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Séquence 1-HG00 Le monde de 1945 à nos jours > 5 Les élèves en Terminale L et ES étudient l’ensemble de la séquence. Les élèves en Terminale S étudient seulement les chapitres 2 et 4 © Cned – Académie en ligne

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Séquence 1-HG00

Le mondede 1945 à nos jours

>

5

Les élèves en Terminale L et ES étudient l’ensemble de la séquence.

Les élèves en Terminale S étudient seulement les chapitres 2 et 4

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7Sommaire séquence 1-HG00

Chapitre 1 > De la société industrielle à la société de communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

A Les grandes phases économiques depuis 1945

B De profondes transformations sociales

C Vers un village planétaire ?

Chapitre 2 > Les grands modèles idéologiques et la confrontation Est-Ouest jusqu’aux années 1970 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

1ère partie : Les États-Unis et l’Union soviétique, deux modèles rivaux qui influencent le monde

A Des systèmes politiques antinomiques

B Des économies et des sociétés radicalement opposées

C Deux modèles en compétition pour le rayonnement planétaire

D Blocages et contradictions internes : des modèles remis en cause

E Deux trajectoires différentes

2ème partie : Le monde déchiré, de 1945 à 1973

A La naissance d’un monde bipolaire : 1945-1947

B Au cœur de la guerre froide : 1947-1955

C La Coexistence pacifique, vers « l’équilibre de la terreur » : 1955-1962

D La détente, entre dialogue et tension : 1962-1973

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Sommaire séquence 1-HG008

Chapitre 3 > Du Tiers-Monde au Sud : Indépendances, contestations de l’ordre mondial et diversification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

A Un contexte favorable aux décolonisations

B Le temps des indépendances

C L’échec du Tiers-Monde a pesé sur les relations internationales

D La fin du Tiers-Monde et l’émergence des « SUD »

Chapitre 4 > À la recherche d’un nouvel ordre mondial depuis les années 1970 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

A Un monde destabilisé : 1973-1985

B La fin du système bipolaire : 1985-1991

C À la recherche d’un nouvel ordre mondial : 1991-2004

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Séquence 1-HG00 9

ontenu du chapitre 1

De la société industrielle à la société de communication

Problématique :Quels sont les principaux bouleversements économiques et sociaux intervenus dans le 2 nd XXe siècle ?

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

A Les grandes phases économiques depuis 1945

� La croissance des « Trente Glorieuses »

a) Nature et aspects

b) Les sources de la croissance

c) Les limites de la croissance

� La crise

a) Nature et aspects

b) Les conséquences (de la crise)

Trente Glorieuses – taux de croissance – fluctuations – récession – reprise – PDEM – pays d’économie planifiée – décollage économique – secteurs – industries de biens de consommation – industries de pointe – plein emploi.

Bretton Woods – parité – plan Marshall – investissement – OECE – GATT – Round – baby boom – publicité – crédit – fordisme – état-providence – recherche-développement – taylorisation – standardisation – marketing – politiques keynésiennes – budget – redistribution.

Profits – planche à billets – masse monétaire – déficits de la balance des paiements, commerciale – saturation des marchés – excédents – réforme Libermann – Club de Rome – « croissance zéro » – écologie – inégalités sociales – CNUCED – NOEI.

Crise – dépression – récession.

Choc pétrolier – inflation – déficits commerciaux – contre-choc pétrolier – stagflation – spéculation – conjoncture économique – désindustrialisation – 3e révolution industrielle – toyotisme – robotisation – économies post-industrielles.

Sociétés duales – crises boursières – krach – bulle financière – mondialisation/globalisation – révolution des transports – multimodalité – réseaux – OMC – libre échange – UE – ALENA – division internationale du travail – FMN – délocalisation – marchés financiers – TIC – paradis fiscaux.

Mémoriser à travers une chronologie les principales dates de l’histoire économique de la 2nde moitié du XXe.

Etudier une série statistique dans un but comparatif.

Traduire des valeurs absolues en valeurs relatives pour saisir une évolution et l’interpréter.

Observer une photographie « bidonvilles à Nanterre en 1970 »

Comprendre un phénomène économique, la stagflation, à travers un organigramme explicatif.Etudier une affiche syndicale.Etudier un texte-analyse sur les mutations économiques.

A travers un produit (l’automobile), comprendre le phénomène de la mondialisation.

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Séquence 1-HG0010

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

c) Les sources (de la crise)

d) Les politiques de lutte contre la crise

B De profondes transformations sociales

� Les mutations du cadre de vie

� La société de consommation « reine »

� Un bouleversement des hiérarchies sociales ?

� Des changements démographiques majeurs

C Vers un « village planétaire » ?

� Une civilisation de l’information

� L’uniformisation par la culture de masse

� Une civilisation des sciences et des techniques

� Un « retour du religieux » ?

Désordre monétaire – SME – euro – libéralisme économique – dévaluations compétitives – zones franches – Kondratiev.

Keynésianisme – néolibéralisme – politiques de relance – prestations sociales – fiscalité – monétarisme – déréglementation – mouvements alter-mondialistes.

Urbanisation – suburbs – ZUP – grands ensembles – cités dortoirs – cités – RTT – artificialisation – risques technologiques et industriels.

Produits de première nécessité – confort matériel – société de consommation – uniformisation – aliénant – « nouveaux pauvres » – SDF – obsession sécuritaire.

Patrimoine – tertiarisation – mécanisation – rendements – productivité – OS – « cols blancs » – individualisme – bourgeoisie d’affaire – grandes écoles – discriminations positives.

Explosion démographique – baby boom – fécondité – natalité – mortalité – mortalité infantile – politique nataliste – transition démographique – vieillissement – espérance de vie – migrations internationales – sociétés multiculturelles – SIDA – famille – nuptialité – famille recomposée – famille monoparentale – PACS – émancipation des femmes – contraception – avortement – IVG – parité.

Mass media – audiovisuel –radio – télé – satellite – Internet – monopole d’Etat – privatisation – chaîne d’information continue – audience – info spectacle – propagande – web – sociabilité virtuelle.

Culture de masse – musique – cinéma – icônes – vedettes – « business » – majors – culture jeune » – modes générationnelles – uniformisation culturelle – World Culture – entertainment – relativisme.

Gêne – RMN – thérapeutique – éthique – guerre froide – recherche fondamentale – satellites – opinion publique mondiale.

Sécularisation – athée – agnostique – catholicisme – Concile Vatican II – œ cuménisme – médiatisation – évangélisation – sectes – multiconfessionnel – intégrisme – islamisme – prosélyte.

Etudier un texte journalistique sur l’état des banlieues françaises en 1995.

Etudier à travers une série statistiques l’évolution de la structure des dépenses des ménages dans plusieurs PDEM.

Comparez l’évolution d’un village (texte).

Examiner un extrait de bande dessinée – caricature.

Repérer des évolutions à travers une chronologie.

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Séquence 1-HG00 11

De la société industrielle à la société de communication

La seconde moitié du XXe siècle a connu des bouleversements sociaux et culturels considérables. De nos jours, l’on s’inquiète de l’uniformisation des cultures à la sauce nord-américaine et de l’omnipré-sence de technologies déshumanisantes, dans la vie quotidienne. Il semble bien que nous quittions la vieille société industrielle qui a marqué l’époque 1850-1945, désormais l’information occupe une place centrale ; on parle même de société de communication.

Pour saisir l’ampleur de ces bouleversements, nous verrons successivement les grandes phases de l’histoire économique contemporaine depuis 1945 avec deux temps forts nettement identifiables et contrastés : les « Trente Glorieuses » et la crise puis, plus spécifiquement, les profondes transformations sociales qui ont affecté notre monde, enfin nous nous interrogerons sur cette nouvelle culture mondiale qui semble s’esquisser, construite sur l’information, tendant à être uniformisée mais aussi avec quelques éléments de différenciation ici et là.

A Les grandes phases économiques depuis 1945

Chronologie des temps forts de l’économie mondiale dans la 2nde moitié du XXe siècle

1944

1947

1948

1951

1957

1969

1971

1973

1974

1976

1979

1985

1986

1987

1990

1992

1993

1994

1995

1997

1999

2002

Création du F.M.I. (Fonds Monétaire International), de la BIRD par les accords de Bretton Woods.

Plan Marshall et premiers accords du GATT.

Création de l’OECE (Organisation européenne de coopération européenne).

CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier).

Création de la CEE (Communauté Economique Européenne) par le Traité de Rome.

Accords terminaux du Kennedy Round lancé en 1963 dans le cadre du GATT : baisse de 35 % des droits

de douane.

Fin de la convertibilité du dollar en or / Déficit de la balance commerciale des Etats-Unis.

Dévaluation de 10 % du dollar / 1er choc pétrolier.

Stagflation.

Flottement des monnaies les unes par rapport aux autres (Conférence de la Jamaïque).

Création du S.M.E. (système monétaire européen) / 2nd choc pétrolier / Margaret Thatcher,

1er ministre au Royaume-Uni.

9 % de chômeurs en moyenne dans les PDEM (pays développés d’économie de marché).

Contre-choc pétrolier.

Krach boursier.

1re guerre du Golfe ; incertitudes économiques.

Crise du SME.

Marché Unique Européen réalisé.

ALENA (accord de libre-échange de l’Amérique du Nord = Mexique + USA + Canada).

L’OMC remplace le GATT (1er janvier).

Crise monétaire en Asie.

Création de l’Euro.

L’euro entre dans les porte-monnaie.

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Séquence 1-HG0012

� La croissance des « Trente Glorieuses »

a. Nature et aspects

La dénomination « Trente Glorieuses » a été élaborée a posteriori, en 1979, par l’économiste Jean Fourastié (en référence aux 3 glorieuses, les 3 journées révolutionnaires parisiennes de juillet 1830 qui ont mis fin à la monarchie absolutiste des derniers Bourbons) pour caractériser la croissance des années 1945-1973.

Document 1La croissance du PNB dans les pays industrialisés capitalistes

Taux annuels moyens de croissance du PNB1913 - 1950 1950 - 1970

Etats-UnisRoyaume-UniJaponAllemagneFranceItalie

2,91,74,01,20,71,3

3,92,810,95,54,85,4

1950 - 1955 1955 - 1960 1960 - 1965 1965 - 1970

Etats-UnisRoyaume-UniJaponAllemagneFranceItalie

4,32,712,14,74,34,3

2,22,89,76,34,65,5

4,53,39,64,85,15,1

4,62,412,46,35,46,3

P. Léon, Histoire économique et sociale du monde. © Armand Colin.

.

Questions � Comparez les PNB pour les périodes 1913-1950 et 1950-1970. Quels enseignements prin-cipaux en ressortent ?

� Classez les pays selon leur rythme de croissance de 1950 à 1970. Décrivez les grandes tendances de leur évolution.

Réponses � Partout, les taux de croissance de 1950 à 1970 sont supérieurs à la période 1913-1950 ; à part pour

le Royaume-Uni où la croissance est modérée (2,8), dans tous les cas la croissance est soutenue, égale ou supérieure à 4. Elle atteint des proportions considérables au Japon (10,9). Ce qui caractérise la période 1950-1970, c’est donc une très forte croissance économique autrement dit un essor économique phénoménal.

� On peut distinguer 3 groupes de pays : – un 1er groupe, les pays à croissance modérée : Royaume-Uni et Etats-Unis. Le Royaume-

Uni est à la traîne, excepté au début des années 1960, sa croissance est toujours inférieure à 3. Pour les Etats-Unis, la croissance est appréciable, environ 4,4 sauf pour les années 1955-1960 marquées par un ralentissement de l’activité économique.

– un 2nd groupe, les pays à croissance soutenue : Allemagne, France et Italie environ 5 %. L’économie allemande joue au yo-yo, forte croissance alternant avec croissance soutenue ; la France connaît une régularité dans l’essor de sa croissance, un peu comme l’Italie si ce n’était l’accident de 1955-1960 où la croissance s’envole.

– un dernier groupe, ou plutôt un pays à part, le Japon avec un taux de croissance annuelle supé-rieur à 10 et tournant à 9,6-9,7 pour les années les plus faibles ; en ce cas on peut parler d’un véritable boom économique.

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Séquence 1-HG00 13

Ces données sont des pourcentages, donc des données relatives ; c’est très important car la base de départ (1950) varie d’un Etat à l’autre, elle est plus élevée aux Etats-Unis autrement dit une croissance de 4,5 % signifie souvent un accroissement de l’activité économique supérieur à celui du Japon où pourtant la croissance dépasse les 10 % !

Une 1re caractéristique essentielle des « trente glorieuses » est donc la forte croissance. On estime qu’entre 1945 et 1973, la richesse mondiale triple ; c’est sans précédent. Dans les pays développés d’économie de marché (PDEM), le taux de croissance annuel moyen tourne autour de 5 %. Le renversement de tendance est complet, n’oublions pas que l’on sort de la Grande Dépression des années 30, de la 2nde guerre mondiale et de ses pénuries.

Une autre caractéristique est la régularité de cette croissance. A travers le tableau précédent, nous avons pu remarquer des variations dans les taux de croissance annuels des PNB, parfois spectaculaires, du simple au double pour les Etats-Unis de 1955-1960 à 1960-1965, pour autant jamais les fluctuations de la croissance n’ont été jusqu’à des épisodes de récession (croissance négative) ; chaque période de ralentissement de l’activité économique étant le plus souvent compensé par une période suivante de reprise.

La croissance est donc forte et régulière mais tous les pays ne connaissent pas un essor aussi spec-taculaire. Ce sont toujours les anciennes puissances industrielles qui progressent le plus vite mais on assiste à une recomposition de la hiérarchie des puissances économiques mondiales pendant les Trente Glorieuses :

Dans les PDEM – Les Etats-Unis maintiennent leur suprématie avec une croissance soutenue mais largement infé-rieure aux autres PDEM, cela se traduit par une baisse de leur part dans la production mondiale, de la moitié au tiers.

– Certains pays peinent à suivre l’emballement mondial comme le Royaume-Uni et la Belgique de plus en plus touchés par l’obsolescence de leurs industries.

– L’Italie et la France s’assurent une belle prospérité.

– Les deux grands vaincus de la guerre : Allemagne (RFA) et Japon sont paradoxalement les pays à croissance très forte, surtout le Japon. Leur appareil de production a été anéanti par la guerre ; il faut le construire or celui-ci est désormais moderne et à forte productivité, donc très compétitif à quoi il faudrait ajouter pour le Japon le boom qu’a représenté la guerre de Corée de 1950 à 1953 avec les commandes états-uniennes.

Dans les pays d’économie

planifiée

Contrairement à ce quoi on s’attendrait, un rythme de croissance décroché de celui des économies occidentales (n’oublions pas que l’URSS a largement ignoré la grande dépression des années 1930), la croissance est également forte et soutenue dans les pays communistes. En URSS, la croissance reste forte de 1945 aux années 1960 mais elle est déséquilibrée. Elle n’est jamais que le produit des plans impératifs qui privilégient encore l’industrie lourde et les équipements collectifs, les biens de production au détriment des biens de consommation, même les plus élémentaires comme les produits agricoles. Ce schéma de croissance soutenue, autour de 4 % l’an se retrouve dans les démocraties populaires. Ensuite, vient l’essoufflement. Notons toutefois que les comparaisons avec les PDEM sont délicates car les statistiques soviétiques étaient falsifiées, conçues comme un outil de propagande, parmi d’autres…

Dans les pays en développement

(PED)

La croissance est mondiale, même le Tiers-Monde en bénéficie mais très inégalement. Des économies commencent leur décollage comme celle des futurs NPI asiatiques (Hong Kong, Singapour, Taiwan, Corée du Sud), l’Amérique Latine connaît également une appréciable croissance de ses PIB. Même si les PED vendent surtout des matières premières non transformées et des produits énergétiques dont ils ne contrôlent pas les marchés, il n’en reste pas moins que globalement leur production s’accroît fortement : + 2,8 % par an pendant les Trente Glorieuses, surtout la production agricole. Ce constat a cependant ses limites que nous verrons ultérieurement.

La forte croissance des Trente Glorieuses de 1945 à 1973 est basée sur certains secteurs porteurs :

� N.B.

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Séquence 1-HG0014

Document 2

L’augmentation de la production agricole

AGRICULTURE

Céréales 1946-1955 1955-1974 1946-1974

Blé (en millions de tonnes) + 17 % + 75 % + 104,5 %

Riz (en millions de tonnes) + 45 % + 147 % + 259 %

Maïs (en million de tonnes) + 36 % + 167 % + 264 %

ENERGIE

Charbon (en millions de tonnes) + 49 % + 38 % + 106 %

Pétrole (en millions de tonnes) + 106 % + 271 % + 665 %

Electricité (en milliards de tonnes) + 169 % + 305 % + 989 %

INDUSTRIE

Acier (en million de tonnes) + 137 % + 166 % + 531 %

Automobiles (en milliers d’unités)

– particulières (1938) + 261 %

+ 135 % + 750 %

– utilitaires (1938)+ 179 % + 229 % + 817 %

Population mondiale(en milliards d’individus)

De 1950 à 1975 :+ 66 %

� Globalement, on ne peut qu’être étonné par la spectaculaire progression des productions. Des secteurs « boostent » l’économie des « trente glorieuses » comme l’énergie, la production d’élec-tricité triple aux temps forts de la croissance de 1955 à 1974, celle du pétrole n’en est pas loin ! La production industrielle s’accroît fortement que ce soit pour les biens de productions : + 531 % pour l’acier sur toute la période, ou pour les biens de consommation : + 750 % de progression pour les voitures particulières. L’agriculture n’est pas en reste, elle progresse fortement mais moindrement : doublement pour le blé.

� La population mondiale ne progresse que des 2/3 alors que les productions s’accroissent très for-tement ; en moyenne la richesse par habitant augmente donc fortement… mais ce n’est qu’une moyenne !

Le secteur énergétique porte la croissance, que ce soit l’électricité ou le pétrole. L’électricité, dont la consommation quadruple, permet le développement industriel (aluminium) et l’amélioration du confort des ménages ; elle supplante le charbon sans le faire disparaître. Le pétrole a l’avantage d’être alors très bon marché ; il est utilisé dans les transports dont il permet la démocratisation et comme matière première dans l’industrie chimique (pensons aux matières plastiques).

Des 3 secteurs de Colin Clark (primaire, secondaire, tertiaire), c’est le 2nd, l’industrie qui apporte une contribution essentielle à la croissance, notamment l’acier, ce qui est là assez traditionnel. Les nouveautés sont dans l’importance clé des industries de biens de consommation (automobiles, équipements domestiques divers…) et des industries de pointe (nucléaire, aérospatiale, électronique, biochimie…). L’agriculture bénéficie des progrès industriels (engrais, mécanisation, pesticides…) qui lui ont permis de fortes hausses de rendement. Enfin, n’oublions pas l’essor des services qui consolident la croissance : transport, commerce, banque-assurances et administrations…

La forte croissance a des effets immédiats. D’abord, elle assure le plein emploi ; si un volant de chômeurs de 5 % de la population reste endémique pendant les 30 Glorieuses aux USA, en France le chômage tourne autour de 1,8 %, 0,8 % en Allemagne (RFA) ! Plein-emploi ne signifie pas non plus embauche au rabais. Alors que l’agriculture se mécanise, le tertiaire recrute. Autre effet, et qui donne à cette période l’illusion du progrès : le rôle essentiel de la recherche et des améliorations techniques qui permettent un renouvellement rapide des produits, voire l’invention de tout nouveaux produits. Selon un contemporain français (1967), J. J. Servan-Schreiber : « l’innovation devient la forme moderne de la concurrence ». Cela se traduit par une réduction du délai entre découverte scientifique et application industrielle ; quelques exemples : 1/2 siècle pour le téléphone, 12 ans pour la télévision, 5 ans pour le transistor…

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Séquence 1-HG00 15

b. Les sources de la croissance

Que les trente glorieuses débutent après la 2nde guerre mondiale n’est pas le fait du hasard, le contexte historique et économique de l’immédiat après-guerre est en lui-même porteur de croissance.

� C’est d’abord la mise en place d’un nouveau système monétaire international en 1944 à Bretton Woods, dans celui-ci les monnaies ont une parité fixe, l’étalon est le dollar, monnaie de référence pour évaluer les autres et celui-ci est convertible en or. Ce système, s’il favorise les Etats-Unis et entérine leur suprématie économique, garantit au moins une relative stabilité des monnaies. C’est un élément de confiance décisif pour permettre le développement du commerce international.

En 1945, l’Europe est détruite, il faut donc reconstruire. L’Europe a les capacités techniques et humaines pour se relever mais il lui manque les fonds. Or, les Etats-Unis se trouvent dans une situation complémentaire : leurs capacités de production sont maximales, ils ont des capitaux mais des débou-chés insuffisants qui risquent de gripper la reconversion de leur économie de temps de guerre à temps de paix. Le plan Marshall est une réponse à cette double exigence ; les fonds accordés à l’Europe occidentale permettent son relèvement économique, la relance de l’investissement et avec l’OECE ébauchent une coopération entre nations européennes mais aussi ils rendent le marché européen solvable… aux exportations américaines.

L’essor du commerce international est un autre élément explicatif de cette croissance. C’est en 1947 qu’est signé l’accord sur le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade : accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) ; cet accord vise à favoriser la libéralisation des échanges internationaux en éliminant toute taxe, tout contingentement ou droit de douane. Les progrès dans la voie de la libéralisation du commerce international s’opèrent dans le cadre de négociations multilatérales dont la plus célèbre est celle du Kennedy Round entre 1963 et 1967 permettant une baisse d’un 1/3 des droits de douane. De fait, le commerce international a quintuplé en volume pendant les Trente glorieuses. Au GATT, il faudrait ajouter la formation d’ensembles régionaux de libre-échange : la CEE des 6 en 1957, l’AELE autour du Royaume-Uni, toujours en Europe.

En dernier élément de contexte historique, on pourrait mobiliser la guerre froide, mais l’on s’éloi-gne de l’immédiat après-guerre. La rivalité américano-soviétique a été marquée par une course aux armements, à l’espace ; bien des découvertes technologiques ont été par la suite adaptées à la sphère civile ; la guerre froide a contribué au redressement japonais, notamment, on l’a déjà évoqué, lors de la guerre de Corée.

� A lui seul, le contexte historique est insuffisant pour expliquer la croissance prodigieuse de 1945 à 1973 ; il y a des raisons de fond, à coup sûr, plus importantes. C’est d’abord, l’accroissement de la demande, un accroissement fulgurant.

Le nombre des consommateurs potentiels augmente avec le baby-boom (forte natalité qui se poursuit jusqu’au milieu des années 1960). Il faut à la fois fournir aux enfants plus nombreux des biens de consommation individuels (logements, alimentation, loisirs…) et des équipements collectifs (crèches, écoles…). Le baby-boom, c’est aussi un rajeunissement des populations des PDEM (pays développés d’économie de marché) avec ce que cela implique comme bouleversements dans les mentalités : goût pour la nouveauté et la consommation…

Il faut ensuite passer du stade de consommateur potentiel à celui de consommateur réel, or c’est désormais possible. Un ensemble de mesures permet l’insertion dans la consommation : la généralisation de la publicité qui stimule la demande, quelque soit le support utilisé : radio, télé, journaux, murs…, le recours plus facile au crédit car les taux d’intérêt sont bas (l’inflation élevée les annule presque !) et surtout l’élévation du pouvoir d’achat des ménages. Le pouvoir d’achat augmente d’un part en application du fordisme (faire des salariés des consommateurs), d’autre part par l’instauration de salaire minimum garanti dans nombre de pays comme en France en 1950, à cela s’ajoutent les diverses prestations sociales de l’Etat providence : retraite, assurance maladie, allocations familiales…

On assiste aussi à une spectaculaire modernisation du système productif. Cela se traduit par une place essentielle accordée à l’investissement quel qu’en soit la forme : création de nouvelles unités de production ou recherche-développement, qui à son tour permet des perfectionnements techni-ques donc une gamme de produits sans cesse renouvelée afin de satisfaire au mieux la clientèle. On estime, à l’exception notoire des Etats-Unis, que 20 à 30 % de la richesse des PDEM est consacrée à l’investissement pendant cette période.

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Page 11: His to Ire

Séquence 1-HG0016

� L’organisation des entreprises évolue. Le fordisme se généralise avec augmentation des salaires pour intéresser les travailleurs mais aussi taylorisation plus systématique c’est-à-dire multiplication du travail à la chaîne posté et minuté. Le fordisme implique la standardisation et une production de masse à des coûts de revient réduits ; les entreprises gagnent en productivité. A cette réorganisation du travail en entreprise (déjà repérable dès 1910 en Europe) s’ajoutent des modifications dans le commandement et la stratégie ; le management à l’américaine s’impose : gestion plus rigoureuse des comptes, des stocks comme des équipes attribuée désormais à des cadres spécialisés ; le marketing également avec de véritables études de marché pour vérifier la pertinence d’un nouveau produit, des campagnes de publicités plus élaborées, ciblées et diversifiées… Ces bouleversements exigent des moyens, et de fait, les concentrations d’entreprises se multiplient. Elles donnent naissance parfois à de grands groupes, qui le plus souvent ont un rayonnement mondial ; ce sont les firmes multina-tionales déjà très puissantes dans les secteurs pétroliers, automobile, sidérurgique… En 1971, elles assurent déjà 20 % de la richesse des PDEM !

L’essor est tel que la main-d’œuvre traditionnelle pourtant de plus en plus qualifiée ne suffit plus, c’est pourquoi on fait massivement appel à l’immigration ; les entreprises organisent de véritables campagnes de recrutement dans les Pays en développement, en Europe méditerranéenne : Portugais et Marocains et Algériens en France ; Turcs en Allemagne… Dans certains PDEM, surtout en France à la fin des années soixante, le travail féminin connaît un fort accroissement.

� L’Etat a été un acteur majeur de la croissance des 30 Glorieuses, surtout en Europe occidentale. C’est l’époque de l’Etat Providence à son apogée et des politiques keynésiennes d’accompagnement de la croissance. L’Etat assure un double rôle.

D’abord, l’Etat est producteur et entrepreneur, quand un vaste secteur public existe ; c’est la cas au Royaume-Uni, en France, en Italie après une série de nationalisations d’après-guerre. Des secteurs clés sont contrôlés par l’Etat : transports, énergie, banques… Celui-ci montre alors la ligne à suivre par ses investissements, par l’expérimentation sociale qu’il engage. Aux Etats-Unis, on ne retrouve pas alors d’équivalent de grands secteurs publics mais l’importance des commandes militaires dans le contexte de guerre froide joue ce rôle d’aiguillon dans l’investissement.

L’Etat joue également un rôle de régulateur en utilisant des outils traditionnels : impôts, maîtrise du budget, réduction de la masse monétaire pour soit accélérer l’activité économique ou soit la ralentir selon la conjoncture économique. La régulation économique de l’Etat pendant les Trente Glorieuses, ce sont surtout les politiques keynésiennes de redistributions. Les Etats mettent en place l’Etat-Providence : (assurances maladie, retraites, allocations familiales, logement…) symbolisé en France par l’instauration de la Sécurité Sociale. L’objectif de ces politiques est économique : augmenter le nombre de consommateurs et social : réduire les inégalités, ce qui a relativement bien fonctionné pendant la période qui nous intéresse : 1945-1973.

� Enfin, dernière source de croissance, et non des moindres : une énergie abondante et bon mar-ché, ce qui vaut également pour les matières premières. Le choc pétrolier de 1973 l’a a contrario cruellement révélé. Le prix du pétrole reste stable en données brutes mais si l’on corrige son prix de l’inflation, alors le prix constant baisse. On retrouve le même phénomène pour le prix des matières premières importées du Tiers-Monde alors que les prix des produits manufacturés exportés par les PDEM sont indexés sur leur inflation.

c. Les limites de la croissanceLes Trente Glorieuses sont bien synonyme d’essor économique prodigieux et sans précédent, pourtant il faut prendre garde de ne pas en faire un portrait trop optimiste. La croissance ne profitait pas à tous, au moins aussi intensément et le type de société qu’elle a généré suscite nombre d’interrogations.

La croissance des Trente Glorieuses se révèle être très déséquilibrée, surtout à la fin des années 60 et au début des années 70. Les dérèglements monétaires se font plus visibles. L’inflation s’ac-célère tandis que les salaires restent soutenus ; les profits des entreprises baissent et/ou ne sont pas autant investis qu’autrefois. Les Etats-Unis ont usé et abusé du système monétaire international qu’ils avaient fondé en 1944 à Bretton Woods, en utilisant la planche à billets – la création de masse monétaire – pour résoudre leurs problèmes. L’économie américaine n’a pas eu une évolution aussi positive que celle des autres PDEM, la croissance y est plus faible et plus saccadée ; à la fin des années

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60, des déficits commencent à apparaître : déficit de la balance des paiements dès 1968, déficit de la balance commerciale en 1971. En décidant de ne plus rendre le dollar convertible en or, Nixon détruit l’ordre de Bretton Woods en 1971 et admet par là l’incapacité des Etats-Unis à maîtriser la masse de dollars en circulation.

Plus généralement, on observe un essoufflement de la croissance dès la fin des années 60. Le modèle fordiste qui a porté les Trente Glorieuses s’enraye, par l’inflation, on l’a vu, mais aussi par la saturation des marchés : les industriels trouvent de moins en moins de débouchés à leur produc-tion tandis que le renouvellement des gammes de produits se ralentit. Un secteur montre très bien cet essoufflement, l’agriculture, notamment européenne qui croule dès les années 60 sous les excédents ; cette surproduction est renforcée par la PAC qui garantit des prix aux producteurs. Dans l’industrie, même si c’est moins marqué, on repère l’essoufflement des secteurs traditionnels comme les mines. Le taylorisme ou parcellisation du travail est de plus en plus mal supporté pour ses aspects aliénants et ses cadences infernales ; l’absentéisme ouvrier augmente. L’exclusivité donnée au travail comme valeur sociale, travail dans lequel on se réalise pas, commence à exaspérer, ainsi le résume la rengaine : « métro, boulot, dodo ».

Dans les pays d’économie planifiée, on sait que la croissance y était volontairement déséquili-brée. Dans les années 60, quand elle s’essouffle, des réformes sont entreprises. En URSS, cela correspond à la réforme Libermann de 1965 qui cherche à attribuer aux entreprises d’Etat plus d’autonomie par rapport au plan, à gagner en productivité et à mieux gérer ses équipements. Cette réforme cependant ne remet pas en cause les lignes directrices de la planification d’Etat avec ses lourdeurs et ses choix, autrement dit son impact fut très limité. De fait, l’URSS comme les autres pays d’économie pla-nifiée entrent dans les années 60 dans une phase de croissance ralentie, puis de difficultés sérieuses dans les années 70 (pénuries, dégradations environnementales phénoménales, gabegie des ressources…).

A partir de la fin des années 60, on assiste à la montée du doute et des contestations au sujet même de la croissance. La manifestation la plus spectaculaire de cette contestation est celle de la jeunesse, notamment dans les soulèvements étudiants de 1968 en France, en Allemagne, aux Etats-Unis où, outre une dénonciation verbeuse et extrémiste de la société capitaliste, des problèmes de fond sont posés : un ordre social figé dans un moralisme médiocre et bien pensant à l’école, dans la famille ou l’entreprise. Même les économistes sont de plus en plus perplexes sur les bienfaits de la croissance, ainsi en 1970 le Club de Rome, un groupe d’experts, prône la croissance zéro dans une approche malthusienne : ils craignaient l’épuisement des ressources face à une explosion démographique mais aussi la multiplication des pollutions. C’est sur ce dernier point que la critique de la société de croissance et de consommation est la plus forte, beaucoup désormais l’identifient à une société du gaspillage (toutes les ressources, notamment énergétiques et fossiles comme le pétrole, le charbon… ne sont pas renouvelables). C’est à cette époque qu’émerge une conscience plus aiguë des problèmes envi-ronnementaux qu’on appellera plus tard écologie ; nombre de catastrophes vont en ce sens comme l’échouage du pétrolier Torrey Canyon en 1967 au large de la Bretagne provoquant une marée noire et inaugurant une funeste série sans fin, le scandale de Minamata de 1959 à 1961 au Japon c’est-à-dire la pollution des eaux marines au mercure et autres rejets industriels de toute la chaîne alimentaire, des poissons… jusqu’aux hommes avec des conséquences sanitaires catastrophiques.

La croissance des Trente Glorieuses fut prodigieuse mais force est de constater son inégal partage. Si la croissance existe partout, ce n’est pas le cas de la prospérité.

Au sein même des PDEM, il y a des oubliés de la croissance. Ce sont certaines catégories de population ou d’actifs comme les ouvriers à la chaîne peu qualifiés, les paysans d’agriculture familiale tradition-nelle, les petits commerçants (d’où le poujadisme en France), les personnes âgées aux pensions modiques… et aux Etats-Unis, les minorités surtout les Noirs qui continuent de se concentrer dans les ghettos de centre-ville tandis que la middle class blanche fuit vers les banlieues pavillonnaires à perte de vue. Ce sont aussi les immigrés qui s’entassent dans les grands ensembles construits à la hâte pour faire face à la pénurie de logement quand ce ne sont pas encore des bidonvilles comme aux portes de Paris en 1970.

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Document 3

Bidonville à Nanterre au début des années 1970.

© Roger-Viollet.

Malgré l’instauration de l’Etat Providence et sa politique redistributive, les inégalités sociales restent marquées, inégalités pas tant salariales que patrimoniales, très marquée en France ou en RFA, caricaturales au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et moindres dans les pays scandinaves.

Des espaces entiers ont été faiblement atteints par la croissance comme les régions d’agriculture encore traditionnelle, en Méditerranée le Mezzogiorno (sud) italien, et même dans celles qui se modernisaient comme la Bretagne. Il en a résulté des vagues d’émigration importantes, surtout des jeunes actifs vers les capitales ou les grandes villes industrielles.

Cet inégal partage de la croissance se retrouve plus nettement à échelle mondiale (sur ce point, voir le chapitre 3 de la séquence 1). La situation des pays du Tiers-Monde est paradoxale : leur croissance a fortement progressé, beaucoup plus même que dans les pays développés : + de 5 % par an de croissance en moyenne des PIB or globalement ceux-ci s’enfoncent dans la pauvreté et le sous-développement. Leur dynamisme démographique (+ de 3 % par an) mange la crois-sance économique à quoi s’ajoute la monopolisation par quelques minorités des fruits de la croissance autrement dit les inégalités sociales restent criantes et même se renforcent. Ce sont là des explications internes au PVD. Un élément externe contribue à cet inégal partage de croissance, ce que les pays du Tiers-Monde ont dénoncé dans le cadre des CNUCED dès 1964 puis lors du sommet des non-alignés d’Alger en 1973 par la demande d’un nouvel ordre économique international (NOEI), c’est-à-dire l’échange inégal. Les matières premières, pétrole inclus jusqu’en 1973, sont achetées par les pays développés à des prix dérisoires d’où l’exigence d’une revalorisation de leurs exportations. Cet appel restera lettre morte, sauf par le coup de force de l’OPEP en 1973 avec le 1er choc pétrolier. En 1973, l’opposition Nord-Sud est déjà lisible avec les 3 pôles de la Triade monopolisant richesse et pouvoir de décision.

� La crise

Nous utilisons ce terme pour évoquer les difficultés économiques de 1973 à nos jours plutôt que celui de dépression ou même de grande dépression, terme que nous réservons aux années 1930. Au sens strict, cette époque ne peut pas être une crise car une crise est un phénomène bref

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(un à deux ans) et aigu mais c’est l’appellation qui est passée dans le langage courant. Elle est contestable mais parlante. Crise ? Difficultés économiques ? En fait, le panorama du dernier quart du XXe jusqu’à nos jours est plus trouble encore dans la mesure où des phases de récession alternent avec des phases de croissance, et globalement, la croissance continue… même si elle s’est ralentie.

a. Nature et aspects

On peut parler de difficultés économiques pour la période qui va de 1973 à nos jours ; au sens strict, la crise se situe en 1974.

L’événement qui fait césure dans l’histoire économique du second XXe est le choc pétrolier de 1973 c’est-à-dire la multiplication par 3 du prix du pétrole, décision prise par l’OPEP pour affaiblir les alliés d’Israël, dont les USA dans la guerre du Kippour. La hausse du prix du pétrole, brutale, alourdit la facture pétrolière pour les PDEM qui ont souvent comme 1er réflexe de la réduire, or ceci implique un ralentissement des importations, pétrolières ou autres, donc un ralentissement de leur activité éco-nomique, une baisse de croissance ; c’est le risque de s’enfermer dans un engrenage récessif. Le même phénomène, mais d’ampleur moindre se retrouve pour le prix des autres matières premières. En 1979 a lieu le 2nd choc pétrolier après la révolution iranienne – prise de pouvoir des islamistes de Khomeyni – avec un effet similaire : augmentation de 125 % du prix du pétrole (si l’on comptabilise la hausse du cours du baril jusqu’en 1982) et creusement des déficits des balances commerciales des PDEM.

A partir de ce constat, on serait tenté d’y voir la principale cause de la crise ; son rôle n’est en effet pas négligeable mais non décisif. La hausse du prix du pétrole a généré une forte inflation dans la plupart des PDEM (inflation à deux chiffres, supérieure à 10 % par an), des déficits commerciaux ; pourtant certaines observations invalident le rôle décisif de la crise pétrolière dans les difficul-tés économiques d’après 1973. En effet, dès 1976 le commerce international reprend, la croissance repart et on peut même dire qu’elle est spectaculaire : environ 4 % pour les pays de l’OCDE dont 4,2 pour les USA et 3,5 pour la France. Après le 2nd choc pétrolier (1979-1982), on assiste en 1986 à un contre-choc pétrolier, le prix du baril baisse de 27 à 9 $, pourtant pas de reprise, le marasme continue…

Les causes sont ailleurs. Nous les verrons ultérieurement.

Néanmoins, les chocs pétroliers marquent le coup d’entrée dans une ère de difficultés économiques. La croissance se ralentit, elle est plus chaotique et inégale selon les grandes aires économiques mondiales (Asie, Amérique du Nord, Europe occidentale, Europe orientale, Sud). Globalement, la crois-sance continue. Malgré la « crise », les PDEM continuent de s’enrichir mais à un rythme atténué, moitié moins que pendant les Trente Glorieuses ; cette croissance varie selon les secteurs : tout ce qui est relatif à la production pétrolière, à sa transformation est dans un 1er temps sinistré, les vieilles indus-triels (sidérurgie, métallurgie, mines…) périclitent dans les PDEM. Dans les années 80, la croissance oscille entre 5 % l’an au Japon pour les meilleures années à 2 % l’an en moyenne en France ou au Royaume-Uni. On assiste donc à un net décrochage de certains espaces par rapport à d’autres : le Tiers-Monde éclate car la croissance devient négative dans nombre de pays africains tandis qu’elle est spectaculaire dans les NPI, en Chine. D’ailleurs, l’Asie, emmenée par le Japon semble beaucoup mieux s’en sortir du moins jusqu’en 1997, de même que de nos jours (2002-2003) les Etats-Unis connaissent une croissance beaucoup plus élevée que celle du Vieux Continent (France, Allemagne) à la limite de la récession. C’est là une des particularités de l’histoire économique du dernier quart du XXe, l’alternance de période de croissance molle (appréciable mais sans comparaison avec celle des Trente Glorieuses) et de période de récession. Prenons le cas de la France ces dix dernières années : elle connaît en 1993 une récession très accusée : - 1 % de son PIB puis de 1997 à 2001 une croissance appréciable, autour des 3 % puis en 2002-2003 elle frôle la récession avec une croissance inférieure à 0,5 % ! On retrouverait la même instabilité pour la plupart des PDEM mais selon des calendriers décalés.

En soi, cette instabilité de la croissance n’est pas originale, on la retrouve au XIXe ; les nouveautés sont ailleurs et elles sont de taille. A la différence des années 30, les difficultés économiques sont associées à une forte inflation, supérieure à 10 %, a tout le moins jusqu’au milieu des années 80 ; inflation elle même associée à une stagnation de l’activité économique ; c’est ce que l’on appelle la stagfla-tion. C’est une originalité, car pendant les Trente Glorieuses, il y eut bien inflation à la fin des années 60 mais l’activité économique restait soutenue.

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La stagflation est une configuration originale et particulièrement grave car la volte-face des prix favorise les investissements spéculatifs (placements boursiers…) au détriment des investisse-ments productifs, ce qui nourrit la stagnation de l’activité économique.

Toutefois, elle correspond à un bref moment allant de 1974-1975 à 1984-85, en effet par la suite la plupart des PDEM maîtrisent leur inflation.

A travers le schéma précédent, nous avons entrevu incidemment la manifestation la plus grave car persistante c’est-à-dire le développement massif du chômage. La rupture est radicale avec les Trente Glorieuses marquées du plein emploi. Le chômage est devenu une constante de la plupart des sociétés des PDEM comme des PED ; il culmine à 9 % en moyenne de la population active en 1985 pour les pays de l’OCDE mais là aussi de fortes nuances s’imposent tant les contrastes sont mar-qués : il progresse de 2,5 % en 1975 à 12 % en 1994 avant de décroître au dessous de 9 % en 2000-2001 en France et de reprendre dernièrement, au Japon même s’il progresse lentement, il ne dépasse guère les 3 % de la population active, aux Etats-Unis il est très irrégulier et lié aux variations de conjoncture économique : 8 % en 1975, 9,5 % en 1982, 5 % en 1988, 7 % en 1992 et environ 5 % aujourd’hui. L’importance du chômage n’est pas une clé de lecture appropriée pour saisir l’état économique d’un Etat ; son importance ou sa faiblesse s’explique certes par des choix de politique économique (baisse des coûts et charges salariales, moindre protection du travail…) par le dynamisme économique mais aussi par des particularités sociales nationales, par exemple au Japon on ne peut nier la sous-généralisation du travail féminin qui rend discutable toute comparaison avec l’état du chômage en France ou en Allemagne.

Néanmoins cette persistance du chômage donne l’impression – erronée – que nous sommes en crise :

Document 4Affiche de la cgt (1997)

Journal l’UNION édité par l’URIF-CGT

NON AU TRAVAIL JETABLE, OUI AU PLEIN EMPLOI

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Questions � Montrez à partir de cette affiche l’aspect humiliant et déshumanisant du chômage.

� En quoi témoigne-t-elle d’une nostalgie ?

� Quelles solutions proposent-elles au problème dénoncé ?

Réponses � Pour exprimer le travail jetable, les auteurs ont représenté la photographie froissée, comme un

papier récupéré d’une poubelle, d’un homme accablé qui se tient la tête et qui implicitement se demande ce qu’il va devenir. On notera que c’est un « col blanc » et non l’ouvrier traditionnel, et un adulte plutôt jeune.

� La nostalgie apparaît par la référence presque mythologique au « plein emploi » du temps des Trente Glorieuses.

� Aucune ! On peut s’interroger sur cette absence. C’est une affiche de sensibilisation, de mobilisa-tion et de dénonciation ; on joue sur l’émotion et non la raison. Est-ce le rôle d’un syndicat que de proposer des solutions ? Peut-être. L’affiche est-elle le support adéquat pour les présenter ? On peut en douter.

Pour saisir les aspects et la nature des difficultés économiques actuelles, nous n’avons retenu jusqu’ici que ce qui était le plus frappant, le plus évident : crise pétrolière, stagflation, chômage… mais s’en tenir à ce stade serait passer à côté de tendances lourdes du dernier quart du XXe à savoir de très profondes mutations industrielles voire un basculement de civilisation.

Et si la « crise » n’était pas plutôt une mutation des économies ?

Document 5

Une mutation technique sans précédent

« La presse parle de récession. Et quand la récession vous touche personnellement, elle cesse bruta-lement d’être une « récession » pour devenir une « dépression ». Cela, je le comprends fort bien. Je comprends que les gens souffrent et que c’est toujours les plus modestes qui souffrent le plus. Mais se référer continuellement à la notion de récession ou de dépression ne fait que masquer la réalité des choses. On braque ainsi l’attention sur les symptômes et non pas sur les causes. Au cours des dépressions antérieures, les branches industrielles de base étaient en crise : licenciements, méventes, faillites, liquidations. De grosses entreprises fermaient leurs portes. Mais il était rare de voir naître dans le même temps de nouvelles et puissantes industries.

Aujourd’hui, les industries vouées à la production de masse – l’automobile, l’acier, le caoutchouc, le textile, autrement dit l’ossature même des économies industrielles traditionnelles – est à l’agonie. Les métallos belges, les travailleurs de l’automobile en Angleterre, les ouvriers du textile de la Caroline du Nord et du Japon perdent leurs emplois. Et pourtant, nous constatons parallèlement une croissance explosive dans les secteurs de l’électronique, de l’informatique, des ordinateurs, de la génétique, de l’aérospatiale, du recyclage ainsi que dans certains services et dans leurs industries spécialisées dans les énergies nouvelles. Il y a, certes, des hauts et des bas mais toutes ces branches sont d’une manière générale en expansion. Ce à quoi nous assistons n’est pas une récession au sens propre du terme mais bien une restructuration intégrale de la base techno-économique de la société ».

Alvin Toffler, Les Cartes du futur, © La Nouvelle Agence.

Questions � Pourquoi parle-t-on de dépression d’après l’auteur ? En quoi ce terme ainsi que celui de récession est-il incorrect et ne fait que « masquer la réalité des choses » ?

� Quels sont les secteurs en difficulté que l’auteur repère ?

� Quelles sont les voies de l’avenir ?

� Que veut dire Alvin Toffler par « restructuration intégrale de la base technico-économique de la société » ?

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Réponses � Toffler insiste sur la subjectivité dans la perception des réalités économiques ; à partir du moment où «

la récession vous touche personnellement », par le chômage par exemple, alors c’est la catastrophe : la « dépression ». Au sens strict, parler de récession, c’est-à-dire de baisse de l’activité économique ou de dépression, c’est-à-dire de ralentissement, est inexact puisque comme on l’a vu plus haut, la croissance même « molle » continue, cette « réalité des choses » selon l’auteur.

� – Les vieux secteurs « fordistes » de production de masse : « automobile, acier, textile… »– Les secteurs à coût élevé de main-d’œuvre concurrencés par des économies émergentes : « métallos bel-

ges, travailleurs de l’automobile en Angleterre, ouvriers du textile en Caroline du Nord et du Japon ».

� – l’industrie de pointe (génétique, aérospatiale),– les industries de l’information et de la communication (électronique, informatique, ordinateurs),– les services.

� Pour Toffler, les activités de base de nos sociétés changent ; le vieux socle de la Révolution Industrielle périclite tandis que de nouvelles activités les remplacent, à forte valeur ajoutée, très liée à la recher-che-développement, à l’innovation et à la communication.

Pour évoquer les mutations récentes des économies des PDEM, on a parlé de « 3e révolution indus-trielle». De nouveaux secteurs prennent le relais des vieilles industries. On a aussi parlé de désindus-trialisation face au recul spectaculaire d’activités comme le textile, la construction navale, la sidérurgie. Incontestablement, les activités porteuses des deux révolutions industrielles précédentes sont margina-lisées. La désindustrialisation est un terme en partie recevable, et nous allons voir en quoi.

Les nouveaux secteurs porteurs : électronique, informatique, ont connu un développement pro-digieux ces 25 dernières années mais aussi les biotechnologies, le nucléaire (dans une moindre mesure) ; en cela, il y a toujours industrialisation, mais nouvelle industrialisation, c’est ce qu’on appelle la 3e révolution industrielle. L’essor des micro-ordinateurs, des téléphones portables, des techno-logies du numérique le prouve à l’excès. L’expression même de révolution industrielle est pertinente car comme pour la précédente apparaît dans les années 80 une nouvelle organisation du travail : le toyotisme, avec ses flux tendus, sa réactivité, ses exigences de qualité et une meilleure qualification ouvrière. Cette nouvelle organisation du travail s’impose d’autant plus que la robotisation remplace le travail ouvrier taylorisé comme l’automatisation remplace les services peu qualifiés.

Pourtant, les industries ne sont plus aussi déterminantes qu’avant 1973, en effet les services sont deve-nus plus porteurs encore ; il y a bien en cela désindustrialisation ; on a parlé d’économies post-indus-trielles ou tertiarisées pour celles des PDEM. Les industries de la 3e Révolution Industrielle basées sur l’informatique et l’électronique ne peuvent fonctionner sans contenu : informations, images, sons, logiciels… Au sein des services, les opérations de communication ont pris le dessus (pensons à Internet) au point que l’on qualifie aujourd’hui nos sociétés de « sociétés de communication ».

➠ Sur ce point, voir plus loin C 1. Une civilisation de l’information.

b. Les conséquences (de la crise)

Les difficultés économiques depuis 1973 ont des conséquences paradoxales, en effet globalement les PNB augmentent, le pouvoir d’achat continue de croître mais les inégalités ne cessent de se creuser.

� Entre 1973 et 1992, on estime que le pouvoir d’achat a augmenté de 14 % aux Etats-Unis, de 45 % en France, 43 % en Allemagne, de 64 % au Japon ! Ce ne sont là que des moyennes. Elle gomment les périodes d’austérité, de blocage des prix et des salaires mais surtout l’inégale répartition de cette croissance molle du dernier quart du XXe. L’éventail des rémunérations et revenus s’est élargi ainsi au Royaume-Uni de 1979 à 1990 (tandis que le nombre de milliardaires quadruplait mais restait minuscule 20 000, le nombre de pauvres doublait pour atteindre 8 millions de personnes soit plus de 15 % de la population britannique). Le cas britannique est transposable à la plupart des PDEM. Les sociétés contemporaines sont devenues duelles : une minorité monopolise richesse, influence et savoir face à des contingents croissants de population pauvre. Ce constat est très accusé dans tous les pays anglo-saxons : Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni, Canada ; moindrement dans les pays d’Europe du Nord-Ouest et scandinaves. Nous y reviendrons (Cf. B – De profondes transformations sociales).

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Autre conséquence, et qui accroît le sentiment d’instabilité, la gravité des crises boursières. Les années 1980 ont connu un essor boursier phénoménal avec le développement ou le renforcement d’un actionnariat populaire. Cet essor a été brusquement interrompu en 1987 avec un krach boursier spectaculaire, dont l’ampleur n’a rien à envier au Jeudi Noir d’octobre 1929 mais dont les conséquences furent heureusement limitées. Ce phénomène irrationnel et spéculatif s’est pourtant répété depuis à 2 reprises, en Asie où la bulle financière a atteint des sommets avant de crever en 1997, plongeant le Japon et ses partenaires asiatiques dans la crise ; aux Etats-Unis et en Europe où sous prétexte de développement de la « nouvelle économie » (essentiellement Internet) les cours se sont envolés sans rapport avec la valeur réelle des entreprises – souvent proche du zéro ! – avant de s’écrouler au début des années 2000 plongeant les marchés financiers dans un marasme persistant.

� A l’opposé des années 1930 aux temps de la Grande Dépression quand les économies tendaient à se replier sur leur marché national respectif, on assiste depuis 35 ans à la mondialisation ou globa-lisation croissante des économies.

Cette évolution a une double source :– technique avec la continuation de la révolution des transports : perfectionnement du transport

maritime, baisse des coûts du transport aérien, conteneurisation qui permet la multimodalité, mise en réseaux des ordinateurs, Internet pour la circulation des informations et des capitaux…

– politique avec d’une part la transformation du GATT en OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en 1995 d’après les accords de Marrakech l’année précédente c’est-à-dire l’extension du libre-échange du secteur marchand manufacturé à l’agriculture et aux services ; d’autre part à l’imitation de la CEE devenue Union Européenne en 1993, les organisations régionales de libre-échange se sont multipliées : ALENA ou NAFTA (association de libre-échange de l’Amérique du Nord, en vigueur depuis 1994 réunissant Canada, Etats-Unis et Mexique), MERCOSUR en Amérique Latine. Des retournements spectaculaires se sont produits comme l’ouverture du 1er marché mondial à l’économie (et seulement à l’économie !), la Chine Populaire, membre de l’OMC depuis 2000.

