien entre la teneur du sol et la quantité de phosphore dans l'eau de ruisselle-ment est moins marqué. De plus, les fuites de phosphore total, qui sont 50 à 100 fois plus importantes que les fuites de phosphore soluble, semblent, pour

un même ruissellement, indépendantes de la teneur du sol (graphe). En effet, les sols riches en phosphore semblent moins sensibles au ruissellement ainsi qu’à l'érosion, probablement du fait d'une meilleure stabilité structurale.Lors de l’épandage de fertilisant, les modalités d’épandage (enfouis ou non), la nature du fertilisant et le délai et l’im-portance des ruissellements qui suivent (tableau) peuvent faire varier très forte-ment ces pertes.

Ordre de grandeur des flux de phosphoremesurés en g P/ha/an

(Kerguéhennec – Lanchébo – 2006 à 2009)

Drainage(avec présence de drains)

Ruissellement Total

P totalSans fertilisation récente ...................................... 500 à 700 g 500 à 700 g

Apport récent de fertilisant non enfoui

...................................... 500 à + de 2000 g 500 à + de 2000 g

P solubleSans fertilisation récente 100 à 200 g 10 à 15 g 110 à 215 g

Apport récent de fertilisant non enfoui

A priori pas d’impact mesurable

30 à 700 g 130 à 900 g

l Besoins des plantes et préconisations d’apports en phosphore

Dyer : la plus utilisée en Bretagne. Adaptée au sol de pH < 6.5.

Olsen : extrait une partie plus faible du P2O5 du sol.

Joret-Hebert : adaptée aux solsde pH > 6.5.

l Des essais longue durée à la station expérimentale de Kerguehennec (Bignan 56)

Impact de la teneur du sol sur les fuites de phosphore par ruissellement

Teneur en phosphore Olsen (mg P2O5/kg terre)

Flux cumulé

de P total pour

15 mm de ruissellement

(mg P/m2)

Crédit photo J.C. Gutner -Réussir

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Page 7: indispensable à gérer avec phosphore précision

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La fertilisation en phosphore en grandes cult ures

L’objectif de la fertilisation est de com-penser les exportations des cultures par des apports (sous forme organique ou minérale) selon :

Deux critères principaux :l L’exigence des cultures en P. Tous

les essais mis en place ont permis de classer les principales cultures en fonction de leur capacité à puiser dans le sol l’élément dont elles ont besoin.

l La teneur de l’élément dans le sol (voir votre analyse) : si la teneur est faible, l’apport préconisé sera supérieur aux exportations de la culture. Si la teneur

est élevée, l’apport préconisé sera inférieur aux exportations de la culture voire pourra être nul dans certains cas (impasse).

Deux critères supplémentaires :l La fertilisation minérale ou orga-

nique réalisée les deux dernières années afin de prendre en compte les manques (impasses) ou excès d’apport.

l La restitution éventuelle des résidus de la culture précédente. Besoins des plantes et préconisations d’apports en phosphore

Préconisation d’apport en acide phos-phorique (kg/ha de P2O5 )Les préconisation en P2O5 sont limitées à 150 kg/ha quelles que soit les cultures et les formes d’apports organiques ou minérales.L’efficacité du P contenu dans les apports organiques est la même que dans les engrais minéraux.Les engrais organiques et déjections (lisier, fumier, compost…) ont un coef-ficient équivalent engrais de 100 % pour le phosphore contenu dans les déjec-tions animales et les boues de stations urbaines si elles sont apportées régu-lièrement à la parcelle.

