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Suivis et conservation Pourquoi un réseau Aigle botté ? 1 Répartition et effectifs 2 Bilan des suivis 2008 3 Mystère dans l’Aude 3 Prédation par le Grand-Duc en Auvergne 4 International Bilan de six ans de suivis en Espagne 6 Hivernage dans le delta de l’Ebre 8 Menaces Aigle botté captif en Paca 8 Sensibilisation La Feuille et la Plume 8 N°1 - Septembre 2009 Un réseau Aigle botté se structure progressivement : suite aux suivis effectués par quelques pionniers, une synthèse nationale est publiée depuis 2004 dans les cahiers de la surveillance avec pour objectif d’encourager une veille à plus large échelle. Avec, en 2008, 120 couples suivis et «seulement » 50 observateurs, ce réseau se caractérise à la fois par une forte motivation des membres et par un manque de surveillants. Nous pensons nécessaire que ce réseau bénéficie d’une coordination et de moyens d’échanges, pour améliorer les connaissances actuelles : répartition, évolution des effectifs, dynamique de population, exigences et sensibilité de l’espèce, etc. L’objectif est également d’impulser des suivis dans les zones où la situation est mal connue, et d’identifier les menaces potentielles dans les différents habitats, forêts de production de plaine et vallées de moyenne montagne. Au niveau national, comme pour le Circaète, la LPO ne bénéficie pas de soutien pour l’animation du réseau. Et pourtant, à terme, des enjeux de conservation forts pourraient se poser pour ces espèces forestières. La mobilisation et l’animation d’un réseau de naturalistes « spécialisés » permettront d’être réactifs pour réagir à d’éventuels problèmes, et seront une garantie pour mobiliser les financeurs et les partenaires (ministères, ONF, CRPF, scientifiques, élus, etc.). Bulletin spécifique, site Internet, rencontres, forum de discussion…sont autant d’outils envisageables pour cette animation du réseau. Dans un premier temps, la LPO Mission Rapaces propose la réalisation du bulletin l’Aigle botté. L’intérêt de ce bulletin est de promouvoir les études et publications sur l’espèce. Le bulletin peut être une étape pour formaliser un article plus complet dans une revue spécialisée. Pour les naturalistes les plus réticents à écrire, le bulletin de réseau est un format souple qui permet facilement de consigner ses observations et de partager ses bilans, interrogations, expériences, etc. L’intérêt est aussi de centraliser l’ensemble des acteurs, des suivis et études sur l’espèce. La participation de tous les naturalistes intéressés et impliqués dans la conservation de l’Aigle botté est donc souhaitée. Vos remarques et propositions sont les bienvenues sur la constitution de ce réseau, les objectifs, les moyens… Romain Riols et Renaud Nadal LPO Mission Rapaces Pourquoi un réseau Aigle botté ? nos connaissances est en route...Souhaitons à tous de fructueuses observations, et bon vent à ce petit journal, comme à ceux de nos migrateurs qui mettent à présent les voiles, s’apprêtant à braver les barrières montagneuses et, surtout, l’immensité du Sahara. En m’éloignant d’un site à présent déserté par la famille de bottés, j’ai eu cette pensée curieuse: «et dire qu’ils n’ont même pas vu «leur» forêt sous la neige, tout aussi riche en Geais et Pigeons qu’à la belle saison!»... Thérèse Nore 1. L’Aigle botté n°1 - 2009 Lorsque la passion du vivant m’a envahie, j’ai dû, sans puis avec jumelles, apprendre, seule, à observer, écouter, nommer les oiseaux de ma Creuse natale : nul aîné pour conduire mes pas... et point d’Aigle botté dans mon département. D’autant plus précieux est le souvenir de l’aiglon sombre, si parfait et si fragile à la fois, presque prêt à l’envol, que m’ont fait connaître René et Simone Auclair dans une forêt de plaine de l’Allier, il y a plus de trente ans. Là est né le désir de retrouver régulièrement quelques-uns de ces oiseaux, le long de la vallée de la Dordogne... Cette aspiration à mériter un brin de leur intimité. A cette époque, rares et dispersés étaient les ornithologues français qui, çà et là, suivaient une population de cette espèce, réputée très peu abondante, de mœurs discrètes, et curieusement absente de nombreux départements. Dans l’habileté de ses parades, chasses et évolutions aériennes vertigineuses, pennatus nous a offert avec parcimonie des moments chargés des émotions les plus intenses. Fruits d’un travail de fourmis, nourris de nombreuses heures ou années d’observations auprès de chaque couple, Quelques bilans ont vu le jour... La bibliographie indiquée à la fin de cette revue les évoque. Or, voici que, tout récemment, parmi les jeunes ornithologues français, une «cohorte» s’est prise d’engouement pour le «petit aigle». Leurs travaux de synthèse, ou l’évocation d’observations originales et de grande qualité, viennent largement alimenter la présente revue. Voici que la miniaturisation de l’électronique permet (après un labeur préparatoire tout aussi rude que par le passé!!) de voir, en temps réel et à 5 mètres près, apparaître à l’écran le moindre déplacement de cet oiseau secret, comme en témoigne l’étude espagnole évoquée dans ce numéro, mais aussi notre programme limousin dont ce journal se fera bientôt l’écho. La révolution de nos suppositions ou même de

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Page 1: Document

Suivis et conservation Pourquoi un réseau Aigle botté ? 1

Répartition et effectifs 2Bilan des suivis 2008 3

Mystère dans l’Aude 3Prédation par le Grand-Duc en Auvergne 4

InternationalBilan de six ans de suivis en Espagne 6

Hivernage dans le delta de l’Ebre 8

MenacesAigle botté captif en Paca 8

SensibilisationLa Feuille et la Plume 8

N°1 - Septembre 2009

Un réseau Aigle botté se structure progressivement : suite aux suivis effectués par quelques pionniers, une synthèse nationale est publiée depuis 2004 dans les cahiers de la surveillance avec pour objectif d’encourager une veille à plus large échelle.Avec, en 2008, 120 couples suivis et «seulement » 50 observateurs, ce réseau se caractérise à la fois par une forte motivation des membres et par un manque de surveillants.Nous pensons nécessaire que ce réseau bénéfi cie d’une coordination et de moyens d’échanges, pour améliorer les connaissances actuelles : répartition, évolution des effectifs, dynamique de population, exigences et sensibilité de l’espèce, etc. L’objectif est également d’impulser des suivis dans les zones où la situation est mal connue, et d’identifi er les menaces potentielles dans les différents habitats, forêts