Le décloisonnement des économies est une adaptation aux difficultés économiques actuelles. Il se traduit par une interdépendance croissante des économies, en effet la division internationale du travail s’accentue ; on peut parler d’une parcellisation géographique du processus de production. Il est fréquent que pour un produit , la conception, le design se déroulent en un pays, le plus souvent celui de l’entreprise, l’élaboration des pièces détachées en un autre, le montage ailleurs encore… Ce sont la plupart du temps les FMN ou firmes multinationales, encore dénommées transnationales, et dont le rôle est croissant dans le commerce international, qui sont actrices de ce processus. Elles profitent pour tel ou tel stade du processus de production des avantages comparatifs que lui offrent divers pays : faible coût de la main d’œuvre, exonérations fiscales (pensons aux zones économiques spéciales de la Chine littorales), proximité d’un marché solvable… Les FMN génèrent d’importants flux internationaux entre leurs filiales ou avec leurs sous-traitants, leur stratégie est donc à échelle planétaire. Elles essaient de profiter de toutes les opportunités pour accroître leur rentabilité d’où la multiplication des délocalisations, principalement industrielles ; exemple : délocalisation des entreprises textiles françaises du Nord-Pas de Calais vers la Chine ou la Tunisie.

Document 6

La mondialisation dans l’automobile

« Quand un Américain achète une Pontiac Le Mans de General Motors, il prend part, sans le vouloir, à une transaction internationale. Des 20 000 dollars payés à General Motors, 6000 environ vont à la Corée du Sud pour le travail courant et les opérations de montage, 3500 au Japon pour les composants de pointe (moteur, axes de transmission, électronique), 1500 à l’Allemagne pour le dessin de la carrosserie et les études de conception, 800 à Taiwan, à Singapour et au Japon pour les petits composants, 500 à la Grande-Bretagne pour le marketing et la publicité et environ 100 à l’Irlande et aux Barbades pour le traitement des données. Le reste, soit moins de 800 dollars, va aux stratèges de Détroit, à des avocats et à des banquiers new-yorkais, à des lobbyistes de Washington, à des employés d’assurance et à des membres des professions de santé dans tous les Etats-Unis et aux actionnaires de General Motors, dont la plupart vivent aux Etats-Unis mais dont un nombre croissant sont des étrangers. »

Robert REICH, L’Économie mondialisée.© DUNOD Éditeur

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Séquence 1-HG0024

Parallèlement, les marchés financiers tendent à s’unifier. N’oublions pas qu’avec les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), toutes les places boursières et financières sont connectées entre elles, donc en concurrence et complémentarité. Là encore, les FMN sont des actrices essentielles. Viennent compléter ce dispositif les paradis fiscaux, souvent des micro-Etats peu regardants sur la provenance et la légalité des flux financiers qu’ils accueillent ainsi dans les Caraïbes, en Suisse, et parfois même au Luxembourg. D’où dans la plupart des PDEM, la perte d’influence poli-tique des Etats.

En effet, si cette logique d’internationalisation des économies se poursuit, on assistera à une minora-tion systématique du politique et du social par les pouvoirs économiques et financiers, évolution déjà fortement entamée.

� Dernière grande conséquence des évolutions économiques depuis 1973, une nouvelle donne géo-graphique mondiale. Comme pour toute époque, on assiste à des remises en cause des hiérarchies économiques mondiales. Nous n’évoquerons ici que les grandes tendances et assez rapidement.

Globalement, les PDEM conservent leur suprématie économique ce qui peut être symbolisé par la métaphore de l’archipel métropolitain mondial, les 3 pôles de la Triade connectés entre eux.

Dans les « SUD », l’évolution est à la différenciation ; sur ce point voir le CHAPITRE 3. Le Tiers-Monde a éclaté entre des espaces plus ou moins insérés dans les échanges mondiaux : pays émer-gents ou déjà industrialisés comme le Mexique, le Brésil, les Etats d’Asie du Sud-Est… et des espaces marginalisés comme l’Afrique subsaharienne… Si les pays du Sud profitent de plus en plus et quoique inégalement des délocalisations industrielles, ils n’ont pas réussi à instaurer le Nouvel Ordre Economique Mondial qu’ils revendiquaient en 1973, ce que traduit l’explosion de leur dette depuis le début des années 1980.

L’évolution la plus importante concerne l’Europe orientale. Les difficultés économiques depuis 1973 ont été fatales au modèle d’économie planifiée à la soviétique. Bien sûr leur disparition tient à bien d’autres facteurs, essentiellement politiques… mais il ne faudrait pas sous estimer l’échec économique. Plus encore qu’en Occident, les difficultés sont marquées par des dérèglements criants : pénuries institutionnalisées, productivité dérisoire… Ces insuffisances nourrissent les res-sentiments et les contestations politiques. Une fois le communisme disparu en 1989 pour l’Europe orientale et en 1991 pour la Russie et ses voisins de l’ancienne URSS, les difficultés économiques se sont localement maintenues et parfois même aggravées. Elles tiennent en la persistance de mentalités d’assistés, à la captation des richesses par des groupes mafieux, au poids encore important des dépenses militaires… Ce constat vaut surtout pour l’ex-URSS ; pour les PECO (pays d’Europe Centrale et Orientale), le redressement semble plus rapide.

Le grand gagnant de cette période de « crise » est l’espace Asie-Pacifique et surtout le Japon. Le Japon s’est affirmé dans les années 1980 comme la 2e puissance économique mondiale derrière les Etats-Unis et comme la première puissance exportatrice mondiale, en a témoigné le dépassement du trafic transatlantique par le trafic transpacifique au cours de ces mêmes années 1980. Même si depuis 1997, la vitalité du Japon est moindre de même que celle de ses relais, il n’empêche que cette zone reste motrice pour l’économie mondiale, avec l’essor toujours soutenu de la Chine littorale.

c. Les sources (de la crise)

Quelles peuvent être les divers facteurs qui ont généré la crise de 1974 et les difficultés économiques qui en sont le résultat ?

On a d’abord évoqué le choc pétrolier mais nous avons déjà vu en quoi ce n’est pas recevable.

Certains facteurs sont les mêmes que ceux limitant la croissance de la fin des années 60 comme l’usure du fordisme : saturation des marchés, inflation rognant salaires et profits des entreprises.

➠ Nous vous y renvoyons, dans ce CHAPITRE A.1.

Nous allons ici privilégier 3 facteurs, en sachant bien qu’il n’existe pas d’explications unanimement retenues pour expliquer la crise ; les hypothèses priment encore sur les certitudes.

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Séquence 1-HG00 25

1er élément Le désordre monétaire depuis 1971

La décision de Nixon en 1971 de ne plus rendre le dollar convertible en or et de laisser flotter les monnaies les unes par rapport aux autres a détruit l’ordre économique né à Bretton Woods ; la conférence de la Jamaïque en 1976 confirme cette évolution. Dès lors, un contexte d’instabilité monétaire et financière s’installe durablement et contribue à perpétuer les difficultés économiques sans pour autant les créer. L’Europe a bien tenté d’y réagir en instaurant en 1979 le SME (Système Monétaire Européen) encadrant les variations des monnaies qui le composent, système vite fragilisé par les crises financières des années 1980 et du début des années 1990 ; l’instauration de l’€ en 1999 comme monnaie unique achève cette évolution et atténue pour l’UE les risques de l’instabi-lité monétaire mondiale et au moins éradique radicalement en interne cette éventualité ! Le désordre monétaire résulte surtout des désordres comptables états-uniens : spectaculaire hausse du dollar dans les années 80 (déficits records, taux d’intérêts élevés), forte baisse en 2002-2003 face à l’euro. Ces variations gênent les échanges internationaux, favorisent les mouvements spéculatifs, la finance au détriment des investissement, beaucoup moins rentables à court terme.

2e élément Une compétition forcenée des économies entre ellesPlus nettement qu’avant 1973, on perçoit un aiguisement des rivalités économiques entre nations ; ce n’est jamais que l’application du libéralisme économique à l’échelle internationale. Face à la mon-tée de la mondialisation, se multiplient les dispositions dérogatoires : dévaluations compétitives (dollar en 1973, franc français en 1981-82…), instauration de zones franches, de paradis fiscaux, de pavillons de complaisance… Ces dispositions ont pour objectif de redonner à ceux qui les décident compétitivité mais elles remettent en cause les législations sociales des PDEM et empêchent leur instauration dans les PED. C’est une course au « moins-disant social ».

3e élément La théorie des cyclesSelon un économiste Kondratiev qui publia en 1925 « Les Grands cycles de la conjoncture », l’histoire économique mondiale serait marquée par une série successive de cycles de 50 ans environ. Chaque cycle serait divisé en 2 phases opposées :– une phase A de croissance, ascendante, de 25 ans environ.– une phase B d’égale durée de dépression et descendante.

Sa théorie a longtemps été populaire et reconnue dans les milieux économiques mais on peut la contester sur 2 points au moins : sa durée des cycles est arbitraire et ne correspond pas au rythme de l’économie du 2nd XXe, sa représentation graphique en phase B descendante laisse supposer une récession sur toute la phase B, rien n’est plus faux de 1974 à nos jours ; à dire vrai, le schéma des cycles de Kondratiev ne fonctionne bien que pour la Grande Dépression des années 30.

Au final, aucune des explications traditionnellement avancées pour expliquer les difficultés économi-ques de 1973 à nos jours ne sont convaincantes, soit elles précisent le contexte, soit elles théorisent la crise…

La difficulté même de cerner les causes de la « crise-dépression » depuis 1973 explique peut-être l’incapacité des politiques à y répondre efficacement.

d. Les politiques de lutte contre la crise

Deux grands types de politique économique se sont succédé : le keynésianisme et le néolibéralisme, avec, au final, la victoire de ce dernier.

� Au début de la crise, les années 74-1980, les réponses furent surtout keynésiennes. Ce réflexe est compréhensible car cette réponse a fonctionné pour la grande dépression des années 1930 et pendant les Trente Glorieuses. Il s’agit de politiques de relance de la croissance par la consom-mation. Ce type de politique fut appliqué aux Etats-Unis de 1976 à 1980 sous la présidence de Carter, en France en 1975-76 avec J. Chirac, 1er ministre puis en 1981-1982 avec P. Mauroy comme 1er ministre également, en Angleterre de 1974 à 1979…

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Séquence 1-HG0026

Dans cette politique, l’Etat joue un rôle moteur comme dynamisant l’économie en relançant l’activité : il intervient en soutenant financièrement les entreprises en difficulté pour qu’elles investissent, en créant des emplois stables de fonctionnaires pour lutter contre le chômage, en augmentant les prestations sociales. L’Etat choisit délibérément le déficit budgétaire afin de soutenir la crois-sance. Ce pari n’a plus fonctionné (autrefois l’Etat récupérait son avance par les impôts et taxes sur l’activité qu’il avait suscitée) ; les déficits et la dette publique se sont creusés, l’inflation a continué d’augmenter, les monnaies ont dû être dévaluées. La relance a surtout profité aux économies concurrentielles.

La mondialisation a rendu obsolète les principes keynésiens quand ceux-ci sont appliqués localement et sans concertation ; exemple : la France en 1981-1982.

Face à l’échec du keynésianisme, il a fallu trouver une autre réponse. Celle-ci est originale et à bien des égards décevante, car contrairement aux années 1930 où l’on a innové, là on renoue avec l’idéo-logie économique la plus traditionnelle qui soit dans l’histoire du capitalisme : le libéralisme, d’où cette dénomination de néolibéralisme.

� Le schéma libéral cherche également à restaurer la croissance économique. Il privilégie 2 outils :– la solidité de la monnaie,– la baisse de la fiscalité.

Les politiques libérales sont monétaristes c’est-à-dire qu’elles essaient de garantir la valeur de la monnaie. Pour cela, il faut lutter contre l’inflation notamment en restreignant la masse monétaire et surtout en veillant à l’équilibre des budgets publics, soit l’inverse du keynésianisme. Ce sont là des principes, la réalité de leur application est plus complexe, voire contradictoire… A ce monétarisme s’ajoute une reprise des credo traditionnels du libéralisme : concurrence entre entreprises privées, rôle réduit de l’Etat, déréglementation des activités (transports, finances, travail…).

Le néolibéralisme remet en cause l’Etat-Providence par son choix de baisser le niveau de la fis-calité ; il cherche par là à stimuler l’activité économique ; les entreprises comme les travailleurs dynamiques seront récompensés de leurs efforts, ils investiront en retour, ce qui contribuera à relancer l’activité et la production et donc permettrait, théoriquement, de créer des emplois, mais c’était là aussi sans compter sur la mondialisation et les délocalisations…

Les politiques libérales sont devenues la norme dans les PDEM à partir des années 1980. Elles eurent leurs limites et leurs mérites.

Elles ont révélé l’épuisement de l’Etat-Providence et la nécessité de le réformer en effet les prélèvements obligatoires pour faire fonctionner de vastes systèmes de santé, de retraite et d’éducation publics ont fini par atteindre des niveaux tels qu’ils asphyxiaient l’activité économique, ce dernier a généré des administrations pléthoriques, des mentalités consommatrices de droits sans que les usagers ne veuillent les payer à leur juste valeur…

Les politiques libérales d’austérité ont contribué à la maîtrise de l’inflation au début des années 1980, à la relance de l’activité économique par l’accroissement du commerce inter-national. Elles ont été incarnées dans les années 1980 par Ronald Reagan aux Etats-Unis et Margaret Thatcher au Royaume-Uni, des politiques marquées à la fois par une déréglementation du travail, très antisyndicale, une forte baisse des impôts, des privatisations (au Royaume-Uni). Par la suite, dans les années 1990, ces politiques se sont imposées partout et quelques soient les formations politiques ainsi du New Labour de Tony Blair au Royaume-Uni à partir de 1997, du SPD de Schröder en Allemagne depuis 1996 succédant à la conservatrice CDU d’Helmut Kohl, des socialistes en France dès 1983, des démocrates sous Clinton aux Etats-Unis de 1992 à 2000. Malgré des nuances, les lignes directrices du néolibéralisme ne sont plus remises en cause ; cet unanimisme permet de comprendre l’émergence des mouvements altermondialistes dans les PDEM comme au Sud qui seuls remettent en cause cette hégémonie libérale, sans rien proposer de concret il est vrai.

Pourtant, les politiques libérales ont leurs limites :– elles accroissent les inégalités sociales,– elles favorisent les marchés financiers au détriment des investissements productifs,– en déréglementant l’activité ou en « cassant » les services publics, elles fragilisent la cohésion

sociale, les systèmes de surveillance (pensons à l’affaire de la « vache folle » au Royaume-Uni dans les années 1990 consécutive à une recherche forcenée du profit au point de faire des bovidés des carnivores ! et au démantèlement des services publics vétérinaires) et tout simplement la sécu-

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Séquence 1-HG00 27

rité par le non entretien des infrastructures privatisées (cf. multiplication des accidents ferroviaires meurtriers au Royaume-Uni),

– elles jugulent incomplètement le chômage. Cela a fonctionné au Royaume-Uni et aux Etats-Unis mais au prix d’une précarisation généralisée du travail (baisse des salaires ou pression maximale à la productivité…) mais reste en suspens en France et en Allemagne.

Le bilan des politiques libérales est donc plutôt contrasté, la facture sociale est plutôt élevée. En somme, les politiques économiques de lutte contre la crise n’agissent que partiellement ce qui laisse à penser, que plus qu’une crise ou une dépression, selon le vocabulaire qu’on voudra, c’est à de profondes mutations auxquelles nous faisons face, mutations toujours en cours et à court terme sans perspective de stabilisation…

B De profondes transformations sociales

Dans ce portrait, nous allons privilégier les sociétés des PDEM car elles constituent un modèle, vénéré ou détesté, par le reste du monde. La société entre 1945 et l’aube du XXIe siècle a probablement plus changé qu’en deux millénaires, une nouvelle société urbaine, vieillissante, et individualiste s’érige en norme.

� Les mutations du cadre de vie

� L’urbanisation est un trait dominant des sociétés du 2nd XXe, ce processus n’est pas nouveau depuis l’avènement de l’ère industrielle, mais il s’amplifie jusqu’à atteindre son apogée. A échelle mondiale, la population urbaine serait passée de 28 % de la population en 1950 à 40 % en 1990 ; dans les PDEM dès 1975 plus des 3/4 des habitants sont des citadins. L’explosion urbaine en Occident s’explique par un important exode rural pendant les Trente Glorieuses et par le dynamisme démographique des citadins.

Cette urbanisation revêt des formes diverses selon les pays. Aux Etats-Unis, dès les années 50, on assiste à la multiplication des suburbs pour classe moyenne c’est-à-dire de gigantesques lotisse-ments pavillonnaires. La superficie des villes s’accroît considérablement. En Europe, il faut au sortir de la guerre faire face à une pénurie de logements, c’est pourquoi les pouvoirs publics vont guider l’urbanisation, comme en France avec la création des ZUP (Zones à urbaniser en priorité). De nouveaux types de constructions se généralisent : les grands ensembles composés de tours, d’immeubles-barres mais aussi de lotissements pavillonnaires. Ces nouveaux quartiers urbains se développent en banlieues comme Sarcelles au nord de Paris, Vénissieux dans l’agglomération lyonnaise ou grignotent la campagne en proximité des noyaux urbains, comme le quartier de la Paillade pour Montpellier. Il est de bon ton aujourd’hui de dénoncer cet urbanisme gigantesque et déshumanisant. C’est oublier qu’il a répondu à une demande pressante des ménages et qu’il constitua une amélioration considérable du logement avec une superficie habitable plus grande, un accès au confort notamment avec les salles de bains. Il est vrai cependant que la plupart de ces quartiers souffraient dès le départ d’une carence, celle d’être des cités-dortoirs : les emplois se trouvant en centre-ville ou dans les zones industrielles. Ce n’est que plus tard que ces cités, ainsi les appela-t-on désormais, devinrent parfois des espaces à problème, aux temps forts de la crise dans les années 1980-1990 avec la massification du chômage, le non-entretien, l’absence d’activités sur place et la concentration en ces lieux de populations immigrées défavorisées, discriminées et non intégrées. D’où un mouvement inverse de destruction ou d’aération du tissu urbain des cités par le dynamitage des grandes tours pour créer un habitat urbain à dimension humaine. Toutefois, cela ne remet pas en cause le primat de l’urbanisation.

Ces sociétés urbaines ont imposé un remodelage des paysages citadins : grandes artères routières voire autoroutières en Amérique du Nord, construction des « nouveaux temples » de la consom-mation près des échangeurs avec l’essor de la grande distribution : supermarchés dans les années 1960, hypermarchés dans les années 70-80 puis vastes centres commerciaux aujourd’hui.

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Séquence 1-HG0028

� Il semble aussi qu’une nouvelle relation au travail se soit instituée, avec un temps de plus grand laissé au repos et aux loisirs. La réduction du temps de travail se vérifie dans tous les PDEM : - 20 % en France de 1950 jusqu’à l’arrivée des 35 heures à partir de 1998-1999, - 33 % en Allemagne de 1950 à 1992, - 15 % aux Etats-Unis et - 13% au Japon pour la même période. On entre de plus en plus tard sur le marché du travail car les études sont plus longues et l’on en sort plus rapidement : pré-retraites, retraites à 60-65 ans même si le seuil d’entrée en retraite risque de s’élever.

La durée du temps de travail a fini par devenir un enjeu politique dans la mesure où le plein-emploi des Trente Glorieuses a définitivement disparu, le toyotisme ayant remplacé le fordisme et ses emplois peu qualifiés d’OS (Ouvriers Spécialisés). En France, la gauche socialiste sous L. Jospin de 1997 à 2002 a pensé que le partage du temps de travail par une réduction de sa durée hebdomadaire à 35 heures permettrait un recul du chômage ce qui a fonctionné en partie mais c’était sans compter sur le coût d’une telle réforme pour les entreprises, les salariés (blocage des salaires) et la collectivité et surtout sur le manque de main d’œuvre disponible et qualifiée.

� Le cadre de vie du 2nd XXe est celui des cités de verre, d’acier et de béton ; en cela il illustre une autre tendance majeure, celle de l’artificialisation croissante des cadres de vie. En mobilisant leurs science, techniques et technologies, les sociétés contemporaines ont transformé les milieux pour les rendre plus productifs. Avec la crise, les revers d’une telle artificialisation ont commencé de faire sentir leurs effets au point que depuis 25 ans on peut parler de cadres de vie littoraux, urbains, ruraux, montagnards en crise. L’artificialisation s’est traduite par un bétonnage des littoraux pour accueillir des touristes toujours plus nombreux, par la mise en place d’infrastructures routières tentaculaires pour absorber un trafic toujours croissant, par la « chimisation » des sols agricoles pour augmenter les rendements… Les dégradations environnementales sont désormais manifestes et peut-être irréversibles. Si la prise de conscience de ces problèmes par les populations est ancienne, années 1960-70, celle des politiques est récente : sommet de la Terre à Rio en 1992, puis conférence de Kyoto en 1997 sur l’émission des gaz à effets de serre… Concrètement, ce sont les pluies acides en Europe centrale, la découverte du trou dans la couche d’ozone, l’émission par les automobiles et l’industrie des gaz à effet de serre avec comme conséquence une élévation des températures et des dérèglements climatiques. Les modes de vie et de produire du 2nd XXe se révèlent destructeurs des cadres de vie. Cette artificialisation révèle aussi une plus grande vulnérabilité de nos sociétés à l’égard des risques technologiques et industriels comme l’explosion d’un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986 ou l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en septembre 2001.

� La société de consommation reine ?

Les Trente Glorieuses ont globalement apporté la prospérité, ce que les « 20 et + calamiteuses » n’ont finalement pas démenti ; aujourd’hui un certain confort matériel s’est démocratisé dans les sociétés des PDEM.

� Cette abondance peut se mesurer au travers des modifications dans la structure des dépenses des ménages :

– L’entrée dans une société d’abondance se mesure par le poids décroissant des dépenses de 1re nécessité (alimentation, habillement) : de 37 % en 1950 à 31 % en 1962 pour les dépenses en nour-riture en France, - 2 points pour les dépenses d’habillement toujours en France, par l’accroissement des postes de dépenses comme le logement : + 2 points aux Etats-Unis entre 1950 et 1962, + 1,5 point en RFA, + 3,5 points en France, ou les transports (surtout l’achat d’une automobile) : + 3,5 points en France, + 4 points au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, + 6 points en Allemagne, et surtout l’accroissement des dépenses de loisirs et de santé ; un quasi doublement aux Etats-Unis pour la santé, un doublement en France et au Royaume-Uni. Ces deux dernières dépenses montrent qu’un surplus est dégagé pour prendre soin de soi.

– Les variations entre Etats s’expliquent par les dates proposées : 1950-1962 ; on est au cœur des Trente Glorieuses mais les fortes croissances sont encore à venir en France et en Allemagne, et surtout au Japon (années 60-70) très en retard à cette époque. Néanmoins, les évolutions discer,nables dans ce tableau se sont vérifiées jusqu’à nos jours.

� Le confort matériel se manifeste par la multiplication des objets, des « choses » à disposition des ménages : appareil électroménagers, télévision, téléphone, réfrigérateur… des inventions

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qui améliorent le quotidien et modifient les relations au sein des familles. En 1973, 80 % des Français avaient déjà un téléviseur ; l’idéal de consommation se profile : avoir une ou deux automobiles, être propriétaire de son logement, si possible une maison individuelle. Consommer devient un rite d’inclusion à la société, encore vérifié depuis 1973 : jeux vidéo, vacances, ordinateurs, téléphones mobiles …

La société de consommation a donc ses bienfaits, incontestables, mais aussi ses revers. On lui repro-che son « matérialisme » (qualification erronée car c’est tout autre chose que l’attachement à ce qui est matériel) c’est-à-dire de placer le sens de l’existence dans la possession des objets, sa médiocrité, l’uniformisation des modes de vie qu’elle implique. En effet les biens de consommation (au sens le plus large) se sont standardisés, formatés et partout au sein des PDEM tendent à s’imposer les mêmes manières de se vêtir (jeans dans les années 50-60-70), de s’alimenter (généralisation des fast-foods à partir des années 80 sur le modèle nord-américain), de se reposer (séjour en station balnéaire ou de ski…). Les individus deviennent interchangeables, et en cela on peut qualifier cette société d’aliénante.

Un objet plus que tout autre symbolise cette société : l’automobile qualifiée, en fait la DS, de « cathé-drale gothique » par Roland Barthes. L’obtention du permis de conduire marque souvent l’entrée dans l’âge adulte, l’auto est synonyme d’indépendance, de liberté, d’évasion… Elle est deve-nue un fétiche par lequel on affiche sa réussite sociale, effective… ou fantasmée.

Pour fonctionner, la société de consommation a besoin de populations solvables et décidées à consom-mer, d’où le rôle essentiel des phénomènes de mode et de la publicité ; autrement dit le ressort de son fonctionnement est la frustration. Or depuis 1973, le contexte économique a changé ; nos sociétés sont devenues plus inégalitaires, de véritables fabriques à frustrés.

� Les sociétés des PDEM, à l’exception des sociétés scandinaves sont devenues duelles avec leurs exclus qu’on qualifia de « nouveaux pauvres » ou de SDF (les « sans domicile fixe » pour ne pas dire qu’ils n’en ont pas !) dans les années 1980. C’est ici la frange la plus visible des exclus de la société de consommation car elle est en réalité plus large : jeunes des cités européennes ou des ghettos états-uniens, travailleurs précaires ou à temps partiel qui vivotent. Il en résulte pour eux une tension entre l’impossibilité de consommer et la volonté de satisfaire aux normes consuméristes, tension parfois comblée par des comportements violents et délictueux. Nous avons là une des sources, non la seule, de l’obsession sécuritaire qui saisit certaines des sociétés vieillissantes des PDEM : états-unienne avec la multiplication des lotissements aisés barricadés avec leurs propres services de sécurité ; française, pensons à la campagne présidentielle de 2002 et le glissement exemplaire qu’elle a opéré sur la précédente dont le mot d’ordre était … la fracture sociale.

Notons toutefois que la société de consommation n’est pas remise en cause par l’exclusion ni même par les comportements délinquants, au contraire…

� Un bouleversement des hiérarchies sociales ?

Les hiérarchies sociales continuent de se construire sur les patrimoines et de plus en plus sur le travail, or de 1945 à nos jours les populations actives des PDEM ont considérablement évolué.

� Le 1er changement majeur consiste en l’essor remarquable du salariat ; ce statut concerne désor-mais plus de 80 % des actifs, a contrario les activités traditionnelles indépendantes déclinent sans toutefois disparaître. C’est le cas du monde des petits commerçants de plus en plus inadapté face à la multiplication des grandes surfaces, mais aussi des artisans et petits industriels confrontés aux mouvements de concentration et à leur plus faible productivité.

� Un 2nd changement, très variable cependant selon les Etats, est la généralisation du travail fémi-nin. Ce n’est pas une nouveauté, ce qui change c’est sa massification à la fin des années 1960. Les femmes occupent alors préférentiellement des postes d’ouvrières, d’employées dans le tertiaire mais, depuis, par leur qualification professionnelle croissante, un alignement progressif se réalise sur les professions plutôt occupées par les hommes.

La structure des populations actives des PDEM présente de profondes modifications. Pour 1950, l’OCDE estime qu’en moyenne 27,5 % des actifs travaillent dans le secteur primaire, essentiellement l’agriculture contre 34,8 pour le secondaire et 37,7 pour les services. Pendant les Trente Glorieuses, s’amorce un net recul de l’emploi primaire : 11,4 % en 1970, un essor confirmé mais mesuré

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du secteur secondaire : 38 % et enfin un accroissement très marqué de l’emploi tertiaire : 1 actif sur 2 vers 1970 ! Cette évolution s’est nuancée depuis 1973 ; la part des actifs agricoles a poursuivi sa chute, à peine 5 % d’actifs pour tous les PDEM en 1995 d’où l’expression de « fin des paysans » ; l’emploi industriel a amorcé un recul assez prononcé, à peine plus d’un actif sur quatre tandis que les 2/3 des actifs travaillent actuellement dans les services. Des nuances s’imposent, la part de l’emploi industriel reste plus marquée au Japon et en Allemagne mais partout se vérifie la tertiarisation croissante des économies des PDEM au point qu’il est parfaitement recevable de les nommer sociétés post-industrialisées.

C’est là une approche globale, il nous faut affiner l’analyse pour voir la traduction sociale concrète de ces phénomènes.

� 1er constat, des campagnes qui se vident… Le nombre des agriculteurs diminue en raison de la modernisation agricole : mécanisation, recours aux engrais chimiques, sélection des espèces animales et végétales, augmentations des superficies d’exploitation, des rendements, spécialisation des production, insertion croissante dans l’agri-business… Progressivement le paysan devient un entrepreneur agricole plus performant et plus rare. C’est là une révolution sociale silencieuse majeure car les assises campagnardes des sociétés occidentales disparaissent, or les campa-gnes jusqu’à 1945-55 restaient un conservatoire des traditions, croyances et modes de vie anciens ; ces derniers évoluent irrémédiablement pendant les Trente Glorieuses et plus encore dans les années 1980-1990.

Document 7

Les mutations d’un village français au temps des Trente Glorieuses

Sous les noms de Madère et Cessac, est décrit en réalité le même village du Lot, Douelle, respec-tivement en 1946 et 1975.

[A Madère], l’engrais chimique est très peu utilisé ; on « fume » la terre avec le fumier […]. La production par travailleur agricole et par hectare cultivé ne peut dans ces conditions qu’être très faible. Elle l’est en effet : à peine supérieure aux chiffres du XIXe siècle. En année moyenne, le blé rend 7 à 8 fois la semence (12 quintaux bruts à l’hectare) ; la vigne, 25 hectolitres […].L’alimentation forme les trois quarts de la consommation. Elle est cependant pour sa moitié com-posée de pain et de pommes de terre […] Une seule fois par semaine, en moyenne, on achète et on consomme de la viande de boucherie […]. La base de l’alimentation, plus de la moitié des calories absorbées, est la soupe de pain et de légumes, à la graisse de porc.Le reste de la consommation personnelle est vestimentaire pour plus de sa moitié. Les dépenses de loisirs sont très faibles ; ni les jeunes ni les adolescents ne reçoivent d’argent de poche. En dehors du service militaire et de la guerre, la grande majorité des habitants de Madère n’a fait que son voyage de noces et quelques pèlerinages.

[A Cessac], les rendements à l’hectare vont du triple au quadruple de ceux de Madère ; et comme le nombre des travailleurs à l’hectare est près de 4 fois plus faible, la productivité du travail agricole à Cessac est de l’ordre de douze fois plus forte qu’à Madère […].Sur les 243 foyers de Cessac, plus de 230 ont le « confort moderne » ; allant de la cuisine parfaite-ment équipée (210 réfrigérateurs, 50 congélateurs, 180 machines à laver le linge, etc.), aux W.-C. intérieurs à chasse d’eau, aux lavabos, à la salle de bain à eau courante chaude et froide ; 110 téléphones pour 670 habitants à Cessac contre 5 pour 534 à Madère ; 280 automobiles à Cessac contre 5 à Madère […]. Alors que 150 des 163 maisons de Madère ont plus de 50 ans d’âge, et sont dans un état médiocre, 50 des 212 maisons de Cessac ont été construites depuis 20 ans et toutes les maisons anciennes oint été rénovées.

« Les Trente Glorieuses » de Jean Fourastié,© Librairie Arthème Fayard 1979.

Questions � Quels sont les critères qui font de Madère un village traditionnel ?

� Quels sont les signes qui marquent l’irruption de la modernité à Cessac ?

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Réponses �

– une faible productivité et des rendements tout aussi faibles : « à peine supérieure aux chiffres du XIXe »

– le poids écrasant des dépenses de 1re nécessité : « l’alimentation forme les 3/4 de la consom-mation… le reste… est vestimentaire »

– la pauvreté du régime alimentaire : peu de viande, de la soupe…– l’impression d’enclavement : « En dehors du service militaire et de la guerre, la grande majorité des

habitants de Madère n’a fait que son voyage de noces et quelques pèlerinages ».

� � l’augmentation des rendements par 3 ou 4� l’augmentation de la productivité par 12 !� l’insertion dans la société de consommation : « confort moderne » …� l’amélioration de l’habitat : « 50 des 212 maisons de Cessac ont été construites depuis 20 ans »

Cette modernisation des campagnes a ses limites, trop d’entrepreneurs agricoles d’aujourd’hui sont endettés, leurs revenus n’ont pas cru avec la même ampleur que les autres activités d’où l’impression d’être des laissés pour compte de la croissance…

� Au sein du monde ouvrier, et ce serait notre 2nd constat, des évolutions moins marquées sont perceptibles. La figure de l’OS comme emblème de l’ouvrier s’atténue avec le robotisme et le toyotisme des années de crise ; certains métiers traditionnels comme mineurs, sidérurgistes se raréfient. Le monde ouvrier d’aujourd’hui apparaît globalement plus qualifié et plus diversifié.

� L’essentiel reste l’essor prodigieux des services. Cette évolution correspond à l’émergence de nouveaux statuts professionnels de travailleurs qualifiés : cadres, fonctionnaires, ingénieurs, techniciens, médecins… ce sont les « cols blancs ». Ils forment aujourd’hui, et ce depuis 1973, la majorité des classes moyennes, principal groupe sociale de nos sociétés. On le voit, les nouvelles classes moyennes, plus nombreuses, sont très hétérogènes notamment par leurs revenus. Ce qui les unifie, ce serait leurs valeurs : une forte adhésion et participation à la société de consommation, des modes de vie similaires, des principes communs hérités de la bourgeoisie : individualisme, volonté de promotion pour soi et ses descendants, recherche du prestige social…

A s’en tenir à ces évolutions, oui il y a eu un profond bouleversement des hiérarchies sociales mais notre réponse positive doit être plus que nuancée si l’on porte le regard sur les positions de commandement. A l’ancienne bourgeoisie familiale industrielle se substitue partiellement une bour-geoisie d’affaires formée dans les grandes écoles (HEC, ENA, London School of Economics, grandes universités américaines…), bourgeoisie très puissante et influente. Or ce renouvellement n’est en réalité que superficiel car si l’on examine le recrutement social des élèves des grandes écoles, on constate qu’ils viennent quasi exclusivement de milieux sociaux très favorisés. D’où la tentation d’éri-ger des discriminations positives comme aux Etats-Unis dans les années 1980, politique largement abandonnée depuis en faveur des minorités ethniques, et timidement en France au début des années 2000 mais là sans base légale…

� Des changements démographiques majeurs

Nous avons assisté à une véritable explosion démographique dans la 2nde moitié du XXe siècle, le nombre d’humains est passé de 2,5 milliards en 1950 à 6 milliards en 1999. Il semble que le maximum de l’accroissement démographique de la population mondiale soit désormais derrière nous, son apogée se situent dans les années 60. Il faut bien évidemment distinguer les PDEM des PED où malgré des situations contrastées et la persistance localement (Moyen Orient, Afrique subsaharienne) de fécondités élevées, la natalité baisse.

� L’histoire démographique des PDEM est celle d’un bouleversement complet. De 1945 à 1970-72 (jusqu’au milieu des années 1960 pour les Etats-Unis) a lieu le baby-boom, une natalité élevée, d’abord un rattrapage des temps de guerre maintenu par la croissance des Trente Glorieuses. On peut partir du cas français, assez représentatif des autres PDEM : la moyenne du nombre d’enfants par famille est de 2,42 en 1960, le taux de natalité dépasse les 18 ‰. Cette envolée de la fécondité

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peut s’expliquer par les multiples aides de l’état-providence (allocations diverses, sécurité sociale…) pourtant elle se vérifie également dans des pays qui n’ont pas mené des politiques natalistes aussi élaborées comme au Royaume-Uni. A partir des années 1970, le retournement est spectaculaire, la fécondité baisse fortement et la natalité se stabilise autour de 14 ‰ depuis 1975. Ce retour-nement, perceptible dans tous les PDEM correspond au retournement de la conjoncture économique, de là à relier les deux phénomènes, la tentation est grande. Pourtant, l’on admet qu’entre économie et démographie, il y a des liens de corrélation non de causalités.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer la faible natalité dans les PDEM :– la maîtrise de la fécondité,– la moindre influence des doctrines religieuses natalistes,– la crise économique et des revenus qu’on estime insuffisants pour assurer convenablement l’avenir

de ses enfants,– l’émancipation de la femme, active et de moins en moins réduite à son ventre et à un statut réducteur

de reproductrice,– plus globalement, les exigences propres aux modes de vie contemporains urbains…

Parallèlement, la mortalité ne cesse de baisser de 1945 à nos jours mais selon des rythmes variables. Le gain le plus spectaculaire se fait sur la mortalité infantile qui passe de 77 ‰ en 1946 en France à environ 6 ‰ de nos jours. Les taux de mortalité plafonnent assez vite autour de 11 ‰ dans les années 1960, 9 ‰ actuellement.

Le recul de la mortalité a lui aussi de multiples causes :– c’est une traduction de la prospérité de nos sociétés,– un bon encadrement sanitaire de nos sociétés.

Avec cette situation, mortalité et natalité sont faibles et stables. Nos sociétés ont terminé leur transition démographique, il en résulte 2 phénomènes majeurs et complémentaires, très accusés depuis les années 1990 :– Une élévation de l’espérance de vie, au delà des 80 ans.– Surtout, un vieillissement spectaculaire, très marqué en Allemagne et au Japon, en cours en Italie,

Espagne, et atténué en France et aux Etats-Unis. Près d’un habitant sur 4 a aujourd’hui plus de 60 ans dans les PDEM contre à peine 16-17% pendant les Trente Glorieuses. Parallèlement, le nombre de jeunes de moins de 20 ans ne cesse de baisser pour égaler ceux des plus de 60 ans !

Cette évolution remet en cause les équilibres des comptes des systèmes sociaux (maladie, retraites…) et fragilise le dynamisme économique des PDEM. Replacée à échelle mondiale, cette évolution est para-doxale car au Sud, un fort accroissement démographique même ralenti se poursuit d’où d’inévitables phénomènes migratoires.

� Les migrations internationales se sont fortement accélérées dans les années 60 (réouverture des Etats-Unis sous Kennedy, appel de main d’œuvre bon marché et peu qualifiée en Europe occiden-tale…) et continuent depuis 1974, plus ou moins légalement. De plus en plus, les migrants viennent de PED avec d’autres cultures et tendent à se concentrer préférentiellement dans les grandes métropoles ou dans les régions industrielles (Mexicains et Hispaniques, asiatiques aux Etats-Unis ; Indiens, Pakistanais au Royaume-Uni, Européens méditerranéens puis Turcs en Allemagne, nord-africains, Noirs Africains en France…). Pour les sociétés des PDEM, cela signifie de nécessaires redéfinitions dans leur politique d’intégration car les descendants d’immigrés sont désormais une des composantes des populations des PDEM et réclament l’égalité des droits. Nos sociétés sont devenues multiculturelles.

Les migrations internationales sont une sorte de régulation spontanée entre le trop plein démographique du Sud et les « vides » du Nord. Or depuis 20 ans environ se dessine une évolution inédite dans certains pays du sud : la baisse de l’espérance de vie. C’est le cas de nombre d’Etats d’Afrique subsaharienne et notamment d’Afrique australe. En effet, une épidémie est devenue hors de contrôle : le SIDA. Sur les 42 millions de séropositifs (estimés par ONUSIDA en 2003), les 2/3 se trouvent en Afrique subsaharienne. C’est une rupture majeure dans l’histoire démographique mondiale. Dans les années 60-70 la mortalité avait baissé grâce aux campagnes de vaccination notamment de l’UNICEF. Cette rupture est d’autant plus surprenante qu’elle n’a rien d’une fatalité, les pays du Nord ont les moyens d’enrayer sinon l’épidémie du moins la mortalité par un accès aux traitements…

� La cellule démographique élémentaire, « la » famille se diversifie. Dans tout l’Occident jusqu’au milieu des années 1960 a régné un moralisme familialiste qui figeait le modèle familial en la famille nucléaire type avec homme et femme mariés plus les enfants, l’homme travaillant à l’exté-

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rieur et la femme restant de préférence au foyer. Ce modèle reste la norme dominante mais de nouvelles formes de conjugalité sont apparues ou ont été reconnues. On peut sur ce point évoquer une véritable « révolution des mœurs » née dans les années 1960, elle s’est traduite partout depuis 1975 par :� une augmentation des divorces,� une baisse de la nuptialité,� une forte augmentation des naissances hors-mariage,� une hausse du concubinage,� la multiplication des familles recomposées et des familles monoparentales.

Fin XXe, la gamme des familles s’est enrichie par la reconnaissance plus ou moins explicite des couples homosexuels : PACS en France en 1999, mariage aux Pays-Bas ou au Danemark…

� Ces changements ne sauraient se comprendre sans référence à d’autres bouleversements : la des-truction des modèles paternalistes d’autorité, un souci enfin plus effectif d’égalité des droits entre personnes, et surtout l’émancipation des femmes. Les rapports entre génération sont moins marqués par l’obéissance et la dette due aux personnes plus âgées.

Le 2nd XXe est celui d’une longue marche des femmes vers leur émancipation, marche non achevée à ce jour. On l’a vu, à partir des années 1960, elles entrent massivement sur le marché du tra-vail, acquérant ainsi les moyens matériels de leur indépendance. Leurs droits politiques sont reconnus depuis 1918-1920 dans la plupart des PDEM sauf en France où elles acquièrent le droit de vote en 1944. Avec la publication du « Deuxième Sexe » en 1949, Simone de Beauvoir inaugure un long combat de libération des femmes. Elle et ses disciples cherchent à détruire le mythe de l’éternel féminin (la femme « féminisée » pour n’être que l’objet du désir masculin) et la réduction de la femme à la « femelle ». Le féminisme d’abord marginal accroît progressivement son écho et porte son attention sur la maîtrise du corps féminin par les femmes elles-mêmes. Cela passe par deux évolutions législatives majeures : la maîtrise de la fécondité et l’autorisation de l’avortement pour les grossesses non désirées. L’autorisation de la contraception, surtout de la pilule, est effective dans la plupart des PDEM (sauf dans la très catholique république irlandaise) dès la fin des années 1960, en 1967 en France par la loi Neuwirth. C’est là une révolution majeure dans l’histoire humaine et dont on n’a pas encore assez mesuré la portée, pour la 1re fois l’humanité se rend maîtresse de sa descendance, c’est une révolution aussi importante qu’en leur époque les inventions de l’outil de pierre, de l’agriculture ou de l’écriture… L’autorisation de l’IVG fut plus laborieuse, notamment en France obtenu seulement en 1975 par la loi VEIL, loi qui entérinait l’existence d’avortements clandestins et illégaux où la vie des femmes était en danger tandis que les plus riches se faisaient avorter à l’étranger. Cette conquête, plus précoce dans les pays anglo-saxons (années 60) est toujours menacée par l’activisme des lobbies religieux fondamentalistes et les pressions des milieux politiques conservateurs.

Aujourd’hui, l’émancipation des femmes ne semble plus à l’ordre du jour, pourtant bien des inégalités subsistent : sous-représentation politique (d’où l’adoption de la loi sur la parité en France en 1998), sous-représentation dans les professions d’encadrement et de commandement…

C Vers une culture planétaire ?

L’évolution du 2nd XXe donne l’impression que les PDEM imposent au reste du globe leurs normes, leurs manières de vivre, leurs goûts. Pour cela, ils ont développé des outils très variés…

� Une civilisation de l’information

Si l’on utilise de plus en plus la métaphore du village planétaire, cela tient notamment au recours sys-tématique de nos contemporains aux mass media ; nous sommes au courant quasi instantanément de ce qui se passe à l’autre bout de la planète.

� L’outil traditionnel en Occident utilisé pour véhiculer informations et savoirs restait le livre et l’écrit depuis la Renaissance, cela s’est encore traduit par le primat des journaux quotidiens et revues dans

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la 1re moitié du XXe pour l’accès à l’information. A partir de 1945, la donne change progressivement avec la succession de nouveaux media plus performants et perfectionnés. Les nouveaux mass media du 2nd XXe sont audiovisuels et larguent l’écrit à des fonctions annexes : savoirs spécialisés, profes-sionnels…

L’impulsion vient des Etats-Unis, où l’on peut repérer différents cycles dans la diffusion des outils audiovisuels. Jusqu’à 1945, c’est la radio qui domine puis de 1945 aux années 1960 la télévision noir et blanc puis en couleur. A partir des années 1980, l’utilisation du satellite permet une diversification de l’offre. Enfin à partir des années 1990, la micro-informatique et Internet complètent la gamme. En Europe, ces outils se diffusent plus lentement avec cependant un décalage chronologique qui ne cesse de se réduire plus l’on s’approche de la fin XXe.

Ces mass media ont eu et gardent un rôle essentiel par la conscience qu’ils donnent de vivre dans un monde unique et interdépendant ; on peut en retenir quelques symboles forts comme la diffusion en eurovision en 1952 du couronnement d’Elisabeth II, la transmission de la marche d’Arms-trong sur la Lune en 1969, plus récemment la relation de la 1re guerre du Golfe en 1991, les attaques en direct contre les deux tours du World Trade Center à New York en septembre 2001 ou dernièrement l’invasion états-unienne de l’Irak en 2003.

Les évolutions technologiques des mass media ont eu des répercussions sur leur nature ; en effet en 1945 dans la plupart des PDEM, à l’exception notable des Etats-Unis, la diffusion de l’information par les mass media reste un monopole d’Etat avec des organisations publiques puissantes comme la RAI en Italie, la BBC au Royaume-Uni, l’ORTF en France. Cette situation de monopole est remise en cause dans les années 1980 dans la cadre d’une grande vague de néolibéralisme économique ; exemple : en France, 1981 autorisation des radio libres, 1984 création de la 1re chaîne privée mais cryptée Canal +, 1986 privatisation de la 1re chaîne en audience TF1… L’offre s’élargit avec l’utilisation du satellite au point qu’aujourd’hui un foyer peut recevoir les principales chaînes mondiales. Progressivement, et succédant aux Etats, se sont affirmées de véritables multinationales de l’information : CNN et FOX TV aux Etats-Unis, AL DJEZIRA au Qatar pour le monde arabe… avec des chaînes d’informations en continu.

� Ces évolutions posent des problèmes implicites quant au statut de l’information et quant à l’uti-lisation qu’on peut en faire. En effet, l’audience est aujourd’hui l’objectif cardinal recherché par les firmes télévisuelles, contraintes par leurs financeurs, les publicitaires d’où la tentation de travestir l’information en spectacle pour la rendre agréable ; exemples de ces évolutions les débats télévisés de l’entre-deux tours des présidentielles en France, la campagne électorale d’A. Schwarzeneger en 2003 pour le poste de gouverneur de Californie… Les mass media peuvent être aussi de véritables outils de propagande pour des téléspectateurs captifs ; ex : FOX TV qui a relayé en 2002-2003 la politique étrangère belliciste de G. W. Bush, les grandes chaînes de télévision françaises en 2002 qui ont entretenu l’obsession sécuritaire par une incessante litanie de faits divers, AL DJEZIRA qui retrans-met systématiquement en 2002-2003 les messages d’Ousama BEN LADEN pour flatter des opinions publiques anti-américaines.

� L’irruption d’Internet intervient donc au moment où les mass media traditionnels ont usé leur crédi-bilité. C’est une nouveauté, d’abord par la diversité et la quantité des informations disponibles, puis par la liberté que le web permet : choix des adresses à visiter, sociabilité virtuelle par les « chats »… Ce nouveau media est appelé à un grand essor mais il a aussi ses limites, dont certaines sont très sérieuses : la fiabilité des informations transmises est parfois douteuse, la vulnérabilité technique est encore grande avec les attaques des virus informatiques, plus essentiel, la distance critique à l’égard des flux d’informations disponibles est quasi nulle…

� L’uniformisation par la culture de masse

� La 1re moitié du XIXe a vu se développer aux Etats-Unis une culture populaire de masse ; celle-ci s’est ensuite généralisée aux PDEM dans les années 1950-1060 pour atteindre la planète tout entière fin XXe.

Cette culture s’est inscrite dans des formes d’arts privilégiées :– la MUSIQUE avec le rock’n’roll dans les années 1950 (PRESLEY, C. BERRY…), la pop music dans les

années 60 (BEATLES, ROLLING STONES…), la disco dans les années 1970, la New Wave et le reggae

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(B. MARLEY) dans les années 80, la techno, le rap (EMINEM) et le R’n’B…– le CINEMA avec les westerns dans les années 50-60, le fantastique et la science-fiction (pensons

à la « Guerre des étoiles » de G. Lukas ou au « Seigneur des anneaux »), les comédies ou mélos (« Titanic ») …

– la PEINTURE avec le pop art dans les années 1960 d’Andy Warhol notamment, le « graphiti art » dans les années 1980 de Keith Haring.

– les FEUILLETONS ou SERIES TELEVISEES : Dallas, Dynasty, Beverly Hills, X Files…

Cette culture s’est élargie aux loisirs, et notamment aux sports-spectacle (basket, football…) aux jeux télévisés (télé-réalité). Quelque soit le support utilisé, cette culture fonctionne toujours sur le processus d’identification, elle propose ses icônes : stars ou vedettes à vénérer : James DEAN, Marylin MONROE, Alain DELON pour le cinéma par exemple… Mickaël JACKSON, Elvis PRESLEY, MADONNA pour la chanson, Zinedine ZIDANE, Tiger WOODS pour le sport…

� La puissance de cette culture est due à sa créativité mais aussi à sa nature. Tout autant qu’une culture, c’est une industrie entre les mains de quelques puissantes multinationales, d’ailleurs dans les pays anglo-saxons on parle de « business » et jamais d’art ; ainsi, des majors du disque : Universal, Sony, EMI… du cinéma : Universal, Disney… Cette culture a ses publics cibles : les jeunes au point qu’on a parlé de « culture jeune » pour qualifier l’émergence de cette culture de masse dans les années 1960 ; elle assure le renouvellement de ses marchés par les phénomènes de modes générationnelles. De moins en moins spontanée, de plus en plus marketée et formatée, cette culture perd ses aspects originels contestataires.

Comme industrie, la culture de masse exprime les inégalités de développement et de puis-sance dans le monde. Largement dominée par le monde anglo-saxon et surtout les Etats-Unis, elle contribue donc à l’uniformisation culturelle de la planète dans une version américanisée. En plus de ses produits culturels, elle diffuse les normes et valeurs occidentales à la surface du globe. D’où la critique communément avancée contre cette culture marchande d’appauvrir la diversité mon-diale, reproche doublement contestable : d’une part la culture de masse n’est pas figée et empreinte de plus en plus aux cultures minoritaires par souci d’exotisme (et de renouvellement de marché), c’est la « World Culture » (ex : modes du Raï, des musiques celtiques…), d’autre part c’est oublier qu’à toute époque les principales puissances ont diffusé sinon imposé leur culture ; ex : les Français aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Anglais au XIXe… Ce phénomène n’est en rien original.

� Les fonctions de la culture de masse sont diverses, on pourrait lui en attribuer 4 majeurs :– questionner, interpeller ; ce fut le cas de la contre-culture des années 1960-1970 avec les

refrains de Bob DYLAN et de John LENNON contre la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, cette fonction s’est quasiment éteinte,

– divertir, c’est sa raison d’être ; on l’appelle aussi aux Etats-Unis « entertainment »,– affirmer son appartenance à une classe d’âge particulière. En ce sens, la culture de masse

reprend les usages des anciennes cultures populaires d’avant les révolutions industrielles avec leurs fêtes de jeunesse,

– aliéner, abêtir. C’est ce que pensent certains des intellectuels contemporains…

De fait, on assiste à une distorsion entre divers registres culturels et paradoxalement, en même temps, à une certaine confusion. Distorsion entre « culture de masse » très accessible et culture d’avant-garde, d’initiés (pensons aux arts picturaux, aux vidéastes, à la musique contemporaine) comprise ou appréciée de quelques infimes minorités, confusion dans la mesure où la « grande culture » ou culture d’establishment emprunte de plus en plus les rites de la culture populaire : expositions annoncées à grands coups de publicité, concerts classiques ou opéras dans des stades… Ces rapprochements, dans la forme seulement, entretiennent un certain relativisme qui consiste à étalonner également les cultures populaires et savantes entre elles. Tout est alors culturel, se vaut… et se consomme…

� Une civilisation des sciences et techniques

Une même culture populaire, de mêmes informations, tout cela contribue à la création d’un « village planétaire ». Ce ne sont là cependant que des manifestations secondaires qu’un phénomène plus ample rend possible : la multiplication des découvertes et inventions scientifiques et techniques.