Nature du produit Valeurs moyennes indicatives en kg

par t ou m3 de produit brut

% M. S P2O5

Fumier de bovin (VL : litière accumulée) 22 2,3

Lisier de bovin non dilué 10 1,2

Lisier de porcs (moyen) (LP) 4 (3 à 8) 2,4

Fumier de porcs engraissement frais 30 7,5

Refus de centrifugation de LP composté 50 52,0

Fèces de porcs séparé par raclage en V composté "2% paille"

58 40,0

Fumier de volaille de moins de 4 mois 65 à 70 25,0

Compost de litière de volaille de moins 6 mois 65 25,0

Fientes de poule humides < 65 % MS 40 16,0

Fientes de poule sèches > 65 % MS 80 38,0

l Les principes de la fertilisation en phosphore

Exemples de valeurs des engrais de ferme et composts à prendre en compte avant tout apport minéral.

Exemple de lecture du tableauCulture : Colza grainPrécédent : blé fertilisé avec du lisier de porc.Analyse sol : 200 mg/kg P2O5 Dyer Dose à apporter : 65 kg P2O5 / ha

Les unités repères : P g/kg x 2.291 = P2O5 g/kgP2O5 g/kg x 0.436 = P g/kg

Crédit photo C. Gloria -Réussir

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Page 8: indispensable à gérer avec phosphore précision

32 DOSSIER

l Les plans d'épandage fragilisés

Les évolutions réglementaires risquent d’entraîner une fragilisation des plans d’épandage et potentiellement une course au foncier liée en particu-lier à une augmentation des surfaces d’épandage.L’impact est particulièrement fort sur la filière volaille de chair (97% des effluents sont actuellement gérés par épandage et le plan d’épandage doit être multiplié par 1,6 et 2 selon les espèces) et sur la filière porcine (notamment en cas de traitement de l’azote).

l Le compostage des déjections avicoles

Les solutions de traitement des déjections avicoles sont peut nom-breuses et dépendent de l’espèce considérée. Ainsi en production de poules pondeuses, la norme est le séchage des fientes. En produc-tion de canard, on se rapproche du traitement des lisiers en porc, et enfin pour les volailles sur litière le compostage est la solution pour l’exportation des déjections.Le compostage est une transfor-mation de la matière organique par des microorganismes en présence d’oxygène. Elle entraîne la pro-duction d’ammoniac et de chaleur, permettant d’hygiéniser le produit. Plusieurs mode de compostage sont utilisés en aviculture : le com-postage avec retournement d’an-dains et le compostage avec aéra-tion forcée. Le compostage avec inoculation de microorganismes est en cours d’évaluation par la recherche appliquée. Le cahier des charges du compostage prévoit entre autre une plate-forme stabi-lisée et un suivi de température : la température doit être maintenue à 55°C minimum durant 15 jours ou 50°C durant 6 semaines.

Les chambres d’agriculture de Bretagne ont estimé les coûts de la capture du phos-phore pour un élevage naisseur-engrais-seur de 150 truies, initialement avec un plan d’épandage de 85 ha. Dans le cas étudié, l’excédent s’élève à 35 %, ce qui représente 2500 unités de P2O5 à extraire. Ces coûts prennent en compte les investis-sements : matériel d’extraction, ouvrages de stockage, fosses, lagunes, hangar de transformation de la fraction solide, etc, ainsi que les coûts de fonctionnement hors main d’œuvre. L’extraction du phosphore présente un coût total élevé, compris entre 4,78 et 12,40 € par unité de P2O5 captu-rée, avec des écarts importants entre les techniques. Le racleur en "V" reste le pro-cédé le moins onéreux, en lien notamment avec des coûts de fonctionnement réduits. Litière, compostage de lisier, racleur et centrifugeuse permettent de réduire l’excé-dent, en prenant en charge 50 % des déjec-tions produites en engraissement. En revanche, les séparateurs de phases simples, type vis presseuse ou tamis vibrant, ont une efficacité de capture infé-rieure à 30 %. Ceci est insuffisant pour réduire l’excédent, même en traitant tout le lisier de l’élevage. Une réduction de 10% des rejets de phosphore par l’alimenta-tion a été prise en compte (A), ce qui réduit l’excédent.

