his tomo nose

3
L’histomonose Mise à jour : 30.06.08 Jean-Luc GUERIN et Cyril BOISSIEU L’histomonose est une maladie parasitaire, infectieuse, propre aux galliformes. Il s’agit d’une typhlo-hépatite qui affecte surtout la dinde et la pintade. Cette maladie est décrite depuis longtemps (dès 1895). Elle était devenue très rare depuis l’utilisation d’antiparasitaires efficaces, jusqu’au début des années 2000. L’interdiction des anti-histomoniques (2003) a entraîné une réémergence de la maladie, principalement dans la filière dinde. Synonymie : maladie de la tête noire / « maladie de la crise du rouge » En anglais : blackhead disease L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène L’agent responsable est Histomonas meleagridis, protozoaire flagellé polymorphe. Deux formes existent chez l’hôte définitif : une forme sans flagelle dans les tissus, et une forme avec flagelle dans la lumière caecale. Le cycle évolutif de Histomonas meleagridis est, pour partie, lié au cycle du nématode Heterakis gallinarum, parasite des caeca des volailles. La transmission de H. meleagridis d’un hôte à un autre se fait par l’intermédiaire des oeufs de H. gallinarum résistants dans le milieu extérieur. Les oeufs ingérés libèrent le protozoaire dans la lumière caecale, où il se multiplie. Ensuite, il passe à travers la paroi caecale dans le sang et gagne le foie. Dans les caeca, il cohabite avec les adultes H. gallinarum qu’il peut réinfecter. Les oeufs d’H. gallinarum assurent la survie de H. meleagridis dans le milieu extérieur, mais aussi une protection dans les voies digestives. Les oeufs parasités de H. gallinarum peuvent être ingérés par des vers de terre qui accumulent et véhiculent les larves porteuses de H. meleagridis. S’il a longtemps été considéré que H. gallinarum jouait un rôle essentiel dans le cycle parasitaire de H. meleagridis, il est maintenant admis une autre possibilité de transmission, directe de la forme trophozoïque par ingestion de fèces infestés (« cloacal dropping »). Les données épidémiologiques De nombreux galliformes hébergent le parasite. La dinde, la pintade et la perdrix sont très sensibles, alors que la poule, le faisan ou la caille expriment une forme plus discrète. Actuellement, l’espèce la plus concernée par des formes cliniques d’histomonose est la dinde. Il existe aussi des différences de sensibilité entre les souches de volailles. Les formes les plus graves chez la dinde s’expriment dès la fin du 1 er mois de vie, mais surtout entre 8 et 18 semaines d’âge. Chez la poule, les symptômes sont visibles vers 3 à 5 semaines. Les poules et dindes plus âgées sont réceptives mais les formes cliniques sont plus rares ou moins marquées. Elles excrètent par contre de nombreux oeufs d’Heterakis. Les volailles peu sensibles (poules), les dindes âgées, et les oiseaux sauvages sont des porteurs sains qui constituent un réservoir. Heterakis joue un rôle significatif de vecteur, car il parasite les mêmes hôtes que H. meleagridis, et il le protège dans le milieu extérieur. Le ver de terre a un rôle de dissémination et de conservation des parasites.

Upload: youcef-mesbah

Post on 11-Apr-2016

214 views

Category:

Documents


2 download

DESCRIPTION

y

TRANSCRIPT

Page 1: His Tomo Nose

L’histomonose Mise à jour : 30.06.08 Jean-Luc GUERIN et Cyril BOISSIEU L’histomonose est une maladie parasitaire , infectieuse, propre aux galliformes . Il s’agit d’une typhlo-hépatite qui affecte surtout la dinde et la pintade. Cette maladie est décrite depuis longtemps (dès 1895). Elle était devenue très rare depuis l’utilisation d’antiparasitaires efficaces, jusqu’au début des années 2000. L’interdiction des anti-histomoniques (2003) a entraîné une réémergence de la maladie, principalement dans la filière dinde. Synonymie : maladie de la tête noire / « maladie de la crise du rouge » En anglais : blackhead disease

L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène L’agent responsable est Histomonas meleagridis , protozoaire flagellé polymorphe. Deux formes existent chez l’hôte définitif : une forme sans flagelle dans les tissus, et une forme avec flagelle dans la lumière caecale. Le cycle évolutif de Histomonas meleagridis est, pour partie, lié au cycle du nématode Heterakis gallinarum , parasite des caeca des volailles. La transmission de H. meleagridis d’un hôte à un autre se fait par l’intermédiaire des œufs de H. gallinarum résistants dans le milieu extérieur. Les œufs ingérés libèrent le protozoaire dans la lumière caecale, où il se multiplie. Ensuite, il passe à travers la paroi caecale dans le sang et gagne le foie. Dans les caeca, il cohabite avec les adultes H. gallinarum qu’il peut réinfecter. Les œufs d’H. gallinarum assurent la survie de H. meleagridis dans le milieu extérieur, mais aussi une protection dans les voies digestives. Les œufs parasités de H. gallinarum peuvent être ingérés par des vers de terre qui accumulent et véhiculent les larves porteuses de H. meleagridis. S’il a longtemps été considéré que H. gallinarum jouait un rôle essentiel dans le cycle parasitaire de H. meleagridis, il est maintenant admis une autre possibilité de transmission, directe de la forme trophozoïque par ingestion de fèces infestés (« cloacal dropping »).