de production de plaine et vallées de moyenne montagne. Au niveau national, comme pour le Circaète, la LPO ne bénéfi cie pas de soutien pour l’animation du réseau. Et pourtant, à terme, des enjeux de conservation forts pourraient se poser pour ces espèces forestières. La mobilisation et l’animation d’un réseau de naturalistes « spécialisés » permettront d’être réactifs pour réagir à d’éventuels problèmes, et seront une garantie pour mobiliser les fi nanceurs et les partenaires (ministères, ONF, CRPF, scientifi ques, élus, etc.). Bulletin spécifi que, site Internet, rencontres, forum de discussion…sont autant d’outils envisageables pour cette animation du réseau. Dans un premier temps, la LPO Mission Rapaces propose la réalisation du bulletin l’Aigle botté. L’intérêt de ce bulletin est de promouvoir les études et publications sur l’espèce. Le bulletin peut être une étape pour formaliser un article plus complet dans une revue spécialisée. Pour les naturalistes les plus réticents à écrire, le bulletin de réseau est un format souple qui permet facilement de consigner ses observations et de partager ses bilans, interrogations, expériences, etc. L’intérêt est aussi de centraliser l’ensemble des acteurs, des suivis et études sur l’espèce.La participation de tous les naturalistes intéressés et impliqués dans la conservation de l’Aigle botté est donc souhaitée. Vos remarques et propositions sont les bienvenues sur la constitution de ce réseau, les objectifs, les moyens…

• Romain Riols et Renaud NadalLPO Mission Rapaces

Pourquoi un réseau Aigle botté ?

nos connaissances est en route...Souhaitons à tous de fructueuses observations, et bon vent à ce petit journal, comme à ceux de nos migrateurs qui mettent à présent les voiles, s’apprêtant à braver les barrières montagneuses et, surtout, l’immensité du Sahara.En m’éloignant d’un site à présent déserté par la famille de bottés, j’ai eu cette pensée curieuse: «et dire qu’ils n’ont même pas vu «leur» forêt sous la neige, tout aussi riche en Geais et Pigeons qu’à la belle saison!»...

• Thérèse Nore

1. L’Aigle botté n°1 - 2009

Lorsque la passion du vivant m’a envahie, j’ai dû, sans puis avec jumelles, apprendre, seule, à observer, écouter, nommer les oiseaux de ma Creuse natale : nul aîné pour conduire mes pas...et point d’Aigle botté dans mon département. D’autant plus précieux est le souvenir de l’aiglon sombre, si parfait et si fragile à la fois, presque prêt à l’envol, que m’ont fait connaître René et Simone Auclair dans une forêt de plaine de l’Allier, il y a plus de trente ans. Là est né le désir de retrouver régulièrement quelques-uns de ces oiseaux, le long de la vallée de la Dordogne...Cette aspiration à mériter un brin de leur intimité.A cette époque, rares et dispersés étaient les ornithologues français qui, çà et là, suivaient une population de cette espèce, réputée très peu abondante, de mœurs discrètes, et curieusement absente de nombreux départements. Dans l’habileté de ses parades, chasses et évolutions aériennes vertigineuses, pennatus nous a offert avec parcimonie des moments chargés des émotions les plus intenses.Fruits d’un travail de fourmis, nourris de nombreuses heures ou années d’observations auprès de chaque couple, Quelques bilans ont vu le jour... La bibliographie indiquée à la fi n de cette revue les évoque.Or, voici que, tout récemment, parmi les jeunes ornithologues français, une «cohorte» s’est prise d’engouement pour le «petit aigle». Leurs travaux de synthèse, ou l’évocation d’observations originales et de grande qualité, viennent largement alimenter la présente revue.Voici que la miniaturisation de l’électronique permet (après un labeur préparatoire tout aussi rude que par le passé!!) de voir, en temps réel et à 5 mètres près, apparaître à l’écran le moindre déplacement de cet oiseau secret, comme en témoigne l’étude espagnole évoquée dans ce numéro, mais aussi notre programme limousin dont ce journal se fera bientôt l’écho.La révolution de nos suppositions ou même de

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L’Aigle botté n°1 - LPO Mission Rapaces - Septembre 2009 2.

Suivis et Conservation

et LPO Auvergne). 20 à 24 couples fréquentent la vallée de la Dordogne, en Corrèze (B.Labidoire et J.Roger). Viennent ensuite la région Centre, où la seule forêt d’Orléans (350 km²) abrite plus de 20 couples (D.Belletier), et la Bourgogne, avec au moins 50 couples en Saône-et-Loire (C.Gentilin), département par ailleurs assez mal couvert dans le cadre de l’enquête. En Languedoc-Roussillon, l’espèce est présente sur les quatre départements, mais semble particulièrement apprécier l’Aude (F.Gilot, J-P.Malafosse, L.Courmon). En limite de répartition, il est intéressant de signaler la reproduction de l’espèce dans le sud-Finistère depuis 1995 (X.Gremillet, J.Henry), population apparemment isolée géographiquement, au moins quatre couples dans le Jura franc-comtois (R-J.Monneret), au moins un cas de reproduction suspectée dans les Bouches-du-Rhône (B.Kabouche), ainsi que dans le Var et un couple découvert dans le Rhône lors de l’enquête. La France constituant la limite nord de la distribution de l’Aigle botté, ce

