hugues dupont. un savoir-faire bien vivant€¦ · tonnage comme ouvrier. ... sans qu’il ait eu...

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PORTRAIT 40 DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2015 - N° 7587 - PETITES AFFICHES MATOT BRAINE - I l aime citer René Char dont il n’hésite pas d’ailleurs à détour- ner quelques citations à sa manière. Hugues Dupont aime le travail bien fait et il le revendique. La recherche de la perfection dans son travail, il la pousse jusqu’à vou- loir devenir incontournable. Un pari réussi si l’on s’en fie à sa liste de clients, aussi confidentielle que prestigieuse. Si aujourd’hui les plus grands noms de la parfumerie ou de la mode font appel à son savoir-faire, c’est parce que celui-ci s’est affiné au fil du temps pour devenir LA référence de l’emballage, de la création et de la conception de boîtes sur-mesure. « Nous vou- lons apporter de la modernité dans la tradition. Cet engagement, nous le tenons auprès des créateurs afin d’offrir une production à la hauteur de leurs exigences », souligne-t-il. Après avoir suivi de courtes études de dessinateur industriel à l'IUT de Reims, Hugues Dupont entre dans une entreprise de découpe de car- tonnage comme ouvrier. Un uni- vers qu’il découvre en tant que sala- rié sur platine de découpe (margeur). « Je suis passé par toutes les éta- pes dans la hiérarchie des conduc- teurs de machines de cartonnage », se souvient-il. Après avoir fait plus ou moins le tour du métier, devenu conducteur tous formats, tous tra- vaux de façonnage et toutes équi- pes, Hugues Dupont s’impatiente. Huit ans après ses débuts, il veut aller plus loin. Avec un objectif pré- cis : reprendre la direction du bureau d’études de l’entreprise, dont le responsable s’apprête à partir en retraite. Il comprend alors que pour cela, il lui faut reprendre ses études, là où il les avait laissées. À l’âge de 32 ans, le voici donc de retour sur les bancs de l’école, ou plutôt de la Fac et de l’ESIEC pour intégrer une formation : le DUTECA. Là, il est pris en main par un responsable qui lui indique la voie à suivre, malgré quelques réticences initiales. 18 mois plus tard, il termine deuxième de sa promo et retourne dans l’entreprise son diplôme en poche. Sans suite malheureusement car il quitte la société un peu plus tard pour prendre la direction d’un bureau d’études d’une autre société, cette fois dans le domaine du cartonnage recouvert. Un nouveau challenge pour Hugues Dupont qui ne manque pas d’idées pour faire évoluer l’acti- vité de son nouvel employeur. Son idée ? « Ouvrir un atelier pour gérer les toutes petites commandes, sans gêner la production des gran- des séries ». Malheureusement, après trois ans passés dans l’entreprise, on lui noti- fie son licenciement économique sans qu’il ait eu le temps ni les moyens de mettre en œuvre son projet. Qu’à cela ne tienne, il compte bien aller jusqu’au bout de son idée et se lance corps et âme à son compte, bien soutenu par son épouse et ses jeunes enfants, ne manque-t-il pas de rappeler aujour- d’hui dans un sourire. DEVENIR INCONTOURNABLE Au printemps de l’année 1999, ECR1 (pour Emballages & Carton- nages Recouverts UNitaires) voit le jour. L’aventure débute dans le garage familial : 25 m 2 où naissent les idées, prennent forme les créa- tions, parfois dans la douleur mais toujours avec le sentiment que la réussite est au bout du chemin. D’ailleurs, Hugues Dupont en est convaincu. « Mon idée : être connu, être reconnu et pourquoi pas deve- nir incontournable ». Rapidement son entreprise s’impose parmi la clientèle en recherche de produits très haut de gamme fabriquée en petites séries. Son premier client s’appelle Chanel, rapidement suivi par d’autres marques telles que Dior ou Hermès, grâce auxquelles il bou- cle son premier exercice avec un chiffre d’affaires de 14 000 euros. Deux ans après la création d’ECR1, Hugues Dupont est toujours seul à la barre, sans commercial, ni publi- cité, son meilleur allié restant sa pro- duction et le bouche-à-oreille de sa clientèle. En 2002, il déménage enfin et intègre trois personnes à l’en- treprise. Ils sont six lorsqu’un nouveau démé- nagement s’im- pose en 2006. « Nous étions alors devenu quasiment incontournables pour les petites séries, surtout complexes et dans des délais très serrés ». Le développement de l’entreprise prend une nouvelle tournure en 2009 avec l’arrivée progressive de ses deux fils, Justin et Thomas aux côtés du dirigeant. L’un à la direction de la produc- tion, l’autre à la direction adminis- trative et financière, les rôles étant bien répartis sous la houlette du fon- dateur devenu directeur général en charge de la R&D et qui, après avoir stabilisé la structure, souhaite « la pérenniser pour laisser derrière moi un outil de travail très perfor- mant ». Pas question pour autant de lâcher la barre en si bonne route, en 2013 Hugues Dupont est à la tête d’une société d’une dizaine de per- sonnes qui enregistre un chiffre d’af- faires de plus de 800 000 euros. Toujours dans la même discrétion. ENTREPRISE DU PATRIMOINE VIVANT De ses clients récurrents les plus célèbres aux plus confidentiels, le chef d’entreprise ne néglige aucun projet, aucune demande. « L’essen- tiel de nos clients sont basés à Paris. C’est vrai que nous travaillons très peu avec des entreprises régionales », regrette-t-il un peu. Le succès auprès des grands comptes pari- siens et les agences de communi- cation a obligé ECR1 à déménager en 2013, toujours sur Reims. « Nous avions besoin d’un bâtiment plus grand car notre outil de produc- tion n’arrivait plus à suivre. Nous avons donc doublé notre capacité de production de découpe à plat, puis acquis des machines, tout en for- mant notre personnel...» Car la difficulté de cette activité est de conserver le côté artisanal et minutieux qui a valu à ECR1 d’être labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV ) en 2014, un Label déli- vré après une sélection rigoureuse, sous l’autorité du Ministère de l’E- conomie, des Finances et de l’In- dustrie. Une consécration et surtout la reconnaissance officielle du savoir-faire d'un homme et d'une entreprise, de l’alliance subtile du capital humain avec le capital cul- turel. Une fierté aussi du chemin parcouru à l'aube de nouveaux itinéraires. Benjamin Busson Hugues Dupont réalise des coffrets « haute couture » dans son atelier rémois. Hugues Dupont. L’emballage n’a presque plus de secret pour lui. Depuis plus de 15 ans à la tête de l’entreprise ECR1, qui vient d’être labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant, le Rémois prépare la relève. Un savoir-faire bien vivant 1959 Naissance à Reims le 30 septembre. 1980 Entre dans la vie active et découvre la cartonnage. 15 mars 1999 Création de l’atelier ECR1 à Reims, dans son garage. 2014 Obtention du label Entreprise du Patrimoine vivant. www.forumeco.com B.B. « Nous voulons apporter de la modernité dans la tradition. Cet engagement, nous le tenons auprès des créateurs afin d’offrir une production à la hauteur de leurs exigences ».