Les coûts sont alors compris entre 8,95 et 12,40 €/unité deP2O5 capturée.Plusieurs scénarios ont été testés pour les séparateurs de phases : les unités fixes, mobiles en prestation de service, ou par-tagées entre plusieurs éleveurs. Les cen-trifugeuses en traitement individuel n’ont pas été retenues car trop onéreuses à l’in-vestissement et en coûts de fonctionne-ment. Une centrifugeuse mobile est moins rentable qu’une centrifugeuse partagée

Une application inégale selon les effluents d’élevage

Exemple plafond d’épandage Plafond apport P "autorisé" à 85 kg

Taille équivalente en ateliers spécialisés - Phosphore

Quantité max d’azote organique disponible

90 ha soit uneObligation de traitement

N à 15 000 uN

7 650 unités de P Lait 15 000 uN

Porc NE 170 TNE 12 750 uN

VC dindes 1 694 m²7 200 à 9 000 uN

VC poulet lourd 2 100 m²

Poules pondeuses 25 500 pp 10 200 uN

Pour une dose en phosphore de

55 kg 70 kg 75 kg 85 kg 95 kg

La dose correspondante en azote

en bovin 122 uN 156 uN 167 uN / uN / uN

en porc charcutier

92 uN 117 uN 92 uN 142 uN 158 uN

en volaille 55 uN 70 uN 75 uN 85 uN 95 uN

l Coûts de la capture du phosphore à partir des effluents porcins

Estimation des coûts de différents procédés de capture du phosphore pour un élevage naisseur-engraisseur de 150 truies

Performances de capture (% retenu dans le solide)

Investissement en €

Total* en €/uP2O5 capturée

Total* en cts €/kg

carcasse

P2O5 N total Masse *Total = annuités liées à l’investissement + coûts de fonctionnement

Litière 100 100 100 52 020 5.97 5.37

Compostage de lisier sur support carboné

100 100 100 100 000 6.93 6.23

Racleur en "V" 91 55 38 88 051 4,74 4,30

Centrifugeuse mobile

75-80 15-20 10

71 871 9.44 8.49

Centrifugeuse partagée

98 046 6.52 5.86

Tamis fixe (A)15-30 15–25 20

86 049 8.95 5.40

Tamis partagé (A) 110 923 11.10 6.69

Vis fixe (A)10-20 8 -10 5

81 049 11.25 5.02

Vis partagée (A) 94 955 12.40 5.53

De plus, avec une valorisation des effluents par épandage, la quantité d’azote organique disponible est revue à la baisse et l’achat d’azote minéral en

complément devient indispensable, ce qui est incompatible avec des mesures contractuelles type MAE encourageant la baisse d’azote minéral.

Phosphore et territoire : épandre, capturer, exporter

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Page 9: indispensable à gérer avec phosphore précision

Le débit des centrifugeuses permet d’envisager des stratégies collectives.

entre les éleveurs, avec 9,50 €/unité de P2O5 capturée dans le premier scénario contre 6,50 € dans le second. Ainsi, une meilleure utilisation des centrifugeuses existantes dans les stations de traite-ment biologique est envisageable, par de la prestation pour d’autres éleveurs situés à proximité. La fraction solide peut alors être transformée sur place, dans les hangars existants. Cela permet de réduire les coûts pour tous.

Estimation des coûts de différents procédés de capture du phosphore pour un élevage naisseur-engraisseur de 150 truies

Performances de capture (% retenu dans le solide)

Investissement en €

Total* en €/uP2O5 capturée

Total* en cts €/kg

carcasse

P2O5 N total Masse *Total = annuités liées à l’investissement + coûts de fonctionnement