Dans notre pays, la zone de reproduction se situe principalement le long d’une diagonale passant par le centre du pays et orientée sud-ouest/ nord-est, le noyau principal de la population se situant dans les Pyrénées. L’Aigle botté est absent du quart nord-ouest du pays, y compris l’Ile-de-France, ainsi que des Alpes, de l’Alsace et de la Corse. Les densités relevées au cours de l’enquête Rapaces 2000 sont faibles : 75 % des carrés n’abritent qu’un couple et seulement deux, situés dans les Pyrénées-Atlantiques, abritent trois couples. L’estimation obtenue est de 382 couples certains/probables et de 735 couples au total (comprenant les couples possibles). La discrétion de l’aigle botté sur ses sites de nidifi cation se traduit par le second plus faible pourcentage d’indice de reproduction certain/probable (51,9 %). Compte tenu de cette imprécision, nous ne pouvons écarter l’existence de couples non détectés sur des carrés centraux, et en conséquence nous retiendrons un effectif national de 380 à 650 couples territoriaux. Sur la base de données fournies par les observateurs locaux ou provenant de la littérature, les densités les plus élevées connues actuellement sont obtenues sur certains sites du Béarn (7 couples/100 km², J.Carlon), de la forêt d’Orléans (5,7 couples/100 km², D.Belletier), et dans l’Allier (8,5 couples/100 km², Groupe rapaces Allier). Deux régions en France accueillent un effectif de l’ordre d’une centaine de couples. Il s’agit de l’Aquitaine, essentiellement dans sa moitié sud (J.Carlon, P.Grisser) et de la région Midi-Pyrénées, notamment en Ariège (S.Fremaux, J.Brugnicourt, M.Rance-Odin). L’Aigle botté affectionne particulièrement le piémont pyrénéen, qui concentre probablement la moitié des effectifs français, ainsi que les contreforts du Massif central. L’Auvergne accueille également de belles populations. Deux sites désignés en ZICO (Gorges de l’Allier et de la Sioule), d’une superfi cie totale de 780 km² cumulent 16 à 21 couples (R.Riols

Effectifs et répartition de l’Aigle bottéen France

dernier rencontre probablement dans notre pays des conditions seulement suboptimales, rendant ses populations fragiles et instables. Une contraction de son aire de répartition s’est manifestée au cours des dernières décennies dans la moitié nord du pays, où il était connu comme nicheur au siècle dernier, et l’espèce a régressé géographiquement au moins du Poitou-Charentes et des Pays de la Loire (M.Matard, P.Jourde) à la Lorraine (M.Gaillard). Les dernières preuves de reproduction en Champagne-Ardenne remontent à 1985 (C.Riols, J-M.Thiollay). Il est actuellement rarement observé dans cette région, même si la nidifi cation de quelques couples n’y est toutefois pas à exclure (J-L.Bourrioux). • Jean Fombonnat

LPO [email protected]

Source : Thiollay J-M. et Bretagnolle V. (coord.), 2004, Rapaces nicheurs de France. Delachaux et Niestlé, Paris.

et LPO Auvergne). 20 à 24 couples et LPO Auvergne). 20 à 24 couples dernier rencontre probablement dans

Estimation:500 (380�650) couples

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présencenon quantifiée

Nb couples/100Km²

Répartition et densité de l’Aigle botté en France. Source : Rapaces nicheurs de France, 2004

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L’Aigle botté n°1 - LPO Mission Rapaces - Septembre 2009 3.

Départe-ments

Sites occupés

Couples nicheurs

suivis

Couples producteurs

Jeunes à

l’envol

Surveillants Journées surveillance

AuvergneAllier 17 17 11 13 10 80Puy-de-Dôme 13 10 5 9 3 14Haute-Loire 2 2 2 4 1 2

BourgogneSaône-et-Loire

15 15 14 16 3 -

CentreLoiret 36 36 29 40 2 50Loir-et-Cher 2 2 2 3 3 8

Languedoc-RoussillonAude 28 5 2 4 8 12Lozère 2 2 2 3 / /

LimousinCorrèze 20 11 8 11 4 45

Midi-PyrénéesAveyron 5 2 2 3 5 /Lot 1 1 1 1 1 2Tarn 2 2 / / 6 11Htes-Pyrénées 14 11 10 13 5 /Total 2008 157 116 88 120 51 224

2007 133 93 / 80 24 1922006 / 78 / 73 23 105

De mieux en mieux ! Le réseau de surveillance de l’Aigle botté s’étoffe, la communication des résultats aussi. Par rapport à 2007, avec une augmentation de 30 % du nombre de couples nicheurs suivis, c’est dorénavant près du quart de la population nationale qui est suivie, rien de moins ! En 2008, 120 couples ont été suivis, le taux d’échec (30 %) semble assez important mais apparaît très inégal selon les départements. 90 couples produisent 120 jeunes à l’envol. Le succès de reproduction s’élève donc à 1,00 jeune par couple et 1,33 jeune par couple ayant réussi.Mais le réseau de surveillance, c’est aussi des suivis et études qui vont au-delà du « simple » (même si pas si simple !) suivi du nombre de jeunes à l’envol : meilleures estimations des effectifs départementaux, caractérisation des habitats préférentiels de l’espèce, de son régime alimentaire, de son éthologie en général et même de ses pérégrinations internationales ! Mais ce sont aussi des mesures de protection concrètes avec la sensibilisation des acteurs forestiers locaux pour une prise en compte de la sensibilité de l’espèce pendant sa nidification. Tant de thèmes

que vous aurez l’occasion de découvrir bientôt en détail au fur et à mesure de l’édition des « Botté Info » !Toutes les données recueillies grâce à notre persévérance et notre passion sur le terrain (densités, succès de repro, taux d’échec, morphes des adultes nicheurs et des jeunes produits, dates d’arrivées et de départ, dates d’envol, etc.) doivent nous permettre de mieux connaître et protéger l’espèce. Pour ce faire, elles peuvent aussi

Le site de nidification se situe à 850 m d’altitude sur le plateau de Sault (Aude) et est occupé depuis plusieurs années par un couple mixte (femelle claire, mâle sombre). L’aire a été découverte en 2007 avec deux jeunes à l’envol (clair et sombre).En 2008, le mâle est observé en chasse le 2 avril, la femelle est vue sur le site le lendemain. Le site étant considéré comme occupé, il n’est plus visité avant longtemps : prospections tous azimuts ailleurs, météo souvent défavorable… et négligence, il faut bien le dire. Le site est contrôlé le 2 juillet : à 800 mètres de distance, l’aire n’est que partiellement visible, l’éclairage est rarement bon mais il est possible d’y distinguer deux poussins âgés d’à peine trois semaines. Huit jours

Mystère au-dessus d’un nid d’Aigle botté dans l’Aude

Bilan des suivis en 2008

être sauvegardées et synthétisées par le biais d’une nouvelle fiche de surveillance plus élaborée, comme celle utilisée dans le cadre du suivi européen des rapaces par zone échantillon (Monitoring of European Raptors and Owls)… Qu’en pensez vous ? Vos avis nous intéressent,

alors n’hésitez pas !Un grand merci à tous qui faites vivre ce réseau.