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Page 1: Hugues Dupont. Un savoir-faire bien vivant€¦ · tonnage comme ouvrier. ... sans qu’il ait eu le temps ni les moyens de mettre en œuvre son projet. ... nages Recouverts UNitaires)

PORTRAIT40 DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2015 - N° 7587

- P E T I T E S A F F I C H E S M A T O T B R A I N E -

Il aime citer René Char dont iln’hésite pas d’ailleurs à détour-ner quelques citations à sa

manière. Hugues Dupont aime letravail bien fait et il le revendique.La recherche de la perfection dansson travail, il la pousse jusqu’à vou-loir devenir incontournable. Un pariréussi si l’on s’enfie à sa liste declients, aussiconfidentie l leque prestigieuse.Si aujourd’hui lesplus grands nomsde la parfumerieou de la modefont appel à sonsavoir-faire, c’estparce que celui-cis’est affiné au fil du temps pourdevenir LA référence de l’emballage,de la création et de la conceptionde boîtes sur-mesure. « Nous vou-lons apporter de la modernité dansla tradition. Cet engagement, nousle tenons auprès des créateurs afin

d’offrir une production à la hauteurde leurs exigences », souligne-t-il.Après avoir suivi de courtes étudesde dessinateur industriel à l'IUT deReims, Hugues Dupont entre dansune entreprise de découpe de car-tonnage comme ouvrier. Un uni-vers qu’il découvre en tant que sala-

rié sur platine de découpe(margeur).

« Je suis passé par toutes les éta-pes dans la hiérarchie des conduc-teurs de machines de cartonnage »,se souvient-il. Après avoir fait plusou moins le tour du métier, devenu

conducteur tous formats, tous tra-vaux de façonnage et toutes équi-pes, Hugues Dupont s’impatiente.Huit ans après ses débuts, il veutaller plus loin. Avec un objectif pré-cis : reprendre la direction du bureaud’études de l’entreprise, dont leresponsable s’apprête à partir en

retraite. Il comprend alors que pourcela, il lui faut reprendre ses études,là où il les avait laissées. À l’âge de32 ans, le voici donc de retour surles bancs de l’école, ou plutôt de laFac et de l’ESIEC pour intégrer uneformation : le DUTECA.

Là, il est pris en main par unresponsable qui lui indique la voie àsuivre, malgré quelques réticencesinitiales. 18 mois plus tard, il terminedeuxième de sa promo et retournedans l’entreprise son diplôme enpoche. Sans suite malheureusementcar il quitte la société un peu plus tardpour prendre la direction d’un bureaud’études d’une autre société, cettefois dans le domaine du cartonnagerecouvert. Un nouveau challengepour Hugues Dupont qui ne manquepas d’idées pour faire évoluer l’acti-vité de son nouvel employeur. Son idée ? « Ouvrir un atelier pourgérer les toutes petites commandes,sans gêner la production des gran-des séries ».