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La chronologie ci-dessous nous montre 3 grands domaines de découvertes et d’inventions :

� La biologie et la médecineLe corps humain est devenu « transparent » dans la mesure où on le connaît mieux, de l’infinité-simal (le gène) à l’ensemble : visionnage du fonctionnement des organes par l’échographie, la RMN, résonance magnétique nucléaire.Ces découvertes ont révolutionné la médecine, permettant un meilleur encadrement sanitaire, un recul de la mortalité et de nouvelles pistes thérapeutiques (génique…). Elles ont leur revers à savoir le coup de plus en plus exorbitant de ces machines et appareils médicaux et la nécessaire spé-cialisation et qualification accrue des personnels de santé qui en restreignent l’accessibilité.Ces découvertes débouchent sur de redoutables problèmes éthiques :– le corps humain peut-il être l’objet de transaction ? (dons d’organes, de cellules, « mères porteu-

ses »),– les découvertes doivent-elles toutes être brevetées comme par exemple les gènes ?– a-t-on le droit de modifier la reproduction humaine ? (FIV, clonage…)

Document 8

Principales inventions et découvertes du second XXe

Date Provenance Domaine Nature1946195219531953195319551956195719581961196119621964196719681968196919691975197719771978197919791980198219821983198519901996

Etats-UnisEtats-UnisEtats-Unis

Royaume-UniEtats-UnisEtats-Unis

FranceURSS

Etats-UnisURSS

Etats-Unis–

JaponAfrique du Sud

Etats-UnisEtats-Unis

Royaume-Uni et FranceEtats-UnisEtats-Unis

–Europe

Royaume-UniEtats-Unis

EuropeEtats-Unis

––

FranceEtats-UnisEtats-Unis

Royaume-Uni

InformatiqueMilitaire

InformatiqueBiologie

MédecineBiologieEnergie

AérospatialePhysique

AérospatialeInformatiqueAérospatiale

TransportMédecine

InformatiqueBiologie

AéronautiqueAérospatiale

BiologieAudiovisuelAérospatiale

Biologie-médecineInformatiqueAérospatialeAérospatialeAudiovisuel

BiologieMédecine

InformatiqueInformatique

Biologie

1er calculateur électroniquebombe à hydrogène1er ordinateurdécouverte de l’ADNvaccin contre la poliomyélitepilule contraceptive1re centrale nucléaire à Marcoule1er satellite artificiel de la planète TerreMise au point du laser1er homme dans l’espace, Youri GAGARINE1er circuit intégré1er satellite de télécommunication1er train à grande vitesse, le SHINKANSEN1re greffe cardiaque1re mise en réseau d’ordinateursdébut du déchiffrement des gènes dans l’ADN1er vol de l’avion supersonique Concorde1er homme sur la LuneDébut du séquençage des gènesLancement des magnétoscopesLancement du satellite METEOSAT1re naissance d’un bébé éprouvette : les F.I.V.1er micro-ordinateurs APPLE1er vol de la fusée ARIANNELancement de la 1re navette spatiale COLUMBIACommercialisation des CD AudioDécouverte du prionDécouverte du virus du SIDA, le VIH par l’Institut PasteurMise au point du CD ROMDéveloppement du réseau INTERNETClonage de la 1re brebis par une équipe d’Edimbourg

� L’électroniqueLa « révolution électronique » est à l’origine de l’avènement de l’informatique ; elle a permis la réalisation de notre civilisation de l’information et de la communication (transistor, calculateur intégré, ordinateur, satellite, Internet…) ainsi que la culture de masse (inventions du CD audio, magnétoscope, puis DVD…).Son impact sur notre vie quotidienne est considérable : télécommunication, cartes à puce… avec

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un revers : pratiquement toutes nos actions et propos sont archivables, localisables et consultables par un regard extérieur… Autre manière d’être transparent.

� L’aérospatialeLa conquête des airs et de l’espace contribue à abolir les distances et à unifier la planète ; celle-ci est impulsée par la 2nde guerre mondiale (fusées V1 et V2) et la guerre froide. La conquête de l’es-pace devient le théâtre des rivalités Est-Ouest, l’URSS envoyant un premier satellite artificiel SPOUTNIK en 1957, le 1er homme dans l’espace : GAGARINE en 1961 ; les USA, pris de court, envoient une équipe sur la lune en 1969… L’aventure spatiale avec les navettes américaines, les Soyouz soviétiques… Même si la recherche fondamentale n’est pas étrangère à ce mouvement, ce sont d’abord des motivations politiques qui expliquent la conquête de l’espace.L’aérospatiale est cependant plus qu’un gadget pour superpuissance tant les retombées sur la vie quotidienne sont majeures : (télé)communications par satellites, prévisions météorologiques désormais possibles… Les satellites nous donnent une image globale de la Terre ; leur utili-sation a contribué à forger une opinion publique mondiale consciente de problèmes à échelle planétaire : déforestation, trou dans la couche d’ozone, pollution…

� « Le retour du religieux » ?

Cette expression est couramment utilisée depuis 25 ans pour dire le poids important des doctrines et pratiques religieuses dans notre société contemporaine ; elle est particulièrement ambiguë car elle suppose une relative disparition du religieux. Il est exact que la 2nde moitié du XXe amplifie dans l’Occident européen une tendance déjà esquissée depuis le XIXe à la sécularisation et à une moindre pratique religieuse. On estime qu’à peine 10 % des catholiques sont pratiquants (c’est-à-dire vont à la messe au moins une fois par mois) aujourd’hui en France ; de 30 à 40 % des populations européennes du Nord-Ouest seraient athées ou agnostiques. De là à affirmer un irrémédiable déclin du christianisme européen depuis les années 1960, il n’y a qu’un pas qui a largement été franchi. Or cette vision est trop simpliste et caricaturale.

D’abord, supposer la fin du religieux implique une vision européocentriste – aux Etats-Unis dans les pays du Sud, l’appartenance religieuse n’a jamais cessé d’être massive – et même une vision d’européen occidental (c’est faire fi de l’Europe orientale, pensons à la Pologne !), de plus c’est réduire ce phéno-mène à des rites (assistance à la messe, au temple, à la synagogue ou à la mosquée), on conviendra que c’est pour le moins réducteur.

Difficilement contestable, la perte d’influence des religions anciennement « établies » : catholi-cisme, protestantisme… la pratique baisse, les ordinations de prêtres ou de pasteurs se raréfient… Le cas du catholicisme est intéressant par son essai d’adaptation au monde moderne et à la fois par son refus d’ouverture.

Entre 1962 et 1965 eut lieu le concile de Vatican II, l’aggiornamento ou mise à jour du catholi-cisme : les rites en latin sont abandonnées au profit des langues vernaculaires, la liberté de conscience est reconnue, l’œcuménisme favorisé… Si l’audience et l’image en Europe occidentale du catholicisme n’évoluent guère, il n’empêche que la révolution est considérable. L’élection de Jean Paul II, le polonais Karol Wojtyla à la papauté en 1978 est un tournant qui marque le retour du catholicisme dans la scène politique et médiatique : par leur résistance corrosive, Jean Paul II et l’Eglise catholique ont été l’instrument majeur de libération de l’Europe orientale, surtout de la Pologne, du com-munisme soviétique, en même temps Jean Paul II incarne la crispation sur une morale sexuelle intransigeante et intolérante (condamnation de la contraception, de l’IVG, de l’homosexualité…), la conciliation réussie entre évangélisation et médiatisation (le pape devient une star…).

Face à la perte d’influence des anciennes religions, les sectes, la plupart d’origine américaines, et de nouvelles religions se sont répandues depuis environ 35 ans : Témoins de Jéhovah, Mormons, Scientologues, Hare Krishna… un attrait plus grand se manifeste pour les religions et sagesses orientales : hindouisme dans les années 60-70, bouddhisme aujourd’hui. Toutefois, leur audience cumulée reste assez confidentielle.

L’expression « retour du religieux » prend son sens avec la « reconquête laborieuse des âmes » par l’Eglise orthodoxe en Russie, anciennement soviétique et farouchement athée, et par l’intérêt crois-

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sant des opinions publiques pour les phénomènes religieux ; les sociétés des PDEM devenues multiconfessionnelles sont confrontées à la difficile cohabitation des communautés avec leurs bouffées régulières d’intolérance, de racisme, d’intégrisme. Le développement spectaculaire de l’islamisme (voir chapitres 2 et 3 de la séquence 1) en Iran, Afghanistan, Arabie, Algérie a suscité attention, interrogations et inquiétudes en ce qu’il témoigne à la fois d’une vigueur prosélyte, combat-tive et meurtrière d’un certain Islam et d’une profonde crise d’adaptation à la modernité, crise réglée radicalement… par le refus de toute modernité !

Reste qu’aujourd’hui le sentiment d’appartenance religieuse est beaucoup plus associé à des valeurs plutôt qu’à des rites ou a des croyances, en Europe occidentale du moins.

A l’inverse des sciences et techniques, de la culture de masse, les religions restent donc toujours un profond élément de différenciation, une fracture au sein de la population mondiale ; sur ce point, le « village planétaire » demeure encore empli de bruits et de fureur.

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ontenu du chapitre 2

Les grands modèles idéologiques et la confrontation Est-Ouest jusqu’aux années 1970

Problématique :Comment la confrontation des modèles idéologiques américain et soviétique influence t-elle fortement les relations internationales de 1945 à 1973 ?

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

Introduction Modèle idéologique – guerre froide Chronologie synoptique

1re partie : Les Etats-Unis et l’Union soviétique, deux modèles rivaux qui influencent le monde

A Des systèmes politiques antinomiques

� L’URSS : un modèle totalitaire

� LES ETATS-UNIS : des institutions profondément démocratiques

Marxisme-léninisme – parti unique – culte de la personnalité – secrétaire général – centralisme démocratique – apparatchiks.

Amendement – fédéralisme – président – Congrès – Cour suprême – bipartisme – républicain – démocrate – « quatrième pouvoir » – lobbies – Maccarthysme.

Etudier des organigrammes politiques : saisir les relations entre les différentes institutions.

B Des économies et des sociétés radicalement opposées

� Une économie et une société soviétiques sous haute surveillance

� Le triomphe de l’«American Dream »

Plans quinquennaux – « société sans classes » – nomenklatura – KGB – Goulag.

Puritanisme – « self made man » – melting-pot – salad bowl.

Lire une affiche de propagande politique : trouver son message et cerner les méthodes utilisées.

C Deux modèles en compétition pour le rayonnement planétaire

� La spectaculaire expansion du modèle soviétique

� L’American Way of Life, une référence dominante

« Patrie du socialisme » – « compa- gnon de route ».

Radio free Europe – brain drain – société de consommation – modèle culturel.

D Blocages et contradictions inter-nes : des modèles remis en cause

� Sclérose et décalage du modèle soviétique

� Une Amérique qui cesse de faire rêver

Pénurie – Corruption – immobilisme politique – dissidence.

Ségrégation – Civil Rights Act – affirmative action – « contre-culture » – scandale du Watergate.

Lire un rapport policier : extraire l’information essentielle.

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Page 35: His to Ire

Séquence 1-HG0040

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

E Deux trajectoires différentes

� L’éclatement de l’empire soviétique

� « America is back » : vers l’affirmation d’un modèle unique ?

Glasnost – Perestroïka – Gorbatchev – Eltsine.

Société inégalitaire – violence – moralisme.

Etudier un discours politique : saisir le contexte et la portée d’un événement historique.

2e partie : Le monde déchiré, de 1945 à 1973

A La naissance d’un monde bipolaire : 1945-1947

� Le monde en 1945

� La paix des vainqueurs

� Les bases d’un nouvel ordre international

� L’éclatement de la Grande Alliance, la fin des illusions

Année « zéro » – procès de Nuremberg – crime contre l’Humanité.Conférences de Yalta et de Postdam.

Bretton Woods – FMI –Bird – ONU – Assemblée générale – Conseil de sécurité – Secrétaire général.

Discours de Fulton – « rideau de fer ».

Saisir un discours idéologique : souligner l’objectif et les arguments utilisés par l’auteur.

B Au cœur de la guerre froide : 1947-1955

� La mise en place de blocs rivaux

� Les conflits « chauds » de la guerre froide

Containment – Kominform – monde bipolaire – Plan Marshall – CAEM – OTAN – Pacte de Varsovie.

Blocus de Berlin – RFA – RDA – République Populaire de Chine – guerre de Corée.

Exploiter une carte géopolitique : comprendre la logique et l’organisation d’un système d’alliances militaires.

C La Coexistence pacifique, vers « l’équilibre de la terreur » : 1955-1962

� L’évolution contrastée des blocs

� Les limites de la coexistence pacifique

Déstalinisation – révolte hongroise.

Equilibre de la terreur – Spoutnik – Mur de Berlin – blocus de Cuba.

Lire la géostratégie d’une crise : appréhender le fonctionnement d’un nouveau type de guerre.

D La Détente, entre dialogue et tension : 1962 -1973

� L’emprise croissante du duopole américano-soviétique sur le monde

� Des fissures dans les blocs

� La « poudrière » du Proche-Orient ou l’inextricable conflit

Course à l’armement –SALT 1 – Ostpolitik – conférence d’Helsinki.

Guerre du Vietnam – offensive du « Têt » – non convertibilité du dollar en or – schisme sino-soviétique – « printemps de Prague »

Proche-Orient – Plan de partage – Etat d’Israël – guerres israélo-arabes – OLP – territoires occupés

Utiliser une carte en histoire pour comprendre les phases d’une guerre conventionnelle.

Saisir la complexité d’une guerre à enjeu territorial.

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Séquence 1-HG00 41

Les grands modèles idéologiqueset la confrontation Est-Ouestjusqu’aux années 1970

En ce début de vingt-et-unième siècle, les Etats-Unis d’Amérique bénéficient d’un prestige considérable. Seule superpuissance, ils savent médiatiser et diffuser leur modèle dans le monde entier. Ils semblent les maîtres de la politique internationale alors que paradoxalement l’opinion américaine manifeste un faible intérêt pour ce qui se passe à l’étranger.

Le leadership américain s’est imposé à presque toute la planète à partir du début des années 1990 lorsque disparaît l’URSS qui fut le grand rival pendant près d’un demi-siècle.

Leur confrontation remonte en effet à 1945. Les Etats-Unis et l’Union soviétique, les deux grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, s’affirment alors comme les seules puissances mondiales. Ils deviennent des modèles pour la plupart des pays du monde.

Par MODELE IDEOLOGIQUE nous entendrons un Etat construit sur un ensemble cohérent d’idées, de valeurs et de principes qui façonne le système politique, l’organisation économique, la vision de la société et les pratiques culturelles de tous ceux qui s’en réclament. Ces modèles idéologiques s’imposent à d’autres Etats par la séduction et/ou par la contrainte.

Le modèle américain repose sur des institutions démocratiques anciennes datant de 1787, une durable aisance économique et le primat accordé à la liberté surtout individuelle.

Né en 1917 le modèle soviétique se présente d’emblée comme une alternative au modèle capitaliste libéral symbolisé par les Etats-Unis. C’est un modèle dictatorial qui a pris ses traits majeurs dans l’entre-deux-guerres. Il se caractérise par un régime politique à parti unique et par une économie dirigée au nom d’une société communiste théoriquement sans riches ni pauvres.

Ces deux grandes puissances se fondent sur une mission universaliste. Elles pensent que le reste du monde doit suivre leur exemple et que s’il le faut elles doivent le libérer. En 1945 ce sont elles qui « règnent » sur la planète. C’en est fini de la suprématie européenne déjà entamée en 1918. Six années de guerre ont confirmé le déclin de l’Europe.

Avant d’être rivaux, les Américains et les Soviétiques se sont alliés contre l’ennemi nazi. L’alliance ne dure pas et dès 1947 ils s’affrontent avec chacun leur zone d’influence et leur idéologie. Cette oppo-sition irréductible d’un type nouveau donne naissance à un monde bipolaire qui pèse sur les relations internationales pendant près de 45 ans. Elle prend le nom de GUERRE FROIDE

Le journaliste français André Fontaine la définit ainsi : « un conflit dans lequel les parties s’abs-tiennent de recourir aux armes l’une contre l’autre. Les belligérants cherchent à marquer le maximum de points en employant toutes les ressources de l’intimidation, de la propagande, de la subversion, voire de la guerre locale ». Autrement dit pas d’affrontement direct entre Américains et Soviétiques qui détiennent chacun l’arme nucléaire mais des conflits par alliés interposés.

Comment la confrontation des modèles idéologiques américain et soviétique influence t-elle si fortement les relations internationales ?

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Séquence 1-HG0042

Le modèle américain Le modèle soviétiqueEvénements Evénements

Extérieurs Intérieurs Intérieurs Extérieurs

S E C O N D E G U E R R E M O N D I A L E

1947, Truman définit le « Containment »1948-49, blocus de Berlin1948-52, plan Marshallpour l’Europe1950-53, guerre de Corée

1962, crise de Cuba

1964, début de l’intervention des troupes américaines au Vietnam

Le système de Bretton Woods éclate à la suite...1973, Accords de Paris mettant fin à la guerre du Vietnam

1980, affaire des otages de l’ambassade US deTéhéran

1985, Reagan et Gorbatchev annoncent officiellement la fin de la guerre froide

1991, victoire US de la « guerre du Golfe »1992, création de l’ALENA

2001, attentats de NewYork et de Washington2002, guerre d’Afghanistan2003, guerre d’Irak

1947-53, flambée du Maccarthysme : chasse aux sorcières contre les fonctionnaires et les artistes communistes ou supposés comme tels (époux Rosenberg exécutés pour espionnage au profit de l’URSS)

1955-63, mouvement noir non violent contre la ségrégation et les discriminations dirigé par Martin Luther King

1960, « Nouvelle Frontière » de Kennedy1963, assassinat de Kennedy1964,Civil Rights Act1965-68, émeutes noires dans les grandes villes

…de la non convertibilité du dollar en or en 19711972, 27e amendement contre la disrimination sexuelle1974, épilogue du Watergate.Nixon démissionne

1980-88, « révolution libérale » de Reagan, affirmation d’une nouvelle droite républicaine, méfiante à l’égard de l’Etat fédéral, anti-avortement, pour la peine de mort et homophobe

1990, Apparition du « Politically correct »

1997-98, scandale du « Monica Gate »

2000, Elections présidentielles litigieuses entre le candidat démocrate Al Gore et le candidat républicain G.W. Bush

1945

195052

53

1955

1960

6364

1965

68

1970

741975

76

1980

82

1985

88

1990

92 91

1995

2000

2004

1947, création du Kominform1948, apogée du Goulag (4 millions de prisonniers)

1953, mort de Staline

1956, Khrouchtchev dénonce les crimes de Staline1957, le Spoutnik 1er satellite dans l’espace

1961, Gagarine l’homme dans l’espace

1970, sommet du culte de la personnalité de Brejnev

1978, début de graves difficultés économiques

1985-91, politique de réformes de Gorbatchev rénovant l’économie, renouvelant les cadres du parti, adoucissant la censure, libérant les dissidents

1991, EFFONDREMENT DE L’URSS ET FIN DU MODELE SOVIETIQUE1994, Guerre de Tchétchénie

2003, la Russie s’oppose à l’intervention américaine…

1948-49, blocus de Berlin, Staline cède.

1955, Khrouchtchev lance la Coexistence Pacifique1956, intervention en Hongrie

1960, rupture diplomatique avec la Chine1961, construction du Mur de Berlin1962, crise de Cuba

1979-88, guerre d’Afghanistan qui peu à peu entraîne la condamnation de l’opinion internationale

1985, Gorbatchev et Reagan annoncent officiellement la fin de la guerre froide1989, chute du Mur de Berlin et fin des démocraties populairesRéconciliation avec la Chine

… en Irak sans l’Onu

TRUM

AN EISEN

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BUSH JR

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ANDRO

POV

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Séquence 1-HG00 43

1re partie Les Etats-Unis et l’Union soviétique, deux modèles rivaux qui influencent le monde

Le concept de modèle idéologique permet de mieux appréhender la complexité du monde contem-porain mais il nécessite quelques mises en garde :– il faut absolument éviter d’opposer un bon modèle à un mauvais modèle (même si le modèle

soviétique fut difficilement défendable),– il ne faut pas en faire des exemples d’organisation humaine, des sociétés idéalisées s’imposant

naturellement aux autres nations.– il implique donc l’emploi d’un esprit critique et distancié dans vos appréciations personnelles.

Comment deux modèles idéologiques si différents l’un de l’autre ont-ils pu fasciner et influen-cer le monde si durablement ?

A Des systèmes politiques antinomiques

� L’URSS : un modèle totalitaire

Au cours de son histoire l’URSS se présente comme une démocratie seule capable de garantir l’égalité et les libertés des citoyens soviétiques. La réalité est toute autre.

La référence idéologique est le marxisme-léninisme. Le modèle soviétique cherche à appliquer les idées de Karl Marx (1818-1883) qu’on peut résumer caricaturalement en quatre points :

� la lutte des classes selon laquelle l’opposition bourgeoisie-prolétariat conduit inévitablement à la révolution et à la prise du pouvoir par le prolétariat.

� le matérialisme dialectique qui affirme que tous les actes humains (individuels et collectifs) sont dictés par les conditions matérielles de production (propriété du capital, conditions de travail) comme les lois, le système politique, l’éducation, la religion.

� l’opposition entre « libertés formelles » et « libertés réelles ». Les « libertés formelles » sont des illusions de l’ordre bourgeois comme les libertés d’expression, d’opinion, de réunion ou de vote. Les « libertés réelles » n’existent que dans un système où le capitalisme a disparu.

� la « dictature du prolétariat » que Marx n’a jamais concrètement définie.

A cet échafaudage théorique, Lénine (1870-1924) qui a dirigé la Russie communiste de 1917 à 1924 ajoute trois points : – le parti unique « avant-garde du prolétariat » guide les masses,– le parti communiste établit la dictature et élimine les opposants,

– la suppression des moyens de production privés.

Staline au pouvoir de 1924 à 1953 accentue l’aspect totalitaire du régime dans deux directions :– une collectivisation totale et forcée de l’économie à partir de 1928,– une dictature personnelle avec un culte de la personnalité.

Dans la pratique du pouvoir soviétique le parti communiste est tout-puissant. Il est depuis la Constitution de 1977 la « force qui oriente et dirige la société soviétique ». A sa tête, le Secrétaire général est le véritable maître du pouvoir. Il définit les grandes orientations lors des réunions en congrès du Parti. Il contrôle le Bureau Politique ou Politburo (composé de douze membres) et le Comité central (constitué de 481 membres réunis deux fois par an).

Le parti est monolithique et fonctionne selon le principe du centralisme démocratique qui interdit depuis 1921 l’existence de tendances à l’intérieur du parti. Une hiérarchie précise se décompose en cinq degrés qui sont autant d’étapes de décision : cellule, section, fédération, congrès et comité central. Mais c’est le Secrétaire général définit la ligne officielle et nulle opinion différente n’est acceptable.

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Séquence 1-HG0044

Document 1

Organigramme des institutions soviétiques

Le fonctionnement des institutions soviétiques : une pyramide de Soviets

L'ÉTAT

PEUPLE SOVIÉTIQUE

LE PARTIPouvoir exécutif

Soviet suprême

Soviet suprêmede chaque République

Secrétariatde chaque République

Soviets régionaux Comités régionaux

Congrès

Soviets locaux : villes, villages Comités locaux du Parti (villes, villages)

Pouvoir législatif

Soviet de l'Union Soviet des nationalitésComité central

Institutionsfédérales

Républiquesfédérées

Membres du PCUS

Secrétariat Politburo

.

Questions� Montrer que l’Etat et le Parti sont étroitement imbriqués ?

� En quoi ce système politique est-il en apparence démocratique ?

� Qui détient la réalité du pouvoir ?

Réponses � Tous les échelons de l’Etat sont calqués sur ceux du Parti de la base (dans les villes et les villages

les Soviets locaux sont calqués sur les Comités locaux du Parti) au sommet (le Soviet de l’Union et le Soviet des nationalités sont les répliques du Congrès du Parti).

� C’est le peuple soviétique qui élit ses représentants au Soviet suprême, composé de 1600 membres répartis en deux chambres :

� le Soviet de l’Union élu proportionnellement au nombre d’habitants. Il dispose en théorie du pouvoir législatif (élaboration des lois).

� le Soviet des nationalités qui représente les quinze Républiques fédérées. En apparence l’Etat est fédéral et une large autonomie semble laissée aux républiques mais dans la réalité la russification entamée au temps des tsars s’accélère. Moscou dirige tout.

En fait le Soviet suprême est un décor sans pouvoir réel. Le suffrage universel est vidé de toute signification par le procédé de la liste ou candidature unique (un communiste reconnu par le pouvoir).

Il se réunit deux fois par an et le vote s’y fait à main levée. Il désigne un praesidium de 37 mem-bres dont le président exerce en principe les fonctions de chef de l’Etat (depuis Staline le Secrétaire général est souvent, mais pas systématiquement, le chef de l’Etat). Le Soviet suprême nomme aussi le Conseil des ministres aux compétences très limitées.

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Séquence 1-HG00 45

� Ce sont les dirigeants du Parti et surtout le Secrétaire général qui cumulent les pouvoirs. Celui-ci contrôle les nominations des chefs du parti, celles des membres du Politburo et celles des membres du Comité central. Il est à la tête de la pyramide. Les cadres du parti (les « apparatchiks ») dirigent les entreprises d’Etat, les ministères et les forces armées.

On peut donc parler d’un parti-Etat car c’est le parti qui contrôle l’Etat. Il faut dans le cas présent se méfier du terme République : il n’est pas synonyme de démocratie puisque un parti unique contrôle tous les pouvoirs.

� Les Etats-Unis : des institutions profondément démocratiques

La Constitution américaine est la plus ancienne constitution écrite du monde. Elle date de 1787. Elle est demeurée quasi inchangée depuis. Dans l’esprit des rédacteurs, il appartiendra aux géné-rations suivantes de l’adapter à leurs besoins et à leurs idéaux par la procédure des amendements. Ce sont des textes votés par au moins les deux tiers du Congrès et ratifiés par les trois quarts des Etats fédérés qui permettent de modifier la Constitution.

La Constitution américaine accorde une importance majeure à la liberté et aux droits individuels. Ainsi les dix premiers amendements de 1791 garantissent les libertés de parole, d’opinion, de réunion, d’as-sociation et de manifestation… et aussi le droit de porter une arme.

Autres modifications significatives : en 1865 un amendement interdit l’esclavage, en 1920 un autre accorde le droit de vote aux femmes et en 1971 le 26e amendement abaisse le droit de vote à 18 ans.

Avant d’étudier la vie politique américaine, il est indispensable de se pencher sur les institutions.

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Séquence 1-HG0046

Document 2

Organigramme des institutions américaines

NIVEAU FÉDÉRAL

NIVEAU LOCAL (50 États)

S U F F R A G E U N I V E R S E L

PRÉSIDENTélu pour 4 ansrééligible 1 fois

GOUVERNEURS1 par État

élus pour 2 ou 4 ansASSEMBLÉES

2 par État,élections tous les 2 ans.

Secrétairesd'État

COUR SUPRÊME

COUR SUPRÊMED'ÉTAT

C O N G R È S

Grandsélecteurs

9 jugesnommés à vie

chargés du respectde la Constitution,arbitres pour lesdifférents entrel'État fédéral,les États et les

citoyens.

véto suspensif

suffrage universeldirect

nomination pouvoir exécutif

pouvoir législatif

pouvoir judiciaire

suffrage universelindirect

sont responsables

propositions de lois SÉNAT

100 sénateurs éluspour 6 ans (2 par État),

renouvelablespar tiers tous les deux ans.

435 députésélus pour 2 ans,

nombre proportionnelà la population des États.

CHAMBRE DESREPRÉSENTANTS

.

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Page 42: His to Ire

Séquence 1-HG00 47

Questions � Montrer que les institutions américaines sont démocratiques.

� Expliquer à l’aide de l’organigramme le fonctionnement du fédéralisme états-unien.

Réponses

EXECUTIF

LEGISLATIF

JUDICIAIRE

Les démocrates

� Les institutions américaines sont fondées sur la séparation et l’équilibre des pouvoirs :

Le président (élu au suffrage universel indirect) a des pouvoirs considérables :– il est élu pour quatre ans et n’est rééligible qu’une fois (depuis 1951) ; – il représente le pays et élabore la politique étrangère ; – il nomme les Secrétaires d’Etat (équivalents de nos ministres ils forment le gouvernement) lesquels

sont responsables devant lui mais doivent recevoir l’investiture du Congrès. Le président est donc à la fois chef de l’Etat et du gouvernement. Il siège à la Maison Blanche à Washington ;

– en cas de décès ou de démission, le vice-président le remplace (Johnson en 1963 après l’assassinat de Kennedy et Ford en 1974 à la suite de la démission de Nixon).

Le Congrès est bicaméral (il est constitué de deux chambres) et dispose de pouvoirs très impor-tants. Il se compose :– du Sénat comprenant 100 sénateurs (deux par Etat). Cette chambre haute est renouvelable par

tiers tous les deux ans. Seul le Sénat peut valider les traités contractés avec d’autres Etats.– de la Chambre des Représentants constituée de 435 membres élus pour deux ans (le nombre

des députés est proportionnel au nombre d’habitants de l’Etat).Le Congrès a l’initiative des lois, vote les lois et le budget (d’où des conflits avec le président quand il n’est pas de la même couleur politique comme Clinton et les républicains dans les années 1990). Le président peut néanmoins bloquer l’application d’une loi qu’il refuse par un veto suspensif. Le Congrès peut également engager une procédure d’« impeachment » contre le président pour haute trahison (ce sera le cas de Nixon à la suite du scandale du Watergate).

La Cour Suprême exerce le pouvoir judiciaire fédéral. Elle se compose de neuf juges inamovibles qui jouent un rôle fondamental dans les institutions américaines. Ils arbitrent les conflits de compétence entre pouvoir fédéral et pouvoirs des Etats. Les juges veillent au respect de la Constitution et forment une cour de justice de dernier appel.

� Les institutions américaines sont fédérales c’est-à-dire qu’une large autonomie est laissée aux 50 Etats fédérés. Ils ont leur propre assemblée et leur exécutif est incarné par un gouverneur. Ils conservent des pouvoirs judiciaires (la peine de mort est une affaire locale en vigueur dans les trois quarts des Etats) et des compétences en matière scolaire, de police…

La vie politique états-unienne est organisée autour de l’élection présidentielle. Or les Américains parti-cipent faiblement à ces élections (depuis les années 1970 entre 50 et 55 % des inscrits votent).

Comment expliquer cet absentéisme massif ? plusieurs raisons se conjuguent : des élections nom-breuses, des mécanismes institutionnels que la plupart des Américains ne comprennent pas, un électorat qui ne croit pas en la possibilité de changements politiques et sociaux et qui se méfie du pouvoir. Et puis quand la prospérité est là, à quoi bon se rendre aux urnes ? Par contre ils votent davantage quand l’heure est grave comme l’a montré le procès en impeachment de Clinton en 1998.

Le bipartisme caractérise la vie politique aux Etats-Unis : les Républicains, symbolisés par un éléphant, et les démocrates représentés par un âne. Plus que de partis idéologiques, il s’agit avant tout de « machines électorales » qui se mobilisent pour élire leur candidat à la présidence. Les deux partis présentent des programmes trop proches.

Les divisions au sein des partis sont considérables mais on peut retenir quelques tendances :

prônent une certaine intervention de l’Etat dans l’économie. Ils sont contre le libéralisme « pur et dur » mais ils ne remettent jamais en cause le capitalisme ni la loi du marché. Ils sont également favorables au poids fort de la présidence. Ils sont souvent soutenus par les minorités ethniques ou religieuses (Noirs, Hispaniques, catholiques, juifs…).

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Séquence 1-HG0048

Les républicains (dont le parti est surnommé le « Grand Old Party ») sont les représentants du vieux socle WASP (White Anglo-saxon Protestant) favorable au libéralisme économique.

Leur électorat se recrute plutôt dans les campagnes, les petites villes et les suburbs (vastes banlieues pavillonnaires). Ils sont très liés aux milieux d’affaires. Certains membres de l’actuelle équipe Bush ont exercé de hautes responsabilités dans les grands groupes pétroliers (le vice président Dick Cheney est l’ancien patron d’Halliburton, société d’ingénierie pétrolière).

Il ne s’agit pas de partis rigides. La discipline de parti est relativement faible d’où le rôle essentiel d’intervenants extérieurs :

– la presse et les médias (télévision essentiellement) forment le « quatrième pouvoir » avec une influence essentielle par l’utilisation des sondages qui relaient croient-il l’opinion publique (en fait ils la fabriquent). Leur liberté d’expression et d’investigation est presque complète comme l’a illustré le Washington Post dans l’affaire du Watergate.

– les lobbies (de l’anglais lobby signifiant couloir) sont des groupes de pression défendant des intérêts particuliers auprès des élus dans les couloirs du Congrès (la National Rifle Association compte trois millions de membres luttant contre toute limitation à la détention d’armes à feu). Il faut relativiser leur puissance démesurée. Les lobbies sont autorisés par la loi. Ils contribuent en toute clarté au financement des activités politiques, proposent des textes de lois, alertent l’opinion publique, participent à l’élaboration des programmes politiques. Ils illustrent le fonctionnement d’une démo-cratie de participation (tout lobby fait naître un contre-lobby). Ils interviennent dans la préservation de l’environnement, la protection des enfants, des minorités…

Toutefois sur ce bel édifice il faut émettre quelques réserves. La démocratie américaine n’est pas à l’abri de dérives :

� Le Maccarthysme (du nom de McCarthy sénateur qui déclencha une gigantesque campagne d’opi-nion contre les « rouges ») qui sévit de 1947 à 1954 est une virulente attaque contre les intel-lectuels, les fonctionnaires et les artistes de gauche ou supposés communistes. Cette « chasse aux sorcières » entraîna 2000 démissions et 200 révocations de fonctionnaires.

� L’intégrisme d’ordre moral des « ultras républicains » comme le procureur Starr contre Clinton en 1997-1998 ou plus récemment des sectes protestantes gravitant autour de Bush.

� Le développement des milices armées locales obsédées par la prétendue toute-puissance de l’Etat fédéral. L’exemple le plus frappant fut l’attentat d’Oklahoma City en 1995 contre un immeuble fédéral faisant 169 morts.

� L’importance grandissante de l’argent dans la politique. Les campagnes électorales coûtent de plus en plus cher (sondages, publicités à la télévision…).

� Le brouillage entre vie publique et vie privée des hommes politiques. Ils ont une image de marque et ils utilisent leur famille pour la valoriser. Leur vie privée devient un facteur primordial de leur carrière comme l’atteste la position d’H. Clinton dans le « Monica Gate » en 1998.

B Des économies et des sociétés radicalement opposées

Dans le système soviétique l’Etat prime sur les individus qui doivent sacrifier leurs égoïsmes personnels dans l’intérêt du groupe. Chez les Américains l’individu existe avant l’Etat et l’Etat n’existe que pour servir le bonheur de l’individu. Cette distinction fondamentale se retrouve dans la vie quotidienne des habitants de ces deux sociétés.

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Séquence 1-HG00 49

� Une économie et une société soviétiques sous haute surveillance

L’économie soviétique repose sur la propriété étatique des moyens de production. Jusqu’à Gorbatchev au milieu des années 1980 cela reste une règle incontestée et incontestable (la seule concession a été faite en 1935 avec l’allocation aux kolkhoziens d’un lopin individuel dont ils pouvaient commercialiser librement les produits).

Les plans quinquennaux sont impératifs (comprenez obligatoires) et rythment l’évolution de l’économie. Le Secrétaire général et le Gosplan (« Commission gouvernementale du plan ») fixent les objectifs. Jusqu’à la fin des années 1960, la priorité est accordée aux industries lourdes et militaires tandis que les industries de consommation sont négligées. Ce choix explique le contraste si frappant entre les modes de vie des Soviétiques et des Américains.

Parallèlement la société est remodelée selon une propagande intense qui promet une « société sans classes » et « des lendemains qui chantent ». On insiste sur les avancées sociales (réelles pour certaines) comme la gratuité de l’enseignement et de la médecine, l’abondance des installations sportives et culturelles ou l’absence de chômage. Les autorités soviétiques cachent l’essentiel à savoir que la vie quotidienne des Soviétiques reste médiocre (pénurie de logements, ravitaillement difficile des villes, manque cruel de biens de consommation…).

Pire le mythe de la « société sans classes » est contredit par une évolution originale : l’apparition de la nomenklatura. Cette élite du Parti, de l’armée et de la bureaucratie regroupe quelques millions de privilégiés bénéficiant d’avantages multiples tels des logements et des résidences secondaires, des magasins spéciaux, des primes et avantages fiscaux… Ainsi une « bourgeoisie » se constitue.

L’aspect totalitaire de l’URSS se perçoit nettement par l’absence de libertés dans la société soviétique :

� le parti unique organise le culte du chef ;

� la police politique, le KGB, est omniprésente (surveillances, arrestations et interrogatoires) ;

� la censure est de règle et le contrôle idéologique des esprits est sévère ;

� le prolétariat a perdu ses droits de grève et le syndicat est là pour le surveiller ;

� l’art « réaliste soviétique » n’existe que pour endoctriner ;

� surtout sous Staline, le Goulag (sigle de la Direction d’Etat des camps) connaît son apogée. L’univers concentrationnaire concerne des millions de personnes essentiellement déportées en Sibérie et dans le Grand Nord. Il permet au régime de valoriser un front pionnier grâce à une main-d’œuvre servile. La mortalité dans les camps est comparable aux camps de concentration nazis. Sont déportés les minorités ethniques (Tatars, Tchétchènes, Allemands de la Volga, Baltes), les soldats de l’Armée rouge entrés en contact avec des Occidentaux, les opposants politiques et les criminels de droit commun.

Si la Terreur a été constitutive du système soviétique sous Staline, après sa mort en 1953 les choses chan-gent. Il n’existe plus de résistance de la société à cet Etat policier et les grands projets volontaristes de transformation de la société cessent. C’est la fin des condamnations pour crimes contre-révolutionnaires, des exécutions de masses, des déportations, des purges systématiques (il n’y a plus une seule exécution politique). Ce n’est pas la peine, il suffit de condamner tous ceux qui ont une pensée « déviante » (les dissidents) à des peines de camps de trois ou sept ans ou d’hôpital psychiatrique. Ce n’est que sous Gorbatchev à la fin des années 1980 que ce type d’emprisonnement prendra fin.

� Le triomphe de l’idéologie de l’« American dream »

L’« American dream » c’est d’abord une anthropologie (une conception de l’homme) originale. La société américaine est profondément individualiste. Ce constat a plusieurs sources :

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Page 45: His to Ire

Séquence 1-HG0050

RELIGIEUSE

PHILOSOPHIQUE

PSYCHOLOGIQUE

HISTORIQUE

avec le puritanisme et une référence quotidienne à la religion même dans la vie publique (on jure sur la Bible). C’est l’invocation aux fondateurs protestants : les « Pères Pèlerins » descendants du Mayflower (1620) ayant fui les persécutions religieuses en Occident. On y trouve pêle-mêle une éthique du travail, un moralisme dans la vie politique, une confusion entre le publique et le privé et un patriotisme très vif.

avec l’héritage des Lumières et du libéralisme du XVIIIe siècle selon lequel le peuple choisit ses représentants.

avec un indestructible optimisme, une forte autosatisfaction (« la société américaine est la meilleure possible ») et la croyance dans le progrès (« la technique est la réponse à tout »). Le mythe fondateur est celui du « self made man » : tout homme peut réussir même s’il n’est pas un héritier à condition de faire preuve de dynamisme, de volonté et de courage. Sont citées en exemple les réussites de ceux qui sont partis de rien pour parvenir en haut du sommet (Marilyn Monroe, plus récemment Bill Gates et Mickaël Jordan).

avec la figure emblématique du pionnier (référence à la conquête de l’Ouest) et le mythe de la frontière sans cesse à repousser. Les Américains se pensent comme un peuple de conquérants capables de fixer de nouveaux objectifs à chaque génération. Cela sous-entend l’idée essentielle d’une société mobile : socialement tous peuvent s’enrichir, espérer une meilleure profession que celles de leurs parents. Pour cela il ne faut pas hésiter à déménager.

L’« American dream » c’est aussi une conception socio-économique libérale pour « classes moyennes ». La valeur sociale fondamentale est celle du melting pot. Le citoyen américain serait né de la fusion entre des populations, des coutumes, des langues différentes. L’ensemble est cimenté par une culture civique et un « amour » de la nation.

S’il réussit dans l’imaginaire des futurs Américains (les Etats-Unis attirent plus que jamais les immigrants du monde entier au rythme d’un million d’entrées légales par an !), dans la réalité ce mythe encore invoqué a volé en éclats : la société américaine est fragmentée.

On parle désormais de salad-bowl pour désigner une société américaine multiculturelle avec la coexis-tence de minorités aux cultures différentes mais qui ne s’assimilent pas. On cite les cultures afro-amé-ricaine, hispanique, wasp, gay…

Les valeurs économiques sont simples et n’ont guère varié. Il s’agit de la référence libérale à la libre entreprise, à la libre concurrence autrement dite à la libre initiative. L’Etat intervient le moins possible si ce n’est pour réguler le marché (par exemple les lois anti-trust). Toutefois, la réalité dément là encore cette construction mentale toute faite : aux Etats-Unis l’Etat intervient dans l’économie par ses commandes militaires ou pour la NASA, il favorise les intérêts privés du complexe militaro-industriel. Il subventionne son agriculture et laisse se construire des géants industriels (Microsoft, Boeing-Mc-Douglas).

Cette pensée a une conséquence sociale majeure : le darwinisme social c’est-à-dire la compétition entre individus. Le « Welfare State » ou Etat-Providence encore très présent dans les années 1950 et 1960 se réduit car on craint qu’il n’assiste ou ne déresponsabilise ses bénéficiaires. Les aides sociales (1965 Medicare pour les personnes âgées et handicapées, 1967 avec Medicaid établissant la gratuité des soins pour les nécessiteux) sont réduites. D’où le recours à des assurances privées très onéreuses. Aujourd’hui près de 40 millions d’Américains (soit un Américain sur sept !) se retrouvent sans couverture médicale. Beaucoup d’enfants n’ont accès qu’à la médecine des salles d‘urgence.

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C Deux modèles en compétition pour le rayonnement planétaire

Les Etats-Unis et l’Union soviétique ont tous les deux vocation à diriger le monde. Si l’influence soviétique passe essentiellement par une domination territoriale, celle des Américains relève plus de la théorie du soft power selon laquelle l’Amérique ne règne pas principalement par ses armes mais par le prestige de ses valeurs, de ses institutions et de sa culture. C’est leur réussite économique qui doit donner envie à de nombreux Etats de suivre leur modèle.

� La spectaculaire expansion du modèle soviétique

Avant la Seconde Guerre mondiale le communisme s’étend seulement sur deux Etats : l’URSS et la Mongolie mais il couvre près de 24 millions de km2. Dans l’après-guerre le communisme se diffuse d’abord dans les régions voisines de la puissance soviétique.

D’abord en Europe de l’Est où en quelques années la Pologne, l’Allemagne orientale (RDA), la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Yougoslavie, l’Albanie, la Bulgarie et la Roumanie deviennent des Etats communistes (voir séquence 4 chapitre 2 partie A.2).

Le camp socialiste s’élargit ensuite à l’Asie avec :– la Chine en 1949 et la victoire du communiste Mao Tsé Toung ;– la Corée du Nord confirmée dans le camp socialiste en 1953 à l’issue de la guerre de Corée ;– le Nord Vietnam qui obtient son indépendance en 1954.

A cette date un homme sur trois «dépend » du bloc communiste dont la masse territoriale atteint 60 % des terres émergées !

Le modèle soviétique est à l’apogée de son prestige dans les années 1950-1960 : sur tous les continents naissent des guérillas marxistes qui parfois s’emparent du pouvoir comme à Cuba en 1962.

L’URSS incarne alors la « patrie du socialisme ». Son prestige est relayé en Occident par les puis-sants partis communistes de France et d’Italie qui possèdent d’efficaces organes de presse et d’édition. Beaucoup d’intellectuels, sans toujours y adhérer, sont « compagnons de route » du Parti (Jean Paul Sartre en France) et font de l’URSS l’archétype de l’anti-fascisme, de l’anti-colonialisme.

Pour la plupart des penseurs de l’époque, l’anticommunisme est une maladie honteuse.

Pour les ouvriers, la société soviétique est censée être plus juste, c’est le paradis des tra-vailleurs. Elle incarne des valeurs universelles positives : libération des opprimés, refus de l’exploitation de l’homme par l’homme, espérance d’une société sans classes… La fascination du communisme en Occident sera longue et la dénonciation par Khrouchtchev des crimes de Staline n’y changera pas grand-chose, ni la répression de la révolte de Hongrie de 1956. Les craquements sont perceptibles en 1968 lorsque les chars soviétiques matent le « Printemps de Prague » et surtout quand en Occident seront publiés les témoignages précis et accablants des dissidents (Soljenitsyne avec « Une journée d’Ivan Denissovitch » en 1962 et surtout l’« Archipel du Goulag »).

Ce n’est qu’après 1970 que le modèle soviétique deviendra réellement répulsif.

� L’American Way of Life : la référence dominante

De 1945 à 1960 les Etats-Unis construisent une référence : l’American way of life. C’est en partie la guerre froide qui fige les idéologies et leurs représentations faisant des Américains les leaders de l’Occident et du monde libre. Le modèle américain cesse d’être isolationniste. Il se précise.

Les Américains accordent une grande importance à la diffusion de leur idéologie. Pour cela ils créent en 1948 l’Office of Educationnal Exchange et en 1953 l’US Information Agency. En

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Séquence 1-HG0052

matière de radiophonie c’est la création de Voice of America en 1942 (elle émet en 50 langues) et de Radio Free Europe en 1950. Elles livrent à Radio Moscou une guerre psychologique qui se concentre surtout sur l’Europe.

Les Etats-Unis n’hésitent pas à s’ingérer dans les affaires intérieures des Etats. Le meilleur exemple est le général MacArthur qui de 1945 à 1951 impose dans le Japon occupé son pouvoir avec une nouvelle constitution démocratique, des réformes agraire, scolaire…

Quels sont les instruments de la domination des Etats-Unis ?

Les Américains sont incontournables. Ils fixent les règles du jeu à leur avantage :– ils sont au centre du nouveau système monétaire avec un dollar à la fois monnaie d’échange

et monnaie de réserve ;– ils diffusent leur mode de production (taylorisme et fordisme) et la consommation de masse

dans l’Europe en reconstruction ;– ils jouent un rôle moteur dans les négociations du GATT en 1947. Cette organisation regroupe 23 pays

et totalise 80 % du commerce mondial. L’objectif est d’interdire le dumping, les contingentements et les subventions à l’exportation. Il s’agit de faciliter l’écoulement des produits de l’industrie américaine dans le monde entier ;

– enfin ils sont la puissance politique majeure de l’Onu. Membre le plus prestigieux du Conseil de sécurité, ils ont l’auréole du pays arsenal de la Grande Alliance, celui de « champion de la liberté ».

A l’époque les Etats-Unis sont l’unique exemple d’une société d’abondance avec des multinationales puissantes qui diffusent les produits américains. Jusqu’au milieu des années 1960, leur économie est florissante : – c’est le principal producteur mondial de matières premières et de produits énergétiques ;– c’est une productivité quatre fois plus forte que celle de l’Europe avec une supériorité technologique écrasante (des produits nouveaux comme les antibiotiques, les textiles synthétiques, les plastiques, les avions à réaction, les ordinateurs…) ;– c’est le pays des grands conglomérats naissants : avec dans le pétrole le groupe Exxon et dans l’agroalimentaire des investissements directs à l’étranger (notamment en Amérique centrale) ;– c’est une croissance phénoménale : plus 25 % de 1953 à 1963 !– c’est une attractivité renouvelée avec depuis 1965 la réouverture des frontières par le regroupement familial (donc très sélectif) et la relance du « brain drain » : 110 000 ingénieurs, médecins et chercheurs s’installent aux Etats-Unis de 1949 à 1970 !

Quels sont les aspects de la domination américaine ?

Les Etats-Unis ne deviennent-ils pas un idéal à imiter parce qu’ils sont alors un exemple de terre de prospérité ?

C’est d’abord un modèle de la société de consommation. Le confort américain est envié des Européens et des Japonais qui connaissent encore des pénuries jusqu’au milieu des années 1950. Ses symboles sont la maison individuelle de banlieue, la cuisine avec ses appareils électroména-gers (four, machine à laver, réfrigérateur, lave vaisselle…), la télévision, l’automobile etc.

Les modes de vie à l’étranger se transforment en fonction du modèle américain avec l’uniformisa-tion des habitudes alimentaires (fast-food) et vestimentaires (blue jean et blouson noir dans la jeunesse).

C’est surtout un modèle culturel avec New York comme capitale mondiale où se crée le nouvel art contemporain comme le pop art d’Andy Warhol ou de Roy Liechtenstein. La littérature américaine est alors la plus réputée avec des auteurs tels que Steinbeck, Hemingway, Faulkner…

Simultanément une culture de masse se définit d’une indéniable qualité dans le domaine du cinéma. Les icônes sont M. Monroe, M. Brando et J. Dean. Les séries télévisées (« la 4e dimension »…) et la musique jazz, rock (Presley), pop (malgré la concurrence anglaise) enfin rap sont des manifestations de ce rayonnement culturel.

Se développe alors de grandes multinationales de la culture populaire : les studios Hollywood, Walt Disney et ses parcs. Cette culture n’est pas innocente car elle véhicule les stéréotypes et les normes américaines.

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Séquence 1-HG00 53

D Blocages et contradictions internes : des modèles remis en cause

Les difficultés internes des deux puissances sont de nature et d’intensité différentes. Alors que pour le plus grand nombre de Soviétiques la vie quotidienne n’est que source de difficultés et d’insatisfactions, la contestation américaine vient essentiellement de certains groupes sociaux (Noirs, jeunes…).

� Sclérose et décalage du modèle soviétique

Pour l’URSS les bocages internes sont de trois ordres : économiques, sociaux et politiques.

Les blocages économiques sont les plus aigus.

La collectivisation s’avère vite un naufrage et la pénurie agricole sera une constante de l’histoire soviétique. Ni la mise en valeur des terres (Kazakhstan en 1956), ni l’augmentation des crédits à l’agriculture ne change la situation. L’URSS doit importer des céréales et cela ne suffit pas à régler la question de l’approvisionnement.

A partir des années 1950, les taux de croissance soviétiques s’essoufflent et le pays commence à prendre du retard sur l’Occident notamment sur le plan technique. L’essentiel de ses ressources va aux industries de l’armement. Tout étant planifié rigidement, les gaspillages sont colossaux : la marchandise pourrit sur place faute de carburants pour les transports !

Les travailleurs sont sans motivation (aucune initiative privée ou personnelle n’étant permise par le Gosplan), la productivité est très faible, la qualité des produits est médiocre. C’est un énorme paradoxe car l’URSS est richissime en ressources énergétiques, minières et agricoles.

Les problèmes sociaux de la Russie actuelle naissent alors :

� un exode rural intense vide les campagnes où ne restent que les personnes âgées ;

� une croissance démographique ralentie, un alcoolisme en essor (sauf dans les républiques musul-manes) réduisant l’espérance de vie et une inquiétante augmentation de la mortalité infantile,

� un fort absentéisme des travailleurs davantage soucieux de se procurer le nécessaire par le marché parallèle (conséquence de l’économie planifiée et de la pénurie chronique) ou le travail au noir ;

� une corruption qui connaît son « âge d’or » sous Brejnev. Le mal vient de la confusion entre le politique et l’économique. Toutes les ressources nationales (terres, usines, transports, commerces et services) étant propriété de l’Etat, donc sous le contrôle de ses représentants, l’absence de tout contre-pouvoir ne peut que favoriser la corruption. La technique la plus courante consiste de la part des administrateurs locaux à se faire imposer les quotas de production les plus bas possibles. Une fois ces quotas dépassés ils touchent une prime et avec les ressources excédentaires ils peuvent se procurer des équipements ou des matières premières. La corruption est un « sport national » pratiqué de la base au sommet (la famille Brejnev elle-même sera impliquée dans un trafic de diamants).