• Romain [email protected] Fombonnat [email protected]

plus tard, leurs pennes sont sorties, des tuyaux de 3-4 cm. Encore 10 jours plus tard, «les» deux jeunes (un clair) commencent à bien se balader sur le nid, exerçant leurs ailes. Lors de ces différentes visites, la durée d’observation n’a pas excédé une demi-heure à une heure. Un gros mois sans visite puis, le 23 août, voyant la femelle se diriger vers le site avec une proie, je décide d’aller contrôler la situation. Le surlendemain, à mon arrivée d’assez bonne heure, un jeune sombre fait sa toilette en haut d’un sapin mort, à 50 mètres de l’aire. Il descend peu après dans les proches branches et de nombreux cris se font entendre. Un moment plus tard, il se balade au dessus de la canopée et commence à s’élever. Plus bas, le jeune clair a

pris l’air tandis que leur père cercle plus haut. Le clair ne tarde pas à redescendre par paliers pour se percher à l’endroit exact où se tenait son frère - ou sa sœur - cinq minutes auparavant. Nouveaux cris, 10 minutes plus tard…Le jeune sombre explore les alentours du cirque boisé, où il attaque par jeu une bondrée. Toujours des cris… Toujours en l’air, le jeune sombre est rejoint par un second jeune…sombre lui aussi ! L’instant d’après, il y a TROIS jeunes bottés, les deux sombres et un clair, évoluant ensemble calmement, presque sans chahuter ! Quelques minutes plus tard, le clair descend dans le secteur de l’aire, les deux autres suivent rapidement et je ne les voit plus. Bon, il y a trois jeunes, ce qui est tout à fait exceptionnel, et le

Page 4: Document

L’Aigle botté n°1 - LPO Mission Rapaces - Septembre 2009 4.

Prédation par le Grand-duc dans le Puy-de-DômeLe 20 septembre 2008, sous une des grandes sapinières des versants nord des gorges de la Dordogne, je fais d’une pierre deux coups : ramassage de chanterelles grises, laccaires améthystes ou autres bolets bais, tout en recherchant l’aire d’un couple d’Aigle botté découvert en 2007. La reproduction a vraisemblablement eu lieu cette année, mais à mon grand désarroi, je n’ai pas eu le temps de vérifi er le nombre de jeunes à l’envol… De toute façon il est probablement trop tard, je n’y vais que pour localiser le nid afi n de pouvoir vérifi er la reproduction en 2009 mais aussi pour récupérer des restes de proies. Ayant pris quelques repères depuis la rive opposée (sapin mort perchoir favori de la femelle, petite parcelle exploitée, bouquet de hêtres), je trouve bientôt l’aire, bien assise et dissimulée contre le tronc sur les branches latérales

d’un grand sapin blanc, 50 mètres en contrebas de la ligne de crête, situation typique pour cette espèce dans ces contrées. Il s’agit d’un nid anciennement occupé par le Milan royal comme le montre la présence au sol de plastiques, d’os à moelle et d’un humérus de l’espèce, tous déjà bien altérés par le temps. La présence de nombreuses pelotes contenant des Campagnols terrestres me met le doute, s’agit-il bien du nid des Aigles bottés ? Quelques bassins, bréchets et autres os et plumes d’oiseaux typiques du spectre alimentaire de l’Aigle me rassurent. Le nid comporte également une épaisse couche de feuilles et rameaux, il s’agit bien du nid des Aigles… En poursuivant mes recherches « alimentaires », à quelques mètres en contrebas de l’arbre qui abrite le nid, sur un ancien chemin, surprise ! Une plumée toute fraîche d’un jeune Aigle botté de morphe claire, toutes les rectrices et

Juvénile en migration à Leucate, dans l’Aude. Photo : R.Riols

sous-caudales sont là, une belle tectrice de Grand-duc un mètre à côté ! Satané mangeur de tout ! Il aurait pu choisir un autre dessert tout de même ! En plus, il n’est même pas connu dans ce coin, je devine une petite falaise qui ferait bien l’affaire sur la rive opposée, mais je ne vois rien qui laisse trahir la présence du Bubo, peut-être un autre rocher invisible se trouve-t-il plus bas dans le vallée… En remontant la pente, chargé d’un panier de champignons et d’un sac de proies d’Aigle botté, nouvelle surprise, déjà en partie engloutis dans l’humus par la clique des décomposeurs à six pattes, les restes d’un deuxième jeune Aigle botté ! Toutes les plumes de vol et le squelette sont là, à l’exception du crâne… De quoi est-il mort ? Mystère… Les adultes auraient-ils également été prédatés ?...Ce couple aura donc produit deux jeunes à l’envol qui ne seront malheureusement

mâle mais, en une heure et demie, je n’ai pas une seule fois, vu la femelle…En chasse quelque part ? Il est peu vraisemblable qu’avec trois affamés à nourrir, elle soit restée cachée en sous-bois.Par la suite, c’est mon fi ls Romain qui va prendre le relais des observations, ne voulant pas croire à «mes» trois jeunes. A sa première et longue visite, il n’observe qu’un jeune sombre. Deux jours plus tard, il ne voit à nouveau qu’un jeune sombre à plusieurs reprises et lors de diverses activités (mais est-ce bien toujours le même ?) et entend les cris d’un autre resté en sous-bois… mais il observe trois ravitaillements par deux adultes sombres différents, le mâle local qui présente une légère mue et un autre au plumage intact (à noter que la veille, à deux kilomètres du site, le mâle local a été vu volant de concert avec un autre individu sombre, vis-à-vis duquel il prenait une posture d’intimidation). Les trois transferts de proie ayant été ratés à l’arrivée, même si « ça piaille dans tous les sens », la connaissance de la situation des jeunes n’a guère évolué en six heures et demi d’observation. Une chose intéressante, l’attaque hyper furieuse et bruyante du mâle nicheur sur une femelle adulte d’Aigle royal proche. A partir du 5 septembre, Romain ne voit toujours qu’un seul sombre sur le site, récupérant une proie auprès du second adulte