Litière 100 100 100 52 020 5.97 5.37

Compostage de lisier sur support carboné

100 100 100 100 000 6.93 6.23

Racleur en "V" 91 55 38 88 051 4,74 4,30

Centrifugeuse mobile

75-80 15-20 10

71 871 9.44 8.49

Centrifugeuse partagée

98 046 6.52 5.86

Tamis fixe (A)15-30 15–25 20

86 049 8.95 5.40

Tamis partagé (A) 110 923 11.10 6.69

Vis fixe (A)10-20 8 -10 5

81 049 11.25 5.02

Vis partagée (A) 94 955 12.40 5.53

Depuis 2005, des producteurs de porcs compostent du lisier avec des déchets verts de la région brestoise. Ils le vendent à des légumiers du Nord Finistère. Une pratique gagnant-gagnant, qui permet aux uns d'exporter azote et phosphore et aux autres de limiter leurs achats d'engrais minéraux, tout en leur apportant de la matière organique.

"Il a fallu se battre. Mais on y est arrivés". Producteur de légumes à Tréflaouénan (29), Yvon Guéguen est l'une des chevilles ouvrières qui, en 2005, a mis sur pied la filière Douar Mad. "Une douzaine de producteurs de porcs de la région brestoise ont signé un contrat avec BMO, Brest métropole océane, et la CCPI, la communauté de com-

Un compost gagnant-gagnant

Tous les ans, Yvon Guéguen épand 280 t de compost sur ses terres légumières.

munes du Pays d'Iroise, pour le traitement de leurs déchets verts : tonte de pelouse, taille de haies...". Déchets qu'ils compostent avec du lisier de porc. Et c'est au sein du réseau Cuma que se fait le lien avec les légumiers. "Nos terres s'appauvrissaient en matière organique. Le compost, avec ses 20% de matière organique, était une bonne réponse". Et ses éléments fertilisants, 8,4 kg N/t, 6,4 P et 10,2 K, sont autant d'engrais minéraux à acheter en moins.Une fois obtenu l'agrément du Cerafel, indispensable pour pouvoir épandre ce compost sur les terres légumières, les livraisons peuvent commencer. Aujourd'hui, 78 légumiers sont engagés dans cette démarche, pour un volume annuel de l'ordre de 10 000 t de compost. Chaque exploitation s'est dotée d'une plate-forme de stockage, afin de pouvoir recevoir du compost toute l'année. Et les Cuma, qui gèrent aussi les calendriers de livraison avec les transporteurs, ont acheté des épandeurs adaptés.

Le raclage en "v" permet de capturer 90 % du phosphore dans le solide.

La vis presseuse capture peu de phosphore, mais produit un refus solide structuré.

Les crottes issues du racleur en "V" compostées avec 2 % de paille répondent à la norme "engrais organique".

PRoDUCTEURS DE PoRCS/LÉGUMIERS

Phosphore et territoire : épandre, capturer, exporter

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34 DOSSIER

PhoSPhoRE ET TERRIToIRE

épandrecapturerexporter

La norme NFU 44-051 concerne les "amendement organiques". La concen-tration du produit en azote, phosphore ou potassium doit être inférieure à 3% du produit brut, et la teneur en matière sèche doit dépasser 30%. Des critères d’innocuités sont également à respec-ter sur l’ensemble des éléments traces métalliques.La norme NFU 42-001 concerne les "engrais organiques". Des teneurs minimales sont à respecter en matière sèche, ainsi que pour les éléments majeurs : azote, phosphore et potas-

sium. Au moins l’un d’eux doit être à plus de 3% de produit brut, ou bien, la somme N + P205 + K2O doit être supé-rieure à 6 ou 7 % selon la dénomination du produit. Les engrais doivent éga-lement contenir au moins 1% d’azote organique d’origine animale ou végé-tale. La norme ne définit pas de critères d’innocuité.En porcs, la séparation de phase à par-tir du lisier permet de concentrer le phosphore dans l’effluent solide. Les performances de capture sont variables d’un procédé à l’autre (de 10 à 90 %),

la qualité du produit en sortie égale-ment (de 18 à 35 % de MS). Une phase de transformation est souvent indispen-sable pour normaliser et hygiéniser les produits solides. Le compostage, permet, par l’augmen-tation des températures, de sécher et de concentrer les éléments fertili-sants. Si le produit est compact, comme le solide issu de raclage en "V" ou le refus de tamis vibrant, l’ajout de struc-turant de type paille est indispensable au passage de l’oxygène dans le tas. Si le produit est suffisamment émietté,