Les données épidémiologiques De nombreux galliformes hébergent le parasite. La dinde, la pintade et la perdrix sont très sensibles, alors que la poule, le faisan ou la caille expriment une forme plus discrète. Actuellement, l’espèce la plus concernée par des formes cliniques d’histomonose est la dinde. Il existe aussi des différences de sensibilité entre les souches de volailles. Les formes les plus graves chez la dinde s’expriment dès la fin du 1er mois de vie, mais surtout entre 8 et 18 semaines d’âge . Chez la poule, les symptômes sont visibles vers 3 à 5 semaines. Les poules et dindes plus âgées sont réceptives mais les formes cliniques sont plus rares ou moins marquées. Elles excrètent par contre de nombreux œufs d’Heterakis. Les volailles peu sensibles (poules), les dindes âgées, et les oiseaux sauvages sont des porteurs sains qui constituent un réservoir . Heterakis joue un rôle significatif de vecteur, car il parasite les mêmes hôtes que H. meleagridis, et il le protège dans le milieu extérieur. Le ver de terre a un rôle de dissémination et de conservation des parasites.

Page 2: His Tomo Nose

Les manifestations cliniques de la maladie La période d’incubation est de 7 à 10 jours. Clinique Un des premiers signes de l’histomonose est une diarrhée jaune soufre ou moutarde, signe d’une inflammation caséeuse des caeca. Les autres signes sont des plumes tachées de fientes , l’anorexie , la prostration , une démarche anormale et la tête basse ou cachée sous une aile. On peut aussi observer une coloration sombre de la tête (« blackhead disease ». Les oiseaux deviennent très maigres.

La mortalité peut être forte (jusqu’à 80%) et persistante. Elle peut être amplifiée par des infections secondaires. Les survivants présenteront un retard de croissance. Lésions Les lésions sont précoces et précèdent les symptômes. Elles concernent surtout les caeca et le foie .

Les lésions caecales concernent un ou deux caeca, la totalité ou une partie du caecum. Les parois caecales sont épaissies et congestionnées, avec un abondant exsudat distendant le caecum. Les caeca ont ensuite l’aspect de boudins irréguliers, fermes, et ont une paroi épaissie. A l’ouverture, on observe des lésions ulcératives et nécrotiques, avec un bouchon caséeux . Une évolution possible est la perforation du caecum qui provoque une sérosite abdminale. Dans les formes chroniques, on observe des adhérences entre caecum et intestin, ou concernant les séreuses abdominales.

Les lésions hépatiques sont moins fréquentes et plus variables. On peut observer un foie hypertrophié et décoloré. Mais les lésions classiques sont des foyers nécrotiques circulaires, ayant l’aspect d’une tâche « en cocarde » en dépression, avec des bords surélevés. Ces tâches mesurent de quelques millimètres à quelques centimètres, et donnent au foie un aspect caractéristique. D’autres organes (reins, poumon, rate) peuvent aussi présenter des foyers nécrotiques ronds.

Lésion classique d’histomonose sur le foie : tâche en cocarde

Lésion caecale : boudin nécrotico-fibrineux

Fientes jaune souffre, signant un épisode d’histomonose sur un lot de dindes fermières.

© ENVT, clinique des élevages avicoles et porcins

© ENVT, clinique des élevages avicoles et porcins © ENVT, clinique des élevages avicoles et porcins

Page 3: His Tomo Nose

Le diagnostic Diagnostic épidémioclinique Epidémiologie : épizootie sur des animaux jeunes, dinde Symptômes : diarrhée jaune, anorexie, prostration, démarche, tête noire Lésions d’autopsie : lésions caecales avec boudin caséeux, foie tacheté avec cocardes en dépression Diagnostic différentiel : tuberculose aviaire, salmonellose, pasteurellose, maladie de Marek, trichomonose caecale, coccidiose caecale à E.tenella,… Diagnostic de laboratoire Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence du parasite par examen direct au microscope. Cette technique n’est pas facilement réalisable et suppose de réaliser rapidement cet examen après le prélèvement. La mise en culture est possible mais nécessite le recours à un laboratoire spécialisé. Une technique PCR a été développée à l’ENV de Lyon mais n’est pas disponible en routine.

La prévention et le contrôle de la maladie Plusieurs molécules sont efficaces contre H. meleagridis et étaient utilisées dans un objectif curatif ou préventif : Les nitroimidazoles : dimétridazole , ipronidazole, ronidazole… Les nitrofuranes : nifursol Cependant, toutes ces spécialités se sont vues retirer leur autorisation de mise sur le marché, dans le cadre de la réévaluation européenne des dossiers de limites maximales de résidus (LMR) : ils ne sont donc plus disponibles dans l’Union Européenne. Par contre des molécules restent disponibles dans d’autres zones du monde, par exemple aux Etats-Unis ou dans certains pays du Maghreb (Histostat®). En l’absence de toute solution médicale efficace, la prophylaxie sanitaire est devenue primordiale. Il est important de séparer les espèces, notamment les poules et les dindes. Il faut également lutter contre Heterakis en vermifugeant régulièrement les oiseaux. Différentes approches médicales alternatives (huiles essentielles, homéopathie,…) sont testées sur le terrain, sans que leur efficacité soit clairement établie. En cas d’apparition d’un épisode sévère, l’abattage total du lot est quelquefois la seule solution économiquement réaliste… En résumé : � L’histomonose est une maladie parasitaire causé par un protozoaire, transmis soit directement, par voie fécale, soit par l’intermédiaire d’un ver du genre Heterakis. � L’histomonose est redevenue récemment une maladie d’importance majeure avec le retrait des antiparasitaires efficaces. � Elle se traduit, notamment chez la dinde et la pintade, par des lésions spectaculaires d’inflammation nécrotico-fibrineuse des caeca et des lésions nécrotiques en cocarde sur le foie. � Avec le retrait des derniers antiparasitaires efficaces (2003), le contrôle de cette maladie est très aléatoire et souvent décevant.