sombre puis «chassant» avec le jabot plein le 9, date de la dernière observation.Que s’est-il donc passé ici cette année ? Tout d’abord, la femelle nicheuse a disparu avant l’émancipation des jeunes… A-t-elle été victime d’un prédateur ? Ou bien, à l’instar de femelles espagnoles suivies par télémétrie, est-elle partie en migration précocement, abandonnant sa progéniture à leur père ?Ensuite, le fameux second adulte sombre, malheureusement non sexé, qui est-il ? Encore une hypothétique femelle baladeuse ? Ne pourrait-il s’agir d’un oiseau de seconde année (par exemple, pourquoi pas, l’un des jeunes nés sur ce site en 2007) à l’instinct maternel/paternel particulièrement développé ?Enfi n, concernant les juvéniles, pourquoi, en cinq demi-journées d’observation assidue, n’en a-t-il été vu apparemment qu’un seul, même si les multiples contacts d’un sombre peuvent en réalité se rapporter à deux individus indifférenciés ? Le clair aurait-il été timide au point de ne plus se montrer à découvert ? Et pourquoi ? Ou bien y a-t-il eu prédation ? Sur l’un ou deux d’entre eux ? Une chose est sûre : les tueurs et dévoreurs éventuels sont bien présents sur les lieux…l’Autour (un en parade vraiment tout près de l’aire), le Faucon pèlerin et surtout l’Aigle royal

inhabituellement assidu cette année dans ce secteur…sans oublier le Grand-duc, nicheur à tout juste deux kilomètres… sans oublier non plus la Martre et le Chat forestier, tous deux fort capables de faire son affaire à un jeune botté imprudent. Que d’interrogations !

• Christian RiolsLPO Aude9, chemin de la Devèse - 11340 Espezel

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L’Aigle botté n°1 - LPO Mission Rapaces - Septembre 2009 5.

Espèces proies Total proies % proiesMammifères 22 22,45

Musaraigne 1 1,02Campagnol des champs

3 3,06

Campagnol terrestre

17 17,35

Lapin 1 1,02Oiseaux 72 73,47

Caille des blés 2 2,04Perdrix grise 1 1,02Poulet 1 1,02Touterelle turque 1 1,02Pigeon domestique

11 11,22

Pigeon ramier 7 7,14Pic épeiche 3 3,06Martinet noir 1 1,02Rouge-gorge 2 2,04Grive draine 5 5,10Grive musicienne 5 5,10Merle noir 2 2,04Hirondelle rustique

2 2,04

Mésange charbonnière

2 2,04

Grosbec casse-noyaux

2 2,04

Etourneau 5 5,10Choucas 2 2,04Pie bavarde 3 3,06Geai des chênes 15 15,31

Reptiles 4 4,08Lézard vert 4 4,08

Total proies 98 100

jamais partis vers l’Afrique, l’un ayant fini dans les estomacs des bousiers et autres nécrophages, l’autre dans celui d’un Grand-duc ! Il s’agit du premier cas connu de prédation par le Grand-duc dans le Puy-de-Dôme, où pourtant plus de 6 500 proies ont déjà été déterminées ! A notre connaissance, un seul cas est connu en France sur un site de

Régime alimentaire de l’Aigle botté (en % du nbe de proies) dans les Gorges de la Sioule et de la Dordogne (63), de la Truyère (15) et de l’Allier (43). n=98

Les proies identifiées en Auvergne.

en fin de période de reproduction pour affiner nos connaissances sur la biologie de l’espèce, Christian Riols analysant bénévolement les lots qui lui seront expédiés.

• Romain Riols et Christian RiolsLPO Auvergne et LPO [email protected]

Première approche du régime alimentaire de l’Aigle botté dans les grandes vallées d’AuvergneMatériels

En 2008, dans quelques grandes vallées et gorges d’Auvergne, les sites où un nid était connu et occupé par l’Aigle botté (n=9) ont fait l’objet d’une visite afin de récolter les restes alimentaires après l’envol des jeunes.Le nombre de proies récoltées s’élève à environ une dizaine pour chaque site soit une petite centaine au total, ce qui est assez peu. Les restes d’oiseaux et les pelotes contenant des plumes ou des écailles (reptiles) disparaissent probablement très vite. Ainsi seuls quelques os et plumées fraîches ont été trouvées, ainsi que des pelotes contenant des poils. La proportion de mammifères dans les résultats présentés ci-dessous est donc probablement surévaluée du fait de la meilleure résistance des pelotes « à poils »…Quelques proies identifiées lors de captures ou de ravitaillements complètent les données issues des récoltes sous les nids.

RésultatsAu total, 98 proies ont été déterminées, il apparaît que le régime alimentaire montre une forte prédominance d’oiseaux (19 espèces) de taille petite à moyenne (fringilles, hirondelles, turdidés, colombidés, petits corvidés et gallinacés), auxquelles s’ajoutent quelques lézards verts, mais aussi des mammifères (quatre espèces). Ce régime est en totale adéquation avec ce qui est connu chez l’espèce, en Espagne notamment (Garcia-Dios, 2005). Le Lézard vert constitue vraisemblablement une part plus importante du régime alimentaire

dans les gorges du sud de la région (Truyère et Haut Allier), en effet plusieurs captures et ravitaillements ont été observés mais aucun reste n’a été trouvé sous les nids. Plus surprenante est la consommation importante de campagnols terrestres (37 %) notée chez certains couples de la haute vallée de la Dordogne où les plateaux environnants accueillent de fortes pullulations. Globalement, trois familles d’oiseaux : turdidés, colombidés et petits corvidés (Geai essentiellement) auxquels se rajoutent le Campagnol terrestre représentent plus des trois quarts du régime alimentaire. La détermination du spectre alimentaire de l’Aigle botté va se poursuivre sur ces sites afin d’obtenir à terme un échantillon suffisamment significatif.Nous invitons, bien évidemment, l’ensemble des observateurs connaissant l’emplacement de nids à effectuer ce genre de récolte

migration dans l’Aude, département où plus de 10 000 proies ont été déterminées (C. Riols, com.pers.). Trois cas concernant des adultes en période d’incubation sont connus en Espagne (Garcia Dios, 2005).21 juin 2009 : Ouf ! Le couple est bien là, la femelle couve dans le même nid sur un ou deux poussin(s)…

S’il vous plaît, Maître Bubo, cette année, régalez-vous plutôt d’une Buse que d’un Aigle botté ! C’est tout de même une espèce rare et vulnérable.