FUMIER DE DINDES

Composter pour exporter

MS MO Ntotal P2O5 K2O N + P205 + K2O Cu Zn

%MB mg/kg MS

NF U 44-051 FumiersCompost de matières végétales et animalesFumiers et/ou lisiers et/ou fientes compostées

>30 > 20 < 3 < 3 < 3 < 7 < 300 < 600

NF U 44-051 Déjections animales sans litièreMélange de matières végétales et de matières animales

>30 > 25 < 3 < 3 < 3 < 7 < 300 < 600

NF U 42-001 Fientes de volailles déshydratées > 75 - > 3 > 2,5 > 7 - -

NF U 42-001 Fientes de volailles avec litière > 50 - > 2 > 2 > 2 > 7 - -

NF U 42-001 Engrais NP issu de lisier > 40 - > 1,5 > 3 > 6 - -

Principales exigences des normes sur la composition chimique

des produits organiques

Après 6 semaines de compostage, la maturation dure 4 semaines.

Pour réduire les excédents, les éleveurs peuvent être amenés à exporter, hors plan d’épandage, des produits solides riches en

phosphore. L'hygiénisation et la normalisation des produits destinés à l’exportation

sont alors indispensables pour leur commercialisation. Deux normes s’appliquent

notamment aux effluents porcins et avicoles.

Ne disposant pas de suffisamment de terres en propre, Guy Petton a fait le choix de composter le fumier issu de son élevage de dindes et de le vendre en zone de grandes cultures.

"Depuis 2000, je ne fais plus que de la dinde". Eleveur à Ploumoguer (29), avec 5 200 m² de poulaillers, Guy Pet-ton a longtemps bénéficié de plans d'épandage chez ses voisins. Puis les normes se sont durcies. Avec seulement 5 ha de SAU, il a d'abord réfléchi à une solution collective de traitement des déjections. "Val'Ouest à Milizac, LSE à Lannilis, méthanisa-tion à Saint Thois... : l'un après l'autre, tous ces projets ont capoté. En 2007, je suis parti sur un projet individuel". Après avoir étudié plusieurs solutions, il retient le procédé de compostage Valorg. "Il a été mis au point par deux agriculteurs, que je connais bien. Et ils sont à côté : en cas de souci, c'est pratique".

10 semainesLe compostage demande 10 semaines. "Quand les dindes sont parties, on sort le fumier et on remplit nos deux cellules de 600 m3". Un automate va ensuite surveiller la montée en température et gérer la ventilation forcée. Au bout de 6 semaines, le compost, hygiénisé, va être transféré dans un autre bâtiment, où il va maturer pendant 4 semaines. "Des analyses sont réalisées à l'entrée et à la sortie des cellules". Et, au final, le produit est normé. "De déchet, il est devenu engrais ou amendement orga-nique". Guy Petton le reconnaît volontiers, "le compostage est une activité à part en-tière, une autre facette de mon métier d'éleveur". Le voilà devenu commer-

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FUMIER DE DINDES

Composter pour exporter

MS MO Ntotal P2O5 K2O N + P205 + K2O Cu Zn

%MB mg/kg MS

NF U 44-051 FumiersCompost de matières végétales et animalesFumiers et/ou lisiers et/ou fientes compostées

>30 > 20 < 3 < 3 < 3 < 7 < 300 < 600

NF U 44-051 Déjections animales sans litièreMélange de matières végétales et de matières animales