Malheureusement, après trois anspassés dans l’entreprise, on lui noti-fie son licenciement économiquesans qu’il ait eu le temps ni lesmoyens de mettre en œuvre sonprojet. Qu’à cela ne tienne, il comptebien aller jusqu’au bout de son idéeet se lance corps et âme à soncompte, bien soutenu par sonépouse et ses jeunes enfants, nemanque-t-il pas de rappeler aujour-d’hui dans un sourire.

DEVENIR INCONTOURNABLEAu printemps de l’année 1999,

ECR1 (pour Emballages & Carton-nages Recouverts UNitaires) voitle jour. L’aventure débute dans legarage familial : 25 m2 où naissentles idées, prennent forme les créa-tions, parfois dans la douleur maistoujours avec le sentiment que laréussite est au bout du chemin.D’ailleurs, Hugues Dupont en estconvaincu. « Mon idée : être connu,être reconnu et pourquoi pas deve-nir incontournable ». Rapidementson entreprise s’impose parmi laclientèle en recherche de produitstrès haut de gamme fabriquée enpetites séries. Son premier clients’appelle Chanel, rapidement suivipar d’autres marques telles que Diorou Hermès, grâce auxquelles il bou-cle son premier exercice avec unchiffre d’affaires de 14 000 euros.

Deux ans après la création d’ECR1,Hugues Dupont est toujours seul àla barre, sans commercial, ni publi-cité, son meilleur allié restant sa pro-duction et le bouche-à-oreille de saclientèle. En 2002, il déménage enfin

et intègre troispersonnes à l’en-treprise. Ils sontsix lorsqu’unnouveau démé-nagement s’im-pose en 2006. « Nous étionsalors devenuq u a s i m e n tincontournablespour les petites

séries, surtout complexes et dans desdélais très serrés ».

Le développement de l’entrepriseprend une nouvelle tournure en2009 avec l’arrivée progressive deses deux fils, Justin et Thomas auxcôtés du dirigeant.

L’un à la direction de la produc-tion, l’autre à la direction adminis-trative et financière, les rôles étantbien répartis sous la houlette du fon-dateur devenu directeur général encharge de la R&D et qui, après avoirstabilisé la structure, souhaite « lapérenniser pour laisser derrière moi un outil de travail très perfor-mant ». Pas question pour autant delâcher la barre en si bonne route, en2013 Hugues Dupont est à la têted’une société d’une dizaine de per-sonnes qui enregistre un chiffre d’af-faires de plus de 800 000 euros. Toujours dans la même discrétion.

ENTREPRISE DU PATRIMOINE VIVANTDe ses clients récurrents les plus

célèbres aux plus confidentiels, lechef d’entreprise ne néglige aucunprojet, aucune demande. « L’essen-tiel de nos clients sont basés à Paris.C’est vrai que nous travaillons trèspeu avec des entreprises régionales »,regrette-t-il un peu. Le succèsauprès des grands comptes pari-siens et les agences de communi-cation a obligé ECR1 à déménageren 2013, toujours sur Reims. « Nous avions besoin d’un bâtimentplus grand car notre outil de produc-tion n’arrivait plus à suivre. Nousavons donc doublé notre capacité deproduction de découpe à plat, puisacquis des machines, tout en for-mant notre personnel...»

Car la difficulté de cette activitéest de conserver le côté artisanal etminutieux qui a valu à ECR1 d’êtrelabellisée Entreprise du PatrimoineVivant (EPV) en 2014, un Label déli-vré après une sélection rigoureuse,sous l’autorité du Ministère de l’E-conomie, des Finances et de l’In-dustrie. Une consécration et surtoutla reconnaissance officielle dusavoir-faire d'un homme et d'uneentreprise, de l’alliance subtile ducapital humain avec le capital cul-turel. Une fierté aussi du cheminparcouru à l'aube de nouveaux itinéraires.

Benjamin Busson

Hugues Dupont réalise des coffrets « haute couture » dans son atelier rémois.

Hugues Dupont. L’emballage n’a presque plus de secret pour lui. Depuis plus de 15 ans à la tête de l’entreprise ECR1, qui vientd’être labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant, le Rémois prépare la relève.

Un savoir-faire bien vivant

1959Naissance à Reims le 30septembre.

1980Entre dans la vie active etdécouvre la cartonnage.

15 mars 1999Création de l’atelier ECR1 àReims, dans son garage.

2014Obtention du label Entreprise duPatrimoine vivant.

www.forumeco.com

B.B

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« Nous voulons apporter de la modernité dans la tradition. Cetengagement, nous le tenons auprès des créateurs afin d’offrir

une production à la hauteur de leurs exigences ».