• Romain RiolsLPO [email protected]

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L’Aigle botté n°1 - LPO Mission Rapaces - Septembre 2009 6.

International Résultats de six ans de suivis dans la communauté de MadridL’Aigle botté est relativement abondant dans la Péninsule Ibérique, qui accueille plus de la moitié de la population européenne estimée à 3 600-6 900 couples. La conservation de l’espèce repose donc en grande partie sur l’Espagne. Mais l’Aigle botté est un des aigles les moins étudiés et c’est la raison pour laquelle le Fonds pour la recherche et la conservation des animaux sauvages et de leurs habitats (FICAS) a souhaité améliorer les connaissances sur l’espèce. Le recensement et le suivi ont été initiés en 1999, grâce au soutien pluriannuel du service environnement de Madrid. La population madrilène, estimée à 50-100 couples en 1987 (Martinez, 1987) est réévaluée à plus de 200 couples, probablement en raison d’une meilleure prospection. En effet, l’espèce ne semble pas être en augmentation dans la communauté de Madrid, où durant les six années de l’étude, les territoires occupés ont diminué de 15 %. L’Aigle botté occupe préférentiellement les pinèdes de la Sierra de Guadarrama, où il niche jusqu’à 1 700 mètres d’altitude. L’étude a porté sur ces forêts de pins sylvestres qui accueillent plus de la moitié des effectifs de la communauté. L’Aigle botté montre une nette tendance à nicher en noyaux de populations. Dans certains secteurs, plus de 10 couples ont été localisés. L’Aigle botté peut être considéré comme une espèce sociable : il possède différentes vocalises et vols qui permettent la communication entre les partenaires et avec les congénères. Des jeux et des collaborations réunissant des individus de couples différents ont été observés. Deux observations particulièrement intéressantes sont à relever : le cas d’une femelle veuve aidée par un immature à élever l’unique jeune et le cas d’un jeune introduit dans une famille différente de la sienne, accepté et volant de concert avec ses nouveaux frères.

Conditions climatiques, compétition interspécifi que et caïnisme

Le suivi des paramètres reproducteurs a permis d’identifi er quelques facteurs infl uant sur la dynamique des populations. Ce suivi a nécessité le contrôle annuel d’une centaine de territoires répartis en sept noyaux dans les sierras de Guadarrama et du nord de Madrid.Le nombre de jeunes à l’envol par couple producteur, de 1999 à 2003, est conforme aux valeurs relevées dans la bibliographie : 1,57 dans la région de Murcie (Sanchez, 1995) et 1,7 dans le Alto Tajo (B. Arroyo, 2003). En 2004 cette valeur chute à 1,1, pour des raisons inconnues. Toutefois, cette année-là, les restes de corvidés dans les aires ont été retrouvés en moins grand nombre. Bien que de façon moins brutale, le nombre de jeunes à l’envol par couple territorial a également diminué. Durant les six années de suivi, la moyenne est de 0,8. Après le pic de 1,3 relevé en 1999, ce taux a diminué jusqu’à 0,5 en 2004. Les conditions climatiques au printemps on pu avoir un impact. L’Aigle botté est sensible aux épisodes de pluie ou de neige en avril et mai (Dios, 2000), qui peuvent retarder l’arrivée des oiseaux sur les sites de nidifi cation et les dates de ponte, diminuer le taux d’éclosion, augmenter la mortalité des poussins au nid. Les fl uctuations d’effectifs sont également prises en compte. Ces fl uctuations qui ont été relevées plusieurs années, comme en 2004 où moins d’individus sont notés au retour de migration, infl uent sur le nombre de couples nicheurs. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : conditions climatiques défavorables, changements de territoire de nidifi cation, ou forte mortalité des adultes.De même, une surprenante augmentation de la proportion d’oiseaux de formes sombre et intermédiaire est observée. Ceux-ci représentent près de la moitié des

individus dans certains noyaux. Cette tendance, surtout observée chez les femelles, peut indiquer des différences du taux de survie en fonction du plumage.La concurrence avec les autres rapaces forestiers est également prise en compte. La Buse et l’Autour partagent les mêmes territoires de nidifi cation. La Buse niche plus précocement, mais la phénologie et le régime alimentaire de l’Autour sont très proches de ceux de l’Aigle botté. Il a été observé que ces deux espèces, notamment dans les secteurs à forte densité, partagent le même territoire que l’Aigle botté, et que, bien qu’ils ne le chassent pas, ils peuvent le priver des aires. Des cas de caïnisme ont été observés de même que des poussins tombés au sol, probablement poussés par leurs frères. Les jeunes ainsi retrouvés ont été réinstallés dans leur nid d’origine, excepté dans un cas où le jeune déjà volant a dû être introduit avec succès dans une famille de cinq individus (deux jeunes et un trio d’adultes polyandre).

Facteurs anthropiquesLes travaux forestiers constituent une menace sérieuse, nécessitant la définition de périmètres de protection. Nos recommandations ont été suivies à plusieurs reprises. Dans la zone d’étude, il est suggéré que les travaux forestiers soient suspendus de mi-avril à mi-août. Les agents forestiers semblent être de plus en plus sensibles à cette problématique. Les corvidés, et notamment les jeunes volants de pie bleue (cyanapica cyana), pie bavarde (pica pica) et geais (garrulus glandarius) représentent la moitié des proies récoltées aux nids. Les autres proies telles que les pigeons, perdrix, lagomorphes et lézards, considérées comme les proies classiques (Araujo, 1974 et Noval, 1975), ne représentent qu’une faible part. Ce constat témoigne de l’état de conservation alarmant de ces espèces dans la Sierra de Guadarrama

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L’Aigle botté n°1 - LPO Mission Rapaces - Septembre 2009 7.

et son piémont. La rareté de ces espèces proies peut expliquer le changement de régime alimentaire de l’Aigle botté.Les bois, prairies et pâturages qui entourent les villages de la zone, et qui constituent des territoires de chasse très fréquentés, se réduisent considérablement sous la pression de l’urbanisation. Une enquête menée auprès des centres de soins montre que peu d’oiseaux proviennent des zones de nidification. La plupart sont recueillis dans les zones éloignées, qui sont des territoires de chasse ou d’émancipation.La mortalité estimée à 15 % en 2004 sur notre zone d’étude semble constante tout au long de la période de reproduction, bien qu’un léger pic soit observé en août et septembre. Sur les 40 cas analysés entre1996 et 2001, 30 % sont imputés aux électrocutions et plus de 15 % à des tirs.