>30 > 25 < 3 < 3 < 3 < 7 < 300 < 600

NF U 42-001 Fientes de volailles déshydratées > 75 - > 3 > 2,5 > 7 - -

NF U 42-001 Fientes de volailles avec litière > 50 - > 2 > 2 > 2 > 7 - -

NF U 42-001 Engrais NP issu de lisier > 40 - > 1,5 > 3 > 6 - -

comme du refus de centrifugation ou de vis presseuse, l’aération forcée permet d’accélérer le séchage. Dans tous les cas, des retournements sont indispen-sables pour homogénéiser les produits et garantir une montée en température suffisante sur l’ensemble du tas. Le taux de matière sèche du produit frais et ses teneurs en azote, phosphore et potassium détermineront la nature du produit final : amendement ou engrais organique.

TRoIS qUESTIoNS à GABRIEL MENGUyresponsable environnement à Nutréa

et président d'IF2o

"Les zones déficitaires en phosphore et en matière organique sont intéressées

par nos produits"

l Présentez-nous IF2O en quelques mots.Gabriel Menguy - "L'interprofession des fertilisants organiques de l'Ouest a été créée en 2004, dans le sillage de la charte pour le développement pérenne de l'agriculture en Bretagne. Elle regroupe toutes les entreprises de l'amont impliquées dans le transfert des déjections animales issues des élevages

bretons : abattoirs, usines d'aliments... Et compte 9 adhé-rents : Gouessant, Cooperl, Glon, Nutréa, Triskalia, Cecab, UKL, Aveltis, Evalor. IF2O assure une veille réglementaire, notamment sur la norma-lisation des produits issus des déjections animales, qui rentrent dans la catégorie des engrais et amendements organiques et, depuis peu, sur les digestats issus des unités de méthanisa-tion. En collaboration avec les Chambres d'agriculture, l'Itavi, l'Ifip, le Cemagref, Aile, l'Ademe..., nous sommes aussi à l'affût de tout process permettant d'améliorer encore la qualité des produits".

l Quels sont les volumes exportés ? Et vers où partent-ils ?G. M. - "Tous les ans, ce sont environ 400 000 t d'engrais orga-niques qui quittent la Bretagne. Qu'ils soient issus de fientes de volaille séchées, de fumier de volaille composté ou de produits issus de la centrifugation de déjections de porcs. A 90%, ils prennent la direction des zones de grandes cultures".

l Trouver des débouchés pose-t-il problème ?G. M. - "Ces courants existent depuis 1995. Ils ont démarré avec la volaille. Les volumes sont stables : si, depuis 4 ans, la production d'engrais organiques issus de l'élevage porcin a augmenté, le nombre d'élevages de volailles de chair est en diminution. Et la mise aux normes bien-être va avoir pour effet de réduire le nombre de poules pondeuses. Aujourd'hui, nous n'avons pas de mal à trouver des débouchés : les zones déficitaires en phosphore et en matière organique sont intéressées par nos produits. Ce qui nous pose souci, c'est la réglementation Qualimat. En effet, les fabricants d'aliments ne peuvent plus transporter de céréales dans des camions qui ont contenu des engrais organiques. Faudra-t-il les faire revenir à vide ? Et pour quel coût ? Nous travaillons depuis 2010 à prou-ver que nos produits sont parfaitement hygiénisés et ne sont pas recontaminés en cours de stockage ou lors du chargement des camions. Une démarche qui prend du temps !"

cial, chargé d'écouler son produit dans les régions de grande culture. Pas si simple ! "Nous sommes tributaires du prix des engrais minéraux. Et l'effet de la matière organique met un peu de temps avant de se voir".

Travaillant en bande unique, Guy Pet-ton a dû sur-dimensionner son instal-lation, pour pouvoir traiter en même temps le fumier issu de tous ses pou-laillers. "Avec 6 semaines par bande et 2,5 bandes par an, les cellules étaient vides 37 semaines par an". Il est dé-sormais prestataire de services pour la CCPI, la communauté de communes du Pays d'Iroise, pour qui il composte déchets verts et boues de station d'épuration.