La paralysie politique empêche tout changement, toute amélioration. Le modèle soviétique s’écroule lentement de l’intérieur même si les Soviétiques ne contestent guère.

Khrouchtchev lance en février 1956 la déstalinisation lors du XXe Congrès du PCUS (Parti Communiste d’Union Soviétique). Il dénonce les crimes de Staline. Ce n’est pas une rupture dans l’histoire soviétique car il rend Staline seul responsable. Il ne remet en cause ni le système, ni la planification, ni la collectivisation, ni le parti unique. Il veut régénérer le communisme.

Toutefois il faut noter sous Khrouchtchev (1956-1964) une libéralisation partielle du régime avec la libération de nombreux détenus du Goulag et l’assouplissement de la censure. Ces réformes inquiètent d’ailleurs les communistes conservateurs qui profitent de la débâcle de Khrouchtchev face à Kennedy en 1962 (crise des fusées à Cuba) pour le débarquer deux ans plus tard.

Commence alors une longue ère brejnévienne de 1964 à 1982 (que l’on peut étendre à 1983-1985 avec Andropov et Tchernenko) marquée par l’immobilisme politique, le règne de la bureaucratie

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Séquence 1-HG0054

des apparatchiks et un vieillissement spectaculaire des cadres. En 1980 la moyenne d’âge au Bureau politique est de 71 ans !

Toute libéralisation économique ou politique est exclue, la censure est rétablie et pire, le culte de la personnalité est réactivé. La société civile est étroitement surveillée par le KGB.

Cette police politique créée en 1954 est chargée des missions de protection politique de l’Etat soviétique à l’intérieur (lutte contre les « dissidents » et les espions) et à l’extérieur (renseignements et protection des frontières). Le KGB par son énorme pouvoir de contrôle et de répression est la clé de la dictature soviétique.

L’audience des intellectuels en désaccord avec l’Etat soviétique est finalement assez limitée et n’incite pas la population à une résistance active. Elle prend de l’ampleur au début des années 1970 avec le physicien Andreï Sakharov et l’écrivain Aleksandr Soljenitsyne mais l’expulsion de ce dernier en 1974, la mise en résidence surveillée de Sakharov à Gorki et les arrestations opérées par le KGB affaiblissent la portée de la dissidence.

� Une Amérique qui cesse de faire rêver

Aux Etats-Unis les vingt années qui s’écoulent de 1960 à 1980 marquent le temps des contestations. Elles s’articulent autour de trois crises majeures : la « question noire », les jeunes et la critique de la guerre du Vietnam et l’affaiblissement de la présidence.

� La « question noire » est en suspens depuis presque un siècle.

Dans le Sud existe encore dans les années 1950 une véritable ségrégation (une séparation stricte entre « Noirs » et « Blancs ») dans les transports en commun, à l’école, dans l’habitat… Dès 1954, la Cour Suprême interdit la ségrégation à l’école.

La lutte pour la reconnaissance des droits des Noirs s’incarne en Martin Luther King. Ce leader noir progressiste entame à partir de 1955 une longue lutte non violente. Il organise le boycott des bus de Montgomery (en Alabama) qui pratiquent la ségrégation et multiplie les marches pour faire pression sur le gouvernement. Avec Kennedy, il obtient enfin une écoute attentive.

Son combat culmine le 28 août 1963 dans une marche des droits civils à Washington où il prononce son célèbre discours « I have a dream » (« Je fais un rêve »). Cette lutte aboutit en 1964 avec le vote du Civil Rights Act accordant l’égalité des droits aux Noirs, et en 1965 celui du Voting Rights Act garantissant le droit de vote aux populations noires.

Toutefois M. L. King n’obtient qu’en partie satisfaction car il lutte également contre la pauvreté qui touche les Noirs. Et sur ce point il est peu écouté. A partir de 1965 pour assurer l’égalité des chances (dans l’éducation, l’administration.) se généralise « l’affirmative action ». Il s’agit d’une discri-mination positive (par exemple sous la forme d’emplois réservés) en faveur des minorités sous représentées.

Se développent aussi dans la communauté noire des groupes extrémistes comme les « Black Muslims » de Malcom X (assassiné en 1965), le « Black Power » avec cette image qui a fait le tour du monde des athlètes noirs Smith et Carlos brandissant leur bras sur le podium aux jeux olympiques de Mexico en 1968. L’heure est à la revendication violente : les émeutes urbaines se multiplient (en 1965 dans le quartier de Watts à Los Angeles, en 1967 à Detroit et Newark…) accélérant le départ des Blancs vers les banlieues.

Pire en 1968, M. L. King est assassiné brisant son rêve… En 1996 par référendum en Californie, l’affirmative action a été abandonnée. Les Américains défendent le principe de l’égalité des chan-ces et non pas celui de l’égalité sociale. Aujourd’hui les Noirs sont toujours plus touchés que les autres catégories par la pauvreté, le chômage, la délinquance et la prison (sur deux millions de détenus dans les prisons américaines, la moitié est Noire, or ils ne représentent que 12 % de la population !).

Néanmoins on ne peut pas nier l’émergence d’une bourgeoisie noire avec aussi des héros améri-cains noirs comme Mickaël Jackson, Mickaël Jordan… Si les Noirs sont surreprésentés dans la pau-vreté, les deux tiers appartiennent aux classes moyennes et les deux tiers des pauvres sont Blancs.

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Séquence 1-HG00 55

� La contestation de la guerre du Vietnam (voir 2e partie D.2) par les jeunes est aussi une critique virulente du modèle national.

Depuis 1964 les Etats-Unis ont massivement engagé des troupes au Vietnam et les pertes se multiplient (16 500 morts en 1968). La télévision américaine accélère le rejet de cette « sale guerre » en filmant les atrocités commises au Vietnam (enfants mutilés, civils tués, bonzes qui se donnent la mort par le feu, cadavres des soldats américains transportés dans les sinistres sacs de toile…). Rien n’est dissimulé. Ces images créent l’indignation et la guerre devient vite impopulaire chez les « jeunes » qui ne comprennent pas ce conflit. Des insoumis brûlent en public leurs livrets militaires ou s’enfuient au Canada. Entre 1968 et 1972 des millions d’Américains manifestent et le mouvement de paix s’enfle sur les campus. Les intellectuels, les journalistes et les chanteurs relayent cette opposition. Bob Dylan, Joan Baez, John Lennon (dont le titre « Give peace a chance » devient le refrain d’une génération en 1969) sont les chantres de la pacification.La bataille contre la guerre du Vietnam est le signe d’une profonde division culturelle du pays, un cri de ralliement pour tous ceux qui veulent changer la société américaine. Au conformisme des années 1950 succède le bouillonnement des années 1960.

En effet chez les jeunes se développe une « contre-culture », mélange de rock, de pop, de littérature contestatrice (Allen Ginsberg), de consommation de drogues douces (le « joint ») et dures (LSD, héroïne). Dans les universités américaines notamment Berkeley à San Francisco la contestation est générale.

Le mouvement hippie rêve alors d’une vie communautaire, d’un mode de vie de bohème, de libération sexuelle et de retour à la nature.

De cette contestation il ne reste aujourd’hui qu’une culture populaire brillante mais concrètement la crise a tout emporté. Ces rêves sont morts sauf ceux d’une transformation sociale. Des bouleversements majeurs apparaissent alors :– l’émancipation des femmes avec le « Women’s Liberation ». Elles gagnent l’égalité en 1972

et le droit à l’avortement en 1973. – le mouvement gay à San Francisco et à New York (révolte de Stonewall en 1969).

� L’affaiblissement de la présidence marque profondément les Américains.

C’est le scandale du Watergate entre 1972 et 1974 dont Nixon est le grand responsable.

Lors de la campagne électorale aux présidentielles de 1972 la police arrête cinq hommes posant des micros dans l’immeuble du Watergate (siège du parti démocrate). Ils appartiennent au comité de réélection de Nixon et c’est la CIA qui leur a fourni la technique de cambriolage. Mis en cause par des journalistes, Nixon refuse d’admettre qu’il est au courant de l’affaire et nie avoir couvert ces agis-sements. Il ment. Ce cambriolage raté devient une affaire d’Etat. Nixon va même jusqu’à demander au directeur du FBI de mettre fin à son enquête. Cette tentative d’obstruction à la justice accélère sa perte. Le président n’est-il pas le garant des lois de ce pays ? La procédure d’impeachment est engagée contre Nixon qui préfère démissionner en 1974.

Son successeur Gerald Ford lui accordera le pardon présidentiel qui mettra fin à cette mise en accusation. Dès lors la présidence ne cesse de voir son prestige s’écrouler avec le président démocrate Carter (1976-1980). Tout pétri de moralisme, il est inefficace à enrayer cette crise. Sous son mandat l’Amérique est humiliée par la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979-1980.

E Deux trajectoires différentes

A la surprise générale l’URSS disparaît brutalement de la scène internationale en 1991. Le principe même de l’utopie à gauche sombre avec l’écroulement du communisme et laisse le champ libre aux valeurs de compétition du modèle libéral.

� L’implosion du modèle soviétique, 1985-1991La disparition de l’Union soviétique a été déclenchée par la Perestroïka et l’échec des réformes de Mikhaël Gorbatchev élu au poste de Secrétaire général du parti en 1985. Il a alors 54 ans et sa jeu-

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Séquence 1-HG0056

nesse tranche avec ses prédécesseurs. Il veut réformer le communisme c’est-à-dire en garder les valeurs tout en changeant son fonctionnement. Il oriente son programme selon deux idées :

� la GLASNOST

� la PERESTROIKA

(ou transparence) vise à libéraliser la vie publique. Ainsi en 1987 il supprime la censure et libère les dissidents dont Sakharov. En 1988 il établit les libertés d’expression et de religion et réhabilite les victimes du stalinisme. Tout ceci crée un climat nouveau de liberté et favorise simultanément une crise de confiance.

(ou restructuration) prône la participation des citoyens dans l’économie et engage la lutte contre la corruption. En 1986 les entreprises individuelles sont autorisées. En 1988 il autorise la location de terres aux paysans et rend possible la création de sociétés mixtes avec des capitaux étrangers.

Pour autant sur le terrain la situation s’aggrave et les pénuries persistent. Gorbatchev est rapi-dement détesté pour sa lutte contre l’alcoolisme et son incapacité à freiner l’inflation qui grignote les revenus. En 1989 déjà de grandes grèves éclatent dans les mines d’Ukraine et de Sibérie.

A l’intérieur Gorbatchev est doublement critiqué :

� par les réformateurs comme Boris Eltsine élu président de la République de Russie en juin 1991. Ils veulent un passage à l’économie de marché et un authentique pluralisme politique.

� par les conservateurs et la Nomenklatura (les 40 000 membres du PCUS qui détiennent les postes de direction de toutes sortes) qui l’accusent de conduire le pays à l’anarchie. En août 1991 certains d’entre eux tentent un coup d’Etat qui échoue devant la résistance de Boris Eltsine et des moscovites. La décomposition de l’URSS s’accélère et toutes les républiques proclament leur indépendance en quelques mois.

Document 3

La démission de Gorbatchev

« Chers compatriotes, concitoyens,En raison de la situation qui s’est créée avec la formation de la Communauté des Etats indépendants, je mets fin à mes fonctions de Président de l’URSS. (…)Le destin a voulu qu’au moment où j’accédais aux plus hautes fonctions de l’Etat, il était clair que le pays allait mal. Tout ici est en abondance : la terre, le pétrole, le gaz, le charbon, les métaux précieux, d’autres richesses naturelles, sans compter l’intelligence et les talents que Dieu ne nous a pas comptés. Et pourtant nous vivons bien plus mal que dans les pays développé, nous prenons toujours plus de retard par rapports à eux.La raison en était déjà clair – la société étouffait dans le carcan du système de commandement administratif, condamné à servir l’idéologie et à porter le terrible fardeau de la militarisation à outrance. (…) Il fallait tout changer radicalement.Une œuvre d’une importance historique a été accomplie :– Une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques. Les élections libres, la liberté de la presse, les libertés religieuses, des organes de pouvoir représentatifs et le multipartisme sont de devenus une réalité.– La marche vers une économie multiforme a commencé, l’égalité de toutes les formes de propriété s’établit. (…)Tous ces changements ont provoqué une énorme tension. Ils se sont produits dans des conditions de lutte féroce, sur un fond d’opposition croissante des forces du passé moribond et réactionnaire, des anciennes structures du Parti et d’Etat et de l’appareil économique, ainsi que de nos habitudes, de nos préjugés, de notre psychologie de nivellement et parasitaire. Ils se sont heurtés à notre intolérance, au faible niveau de notre culture politique et à la crainte des changements. Voilà pourquoi nous avons perdu beaucoup de temps. L’ancien système s’est écroulé avant que le nouveau ait pu se mettre en marche. Et la crise de la société s’est encore aggravée. (…)Le putsch d’août a poussé la crise générale jusqu’à ses limites extrêmes. Le pire dans cette crise est l’effondrement de l’Etat. »

Extrait de l’allocution télévisée de Mikhaïl Gorbatchev, 25 décembre 1991.

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Séquence 1-HG00 57

Questions � Présenter le document.

� Relever et expliquer les raisons des réformes engagées.

� Expliquer quels sont les résultats positifs obtenus selon l’auteur.

� Préciser quelles sont, selon Gorbatchev, les raisons de son échec.

Réponses � C’est une allocution publique retransmise par la télévision à tous les Soviétiques (nature) de Mikhaïl

Gorbatchev, secrétaire général du PCUS depuis 1985 et président de l’Union soviétique depuis 1990 (auteur). En fait Gorbatchev n’a plus de pouvoir face au Président élu de la république de Russie, Boris Eltsine, qui s’est opposé victorieusement au coup d’Etat d’août 1991 à Moscou (date et contexte de l’événement). Gorbatchev annonce sa démission aux Soviétiques et rappelle les réformes engagées depuis quelques années (idée générale).

� Selon Gorbatchev, le « pays allait mal », « la société étouffait dans le carcan administratif de com-mande ». Le but de l’exercice est d’expliquer la signification de ces phrases. Il convient de rappeler les fondements du modèle économique soviétique (étatisation, planification autoritaire, omniprésence de la bureaucratie) et de montrer les dysfonctionnements de ce système (pénuries, faible productivité, agriculture et biens de consommation sacrifiés pour les industries d’armement…).

� Pour Gorbatchev, la Nomenklatura, « l’ancien système », a été liquidé. Il est bon de rappeler que Khrouchtchev s’est attaqué partiellement au système mais que le parti unique (PCUS) continue d’exercer le pouvoir et que le régime reste policier et fidèle à l’idéologie communiste. « Une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques » : il est nécessaire de les citer en faisant remarquer que ces transformations sont obtenues sous la pression de l’opinion publique. En ce qui concerne « l’économie multiforme », à savoir étatique et privée, peu de choses sont réalisées en 1991.

� Ses réformes se sont heurtées, selon lui, à des obstacles humains « nos habitudes », « la crainte », des obstacles structurels « Parti et d’Etat et de l’appareil économique » (il est exact que la caste des privilégiés formés des cadres du Parti, de l’Etat et de l’Armée, s’est opposée à toute réforme de système) et idéologiques « notre psychologie de nivellement et parasitaire ».Mais l’auteur oublie de parler du réveil des nationalités qui ont joué un rôle essentiel dans la désa-grégation de l’URSS. Ainsi en mars 1991 le référendum sur le maintien d’une « Union rénovée » remporte l’adhésion mais dans seulement neuf républiques sur quinze.

Le 25 décembre 1991 Gorbatchev démissionne de la présidence d’un Etat qui n’existe plus. Quinze nouveaux Etats naissent cette année là. La Russie passe brutalement au libéralisme déstabilisant encore un peu plus son économie. Le modèle soviétique s’écroule. Les partis communistes disparaissent pour se transformer en partis socialistes ou partis réformateurs (sauf en France).

Dans le Tiers Monde les régimes communistes s’effondrent à leur tour privés du soutien du « Grand frère » soviétique : au Cambodge, en Afrique (Angola, Mozambique, Ethiopie). Les rares exceptions sont Cuba surtout par antiaméricanisme, le Vietnam et la Chine mais ils ouvrent leur économie et l’inquiétante dictature de Corée du Nord qui se radicalise encore.

Le vrai déclencheur reste l’échec du système car le but du communisme était de faire mieux que le capitalisme. Jusqu’aux années 1960 cette thématique était crédible mais le lent déclin de l’économie dans les années 1970 a fait réaliser aux dirigeants soviétiques que le socialisme n’est pas compétitif. L’échec de la promesse communiste a détruit le système en anéantissant la conviction de ses dirigeants. Le régime reposait sur la croyance que l’idéologie était une vraie science. Une fois ce credo réfuté le système était tellement mou qu’il s’est rapidement disloqué.

Comment les Etats-Unis vivent-ils l’effondrement soudain de son grand rival mondial ? En tirent-ils avantage ?

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Séquence 1-HG0058

� « America is back » : vers l’affirmation d’un modèle unique ?

Les années Reagan de 1981 à 1988 marquent un retour de l’Amérique sur le premier plan de la scène internationale : « America is back ». Reagan est élu président surtout parce que les Américains veulent un changement et qu’il incarne un chef énergique.

Reagan, ancien acteur, est aussi un président populaire, « grand communicateur ». Il sait redonner aux Américains confiance en eux et réveiller leur patriotisme.

Il mène une politique économique libérale avec des résultats indéniables : la croissance revient. Il baisse les impôts, dérégule l’économie, coupe dans les budgets sociaux (il dénonce ceux qu’il appelle les « parasites sociaux ») et multiplie les dépenses militaires.

Mais cette politique a un revers :

� un déficit budgétaire colossal (150 milliards de dollars en 1988 soit deux fois plus qu’en 1980) et des taux d’intérêts élevés (le dollar monte jusqu’à 10 francs !) ;

� les exportations américaines sont gênées et une bulle financière (sur cotation des actions) éclate lors du Krack boursier de 1987 ;

� le chômage recule mais il s’agit surtout de « petits boulots » ; � les inégalités sociales se creusent dangereusement : les Noirs et les Latinos sont toujours exclus.

A cette époque une nouvelle droite républicaine ultra réactionnaire se développe. Elle attaque les cli-niques où se réalisent les avortements et cherche à imposer la prière à l’école. Elle parle du sida pour les homosexuels comme d’une « punition de Dieu » (d’où l’absence complète de politique sanitaire pour lutter contre l’épidémie). Elle est de surcroît violemment anticommuniste.

Les années 1990 et le début du XXIe siècle marquent le rayonnement mondial des Etats-Unis :– la promenade militaire de la première guerre du Golfe de 1991 illustre ce leadership incon-

testable des Américains dans le monde ; – ils redeviennent un modèle culturel crédible comme en témoignent la sucess story de Bill Gates,

l’invention d’Internet et la maîtrise des informations ;– avec Clinton le succès économique est de retour mais il est plus harmonieux que sous Reagan

(en 1997 le chômage touche 5 % de la population active et le déficit budgétaire est quasi nul) ;– son successeur Georges Walter Bush au pouvoir depuis 2000 remporte des victoires mili-

taires éclatantes contre les dictatures en Afghanistan et en Irak, à l’issue politique encore incertaine.

En 2003 le modèle américain est quasiment le modèle unique cependant il est fragile et traversé par de graves contradictions internes :– la société américaine est très inégalitaire : 5 % de riches reçoivent 25 % du revenu national ;– la protection sociale (santé, retraite) est coûteuse et beaucoup en sont exclus ;– le système scolaire est très onéreux surtout les universités (entre 7 000 et 25 000 dollars par

an) ; plus d’un enfant sur cinq est à l’écart d’une scolarisation normale. L’école privée est hors de portée (10 000 $ par an par élève) et les écoles publiques de qualité sont inaccessibles aux classes modestes ;

– les Américains ne sont pas égaux devant la justice : un bon avocat coûte 400 $ l’heure !– la question des ghettos (délinquance, violence et drogue) n’est pas réglée ;– la société américaine est très violente (plusieurs milliers de morts par armes à feu chaque année) ;– les minorités se côtoient, s’ignorent ou pire s’affrontent ; – le moralisme de la vie publique états-unienne ridiculise le pays à l’échelle mondiale.

Alors pourquoi cette démocratie continue t-elle de séduire tant d’hommes et de femmes ?

Elle reste un exemple et non un modèle. Si le rêve d’une nouvelle chance persiste c’est qu’il touche une aspiration profonde de chaque individu. Ses points forts sont la défense des libertés individuelles, l’influence souvent heureuse des médias, la séparation des Eglises et de l’Etat, la responsabilité des élus à leurs mandants, les pouvoirs et les contre-pouvoirs qui équilibrent la vie politique, le poids de l’opinion publique, le rôle de la Cour suprême…

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Séquence 1-HG00 59

2e partie Le monde déchiré, de 1945 à 1973

Préambule : cette étude des relations internationales, c’est-à-dire des rapports de force complexes et multiples entre Etats (au travers des guerres, des alliances militaires, des

relations diplomatiques, des échanges commerciaux etc.) amène quelques remarques :

– il s’agit d’étudier les relations entre les Etats ou entre les groupes d’Etats. On se penchera sur la nature de ces relations (coalitions, alliances, pactes, blocs, neutralité, non-alignement…), sur les types de ces relations (bonnes ou mauvaises, organisées en parité, en domination, en rivalité…), sur les moyens de ces relations (diplomatie, conflits, armes de dissuasion, conférences, organisations internationales…) ;

– elles sont le fait des hommes (dirigeants politiques, militaires, diplomates…) donc il sera nécessaire de connaître sommairement certaines biographies ;

– ce sujet fera appel à des cartes qu’il faudra mettre en relation avec des chronologies et des faits ;

– il faut tenir compte du contexte économique, des évolutions sociales, culturelles et religieuses et du poids grandissant des moyens de communication et d’échanges (voir le chapitre 1 de cette séquence) ;

– il faudra réinvestir les notions vues en classe de première telles que nationalisme, Etat-nation, impé-rialisme, colonisation, idéologies…

A La naissance d’un monde bipolaire : 1945-1947

L’entente entre les Alliés contre l’ennemi nazi commun n’a pas survécu longtemps aux difficultés de l’après-guerre. Les idéologies comme les intérêts divergent trop.

� Le monde en 1945

Après six ans de guerre totale vient le temps des bilans. 1945 c’est l’année « zéro » pour l’Europe. Les bilans humain, économique et moral sont désastreux.

� Ce conflit est le plus meurtrier de l’histoire : plus de 50 millions de morts (contre 13 millions pour la Première Guerre mondiale). Les deux tiers sont des civils et l’on compte 35 millions d’Européens parmi les victimes. Certains pays sont davantage touchés que d’autres par cette héca-tombe humaine : l’URSS perd plus de 15 % de sa population et la Pologne plus de 18 % !

L’importance des pertes civiles est due à la Shoah (extermination des juifs) et à la généralisation des bombardements aériens sur les villes (celui de Dresde en février 1945 fait 135 000 morts). On peut ajouter la mortalité consécutive à la sous-alimentation, aux épidémies de tuberculose.

Sur le plan démographique on note deux conséquences : une lourde perte des jeunes actifs et un déséquilibre des sexes au profit des femmes.

A la fin de la guerre 30 millions de personnes ont été déplacées, obligées ou non. Ainsi dix millions d’Allemands ont fui l’avance de l’Armée rouge. Près de sept millions de Japonais rentrent dans leur archipel quittant la Corée, l’île de Formose et la Mandchourie.

� Le monde est ruiné. Les destructions matérielles sont massives :– des villes entières sont rayées de la carte : Hiroshima, Tokyo, Varsovie, Coventry, Berlin, Le Havre,

Caen, Saint Malo… L’Europe est un vaste champ de ruine. Les pays les plus touchés sont l’Alle-magne, l’URSS, la France et les Pays-Bas ;

– les communications sont désorganisées : voies ferrées détruites, ponts anéantis, routes défoncées, ports bombardés (Anvers est l’exception) ;

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Séquence 1-HG0060

– les productions industrielles et agricoles s’effondrent car l’appareil de production est détruit. Par exemple en URSS 70 000 villages n’existent plus et un tiers du cheptel est décimé. La pénurie des temps de guerre continue voire même s’aggrave.

Les gouvernements européens sortent endettés du conflit. La dette triple au Royaume-Uni et en France, elle est multipliée par dix en Allemagne. D’où une inflation galopante et l’effondrement des monnaies européennes.

� Le traumatisme moral vient surtout de la découverte par les Alliés de la Shoah et de ses cinq millions de victimes, de la planification systématique des tueries et des camps de concentration.

C’en est fini du mythe du progrès ; même la science moderne (expérimentations douteuses de Mengele à Auschwitz, mise au point du Zyklon B par les chimistes d’I. G. Farben) a servi à commettre des crimes.

On ne peut taire l’hypocrisie des Alliés. Les Soviétiques ont libéré Auschwitz par hasard ; les Anglo-américains connaissaient l’existence des camps d’extermination dès 1943. Ils n’ont rien fait.

C’est aussi le début de l’angoisse atomique avec Hiroshima. On craint que cette arme redoutable ne détruise l’humanité toute entière.

Sont mis en place deux tribunaux internationaux pour punir les coupables : à Nuremberg du 20 novem-bre 1945 au 30 septembre 1946 et à Tokyo entre mai 1946 et novembre 1948.

A Nuremberg, 23 des principaux chefs nazis sont jugés avec 11 exécutions au total. Ce procès est très important car y est défini le crime contre l’humanité (pour punir la Shoah) c’est-à-dire l’élimina-tion programmée d’un peuple ou d’un groupe de population pour le seul fait qu’il existe. Ce crime contre l’humanité est déclaré imprescriptible (on peut poursuivre les auteurs tant qu’ils sont vivants) à la différence des crimes de guerre (violation des lois de la guerre…).

� La paix des vainqueurs

Deux superpuissances émergent en 1945 :

� Les Etats-Unis dominent outrageusement le monde. Ils sont la première puissance économique et militaire du monde. Outre leur monopole atomique, ils affichent une supériorité écrasante dans la finance, l’agriculture, l’industrie et les technologies. Ils possèdent les deux tiers des stocks d’or mondiaux et n’ont subi aucune destruction sur leur territoire. Leur Produit National Brut a même augmenté de 82 % de 1939 à 1945 : à eux seuls ils disposent d’autant de richesses que l’ensemble de la planète ! Les pertes humaines sont moindre que les autres belligérants : 400 000 hommes morts au combat. Ils sont aussi les seuls à posséder des forces navales sur les deux grands océans.

Surtout et c’est l’essentiel contrairement à 1919, les Etats-Unis refusent l’isolationnisme et entendent assurer leur rang pour faire progresser leurs valeurs (démocratie, libre-échange, anticolonialisme…).

� En face d’eux l’URSS est à l’apogée de sa puissance. Le communisme bénéficie après-guerre d’un immense prestige pour avoir été antifasciste depuis le début. Porteur d’espoir, de géné-rosité et de justice sociale il séduit de nombreux intellectuels occidentaux qui « oublient » le pacte de non agression signé entre Hitler et Staline en août 1939. Mais l’URSS présente de grandes faiblesses : une armée dispersée sur ses conquêtes, une industrie cumulant les retards (excepté dans la recherche nucléaire), un territoire et une agriculture partiellement ravagés par les combats.

En 1945 le pays semble dramatiquement épuisé. Mais l’Armée rouge a fait preuve de son efficacité.

En même temps on a l’impression que l’Europe « n’existe plus ». L’Italie et l’Allemagne sont bannis pour un certain temps, le Royaume-Uni et la France voient leur puissance coloniale de plus en plus contestée (les émeutes de Sétif en Algérie sont réprimées dans le sang par la France).

� L’organisation de la paix est difficile à mettre en place.

La conférence de Yalta en Crimée (février 1945) réunit Roosevelt, Staline et Churchill. Chacun essaie d’arracher quelque chose à l’autre mais il ne s’agit pas d’un partage du monde en zone

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Séquence 1-HG00 61

d’influence. Le président américain, bien que malade, n’a pas cédé face à Staline pour l’essentiel. Cette rencontre au « sommet » a lieu alors que la guerre n’est pas terminée. L’Armée rouge a rapidement progressé tandis que les Alliés peinent à entrer en territoire allemand. L’URSS entre dans une phase défensive contrairement à ce que l’on a souvent cru en Occident : ce qu’elle veut, c’est conserver ses acquis territoriaux et non poursuivre son expansion.

A Yalta est décidé que :– l’Allemagne et l’Autriche seront divisées en quatre zones d’occupation (Etats-Unis, URSS,

Royaume-Uni et France à la demande de Churchill) ;– l’Allemagne doit payer des réparations de guerre (dont la moitié devait revenir à l’URSS mais

cela ne se fera pas) ;– l’URSS s’engage à déclarer la guerre au Japon et à organiser des élections libres dans les zones

occupées en Europe orientale par l’Armée rouge.

L’alliance à Yalta est encore solide. Elle craque à Postdam.

La conférence de Potsdam (banlieue de Berlin) en juillet-août 1945 a de nouveaux acteurs : Truman président américain remplace Roosevelt décédé en avril 1945 et Attlee, Premier ministre britannique, remplace Churchill battu aux élections. Ils font face à « uncle Joe » (Staline). Le contexte est très différent puisque l’Allemagne a capitulé et que les Etats-Unis disposent de la bombe atomique (Truman sera plus intraitable face à Staline). Les résultats sont maigres : l’Allemagne sera démilita-risée et dénazifiée, les quatre zones d’occupation en Allemagne et à Berlin sont délimitées, le montant des réparations allemandes est fixé à 20 milliards de dollars.

Des points de frictions apparaissent dans les mois qui suivent :– la nouvelle frontière germano-polonaise sur l’Oder-Neisse est considérée comme provisoire ;– l’URSS gagne des territoires à l’ouest (annexion des pays Baltes, de la Carélie finlandaise et de terri-

toires polonais, tchèques et roumains) ;– l’Allemagne perd toutes ses acquisitions d’après 1938 et la Prusse Orientale ;– le Japon est occupé par les Américains et perd les îles Kouriles et la moitié sud de celle de Sakhaline

au profit de l’URSS ;– la Corée est indépendante mais elle est occupée au nord par les Soviétiques et au sud par les

Américains.

Finalement Potsdam accouche d’un monde bicéphale. L’esprit de Yalta était trop lié à la personne de Roosevelt.

� Les bases d’un nouvel ordre international

C’est pendant la guerre que les Anglo-américains imaginent comment construire après la guerre un nouveau monde prospère, démocratique et en paix. Cette réflexion débouche, alors que les combats continuent, sur les accords de Bretton Woods et sur la création des Nations unies.

On veut éviter le retour aux erreurs économiques des années 1930 (dévaluations sauvages, protections douanières…). Aussi le 24 juillet 1944 lors de la conférence de Bretton Woods (New Hampshire) est signé un accord entre 45 pays pour créer un nouveau système monétaire international. Les 1 000 délégués présents, fortement influencés par les Américains, décident que chaque monnaie aura une valeur définie en or ou en dollar. C’est la mise en place du Gold Exchange Standard. Les parités seront fixes avec des variations de plus ou moins 1 %.

Cet accord, non signé par l’URSS, consacre la supériorité économique du dollar et des Etats-Unis.

Pour veiller au respect de ces règles est crée le FMI (Fonds Monétaire International). Chaque pays membre paye une quote-part et peut en retour lui emprunter en cas de nécessité.

Enfin la BIRD (Banque Mondiale pour la Reconstruction et le Développement) fonctionne comme une banque mondiale : elle accorde des prêts à long terme pour financer les grands pro-grammes d’investissements.

La naissance des Nations unies aurait dû comme le voulait Roosevelt devenir le « directoire des grandes puissances ».

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Séquence 1-HG0062

L’Onu remplace la défunte Société des Nations. Elle est en gestation dans la Charte de l’Atlanti-que du 14 août 1941 signée entre Churchill et Roosevelt. A l’automne 1944 lors de la conférence de Dumbarton Oaks (Etats-Unis) ses structures sont définies. A Yalta on décide sa création : elle se réalise le 25 juin 1945 à San Francisco avec 51 pays signataires.

Le document essentiel reste la Charte de 111 articles qui s’affirme comme le fondement de l’Onu. Cette organisation a deux buts essentiels :– maintenir la paix et la sécurité internationale. Pour cela elle dispose d’une force armée, les

Casques bleus, dont les soldats sont fournis par les Etats membres,– faire respecter le droit international et les droits de l’Homme d’où la rédaction de la Déclaration

Universelle des droits de l’Homme votée le 10 décembre 1948.

L’ONU comprend trois grandes institutions :– l’Assemblée générale ne fait que des recommandations à la majorité des deux tiers en raison d’une

voix par Etat. Elle se réunit annuellement ;– le Conseil de sécurité est composé de 11 membres (ramené plus tard à 15) dont cinq per-

manents à savoir les cinq vainqueurs de la guerre (Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni, France et Chine). Il concentre l’essentiel des pouvoirs mais ses décisions doivent être prises à l’unanimité des cinq permanents. C’est le directoire des grandes puissances dont rêvait Roosevelt pour assurer la police dans le monde. Or les « Cinq grands » avec leur droit de veto paralyseront vite cette institu-tion. Dans la réalité dès 1946, le Conseil de sécurité onusien est bloqué à cause de la méfiance entre Américains et Soviétiques. Ceux-ci pratiquent la politique de la chaise vide ;

– le Secrétaire général élu pour cinq ans par l’Assemblée générale gère l’administration de l’Onu. Il sera choisi dans des « petites » nations. Il coordonne les organes de coopération internationale.

Ces institutions spécialisées onusiennes interviennent dans plusieurs domaines : économique surtout avec l’OIT, la FAO, le GATT, la BIRD, le FMI ; social avec l’UNICEF ; culturel avec l’UNESCO ; sanitaire avec l’OMS. Ce sont les organisations internationales de l’Onu qui fonctionnent le mieux en faveur du développement. Le siège de l’Onu s’établira définitivement à New York en 1950.

� L’éclatement de la Grande Alliance

Bien vite de nombreuses rivalités apparaissent entre Américains et Soviétiques qui se disputent durement des zones d’influence. Le climat de méfiance se précise en 1946 :

L’Europe est le premier théâtre d’affrontement :– à l’Est, l’URSS effectue des prélèvements considérables en Allemagne orientale notamment par le

transfert d’usines. Les élections libres ne viennent pas au contraire elles sont le plus souvent truquées par les communistes.

– à l’Ouest les ETATS-UNIS remettent en place les gouvernements élus et refusent de reconnaître officiellement la ligne Oder-Neisse comme nouvelle frontière germano-polonaise.

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Séquence 1-HG00 63

Document 4

Le discours de Churchill à Fulton en 1946

« De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. Derrière cette ligne se trouve les capitales de tous les pays de l’Europe orientales : Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest, Sofia. Toutes ces villes célèbres, toutes ces nations, se trouvent dans la sphère soviétique, et toutes sont soumises, sous une forme ou sous une autre, non seulement à l’influence soviétique, mais encore au contrôle très étendu et constamment croissant de Moscou. Athènes seule, dans sa gloire immortelle, est libre de décider de son avenir par des élections auxquelles assisteront des observateurs britanniques, américains, français. (…) Les communistes, qui étaient faibles dans tous ces pays de l’Est européen, ont été investis de pouvoirs qui ne correspondent nullement à leur importance numérique, et cherchent partout à s’emparer d’un contrôle totalitaire. Sauf en Tchécoslovaquie, il n’existe pas, dans cette partie de l’Europe, de vraie démocratie. (…)Cependant, dans un grand nombre de pays éloignés des frontières russes, et à travers le monde entier, les cinquièmes colon-nes communistes s’installent et travaillent dans une unité complète avec une obéissance absolue aux directives du centre communiste. (…)Je ne crois pas que la Russie désire la guerre. Ce qu’elle désire, ce sont les fruits de la guerre et une expansion illimitée de sa puissance et de sa doctrine. Mais ce que nous devons examiner ici aujourd’hui, alors qu’il en est encore temps, c’est le moyen d’empêcher la guerre de façon permanente, et d’établir dans tous les pays, aussi rapidement que possible, les prémices de la liberté et de la démocratie. (…)J’ai appris, pendant la guerre, à connaître nos amis et alliés russes, et je suis convaincu qu’il n’y a rien au monde qu’ils admirent autant que la force, et rien qu’ils ne respectent moins que la faiblesse militaire. »

Discours de W. Churchill prononcé à l’université de Fulton (Missouri) le 7 mars 1946.

Questions � Présentez le document (nature, auteur, contexte).

� Quelle analyse l’auteur fait-il de la situation de l’Europe en 1946 ?

� Quelles solutions préconise t-il pour y faire face ?

� Quelle a été la portée de ce discours ?

Réponses � Ce discours (nature) est prononcé par Winston Churchill (auteur) l’un des grands vainqueurs

de la Seconde Guerre mondiale (en tant que Premier ministre britannique, il a su donner à son peuple un courage et une détermination exceptionnels). A ce moment il n’exerce plus de charge officielle et il effectue un voyage privé aux Etats-Unis, sur l’invitation du président Harry Truman. Il assiste à une fête organisée à Fulton dans l’université où Truman a fait ses études (contexte de l’événement).

� L’orateur présente une Europe où l’influence soviétique ne cesse de s’étendre, mais ne fait aucune allusion à l’Asie, où le communisme connaît pourtant un grand succès (idée générale). Il évoque la menace soviétique que Staline fait peser sur l’Europe orientale en constituant un glacis défensif autour de l’URSS.

� Face à la menace communiste, il invite l’Occident, Etats-Unis en tête, à réagir en défendant sans fai-blesse le système libéral et en opposant à l’Union soviétique la plus grande fermeté. Les Britanniques soupçonnent les Soviétiques d’entretenir la guerre civile qui vient d’éclater en Grèce en appuyant les partisans communistes. Or la Grèce est une zone d’influence traditionnelle de la Grande-Bretagne. Churchill fait allusion à la « civilisation chrétienne » : ne pas oublier l’importance de la religion dans la société américaine. Il se réfère aussi à la grande alliance, ainsi qu’à sa rencontre avec Staline en octobre 1944, à Moscou, au cours de laquelle URSS, Grande-Bretagne et Etats-Unis se seraient selon lui partagés, selon lui, des zones d’influence dans les Balkans (or les Balkans étaient déjà perdus pour les Anglais).

� Ce discours a eu un grand retentissement, autant à l’ouest qu’à l’Est. Il préfigure le ton de la guerre froide et il a conforté Truman (encore plus anticommuniste que Churchill) dans la nécessité absolue d’endiguer le communisme. Il est également conforté dans cet état d’esprit par les rapports de l’ambassadeur américain à Moscou George Kennan. Celui-ci est persuadé que

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Séquence 1-HG0064

Moscou a des visées expansionnistes et que les Etats-Unis ont intérêt à endiguer dès maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, l’impérialisme soviétique. Ce discours a surpris le monde entier par sa grande fermeté de ton et l’expression « rideau de fer » est passée à la postérité. Il amorce un tournant en permettant à Truman de faire partager à l’opinion publique américaine ses propres certitudes.

L’Asie est un autre terrain de confrontation.

L’entente entre Alliés est encore plus précaire en Extrême-Orient (l’URSS n’est en guerre contre le Japon que quelques jours). A la suite de la capitulation du Japon le 2 septembre 1945, les Etats-Unis placent autoritairement le pays sous leur tutelle. Ils y suppriment les grands groupes industriels jugés en partie responsable de la guerre ; ils font des prélèvements au titre des réparations et démantèlent l’armée. Mais la nouvelle constitution qu’ils établissent conserve l’empereur au sein d’une démocratie.

L’URSS de son côté en profite pour occuper les territoires de la Mandchourie, des îles Kouriles…

Surtout la guerre civile reprend en Chine (elle avait cessé en 1937 avec l’invasion nipponne) entre les 500 000 communistes menés par Mao Tsé-Toung (aidés par l’URSS) et les nationalistes du Kuo-min-tang de Tchang Kaï-Chek (soutenus eux par les Américains).

C’est autant la carte de la guerre en 1945 que la dégradation des rapports américano-sovié-tiques ont conduit à la rupture.

B Au cœur de la guerre froide : 1947-1955

L’année 1947 marque une coupure essentielle dans l’histoire des relations internationales. Les Etats-Unis par tradition isolationniste ont toujours évité jusqu’alors de s’engager hors de leur continent. Après la guerre ils sont encore tentés par ce repli mais devenus la nation la plus puissante de la planète ils décident de se lancer dans les affaires du monde : l’heure des responsabilités internationales est arrivée !

� La mise en place de deux blocs rivaux

En quelques mois l’Europe se divise en deux camps ennemis : d’un côté, l’Europe occidentale sous influence américaine, de l’autre l’Europe orientale soumise à la domination soviétique. Chaque puissance bâtit ainsi son propre bloc qu’il soude autour d’une doctrine. L’objectif est de limiter l’ex-pansion de l’adversaire (pour Staline une terre acquise c’est un marché de moins pour l’Occident) par la constitution progressive d’un système d’alliance militaire et d’aide économique.

S’engage donc entre les deux Grands une violente compétition idéologique, économique, politique et militaire. Tous ces aspects de la lutte sont étroitement liés.

SUR LE PLAN IDEOLOGIQUE

Au printemps 1947 deux faits peuvent être considérés comme le point de départ de la guerre froide proprement dite : la proclamation de la « doctrine Truman » et l’annonce du « plan Marshall ».

Dans un discours au Congrès, en mars 1947, le président Truman demande qu’une aide financière de 400 millions de dollars soit accordée à la Grèce et à la Turquie, l’une et l’autre menacée de tomber sous la domination des communistes ou des Soviétiques. Il déclare au Congrès que « le moment est venu de ranger les Etats-Unis d’Amérique dans le camp et à la tête du monde libre ». Il annonce une aide américaine à tout gouvernement qui manifesterait son intention de lutter contre le communisme et son expansion : c’est le Containment (endiguement).

Ainsi dès le mois de mai 1947 le Congrès débloque 400 millions de crédits pour aider les monarchistes en Grèce. Les autres principes de la nouvelle politique étrangère sont relativement simples : maintenir la paix, diffuser la prospérité et étendre leur modèle.

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Séquence 1-HG00 65

La riposte soviétique ne tarde pas. En septembre 1947 se tient secrètement la conférence de Szlarska Poreba en Pologne réunissant les partis communistes européens (ceux de l’Est plus la France et l’Italie) avec pour objectif de créer le Kominform c’est-à-dire le bureau d’information communiste chargé de coordonner l’action entre ces partis. En fait Staline s’en servira pour leur donner ses instructions. Le délégué soviétique Andreï Jdanov (secrétaire du PCUS chargé des problèmes de propagande et du secteur culturel, il fait office d’idéologue du Parti) énonce alors la théorie des deux camps : le monde est divisé entre « le camp impérialiste et antidémocratique » dirigé par les Etats-Unis (il n’amène que la violence et le malheur) et le camp « le camp anti-impérialiste et démocratique » communiste mené par l’URSS (il apporte au contraire la paix et le bonheur).

Dans ces conditions la guerre froide conduit à un système bipolaire (deux pôles dirigent les relations internationales) : être neutre est considéré, par l’un et par l’autre bloc, comme suspect, voire hostile.

SUR LE PLAN ECONOMIQUE

Ce sont les Américains qui prennent l’initiative car selon eux c’est la misère qui favorise le développe-ment du communisme. En 1945 seul l’appareil productif américain est intact. Tous les autres pays sont dans le besoin. Il leur faut de la nourriture, des engrais pour assurer la survie de leur population. Il leur faut aussi des machines pour remettre sur pied leur industrie. Il n’y a que les Etats-Unis qui peuvent leur en procurer à condition d’avoir des quantités énormes de dollars. Le problème est urgent : l’Europe a faim et a froid !

Le 5 juin 1947 le secrétaire d’Etat Georges Marshall (équivalent du ministre des Affaires étrangè-res) propose, dans une allocution à Harvard, un plan d’aide financière pour quatre ans à l’Europe. Staline refuse le 2 juillet le plan Marshall (on sait maintenant que c’est après beaucoup d’hésitations) et oblige la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie à suivre son exemple (les conseillers de Marshall avaient prévu ce refus et heureusement car ils n’auraient pas pu financer la reconstruction de l’URSS).

Au final seuls seize Etats d’Europe de l’Ouest acceptent et signent le 16 avril 1948 l’Organi-sation Européenne de Coopération Economique (OECE) chargée de répartir l’aide américaine. Son programme est ambitieux : augmenter et moderniser la production, développer les échanges, créer une union douanière, stabiliser les monnaies, assainir les finances intérieures et rechercher le plein emploi. C’est la naissance de la première institution de l’Europe. Le plan Marshall accélère la coupure de l’Europe et permet à l’Europe occidentale de prendre forme. L’OECE deviendra en 1961 l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique).

De 1948 à 1952, ce sont ainsi treize milliards de dollars, sous forme de prêts et surtout de dons en nature qui sont injectés dans l’économie européenne. En fait quatre pays (Royaume-Uni, France, Italie et Allemagne de l’Ouest) concentrent 65 % de cette aide.

Le Plan Marshall a t-il sauvé les économies européennes ? la question fait encore débat.

Le niveau de production industrielle d’avant-guerre est retrouvé en décembre 1947 avant que les fonds américains ne soient débloqués. Mais en 1951 il dépasse celui de 1938 d’un bon tiers tandis que de nouvelles technologies (matériels de travaux publics, trains de laminage…) et des méthodes américaines d’organisation du travail sont introduites en Europe.

Là encore l’URSS voit le plan Marshall comme une manifestation de l’impérialisme américain en vue de dominer le Vieux monde. Partout en Europe, sur les instructions de Staline, les communistes se lancent dans une violente critique de ce plan (notamment la CGT en France).

Les Soviétiques répliquent donc à l’OECE et regroupent en janvier 1949 les Etats d’Europe orientale (excepté la Yougoslavie) dans un Conseil d’Assistance Economique Mutuelle (CAEM plus connu sous le sigle anglais de COMECON). L’objectif est de favoriser les relations commerciales entre ses membres. Il n’a jamais bien fonctionné. Le développement continue à se faire dans un cadre national : chaque Etat a tendance à se spécialiser dans les productions définies par Moscou.

Créés de manière presque symétrique, chaque bloc répond à une initiative de l’autre bloc. Reste à consolider le tout par des alliances militaires défensives. Là joue encore la peur de l’Autre.

Persuadés que les Soviétiques représentent un défi mortel pour le monde libre, les Américains vou-draient réarmer l’Europe. Les Européens sont demandeurs d’une protection car ils sont incapables de le faire. Les Etats-Unis opèrent alors une révolution dans leur politique étrangère en signant des alliances en temps de paix (ce qu’ils ne faisaient jusqu’ici qu’en temps de guerre). Ils estiment que leur sécurité nationale passe désormais par les pactes.

SUR LE PLAN POLITIQUE ET

MILITAIRE

SUR LE PLAN POLITIQUE ET

MILITAIRE

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Séquence 1-HG0066

Document 5

Le monde partagé : pactes et alliances au milieu des années 1950

ARGENTINE

BRÉSIL

MEXIQUE

CUBA(OEA jusqu’en 62)

ISLANDE

ALBANIE

JAPON

TAIWAN

PHILIPPINES

AUSTRALIE

NOUVELLE-ZÉLANDE

VIÊT-NAMDU NORD

VIÊT-NAMDU SUD

JJJ

CORÉEDU NORD

CORÉEDU SUD

NORVÈGE

ÉTATS-UNIS

CANADA

URSS

MONGOLIE

CHINE

GRÈCE

TURQUIE

AFGHANISTAN

IRAK

IRAN

PAKISTANOCCIDENTAL

PAKISTANORIENTAL

THAÏLANDE

Démocraties populaires

d’Europe de l’EstTerritoires dépendant d’un allié des États-Unis

Traités bilatéraux conclus avec les

États-Unis

Pacte de Bagdad (1955)Turquie, Irak, Royaume-Uni,

Pakistan

OEA (1948)Organisation des États-Américains

ANZUS (1951)Autralie, Nouvelle-Zélande,

États-Unis

OTANOrganisation du traité de

l’Atlantique Nord1949 : États-Unis, Belgique, Canada, Danemark, France, Islande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni1952 : Grèce, Turquie1955 : RFA1982 : Espagne

OTASE (1954)Organisation du traitéde l’Asie du Sud-Est

Australie, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Philippines, Thaïlande, Royaume-Uni,

États-Unis

BLOC COMMUNISTE

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Séquence 1-HG00 67

Questions � Quelles alliances militaires les Etats-Unis mettent-ils en place ?

� Quel est le but des Américains ?

� Quelle est la réplique de l’Union soviétique ?

Réponses � Les Etats-Unis se trouvent rapidement au centre d’un réseau d’alliances :

– Le 4 avril 1949 les représentants de douze Etats de l’Europe occidentale signent à Washington le Pacte Atlantique. L’Organisation du Traité Nord Atlantique (Otan ou NATO en anglais) est une alliance militaire souple et défensive (initialement prévue pour vingt ans). Une attaque armée contre l’un de ses membres équivaudrait à une agression du territoire de tous. Chaque pays conserve son armée et son commandement. L’Europe occidentale est désormais sous la protection états-unienne et c’est le général Eisenhower qui devient le commandant suprême des forces de l’Otan en 1950. D’une certaine façon l’Europe abdique en renonçant à créer sa propre défense. Au début des années 1950, toujours obsédés par la contagion du communisme les Américains se lancent dans une véritable pactomanie. Trois pactes sont conclus en trois ans et demi :– en septembre 1951 ils signent un traité avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande : l’ANZUS (Australie, Nouvelle-Zélande et United States). Mais celui qui compte est le suivant.– le 8 septembre 1954 l’OTASE est créée à Manille (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est). Elle regroupe autour des Etats-Unis la France, la Grande-Bretagne, l’Australie, la Nouvelle-zélande, les Philippines, le Pakistan et la Thaïlande. L’alliance fonctionne sur le même principe que l’OTAN.– au Moyen-Orient, le Pacte de Bagdad est conclu en février 1955. Il regroupe la Turquie, l’Irak, l’Iran, le Pakistan, le Royaume-Uni autour des Américains qui n’y adhèrent pas mais lui donne une caution.

� Les Américains veulent créer un cordon protecteur aux frontières méridionales de l’Union soviétique. Il s’agit pour eux de conclure des alliances avec le maximum de pays situés autour de l’URSS pour contrer la « théorie des dominos » en Asie (lorsqu’un pays devient communiste ses voisins risquent à leur tour par contamination de devenir communiste). Ce dispositif est renforcé par l’installation d’une série impressionnante de bases militaires qui encerclent l’« ennemi » en Europe, en Turquie, en Irak et au Japon.

� Pour les Soviétiques l’OTAN est un pacte agressif dirigé contre eux et les pactes qui suivront seront perçus à juste titre comme une tentative d’encerclement. Dans un premier temps, ils signent en 1948 et 1949 plusieurs pactes militaires bilatéraux avec leurs voisins d’Europe de l’Est, puis avec la République Populaire de Chine en février 1950. Isolé du monde occidental, le bloc oriental n’a d’autre choix que de s’aligner sur le « Grand frère ».C’est seulement le 14 mai 1955, à la suite de l’admission de la République Fédérale d’Allemagne dans l’OTAN, qu’est créé le Pacte de Varsovie quasiment calqué sur l’OTAN. Il s’agit d’une alliance militaire défensive qui regroupe sous un commandement soviétique toutes les forces armées des pays de l’Europe de l’Est (sauf la Yougoslavie). Cet instrument est en réalité aux mains de l’URSS. L’intégration en matière d’organisation et d’armement y est quasi-totale ce qui facilite beaucoup la fabrication et la maintenance du matériel.

Les deux blocs se font face dès 1947 mais ce sont les crises de Berlin et de Corée qui ont radicalisé cette opposition frontale. Dans chaque camp une psychose et une paranoïa s’installent. La guerre se poursuit dans l’imaginaire collectif pour plusieurs années.

� Les conflits « chauds » de la guerre froide

Deux crises majeures voient s’affronter indirectement les Etats-Unis et l’Union soviétique pour la pre-mière fois de leur histoire : le blocus de Berlin (1948-1949) et la guerre de Corée (1950-1953).

� L’Allemagne est le premier théâtre de la guerre froide.