Territoires de chasse et d’émancipation

12 poussins et huit adultes capturés en milieu naturel ainsi que trois adultes et un poussin issus de centres de soin ont été équipés d’émetteurs VHF. Grâce au radiopistage, il est montré que les territoires d’émancipation (du premier envol au départ en migration) sont relativement petits, environ 100 ha en moyenne, ce qui permet aux aigles bottés de nicher relativement près les uns et des autres. Cette phase émancipatoire, durant laquelle la mortalité s’est révélée être basse (seul un jeune est mort, tué par un chat au cours des premiers envols), dure environ sept à huit semaines. Durant la première semaine, ils restent le plus souvent inactifs dans les branches à proximité du nid. Durant la seconde, ils volent à la cime des arbres et utilisent des perchoirs à découvert. Entre la troisième et la quatrième, ce sont les premiers vols ascendants et les premiers jeux aériens. A la cinquième, ils parcourent le territoire, accompagnent les adultes sur les zones de chasse. Durant la sixième, adultes et jeunes sont souvent séparés bien que les apports de nourriture

persistent. A la fin de cette période, généralement mi-septembre, ils utilisent des perchoirs éloignés du nid et perfectionnent les techniques de vols de déplacements, préparant la migration. Les captures d’individus adultes, pour le suivi télémétrique, se sont déroulées de 2002 à 2004 : trois femelles en 2002, un mâle et une femelle en 2003, un mâle et deux femelles en 2004. A la différence des jeunes qui exploitent un territoire très petit, les adultes alternent entre les zones de chasse proches du nid, et d’autres plus éloignées, jusqu’à 60 kilomètres ! Les données de baguages sont régulières dans ces territoires éloignés où abondent le lapin, la perdrix rouge, et le pigeon ramier. Il n’est d’ailleurs pas exclu que ces secteurs soient de première importance pour d’autres populations du centre de la péninsule ibérique. Les aigles peuvent y stationner plusieurs jours. L’absence d’un parent en période d’élevage laisse penser à une division des tâches au sein du couple. Il est probable que les individus qui reviennent pour la première fois sur les territoires de reproduction fréquentent ces mêmes zones. C’est en tout cas ce que laissent penser les observations régulières d’immatures, que les auteurs parviennent à reconnaître grâce à de minimes différences de plumages. Cette hypothèse s’appuie également sur le suivi télémétrique de deux adultes, issus de centres de soin et non reproducteurs. Après être restés quelques jours sur le secteur de nidification où ils ont été relâchés, ils se sont déplacés sur ces zones de chasse éloignées, utilisées par les couples reproducteurs.

Migration Le suivi par télémétrie montre également que les femelles abandonnent mâles et jeunes pour partir en migration (quatre l’ont fait, dont une durant deux années consécutives). Une, en revanche, est restée avec les jeunes jusqu’à son départ en migration fin-septembre.Les départs en migration s’étalent de mi-août jusqu’à octobre. Le trajet jusqu’à Gibraltar semble être effectué lentement, et les oiseaux visitent les zones où le

lapin abonde, à en juger par le suivi de trois individus qui ont utilisé comme couloir aérien la vallée du Guadarrama jusqu’à sa confluence avec le Tage. Le départ en migration semble se passer différemment chez les jeunes car tous ceux suivis par télémétrie, hormis un, ont quitté rapidement la communauté de Madrid mi-septembre. Avant de partir en migration, un jeune a passé une nuit dans une zone de chasse fréquentée par ses parents, à 20 kilomètres du site de nidification. Les adultes et les jeunes ne semblent pas migrer ensemble. Des jeux aériens entre groupes de jeunes ont pu être observés à la tombée du jour à Gibraltar.Sur les trois femelles équipées en 2002, une seule est revenue de ses quartiers d’hivernage, localisée mi-avril sur son territoire. Concernant la femelle et le mâle équipés en 2003 : le mâle est revenu le 23 avril sur son site où jusqu’à trois mâles ont été contactés ensemble. La femelle a été retrouvée morte (Castrejon), probablement victime d’une électrocution.Le mâle équipé en 2004 a été retrouvé mort, sans que la cause puisse être identifiée, à six kilomètres de son nid, moins d’un mois après avoir été équipé de l’émetteur. Les deux femelles équipées en 2004 n’avaient pas encore été contactées lors de la rédaction de cet article (janvier 2005). Sur les 12 poussins équipés au nid, aucun n’avait encore été contacté en retour de migration.En 2005, deux adultes, mâle et femelle, ont été équipés d’émetteurs satellites. Les résultats attendus concernent principalement les causes de mortalité, les sites de halte migratoire et les territoires d’hivernage.

• José Díaz Ruiz [email protected]

Source : Quercus n°21, janvier 2005Résumé : Renaud Nadal, LPO Mission Rapaces

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L’Aigle botté n°1 - LPO Mission Rapaces - Septembre 2009 8.

L’Aigle botté

Bulletin réalisé et édité par la Mission Rapacesde la LPO

Tel : 01 53 58 58 38 Fax : 01 53 58 58 3962 rue Bargue, 75015 Paris [email protected]

Réalisation : Renaud NadalRomain RiolsYvan Tariel

Relecture : Danièle Monier

Photo de couverture : David Fajardo

Maquette : La Tomate Bleue

LPO © 2009

A l’automne 2008, un jeune Aigle botté, trouvé à Marseille, a été récupéré par la police nationale et transféré à Buoux, au Centre de sauvegarde de la faune sauvage géré par la LPO PACA. Nous ne connaissons pas l’origine exacte de l’oiseau (ce sont des particuliers qui l’ont découvert dans leur jardin) mais celui-ci provenait manifestement de captivité illicite : rectrices excessivement usées,

Détention d’un Aigle botté

Menaces

A l’affût des hivernants du delta de l’Ebre

L’Aigle botté hiverne dans la péninsule ibérique dans le delta de l’Ebre, en Catalogne. C’est sur son reposoir favori que cet Aigle botté, pleine gorge, entame sa digestion. Très peu mobile, comme tous les aigles dans ces moments là, il y est resté quatre heures, moi aussi...