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Page 12: indispensable à gérer avec phosphore précision

36 DOSSIER

Plus que le mode de production (conventionnel ou biologique) c’est le niveau d’intensification et la nature même des espèces animales ou végé-tales présentes sur l’exploitation qui déterminent les besoins en phosphore des systèmes agricoles en place. En plus de satisfaire aux exigences de la réglementation conventionnelle sur le phosphore, le mode de production biologique interdit l’usage :l des phytases en alimentation animale,l des engrais minéraux de synthèse pour la fertilisation.Les matières organiques constituent la source principale de phosphore en bio dans nos départements.En complément, les engrais phospha-tés autorisés par le cahier des charges AB (phosphates naturels, scories…) peu solubles, présentent une faible bio disponibilité, particulièrement en

sol basique ou neutre. Il convient donc d’être attentif à l’évolution du phosphore dans les sols en agriculture biologique particulièrement en absence d’apport de matières organiques.En agrobiologie on raisonne la ferti-lisation à l’échelle de la rotation plutôt qu’en fonction des besoins de la culture en place. La réponse aux besoins en phosphore passe préférentiellement par des apports de matières organiques compostées, ainsi que l’utilisation d’en-grais verts pour stimuler l’activité biolo-gique du sol et favoriser la bio disponi-bilité du phosphore présent dans le sol .L’accès impératif des animaux au plein air constitue une autre particularité du cahier des charges de l’élevage biologique.Le dimensionnement des parcours fait l’objet d’une réglementation qui limite le nombre d’animaux sur la base

d’un chargement équivalent à 170 kg d’azote/ha.Pour les mono gastriques, et plus par-ticulièrement la volaille, les rejets de phosphore sur les parcours ne sont pas homogènes. Il convient d’apporter une attention accrue à l’implantation de ces parcours (topographie, distances à l’eau) ainsi qu’à la répartition des animaux qui y séjournent. Le risque de fuites de phosphore par ruissellement sur ces zones est réel et des réflexions sont en cours sur les techniques qui pourraient permettre d’atténuer ces risques sur le milieu.

La gestion du phosphoreet l’agriculture biologique

Mieux gérer les déjections des volailles sur parcours

De nombreuses espèces de volailles peuvent être produites sur parcours : volailles de chair ou poules pondeuses avec signe de qualité ainsi que les canards en pré gavage. Il convient de limiter le plus possible les risques de lessivage en évitant le ruissellement (mauvaise gestion des eaux de pluie), en favorisant une bonne utilisation de la surface du parcours, en mettant en place si besoin une bande enherbée (5m). Il est nécessaire d’assurer une bonne répartition des volailles sur le parcours. Il a en effet été montré que les surfaces les plus exploitées sont les zones frontales et les zones ombragées situées à 30-40 m du bâtiment. Pour que les volailles explorent plus le parcours, il faut jouer sur l’attractivité des zones sous-exploitées. On peut les attirer en mettant en place des systèmes de couloir, arbustes par exemple, dans le prolongement des trappes à 3m du bâtiment et en implantant de la végétation dès 20 à 30m après les trappes. Elle peut être constituée d’arbres de différentes hauteurs. D’autres pratiques visent à limiter les pertes de phosphore comme placer des gouttières sur les toits des bâtiments, racler la zone bétonnée devant les trappes pour récupérer les déjections et réensemencer les zones surexploitées .

En plus de la réglementation générale sur le phosphore, le mode de production biologique doit composer avec l’interdiction d’utiliser des engrais minéraux chimiques. Phosphates naturels et matières organiques sont les seules ressources phosphatées autorisées, une spécificité qu’il peut être difficile de gérer en tenant compte des réglementations liées à l’épandage. Aménager ses parcours pour favoriser

l’exploration par les volailles.

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