Depuis 1945 ce pays est devenu l’un des principaux enjeux des relations internationales. Fin 1947 c’est l’impasse totale entre d’un côté Américains, Britanniques et Français et de l’autre côté les Soviétiques.

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Séquence 1-HG0068

Ils ne s’entendent ni sur la dénazification, ni sur les réparations, ni sur les frontières orientales de l’Alle-magne. Alors que les Occidentaux souhaitent une République fédérale de douze Länder, les Soviétiques désirent un Etat fortement centralisé.

Le statut de Berlin est la pomme de discorde des anciens alliés. Pour les Soviétiques la ville doit faire partie de l’Allemagne de l’Est.

En juin 1948 les Occidentaux unifient leur zone d’occupation, organisent des élections à une assemblée constituante et créent une monnaie le Deutsche Mark. Les Russes n’acceptent pas cette dernière mesure et mettent aussitôt en place un total blocus terrestre de Berlin en coupant toutes les routes et les voies ferrées. L’épreuve de force commence. Les Etats-Unis répliquent immédia-tement en organisant un gigantesque pont aérien pour ravitailler Berlin-Ouest (en énergie, matières premières et vivres). En 318 jours 195 000 vols permettent d’acheminer plus de 2,5 millions de tonnes de marchandises ! C’est la première manifestation éclatante de ce dont est désormais capable l’aviation de transport. Staline est contraint à céder. En juin 1949 il fait lever le blocus de Berlin. La ville devient un symbole du combat pour la liberté.

Cette crise confirme la partition de l’Allemagne : � le 23 mai 1949 la République Fédérale d’Allemagne (RFA) est créée dans la partie ouest de

l’Allemagne. Elle est composée de onze Länder dotés chacun de leur propre constitution. Le chef du pouvoir exécutif est le chancelier (Conrad Adenauer, maire de Cologne est ainsi le premier chef de gouvernement de la RFA).

� le 7 octobre 1949 l’URSS crée à son tour dans la partie orientale qu’elle occupe la République Démocratique Allemande (RDA) avec un pouvoir centralisé.

Ces deux Etats issus de la guerre froide en resteront l’enjeu jusque 1989. Ils emprunteront chacun les méthodes et les objectifs de leur camp : capitalisme à l’Ouest et communisme à l’Est. Si la RDA devient vite un satellite fidèle de l’URSS, sa cousine par contre s’affirme comme un acteur essentiel de l’Europe occidentale.

� La seconde crise a lieu en Asie orientale.

L’affaire coréenne, bien plus encore que la crise de Berlin, est la prise de conscience d’un réel danger, d’une guerre générale imminente. Elle donne à la guerre froide une dimension mondiale. Finalement on ne peut parler de guerre froide qu’en 1950 lorsque l’affrontement se militarise. C’est bien d’une lutte entre les deux Grands qu’il s’agit.

L’expansion du communisme en Extrême-Orient a pesé dans ce conflit.

L’été 1947 est le tournant de la guerre civile en Chine. Les forces nationalistes de Tchang Kaï-Chek s’effondrent un peu partout malgré l’aide américaine. En octobre 1948, les communistes de Mao Tsé-toung occupent tout le nord de la Chine et entrent à Shanghai en mai 1949. Les nationalistes se réfugient dans l’île de Formose (future Taiwan) et abandonnent le combat.

Le 1er octobre 1949 Mao proclame la République Populaire de Chine (RPC). Elle apporte au camp socialiste la masse de ses 600 millions d’hommes.

C’est la naissance d’un autre nœud de tension de la guerre froide qui empoisonnera les relations inter-nationales pendant 25 ans. Faut-il reconnaître la Chine communiste ? Les Britanniques et les Soviétiques le font mais à l’Onu la Chine nationaliste occupera longtemps le siège de membre permanent du Conseil de sécurité grâce à l’appui américain.

La guerre de Corée est assurément un moment fort de la guerre froide par l’implication des grandes puissances de l’Est et de l’Ouest (même si les Soviétiques ne sont pas officiellement engagés dans la bataille), par sa dimension idéologique, par l’âpreté des combats et par le nombre des victimes.

Longtemps placée dans l’orbite de la Chine, la péninsule coréenne a été annexée en 1910 par le Japon qui l’occupe jusqu’à l’été 1945. Puis elle est à nouveau occupée militairement par les Soviétiques au nord du 38e parallèle et par les Américains au sud de cette ligne imaginaire. Mais après la guerre la question de la Corée n’est pas résolue. Les deux Grands évacuent la péninsule mais établissent une tutelle sur leur zone respective.

Le scénario « allemand », celui d’une division patronnée par les deux grandes puissances se reproduit :

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Séquence 1-HG00 69

� au Nord la République démocratique et populaire de Corée dirigée par l’autoritaire Kim Il Song est reconnue par l’Union soviétique et ses satellites ;

� au Sud la République de Corée dirigée par S. Rhee est proclamée en 1948 ; elle est reconnue par les Etats-Unis et les pays occidentaux. Le régime prend vite l’aspect d’une dictature.

Chacun des deux Etats coréens prétend représenter l’ensemble du pays. A partir de janvier 1950 les escarmouches deviennent continuelles sur la ligne de démarcation jusqu’à ce que le 25 juin 1950 les Nord-coréens (soutenus par Staline) attaquent le Sud et s’emparent de Séoul trois jours plus tard. Le président Truman ne peut tolérer cette agression (une abstention américaine aurait eu des effets déplorables en Asie et en Europe). L’absence de délégué soviétique au Conseil de sécurité de l’Onu (boycott dû à la non reconnaissance de la Chine communiste) permet aux Etats-Unis d’obtenir de celui-ci une résolution de soutien à la Corée du Sud. Sous la bannière de l’Onu, seize pays acceptent de placer leurs forces, souvent symboliques, sous les ordres du général McArthur.

S’agissant des opérations militaires, la guerre de Corée se divise en quatre phases distinctes :– de juin à début septembre 1950, l’offensive nord-coréenne se déroule favorablement grâce à un

excellent armement soviétique ;– à partir de la mi-septembre le général MacArthur opère une brillante contre-attaque. Il franchit début

octobre le 38e parallèle et obtient de l’Onu l’autorisation de franchir la ligne de démarcation pour préparer la réunification coréenne. Ses troupes atteignent à la fin du mois le fleuve Yalou qui délimite l’essentiel de la frontière sino-coréenne ;

– pour la Chine la menace (imaginaire) pèse sur la Mandchourie, région la plus industrialisée du pays. La pression des Soviétiques la pousse à s’engager massivement fin novembre dans le conflit. La Chine y envoie « 700 000 volontaires » (ce qui laisse officiellement le gouvernement chinois hors de la bataille) qui sont en fait des unités de l’armée régulière. Leur mobilité et leur endurance au froid leur permettent de reprendre Séoul en janvier 1951 ;

– les forces américaines lancent fin janvier 1951 une vaste contre-offensive qui grâce à leur supériorité aérienne leur fait atteindre à la mi-mars le 38e parallèle. Dès lors le front se stabilise et à partir de l’été 1952 les opérations militaires cessent quasiment.

Après deux ans de négociations un armistice est signé à Panmunjom le 27 juillet 1953. Il reconnaît deux Etats indépendants de part et d’autre d’une frontière très proche de celle de 1950. Ce conflit qui fut l’un des plus meurtriers de l’histoire (2,5 millions de morts, de blessés et de disparus dont plusieurs centaines de milliers de civils) prend fin sans qu’il y ait, sur le terrain, ni vainqueur ni vaincu. Deux Etats antagonistes continuent de s’opposer, l’un ultra capitaliste, l’autre ultra stalinien.

Les enseignements du premier conflit classique de l’âge nucléaire sont multiples : – Politiquement il a renforcé le bloc occidental. L’Allemagne et le Japon (qui fut une excellente base

arrière pendant la guerre), pays vaincus et occupés, deviennent des alliés sûrs. Les deux Grands ont tout fait pour éviter un choc frontal qui aurait pu dégénérer en guerre nucléaire (Truman a remplacé Mc Arthur qui réclamait l’utilisation de l’arme atomique contre la Chine et Staline n’a pas engagé son armée dans le conflit). Autre conséquence de cette guerre : le gel durable des relations entre les Etats-Unis et la Chine ce qui n’est pas sans déplaire aux Soviétiques.

– Economiquement, elle a stimulé la production de matières premières des pays industriels européens et a permis le décollage de l’économie japonaise. Mais aux Etats-Unis les dépenses militaires ont connu une hausse vertigineuse.

– Militairement, elle démontre qu’une armée « pauvre », à condition d’être très nombreuse et de ne pas regarder aux pertes, pouvait tenir tête à une armée moderne et sophistiquée. Surtout que le matériel de combat soviétique (chars, mortiers et surtout avions à réaction MIG 15) a fait jeu égal avec celui des Américains.

La mort de Staline en mars 1953 ne met pas seulement fin à un quart de siècle de dictature per-sonnelle en URSS, elle entraîne de la part de la nouvelle équipe au pouvoir (Khrouchtchev et Malenkov) une volonté de dégel des relations avec l’Ouest. Cette nouvelle diplomatie soviétique repose sur la notion de « coexistence pacifique » élaborée par Khrouchtchev en février 1956.

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Séquence 1-HG0070

C La coexistence pacifique, vers « l’équilibre de la terreur» : 1955-1962

Le milieu des années 1950 annonce un nouveau mode de relations Est-Ouest sans pour autant mettre fin au monde bipolaire. Cette coexistence pacifique répond selon André Fontaine au « désir de ne pas se laisser entraîner dans une confrontation militaire ». C’est en partie l’arrivée sur la scène internationale de nouveaux Etats indépendants d’Asie et d’Afrique qui change la donne. Ce « Troisième monde » proclame haut et fort sa volonté de rester neutre en ne rentrant dans aucun des deux camps. Dans la réalité il est difficile d’échapper à la logique des blocs.

� L’évolution contrastée des Blocs

Première application de ces nouveaux rapports : chaque camp reconnaît les positions acquises par l’adversaire et lui laisse faire sa police sans intervenir (du moins directement).

� A l’Est les principales secousses sont la déstalinisation et la crise hongroise.

Au XXe Congrès du PCUS qui se tient du 14 au 25 février 1956, Khrouchtchev le nouvel homme fort du régime lance la déstalinisation. Dans la nuit du 24 au 25 février, il lit un « rapport secret » devant 1436 apparatchiks à qui il est interdit de prendre des notes. Pendant quatre heures il dresse l’étendue des crimes de Staline. Les délégués sont abasourdis. Le culte de la personnalité est condamné, les crimes de Staline (déportations, purges, emprisonnements…) sont dénoncés, les incompétences militaires du chef de guerre sont critiquées. Le réquisitoire du premier secrétaire est clair, Staline fut un tyran, un incapable, un mégalomane, un communiste nuisible coupé du peuple, un affameur et un assassin…Mais le Parti n’est pas remis en cause et les instruments de la dictature restent intacts. Si les circonstances de cette lecture à huis clos restent peu éclaircies, les conséquences sont elles déter-minantes : le Kominform est dissous et surtout on laisse espérer aux populations d’Europe centrale plus de libertés.

Sur fond de crise économique l’agitation politique s’accentue en Hongrie à partir du printemps 1956. Des manifestations surviennent en octobre 1956 et tournent à l’insurrection générale et nationale. Elles sont durement réprimées par Moscou (voir séquence 4 chapitre 2 partie B.3).

On sait maintenant que les dirigeants soviétiques auraient souhaité donné à la crise hongroise une solution politique mais certains d’entre eux craignent que les Etats-Unis en profitent pour attirer la Hongrie vers le pacte Atlantique créant ainsi un précédent dangereux.

� A l’Ouest les Etats-Unis s’affirment comme les gendarmes de leur camp avec une nuance de taille : ils ont renoncé à constituer un empire ressemblant au bloc soviétique.

Ils exercent des pressions sur leurs alliés européens. Ainsi en 1956 l’expédition militaire franco-anglaise de Suez contre l’Egypte reçoit un coup décisif quand le gouvernement britannique est averti que, s’il poursuit sur cette voie, le crédit d’un milliard de dollars qu’il négocie avec Washington lui sera refusé. C’est une nouvelle version de la diplomatie par l’argent (« dollar diplomacy »).

Parallèlement ils soutiennent la France dans sa guerre contre le Viêt-minh communiste en Indochine. De 1950 à 1954 leur aide passe d’un million de dollars à un milliard de dollars. Ils financent ainsi les trois quarts des dépenses de guerre de la France. Ce soutien a ses limites : Eisenhower refuse que l’aviation américaine porte secours aux assiégés de Dien Bien Phu.

Ils se livrent également à des « opérations de police » à l’intérieur de leur camp. Le nou-veau président américain Eisenhower utilise la CIA pour intervenir dans tous les pays où ses intérêts sont menacés :– il favorise ainsi en août 1953 le renversement du gouvernement nationaliste de Mossadegh en Iran

qui menaçait les intérêts pétroliers américains dans le pays,– il contribue à la « démission » du colonel Arbenz au Guatemala en juin 1954 accusé de communisme

pour sa réforme agraire qui remet en cause les intérêts agricoles américains (United Fruit contrôle la production locale de bananes).

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Séquence 1-HG00 71

� Les limites de la « coexistence pacifique »

� En 1954 Américains et Soviétiques disposent de la bombe à hydrogène. C’est la confirmation qu’on est entré dans l’ère de l’équilibre de la Terreur : les deux superpuissances se neutralisent. Cela a des effets opposés sur les relations internationales :– la volonté d’entente aboutit notamment à une visite historique de Khrouchtchev qui est le premier

dirigeant de l’URSS à mettre le pied sur le sol américain en septembre 1959 ;– les Soviétiques brandissent la menace nucléaire contre la France et l’Angleterre lors de la crise de

Suez (voir D.3) quand ils attaquent leur allié égyptien.– la compétition se reporte sur la course aux armements et sur la conquête de l’espace qui

sont étroitement liées. Le lancement du premier satellite artificiel de la Terre le Spoutnik par les Soviétiques le 4 octobre 1957 impressionne fortement les Occidentaux. Le premier vol dans l’espace du soviétique Youri Gagarine en 1961 semble prouver que les Russes possèdent des fusées à longue portée pouvant atteindre le territoire américain.

La tension redevient très forte entre les deux Grands au début des années 1960 lorsqu’ils frôlent l’af-frontement nucléaire. Deux crises captent l’attention de l’opinion internationale : Berlin et Cuba.

� L’enjeu berlinois demeure. Les Soviétiques vivent mal le maintien de la présence occidentale à Berlin. C’est pour eux une remise en question permanente de leur sphère d’influence. La fuite des habi-tants d’Allemagne de l’Est vers l’Ouest n’a jamais cessé : de 1946 à 1961 trois millions d’Allemands émigrent ainsi en profitant du statut de Berlin.

En novembre 1958 Khrouchtchev menace à nouveau de rattacher Berlin-Ouest à la RDA. C’est une crise sérieuse car la question est de savoir si les Américains accepteront un engagement nucléaire pour défendre le petit territoire lointain mais symbolique de Berlin. Après l’échec d’une conférence à Paris entre les quatre puissances en 1960, les tensions réapparaissent jusqu’à ce que dans la nuit du 12 au 13 août 1961 les autorités est-allemandes construisent le « mur de Berlin ». La limite entre les secteurs est et ouest est hermétiquement barrée par un barrage de fils barbelés et un mur de béton (les 83 voies d’accès sont ramenées à 13 entrées). L’hémorragie humaine est stoppée mais le pris politique du « Mur de la honte » est considérable.

Malgré la déclaration médiatique du président américain Kennedy à Berlin en 1963 « Ich bin in Berliner » (« Je suis berlinois ») la réaction américaine est très modérée. Après tout le mur ne compromet pas la liberté d’accès des occidentaux à Berlin-Ouest.

� La crise de Cuba est finalement le premier bras de fer entre les deux superpuissances.

L’île de Cuba, ancienne possession espagnole, était depuis 1898 indépendante politiquement. Mais située à 150 kilomètres de la Floride elle vivait en fait sous la tutelle américaine. Les Etats-Unis y possédaient des intérêts commerciaux considérables (80 % du sucre était exporté vers eux).

Depuis 1952 un jeune avocat Fidel Castro mène une guérilla marxiste contre le dictateur Batista. Le 31 décembre 1958, il s’empare du pouvoir et installe un régime collectiviste. Rapidement Castro affirme l’indépendance de Cuba et noue des liens étroits avec l’URSS. Les Etats-Unis ne supportent pas cette atteinte à la doctrine Monroe qui depuis les années 1820 considère l’Amérique Latine comme leur « chasse gardée ». En septembre 1960 ils suspendent toute aide financière et rompent les liens diplomatiques avec La Havane. Entre temps Castro a nationalisé les plantations de sucre détenues par des Américains. Le ton monte.

Le 17 avril le débarquement de 1 500 Cubains anticastristes, soutenus par les services spéciaux amé-ricains, dans la baie des cochons (voir carte ci-dessous) se solde par un échec lamentable. Le régime castriste se durcit et obtient des armes de l’URSS. Pour la première fois de son histoire l’URSS s’engage politiquement et militairement dans une région lointaine.

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Séquence 1-HG0072

Document 6

La crise des fusées à Cuba en octobre 1962

Canada

Mexique

VénézuelaColombie

Panama

Guatemala

OCÉANATLANTIQUE

OCÉANPACIFIQUE

ÉTATS-UNIS

CUBAPorto Rico

1000 km (équateur)

600 mi (equator)

Fond de carte : © Daniel Dalet /d-maps.com Réalisation : J. Musereau

Nord

1) Situation en 1961

2) Stratégie de l'URSS à Cuba en 1962

3) Stratégie des États-Unis en 1962

Ile de Cuba

Bases militaires étasuniennes

Débarquement anticastriste dansla baie des Cochons

Bases de lancement defusées soviétiques

Limite de portée de 1800 kmdes fusées en cours d'installation

Blocus maritime de Cuba

Zone du blocus

New York

Washington

Nouvelle-Orléans

Miami

Questions � Quelles sont les forces en présence ?

� Pourquoi les Etats-Unis se sentent-ils directement menacés ?

� Comment réagissent-ils ?

Réponses � Les Américains possèdent de nombreuses bases militaires dans cette région du monde : la base

navale de Guantanamo à l’est de Cuba est indiquée (concédée en 1903), celles de Floride, une au Guatemala, une au Panama et une à Porto Rico. L’ensemble encercle totalement l’île de Cuba. La crise se noue au mois d’août 1962. Deux avions-espions stratosphériques américains photographient trois rampes de fusées de fabrication soviétique (pouvant être dotées de charges nucléaires). Elles sont installées à l’ouest et au centre de l’île.

� Les Américains se sentent directement menacés car le tout quart sud-est du territoire peut être touché par une fusée dont la portée est de 1800 km. Les grandes métropoles (Miami, La Nouvelle-Orléans et même la capitale Washington) peuvent ainsi être rayées de la carte. C’est la stratégie « anti-cités » consistant à envoyer des têtes nucléaires sur les grandes villes du camp adverse ; la peur de la catastrophe humaine doit être dissuasive. Les fusées suivantes doivent pouvoir atteindre l’ensemble du pays. Les services secrets américains apprendront 30 ans plus tard qu’en réalité se trouvaient sur l’île un arsenal redoutable de 162 ogives nucléaires et de 90 bombes nucléaires tactiques.

� Le 14 octobre 1962 Kennedy apprend que ces armes sont offensives et le 22 octobre il exige le retrait de ces fusées. Il organise le blocus de Cuba (des cargos soviétiques sont sur le point d’apporter des fusées et des bombes) empêchant tout navire de rentrer dans les eaux territoriales cubaines. Cet ultimatum fait craindre une guerre nucléaire. Durant quatre jours le monde est au bord du précipice. Finalement ils négocient vite : Khrouchtchev accepte de retirer ses fusées et le 26 octobre 1962 la flotte soviétique fait demi-tour. De son côté Kennedy promet de ne pas renverser Castro et de retirer à son tour ses fusées installées en Turquie en 1958.

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Séquence 1-HG00 73

1962 est une date importante dans l’histoire des relations internationales :

– chaque pays peut mesurer les limites de la protection offerte par l’Union soviétique,– cette crise vérifie la théorie de la dissuasion avec escalade nucléaire aboutissant à un règlement

pacifique,– les deux Grands sont convaincus de la nécessité d’une détente qui sera symbolisée par la création

d’une liaison permanente entre Moscou et Washington : le «téléphone rouge», en fait un télétype (envoi de textes).

D La détente, entre dialogue et tension : 1962-1973

Une évolution mondiale est sensible pendant cette dizaine d’années. Les Etats-Unis et l’URSS ren-contrent de nombreuses difficultés internes et renoncent à leur stratégie d’affrontement. Ce changement de politique qui n’exclut pas le maintien de conflits périphériques favorise l’émergence de nouveaux acteurs de la vie internationale. Le monde devient plus complexe mais reste bipo-laire.

� L’emprise croissante du duopole américano-soviétique sur le monde

Les deux Grands coopèrent et se rapprochent :

� aux Etats-Unis, les présidences de Lyndon Johnson (1963-1968) et de Richard Nixon (1968-1974) correspondent au sommet de la force économique et stratégique américaine.

� l’URSS de Brejnev pénètre avec succès dans le Tiers-monde et maintient la pression sur les « pays frères » en ayant si besoin recours à l’armée.

Cet apaisement des relations internationales n’empêche pas la course à l’armement de s’accélérer. La détente correspond paradoxalement à une forte augmentation des arsenaux des 2 superpuissances.

� Croyant être en retard sur les Soviétiques, les Etats-Unis se lancent dans un considérable effort pour les rattraper : entre 1961 à 1966 le nombre de fusées intercontinentales sol-sol (lancées de bases terrestres) passe d’une soixantaine à plus d’un millier et celui de fusées mer-sol (lancées de sous-marins) passe d’une centaine à plus de 600. En réalité l’URSS accuse un lourd retard en matière de missiles et à la fin des années 1950 ils ne sont pas en mesure d’atteindre avec des armes nucléaires le territoire de leur adversaire. Ils se lancent à leur tour dans la fabrication de fusées. Leur objectif est d’égaler puis de dépasser les Etats-Unis.

La parité dans l’armement nucléaire entre les deux grands intervient en 1968 pour les fusées mer-sol et en 1970 pour les fusées intercontinentales sol-sol. Les Soviétiques fabriquent tellement de missiles qu’au début des années 1970 ils en possèdent sans doute plus que les Américains.

En fait l’écart se creuse dans le domaine technologique. Le 21 juillet 1969 le premier homme à marcher sur la Lune est Américain. En 1973 les Etats-Unis mettent au point le premier laboratoire spatial.

� Les deux Grands ne sont pas prêts à désarmer mais de 1969 à 1973 une réelle volonté de détente les encourage à placer ensemble des limites au surarmement. Il faut dire que les armes en question sont de plus en plus perfectionnées (les MIRV, missiles à têtes multiples, peuvent atteindre plusieurs cibles) et donc de plus en plus coûteuses.

En août 1963, plus de 100 pays (exceptés la France et la Chine) signent à Moscou un traité interdisant les expériences nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace et dans la mer.

En juillet 1968, les deux Grands signent un traité de non prolifération des armes atomiques.

La grande date reste le 26 mai 1972 avec la signature à Moscou, après 2 ans de négocia-tions, des accords SALT 1 (Strategic Arms Limitation Talks). Ils prévoient un gel pour cinq ans

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Séquence 1-HG0074

des armes stratégiques et des limitations sont fixées pour certains missiles comme les ABM (Antibalistic missile) capables de stopper en plein vol des missiles ennemis. Enfin Américains et Soviétiques promettent de ne plus construire de rampes de lancement terrestres.

Le second axe de coopération est celui du développement des échanges commerciaux.

A partir de 1965 les Américains vendent à l’Est davantage de produits agricoles (notamment du blé) et industriels (usines, pièces automobiles, ordinateurs, produits chimiques…). De 1971 à 1979 le commerce américano-soviétique passe de 200 millions à plus de 3 milliards de roubles !

� La détente a des répercussions Europe avec deux décisions importantes.

Le règlement du problème allemand est permis par le chancelier ouest-allemand Willy Brandt qui amorce à partir de 1969 une politique de rapprochement avec le bloc communiste : c’est l’Ostpolitik (politique vers l’est). En 1970 la RFA signe un traité avec l’URSS puis avec la Pologne acceptant la frontière germano-polonaise de la ligne Oder-Neisse. Surtout en décembre 1972 les deux Allemagne se reconnaissent, échangent des diplomates et l’année suivante entrent à l’Onu.

La conférence d’Helsinki est le point d’orgue de cette détente. Elle s’ouvre en 1973 et porte sur la sécurité et la coopération en Europe. Les Etats-Unis et l’Union soviétique y participent aux côtés de 32 Etats européens. Elle garantit dans son Acte final signé en 1975 : – l’égalité des Etats, – la non ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat, – l’autodétermination des peuples, – l’inviolabilité des frontières européennes,– la renonciation à la guerre pour régler les conflits– les droits de l’Homme et en particulier la libre circulation des personnes et des idées.

L’impact des accords d’Helsinki est considérable dans les démocraties populaires d’Europe de l’Est (voir séquence 2 chapitre 4 partie C.2).

� En Asie la détente est aussi symbolique.

Le président Nixon et son conseiller Henry Kissinger (dont l’influence sur la politique étrangère américaine est considérable de 1968 à 1977) inaugurent une politique de « diplomatie triangu-laire » jouant sur les rivalités entre Moscou et Pékin. Ils favorisent ainsi l’entrée de la Chine communiste au Conseil de sécurité de l’Onu en octobre 1971 à la place de Taiwan. En 1972 Nixon se rend à Pékin où il est triomphalement reçu par Mao Tsé Toung. Ce rapprochement sino-amé-ricain marque une révolution dans les relations internationales. L’heure est incontestablement à la décrispation des relations internationales.

Une sorte de complicité naît entre les deux Grands qui évitent soigneusement tout affrontement direct. Ainsi, aux pires moments de la guerre que les Américains mènent contre les communistes nord-vietna-miens Moscou renforce ses rapports avec Washington, tout en soutenant le Nord-Vietnam.

� Des fissures dans les blocs

Les deux blocs affaiblis doivent faire face aux ambitions européennes et à l’émergence du Tiers Monde.

� La crise dans le bloc occidental est une remise en cause de la domination américaine. C’est l’aspect militaire de cette suprématie qui est le plus contesté.

La fronde vient surtout de l’allié français. En 1960 la France entre dans le club très fermé des puissances nucléaires. De Gaulle au pouvoir depuis 1958 affirme une politique d’indépendance pour la France. Il propose aux Américains un directoire à trois pour l’Otan. Ceux-ci refusent. En 1962 c’est Kennedy qui propose un « partnership » à ses alliés européens : il veut transformer l’Otan en une nouvelle puissance nucléaire pensant absorber les petites forces atomiques britannique et française. Le Royaume-Uni accepte, la France rejette ce projet.

Le 21 février 1966 la France annonce son retrait de l’organisation intégrée de l’Otan mais elle reste dans l’alliance atlantique. Les neuf bases américaines et canadiennes (avec 20 000 soldats et 80 000 tonnes de matériel) établies sur le territoire français sont évacuées. Le conseil de l’Otan est transféré de Paris à Bruxelles.

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Séquence 1-HG00 75

Quand les Américains demandent à ce qu’une partie des frais de l’Otan soit à la charge des Européens, c’est la levée de boucliers. La France, encore elle propose à ses voisins le projet « Eurêka » pour moins dépendre de la technologie états-unienne.

� C’est la guerre du Vietnam (1964-1973) qui entraîne la plus forte poussée du sentiment antiaméricain dans le monde.

C’est le conflit le plus long de l’histoire militaire américaine. Un peu partout dans le monde des comités de soutien au Vietnam dénoncent la « République impériale » américaine aux cris de « US go home ». Pétitions, manifestations, démonstrations d’hostilité témoignent du malaise, provoqué ou réel, qu’en-traîne l’agression d’un puissant contre un très petit.

Document 7

La guerre du Vietnam

CHINE

LAOS

THAÏLANDE

CAMBODGE

VIENTIANE

HANOI

SAIGON

PHNOMPENH

NORD-NORD-VIET-NAMVIET-NAM

SUD-SUD-VIET-NAMVIET-NAM

Udon Thani

Muang Ubon

Korat

Bangkok

HuÍ

Da Nang

Qui Nhon

Nha Trang

Bièn Hoa

Cal Ngai

200 km

150 mi

17e parallèle

HAIPHONG

Zone sous contrôle viêtcong en 1973

État allié des États-Unis

État neutre

Offensives américaines Offensives nord-viÍtnamiennes

Bombardements desB52 à partir de 1965 Piste HÔ Chi Minh

Bombardements parla VIIe flotte en 1972

Offensive du Têt en 1968

Principales bases américaines Offensive nord-vietnamienne en 1972

Réalisation : J. Musereau

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Séquence 1-HG0076

Questions � Quelle est la situation politique du Vietnam depuis 1954 ?

� Pourquoi les Etats-Unis interviennent-ils au Vietnam ?

� Comment les Américains utilisent-ils leur supériorité technique ?

� Pourquoi la situation américaine est-elle intenable au début des années 1970 ?

Réponses � Depuis la paix de Genève conclue entre la France et le Vietnam en 1954 deux Etats vietnamiens se

font face (selon une configuration déjà vue en Corée) de part et d’autre du 17e parallèle :– le Nord Vietnam indépendant communiste et prosoviétique avec pour capitale Hanoi,– le Sud Vietnam proaméricain dirigé par un régime corrompu installé à Saigon.

� Dès 1954 des unités nord-vietnamiennes, les Viêt-congs, s’infiltrent au sud déclenchant l’engrenage de l’intervention américaine. Selon les conseillers du président Eisenhower l’Asie du sud-est ne doit pas devenir communiste. C’est l’obsession de l’endiguement : si la Chine et l’URSS ont les mains libres au Vietnam, bientôt le Laos, le Cambodge, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines et le Japon tomberont à leur tour comme une « rangée de dominos ». Les Etats-Unis envoient d’abord du matériel et des conseillers militaires (en 1963 sont ainsi présents 16 000 instructeurs).Les Etats-Unis interviennent massivement au Vietnam (500 000 combattants en 1968). Ils entrent en guerre en août 1964 à la suite d’un incident, plus ou moins fabriqué, qui éclate dans le golfe du Tonkin. Des vedettes lance-torpilles nord-vietnamiennes attaquent un destroyer américain (on apprendra sept ans plus tard grâce à la presse américaine que dès février 1964 la CIA mène au nord Vietnam des opérations de sabotage et chapote des bombardements côtiers à partir des bases du Laos).

� Les Américains détiennent la maîtrise absolue du ciel. Les B52, forteresses volantes, lâchent leurs cargaisons de bombes au napalm et à billes sur le Nord Vietnam dès août 1964. La région d’Hanoi est pilonnée par la flotte américaine en 1972 (notamment le port d’Haiphong dans lequel les cargos soviétiques débarquent le matériel et les munitions). De 1967 à 1972 les Américains y déversent sept millions de tonnes de bombes soit près de 2,5 fois plus que la totalité des bombardements de la Seconde Guerre mondiale ! Les Etats-Unis frappent fort pour économiser la vie de leurs hommes.En face plus qu’un camp c’est une société qui les combat : les communistes pauvres, réduits à des moyens archaïques mais habitués à la guerre subversive depuis une vingtaine d’années sont prêts à tout supporter par conviction ou par contrainte. Ils sont inlassablement ravitaillés et équipés par la Chine et l’Union soviétique, experts dans l’art de la propagande. Ils se montrent impitoyables contre ceux qui ne leur obéissent pas (40 000 instituteurs, administrateurs et paysans sont ainsi exécutés).

� La plus forte armée du monde se rend bientôt compte qu’elle ne pourra pas remporter la victoire.L’offensive dite du « Têt » (nouvel an vietnamien) de janvier 1968 voit plus de 100 villes (dont Saigon) et bases américaines attaquées en même temps par les Viêt-congs. Ils sont repoussés mais on ne peut plus croire qu’ils sont prêts de la défaite.La guerre s’étend aux pays voisins (Laos et Cambodge) bombardés à partir de 1968 car y passe la piste Ho Chi Minh axe central d’approvisionnement des troupes et du matériel communistes.Surtout à la différence de la guerre de Corée, c’est une guerre sans fronts et sans batailles entre les grandes unités. L’infanterie américaine qui n’a pas reçu l’ordre d’envahir le Nord a pour mission d’empêcher les Viêt-congs de reprendre les villages du Sud Vietnam. C’est une guerre de subversion à laquelle on n’a pas préparé les Gi’s. Ils affrontent un ennemi invisible dissimilé au sein des populations civiles ou enterré dans un extraordinaire réseau de tunnels. Kissinger analyse avec lucidité la situation « la guérilla gagne si elle ne perd pas ; l’armée conventionnelle perd si elle ne gagne pas ».

Les négociations débutent en mai 1968 date à laquelle les troupes américaines commencent à se retirer (300 000 soldats en 1971). En janvier 1973 est signé un accord de cessez-le-feu et la conférence de Paris met officiellement fin au conflit en mars 1973.

Le bilan est lourd pour les Américains : 57 000 tués et 300 000 blessés. Près de trois millions d’Américains sont passés par le Vietnam : une génération a vécu une expérience infernale.

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Séquence 1-HG00 77

Le Viêt-nam victorieux sort affaibli du conflit : un million de morts et des centaines de milliers de bles-sés, un pays est ruiné, une société accablée par la misère et la corruption, un genre de vie est détruit par la guerre.

L’Amérique sort traumatisée de ce conflit qui a terni son prestige. C’est la plus grande défaite mili-taire de son histoire.

� La fin du Gold Exchange Standard est une autre manifestation de la fragilité américaine.

A la fin des années 1960 les Etats-Unis accusent un lourd déficit budgétaire (la guerre du Vietnam coûte très cher : 35 milliards de dollars par an soit le tiers du budget national en 1967, 1968 et 1969). Trop de dollars circulent dans le monde et la réserve d’or américaine diminue sensiblement. Déjà depuis 1968 les Etats-Unis n’autorisent la convertibilité du dollar en or qu’aux seules banques centrales étrangères. Cette mesure ne suffit pas (en 1971 la balance commerciale est déficitaire pour la première fois depuis 1893 !).

Nixon n’a pas le choix : le 15 août 1971 il suspend toute convertibilité du dollar en or. La décision unilatérale a un impact désastreux sur les finances mondiales : la valeur du dollar flotte et l’inflation galope. Une crise économique généralisée pointe.

� Le monde communiste est également dans l’impasse.

Dans les années 1960 l’activité économique de l’URSS ralentit. Brejnev refuse de libéraliser le régime accentuant les contestations de ses alliés.

Le schisme (rupture idéologique) avec la Chine est un divorce retentissant dans la famille communiste. Le contentieux remonte aux années 1950 : les deux puissances veulent chacune diriger le monde communiste. Mao conteste la prééminence du Parti Communiste d’Union Soviétique sur les autres partis communistes de la planète.

En 1958 il se rapproche des éléments les plus révolutionnaires du Tiers Monde. Khrouchtchev n’accepte pas cette provocation et fait rapatrier des milliers d’experts de Chine. Il suspend son aide économique et technique. En 1962 Moscou soutient même l’Inde dans le conflit qui l’oppose à la Chine à propos du Tibet.

En 1963 vient s’ajouter un litige territorial : Pékin réclame à Moscou des territoires et des îles sur les fleuves Amour et Oussouri qui lui appartenaient au XIXe siècle. En 1969 on est au bord de l’af-frontement avec un risque de dérapage nucléaire (depuis 1964 la Chine détient l’arme atomique). Des combats ont lieu sur l’Oussouri…sans suite.

La contestation vient également d’Europe orientale.

La Roumanie affiche son autonomie au sein des démocraties populaires. Elle accueille Nixon en 1964 et prend ses libertés dans le COMECON. Moscou tolère ces initiatives.

Par contre l’URSS mate la révolution tchécoslovaque du « printemps de Prague » en 1968 et montre à nouveau qu’elle veut rester à la tête de l’Europe orientale (voir séquence 4 chapitre 2 partie B.4).

Finalement la fin de la détente ne viendra pas des blocs mais d’une autre région du monde qui apparaît de plus en plus comme la « poudrière » de la planète : le Proche-Orient.

� La « poudrière » du Proche-Orient ou l’inextricable conflit israélo-arabe

Le Proche-Orient désigne depuis la fin du XIXe siècle ce que l’on appelait autrefois le Levant, c’est-à-dire un ensemble de petits Etats riverains de la Méditerranée orientale (Turquie, Liban, Syrie, Jordanie, Israël et Egypte).

Un bref historique s’impose pour comprendre les multiples enjeux géopolitiques de cette région qui prennent essentiellement source dans la naissance de l’Etat hébreu d’Israël en 1948.

A la fin du XIXe siècle, le peuple juif commence à revenir en Palestine pour échapper en partie à l’antisémitisme qui sévit en Europe. Pendant la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne lui reconnaît le droit d’y installer un « foyer national ». Durant l’entre-deux-guerres la Palestine, ancienne

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Séquence 1-HG0078

province de l’empire ottoman, passe sous mandat britannique. Les juifs continuent d’y affluer (250 000 en 1939). Les Palestiniens (Arabes installés en Palestine) présents depuis plus de 12 siècles réagis-sent violemment quand ils se voient déposséder de leurs terres rachetées par le Fonds National juif. Commencent alors les affrontements intercommunautaires entre Juifs et Palestiniens.

Il faut la guerre, l’antisémitisme nazi et la menace d’extinction physique du peuple juif pour qu’un virage s’opère en 1942 : il ne faut pas que « ça » se reproduise, et pour que « ça » ne se reproduise plus jamais il faut aux Juifs un Etat.

L’Onu adopte en 1947 un plan de partage de la Palestine prévoyant la création d’un Etat hébreu et d’un Etat arabe.

Document 8

Le conflit israélo-arabe de 1947 à 1967

Haïfa

Nazareth

Jérusalem

Jérusalem

Tel-Aviv Tel-Aviv

Naplouse

Jéricho

BethléemHébron

Ramallah

Gaza Gaza

Bandede Gazaannexéepar l'Égypte

PALESTINE ISRAËL ISRAËL

JORDANIE JORDANIE JORDANIE

ÉGYPTE ÉGYPTE ÉGYPTE

SYRIESYRIE SYRIE

LIBAN LIBAN LIBANMer

Méditerranée MerMéditerranée

MerMéditerranée

Mer Morte

Lac deTibériade

1947 1949 1967

CISJORDANIE CISJORDANIE

GOLAN

Jérusalem

annexée par la Jordanie

annexéen 1981

0 50 km 0 50 km 0 50 km

Palestine britannique

État juif

État arabe

Zone internationale

Pays arabes

Le plan de partage de l'ONU

État d'Israël

États arabes

Jérusalem partagéentre Israël et Jordanie

Après la guerred'indépendance 1948/49

Territoires occupésou annexés par Israël

Territoires occupéspuis restitués en 1974et 1982

États arabes

Israël (frontières de 1948)

Après la guerre des Six-Jours

Questions � Que prévoit le plan de partage de l’Onu ?

� Quelles sont les conséquences spatiales de la première guerre israélo-arabe ?

� Comment la guerre des « Six Jours » modifie-t-elle les données du règlement du conflit ?

Réponses � La création en Palestine de deux Etats étroitement imbriqués l’un dans l’autre : un Etat

arabe palestinien en trois morceaux (45 % des terres) et un Etat juif (55 % des terres). Jérusalem et le territoire qui l’entoure sont décrétés zone internationale. Ce plan ne sera jamais appli-qué mais il reste la référence pour les Palestiniens qui réclameront la restitution de ces territoires.

Le 14 mai 1948 Israël se proclame indépendant. Américains et Soviétiques reconnaissent ce nou-vel Etat contrairement aux voisins arabes (peuplés de 50 millions de musulmans) qui le considèrent d’emblée comme un ennemi. Naît l’un des problèmes les plus épineux des relations internationales. La confrontation totale entre Israël et ses voisins arabes prendra fin dans les années 1990.

Un cycle d’affrontements militaires à répétition rythme la vie de la région pendant un quart de siècle. Se succèdent quatre guerres israélo-arabes qui modifient la donne régionale et compliquent l’insoluble question israélo-palestinienne.

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Séquence 1-HG00 79

La première guerre israélo-arabe (1948-1949) éclate quand Israël est attaqué par tous ses voisins arabes (Syrie, Liban, Transjordanie, Egypte et Irak) et ce dès le lendemain de la procla-mation de l’Etat d’Israël. Une armée israélienne improvisée dotée d’un armement hétéroclite parvient à repousser l’offensive arabe gênée par le manque de coordination entre les différentes armées. La guerre d’indépendance reste la plus longue et la plus meurtrière des guerres d’Israël.

� Les territoires qui devaient revenir aux Palestiniens sont partagés :– entre Israël (Galilée, une partie de la Cisjordanie – territoire situé sur la rive gauche du Jourdain – et une partie du sud longeant le désert du Néguev), – et ses voisins arabes. (La Jordanie s’empare du reste de la Cisjordanie tandis que l’Egypte annexe la bande de Gaza). Jérusalem est partagée entre Israël et la Jordanie. Les armistices ne mettent pas fin à l’état de guerre (plus de 700 000 Palestiniens deviennent des réfugiés ce qui fournit à la haine arabe un formidable instrument de propagande). Dès le départ les frontières israéliennes ne sont pas des frontières de droit reconnues par les pays limitrophes.

Une seconde guerre israélo-arabe a lieu en octobre 1956.

Le refus américain de financer la construction du barrage d’Assouan pousse le dirigeant nationaliste égyptien Nasser à défier l’Occident en nationalisant la Compagnie du Canal de Suez en juillet 1956. Le geste ressenti comme une provocation par la France et la Grande-Bretagne, les conduit à engager des hostilités militaires contre l’Egypte. Israël s’y associe pensant pouvoir mettre un terme aux opérations des fedayins (combattants de la Foi, les « hommes du sacrifice ») palestiniens menant des attaques en Israël à partir des pays voisins. Arrêtés en octobre 1956 par les Etats-Unis les franco-britanniques sont discrédités au Moyen-Orient.

Quant à l’armée israélienne, bien que victorieuse militairement, elle doit évacuer la péninsule du Sinaï. Cette guerre n’a fait qu’accroître la suspicion entre Israël et les Etats arabes voisins.

� La troisième guerre israélo-arabe dite des « six jours » a pour origine la décision en mai 1967 de Nasser d’interdire le golfe d’Aqaba aux navires israéliens les privant ainsi de leur seul débouché sur la Mer Rouge. Le parti de la guerre l’emporte et le 5 juin Israël (avec l’appui tacite des Américains) attaque par surprise ses voisins arabes. La déroute arabe est totale. Cette guerre envenime la situation. En six jours Israël se trouve à la tête d’un formidable glacis stratégique : il prend la Cisjordanie aux Jordaniens, le plateau du Golan aux Syriens, la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï aux Egyptiens. Ces terres prennent le statut de territoires occupés. Le territoire israélien passe de 20 300 km2 à 102 400 km2. Israël récupère également une capitale réunifiée, Jérusalem. La guerre des six jours ajoute donc la dimension classique d’un conflit territorial.

Cette éclatante victoire pose plusieurs problèmes :– que faire de ces terres ? Les Arabes humiliés entendent bien les récupérer. En s’emparant de Gaza

et de la Cisjordanie (où s’était réfugiée la plupart des Palestiniens depuis 1948) Israël se trouve direc-tement en lutte avec le nationalisme palestinien de plus en plus écouté dans le monde arabe.

– que faire des Palestiniens ? Depuis 1964 existe l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui refuse la création de l’Etat d’Israël. Nombre de Palestiniens se réfugient au Liban. Ils utilisent cette base pour multiplier les attaques terroristes en territoire israélien. Et parfois ils n’hé-sitent pas à frapper à l’étranger comme en septembre 1972 aux Jeux Olympiques de Munich où un commando palestinien attaque l’équipe d’Israël.

Israël n’a plus que les Etats-Unis comme allié et se trouve isolé dans un Proche-Orient passé sous influence soviétique à la fin des années 1960 (Egypte, Syrie).

� La quatrième guerre israélo-arabe dite du Kippour est déclenchée par les Arabes en 1973.

En 1973 le président égyptien Sadate estime que la guerre est propice. Il veut amener Israël à négocier en ayant rétabli l’honneur perdu des armées arabes. L’Etat hébreu est seul car il refuse de rendre les territoires conquis en 1967. Il ne pourra pas résister longtemps. Le monde arabe a retrouvé une certaine unité et est armé par les Soviétiques.

Le 6 octobre 1973 les Egyptiens et les Syriens déclenchent une offensive le jour même du Kippour (fête juive du jour de l’expiation). Leur objectif est de prendre Israël en tenaille. La surprise est totale, les Egyptiens progressent dans le Sinaï sur un front de 180 km tandis que les chars syriens envahissent le Golan. Mais dès le 12 octobre la contre-offensive israélienne débute (possible grâce à un gigantesque

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Séquence 1-HG0080

pont aérien établi par les Américains). En dix jours la situation se renverse : l’armée israélienne est à 30 km de Damas et à 70 km du Caire ! Le revers militaire arabe incite l’URSS à se concerter avec les Etats-Unis. Ensemble par l’intermédiaire du Conseil de sécurité de l’Onu ils mettent en œuvre un cessez-le-feu le 11 novembre sans rien changer à la situation.

Cette guerre a été la plus internationalisée des quatre et a impliqué un engagement massif des deux superpuissances. Elle met fin à la fragile détente. Les Etats producteurs de pétrole du golfe Persique en profitent pour quadrupler les prix du pétrole en quelques mois. Se confirme une récession de l’économie mondiale qui change radicalement le contexte international. Les deux Grands ont moins de prise sur les affaires mondiales et la déstabilisation gagne peu à peu.

� Le bilan de la détente reste globalement positif : la question allemande paraît réglée, la Chine populaire est entrée dans le concert des grandes nations, la paix revient au Vietnam et les deux Grands limitent leur course à l’armement. Mais ce sont les Soviétiques qui ont le plus profité de cette décennie en faisant reconnaître le statu quo en Europe et en plaçant leurs pions en Asie et au Proche-Orient.

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Séquence 1-HG00 81

ontenu du chapitre 3

Du Tiers-Monde au Sud : Indépendances, contestations de l’ordre mondial et diversification

Problématique :

Comment expliquer la place subordonnée des Pays En Développement (PED) sur la scène internationale de nos jours ?

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

IntroductionCommenter un planisphère : « Les décolonisations »

A Un contexte favorable aux décolonisations

� Le choc de la guerre

� Le renforcement des contestations

� Des adaptations insuffisantes (des métropoles)

Rapports internationaux – propagande japonaise – valeurs – Charte de l’atlantique – buts de guerre – anti-colonialisme – doctrine Jdanov – anti-impérialisme – ONU – Charte de l’ONU.

Leaders – « culture coloniale » – désobéissance civile – négritude – internationalisme – Parti du Congrès – Neo Destour-Istiqlal – Vietminh – Ligue arabe – panarabisme – panafricanisme.

Commonwealth – Indirect Rule – decolonisation négociée – conference de Brazzaville – blocage – insurrection – Union Française – opinion publique.

Etudier une proclamation manifeste du parti de l’Istiqlal (Maroc), janvier 1944.

B Le temps des indépendances

� Deux vagues successives. L’Asie

. L’Afrique

� Indochine et Algérie, deux déchirures coloniales. La guerre d’Indochine

. Une véritable guerre coloniale : les « événements d’Algérie » : 1954-1962

Empire des Indes – « quit India » – Ligue Musulmane – Ali Jinnah – Plan de partition – Union Indienne – Pakistan(s) occidental et oriental – Soekarno – impasse diplomatique.

Gold Coast – Nkrumah – rébellion tribale – protectorats – résidents – cycle répressif – autonomie interne – TOM – Loi-cadre Deferre – Communauté française – Congo – Katanga – ethnies – paternalisme – Lumumba – Mobutu.

Déclaration d’indépendance du Vietnam – corps expéditionnaire – accords Ho Chi Minh-Sainteny – guérilla – engagés – conflit de décolonisation et conflit de guerre froide – containment – Dien Bien Phu – accords de Genève – 17e parallèle.

Colonie de peuplement – arabe – berbère – Sétif – MLTD – FLN – Toussaint 1954 – ALN – « événement d’Algérie » – opération de pacification – attentats – appelés du contingent – « pouvoirs spéciaux » – torture – harkis – Pieds Noirs – 13 mai 1958 – GPRA – autodétermination – Putsch de 1961 – OAS – accords d’Evian.

Se repérer dans l’espace et dans le temps à travers 2 cartes de décolonisation, en ASIE et en AFRIQUE.

Etude d’une proclamation manifeste du FLN de 1954.

A travers un tableau-bilan chiffré, apprécier l’impact humain varié d’une guerre coloniale.

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Séquence 1-HG0082

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

� Les indépendances tardivesDictature de Salazar – assimilationniste – Angola : MPLA et UNITA – Mozambique : FRELIMO – « révolution des œillets » – Afrique australe – apartheid – Mugabe – campagnes de boycott – ANC – Mandela – Namibie : SWAPO – URSS : « prison des peuples ».

C L’échec du Tiers-Monde a pesé sur les relations internationales

� Un essai d’organisation

� Les pays du Tiers-Monde : acteur ou plutôt enjeu des Relations Internationales ?

SAUVY – Tiers Monde – tiers-mondisme.

Bandung – Nehru – Soekarno – Nasser – Zhou Enlaï – afro-asiatisme – « coup de Suez en 1956 » – OPEP – arme économique.

Troisième voie diplomatique – neutralisme – « mouvement des non-alignés » – « néo-colonialisme » – PVD – PED – dégradation des termes de l’échange – CNUCED – groupe des 77 – NOEI – mouvements révolutionnaires – Che Guevara.

Etude du texte fondateur du concept de Tiers-Monde (1952).

D La fin du Tiers-Monde et l’émergence des « SUD »

� Une unité factice, des intérêts différents

� Des « SUD », les obstacles communs du mal développement

� Une inégale insertion au processus de mondialisation

Choc pétrolier de 1973 – cycle de la dette – corruption – échec de Cancun – accords CEE-ACP – OUA – OCAMM – Groupe de Casablanca – ASEAN.

Etat – frontière – intangibilité des frontières – Biafra – Erythrée – instabilité politique – ethnicisme – Rwanda 1994 – islamisme – course aux armements – coups d’Etat – démocratisation – corruption – pandémies – endettement – explosion démographique – migration – crise urbaine – atteintes à l’environnement.

Fracture Nord-Sud – NPI – « Tigres » – OMC – MERCOSUR – Banque mondiale – FMI – PMA – politique de coopération – aide au développement – néo-colonialisme.

Etudier un tableau de statistiques sur « l’évolution du développement humain de quelques pays du Tiers-Monde ».

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Séquence 1-HG00 83

Du Tiers-Monde au Sud : Indépendances, contestations de l’ordre mondial et diversification

Avec l’accélération de la mondialisation depuis 1945, on évoque de plus en plus la métaphore d’un « village planétaire » : chaque espace de la Terre serait connecté au reste du monde, les brassages

humains et culturels iraient croissants. Pourtant, on parle aussi, et c’est contradictoire de l’affirmation précédente de césure Nord/Sud, c’est-à-dire d’une opposition de plus en plus marquée entre les pays développés post-industriels et le reste, en développement plus ou moins avancé. Or la division Nord/Sud recoupe assez étrangement la disposition entre anciens colonisateurs et colonisés.

Dès lors, il est tentant de soupçonner l’existence d’un lien entre le processus colonisation/décolonisation et les rapports actuels de domination entre Nord et Sud.

Pour sinon le vérifier, du moins commencer de le percevoir, voyons la carte intitulée « les décolonisa-tions » page suivante.

Document 1

Légende

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Séquence 1-HG0084

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Séquence 1-HG00 85

Questions Après une observation attentive et minutieuse du planisphère, répondez aux 4 questions suivantes :

� Quels sont les éléments nouveaux de l’après-guerre qui ont rendu possible la décoloni-sation ?

� Présentez les grands traits de la décolonisation. Qu’apprend-t-on sur son déroulement par la carte ?

� En quoi Suez 1956 est-il un événement symbolique ?

� Quels sont les silences de ce document ?

