Interne en psychiatrie : quelles perspectives d’avenir ?

Alexandre YAILIANa ; Emilie OLIEb

a. SMPEA Peyre-Plantade, CHU Montpellier / UM1, Montpellier France ; b. Dpt Urgences et post urgences psychiatriques, Hôpital Lapeyronie, CHU Montpellier / UM1 / INSERM U1061,

Montpellier, France

Patient

PATIENT Centrer les soins sur

la personne malade,

dans sa globalité.

Modèle bio-psycho-social

Malgré l’avancée des savoirs et l’évolution des mentalités, force est de constater qu’il est difficile de proposer une définition claire pour l’avenir de la psychiatrie. En ef-

fet, notre spécialité a longtemps souffert d’une séparation entre cerveau (brain) et esprit (mind).

Les maladies mentales représentent une mortalité et une morbidité plus élevées, une qualité de vie diminuée et des conséquences socio-économiques majeures. Quelques chiffres marquants :

L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’en 2020, 5 des 10 pathologies les plus préoccupantes dans le monde seront psychiatriques. Ce sont la schizophrénie, les troubles bipolaires, les addictions, la dépression et les troubles obsessionnels compulsifs. En 2011, d’après l’observatoire du Samu Social, 1 personne sans abri sur 3 souffre de troubles psychiques graves. Le coût de la santé mentale en Europe est majeur, représentant plus d’1 % du PIB de la région économique. Les coûts indirects priment très largement sur les coûts entraînés par la prise en charge de la maladie. La pharmacodépendance est une notion encore peu évaluée en France mais on estime qu’en 2010, 1 Français sur 5 a consommé un psychotrope au cours de l’année.

Connaître l’évolution de la psychiatrie mais aussi comprendre les changements de paradigmes et de courants idéologiques nous permet de mieux penser la psychiatrie de demain.

CONTEXTE

Etre interne en psychiatrie aujourd’hui, c’est faire le choix de participer à l’évolu-

tion du paysage psychiatrique français. C’est peut-être favoriser une continuité

entre tradition et modernité.

Transmission du savoir des psychiatres expérimentés + enthousiasme et

confiance des internes = avenir optimiste ?

Coûts directs

42 milliards €

Coûts indirects 76 milliards €

dont :- consultations externes à l'hôpital (54%)- hospitalisations (24%)- médicaments (22%)

(absentéisme,mortalitéprématurée)

Coût de la santé mentale dans les pays de l'union européenne en 2008 (Source OCDE)

118 milliards d'euros

La psychiatrie d’hier à aujourd’hui :

Une source de questionnement depuis l’Antiquité.

Un développement parallèle à la médecine : une science empirique.

Plusieurs courants de pensée, des affrontements d’idées...

Cerveau - brain

Quelques repères :

Dans l’Antiquité, les maladies mentales ont

pour origine le Corps, mais le lien avec le cer-

veau n’est pas toujours fait.

J-M Charcot (XIXème siècle) : titulaire de la

première chaire de neurologie, il fait l’hypo-

thèse que l’hystérie a une origine cérébrale.

En 1949, E. Moniz et A. Lima reçoivent le prix

Nobel pour la lobotomie ; ce qui pourrait pa-

raître aujourd’hui inconcevable, était fréquent

dans le Monde après la seconde Guerre Mon-

diale. Plus de 100.000 patients furent loboto-

misés dans le Monde entre 1945 et 1954.

1951 : « La chlorpromazine: le prototype du

médicament psychiatrique » (J. Delay et P. De-

niker) ; dès lors, on observe un développe-

ment croissant de l’industrie pharmaceutique

pour répondre à la demande de médicaments

jusqu’à un ralentissement récent, avec le dé-

sinvestissement pour la recherche de la plu-

part des grands groupes.

XXIème siècle : vers un retour de la

neuropsychiatrie?

Les sciences cognitives nous apportent très ré-

gulièrement une nouvelle lecture de nos mé-

canismes de pensée.

La neurobiologie (de la psycho-pharmacologie

à l’imagerie cérébrale, sans oublier la géné-

tique moléculaire) est indispensable pour ap-

préhender la physiologie des maladies men-

tales. La publication des études dans ce do-

maine est exponentielle.

Esprit - mind On retrouve une réflexion sur les comporte-

ments humains et les phénomènes mentaux

dès l’Antiquité, néanmoins la psychologie est

considérée jusqu’à la fin du XIXème siècle

comme une branche de la philosophie. Platon

(IVème siècle av. J-C) : « l’âme pilote le corps ».

Le modèle dualiste impliquant une séparation

du corps et de l’esprit-âme sera dominant jus-

qu’au XXème siècle.

D’une part, l’étude de l’esprit évoluera vers la

psychologie expérimentale avec une étude des

procédés cognitifs, d’autre part elle se con-

centrera sur les mécanismes plus inconscients

encore inaccessibles au raisonnement scienti-

fique, avec le modèle psychanalytique.

Les théories psychanalytiques ont introduit

une conception dynamique de la vie mentale,

permettant d’envisager le symptôme, non plus

isolément, mais en fonction de l’histoire pas-

sée.

Ces dernières théories ont été remises en

question à de nombreuses reprises car elles

sont généralement non soumises à l’épreuve

scientifique. Comme tout modèle, celui-ci

peut évoluer, en réfutant les concepts anté-

rieurs.

Les très nombreuses formes de psychothéra-

pie actuelles sont la preuve de l’intégration

des différentes philosophies et psychologies,

avec comme notion clé, l’alliance thérapeu-

tique entre le professionnel et le patient.

Pistes pour l’avenir

« Un jour, au XXIème siècle, lorsque le génome et le cerveau humain auront été complètement cartographiés, peut-être sera-t-il nécessaire de mettre en place un plan Marshall inversé pour que les Européens – grâce à leur grande tradition psychopathologique – sauvent la science américaine en lui permettant de comprendre réellement qui est schizophrène ou même ce qu’est la schizophrénie. Nous risquons de ne pas pouvoir utiliser les retombées du projet de décryptage du génome hu-main car nous n’aurons plus de chercheur en clinique. »

N. Andreasen, Psychiatre, neuro-scientifique, docteur ès littérature.

CONFRONTATION DES THEORIES : un moteur pour la psychiatrie aujourd’hui, en ten-CONFRONTATION DES THEORIES : un moteur pour la psychiatrie aujourd’hui, en ten-

tant d’éviter les clivagestant d’éviter les clivages.

« La créativité et le génie ne peuvent s’épanouir que dans un milieu qui respecte l’indivi-dualité et célèbre la diversité »

Tom Alexander

Formation des internes

Durée de l’internat en question

Contenu de la formation ?

Lutter contre la stigmatisation des maladies mentales

Eviter une surmédicalisation de la

souffrance psychique

Développer de nouvelles interfaces (école, domicile, prisons, partenariat avec d’autres spécialités…)

Recherche interdisciplinaire avec les ITMO (instituts thématiques multi-Organismes)

Précarité

Généraliser les équipes d’urgences et les unités mobiles

Accueillir de façon spécifique les migrants en souffrance

Sources

J. Hochmann, Histoire de la psychiatrie, PUF, 2011. / Guelfi et coll, Manuel de psychiatrie 3e éd. , Masson, 2012. / www.psych.org (APA). / F. Gonon, la psychiatrie biologique: une bulle spéculative, Esprit, nov. 2011. / Rapport CNUP-AFFEP sur la for-

mation des internes en psychiatrie, 2012. / www.aviesan.fr / www.fondation-fondamental.org

12 e 22, 23 et 24 janvier 2014