Cette photographie a été prise en Espagne, dans le delta de l’Ebre, en janvier 2009. Matériel utilisé: Swarovski ATM 80 HD avec 30W et APN Sony W17.

• Christian Aussaguelaussaguel.

[email protected]

L’Aigle botté hiverne dans la

Cette photographie a été prise en Espagne, dans le delta de l’Ebre, en janvier 2009. Matériel utilisé: Swarovski ATM 80 HD avec 30W et APN Sony W17.

[email protected] botté dans le delta de l’Ebre. Notez le jabot bien gonfl é.

Photo : C.AussaguelAigle botté dans le delta de l’Ebre. Notez le jabot bien gonfl é.

Photo : C.AussaguelAigle botté dans le delta de l’Ebre. Notez le jabot bien gonfl é.

Photo : C.Aussaguel

PrécisionsCet aigle est un oiseau de deuxième

année (premier hiver), comme en témoigne la couleur nettement rousse de la calotte (dorée chez l’adulte), cette même teinte s’étendant sur la poitrine et plus

L’Aigle botté

Rémiges primaires et secondaires sectionnées.

Rémiges primaires et secondaires sectionnées.

Rémiges primaires

Rectrices usées. Photo : S. Lebreton (CRSFS)Photo : S. Lebreton (CRSFS)

Le numéro 6 de La feuille & la plume, bulletin du partenariat LPO/ONF est paru. Au sommaire de ce numéro, la liste rouge des espèces menacées en France, les secondes rencontres du réseau Circaète, le bilan du suivi Cigogne noire 2008, un zoom sur l’Aigle botté et les dernières actualités. Ce bulletin est

La Feuille et la Plume

diffusément sur le reste des parties inférieures. Notez également la poitrine marquée de petites stries fi nes (plus fortes chez l’adulte) et surtout l’aspect non usé, propre et écailleux des couvertures sus-alaires avec des liserés bien réguliers. Enfi n, à cette faible distance, l’iris noirâtre est aussi diagnostique (ambré chez l’adulte).Les données d’Aigle botté hivernant en Camargue et sur le pourtour méditerranéen ne précisent jamais l’âge des oiseaux.Un prochain numéro du bulletin l’Aigle botté sera l’occasion de diffuser une note sur la détermination de l’âge.

• Romain RiolsLPO [email protected]

rémiges coupées, l’oiseau présente également un comportement «domestiqué». Cette année encore, plusieurs rapaces dans le même cas ont été accueillis au centre (Buse féroce, Crécerellette).

• Olivier Hameau LPO Paca -CRSFS

[email protected]

Sensibilisation

également téléchargeable sur les sites Internet de la LPO (http://www.lpo.fr/rapaces/index.shtml) et de l’ONF (http://www.onf.fr/lire_voir_ecouter/@@index.html).

• Fabienne DavidLPO Mission [email protected]

Lancée en 2007, la Liste rouge se décline en chapitres taxo-nomiques (mammifères, plantes vasculaires, crustacés,libellules…) et géographiques (métropole, Réunion,Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie…). Fondé sur une solidebase scientifique, le statut des espèces est classé par descritères précis de catégories de menaces. Son élaborationrepose sur l’expertise des scientifiques du Muséum et duréseau de spécialistes du Comité français de l’UICN. Lesévaluations bénéficient des données collectées depuis desannées sur tout le territoire grâce à la mobilisation desréseaux associatifs.Le chapitre sur les oiseaux nicheurs de métropole a étépublié en décembre 2008 avec la collaboration de laLPO, la Société d’études ornithologiques de France etl’Office national de la chasse et de la faune sauvage(résultats consultables sur www.uicn.fr).Les résultats révèlent une situation préoccupante : 73des 277 espèces analysées sont actuellement menacéesen métropole. Par exemple, le pic cendré apparaît enforte régression sur tout le territoire, et une espèceautrefois aussi commune que le bouvreuil pivoine estaujourd’hui “vulnérable” avec un déclin de près de 60%en moins de 20 ans. Au total, alors que 12% des espècesd’oiseaux sont menacées d’extinction au niveau mon-

dial, 26% des espèces nichant en métropole risquent dedisparaître. En dépit de cette situation préoccupante,des exemples montrent que les efforts de conservationpeuvent porter leurs fruits. Les actions de protection deszones humides engagées depuis plus de deux décenniesont permis d’améliorer la situation de plusieurs espèces,comme le blongios nain et la guifette moustac. Et aprèsavoir disparu de France pendant près d’un siècle, le vau-tour moine niche à nouveau dans les Grands Caussesgrâce au succès de son programme de réintroduction.La Liste rouge permet, en analysant objectivement etscientifiquement le risque d’extinction des espèces, dedéterminer les priorités de conservation. C’est un outilparticulièrement intéressant pour le gestionnaire afinqu’il adapte ses actions pour favoriser le rétablissementdes espèces les plus menacées… et pour diminuer lespressions sur les espèces proches de le devenir ! C’estune responsabilité forte car la lutte contre la disparitionde la biodiversité ne pourra être gagnée que par desactions déterminées sur le terrain, qui préserverontdurablement les populations et leurs milieux naturels.

François Letourneux & Sébastien MoncorpsPrésident & Directeur du Comité français de l’UICN

N°6 - mars 2009

la feuille & la plumeOffice national des forêts Ligue pour la protection des oiseaux

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La Liste rouge des espèces menacées en FranceLe Comité français de l’UICN et le Muséum national d’histoire naturelle se sont associés pour élabo-rer la Liste rouge des espèces menacées en France. Ce projet, mobilisateur et participatif, vise à dres-ser le bilan de l’état des espèces présentes en France métropolitaine et Outre-mer. Il permettra demesurer l’ampleur des enjeux, les progrès accomplis et les défis à relever.

Édito� Liste rouge

Espèces patrimoniales� Circaète, cigogne noire

Zoom� Aigle botté

Actu� Cahiers techniques, charte...