Réponses Quelques éléments de réponse :

� Les puissances coloniales, c’est-à-dire l’Europe occidentale, est le grand perdant du 2nd conflit mon-dial. 2 grandes puissances s’affirment désormais, toutes les deux anti-colonialistes : les Etats-Unis et l’URSS. En Asie, les Japonais ont balayé toute autorité coloniale européenne pendant près de 5 ans parfois… Enfin, un nouvel organisme, l’ONU a été mis en place en 1945 avec comme fondement : « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

� La décolonisation s’est opérée en vagues successives :– la 1re entre 45 et 55 touche essentiellement l’Asie et notamment l’empire des Indes,– la 2nde entre 55 et 70 touche la plupart des pays africains,– enfin, reste une dernière vague de décolonisations tardives concernant des territoires de l’Afrique

australe, la Papouasie, le Surinam…

� 1956 est un événement symbolique dans la mesure où un Etat anciennement colonisé par les Britanniques, l’Egypte de Nasser réussit à imposer sa décision de nationaliser le canal de Suez en profitant du nouvel état des relations internationales. Pour réaliser la modernisation de l’Egypte, Nasser avait besoin de capitaux et pensait les prélever sur le canal qu’il estimait être le bien des Egyptiens qui avaient payé le prix du sang pour sa réalisation. Bien que vaincu militairement, la menace de recourir à l’arme atomique contre la France et le Royaume-Uni de l’URSS transforme cet échec en victoire diplomatique. Elle symbolise l’émergence d’un nouvel acteur sur la scène internationale : les pays du Tiers - Monde.

� Ce document reste incomplet car il ne dit rien de :– l’Amérique Latine, décolonisée depuis le XIXe pour ce qui est de la domination européenne,– des organisations régionales au sein du Tiers-Monde comme la Ligue Arabe, l’OUA,– des troubles internes au pays décolonisés (Afrique, Inde…),– …

A Un contexte favorable aux décolonisations

� Le choc de la guerre

La 2nde guerre mondiale bouleverse les rapports internationaux et ce n’est pas sans répercussions sur les empires coloniaux. Non seulement les métropoles coloniales sont fragilisées mais encore deux superpuissances s’affirment : USA et URSS, toutes deux anti-colonialistes.

� A l’exception du Royaume-Uni, l’essentiel des puissances coloniales européennes ont été balayées par la botte nazie : France, Belgique, Pays-Bas. Le crédit, jadis encore accordé aux métropoles, est ruiné. Les populations colonisées savent désormais que les métropoles ne sont pas invincibles même si en 45 par un retournement spectaculaire et ambigu, la France est comptée parmi les vainqueurs.

Dans leur effort de guerre, la France comme le Royaume Uni ont mobilisé des troupes issues des colonies en échange de vagues promesses d’autonomie. Les nationalistes réclament l’application de ces promesses.

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Séquence 1-HG0086

C’est en Asie qu’a débuté la décolonisation, et ce n’est pas par hasard. En effet, le Japon, dans les territoires qu’il a conquis, a développé une intense propagande contre les colonisateurs euro-péens ; contre les Français en Indochine, contre les Néerlandais en Indonésie, contre les Britanniques en Birmanie ou en Malaisie. Attention, il ne s’agit pas là d’une action anti-coloniale, les Japonais comp-taient se substituer comme puissance tutélaire aux métropoles européennes. L’occupation japonaise est particulièrement humiliante pour les colonisateurs européens, détenus en camps, subissant des traitements dégradants. Les victoires éclairs nippones contribuent à accentuer la faiblesse des métropoles européennes. Le sud-est asiatique a vécu la guerre débarrassé de l’occupant euro-péen. La défaite du Japon en septembre 45 signifie pour cet espace une double libération : des colonisateurs et de l’envahisseur japonais. La revendication à l’indépendance s’impose fort logiquement, ainsi Ho Chi Minh proclame-t-il l’indépendance du Vietnam le 2 septembre 45.

De la même manière que les Japonais ont joué sur le nationalisme asiatique, les Alliés américains et britanniques ont mobilisé des valeurs dans le cadre de l’effort de guerre ; ici idéologique. En août 41, Roosevelt et Churchill signaient la Charte de l’Atlantique, définissant ainsi quelques-uns de leurs buts de guerre (même si officiellement les USA ne sont pas encore en guerre à cette date), l’un d’entre eux, le 3e est assez explicite : « ils respectent le droit de tous les peuples de choisir la forme de gou-vernement sous laquelle ils veulent vivre ; ils souhaitent voir rétablir les droits souverains et le gouvernement autonome des nations qui en ont été dépouillées par la force ». Cette clause s’adressait aux nations captives des forces de l’Axe, mais les nationalistes des peuples colonisés ont fait leur cette revendication. Facile dès lors de montrer les contradictions entre les valeurs émancipatrices proclamées par les métropoles et la réalité de la sujétion coloniale.

� Les deux Grands vainqueurs de la guerre, Etats-Unis et URSS sont opposés à la colonisation pour des motifs différents :

L’URSS est anti-colonialiste par idéologie. Par fidélité à la doctrine marxiste et à Lénine, l’URSS dénonce l’impérialisme. Déjà, lors de la conférence de Téhéran, en novembre 43, Staline s’oppose à ce « les Alliés versent leur sang pour que l’Indochine, par exemple, retrouve son ancien statut de colonie française ». Cette position anti-colonialiste est réaffirmée en 1947, en pleine guerre froide (c’en est désormais l’un des enjeux) par la doctrine Jdanov dans laquelle l’URSS se place comme modèle de l’Etat anti-impérialiste : « la crise du système colonial… se manifeste par le puissant essor du mouvement de libération nationale dans les colonies et les pays dépendants… les arrières du système capitaliste se trouvent menacés ». On le voit, l’URSS est anti-colonialiste car c’est un moyen pour elle d’affaiblir les pays occidentaux ; d’ailleurs elle soutient prioritairement les mouvements nationalistes d’inspiration communiste. Qu’on ne s’y trompe pas pour autant, si Staline déclare en 1945 : « notre premier devoir est de donner l’indépendance aux peuples des anciens empires coloniaux », il n’en reste pas moins à la tête d’un empire colonial, l’URSS, longtemps passé inaperçu parce que les populations dominées étaient situées en continuité territoriale avec la mère Russie.

Les Etats-Unis se placent aussi contre la colonisation avec comme justification le fait d’avoir été autrefois une colonie (les Treize Colonies) et d’avoir réussi à arracher leur indépendance. C’est oublier que les Américains étaient des colons qui se séparèrent de leur métropole. C’est ce mythe historique qui motive pour une bonne partie l’anti-colonialisme américain. D’ailleurs, dès 1946, les Etats-Unis accordent l’indépendance aux Philippines. Pendant la guerre, le président Roosevelt n’a cessé de réaf-firmer son hostilité à la colonisation ; en 1944 il s’exprime ainsi à propos de la colonisation française en Indochine : « l’Indochine… devrait être mise sous tutelle d’une commission internationale. Il y a presque cent ans que la France exerce son empire sur ce pays, trente millions de gens dont le sort est pire maintenant… ». Comme pour l’URSS, la position américaine ne manque pas d’être ambiguë ; en effet, si les USA perçoivent la décolonisation comme souhaitable et inéluctable, les impératifs de la guerre froide autorisent de la ralentir : « Nous savons distinguer les cas où la possibilité d’invoquer la menace communiste est susceptible de justifier des délais et les cas où il n’existe pas de raison valable d’attendre » (John Foster Dulles, secrétaire d’Etat, 1953).

� Dès sa fondation, l’ONU est utilisée comme tribune par les anti-colonialistes. Dans sa Charte fondatrice est stipulé « le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ». Une fois leur indépen-dance acquise, les anciennes colonies font connaître à l’ONU leurs revendications. Dès 1952,par une résolution, l’ONU condamne l’irrespect du droit des peuples à disposer d’eux mêmes et réclame que l’on favorise l’accession aux indépendances par consultation démocratique des populations concernées. En 1960, par la déclaration sur « l’octroi de l’indépendance aux pays coloniaux », l’ONU réitère sa position anti-coloniale car la colonisation est une entreprise contraire aux droits humains, génératrice de conflits et plus généralement contraire aux libertés.

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Séquence 1-HG00 87

� Le renforcement des contestations

La décolonisation n’est pas tombée comme un fruit mûr pour les peuples colonisés. Si le nouveau contexte international né de la guerre y a grandement contribué, l’action contestatrice des colonisés ne fut pas moins importante.

� Tout d’abord, des leaders nationalistes par leur charisme se font les porte-parole des mou-vements d’émancipation. Ces personnalités sont à bien des égards des produits de la « culture coloniale » ; ils sont plus ou moins occidentalisés et mobilisent, chacun, un système de valeurs origi-nal pour dénoncer la colonisation. Ils représentent les élites locales et aspirent à prendre en charge l’avenir de leur pays.

Quelques noms doivent être retenus :

– MOHANDAS GANDHI ou autrement appelé le « MAHATMA », « la grande âme » en Inde qui dès les années 30 avait développé de vastes campagnes de désobéissance civile et prônait une résistance non-violente face à l’occupant britannique pour le discréditer moralement.

– Jomo KENYATTA (pour le Kenya) qui voulait emprunter à la culture européenne les principes qui lui convenait afin de mettre fin à « l’esclavagisme colonial ».

– Léopold Sédar SENGHOR, écrivain sénégalais, chantre de la négritude qui cherche à redonner aux Noirs la fierté d’eux-mêmes : « Le Bon Nègre est mort ; les paternalistes doivent en faire leur deuil ». Senghor retourne contre les Français les valeurs d’égalité et de liberté, dénonce le racisme colonial et réclame des actes plutôt que de « bonnes paroles ».

– HO CHI MINH, leader du Parti Communiste vietnamien en lutte contre la France qui s’appuie à la fois sur les valeurs fondatrices de la République : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et le triptyque « liberté, égalité, fraternité », et sur l’internationalisme révolutionnaire du communisme pour justifier sa lutte anti-coloniale et sa prise des armes.

� Des hommes isolés, aussi talentueux qu’ils puissent être, ne peuvent à eux-seuls renverser le processus colonial. Des mouvements nationaux anti-coloniaux s’organisent, se structurent pour être le lieu privilégié de la contestation.

Pour certains d’entre eux, leur existence est ancienne. Pensons au Parti du Congrès en Inde fondé dès 1885, co-dirigé par Gandhi et Nehru et qui en 1942 par la résolution « Quit India » exige l’indépendance de l’Inde à court terme. Autres exemples, le Neo Destour en 1934 en Tunisie dirigé par Habib BOURGUIBA ; le parti de l’Istiqlal au Maroc fondé en 1934, qui reçoit l’appui américain dès 1943.

� 1945 marque un tournant car les mouvements nationaux se radicalisent, ainsi du PC viet-namien d’Ho Chi Minh qui, dès 41 avait créé une branche armée contre les Japonais, le Vietminh, désormais réutilisée contre les Français. Ces mouvements se fédèrent parfois à échelle nationale comme dès 1943 dans le « Manifeste du peuple algérien » où Ferhat ABBAS réunit toutes les organisations musulmanes algériennes d’opposition. A échelle internationale, on retrouve cette même coopération entre mouvements, avec par exemple la création de la Ligue Arabe dès 1945 qui prône le panarabisme c’est-à-dire la réunion idéale de toutes les populations arabes musulmanes en un seul et même Etat, indépendant, cela va de soi ! ; ou la réunion du 5e Congrès panafricain à Manchester en 1945 avec comme slogan : « Peuples coloniaux et assujettis du monde, unissez-vous ! ».

Dès le départ, ces mouvements se distinguent les uns des autres par les moyens qu’ils sollicitent pour parvenir à leur but, l’indépendance. Avec Gandhi, c’est une résistance singulière (désobéis-sance civile, boycott, négociations) dont il faut reconnaître à la fois la force morale mais aussi l’efficacité politique limitée. Autre moyen, assez proche du précédent : la grève, arme « invincible » selon le congrès panafricain de Manchester… Pourtant, même cela n’a pas suffi et le moyen le plus efficace, bien que le plus coûteux, fut encore la rébellion armée ou localisée ce que firent à des échelles variées Vietnamiens, Kenyans, Algériens, Malgaches…

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Séquence 1-HG0088

� Des adaptations insuffisantes (des métropoles)

Les métropoles coloniales ne réagissent pas toutes unanimement face aux revendications d’in-dépendance. L’attitude générale est plutôt à la fermeture.

Le Royaume-Uni

L’attitude britannique est d’abord fermée ; c’est en fait l’attitude d’un homme, Churchill, qui en bon conservateur refuse tout ce qui équivaudrait à une perte de prestige et d’influence pour son pays. Sa défaite aux législatives de 1945 et la victoire d’Attlee et des travaillistes débloquent la situation. Dès lors, le Royaume-Uni s’engage dans une décolonisation progressive et adapte ses relations avec ses colonies. Les Britanniques choisissent de privilégier leurs intérêts économiques sur les liens politiques ; ils sont prêts à renoncer à leur domination politique (avec l’Indirect Rule, des élites locales susceptibles de prendre en main la destinée politique de leur nation avaient émergé). Pour maintenir les liens économiques, les colonies sont intégrées dès 1947 au Commonwealth.

Les Britanniques s’engagent donc dans la voie d’une décolonisation négociée. C’est là une tendance générale qui trouvera bien des contre-exemples.

La France

La France opte pour une stratégie tout à fait différente. La France est sortie affaiblie de la guerre ; l’empire représente encore en 1945 un élément de grandeur et de puissance.

Du 30 janvier au 8 février 1944 se réunit la conférence de Brazzaville, sous l’égide du général de Gaulle. Il en ressort des dispositions confuses et contradictoires. La France s’engage à promouvoir plus de libéralisme, des réformes, une amélioration de la situation matérielle et morale des colonisés. D’un autre côté, de Gaulle refuse « toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évo-lution hors du bloc français de l’empire ».

De fait, certains événements confirment cruellement le blocage des autorités françaises. Le 8 mai 1945, jour de victoire en métropole, une émeute à Sétif est impitoyablement réprimée laissant plu-sieurs milliers de morts côté algérien. En mars 1947, une autre insurrection éclate à Madagascar ; la métropole réagit brutalement. Il y aurait eu entre 80 000 et 120 000 morts et disparus. Face à l’Indochine autoproclamée indépendante, la France enverra la troupe…

La France n’a pas su quoi faire de ses colonies : les associer ou les assimiler. En 1946, avec la Constitution de la IVe République est créée l’UNION FRANCAISE ; elle constitue un indéniable progrès, mais limité. Les populations de l’Union, que l’on ne nomme plus indigènes, ont droit à une représentation politique ; des droits fondamentaux leur sont reconnus : instruction, grève, syndi-cat… La loi cadre Defferre de 1956 instaure quand même des exécutifs locaux, même limités, élus au suffrage universel. On conviendra que ce n’est pas là une réponse aux revendications d’indépendance. Ce n’est qu’après 1958 que la France s’engage plus nettement vers la décolonisation.

Autres grandes métropoles coloniales

� L’ItalieVaincue en 1945, c’est aux Nations Unies que revient de régler le sort des colonies : la Libye acquière son indépendance dès 1951, la Somalie la sienne après 10 années supplémentaires de tutelle ita-lienne.

� La Belgique et les Pays-BasCes 2 pays s’enferment dans une attitude de refus, bien plus raide qu’en France, que ce soit sur le Congo ou la future Indonésie.

� Portugal et EspagneIls ne semblent pas avoir entendu du tout les revendications anti-coloniales. Toute évolution reste impensable.

La période qui va de l’après-guerre aux années 60 est aussi marquée par une profonde évolution des opinions publiques des métropoles à l’égard de la colonisation. Prenons l’exemple français.

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Séquence 1-HG00 89

En 1945, l’opinion publique française reste globalement attachée à son empire colonial ; il est en effet source de grandeur. Pourtant, les mêmes institutions qui avant-guerre se montraient réser-vées sur le colonialisme accentuent et systématisent leur refus ; c’est la cas des Eglises et du parti communiste, premier parti politique français après-guerre. Des intellectuels dénoncent l’oppression coloniale comme Sartre.

Plus originale est le développement du cartiérisme.

Le cartiérisme, du nom du journaliste Raymond Cartier, est une attitude hostile à la colonisation non par idéologie mais par pragmatisme. Les colonies coûtent beaucoup plus cher qu’elles ne rapportent : « Le colonialisme a toujours été une charge en même temps qu’un profit, souvent une charge plus qu’un profit » ; elles représentent un boulet pour les économies européennes. En ces temps de reconstruction et de forte croissance économique, « les trente glorieuses », elles ne sont plus souhaitables.

B Le temps des indépendances

La période des indépendances est vaste, elle correspond à toute la 2nde moitié du XXe siècle ; néanmoins on peut en extraire quelques lignes directrices.

� Deux vagues successives

L’Asie

C’est en Asie que débute le processus de décolonisation, dès 1946 avec l’indépendance de l’archipel philippin pour se clore en 1957, pour l’essentiel.

Nous mettrons à part le cas de l’Indochine française ; elle sera examinée ultérieurement avec l’Algérie comme exemple de déchirure coloniale (B – 2).

� En Asie, la colonie par excellence, c’est le « joyau de la couronne britannique » c’est-à-dire l’empire des Indes.

En juillet 1945, avec la victoire des travaillistes aux législatives du Royaume-Uni, l’indépen-dance de l’Inde est acquise ; reste à négocier ses conditions. En Inde, la revendication d’indé-pendance est très ancienne ; elle est portée par le parti du Congrès de Gandhi et de Nehru, qui la réaffirma par la résolution « Quit India » de 1942. Les négociations se heurtent aux divisions des Indiens, en effet l’Inde est un territoire multiethnique, multiconfessionnel et même multinational. La minorité musulmane est numériquement importante ; ses représentants craignent de la voir noyée dans la majorité hindouiste aussi Ali Jinnah, chef de la Ligue Musulmane réclame-t-il une scission de l’Inde pour que les musulmans aient leur territoire, à l’inverse du parti du Congrès qui refuse toute idée de partition. Les violences entre les communautés hindouiste et islamique se multiplient (meurtres, attentats …) ; la situation de l’Inde est proche de la guerre civile.

Faute de voir s’esquisser un accord, les Britanniques font connaître dès février 1947 leur déci-sion de quitter l’Inde pour juin 1948, dernier délai. Le vice-roi des Indes, Lord Mountbatten, propose un plan de partition.

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Séquence 1-HG0090

Document 3

L’émancipation de l’Asie

Maurice Vaïsse, Les Relations internationales depuis 1945. © Armand Colin, 2002.

Ce plan aboutit le 15 août 1947 : deux Etats indépendants naissent des décombres de l’Inde coloniale : la République ou Union Indienne à majorité hindoue derrière Nehru et le Pakistan, à majorité musulmane dirigé par Ali Jinnah. Le Pakistan est alors constitué de 2 entités séparées par près de 1 700 km, le Pendjab à l’ouest (actuel Pakistan), le Bengale à l’est (actuel Bangladesh, cette partie ayant acquises son indépendance du Pakistan en 1971).

Malheureusement, l’indépendance y est très douloureuse ; les massacres intercommunautaires sont la règle (près d’un million de morts), de vastes déplacements de population, 12 millions de personnes, ont lieu entre les 2 Etats. Le 20 janvier 1948, Gandhi est assassiné par un extrémiste hindou ; ce meurtre illustre la fin d’un rêve, celui d’une Inde unifiée. Un contentieux indo-pakistanais se noue autour de la riche province du Cachemire (au Nord) revendiquée par les deux Etats.

Dans la foulée, les Britanniques accordent l’indépendance à l’île voisine de Ceylan (actuelle Sri Lanka) dès décembre 1947, à la Birmanie en janvier 1948 mais là sous la pression des attentats, et enfin plus tardivement à la Malaisie en 1957.

Tous ces Etats, excepté la Birmanie, adhèrent au Commonwealth. Les Britanniques ont préservé leurs intérêts économiques et leur capacité d’influence.

� L’attitude conciliatrice des Britanniques n’est pas suivie par les Pays-Bas. Les Néerlandais ont été chassé de l’archipel indonésien par les Japonais pendant la guerre. Le leader nationaliste indo-nésien Sukarno, chef du Parti National, proclame l’indépendance dès la défaite des Japonais, en août 1945. Faute d’être présents sur place, les Néerlandais reconnaissent l’indépendance d’un Etat fédéral indonésien sur Java et Sumatra en 1946. Mais sous la pression de leur opinion publique et des milieux d’affaires coloniaux, les Pays-Bas tentent de reprendre le contrôle de leur ancienne colonie. En juillet 1947, ils envoient un corps expéditionnaire, complété par une seconde inter-vention armée en 1948. La reconquête militaire des Indes néerlandaises, l’Indonésie est presque effective sur le terrain.

Le cas indonésien est exemplaire du poids écrasant du nouveau contexte international d’après-guerre. Les Pays-Bas doivent faire face à une levée de boucliers quasi générale : l’ONU condamne leur intervention, de même que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et les nouveaux Etats indépendants d’Asie.

La reconquête militaire débouche sur une impasse diplomatique aussi les Pays-Bas se résignent-ils à accorder l’indépendance aux Etats-Unis d’Indonésie en décembre 1949.

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Séquence 1-HG00 91

L’Afrique

Document 4

La décolonisation de l’Afrique (jusqu’en 1968)

Rabat

Alger Tunis

Tripoli

Fort-Lamy

Le Caire

NiameyBamako

El Ajun

Nouakchott

Dakar

ConakryFreetown

MonroviaPorto NovoAccra

1958

Lagos

Yaoundé

ab

b

Kinshasa

Brazzaville

TCHAD

SOUDAN

ÉTHIOPIE

ANGOLA

BOSTWANA

RHODÉSIE

SWAZILAND

LESOTHO

SUD-OUESTAFRICAIN

RÉPUBLIQUED'AFRIQUE DU SUD

ZAMBIE

KENYA

TANZANIE

MADAGASCAR

RÉP. DÉM.DU CONGO

RÉP. CENTRAFRICAINE

SOMALIE

NIGER

NIGÉRIA

CÔTED'IVOIRE

MALI

Hte-VOLTA

LIBÉRIA

ALGÉRIE

MAROC

PORTUGALESPAGNE

ÉGYPTE

ITALIE

MAURITANIE

SAHARAESPAGNOL

TUNISIE

LIBYE R. A. U.

1

2

3 4

5

67

8

9101112

1315

16

14

INDÉPENDANCE DE L'AFRIQUE

MO

ZA

MB IQ

U

E

Abidjan

Ouagadougou

Lomé

Libreville

Luanda

Windhoek

Le Cap

Caberones

Lorenço Marques

Lusaka

Salisbury

Dar es-Salem

Tananarive

Nairobi

Kampala

Addis-Abéba

Mogadishu

khartoum

Bangui

1962

1956

1960

1960

1960 19601960

1960

1958

1956

1951

1960

1960

1960

1960

19601960

1960

1956

1963

1960

1960

1960

1960

1963

1960

19611964

1964

1966

1968

1968

Canaries(Esp.)

Principe& S. Tome(Port.)

Comores(Fr.)

Zanzibar

Érythrée1962

Katanga

Biafra

Tanganyka

1966

Anciennes possessions :

Guinée équatoriale (Esp.) Indépendance en 1968

françaises

anglaises

belges

italiennes

Date d'indépendance

Indépendance proclaméeunilatéralement par la Rhodésie (1965)

Séparation du Commonwealth (1961)ConférencesTerritoires demeurés sousdépendance étrangère

Capitales d'État

a - Rio Muni b - Fernando Poo et Annobon

.La seconde vague de décolonisation touche le continent africain dans les années 60. Deux grandes puissances coloniales se partagent l’essentiel de l’Afrique : la France et le Royaume-Uni.

La décolonisation de l’Afrique britannique

C’est globalement une décolonisation pacifique. Son modèle est la décolonisation de la Gold Coast ou Côte de l’or, futur Ghana. Kwame Nkrumah, leader national de la Gold Coast refuse l’idée d’une confrontation avec la métropole : « Nous préconisons… des méthodes non violentes, consti-tutionnelles et légitimes », au contraire il souhaite le maintien des liens associé à l’indépendance. Cette évolution a été facilitée par l’autonomie dont disposait ce territoire dès 1951 ; Nkrumah fut même 1er ministre dès 1952. L’indépendance est acquise dès mars 1957 pour le Ghana, nouvel Etat qui entre aussitôt dans le Commonwealth.

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Séquence 1-HG0092

L’exemple du Ghana sert de modèle pour la décolonisation de l’Afrique anglophone, d’autres territoires suivent la même voie vers l’indépendance : le Nigeria en 1960, la Sierra Leone en 1961, puis la Tanzanie toujours en 1961, l’Ouganda en 1962, la Zambie (ex-Rhodésie du Nord) en 1964.

Reste le cas original du Kenya. Original, car il contredit le processus pacifique de décolonisa-tion. La décolonisation du Kenya fut difficile, elle s’accompagna de troubles. Dès 1945, Kenyatta, le leader nationaliste kenyan réclame l’indépendance. A cette opposition, finalement classique dans un processus national de décolonisation s’ajoute la rébellion d’une tribu, les Mau Mau qui réclament la restitution de leurs terres, saisies par des colons britanniques. L’indépendance est finalement accordée en 1963.

Toute l’Afrique anglophone n’est pas pour autant libérée du fardeau colonial dans les années 1960 ; l’Afrique australe connaît une évolution originale, notamment la Rhodésie du Sud (futur Zimbabwe) qui proclame unilatéralement son indépendance en 1965 ; or ce sont les colons, la petite minorité blanche, qui gouvernent. On se rapproche ici du modèle « racial » de la République d’Afrique du Sud.

Les indépendances négociées au Maghreb : Tunisie et Maroc

Le Maghreb ou Afrique du Nord se compose de 3 entités territoriales : Maroc, Algérie et Tunisie, toutes sous la domination coloniale française. L’Algérie ne relève pas des indépendances négociées, au contraire, c’est l’autre type de la déchirure coloniale que nous examinerons ultérieurement.

Le Maroc et la Tunisie sont deux protectorats, ils ont gardé leur souverain et une assez large auto-nomie. Dans les 2 cas, la métropole doit faire face à de puissants mouvements nationalistes et elle tergiverse, optant finalement pour la répression.

Au Maroc, le sultan renforcé par le parti de l’Istiqlal dénonce en 1947 dans un discours à Tanger la tutelle coloniale française. La France répond par la répression et use de ses représentants légaux , les résidents, dont le maréchal Juin. Après les émeutes de Casablanca (décembre 1952), les autorités françaises décident de déposer le sultan en août 1953 et d’exiler Mohammed Ben Youssef à Madagascar. C’était oublier la popularité extraordinaire du sultan. Dès lors, la métropole est pri-sonnière du cycle répressif qu’elle a enclenché ; les attentats se multiplient. En 1955, la France entame des négociations permettant le retour du sultan au Maroc et sur le trône ; il devient Mohammed V. Le 2 mars 1956, le Maroc obtient son indépendance.

En Tunisie, tout s’accélère en 1951 quand la Libye voisine acquiert son indépendance. Habib Bourguiba, leader nationaliste à la tête du Neo Destour exige l’autonomie interne, il se heurte au raidissement de la position française. La répression s’abat ; Bourguiba est arrêté en 1952 et exilé. Le terrorisme se multiplie. La France est alors en pleine impasse. Le processus de décolonisation se débloque avec l’arrivée de Pierre Mendés France à la présidence du Conseil.

Le 31 juillet 1954, il prononce un discours à Carthage dans lequel il promet l’autonomie interne :

Document 5

Discours de Carthage de Mendès France – 31 juillet 1954

Notre politique est une politique libérale conforme aux traditions de notre histoire aussi bien qu’aux aspirations profondes du peuple tunisien et aux promesses qui lui ont été faites.L’autonomie interne de l’Etat tunisien est reconnue et proclamée sans arrière-pensée par le gouver-nement français, qui entend tout à la fois l’affirmer dans son principe et lui permettre dans l’action à la consécration du succès. Le degré d’évolution auquel est parvenu le peuple tunisien – dont nous avons lieu de nous réjouir d’autant plus que nous y avons largement contribué – la valeur remarquable de ses élites justifient que ce peuple soit appelé à gérer lui-même ses propres affaires.C’est pourquoi nous sommes prêts à transférer à des personnes et à des institutions tunisiennes l’exercice interne de la souveraineté.

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Séquence 1-HG00 93

Par autonomie interne, il faut comprendre l’octroi d’une libre gestion et décision des Tunisiens sur les affaires courantes ; ce qui relève de la défense, de la diplomatie demeurant sous tutelle métropolitaine.

Bourguiba revient d’exil en juin 1955. Le processus de décolonisation est relancé. Après négocia-tions, la Tunisie accède à son tour à l’indépendance le 20 mars 1956.

La décolonisation de l’Afrique Noire française

L’Afrique Noire française est organisée en 2 ensembles :– L’AOF = Afrique Occidentale française– L’AEF = Afrique Equatoriale française

Le chemin vers l’indépendance est rarement conflictuel ; notons toutefois la spectaculaire exception malgache avec la répression sanglante de 1947. Dès 1944, lors de la conférence de Brazzaville, on l’a vu, de Gaulle promettait une évolution du statut des colonies. Cette évolution intervient avec l’avènement de la IVe République. Est alors créée l’Union Française, les colonies obtiennent le statut de « territoires d’outre-mer ». Le modèle retenu est assimilationniste car les habitant des TOM ont la citoyenneté française et élisent des députés à l’Assemblée Nationale.

En 1956, la loi-cadre Defferre étend la marge d’autonomie accordée aux TOM (chacun a son assemblée et son gouvernement). De Gaulle, de retour au pouvoir en 1958, poursuit et amplifie cette évolution en créant la Communauté Française. Chaque territoire obtient l’autonomie interne et par référendum doit se prononcer sur l’adhésion à la Communauté ou l’accession directe à l’in-dépendance, se coupant ainsi de l’appui français. Seul un territoire sur les 12 colonies d’Afrique Noire française dit NON, la Guinée de Sékou Touré ; elle accède aussitôt à l’indépendance.

L’Afrique Noire n’est pas un enjeu crucial pour la métropole : trop peu de colons européens y sont ins-tallés ; l’urgence est ailleurs, en Algérie. Dès 1960, tous les territoires africains de la Communauté demandent et accèdent à l’indépendance. La décolonisation politique est réussie, elle se com-plète par la signature d’accords de coopération militaire, économique… garantissant l’influence française sur l’Afrique francophone.

Un échec : la décolonisation du Congo

Le Congo belge n’était pas une colonie assimilable à ses voisines françaises. D’une part, c’est un territoire vaste, très riche en ressources naturelles notamment sa province du Katanga, au sud ; d’autre part, la Belgique y menait une politique paternaliste et autoritaire. L’Afrique noire française ayant acquis son indépendance, c’est sans préparation et dans la précipitation que la Belgique octroie l’indépendance au Congo. Or le pays est profondément divisé : les différentes ethnies se braquent les unes contre les autres, des massacres anti-européens ont lieu ; les chefs natio-nalistes s’opposent entre-eux : Patrice Lumumba, 1er ministre, partisan d’un Etat congolais centralisé obtient le soutien de l’URSS… il est assassiné en 1961. Le président Kasavubu obtient quant à lui le soutien des Etats-Unis, alors que le Katanga fait sécession. La crise congolaise s’inter-nationalise et le pays sombre dans la guerre civile. Les Casques Bleus de l’ONU interviennent, ils sauvent l’unité du pays mais n’empêchent pas l’installation d’une dictature féroce du général Mobutu, chef de l’armée après un coup d’Etat en novembre 1965.

� Indochine et Algérie, 2 déchirures coloniales

La guerre d’Indochine

Pour comprendre le cas indochinois, il faut partir de la guerre. Les Japonais ont chassé sans ména-gement tous les représentants français et ont encouragé les velléités d’indépendance à l’égard de la France. Ho Chi Minh dès 1941 avait fondé le Viet-minh (Front de l’Indépendance du Vietnam) et en septembre 1945, il proclame unilatéralement l’indépendance du Vietnam.

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Séquence 1-HG0094

La France tergiverse. Elle est éloignée, sans représentants et dans un 1er temps reconnaît le gou-vernement provisoire du Viet-Minh. La position française est particulièrement ambiguë en effet De Gaulle fait envoyer un corps expéditionnaire commandé par le général Leclerc, qui débarque à Saïgon dès octobre 1945. Le but est atteint : la France reprend pied en Indochine en contrôlant la province du Sud la Cochinchine. Parallèlement et officiellement en mars 1946 par les accords Ho Chi Minh-Sainteny, la France reconnaît la République du Vietnam mais comme « un Etat libre au sein de l’Union Française » autant dire que l’ordre colonial est maintenu.

La logique de guerre s’enclenche très tôt, par le bombardement d’Haiphong (dans la province du Tonkin, au Nord). L’engrenage actions militaires – représailles du Viet-minh démarre ; la guerre d’Indochine a commencé.

Les nationalistes vietnamiens prennent le maquis pour échapper à la répression française et entame une âpre guerre de « guérilla », contrôlant les campagnes du Tonkin et de l’Annam. Pour les Français, l’ennemi est insaisissable. La guerre d’Indochine est lointaine pour l’opinion publique française qui y reste assez indifférente ; seuls des soldats engagés et des militaires de carrière y combattent.

La guerre d’Indochine, en plus d’être un conflit de décolonisation est aussi, comme la guerre de Corée (1950-1953) un conflit de la guerre froide. Le Viet Minh peut compter sur le soutien soviétique en armements, et dès 1949 sur celui de la Chine communiste de Mao. De son côté, la France bénéficie du soutien militaire et financier des Etats-Unis dès 1950 dans le cadre de leur politique du containment. Rien n’y fait, les armées françaises s’enlisent.

Pour dépasser ses difficultés, le haut commandement militaire français décide de concentrer des troupes à Dien Bien Phu (dans le Tonkin occidental) pour attirer le viet-minh et le vaincre. Les Français sont pris à leur propre piège : la cuvette de Dien Bien Phu tombe le 7 mai 1954 face aux assauts du général Giap : 12 000 soldats sont prisonniers ; un vrai désastre !

La fin de la guerre est officialisée en juillet 1954 par les accords de Genève. La France est vaincue en conséquence elle retire ses troupes ; le Laos, le Cambodge, le Vietnam accèdent à l‘indépendance mais le cas vietnamien n’est pas réglé définitivement. Le Vietnam est divisé en 2 Etats rivaux (à l’instar de la Corée) : au Nord la République démocratique du Vietnam, communiste d’HoChi Minh, au sud du 17e parallèle une république nationaliste pro-occidentale, soutenue par les Américains.

La guerre du Vietnam est déjà en germe par ce découpage….

Une véritable guerre coloniale, les « événements d’Algérie » : 1954-1962

Dans l’empire colonial français, l’Algérie occupe une place originale, en effet elle est considérée comme partie intégrante du territoire national et non comme une colonie, ce qu’elle est pourtant. Cette position est réaffirmée par le ministre de l’intérieur en 1954, François Mitterrand : « L’Algérie, c’est la France ». L’Algérie a commencé d’être conquise en 1830. La IIIe République subdivise l’Al-gérie en 3 départements, c’est dire qu’on la considère comme partie du territoire national. L’Algérie, c’est aussi la seule colonie de peuplement française ; en 1954 sur 10 millions d’habitants, un million sont d’origine européenne et 9 millions d’origine arabe ou berbère. Sur le principe depuis 1947, tous les Algériens sont citoyens français quelque soit leur origine, dans les faits la réalité dément cruellement ce beau principe. Les Algériens musulmans votent dans un collège séparé des Algériens européens avec autant de sièges. En clair, ce sont des citoyens de seconde classe. De plus, les colons européens se sont souvent appropriés les meilleures terres – qu’ils ont d’ailleurs eux-mêmes mis en valeur – ; ils sont une force de blocage et de conservatisme.

Dès 1945, le nationalisme algérien, très ancien, se réveille. On sait la brutalité de la réaction métro-politaine avec l’écrasement sanglant des émeutes de Sétif le 8 mai 1945. Affaiblis, les nationalistes algériens se réorganisent en attendant d’entrer en action. Dans un 1er temps, regroupés dans le MLTD (Mouvement pour Le Triomphe des Libertés démocratiques), les nationalistes s’unissent dès 1954 dans le FLN (Front de Libération Nationale), organisme au-dessus des partis.

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Séquence 1-HG00 95

Le FLN se dote d’une armée : l’ALN (Armée de Libération Nationale).

Document 6

Le Manifeste du FLN

Alger, le 31 octobre 1954.Au peuple algérien, aux militants de la cause nationale.

But :

Objectifs intérieurs :

Objectifs extérieurs :

En contrepartie :

Indépendance nationale par

� La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques.

� Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions.

Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.

� Internationalisation du problème algérien.

� Réalisation de l’unité nord-africaine dans son cadre arabo-musulman […]. Pour prouver notre désir réel de paix, limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plate-forme honorable de discussions aux autorités française […] :A. L’ouverture de négociations avec les porte-paroles autorisés du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible.B. La création d’un climat de confiance, par la libération de tous les détenus politiques et l’arrêt de toutes poursuites contre les forces combattantes.C. La reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclaration officielle abrogeant les écrits, décrets et lois, faisant de l’Algérie une terre française en déni de l’histoire, de la géographie, de la langue, de la religion et des mœurs du peuple algérien.

� Les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis seront respectés, ainsi que les personnes et les familles ;

� Les Français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité d’origine et […] la nationalité algérienne […] ;

� Les liens entre la France et l’Algérie feront l’objet d’un accord entre les deux puissances.

.

Questions � Que réclame le FLN ?

� Montrez les contradictions sur ses principes ?

� Quels moyens le FLN se donne-t-il pour parvenir à son but ?

� Quels gages de « bonne conduite » est-il prêt à signer ?

� En quoi cette proclamation est-elle devenue caduque dès le lendemain ?

Réponses � L’indépendance et la « liquidation du système colonial ».

� Le FLN réclame l’indépendance au nom des droits de l’homme : « respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions » mais avec la limite des « principes islamiques ».

� Le FLN souhaite une « internationalisation du conflit » ; bien sûr utiliser la tribune de l’ONU mais aussi jouer sur la solidarité panarabe, notamment égyptienne : « unité nord-africaine dans son cadre arabo-musulmane ».

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Séquence 1-HG0096

� Le FLN comme signe de bonne volonté est prêt à :– « ouvrir des négociations » à condition d’être lui-même représenté : « porte-parole auto-

risés du peuple algérien ».– « libération de tous les détenus politiques et arrêt de toutes les poursuites contre les

forces combattantes » ; c’est plus une demande aux autorités françaises.– « les intérêts français … respectés »– « choix entre leur nationalité d’origine et… la nationalité algérienne » pour les Français

d’Algérie.

� Cette proclamation, plutôt conciliatrice, est une entame de négociation or dès le lendemain, à la Toussaint 1954, par une série d’attentats, le FLN entre dans la voie de l’insurrection armée.

Le 1er novembre 1954 débutent les « événements d’Algérie » (ainsi les qualifiaient les autorités françaises niant qu’il s’agisse d’une guerre mais plutôt d’une simple opération de pacification) ; une série d’attentats sanglants visent des particuliers « européens ». La guerre a commencé. La date a son importance, l’effet de surprise est complet… 1954, c’est aussi la fin de l’Indochine, la métropole française est affaiblie.

La France réplique par la répression ; il est alors impensable de lâcher les 3 départements d’Algérie. On envoie 56 000 soldats, on fait appel aux réservistes et deux ans plus tard, c’est déjà un contin-gent de 400 000 qui est en Algérie, en effet le gouvernement Guy Mollet décide l’envoi des appelés du contingent en 1956. L’armée obtient des « pouvoirs spéciaux » pour traquer le FLN et ses partisans, le recours à la torture se généralise (chez le FLN aussi !). Les militaires cherchent à pacifier l’Algérie, c’est-à-dire à désolidariser la population algérienne des combattants nationalistes.

Une partie des Algériens combattent aux côtés de l’armée française : les harkis.

Malgré quelques opérations musclées pour détruire les réseaux du FLN comme la bataille d’Alger en 1957, les attentats continuent. C’est l’impasse et les Pieds Noirs (Européens d’Algérie nés en Algérie) craignent d’être abandonnés c’est pourquoi le 13 mai 1958, le palais du gouverneur général est investi par des manifestants, un comité de salut public se crée et l’appel à DE GAULLE est lancé.

La IVe République meurt de l’affaire algérienne. De Gaulle doit faire face à une situation bien compromise : la France est régulièrement condamnée à l’ONU et par les Etats-Unis pour cette guerre et les divers forfaits qui l’ont accompagnée (bombardement du village tunisien de Sakiet Sidi Youssef en février 1958 par exemple).

De Gaulle hésite (nous n’évoquerons pas ici les aspects franco-français de la guerre d’Algérie ni ses répercussions politiques – considérables – en France), apaise les Pieds-Noirs d’un subtil et obscur : « Je vous ai compris » dans son discours d’Alger en juin 1958.

Dans les faits, et malgré bien des péripéties, De Gaulle s’engage sur la voie des négociations. C’est une politique réaliste, le temps n’est plus à l’aventure coloniale et de Gaulle cherche à se débarrasser du boulet algérien ; de plus le prestige international de la France est sérieusement atteint. Sur le terrain, de Gaulle poursuit l’effort militaire (plus de 800 000 soldats sont en Algérie en 1958) pour mieux négocier avec le nouveau GPRA (Gouvernement Provisoire de la République algérienne) créé au Caire fin 1958. De Gaulle suit l’évolution de l’opinion publique française : en 1959, il propose l’autodétermination pour les Algériens. Les Français d’Algérie se sentent trahis et croient pouvoir inverser le processus de décolonisation de l’Algérie : semaine des barricades à Alger en janvier 1960, putsch manqué des généraux en avril 1961, attentats de l’OAS – Organisation de l’Armée Secrète – qui créent un vrai climat de terreur. Des négociations secrètes sont entamées qui aboutissent aux accords d’Evian de mars 1962. La France obtient des garanties – qui ne seront pas respectées – et finalement l’Algérie proclame son indépendance le 3 juillet 1962.

L’affaire algérienne est une déchirure coloniale exemplaire : les Européens d’Algérie fuient en masse vers la métropole (« la valise ou le cercueil » leur dit-on !) , rien n’est préparé pour les recevoir ; les harkis qui n’ont pas pu fuir sont massacrés par le FLN.

Le bilan est accablant : (voir page suivante).

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Séquence 1-HG00 97

Document 7

Le bilan des victimes

Pertes globales

Entre 200 000 et 300 000, selon les estimations d’historiens

Victimes chez les « forces de l’ordre » (armée française)

24 614 morts dont environ 4500 musulmans (15 583 tués au combat ou par attentat, 7917 par accident, 1114 par maladie ou suicide)64 985 blessés (dont 35 615 par combat ou attentat et 29 370 par accident)

Victimes civiles du terrorisme du FLN

19 166 morts (2 788 Européens, 16 378 musulmans)21 151 blessés (7 541 Européens, 13 610 musulmans)14 171 disparus (875 Européens, 13 296 musulmans)

Perte des « rebelles » (armée du FLN) 141 000

Guerre civile entre le LN et le MNA (Mouvement national algérien de Messali Hadj, dont la lutte pour l’indépendance est antérieure à celle du FLN et qui refuse de se soumettre à celui-ci).

En Algérie : 6 000 tués et 14 000 blessésEn France : 4 055 tués et près de 9 000 blessés.

Terrorisme de l’OAS (de 1961 à juin 1962) 2 700 morts, dont 2 400 Algériens

Enlèvement de civils européens

3 018 entre le 19 mars et le 31 décembre 1962 (dont 1 245 sont libérés et 1 165 considérés comme morts) ; 382 en 1963 (dont 41 retrouvés morts)

D’après G. Pervillé, « le vrai bilan des victimes », l’Histoire N°181, octobre 1994.

.

� Les indépendances tardives

En 1970, nombre de territoires restent à décoloniser, notamment en Afrique.

La fin de l’empire portugais

En Afrique, le domaine colonial portugais se compose de 4 territoires : les îles du Cap-Vert, la Guinée-Bissau, l’Angola et le Mozambique. A l’inverse des autres métropoles coloniales, britannique, belge et française, le Portugal refuse toute idée d’abandon des colonies. Ce blocage s’explique par des raisons politiques : le Portugal est une dictature traditionaliste depuis 1932 avec à sa tête Antonio Salazar. Celui-ci garde une vision très XIXe des colonies : des territoires à exploiter (surtout les richesses minières), des territoires à civiliser ; le modèle colonial est assimilationniste et nombre de Portugais partent s’installer dans les colonies.

En dépit de ce blocage portugais, les mouvements nationalistes se développent néanmoins, dès 1955. Malgré la répression sans pitié (exil, torture, meurtres), ces mouvements croissent et pour survivre jouent la carte de l’internationalisation. Ces mouvements utilisent les pays voisins comme base arrière pour mener leur guérilla mais aussi les rivalités ouest-est.

Prenons l’exemple de l’Angola. Dans ce pays, deux partis nationalistes rivaux luttent contre l’oc-cupant portugais : le MPLA (Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola) d’inspiration marxiste, qui obtient le soutien de l’URSS (envoi d’armes) et de Cuba (envoi de soldats) ; et l’UNITA plutôt pro-occidentale.

L’implacable répression coloniale, les rivalités à couteaux tirés entre mouvements de libération entre-tiennent le conflit dans sa longueur et sa cruauté.

Au Mozambique, c’est le FRELIMO (Front de Libération du Mozambique) qui lutte contre les Portugais.

La situation demeure verrouillée sur le sol africain. Et pourtant, c’est rapidement que des solutions seront trouvées quand la métropole changera d’attitude. En 1974, la « révolution des œillets »

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Séquence 1-HG0098

met fin à la dictature au Portugal. C’est l’armée qui renverse la dictature, se faisant indirectement le porte-voix d’une jeunesse portugaise qui n’a plus envie de mourir pour garder l’empire colonial. De fait, les nouvelles autorités démocratiques portugaises lâchent l’empire : la Guinée-Bissau est indépendante en 1974 puis c’est au tour des îles du Cap-Vert, du Mozambique et de l’Angola dès l’année suivante.

Reste que si la décolonisation est obtenue, les troubles en Angola et Mozambique entre mouve-ments nationalistes continuent. Ces deux pays sombrent dans la guerre civile.

L’Afrique australe

Cette partie de l’Afrique, la pointe sud, est dominée par une puissance régionale : la république d’Afrique du Sud. Or, c’est un Etat très original car depuis 1948, officiellement en tout cas, règne l’apartheid c’est-à-dire une politique d’Etat discriminatoire et de ségrégation entre commu-nautés noires et blanches. Ce modèle « racial » n’est pas sans déteindre sur les voisins.

� Un Etat de l’Afrique australe, la Rhodésie du Sud s’était autoproclamée indépendante en 1965 sans négociation avec les Britanniques, leur puissance coloniale. A cela une raison de taille : les colons européens (5 % de la population) voulaient garder le pouvoir sur le modèle ségrégatif d’Afrique du Sud et assurer leur mainmise sur la propriété agricole. Isolée, non reconnue par le Commonwealth et les Britanniques, la Rhodésie accorde l’égalité politique entre Noirs et Blancs en 1980. Les élections portent au pouvoir Robert Mugabe, chef de la majorité noire. Il proclame une 2nde indépendance, cas unique dans l’histoire de la décolonisation, la vraie à ses yeux en avril 1980 et rebaptise le pays en Zimbabwe. N’empêche que les habitants du Zimbabwe sont les grands perdants de cette histoire ; d’une dictature blanche raciste, il passe à une… dictature noire tout aussi raciste que la précédente !

� L’évolution de la République d’Afrique du Sud est plus réussie. De 1948 à 1991, un strict apartheid règne : la minorité blanche maintient son pouvoir et sa richesse par la force et la violence. Ce régime officiellement raciste est alors de plus en plus unanimement condamné par la communauté inter-nationale ; des campagnes de boycott se développent dans les années 1980. En 1991, la minorité blanche doit partager le pouvoir. La démocratisation de l’Afrique du Sud est aussi sa décolonisation, au sens où l’ordre colonial oppressif perd son ressort quand le plus ancien opposant à l’apartheid, le chef historique de l’ANC (African National Congress), emprisonné depuis 1962 et libéré en 1990, Nelson Mandela, accède à la présidence de la République en 1994.

� Dans cet espace de l’Afrique australe, un dernier territoire a bénéficié de l’ouverture de l’Afrique du Sud et de la fin de l’opposition est-ouest : la Namibie annexée par l’Afrique du Sud. Malgré la guérilla de la SWAPO et les condamnations réitérées de l’ONU, ce territoire reste sous tutelle sud africaine jusqu’à ce qu’il perde tout intérêt stratégique quand la menace communiste s’évapore en Angola (départ des Cubains, écroulement de l’URSS avant implosion). Le 21 mars 1990, la Namibie devient indépendante.

L’éclatement de l’URSS ou la fin de la « prison des peuples »

Avec la démission de Gorbatchev, président de l’URSS, le 25 décembre 1991 disparaît l’URSS. Des décombres de l’empire soviétique naissent de nombreux Etats en Europe orientale : Pays Baltes, Ukraine, Biélorussie, Moldavie ; dans le Caucase : Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie ; et en Asie centrale : Kazakhstan, Ouzbékistan… A bien des égards, il s’agit là de la dernière vague de décolonisation, passée inaperçue face à l’enjeu géopolitique considérable que constituait la disparition de l’URSS. C’est en bonne partie de l’incapacité à gérer ses nationalités qu’est morte l’URSS.

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Séquence 1-HG00 99

C L’incapacité du Tiers-Monde à peser sur les relations internationales

C’est l’économiste et démographe Alfred SAUVY qui invente la notion de Tiers-Monde en 1952 pour qualifier ces nouvelles nations indépendantes en voie de développement :

Document 8

L’apparition de l’expression « tiers-monde » en 1952

Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc., oubliant trop souvent qu’il en existe un troisième, le plus important et, en somme, le premier dans la chronologie. C’est l’ensemble de ceux que l’on appelle, en style Nations unies, les pays sous-développés […]. Ces pays ont notre mortalité de 1914 et notre natalité du XVIIIe siècle […]. On conçoit bien que cet accroissement démographique devrait être accompagnés d’importants investissements […]. Or, ces investissements vitaux […] se heurtent au mur financier de la guerre froide. Le résultat est éloquent : le cycle millénaire de la vie et de la mort est ouvert, mais c’est un cycle de misère […].Peut-être le monde n°1 pourrait-il, même en dehors de toute solidarité humaine, ne pas rester insensible à une poussée lente et irrésistible, humble et féroce, vers la vie. Car enfin, ce tiers-monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers-état, veut, lui aussi, être quelque chose.

Alfred SAUVY, « Trois mondes, une planète », L’Observateur, 14 août 1952© France Observateur.

Questions � D’où vient l’expression « Tiers-Monde » ? A quoi Sauvy fait-il référence ? A quel écrit ?

� Comment explique-t-il l’oubli du Tiers-Monde ?

� Qu’est-ce qui fait son unité selon l’auteur ?

Réponses � Sauvy invente cette notion par référence au tiers-état, c’est-à-dire au troisième ordre de la

société d’Ancien Régime « ignoré, exploité, méprisé » par les deux autres ordres privilégiés. Quand il affirme « être quelque chose », Sauvy pastiche Sieyès et son essai « Qu’est-ce que le Tiers-état » de 1788.

� Sauvy explique l’oubli du Tiers-Monde par des considérations géopolitiques ; toute l’attention va à la guerre froide et à la bipolarisation des relations internationales : « deux mondes en présence, de leur guerre possible », « mur financier de la guerre froide ».

� L’unité du Tiers-Monde tient selon l’auteur à des caractéristiques communes :– « des pays sous-développés »– « en accroissement démographique »– « misère »

Le Tiers-Monde est donc bien plus que les pays nouvellement décolonisés, il faut y inclure d’autres espaces : Amérique Latine, Moyen Orient …

Cette notion eut une grande importance. Elle permit de penser l’opposition pays développés – pays en voie de développement mais elle a aussi, et dès le départ, ses insuffisances. Elle créé un ensemble unique, qui soyons clair, est une vue de l’esprit et cela dès 1952 ; elle sera le support aux discours « tiers-mondistes » qui expliquent assez paresseusement les rapports entre pays industrialisés et les pays du tiers-monde en terme uniquement d’exploitation (bien entendu capitaliste !).

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Séquence 1-HG00100

� Un essai d’organisation

L’apparition du Tiers-Monde sur la scène internationale peut être datée très précisément à 1955 : les guerres de Corée et d’Indochine viennent de prendre fin. C’est d’Asie que vient « le vent nouveau ».

� A Bandung, en Indonésie, 29 pays d’Afrique et surtout d’Asie tiennent une conférence en avril 1955. Quelques grands ténors du Tiers-Monde s’affirment : Nehru pour l’Inde, Soekarno pour l’Indonésie, Nasser pour l’Egypte et Zhou Enlaï pour la Chine. Même si une précédente conférence s’était tenue à New Delhi en 1947, c’est Bandung qui marque l’acte de naissance politique des « peuples de couleur ».Bandung est l’ancienne capitale de l’Indonésie devenue indépendante en 1949. La conférence est l’incarnation de l’afro-asiatisme, courant qui met en avant la communauté de destin et d’intérêt des pays asiatiques et africains. Sont présents à cette conférence seulement 29 Etats afro-asiatiques parmi lesquels l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie, la Chine populaire, le Nord Vietnam, la Libye et l’Egypte ; ce faible nombre s’explique aisément car si la décolonisation de l’Asie est largement entamée, ce n’est pas le cas en Afrique. Tout autant que les présents, comptent les absents : les Etats-Unis, l’URSS et les Etats européens. Dans un contexte de guerre froide, atténuée par la « coexistence pacifique », les pays du Tiers Monde réunis à Bandung cherchent confusément une « troisième voie ».Les pays présents à cette conférence réclament unanimement la fin du colonialisme, en effet l’Afri-que est toujours sous la sujétion coloniale, au nom des droits de l’homme et de la Charte des Nations Unies c’est-à-dire pour l’essentiel du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Ils rejettent le racisme, l’ingérence des puissances extérieures qu’elles soient européennes ou des deux supergrands, Etats-Unis et URSS ; ils mettent en avant un certain neutralisme.A court terme, Bandung eut un écho considérable. Il joua un rôle d’amplificateur aux revendica-tions d’émancipation ; il contribua à mobiliser ces nouvelles nations pour investir l’ONU, l’orienter et s’en servir comme tribune. Le mouvement des non-alignés découle assez directement de Bandung. Néanmoins, quant au fond, sur le respect du droit international, sur la coopération économique, il eut un impact bien faible.

� Un coup d’éclat Suez 56.

Suez, en 1956 succède aux discours de Bandung. Nous ne reviendrons pas sur le détail des faits et son impact géopolitique à échelle mondiale qui relève plus des relations internationales. Depuis deux ans, Nasser a pris le pouvoir en Egypte ; par son charisme, il s’impose comme le leader de la Ligue Arabe et s’illustre à Bandung. Pour financer un vaste programme de modernisation et de développement, il nationalise le canal de Suez, possession franco-britannique. C’est l’occasion de chasser les deux puissances coloniales et de restaurer le nationalisme égyptien comme le panarabisme. On le sait, les Français et Britanniques accompagnés des Israéliens entreprennent une action militaire pour recouvrer le canal et ces 3 pays, bien que vainqueurs militairement doivent partir faute du soutien américain et face à la menace nucléaire soviétique. Suez redonne aux Arabes leur fierté et affaiblit les deux grandes puissances coloniales d’alors. En jouant les allées et venues entre supergrands, les pays du Tiers-Monde, ici l’Egypte, prennent conscience qu’ils peuvent sinon influer du moins conquérir leur autonomie dans les relations internationales .

� La création de l’OPEP en 1960 ressemble à bien des égards au « coup de Suez ». Elle participe du même postulat tiers-mondiste, recevable en partie seulement, selon lequel c’est la colonisation ou son avatar le colonialisme qui explique et génère le sous-développement et les difficultés économiques des pays du Tiers-Monde.

En août 1960, les grandes compagnies pétrolières, anglo-américaines, décident de baisser le prix du pétrole. Ne profitant pas de la rente pétrolière, des Etats producteurs décident de créer en septem-bre 1960 l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) : Venezuela, Irak, Iran, Koweït, Qatar, Arabie Saoudite puis Algérie, Libye, Nigeria. L’OPEP a un double objectif : augmenter les royalties pour les pays producteurs et nationaliser la production ainsi de l’Irak en 1972.

Par l’arme économique, certains pays du Tiers-Monde peuvent se faire entendre mais ce n’est là qu’une minorité et une action isolée.

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Séquence 1-HG00 101

� Le Tiers-Monde : acteur ou plutôt enjeu des relations internationales ?

� Bandung initie une troisième voie diplomatique, le neutralisme à l’égard des 2 grands. De cette impulsion naquit le « mouvement des non-alignés », tentative pour peser sur les Relations Internationales sans en être l’objet. Le moins que l’on puisse en dire, c’est que ce fut là un échec. Voyons en quoi.

Dès 1956, Tito (pour la Yougoslavie), Nasser et Nehru se réunissent pour relancer les principes du neutralisme entrevus à Bandung. C’est à Belgrade en 1961 que naît officiellement le mouvement des non-alignés. 25 pays sont présents à cette conférence. Sont réaffirmés de grands principes comme le rejet des deux blocs, soviétique et américain, du colonialisme ou plutôt du « néo-colonialisme ». On prévoit ensuite une périodicité de 3 ans pour les sommets des non-alignés : 1964 au Caire, 1970 à Lusaka, 1973 à Alger.

Malgré ces beaux principes, le « mouvement des non-alignés » est l’exemple d’une illusion, en effet nombre de ces Etats membres ou fondateurs sont de facto dans la sphère communiste sinon soviétique : la Chine Populaire, la Yougoslavie en dissidence avec la mère patrie, et plus clairement Cuba ! Le mouvement des non-alignés est nettement anti-américain, son neutralisme n’est que de façade. Pire, il est rongé de l’intérieur, car ses Etats - membres se disputent parfois les mêmes territoires.

� Son échec politique est criant, néanmoins comme à Alger en 1973, c’est une tribune qui soulève des problèmes de fond, comme celui de l’ordre économique mondial.

Les pays du Tiers-Monde sont aussi appelés à l’époque « pays sous-développés » ; cette dénomina-tion toujours « européocentriste » sinon « occidentalo-centrée » traduit néanmoins une réalité économique indéniable : le fossé entre pays développés et pays en voie de développement ne cesse pas de se renforcer, déjà dans un rapport de 1 à 60 en 1964 au sujet de la richesse (proportion de l’écart entre le pays le plus riche et le pays le plus pauvre). Fort accroissement démogra-phique, exportations quasi exclusives de matières premières restent des caractéristiques communes aux pays du Tiers-Monde, or aucun décollage économique n’est repérable à l’horizon. Ces pays prennent conscience de la priorité des questions économiques et notamment de la dégradation des termes de l’échange (rapports entre la valeur des exportations – matières premières – et la valeur des importations – produits industriels –) : l’inflation renchérit les produits importés alors que le cours des matières premières exportées baisse.

Face à cet échange inégal, le Tiers-Monde s’organise pour peser sur l’organisation du commerce international. Ce sera l’objet des CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), dont la première se tint en 1964 à Genève. 120 pays sont représentés dont 77 pays en voie de développement. Assez rapidement, la conférence s’enlise : la France propose une fixation des prix et la création d’un fonds d’aide au développement, à l’inverse les Anglais et Américains refusent toute remise en cause du libéralisme économique. Pour dépasser cet échec, les 77 s’unissent et portent leurs réclamations dans une conférence à Alger en 1967 : « la gravité du problème requiert d’urgence l’adoption d’une stratégie globale du développement ». Rien de bien concret ! Les CNUCED s’institutionnalisent comme organisme permanent de l’ONU ; la seconde se tient à New Delhi en 1968, la 3e au Chili en 1972. Rien de décisif n’en ressort.

D’où l’exigence formulée à Alger lors du sommet des « non-alignés » en 1973 de mettre en place un « nouvel ordre économique international », le NOEI. Cette demande est relayée par une décla-ration de l’assemblée générale de l’ONU en mai 1974 qui rappelle le nécessité de « rapports justes et équitables entre les prix des matières premières, des produits primaires… exportés par les pays en voie de développement et les prix… des biens… et matériel importés par eux ».

Ces paroles resteront lettre-morte ; la crise vient d’éclater en 1973 et ruine les espérances des PVD (Pays en voie de développement).

� L’échec des Pays du Tiers-Monde à peser sur les relations économiques internationales, flagrant dès le milieu des années 1960 a suscité localement l’éclosion de mouvements révolutionnaires, notamment en Amérique Latine. Ernesto « CHE GUEVARA » en est le héros, lui qui voulait semer la guérilla contre les « forces impérialistes » en Afrique, en Bolivie … Sa figure christique, de révolution-naire romantique, a entretenu l’illusion d’une solution par la révolution aux problèmes du Tiers-Monde. La mort du Che en 1967 signe le glas des espérances révolutionnaires.

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D La fin du Tiers-Monde et l’émergence des « Suds »

� Une unité factice, des intérêts différents

� Les problèmes économiques ont pris le dessus sur les aspects politiques. L’année 1973 est sur ce point l’année cruciale, elle révèle crûment les intérêts antagonistes au sein même des pays du Tiers-Monde. L’OPEP, essentiellement les pays arabes producteurs de pétrole, décide les 16 et 17 novembre 1973, en pleine guerre israélo-arabe d’augmenter le prix du baril de pétrole par quatre. C’est le détonateur de la crise. Les pays développés sont gravement touchés : forte inflation, explosion du chômage. L’utilisation de l’armé économique pour faire pression sur les Etats-Unis a fonctionné. Or, on oublie un peu vite que les pays du Tiers-Monde ont également et pour certains plus durement subi la crise économique.

Le choc pétrolier enrichit les Etats pétroliers du Moyen et Proche-Orient, pays faiblement peuplé pour certains, ainsi l’Arabie Saoudite augmente sa richesse de 2 fois et demie dans l’année qui suit le choc. Mais tous les pays du Tiers-Monde ne sont pas exportateurs de pétrole, nombre d’entre eux sont aussi dépendants des importations énergétiques. La facture pétrolière s’avère trop lourde, les pays du Tiers-monde s’enfoncent dans la crise et commence le cycle infernal de la dette. Quelques pays, comme le Nigeria, disposent bien de gisements pétroliers mais ils ne réussissent guère à profiter de la manne pétrolière, privilégiant plutôt des dépenses improductives quand ce n’est pas la corruption qui engloutit les revenus pétroliers.

La crise économique fait voler en éclat l’idée de solidarité entre pays du Tiers-Monde. La notion même de Tiers-Monde perd toute signification. Les pays en développement – mieux vaut ainsi les dénommer – sont laissés à eux mêmes ; en témoigne le relatif échec du som-met de Cancun (Mexique) en octobre 1981 où étaient promises des négociations entre pays développés et pays en développement.

� On pourrait trouver un seul contre-exemple à la césure économique NORD-SUD qui commence à se durcir : les accords CEE-ACP. En 1975, par les accords de LOME I, la Communauté Européenne signe un accord de commerce privilégié avec 35 pays ACP (= Afrique, Caraïbes, Pacifique). Ces accords sont renouvelés en 1979 : Lomé II, étendus à 58 pays ; ils prévoient des aides finan-cières, un accès facilité au marché européen et un certaine stabilisation des prix des produits exportés vers l’Europe, essentiellement des matières premières agricoles. Ils continuent de nos jours, renouvelés en 2000, et concernent 71 Etats ACP.

� Si, à échelle mondiale, l’idée de Tiers-Monde perd toute efficacité et signification, n’en demeu-rent pas moins des tentatives d’organisation locale, parfois antérieure à 1973. En Afrique, l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) dont le but était de veiller à la paix et au respect des frontières avait fait preuve de son échec aussi d’autres organisations africaines ont vu le jour : l’OCAMM (Organisation commune africaine, malgache et mauricienne) francophone et sa rivale, le Groupe de Casablanca (réunissant des pays islamiques : Maroc, Ghana, Guinée, Mali…). En Asie, on assiste à l’apparition en 1967 de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) afin d’organiser l’essor économique de cette région.

� Des « Suds » : les obstacles communs du mal développement

Au-delà des divergences d’intérêts économique et politique qui nous interdisent d’utiliser désormais le vocable « tiers-monde », il existe néanmoins des critères communs et bien qu’ils ne se retrouvent pas dans tous les pays en développement, fréquents, ils caractérisent les pays du Sud.

� Ces obstacles sont d’abord politiques :

Les PED ont pour la plupart hérité de la notion d’Etat, forgée par les anciens colonisateurs, ainsi que de frontières. Or très souvent, ces frontières sont artificielles en ce sens qu’elles ne correspondent à aucune réalité ethnique ou économique. Nombre de PED sont multiethniques. Ces pays, surtout en Afrique, avec l’OUA, pour s’affirmer ont rappelé l’intangibilité des frontières. Certaines ethnies minoritaires ont souhaité accéder à l’indépendance, il en a résulté nombre de conflits dont le plus

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Séquence 1-HG00 103

célèbre est celui du Biafra, région des Ibos chrétiens à l’Est du Nigeria – pays à dominante musulmane – qui proclama son indépendance en mai 1967. Les autorités nigérianes déclenchèrent une guerre qui dura 3 ans et permit d’écraser le mouvement sécessionniste. A l’inverse, l’Erythrée a acquis son indépendance après une guerre de 30 ans contre l’Ethiopie en 1993 ainsi que le Timor oriental en 2002, après que l’ONU y a envoyé une force militaire pour empêcher toute reconquête indonésienne. Des conflits persistent : au Cachemire, revendiqué par l’Inde et le Pakistan, au Sri Lanka où les Tamouls luttent toujours pour faire sécession.

Les troubles ne se développent pas seulement sur des querelles de frontières. On a vu se multiplier les guerres civiles pour des motifs très divers. En Afrique, c’est autour de l’ethnicisme c’est-à-dire la volonté de domination exclusive d’une ethnie, d’un groupe de population sur les autres composantes nationales. Le cas type s’est produit au Rwanda en 1994 quand d’avril à juin, les Hutus ont massacré près de 500 000 Tutsis. Sans encore atteindre la proportion du génocide rwandais, le cas du Congo-Zaïre ou Congo-Kinshasa s’en rapproche, pays dans lequel les troubles persistent, où les affrontements inter-ethniques sont monnaie courante. Le Soudan est un autre exemple de ces guerres ethniques : le sud chrétien et animiste a subi une véritable politique d’extermination par la faim menée par le nord musulman avant qu’un droit à l’autodétermination n’intervienne en 2002. Dans les pays islamiques, c’est la menace islamiste qui se précise depuis 25 ans. On pourra définir l’islamisme comme un projet politique totalitaire de fondamentalistes religieux musulmans dans lequel la Charia – Loi Islamique – gère toute la vie quotidienne. L’islamisme en Algérie a conduit depuis 1992 à une véritable mise à sac du pays, ravagé par le terrorisme.

De fait, alors qu’au Nord on assiste depuis la chute de l’Union Soviétique à un certain – et relatif – désarmement ; au Sud, c’est l’inverse qui se produit avec une course aux armements, à l’arme atomique, obtenue en Inde (1974), en Afrique du Sud(1979), au Pakistan (1998), en cours en Iran et en Corée du Nord.

La violence politique se trouve souvent à la tête de l’Etat. Depuis la décolonisation, les coups d’Etat sont nombreux, surtout en Afrique. Prenons l’exemple du Congo-Kinshasa. Depuis la prise de pouvoir de Mobutu en 1965, la dictature continue. Ce militaire a été chassé en 1997 par Laurent Désiré Kabila, chef des rebelles ; ce dernier disparaît en 2001 dans un attentat… Trop souvent, le pouvoir politique dans les PED est confisqué par les militaires, un groupe ethnique ou un parti : Parti Baas en Irak jusqu’en 2003, Parti Communiste en Chine ou au Vietnam, en Corée du Nord… Ce constat négatif doit cependant être nuancé. La démocratisation a spectaculairement progressé en Amérique Latine dans les années 80, démocratie établie en 1983 en Argentine, en 1985 au Brésil (à l’exception de Cuba) et en Afrique australe dans les années 90 (à l’exception du Zimbabwe).

� Ces obstacles sont également de nature socio-économique :

Les PED doivent faire face à deux grands défis :

– l’endettement, évalué à 2000 milliards de $ en 1995 qui asphyxie les économies africaines ou asiatiques. Les remises de dettes partielles accordées (G7 de Lyon en 2000) n’effacent pas le problème. Les PED tentent de s’organiser pour exiger l’ouverture des marchés des pays du Nord comme le G21 (groupe de 21 pays en développement) qui ont réussi à faire échouer les négo-ciations de l’OMC à Cancun sur les produits agricoles en 2003 par leur opposition.

– l’explosion démographique . Le Sud c’est 1/4 des richesses mondiales pour 3/4 de la popu-lation mondiale. Il y a là un déséquilibre caricatural qui explique l’accroissement des migra-tions Sud-Nord. L’effort de scolarisation est énorme à accomplir pour une population très jeune ; et quand la population se qualifie, très souvent elle migre vers des postes mieux rémunérés dans les pays du Nord.

Il existe enfin des obstacles communs avec les pays développés mais particulièrement aigus dans les PED :

La crise urbaine. Les villes des PED, en tout cas les capitales, et en de plus rares cas des métropoles régionales, sont devenues géantes comme Le Caire, Lagos, Mexico, Sao Paulo, Bombay… Ces villes expriment tous les contrastes sociaux des PED : quartiers modernes financiers ou résidentiels aisés s’opposant à d’infinis bidonvilles, précaires et illégaux.

Les atteintes à l’environnement sont spectaculaires et notamment la destruction des forêts primaires au Gabon, en Indonésie et surtout en Amazonie.

On n’oubliera pas non plus la corruption.

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Séquence 1-HG00104

� Une inégale insertion au processus de mondialisation

La fracture Nord-Sud balafre notre planète mais nous ne pouvons pas nous en tenir à ce constat trop simplificateur. Depuis 1973, les PED se singularisent les uns par rapport aux autres.

Il est possible de faire des regroupements régionaux :

L’Asie

Elle donne l’impression de sortir du mal développement. Les anciens NPI d’Asie : Corée du Sud, Taiwan, Singapour sont depuis près de 20 ans considérés comme des pays du Nord. La Chine, dans l’OMC depuis 2001, à l’instar de l’Asie pacifique, connaît des taux de croissance sans égal par ailleurs. L’Asie a su s’insérer dans le commerce mondial, en utilisant d’abord l’abondance et le côté bon-marché de sa main d’œuvre. Jusqu’en 1997, on pouvait parler de « prospérité économique » pour cette zone, quand les « Tigres » (Malaisie, Thaïlande, Indonésie, Philippines) s’industrialisaient, prenant le relais des 4 NPI. La crise de 1997 a révélé la fragilité de l’essor économique pour ces derniers.

L’Amérique latine

Elle s’est également insérée dans les échanges mondiaux mais les progrès ne sont pas aussi spectacu-laires qu’en Asie. Globalement, la richesse y progresse mais les écarts sociaux sont caricaturaux. Les tentatives d’organisations régionales comme le MERCOSUR ne sont pas convaincantes pour l’instant ; ces pays restent très dépendants des institutions financières internationales comme le FMI et la Banque Mondiale comme l’a montrée le naufrage de l’Argentine en 2001-2002. Des maux plus spécifiques persistent et gangrènent sinon la société du moins l ‘économie et la politique comme le trafic de drogue, spectaculaire en Colombie.

L’Afrique subsaharienne

Elle donne l’impression depuis 25 ans de s’enfoncer dans le mal développement. C’est un terri-toire délaissé, qui ne réalise qu’à peine 3% de la richesse mondiale. Elle cumule presque tous les obstacles au développement vus précédemment, et ce n’est pas par hasard si on y localise la plupart des Pays Les Moins Avancés (PMA) du monde. Endettement, guerre, corruption, pandé-mies… La situation de l’Afrique est très préoccupante.

Le monde islamique

Il présente en fait une grande diversité. Les monarchies pétrolières d’Arabie côtoient des PMA comme l’Afghanistan. Aujourd’hui, plus que les contrastes de richesse, c’est le péril de l’isla-misme qui pointe et pourrait être mortel à tout processus de développement : en Afghanistan de 1996 à 2002 ; en Iran de 1979 à nos jours, en Algérie depuis 1988.

A travers cette étude du Sud, on perçoit bien que les difficultés économiques et sociales des PED persis-tent. Une tentative partielle de réponse a été proposée : les politiques de coopération ou d’aide au développement dont la France dans le cadre de la francophonie a été un leader. On a vu les accords de Lomé entre les pays ACP et l’Union Européenne, régulièrement reconduits depuis 1975. Cette aide au développement a été fortement critiquée comme étant « néocolonialiste », entretenant la dépendance, technique, culturelle … des PED de même que l’est de plus en plus la main mise sur les économies défaillantes des PED du FMI et de la Banque Mondiale dans le but, officiel, de restreindre la dette.

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Séquence 1-HG00 105

ontenu du chapitre 4

A la recherche d’un nouvel ordre mondial depuis les années 1970

Problématique :Le nouvel ordre mondial naissant signifie-t-il la fin des conflits ou un désordre généralisé ?

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

Introduction Nouvel ordre mondial

A Un monde déstabilisé : 1973-1985

� Un réalignement des deux Grands dans le monde

� La « guerre fraîche » ou le retour de la tension américano-soviétique

� Une révolution islamique qui déstabilise les relations internationales

a. Comment est née la Révolution islamique ?

b. La révolution iranienne en 1979

c. L’impact de l’islamisme sur l’équilibre géopolitique du monde musulman

Accords de Camp David – Khmers rouges – révolution castriste – invasion de l’Afghanistan.

IDS – affaire des euromissiles – guerre des Malouines – ANC.

Islamisme – Frères musulmans – chi’ites – sunnites – Irak - Liban.

Perse – Shah – mollah – SAVAK – imam – ayatollah – Khomeiny – République islamique.

Panarabisme – « grand satan » – oumma – jihad – charia – wahhabisme – Arabie Saoudite – islamisation – guerre Iran-Irak.

Analyser un article de presse : repérer l’objectif du journaliste et ses arguments pour convaincre le lecteur.

Etudier une caricature : analyser la composition et interpréter le dessin et souligner la portée du document.

Comprendre une affiche de propagande : identifier les personnages, saisir le message et analyser les méthodes utilisées.

Exploiter une carte géopolitique : extraire et classer différents types d’informations.

B La fin du système bipolaire : 1985-1991

� Vers la fin de l’affrontement Est-Ouest

� L’URSS s’effondre et l’Europe change de visage

� Un renouveau de l’Onu ?

� L’émergence d’un nouveau « désordre international »

Traité de désarmement START.

Indépendance des républiques soviétiques – CEI.

Casques bleus – ONG.

Terrorisme – Intifada – première Guerre du Golfe.

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Séquence 1-HG00106

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

C A la recherche d’un nouvel ordre mondial : 1991-2004…

� Un monde régi par la « pax americana » ?

� Des foyers de tension multiples : les brasiers de la planète

� De l’islamisme au terrorisme

� Les attentats du 11 septembre 2001 ont-ils changé le monde ?

Guerre de Tchétchénie – « pax americana » – théorie des « 3 sphères ».

« purification ethnique » – guerre de Bosnie – Accords de Dayton – guerre du Kosovo – Génocide du Rwanda – FIS.

Réseau Al Qaida – Ben Laden.

World Trade Center – guerre d’Afghanistan – 2e guerre du Golfe.

Lire une carte politique : extraire et interpréter différents types d’informations.

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Séquence 1-HG00 107

À la recherche d’un nouvel ordre mondial depuis les années 1970

Le début des années 1990 représente un tournant essentiel dans les relations internationales. Les bases sur lesquelles repose le monde depuis 1945 s’ébranlent : l’URSS s’effondre, le communisme

commence à sombrer, la carte politique de l’Europe centrale et orientale est redessinée…

Ces changements géopolitiques majeurs conduisent en 1991, au lendemain de la victoire des forces coali-sées contre l’Irak, le président américain George Bush à utiliser dans un discours l’expression de « NOUVEL ORDRE MONDIAL ». Il annonce une nouvelle ère de paix fondée sur le respect des droits des peuples et des personnes et sur la collaboration des nations libres au sein de l’Onu.

Les treize dernières années avec leur cortège de conflits sanglants (une cinquantaine de guerres sont en cours dans le monde actuellement), l’existence de plus de 50 millions de réfugiés, les critiques de plus en plus virulentes à l’égard des Etats-Unis « gendarmes » du monde et la crise de crédibilité de l’Onu semblent contredire l’existence de cet équilibre international.

Déjà le milieu des années 1970 marque une rupture : le monde entre dans une période plus désordonnée et relativement moins structurée que la guerre froide des années 1950-1960. Les effets conjugués de la guerre du Kippour, de la crise pétrolière, du désordre monétaire et du début d’une longue récession économique remettent en cause le fragile équilibre du monde. Les Etats-Unis se reti-rent des affaires mondiales et l’URSS en profite pour étendre son influence sur la planète. Le réveil de l’islamisme et des nationalismes dans les années 1980 finit de déstabiliser un monde dans lequel plus aucune région ne semble à l’abri d’une guerre.

La fin de la guerre froide en 1991 laisse une forte empreinte dans les mémoires collectives mais ne signifie pas pour autant le passage mécanique d’un système bipolaire à un système unipolaire ou même multipolaire. Nous sommes plutôt entrés dans un monde incertain marqué par une Amérique surpuissante et limitée dans son efficacité, une Europe impuissante incapable de contreba-lancer l’Amérique, une Russie empêtrée dans ses difficultés, une Asie très perturbée, une Afrique dans la détresse et Proche-Orient plus que jamais dans l’impasse.

Le nouvel ordre mondial naissant signifie t-il la fin des conflits ou un désordre généralisé ?

A Un monde déstabilisé : 1973-1985

Sur fond de crise économique, une nouvelle phase de tension entre les deux Grands dite la « guerre fraîche » (expression de Brejnev) nous rappelle que la logique d’affrontement est toujours présente. Les Etats-Unis et l’URSS ne gèrent plus ensemble les affaires du monde. Un man-que de confiance s’installe peu à peu entre les dirigeants des deux puissances qui ne se rencontrent même plus entre 1979 et 1985 !

� Un réalignement des deux Grands dans le monde

Le fait marquant reste le retrait sensible des Etats-Unis de la scène internationale. Ils ne veulent pas retomber dans un nouveau Vietnam (« no more Vietnam »). Ce repli encourage les volontés expansionnistes du monde communiste.

Au printemps 1975 l’armée nord-vietnamienne s’empare facilement du Sud Vietnam aban-donné par les Etats-Unis. Le 1er mai 1975 la télévision filme l’évacuation désordonnée des derniers Américains de Saigon. Les images de leurs hélicoptères jetés dans la mer font le tour du monde. L’Amérique essuie une terrible humiliation.

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Séquence 1-HG00108

� Hantés par cet échec, révulsés par le scandale du Watergate et marqués par la fin de leur incontestable supériorité économique et stratégique, les Etats-Unis commencent à douter d’eux-mêmes. Le retrait diplomatique est général excepté au Proche-Orient.

Le président Jimmy Carter (1976-1980), soucieux de mener une politique de défense des droits de l’Homme et de la paix, joue un rôle décisif de médiateur entre Israël et son plus puissant voisin arabe l’Egypte. Les deux ennemis de trente ans se réconcilient par les accords de Camp David (résidence présidentielle américaine du Maryland) en mars 1978. Le 26 mars 1979 le président égyptien Sadate et le Premier ministre israélien Begin signent à Washington une paix séparée. C’est la première étape historique vers le règlement du conflit israélo-arabe. Sadate est immédiatement rejeté par le monde arabe qui ne lui pardonne pas cette trahison.

Les années Carter sont aussi ponctuées de graves crises. Outre l’avancée soviétique dans le monde, ce sont les événements d’Iran qui ternissent le plus l’image de l’Amérique. En janvier 1979 le Shah d’Iran, précieux allié du Moyen-Orient, doit quitter le pouvoir (voir partie suivante). Le nouveau maître du pays l’ayatollah Khomeiny clame haut et fort son antiaméricanisme. En novembre 1979 le personnel de l’ambassade des Etats-Unis de Téhéran est retenu en otage. L’échec du raid américain lancé en avril 1980 pour le récupérer est perçu partout dans le monde comme le symbole de la faiblesse de la première puissance mondiale.

� Profitant du recul de leur adversaire, l’URSS lance une offensive tous azimuts.

Les Soviétiques renforcent leur influence sur plusieurs fronts du Tiers-Monde. Ils signent des traités avec les pays les plus lointains et leur apportent une aide économique et militaire. Ils agissent le plus souvent à couvert en utilisant des alliés communistes (le Vietnam et Cuba).

La péninsule indochinoise devient entièrement communiste.

Le Vietnam unifié depuis 1975 est le fidèle allié de Moscou en Asie du Sud-Est. Il voudrait bien mettre la main sur l’ancienne Indochine française se protégeant de la sorte de son puissant voisin chinois qui a toujours eu des vues sur cette région. En 1975 toute la péninsule indochinoise bascule dans le communisme : le Pathet-Lao (mouvement nationaliste de gauche fondé en 1950) prend le pouvoir au Laos et les Khmers rouges font de même au Cambodge. Mais la théorie des dominos ne se vérifie pas. La Thaïlande résiste et constitue en 1977, la même année que la dissolution de l’OTASE, l’ASEAN (Association of South East Asian Nations). Cet organisme de coopération économique et politique a pour règle le neutralisme.

Le désordre continue dans l’ex-Indochine. Le Cambodge se coupe du monde et impose une dictature sanguinaire. Les Khmers rouges communistes se livrent de 1975 à 1979 à un génocide qui fait autour de trois millions de morts soit un quart de la population totale du pays !

- Une autre proie tentante pour les Soviétiques est l’Afrique.

Jusqu’au milieu des années 1970 elle est restée en grande partie à l’écart de la confrontation Est-Ouest. Elle devient dès lors victime des grandes puissances, des famines et des conflits intereth-niques affaiblissant les Etats (la plupart du temps l’ethnie au pouvoir qui favorise les siens doit lutter contre les rebelles d’autres ethnies). Au final l’Afrique va connaître une détresse plus profonde que du temps de la colonisation.

Quel est donc l’enjeu de ce continent ?– il commence à intéresser les pays développés car certains Etats possèdent d’immenses ressources

minières. Au total l’Afrique c’est 75 % des diamants, 70 % de l’or et du cobalt, 50 % du platine, 35 % du manganèse et 20 % de l’uranium mondial.

– sa maîtrise permettrait le contrôle de la route vitale du cap de Bonne-Espérance par où passent les supertankers transportant 60 % du pétrole européen et 30 % du pétrole américain.

La nouveauté politique est donc l’arrivée des Etats communistes : l’URSS, Cuba et la Chine.

Moscou envoie des instructeurs militaires en Namibie et en Rhodésie, s’implante en Somalie (1969) et en Ethiopie (1976) après la chute de l’empereur Hailé Sélassié. En Angola et au Mozambique, indépen-dants depuis 1974, les soldats cubains équipés avec du matériel soviétique permettent au FRELIMO (Organisation armée du front de libération du Mozambique) et à l’UNITA (Union Nationale pour l’In-dépendance totale de l’Angola) de triompher. On retrouve les Cubains en Tanzanie, au Congo et au Sierra Leone au point de devenir la principale puissance étrangère du continent noir.

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Séquence 1-HG00 109

En quelques années l’influence soviétique a accompli des progrès considérables : l’Angola et l’Ethiopie sont membres du COMECON, le Mozambique, le Congo et le Bénin sont des places fortes tandis que de bonnes relations sont établies avec l’Algérie et la Libye.

- L’URSS enregistre également des succès en Amérique Latine.

Ce sous-continent, largement indépendant depuis les années 1820-1830, se caractérise par la faiblesse de la démocratie, des écarts de richesse considérables entre les habitants et de structures économiques fragiles. Ceci explique en grande partie la multiplication des guérillas d’inspiration marxiste.

Les Etats-Unis doivent à l’évidence admettre que ce n’est plus leur chasse gardée. Pourtant ils ont autoritairement repris la région en main au début des années 1970. En 1973 la CIA favorise le coup d’Etat qui renverse au Chili le président socialiste Salvador Allende. Une junte militaire dirigée par le général Pinochet prend le pouvoir et lance une féroce répression (exécution de 2 000 officiers, assassinat de 50 000 opposants politiques et incarcération de 90 000 personnes dans les prisons de la DINA, la police politique). Pendant longtemps le Chili va être l’archétype de la dictature militaire sud-américaine.

D’autres régimes autoritaires s’installent en Uruguay, en Argentine et au Brésil. Même si ces Etats ne sont pas soutenus par Carter, il n’en reste pas moins qu’ils constituent de solides rem-parts contre l’extension du communisme (synonyme en ces lieux de partage des terres).

C’est surtout en Amérique centrale que la domination états-unienne est rejetée.

Castro est plus que jamais exportateur de la révolution marxiste-léniniste dans la région des Caraïbes où les derniers Etats du continent accèdent à l’indépendance (Jamaïque, Barbade, Bahamas, Grenade…). Il y fait figure de héros anti-impérialiste. Pourtant dans son île le régime se durcit en 1975 avec un encadrement étroit de la population par la police et l’armée, par l’extension du « travail obligatoire » et par la dénonciation des suspects. L’industrialisation et l’agriculture sont des échecs. Cuba serait asphyxiée si l’URSS n’achetait pas chaque année son sucre très au-dessus des cours mondiaux.

La révolution castriste continue donc à défier le Pentagone en soutenant les révoltes des guérilleros du Guatemala, du Nicaragua et du Salvador.

En juillet 1979 le Nicaragua tombent aux mains des révolutionnaires du Front Sandiniste (du nom de Sandino qui s’est soulevé avec succès contre une intervention américaine en 1933) qui renversent le dictateur haï Somoza. C’est la naissance d’un second Etat marxiste sous le nez des Etats-Unis et de surcroît proche du canal de Panama.

- La guerre en Afghanistan reste l’événement le plus lourd de conséquences pour la paix mondiale.

A la fin des années 1970, l’Afghanistan est un pays « archaïque » depuis toujours tampon entre la Russie et l’Inde. En 1978 un coup d’Etat militaire renverse la monarchie et met en place un gouvernement prosoviétique. A Kaboul des groupes communistes se succèdent pendant plusieurs mois manipulés par Moscou ou par Pékin. A l’automne 1979 la rébellion anticommuniste se généralise dans le pays. L’URSS, prétextant un soutien idéologique au pouvoir communiste en place, décide le 27 décembre 1979 d’envoyer en Afghanistan plusieurs dizaines de milliers de soldats et maté-riel de destruction militaire considérable. C’est une application de la doctrine Brejnev consistant à empêcher un pays entré dans le camp socialiste d’en sortir. Cette invasion obéit aussi à un vieux rêve de l’époque des tsars : obtenir un débouché sur une mer chaude.

Sur le terrain la résistance afghane s’organise dans les montagnes. Le conflit s’enlise portant un coup d’arrêt imprévu à l’expansion soviétique.

L’URSS menace en fin de compte plusieurs intérêts vitaux du bloc occidental : la réserve pétrolière moyen-orientale, les richesses minérales d’Afrique australe et les grandes routes maritimes de la région.

� La « guerre fraîche » : le retour de la tension américano-soviétique

L’opinion mondiale réagit mollement face à l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge. Les Etats-Unis décrètent l’embargo des ventes de céréales et des équipements de hautes technologies à l’URSS

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et symboliquement ils refusent de participer aux Jeux Olympiques de 1980 à Moscou. Mais pris par l’affaire d’Iran ils n’interviennent pas directement.

Pourtant la réaction américaine ne tarde pas à se faire sentir. Déjà à la fin de son mandat, Carter modifie sa politique. Toute tentative de mainmise sur le golfe Persique est désormais considérée comme une atteinte contre les intérêts américains (et pour cause en 1970 les Etats-Unis importent 20 % de leur pétrole des pays arabes et en 1977 ce chiffre passe à 46 %). C’est l’élection de Reagan qui marque incontestablement le retour de l’Amérique sur le devant de la scène internationale. Les Etats-Unis durcissent leur politique à l’égard de l’URSS.

Première priorité

Redéployer les forces militaires américaines :– les accords de SALT 2 signés à Vienne, prolongeant les accords SALT 1 sur la limitation des rampes

de lancement de missiles nucléaires, ne sont pas ratifiés (confirmés) par le Congrès américain. Les négociations SALT 3 qui prennent en compte les missiles nucléaires installés en Europe sont quant à elles ajournées

– plus grave est l’affaire des euromissiles. En décembre 1979 les Etats-Unis décident d’implanter en Europe occidentale en dix ans 108 fusées Pershing et 464 fusées Cruise. Ils répliquent ainsi à l’installation depuis 1977 des fusées de moyenne portée SS 20 soviétiques (à 3 têtes nucléaires de 150 kilotonnes chacune) qui menacent l’Europe de l’ouest.

Document 2

La crise des Pershing

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Questions � Identifier les personnages.

� Que veut montrer la caricature ?

� Ce sont les deux chefs d’Etat les plus puissants du monde en janvier 1984 : le président des Etats-Unis Ronald Reagan qui termine son premier mandat et le Secrétaire du PCUS Youri Andropov (il décédera le mois suivant) qui a succédé à Brejnev à la tête de l’Union soviétique en 1981 reconnaissable à son badge représentant la fossile et le marteau.

� Après le refus soviétique de l’« option zéro » (aucune fusée en Europe), proposée par les Américains en 1981, les fusées Pershing 2 sont installées en novembre 1983 en RFA, au Royaume-Uni et aux

Réponses

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Pays-Bas malgré les protestations des pacifistes. Contrairement à l’image angélique présentée dans la caricature Ronald Reagan est intraitable envers ce qu’il appelle l’« Empire du mal ». Nous sommes en janvier 1984 et depuis quelques semaines le danger nucléaire est au cœur de l’Europe.

Le budget américain de la Défense augmente de 25 % en 3 ans et Reagan annonce en mars 1983 une nouvelle étape dans la course aux armements. C’est l’IDS (Initiative de Défense Stratégique) visant à organiser un bouclier spatial pour protéger le territoire états-unien contre toute attaque nucléaire. Le projet est baptisé « guerre des étoiles » et sera opératoire en 2000. L’ampleur

du programme (26 milliards de dollars) et l’innovation technique qu’il représente remettent en question le principe de dissuasion mutuelle. L’IDS présente cependant une faiblesse de taille : il est inefficace contre les missiles de croisière volant au ras du sol et les missiles tirés des sous-marins.

Seconde priorité

Stopper l’expansion soviétique dans plusieurs régions.

� En Amérique Latine Reagan laisse la CIA mener la guerre :– elle finance les Contras (opposants au régime sandiniste). Son objectif est d’asphyxier le Nicaragua.

De leur côté les Soviétiques soutiennent le président Daniel Ortega en lui envoyant deux milliards de dollars entre 1979 à 1988.

– simultanément elle soutient la répression anticommuniste de Duarte au Salvador et multiplie les opérations clandestines au Honduras.

– en 1983 Reagan fait intervenir les Gi’s sur la petite île de Grenade devenue depuis 1979 un « relais de subversion soviético-cubaine ». Cette opération militaire symbolique, la première depuis le Vietnam, marque le redressement international des Etats-Unis.

– enfin en 1982 les Américains soutiennent les Britanniques dans la guerre des Malouines contre l’Argentine. Le seul enjeu de cet archipel est stratégique : c’est le contrôle du détroit de Drake itinéraire des sous-marins soviétiques entre l’Atlantique et le Pacifique. La Grande-Bretagne occupe les îles Malouines (ou Falkland) depuis 1833. L’Argentine les revendique depuis longtemps et en avril 1982 elle fait occuper par surprise la capitale de Port-Stanley. M. Thatcher, chef du gouvernement britannique, y envoie toute la marine anglaise qui dès juin 1982 récupère ses possessions.

� En Afghanistan Brejnev pensait que Carter le laisserait faire. Dès janvier 1980 Carter autorise la CIA à armer les résistants moudjahiddins (ceux qui combattent dans la voie du jihad) afghans. A partir de 1985 l’agence américaine, se rendant compte que la résistance est incapable de battre une armée soviétique de 120 000 hommes, se lance dans un surarmement des moudjahiddins sans aucun contrôle qui coûte trois milliards de dollars par an. Après la fin de la guerre en 1988 elle coupera tout lien avec l’Afghanistan !

� En Asie du Sud-est, les Etats-Unis bénéficient de l’aide d’un allié inattendu : la Chine.

En effet cette région devient le champ clos des rivalités sino-soviétiques. Les Chinois ont très mal pris la mise en tutelle de leur allié cambodgien par le Vietnam prosoviétique. En février 1979 s’enclenche une étrange guerre entre Pékin et Hanoi : 300 000 soldats chinois, 1 000 chars et autant d’avions et de canons franchissent la frontière nord du Vietnam. Ces forces considérables infligent une rapide défaite à leur voisin et marque l’arrêt de l’expansion vietnamienne. L’armée chinoise a seulement voulu montrer qu’elle est fort capable de s’emparer du delta du Tonkin.

La Chine s’affirme ainsi comme le gendarme de la région. Parallèlement elle entame un rappro-chement avec l’Ouest en signant un traité de paix avec le Japon en 1978 et en se faisant reconnaître officiellement par les Etats-Unis la même année. L’URSS subit une véritable alliance de revers. Il faudra attendre 1989 pour que Moscou se réconcilie avec Pékin après 30 ans de discorde.

� En Afrique les réactions occidentales sont limitées.

Les Etats-Unis soutiennent bien quelques maquis anticommunistes (Angola) ou des régimes conser-vateurs (Zaïre) mais c’est la France qui joue un rôle de police dans la région. Il faut dire que l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) est bien incapable de résoudre les conflits régionaux. Elle fonctionne comme un simple cartel de chefs d’Etat.

La France conserve des liens privilégiés avec certains Etats (Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon…) et a signé des accords militaires avec presque toutes ses anciennes colonies. Elle soutient les régimes en place comme le montre l’opération Kolwezi (cité minière du Zaïre menacée par les voisins Angolais en 1978).

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Elle n’hésite pas à intervenir militairement comme au Tchad à plusieurs reprises (1978-1980, 1983-1984 et 1986) agressé par la Libye qui convoite le nord du pays.

Reste le cas de l’Afrique du Sud. Cet Etat fédéral indépendant depuis 1910 a mis en place dans les années 1950 une politique de séparation raciale, l’Apartheid. Les 70 % de Noirs vivent à l’écart des Blancs et ne peuvent pas occuper plus de 13 % du sol ! Dans les années 1970 se développe le nationalisme noir anti-apartheid sous l’impulsion de l’African National Congress fondé en 1912. Des violences éclatent dans les cités noires comme à Soweto en 1976. Le pays est progressivement mis en quarantaine par l’ensemble des pays africains et la pression internationale sur Pretoria s’accentue. Mais les occidentaux sont sensibles aux enjeux économiques et stratégiques de l’Afrique du Sud. Cet Etat se trouve sur la route maritime du Cap et possède de riches minerais (chrome, manganèse…). Et puis dernier aspect non négligeable dans ce contexte de « guerre fraîche » ce pays est un bastion de l’anticommunisme en Afrique australe.

Au final la détente ne résiste pas à la crise économique et aux déséquilibres régionaux qu’elle a engen-drés. Les Etats déstabilisés appartiennent tous au Tiers-monde surendetté, pauvre et à forte croissance démographique. Nombre de ces pays vont se trouver fragilisés par une véritable onde de choc de la planète : le réveil islamique dont nous mesurons aujourd’hui l’importance.

� Une Révolution islamique qui déstabilise les relations internationales

La révolution islamique qui naît en Iran en 1979 est l’un des faits marquants de ce dernier quart de siècle. Par son ampleur et ses conséquences c’est un événement aussi important que la révolution bolchevique de 1917 ou la Révolution française de 1789. Pourtant les Occidentaux ont pris tardivement conscience de son importance historique.

Ayatollah

Charia

Chi’ite

Imam

Jihad

Mollah

Oumma

Sunnite

Wahhabisme

Ce petit lexique vous permettra de vous y retrouver. N’hésitez pas à vous y reporter. Dans le cours les (*) y renvoient.

Titre honorifique donné aux principaux chefs religieux de l’islam chi’ite.

Loi islamique directement inspirée du Coran et de la pratique du Prophète touchant tous les aspectes de la vie individuelle et collective des musulmans.

Partisan d’Ali dans la guerre de succession du Prophète Mahomet, comme souverain temporel et guide de la communauté musulmane.

« Modèle », guide de la prière (au sens spirituel) ou d’une communauté musulmane. Chez les chi’ites titre également donné aux 12 descendants de Mahomet pouvant lui succéder politiquement.

Désigne à la fois « l’Effort » sur soi-même ou collectivement et la volonté d’assurer la victoire de l’islam s’il est menacé.

Religieux d’un rang subalterne s’occupant de théologie (équivalent persan d’ouléma).

Communauté internationale de tous les croyants musulmans.

Celui qui suit la Sunna (la tradition) du Prophète.

Mouvement religieux, né au XVIIIe siècle, à forte rigueur morale qui veut réformer l’islam. C’est devenu la doctrine officielle de l’Arabie Saoudite.

a. Comment est née la Révolution islamique ?

L’islamisme est un ensemble complexe de mouvements qui voient dans l’islam une idéologie politique. Selon eux l’islamisation de la société passe par l’instauration d’un Etat islamique.

Dès les années 1920 les premiers théoriciens islamistes prennent en compte les concepts modernes de l’économie, de l’idéologie et des institutions et abordent les problèmes contemporains (statut de la femme, éducation, pauvreté…). Leurs mouvements, tels les Frères Musulmans créés en Egypte en 1929, recrutent parmi les intellectuels et les hauts fonctionnaires.

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C’est à la fin des année 1950 que des organisations chi’ites* commencent à préparer la révolution islamique en Irak et au Liban. La Révolution a fermenté pendant vingt ans dans ces deux Etats : l’Irak où la communauté chi’ite est née et le Liban d’où elle allait répandre sa doctrine.

Les traits distinctifs du chi’isme révolutionnaire apparaissent alors : hostilité au monde occidental, anti-impérialisme militant, volonté d’unir chi’ites et sunnites* et activisme politique et militaire de certains jeunes religieux.

Mais dès 1970 la répression anti-islamique s’aggrave en Irak et c’est le Liban qui prend le relais des revendications chi’ites. Cette terre d’asile favorise la formation de réseaux islamistes grâce à :

– la totale liberté d’édition permettant une propagande impressionnante ;– la création d’une organisation politique et militaire chi’ite (l’Amal) ; – la circulation de centaines de millions de dollars finançant un trafic d’armes avec l’Iran et la mise en

place de camps où s’entraînent les premiers fedayins iraniens.

A cette époque personne ne croit vraiment en la révolution islamique. Elle vient du pays le plus occidentalisé, le plus développé et le plus riche du Moyen-Orient : l’Iran.

b. La révolution iranienne en 1979

On peut décomposer l’événement en trois parties :

Situation de départ

L’engrenage révolutionnaire

Dans les années 1970 l’Iran est l’allié moyen-oriental privilégié des Etats-Unis. Ce pays consti-tue une solide barrière contre l’expansionnisme soviétique vers le sud et permet de surveiller le voisin irakien protégé par Moscou. L’armée iranienne, entièrement équipée par les Américains, est alors la plus nombreuse et la plus moderne de la région. L’Iran est peuplée de 40 millions de Perses (à ne pas confondre avec les Arabes) qui se réclament à 90 % de l’islam chi’ite.

L’Etat est dirigé depuis 1953 par le Shah (titre royal) Mohamed Reza. Il veut un pays laïc, moderne, militaire et industriel. Grâce aux revenus du pétrole, il pense pouvoir faire de l’Iran un « nouveau Japon » attirant les capitaux étrangers et développant les industries dans de grandes villes. Mais l’Iran à la fin des années 1970 est dans une situation explosive sur plusieurs plans :– économique : la crise, l’inflation et la montée du chômage exacerbent les inégalités sociales. – social et culturel : la capitale Téhéran reçoit des flots de ruraux déçus par une réforme agraire qui

ne fonctionne pas. L’essor de l’enseignement a créé une classe d’intellectuels critiques à l’égard du monarque et déplorant l’abandon des valeurs nationales au profit des produits d’importation (vête-ments occidentaux, musique et cinéma américains…). Les mollahs* n’acceptent pas qu’on leur ait retiré l’enseignement, la justice et le notariat et qu’ils aient été dépossédés de leurs terres.

– politique : l’Iran est devenue une dictature impopulaire et corrompue avec des élections parlementaires truquées, une interdiction des partis politiques et des syndicats, une répression contre la gauche et les libéraux par la SAVAK (puissante police politique dépendant directement du Shah).

Comment en quelques mois la monarchie iranienne se transforme t-elle en une dictature religieuse après 50 ans de laïcisation ?

Les mosquées deviennent les lieux obligés de la résistance car elles échappent au contrôle de la police. Les imams* réclament les libertés et les élections libres ; ils encouragent des soulèvements dans les principales villes. Les oulémas prennent la tête des manifestations et le peuple découvre la force de leurs rassemblements. On y entend de plus en plus souvent cité le nom de Khomeiny dont presque personne ne connaît les idées politiques. Cet ayatollah* exilé depuis quatorze ans refuse la monarchie parlementaire et veut créer en Iran un Etat islamique.

Le cycle manifestation-répression s’enclenche. Le 8 septembre 1978 une manifestation se solde par plusieurs centaines de morts à Téhéran. La loi martiale et le couvre-feu sont décrétés. Des grèves sporadiques et des fermetures de bazars se généralisent. Puis ce sont les administrations et le secteur pétrolier qui sont paralysés. Tous les investissements sont gelés et la pénurie s’installe.

Les messages de Khomeiny, installé depuis octobre 1979 en France, parviennent au monde entier habilement traduits dans des termes proches de ceux des droits de l’Homme. Le 10 décembre un million de personnes défilent dans le pays. L’armée n’intervient pas. Le changement de régime paraît inévitable.

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Le changement de régime politique a lieu en janvier 1979 : le Shah abdique et fuit en Egypte. Le 1er février Khomeiny fait une entrée triomphale à Téhéran et le 11 février 1979 c’est l’insurrection. En 24 heures toutes les casernes sont aux mains des milices et des comités révolutionnaires qui n’obéissent à aucune autorité. Pendant les mois qui suivent les religieux reprennent les choses en main dans les campagnes, les petites villes et les universités. Le « réseau des mosquées » diffuse les nouveaux slogans islamiques.

Parallèlement les autorités lancent une cruelle épuration (entre 4 000 et 10 000 exécutions capitales), expulsent les juifs, répriment tous les partis politiques. Ces violences sont représentées en haut à gauche de l’affiche : on y voit des personnes fouettées, d’autres pendues ou brutalisées.

Enfin la violence islamique s’ordonne autour de Khomeiny le Coran dans une main et l’autre pointant des versets coraniques. Il n’exprime aucune pitié dans la mise à mort de l’ancien chef d’Etat.

La « République islamique » est proclamée et s’ensuit une violente révolution morale : soumission totale des Iraniens au Coran, port obligatoire du tchador pour les femmes, endoctrinement des jeunes et répression de tous les partis politiques.

Khomeiny a faussement donné l’impression que le mouvement révolutionnaire permettrait aux opprimés d’établir un nouvel ordre social (appropriation des terres et des usines). Il s’est en même temps rallié les bourgeois et les intellectuels attachés à l’islam libéral (l’homme est légitimement propriétaire de ce qu’il a acquis par son effort individuel) en garantissant la propriété privée.

c. L’impact de l’islamisme sur l’équilibre géopolitique du monde musulman

La révolution islamique iranienne contient en germe tous les éléments du renouveau intégriste de l’islam : les causes, le message et les destinataires.

Les CAUSES de l’épanouissement islamique sont à la fois fruit des faillites des idéologies antérieures et expression des problèmes du Tiers-monde :– Echec du panarabisme. Il s’agit du vieux rêve de l’unité arabe né pendant la Première Guerre

mondiale au Maghreb et au Proche-Orient. Il est dominant dans les années 1950. Mais ce projet révolutionnaire se brise rapidement au sein de la Ligue arabe (créée en 1945) pour plusieurs raisons : oppositions doctrinales entre régimes progressistes et monarchies conservatrices, féroces compétitions pour le pouvoir au sein de la Ligue entre les dirigeants et rivalités entre les pays producteurs de pétrole et les autres. Au début des années 1980 le nationalisme arabe est moribond.

– « Ni Est, Ni Ouest » (slogan de Khomeiny) marque le rejet des deux idéologies dominantes : le monde communiste dirigé par l’Union soviétique et le monde capitaliste incarné par l’Amérique. Le communisme est impopulaire aussi bien en Asie centrale où il s’est imposé autoritairement (Staline faisait fermer les mosquées) qu’en Algérie où l’économie socialiste a sacrifié l’agriculture pour l’in-dustrie lourde (hydrocarbures) et a considérablement appauvri la population.

Quant au « Grand Satan » occidental toutes ses valeurs sont rejetées : l’Etat-nation trop répressif, la modernité, la libération des mœurs, le triomphe de l’argent, la corruption du pouvoir et surtout cette volonté de régir les sociétés humaines par des lois rationnelles et non divines. Pour eux la séparation du religieux et du politique est impensable.

Le MESSAGE de l’islamisme est clair : l’islam doit conquérir le monde et s’affirmer comme la nouvelle puissance montante. C’est une idéologie utilisant la foi à des fins politiques à savoir la conquête du pouvoir dans tous les pays musulmans et à plus long terme la domination du monde. L’islamisme se sert des références du Coran pour attaquer les régimes en place accusés de trahison. Il veut construire l’Oumma* contre le monde occidental.

Cette forme de « guerre » proclame l’utilisation de la violence, le Jihad* et la sanctification de celui qui se sacrifiera pour cette cause (l’un des éléments qui inquiète le plus l’Occident).

Les DESTINATAIRES sont les « affamés et les opprimés ». Les frustrations sociales jouent un rôle essentiel. La misère est le meilleur allié des dirigeants islamiques qui recrutent facilement dans les quartiers populaires. Mais ils séduisent aussi les classes moyennes et la bourgeoisie (médecins, ingé-nieurs et hommes d’affaire…) marginalisées au temps de la décolonisation par les militaires ou par les dynasties au pouvoir.

La révolution islamique iranienne

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d. La révolution iranienne est-elle transposable à d’autres pays ?

� Au début des années 1980 le monde musulman est peuplé de 800 millions de fidèles (contre plus d’un milliard aujourd’hui dont 200 millions d’Arabes). Les Etats où vivent le plus de musulmans sont le Pakistan, l’Inde, le Bangladesh et l’Indonésie. Les pays dont la population est majoritairement musulmane se situent dans un arc de cercle qui va de l’Indonésie à l’Afrique de l’Ouest en pas-sant par l’Asie du sud, l’Asie centrale, le Moyen Orient et l’Afrique du nord principalement.L’Europe compte quelques communautés musulmanes (France, RFA, Angleterre, Yougoslavie). Les Chi’ites ne représentent que 10 % des musulmans : largement majoritaire en Iran ils sont minoritaires en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Turquie, en Ethiopie et en Côte d’Ivoire.

� L’audience de l’islamisme reste limité. Il concerne surtout certains pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Sur la quarantaine d’Etats où au moins la moitié de la population est musulmane :

– quatre ont des « régimes fondamentalistes » ou islamiques (Iran, Pakistan, Soudan et Mauritanie).– trois possèdent des « régimes à façade moderniste mais appliquant la charia* ou abritant une mino-

rité fondamentaliste déstabilisante ». Il s’agit de l’Arabie Saoudite, l’Afghanistan et l’Algérie. L’Arabie Saoudite est un cas à part dans le monde musulman. Concurremment à la révolution iranienne un mouvement religieux de fond moins voyant s’y est développé dans les années 1970 : le wahhabisme*. Son objectif est le retour de la stricte pratique de l’islam par la réislamisation des populations musulmanes. Il a une conception conservatrice des rapports sociaux. L’Arabie Saoudite finance dans les années 1980 tous les groupes ou partis qui sont intéressés par le wahhabisme. – à l’opposé six ont « des régimes modernistes nationalistes » (entendez laïques) avec une séparation

du religieux de la sphère publique. Ce sont l’Indonésie, l’Irak, la Syrie, la Libye, et l’Egypte. En Turquie le plus laïcisé de tous les signes d’appartenance religieuse sont interdits à l’école, dans l’administration et jusque dans certains lieux publics.

La contagion islamique reste marginale dans les foyers musulmans asiatiques et en Europe. Dans cette dernière les réseaux se heurtent à la volonté des immigrés de s’intégrer aux sociétés. De même les nations du Proche et Moyen-Orient sont contraintes d’adopter le modèle occidental pour permettre aux différentes communautés de vivre ensemble (chrétiens au Liban, Sunnites et Chiites en Syrie et en Irak). En Irak les tribus chi’ites manifestent une certaine loyauté nationale mais elles sont écartées du pouvoir militaire, politique et administratif par Saddam Hussein.

� Sa diffusion est difficile dans les territoires où le chi’isme est faiblement implanté car chez les sun-nites le clergé est traditionnellement soumis au pouvoir politique dont il dépend comme un corps de fonctionnaires.

La révolution iranienne reste donc difficilement transposable à d’autres pays : les oulémas savent parler au peuple dans leur langue, leur autorité s’impose à tous.

La révolution islamique conserve cependant une capacité de mobilisation unique au monde. En effet au cours des années 1980 l’islamisme se répand partout dans le monde musulman où il devient la référence majeure des débats sur l’avenir de la société. Il incarne une utopie d’autant plus attirante qu’elle s’oppose à des régimes précocement usés par la corruption, la faillite économique et morale, l’autoritarisme et la suppression des libertés publiques. L’islamisation concerne aussi bien les sociétés (diffusion du voile, port de la barbe, développement d’écoles religieuses…) que l’économie (industrie du vêtement, banque, action humanitaire) ou le droit (code pénal, constitution).

L’islamisme parvient à contaminer et à exacerber les conflits et les tensions :– la Libye du colonel Kadhafi (au pouvoir depuis 1969) s’aligne sur l’Iran et finance plusieurs groupes

terroristes ;– en Egypte le président Sadate est assassiné en octobre 1981 par un Frère Musulman ;– en Palestine face à l’impasse du litige territorial les fedayins se livrent à des attentats-suicides ;– au Liban une guerre civile déchire le pays depuis 1975. Aux rivalités entre chrétiens maronites (catho-

liques de rites syriens) et musulmans (druzes et chiites) viennent s’ajouter les interventions de la Syrie au nord et à l’est et d’Israël au sud du pays.

– en Algérie se développent des groupes islamistes dont le plus important est le Front Islamique du Salut.

� Surtout l’islamisme rend le Moyen-Orient belligène : il y engendre ou favorise la guerre.

Le Moyen-Orient est une expression anglaise du XIXe siècle (« Middle East ») qui désigne tout ce qui est proche du golfe Persique. Pourquoi est-ce une région si instable ?

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– les richesses considérables tirées des revenus du pétrole ont entraîné le surarmement d’Etats comme la Syrie, l’Arabie Saoudite, l’Iran et l’Irak. Les fournisseurs d’armes sont les Américains et les Soviétiques (72 %), les Français et les Britanniques (18 %)

– tous les Etats du Proche ou du Moyen-Orient (excepté le Liban) ont des visées territoriales sur au moins un de leurs voisins. Par exemple la Syrie du veut créer une grande Syrie regroupant le Liban, la Jordanie et le futur Etat de Palestine.

– la révolution islamique iranienne bouleverse le paysage politique régional. L’URSS a envahi l’Afghanistan en partie par crainte de voir l’islamisme se répandre dans ses républiques d’Asie centrale.

C’est surtout la guerre Iran-Irak (1980-1988) qui bouleverse radicalement l’équilibre du Moyen-Orient. Pourquoi ces deux pays deviennent-ils des ennemis irréductibles pendant huit ans ?

L’Irak (pays indépendant depuis 1932) voit le parti Baas accéder au pouvoir en 1968. C’est un parti très engagé en faveur de l’unité arabe, laïc, socialiste et nationaliste. Saddam Hussein, le nouvel homme fort de l’Irak depuis 1979 s’appuie sur la minorité sunnite de son pays. En face on a une Iran persane, théocratique et chiite.

Saddam Hussein s’inquiète de la déstabilisation de la région. Il voudrait bien en profiter pour récupérer toutes les eaux du Chatt al-arab (là où les deux fleuves de l’Euphrate et du Tigre se jettent dans le golfe Persique). Ce territoire est divisé depuis 1975 en deux parties attribuées à chacun des riverains. Or sur les rives orientales sont érigées 90 % des derricks iraniens et sur les rives occidentales 50 % des champs pétrolifères irakiens.

Le 22 septembre 1980 l’armée irakienne attaque l’Iran prétextant des incidents de frontières. Saddam Hussein qui croit en une guerre rapide voit ses troupes s’enliser dans les combats. Cela devient le conflit régional le plus important depuis 1945 :

– par les moyens employés (coût total 2,5 milliards de dollars !) ;– par les répercussions économiques (l’enjeu est le contrôle du détroit d’Ormuz par où transite le

pétrole de la région) ;– par les prises de position des pays arabes (Syrie et Libye du côté iranien, Arabie Saoudite du côté

irakien) et des deux Grands (les Soviétiques et les Américains vendent des armes aux Irakiens et les Etats-Unis en vendent même secrètement aux Iraniens).

Cette première guerre du golfe arabo-persique inscrit définitivement la région dans l’actualité.

B La fin du système bipolaire : 1985-1991

De 1985 à 1990 les pays industrialisés connaissent une embellie économique (progrès technologiques, essor de l’informatique, explosion des échanges…) mais la première guerre du Golfe (1990-1991) les replonge dans le marasme (flambée des prix du pétrole, baisse des marchés boursiers, aggravation du chômage…). On retient surtout de ces années l’arrivée en 1985 de Gorbatchev au pouvoir en URSS et l’effondrement de son pays six ans plus tard.

� Vers la fin de l’affrontement Est-Ouest

A partir du milieu des années 1980 les deux Grands montrent l’exemple en mettant fin à l’affronte-ment de la « guerre fraîche ». C’est l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev en URSS en 1985 qui permet de renouer le dialogue. Sa rencontre au sommet avec Reagan en novembre 1985 n’est qu’une prise de contact. La pression internationale vers le désarmement joue également un rôle dans cet apaisement des relations Est-Ouest.

� C’est à Washington le 7 décembre 1987 que pour la première fois Américains et Soviétiques aboutissent à un accord sur la destruction de tous les missiles de courte et de moyenne portée (type Pershing ou SS 20) installés en Europe. Mais cela ne concerne que 4 % des têtes atomiques. Les deux puissances maintiennent la nucléarisation de leur territoire.

Suivent plusieurs traités portant sur la réduction du nombre de soldats des forces du pacte de Varsovie en Europe, sur l’interdiction des armes chimiques, sur la diminution des forces conventionnelles (chars, artillerie, avions…).

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� Le 31 juillet 1991 le traité START (Strategic Arms Reduction Talks) signé à Moscou réduit d’un tiers l’ensemble des missiles nucléaires entre les deux Grands. Il s’agit du plus important des accords de désarmement conclus entre eux depuis 1945. En janvier 1993 le traité START II signé à Moscou entre George Bush et Boris Eltsine complètera le précédent en prévoyant la diminution de deux tiers des ogives nucléaires (mais il n’est pas encore entré en vigueur).

A la fin des années 1980 la démocratie semble progresser sur tous les continents :– en Europe le dictateur roumain Ceausescu est renversé par une révolution populaire ;– en Amérique Latine l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay ont des présidents élus au suffrage universel

tandis qu’au Chili Pinochet quitte le pouvoir en « douceur » et qu’au Paraguay le dictateur Stroessner est renversé. Une page semble se tourner.

– en Afrique l’Apartheid disparaît de la République sud-africaine ; – en Asie le régime autoritaire de Marcos prend fin aux Philippines mais il demeure de nombreuses

exceptions (écrasement en mai juin 1989 du mouvement estudiantin à Pékin, affrontements religieux sanglants entre l’Inde et le Pakistan…).

� L’année 1988 reste celle de la paix comme le prouve les quatre traités signés à Genève qui mettent fin à des conflits régionaux meurtriers :

- le 14 avril 1988 ente l’Afghanistan et l’URSS. L’Armée rouge à l’armement moderne n’a pas pu venir à bout de la résistance soutenue par le Pakistan voisin et les Etats-Unis, la Chine et les pays du Golfe. Les Moudjahiddins avec leurs missiles anti-aériens Stinger ont même fait perdre en 1987 la maîtrise du ciel aux Soviétiques. Gorbatchev veut absolument sortir de ce bourbier. En 1989 il ne restera plus un seul soldat soviétique en Afghanistan.

– le 5 août 1988 entre Cuba, l’Angola, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis. Un cessez-le-feu est accepté dans l’Angola qui n’a pas connu la paix depuis 1975. Les troupes cubaines se retirent du pays mais 2 camps continuent de s’affronter : le MPLA communiste et l’UNITA proaméricaine.

– le 8 août 1988 un cessez-le-feu met fin à huit ans de guerre entre l’Irak et l’Iran. Cette guerre a fait un million de morts et 400 milliards de dollars de dégâts. On a eu recours aux armes chimiques et le monde s’en est accommodé en armant les deux camps. La lassitude des combattants, les revers des Iraniens et la pression internationale amènent l’Irak à accepter la fin des combats.

– le 30 août 1988 le Maroc et le Front Polisario acceptent un référendum d’autodétermination sur le Sahara Occidental. Le nord de cette région riche en phosphates est convoité par le Maroc depuis les années 1960.

� D’autres conflits s’arrêtent souvent par usure : le Tchad reprend des relations normales avec la Libye, le Vietnam se retire totalement du Cambodge (1989), la Namibie accède à l’indépendance, un cessez-le-feu au Salvador survient en 1991 mettant fin à 12 ans de guerre civile (90 000 morts). Au Liban, en 1990, les accords de Taef (en Arabie Saoudite) établissent un équilibre dans les institutions politiques entre chrétiens et musulmans (le pays reste sous la domination syrienne mais la paix revient au Liban). Au Nicaragua des élections libres (sous l’égide de l’Onu) donnent la victoire à l’Union nationale opposée aux Sandinistes. Les Contras désarment.

� L’URSS s’effondre et l’Europe change de visage

En novembre 1989 c’est la chute du mur du Berlin. En trois ans l’ensemble des démocraties populaires accède à l’indépendance (voir séquence 4 chapitre 2 partie D.2).

Mais l’événement le plus retentissant dans cette partie du monde reste l’effondrement de l’URSS. Pour les circonstances de la disparition de l’Union soviétique vous vous reporterez au chapitre 2 de cette séquence partie E.1.

L’URSS se compose de 15 républiques. Elles sont situées sur le flanc occidental de la Russie et sont le résultat des conquêtes commencées sous les tsars. Elles constituent quatre ensembles géopolitiques distincts avec du nord-ouest au sud-ouest : – trois républiques Baltes annexées en 1940 (Estonie, Lettonie et Lituanie) regroupant 7,3 millions

d’habitants sur 174 000 km2 ; – trois républiques slaves (Biélorussie, Moldavie et Ukraine) rassemblant 62,7 millions d’habitants

sur 845 000 km2 ; – trois républiques caucasienne (Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan) totalisant 13,7 millions d’habitants

sur 186 000 km2 ;

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Séquence 1-HG00118

– enfin les cinq républiques musulmanes d’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizie, Tadjikistan et Turkménistan) comptant 62,7 millions d’habitants sur près de 4 millions de km2.

Les pays Baltes lancent le coup d’envoi en proclamant leur indépendance entre mars et août 1990. En fait l’implosion vient du centre : c’est Eltsine qui en proclamant la souveraineté de la Russie a vidé l’Union soviétique de son contenu. Cette démarche enclenche une réaction en chaîne (en avril c’est au tour de la Géorgie de devenir indépendante).

Finalement c’est l’échec du putsch des conservateurs communistes russes du 18 août 1991 qui précipite le processus d’indépendance ; en moins de quatre mois (du 21 août au 16 décembre 1991) les dix autres Républiques deviennent indépendantes.

L’empire soviétique ainsi « épluché » passe de 22 millions à 17 millions de km2 et sa popu-lation est presque divisée par deux (150 millions d’habitants). La Russie connaît son plus grand reflux depuis le début du XVIIIe siècle (on peut parler même parler d’un mouvement de décolonisation). Cependant l’effondrement de l’URSS ne débouche pas sur un scénario-catastrophe : ni chaos institu-tionnel, ni multiplication des conflits internes, ni graves litiges frontaliers.

A la fin de l’année 1991, les présidents slaves de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie créent une Communauté d’Etats indépendants (CEI) à laquelle d’autres Républiques adhéreront par la suite. Mais elle reste une coquille vide.

La Russie quant à elle est radicalement bouleversée : la référence au marxisme-léninisme n’existe plus tout comme l’idée d’une mission historique dans le monde. C’est la fin de près de 75 ans de commu-nisme. Le nouveau système politique, marqué par la naissance historique de la démocratie, est un régime semi-présidentiel fort. L’économie de marché fait son apparition dans un pays au bord du gouffre.

En politique étrangère la Russie participe à toutes les instances internationales et hérite du siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’Onu. A l’intérieur certaines républiques autonomes commencent à s’agiter dont la Tchétchénie.

� Un renouveau de l’Onu ?

Depuis leur création les Nations unies ont beaucoup été critiquées. L’organisation internationale divisée par la guerre froide était considérée comme un jouet entre les mains des Etats-Unis et de l’URSS qui la paralysaient par leur usage du droit de veto. Sur les 110 conflits de la guerre froide rares sont ceux dont l’Onu a favorisé le règlement ou sanctionné l’agresseur. Ces guer-res ont été soient surveillées par les deux puissances (Corée, Vietnam…), soient considérées comme des affaires intérieures ne regardant pas l’Onu (Hongrie, Tchécoslovaquie, Afghanistan…). Dans ces conditions seuls les petits conflits avaient une chance d’être réglés par l’Onu.

Au début des années 1990, l’Onu connaît toutefois un regain de crédibilité qui en fait un acteur majeur dans les relations internationales :– elle joue un rôle non négligeable dans la résolution de nombreux conflits. En quatre ans, de

1988 à 1992, elle a lancé treize opérations soit autant qu’au cours des quarante années précédentes. Jamais elle n’a été aussi sollicitée : 80 000 soldats onusiens, les casques bleus, servent sur tous les continents dans le cadre de l’indépendance de la Namibie, de la guerre en ex-Yougoslavie, de la mise en place d’un régime stable au Cambodge, de l’aide humanitaire en Somalie…

– elle devient un forum universel de 185 Etats membres (sur environ près de 200 Etats répertoriés sur la planète). Elle reflète forcément les tensions du moment mais la tour de verre de New York est redevenue un lieu de dialogue…

– longtemps impuissante à faire respecter la paix elle a progressé bénéficiant des négociations entre les deux puissances pour « éteindre tous les incendies de l’après-communisme ». Elle désire faire respecter une certaine conception du droit international.

Mais les Nations unies sont débordées. Dans certains conflits internationaux classiques elles peuvent jouer un rôle d’interposition. Mais dans les conflits internes qui se multiplient, il leur est beau-coup plus difficile d’intervenir.

C’est la faiblesse de l’Onu qui explique l’influence croissante des Organisations non Gouvernementales (ONG) qui interviennent dans le domaine humanitaire. Entre 35 000 et 50 000 elles agissent au-delà des frontières. Elles ont presque toutes leur siège dans les pays développés et mènent leurs actions dans les pays en développement (Médecins sans frontières, Croix Rouge…).

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Séquence 1-HG00 119

Les limites de son action sont de plusieurs ordres :– financier car l’Onu dépense de plus en plus et manque de crédits. Les trois quarts du budget de

l’Onu sont financés en 1990 par dix Etats : Etats-Unis (25 %), Japon (11 %), URSS (10 %), Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne et Pays-Bas (30 %) et le Canada (3 %). Les Américains principaux contributeurs du budget exercent inévitablement des pressions sur les décisions des Nations unies. Ainsi en 1996 ils imposent le Ghanéen Kofi Annam comme Secrétaire général.

– technique car l’Onu manque de consignes claires. La coexistence au sein des Nations unies d’Etats énormes par leur superficie (Chine, Inde, Russie…) et de micro-Etats (Bahamas, Singapour, Liechtenstein…) compliquent le fonctionnement des votes. L’effet d’éparpillement est renforcé par le principe d’égalité entre Etats (chacun dispose d’une voix). Chez les nouveaux membres la solidarité n’est plus idéologique, elle est régionale, parfois permanente et souvent aléatoire.

– politique car les Nations unies manquent surtout de pouvoir. L’Onu décide mais que ferait-elle si les Etats-Unis et l’OTAN ne collaborent pas avec elle ? Elle a beaucoup de mal à participer à l’élaboration d’un nouvel ordre mondial comme le montre le délicat Proche-Orient où seuls les Etats-Unis semblent pouvoir peser sur le processus de paix. De plus l’échec des opérations en Angola, au Rwanda et en Yougoslavie rend septique sur son efficacité.

� L’émergence d’un nouveau « désordre international »

De nombreux points de frictions persistent surtout au Proche-Orient et au Moyen-Orient :– endémique depuis les années 1960, le terrorisme islamique se durcit dans les années 1980. Il

s’attaque aux capitales européennes (Vienne en 1985, Berlin, Rome et Paris en 1986). Les acteurs sont de petits groupes dont les noms ponctuent l’actualité : le Hamas et le Djihad Islamique en Palestine, le Hezbollah au Liban, le FIS en Algérie… En principe autonomes, ils n’hésitent pas à l’occasion à se mettre au service des Etats (Libye, Syrie et Iran).

– l’inextricable conflit israélo-arabe. En 1980 les Israéliens font de Jérusalem leur capitale, puis annexent le Golan et encouragent la colonisation en Cisjordanie. En juin 1982 c’est la désastreuse intervention au Liban pour détruire les bases palestiniennes. L’armée israélienne fait le siège meurtrier de Beyrouth où se trouve le quartier général de l’OLP. En 1985 Israël se retire du Liban à l’exception d’une bande de sécurité d’une dizaine de kilomètres.

En décembre 1987 se déclenche l’Intifada, vaste soulèvement de la société palestinienne dans tous les territoires occupés. Le soulèvement est durement réprimé par Israël mais l’OLP jusqu’alors en perte de vitesse retrouve une nouvelle vigueur.

C’est la première guerre du Golfe qui embrase toute la Région. L’Irak de Saddam Hussein veut s’assurer le leadership du monde arabe et posséder un vrai déboucher sur le golfe Persique (Koweït city est avec Barhein le seul port en eau profonde du Golfe). L’émirat du Koweït est un ancien protectorat britannique, indépendant depuis 1961 (l’Irak n’a jamais reconnu son existence le considérant comme une province irakienne). Riche en pétrole c’est une proie tentante pour un Irak endetté par la guerre contre l’Iran.

Le 2 août 1990 Saddam Hussein envahit et annexe le Koweït et l’annexe. Face à cette violation flagrante du droit international les Etats-Unis suivis d’un certain nombre de pays installent une armée en Arabie Saoudite. Le 25 août l’Onu donne son appui total à cette initiative.

Les répercussions économiques sont graves : le prix du pétrole augmente et les marchés financiers piétinent (ce scénario se répétera lors de la seconde guerre du Golfe).

Le Conseil de sécurité non bloqué par le veto d’un membre permanent prend résolution sur résolution ce qui facilite grandement la tâche des Américains. La coalition rassemble une force impressionnante essentiellement américaine de 400 000 hommes dont 29 000 Britanniques et 12 000 Français. L’opération « Tempête du désert » qui dure seulement six semaines (du 17 janvier au 28 février 1991) libère le Koweït et occupe même une partie de l’Irak.

L’or noir revient dans le giron de l’Occident mais la guerre n’a pas réglé les problèmes de la région. Saddam Hussein conserve le pouvoir et réprime durement les révoltes internes favorisées par les Etats-Unis : Chi’ites au sud et Kurdes eu nord.

Par la résolution 687 de l’Onu d’avril 1991 l’Irak doit accepter la fin des combats, le paiement des dommages de guerre et l’élimination de ses armes de destruction massives.

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Séquence 1-HG00120

C A la recherche d’un nouvel ordre mondial : 1992-2004

Les événements survenus à la charnière des XXe et XXe siècles constituent encore une histoire « chaude ». Le recul nécessaire n’est pas suffisant pour bien saisir les évolutions du monde actuel. On peut quand même en dégager les grandes tendances. Par ordre mondial on entend l’ensemble des principes d’organisation qui régissent les rapports entre les nations

� Un monde régi par la « pax americana » ?

La fin du système bipolaire donne naissance à une configuration internationale inédite depuis 1945 : un monde en apparence unipolaire dominé par les Etats-Unis. L’effondrement du bloc communiste place en effet les Américains en position de force dans un monde devenu très instable. Mais ils ne se sont pas préparés pour assumer ce leadership non concurrencé.

� C’est au tour de la Russie de se replier sur elle-même.

Elle se retire provisoirement de la scène internationale (elle n’a pas soutenu son allié irakien il est vrai difficilement défendable) et se concentre sur ses problèmes intérieurs : hyper-inflation, récession économique forte en 1997-1998. Elle se tourne naturellement vers le G7 (groupe des 7 pays les plus riches de la planète) qui lui fait des prêts, des dons et des facilités de paiement.

En décembre 1999 Boris Eltsine, incapable physiquement d’assumer sa fonction, démissionne et désigne comme successeur Vladimir Poutine élu le 26 mars 2000 président de la fédération de Russie.

Loin de signifier la fin du danger, l’effondrement de l’URSS suscite des interrogations :– l’épineux problème tchétchène. L’armée russe intervient en 1994 dans cette république autonome

musulmane pour interrompre une guerre civile. Cette opération de maintien de l’ordre intéressée (le pétrole russe passe en Tchétchénie) dégénère vite en guerre ouverte. Une trêve intervient en 1997 mais les combats reprennent de plus belle en 1999 et ne cessent depuis (bombardements de Grozny et évacuations de 450 000 personnes, exécutions sommaires, prise d’otages spectaculaire d’un com-mando tchétchène en octobre 2002 dans un théâtre de Moscou…). L’opinion internationale exerce des pressions constantes sur Moscou mais le conflit s’enlise et les Tchétchènes réclament toujours leur indépendance.

– les risques de dissémination des armes nucléaires. La Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan signent en 1993 le traité START II qui prévoit la réduction de 25 % du potentiel nucléaire. En 1998 178 pays reconduisent le traité de non-prolifération nucléaire établi en 1968 mais tous les pays n’ont pas signé cet acte et l’éclatement de l’URSS accroît le danger de trafic de matières fissiles ou d’exode des ingénieurs.

� Fait sans précédent, un seul pays assure la mission de « gendarme du monde ». La « pax ameri-cana » est-elle pour autant instaurée ?

La réponse est à nuancer dans le temps et dans l’espace. Les présidences de Bill Clinton (1992-2000) marquent d’abord un retrait de la scène internationale :– la guerre froide terminée, les Etats-Unis limitent considérablement leurs dépenses militaires car ils

n’ont plus les moyens d’assurer la paix mondiale. Ils demandent ainsi une participation financière à leurs alliés (Allemagne et Japon) qui n’interviennent pas directement dans la guerre du Golfe.

– le désengagement militaire commence en Europe : en 1988 y sont stationnés les deux tiers des soldats américains présents dans le monde soient 356 000 hommes ; en 1994 il reste moins de 100 000 mili-taires. Les forces américaines se redéploient au Moyen Orient lors de la première guerre du Golfe.

Les Etats-Unis ne peuvent et ne veulent pas être partout à la fois. Une nouvelle politique étrangère se met en place par la force des choses. Elle organise le monde en trois sphères : – la première sphère, à défendre à tout prix, est le continent américain ;– la deuxième sphère est constituée des pays indispensables à leur sécurité et en lesquels ils ont

confiance (Arabie Saoudite, Royaume-Uni) ; – le désordre peut se développer dans la troisième sphère et laisser les Etats-Unis « indifférents », à

moins que des objectifs économiques ne surgissent (ex-Zaïre en 1997), ou que des pressions inter-nationales deviennent trop fortes (Bosnie en 1995).

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Séquence 1-HG00 121

Certains observateurs vont même jusqu’à dire que l’Amérique n’a pas d’amis mais que des intérêts.

Les Etats-Unis redéfinissent le rôle de l’Otan. En mai 1997 un accord est signé entre la Russie et l’Alliance atlantique reconnaissant l’Otan comme la seule institution de défense collective en Europe. En 1999 ils élargissent l’alliance atlantique à la Pologne, la Hongrie, la République tchèque. L’ennemi n’est plus soviétique. La défense est réorganisée autour de missions de contrôle (Kosovo), de partenariat de la paix et de la lutte contre le terrorisme. Il est même envisagé des opérations européennes avec les forces de l’Otan sans les Américains qui conservent cependant les commandements régionaux.

� Des foyers de tensions multiples : les brasiers de la planète

� Le fait le plus marquant reste le retour de la guerre en Europe après un demi-siècle de paix.

Parmi les conséquences indirectes de l’effondrement du communisme soviétique figurent le réveil des nationalismes et la remise en cause des frontières de 1945. Si la République Tchèque se sépare pacifi-quement de la Slovaquie en janvier 1993, ailleurs (Pologne, Hongrie, Roumanie, Géorgie, Arménie…) des tensions apparaissent. Le cas le plus dramatique reste de très loin la Yougoslavie.

Du vivant de Tito les six Républiques fédérées de Yougoslavie (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro et Macédoine) et les deux provinces autonomes (Voïvodine et Kosovo) ne disaient rien. Après sa mort en 1980 les nationalismes réapparaissent.

Document 3

L’éclatement de l’ex-Yougoslavie

ITALIE

AUTRICHE

SLOVÉNIE

CROATIE

SERBIE

MONTÉNÉGRO

KOSOVO

Voïvodine

MACÉDOINE

BOSNIE -HERZÉGOVINE

HONGRIE

ROUMANIE

GRÈCEALBANIE

BULG

ARI

E

Belgrade

NoviSad

Pristina

Skopje

PodgoricaDubrovnik

Sarajevo

Sarajevo

Bihac

Zagreb

Ljubljana

Gorazde

SlovènesFrontières de le Yougoslavie en 1989

Frontières des États devenus indépendants en 1991-1992La Serbie et le Monténégro forment depuis 1992la «République fédérale de Yougoslavie»

Frontières des régions autonomessous souveraineté de la Serbie

Principales zones de guerre

Villes musulmanes déclarées « zones de sécurité » par l'ONU en 1993

Croates

Bosniaquesmusulmans

Serbes etMonténégrins

Macédoniens

Albanais

Hongrois

Principales nationalitésen 1989

L'éclatement de la République fédérative de Yougoslavie

La guerre et ses conséquences territoriales

GorazdeMostar

Bihac

TuzlaBanja Luka

Srebrenica

Srebrenica

Zepa

Split

Fédération croato-musulmane

Les entités bosniaquesdepuis 1995

(accords de Dayton)

République serbe de Bosnie 100 km

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Séquence 1-HG00122

Questions � Montrer que la Yougoslavie est un Etat multinational.

� Quels sont les peuples qui s’opposent à partir de 1991 ? Par quels moyens ?

� Comment la communauté internationale intervient-elle ?

� En quoi consistent les accords de Dayton ?

Réponses � La Yougoslavie est le territoire le plus fragile d’Europe. C’est un mélange complexe de plusieurs

nations slaves (Slovènes, Croates, Serbes, Bosniaques et Macédoniens) et non slaves (Hongrois et Albanais) divisées en trois groupes linguistiques (slovène, serbo-croate et macédonien) et en trois religions avec d’un côté les chrétiens divisés en catholiques (Slovènes, Croates et Hongrois) et en orthodoxes (Serbes, Macédonien et Albanais) et de l’autre côté les musulmans (Bosniaques). L’histoire explique cette bombe à retardement. Depuis l’an 365 la ligne de séparation entre Rome et Byzance, entre catholiques et orthodoxes, entre Croates et Serbes coupe le territoire yougoslave en deux. La conquête turque musulmane au XVIe siècle crée une seconde frontière : le territoire est partagé entre les 2 empires ottoman (turc) et Habsbourg (Autriche). Les Serbes orthodoxes eux fuient vers la Croatie catholique et certains slaves se convertissent à l’islam (les Bosniaques). En 1919 les pays vainqueurs de la Première Guerre mondiale inventent un royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes. La Seconde Guerre mondiale n’arrange pas les choses. Les riva-lités ethniques s’exacerbent et laissent des traces comme le massacre de 100 à 300 000 Serbes par les Oustachis (nationalistes croates pronazis). Dans la nouvelle Yougoslavie communiste d’après-guerre aucune république n’a une population homogène, elles possèdent toutes des minorités nationales. Par exemple la Bosnie-Herzégovine mêle 44 % de musulmans, 31 % de Serbes et 17 % de Croates !Le drame se noue en mai 1991 lorsque Croates et Slovènes réclament leur souveraineté. Des affrontements entre ethnies ont immédiatement lieu. Les deux républiques franchissent le pas en juin 1991 en proclamant leur indépendance. Déjà l’armée fédérale (surtout serbe) intervient en Croatie.

� Les Balkans redeviennent la poudrière qu’ils ont été au début du siècle. Les Serbes, qui voient la Yougoslavie comme une extension de la Serbie, n’acceptent pas la sécession des Slovènes et des Croates en juin 1991. Le nationaliste serbe Slobodan Milosevic président de la ligue communiste serbe déclenche une guerre de reconquête en Croatie et en Bosnie accompagnée d’une sauvage puri-fication ethnique. Il s’agit de vider les territoires convoités de toute présence non serbe. Les hommes qui n’ont pas réussi à fuir sont massacrés ou regroupés dans des camps effroyables (des images d’hommes décharnés derrière des barbelés resurgissent). Les femmes sont parfois tuées ou violées pour « purifier » leur descendance (les pires « théories raciales » réapparaissent).

� La FORPRONU créée en 1992 est incapable d’empêcher le dramatique siège de Sarajevo en Bosnie et les exécutions sommaires commises par les Serbes. Ce conflit entre Serbes, Croates et musulmans de 1992 et 1995 illustre l’impuissance de l’Onu et de l’Union européenne puisque c’est l’intervention de l’Otan (donc américaine) qui a permis le règlement de ce conflit.

� En novembre 1995 Washington impose la paix de Dayton (dans l’Ohio). La Bosnie reste un Etat aux frontières inchangées mais elle est divisées en deux entités autonomes : une fédération croato-musulmane sur 51 % du territoire et une république Serbe de Bosnie sur les 49 % restants. En 1998 la guerre civile se rallume au Kosovo entre séparatistes albanais et forces serbes. Le Kosovo ancien berceau historique serbe reste peuplé à 90 % d’Albanais voulant soit l’indépendance, soit le rattachement à l’Albanie. Les Serbes se livrent à nouveau à une purification ethnique contre les Kosovards. C’est encore l’Otan qui oblige Milosevic à céder en bombardant la Yougoslavie en mars et juin 1999. Les Serbes finissent par se retirer du Kosovo qui devient une province autonome administrée par l’Onu. Finalement la république du Monténégro est la dernière à former avec la Serbie la république fédérale de Yougoslavie.Milosevic qui perd les élections en 2000 est extradé l’année suivante pour être jugé au tribunal international de La Haye pour crime contre l’humanité.

� Alors que le Nord désarme (ralentissement général des dépenses militaires, réduction de l’arsenal atomique des cinq principales puissances nucléaires, abandon par les Etats-Unis de l’IDS en 1993) le Tiers-monde s’engage dans une course aux armements. Les ex-républiques soviétiques ayant besoin d’argent vendent les produits de leurs industries militaires. Les propriétaires de l’arme atomique

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Séquence 1-HG00 123

s’accroissent : outre l’Israël, l’Inde et l’Afrique du Sud dans les années 1970 et le Pakistan en 1998, il faut compter ceux qui l’ont presque mise au point (Iran et Corée du Nord). En outre le Proche-Orient est surarmé en engins balistiques.

Autre fossé entre le Nord et le Sud : l’endettement du Tiers-monde s’élève en 1995 à 2 000 milliards de dollars alors que l’aide publique a atteint son niveau le plus bas depuis 1970. Malgré quelques efforts des Occidentaux (annulation d’une partie de la dette des 35 pays africains les plus endettés) la situation reste alarmante.

Sur les six milliards d’habitants un quart possède les trois quarts de la richesse produite sur Terre. En 30 ans l’écart entre pays riches et pays pauvres a doublé. Ces données macro-économiques pèsent lourdement sur les relations internationales. La guerre interethnique en Côte-d’Ivoire en 2003 s’explique en partie par la baisse prolongée des cours du cacao plongeant une partie de la population dans la misère.

� L’Asie à la fin des années 1990 est sans doute l’une des régions les plus dangereuses de la planète. La forte crise économique de 1997-1998 a considérablement affaibli ce continent.

Plusieurs pays en sortent troublés : � en 1996 les Talibans (religieux musulmans issus de la principale ethnie les Pachtounes) s’emparent

du pouvoir en Afghanistan et installent une féroce dictature et une réislamisation de la société.� en 1999 une crise oppose les forces indonésiennes au Timor Oriental (minuscule territoire de

15 000km2 situé dans l’archipel de la Sonde annexé par l’Indonésie en 1976) qui réclame son indé-pendance. Il l’obtiendra en 2002.

� le Pakistan et l’Inde s’affrontent à nouveau au sujet du Cachemire (depuis 1949 cette région située à l’ouest de l’Himalaya est partagé entre ces deux Etats) en 1997 et en 1999 faisant peser le risque d’un dérapage nucléaire.

� la Corée du Nord aux mains du dictateur Kim Jong II inquiète ses voisins par son programme nucléaire et plonge son pays dans une terrible famine.

� le Caucase est en effervescence. La situation géopolitique de cette bande de terre de quelques centaines de kilomètres de large située à la limite de l’Europe et de l’Asie, entre la Mer Noire et la Caspienne est particulièrement complexe. C’est une montagne constituée de trois Etats rongés par la corruption. C’est aussi un agglomérat de 45 peuples aux revendications contradictoires :

� l’Arménie réclame à l’Azerbaïdjan un petit territoire de 4 400 km2 : le Haut Karabackh peuplé de 200 000 Arméniens.

� la Géorgie est également instable. Depuis que le gouvernement a supprimé la région autonome d’Ossétie du sud, un conflit meurtrier a lieu entre nationalistes ossètes et autorités géorgiennes. L’occupation de l’Ossétie du sud par la Russie complique la situation.

� L’Afrique reste le continent « malade » en proie à de fortes convulsions :– les guerres civiles se multiplient dans les pays du golfe de Guinée (Libéria 1996 et 2003, Niger

en 1996, Centrafrique en 1996 et 1997, Sierra Leone en 1999-2000, Côte-d’Ivoire en 1999-2000, 2003).

– des désordres ravagent la Corne de l’Afrique (affrontements entre musulmans et chrétiens au Soudan, factions rivales en Somalie) ; par contre la guerre civile entre Ethiopiens et Erythréens s’achève en 1993 après 30 ans de lutte par l’indépendance de l’Erythrée.

– la situation est encore plus grave dans la région des Grands Lacs et du Centre de l’Afrique. Des affrontements ethniques entre Hutus et Tutsis ensanglantent le Rwanda en 1994 entraînant un génocide de plus de 500 000 personnes. Au Burundi les massacres continuent entre ces 2 ethnies en 1995-1996. Dans le Zaïre voisin une rébellion chasse en mai 1997 le vieux dictateur Mobutu (au pouvoir depuis 30 ans). Laurent-Désiré Kabila se proclame président de la République du Congo Démocratique (RDC). Mais ce pays est continuellement ravagé par des rivalités ethniques et les appétits des voisins, Rwanda et Ouganda, attirés par les richesses minières. En janvier 2001 Kabila est assassiné et la situation est toujours aussi trouble.

– l’Algérie est le cas de l’Afrique du Nord. Une terrible guerre civile oppose depuis 1992 le Front Islamique du Salut (FIS) à l’armée suite à la décision du gouvernement d’annuler des élec-tions favorables au mouvement islamiste. La population est prise en otage par les groupes islamiques (parfois de simples brigands). La terreur règne et les massacres se multiplient dans les villages. En 1996 le FIS renonce à la lutte armée. Il a échoué à s’imposer et un groupe plus radical, le Groupe Islamique Armé, occupe l’espace de la contestation. La situation est toujours dans l’impasse.

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Séquence 1-HG00124

� Au Proche-Orient le processus de paix israélo-palestinien est très fragile.

La guerre du Golfe a démontré la formidable puissance des Américains. Cette victoire les place dans une situation d’hégémonie politique les « obligeant » à lancer en 1991 un ambitieux processus de paix entre Israël et les responsables palestiniens. Ceci débouche sur les Accords d’Oslo de 1993, avec la reconnaissance mutuelle des deux parties et le retour en cinq ans d’une portion des territoires occupés à l’Autorité palestinienne. Le cycle attentats palestiniens/répression de l’armée israélienne bloque l’application de la « Feuille de route » (plan par étapes qui doit conduire en 2005 à la création d’un Etat palestinien).

Israël contrôle 90 % des territoires occupés. L’élection en février 2001 du chef du Likoud (droite intran-sigeante) Ariel Sharon conduit à une guerre larvée (intervention au sud Liban, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza) et à la construction d’un mur de béton de 320 km entre Israël et la Cisjordanie

� Seule l’Amérique Latine a un bilan positif.

Certes des zones de tensions subsistent (guerre civile en Colombie, révolté sécessionniste du Chiapas au Mexique) mais les priorités sont la lutte contre la corruption et les narcotrafiquants.

� De l’islamisme au terrorisme

Depuis le début des années 1990 les mouvements islamistes (FIS algérien, Hezbollah libanais, le parti Islah au Yémen, le PRI au Tadjikistan, le Hamas en Palestine, le Refah en Turquie…) se moulent dans le cadre national. L’exemple le plus frappant est l’Iran qui mène une politique étrangère fondée sur ses seuls intérêts nationaux sans considération idéologique. Elle n’a pas gêné les Américains dans la première guerre du Golfe et elle retire son aide aux chi’ites d’Irak, du Bahreïn et d’Afghanistan. Sur le plan intérieur se met en place en Iran, Indonésie, Algérie et Pakistan une forme musulmane de démocratie parlementaire. Les gouvernements veulent mettre en placer un nouveau pacte social avec les classes moyennes alphabétisées qui réclament plus de respect des droits de l’homme.

Les partis islamiques qui plafonnent à 20 % dans les élections se banalisent et finissent par apparaître comme des mouvements conservateurs voire modérés. Ils ont presque tous quitté le terrain de la vio-lence. Ils sont nationalistes à l’extérieur et réactionnaires à l’intérieur de leurs pays.

La menace se déplace vers les nouveaux réseaux terroristes internationaux, incarnés par Al-Qaida. Un nouveau radicalisme islamique s’adressant aux déracinés de l’islam se met en place. Le détonateur de ce processus est l’invasion du Koweït par Saddam Hussein en 1990.

Cette tendance de l’islam veut imposer la seule charia à tous les comportements humains et sociaux. Elle n’a pas de projet politique précis : la conquête du pouvoir d’Etat et les problèmes sociaux ne l’intéressent pas. Seule l’intéresse l’unification d’un oumma imaginaire. Elle ignore les sociétés et les cultures musulmanes et rejette tout ce qui est au-delà du strictement religieux (arts plastiques, musique, philosophie, littérature…). Cette vision de l’islam est très violemment opposée au christianisme, au judaïsme et dans une certaine mesure au chi’isme.

Certains jeunes musulmans originaires du Moyen Orient en rupture avec leurs familles et la société se radicalisent. Cette rupture se fait souvent au contact de l’Occident où ils font leurs études. L’internationalisation du mouvement est largement l’œuvre du réseau Al Qaida (la « base »). Son nom est mentionné pour la première fois durant l’été 1998 à l’occasion des attentats contre les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie. C’est une nébuleuse insaisissable composée de cellules qui font allégeance à leur « chef » le milliardaire saoudien Oussama Ben Laden.

La guerre en Afghanistan dans les années 1980 a eu un rôle très important : elle est devenue la cause par excellence à laquelle s’identifient tous les « jihadistes ». Venant d’Egypte, d’Algérie, d’Arabie, d’Asie du Sud-Est ces hommes surentraînés à la guérilla et habitués à vivre en milieu clos constituent une réserve de combattants endoctrinés.

Ils prennent pour terrain de combat l’Occident ou les périphéries du Moyen Orient (Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan, Cachemire…), trouvent des relais dans les groupes locaux traditionalistes et utilisent l’anglais, les téléphones, les satellites et internet. Ce mouvement relève plus de problèmes existentiels que d’une logique de classe ou de conflits d’intérêts.

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Séquence 1-HG00 125

� Les attentats du 11 septembre 2001 ont-ils changé le monde ?

Le mardi 11 septembre 2001 est devenu une date historique : des avions de ligne américains détournés par des commandos islamistes d’Al-Qaïda s’écrasent sur le World Trade Center à New York et sur une aile du Pentagone à Washington. Toutes les télévisions du monde diffusent les images effroyables de ces Américains qui se jettent des tours jumelles en feu pour échapper à une mort certaine.

Ces attentats introduisent-ils une nouveauté radicale dans les relations internationales ?

La réponse n’est pas simple. Ils signifient d’abord un passage à un nouvel âge du terrorisme :– dans le choix de ses cibles, des objets symboliques (un symbole architectural du capitalisme mondial

et le siège de la plus grande puissance militaire de la planète) ;– par les moyens utilisés combinant technologies modernes (pilotage d’avions) et sacrifice des martyrs ;– par le nombre des victimes (plus de 3 000 morts) visant ainsi à la destruction de masse.

Un seuil a été franchi. Ce terrorisme est avant tout un moyen et une méthode pour faire peur en vue d’imposer une volonté, des objectifs rationnels ou irrationnels. Il ne s’embarrasse pas de considérations morales. Il est insaisissable, omniprésent et sans base territoriale.

L’islamisme semble aujourd’hui actif surtout dans les pays sunnites comme l’Arabie Saoudite qui dépense dix milliards de dollars par an pour la propagande de l’islam. La position des Etats-Unis à propos de ce pays est plus qu’ambiguë : « Ils ont le pétrole, on ferme les yeux ». Or l’islamisme déteste par-dessus tout le matérialisme et l’économie de marché qu’il identifie aux Etats-Unis dont la politique est vécue comme injuste (soutien à Israël, présence militaire en Arabie Saoudite terre sainte de l’islam, bombardements de l’Irak). Ce vif ressentiment est largement partagé dans le monde arabe.

A court terme ces attentats entraînent des changements significatifs dans la façon qu’ont les Américains de voir le monde : – ils prennent conscience de leur vulnérabilité. C’est la fin d’un « sentiment d’exceptionnalisme »,

pour la première fois le sanctuaire américain est touché. C’est l’un des événements qui avec l’assassinat de Kennedy en 1963 et le crash de la navette Challenger en 1986 a le plus marqué les Américains.

– ils se rapprochent de Moscou et Pékin et relativisent la défense européenne (l’Otan est margina-lisé).

– ils mettent en place une culture de guerre (ensemble des représentations collectives qui font entrer l’état de guerre dans la vie d’un peuple) avec ses références (hymne national chantés par les stars, drapeaux omniprésents…), ses héros (les pompiers, les policiers, les passagers du vol 93…), ses rituels (son slogan « Let’s go », sa commémoration des morts, sa médiatisation extrême, ses déclarations présidentielles fracassantes « Ou vous êtes avec nous, ou vous êtes avec les terroristes ! »), son ima-ginaire (« union sacrée » avec lien intense politique entre politique et religieux, ferveur patriotique très forte, mission universelle des Etats-Unis assurant la défense des valeurs des Lumières contre la « barbarie » terroriste).

Les Etats-Unis préparent soigneusement leur riposte militaire. Ils ne se présentent plus comme les « gendarmes » du monde mais comme les « shérifs », les justiciers rassemblant autour d’eux une chevauchée de volontaires (les alliés occidentaux, la Russie et la Chine) pour partir à la poursuite des Etats « voyous » : l’Afghanistan, l’Irak, la Corée du Nord, l’Iran.

Phase 1 En octobre 2001 ils attaquent l’Afghanistan des Talibans où s’est réfugié Ben Laden. La campagne militaire est un succès. Le 13 novembre Kaboul tombe et une force internationale, sous mandat de l’Onu, se met en place pour assurer la sécurité et permettre la formation d’un gouvernement intérimaire rassemblant toutes les tribus afghanes. Mais Ben Laden n’est pas trouvé. Signe des temps nouveaux : si la Russie n’avait pas ouvert l’espace stratégique de l’Asie centrale, les forces américaines ne seraient pas intervenues si facilement en Afghanistan.

Une fois la victoire obtenue, les Etats-Unis reviennent à leur unilatéralisme (construction du bouclier antimissile, refus du protocole de Kyoto limitant l’émission des gaz industriels à effet de serre, refus également de ratifier le traité créant la Cour Pénale Internationale). Ils augmentent leur budget militaire qui atteint en 2003 le chiffre incroyable de 40 % du budget militaire mondial !

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Séquence 1-HG00126

Phase 2 C’est la deuxième guerre du Golfe lancée par les Américains contre l’Irak en 2003. L’Irak, il est vrai, est un cas épineux. Depuis 1991, le pays est soumis à un sévère embargo qui ne semble pas entamer la solidité de la dictature de Saddam Hussein. Les obstacles opposés aux missions des ins-pecteurs onusiens chargés de vérifier le démantèlement du potentiel militaire sont un facteur de crise permanente. A l’automne 2002 s’engage un bras de fer entre l’Administration Bush et Saddam Hussein à propos de la prétendue détention par l’Irak d’armes de destruction massive. Le ton monte. Malgré les protestations de la France, de l’Allemagne et de la Russie, les Etats-Unis attaquent presque seuls l’Irak. Plus inquiétant, ils n’ont pas cette fois-ci de mandat précis de l’Onu. La rapide victoire militaire obtenue au printemps 2003 par les Etats-Unis bouleverse le fragile équilibre du Moyen-Orient. Un an après, la coalition est aux prises avec une résistance et un terrorisme importants.

Le nouvel ordre mondial repose finalement sur un monde unifié et fragmenté à la fois.

� Depuis 1945 la société internationale s’est homogénéisée.

Aux rapports dominants/dominés qui étaient la règle avant 1939 se sont progressivement substitués des rapports théoriquement égalitaires.

Explosion démographique, réseaux mondiaux de communication, problèmes d’environnement, gaspilla-ges des ressources vitales, élimination des déchets, catastrophes naturelles (récente marée noire du Prestige) ou technologiques (accident nucléaire de Tchernobyl en 1986) pèsent sur la vie quotidienne des habitants de la planète relativisant les guerres et les crises internationales.

� D’un autre côté le monde est plus morcelé : – le modèle étatique est fragilisé par l’essor des mafias, des trafics et des migrations clandestines

(notamment dans l’ex-Yougoslavie et l’ex-URSS), par les diversités ethniques, linguistiques et reli-gieuses (Inde, Turquie, Mexique…) et par l’affaiblissement du pouvoir (en Afrique surtout).

– les frontières longtemps jugées définitives sont remises en cause en Afrique et en Europe. – la non-ingérence n’est plus un principe intangible lorsqu’il y a violation des droits de l’Homme. Depuis

le printemps 2003 une Cour Pénale Internationale s’est installée à La Haye, elle juge les crimes contre l’humanité, les génocides ainsi que les crimes de guerre et les agressions.

� Qu’en est-il du rôle des Etats-Unis ? Ils sont depuis plus de dix ans la seule superpuissance mon-diale, la « nation indispensable ». Leurs décisions, leurs stratégies, leurs relations avec les autres Etats sont au cœur de l’actualité, et dans une large mesure, déterminent l’avenir de la planète. C’est pour Washington une responsabilité écrasante et pour l’humanité une situation préoccupante. ■

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