harrent. les écoles d'antioche : essai sur le savoir et l'enseignement en orient au ive siècle...

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    University of Toronto

    littp://www.arcliive.org/details/lescolesdantioOOharr

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    LES

    COLES D'ANTIOCHE

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    LES

    COLES D A^TIOCHE

    ESSAISUR LE SAVOIR ET L'ENSEIGNEMENT EN ORIENT

    AU IV SICLE (aprs J.-G.)

    PAR

    Albert HARREXT

    PARISANCIENNE LIBRAIRIE THORIN ET FILS

    A. FONTEMOING, DITEURLIBRAIRE J)ES COLES FKANAISF-S n'ATHKNTCS ET DE ROME,

    nu COLLGE DE FRANCE, DE l'COLE NORMALE SUPRIEUREET DE LA SOCIT DES TUDES HISTOlilQUES

    4, RUE LE GOFF, 4

    1898

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    tu 6 1953/^

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    PREFACE

    Ceux qui du liaut de l'poque actuellejettent de nouveaux regards sur les situa-tions antrieures du genre humain, nousprparent le til qui doit nous guider dansles routes incertaines de l'avenir.

    Aljg. Thiehhv, Dix an^d' Etudes, p. 271.

    Le lecteur lime ds Tabord pouvoir, en feuille-tant quelques pages d'un nouvel ouvrage, saisirquel esprit gnral l'inspire, quel intrt il pr-

    sente, quel dessein il ralise.

    Souvent, une occasion sans importance apjDarente,a

    amensous les yeux une

    paged'histoire qui

    sduit. Des problmes se sont poss, des leons pr-cieuses ont t entrevues. Un nom, un peuple, unepoque sont ainsi devenus les htes familiers denotre esprit, sont entrs en son intimit ; de curieuse,l'tude s'est faite attentive et bientt cordiale.

    Le lecteur ignore cette importance et cet int-rt parfois subjectifs, si l'auteur ne lui rvle unpeu de son me et ne Famne sinon partager, dumoins comprendre les raisons de son tude. Laprface laisse entrevoir les traits gnraux de Fau-teur et du livre,

    commeles

    yeuxlaissent deviner

    Fme.1

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    2 Les Ecoles, l'ternel problme, TOrieiit, la plus

    fascina trie des terres, le IV^ sicle, un des pluscurieux, un des plus tranges de l'histoire et leplus semblable au ntre bien des points de vue : nesont-ce pas l des sujets susceptibles du plus grandintrt pour notre gnration curieuse d'histoire ?

    I. Les Ecoles

    Quelle place immense la question de l'enseigne-ment a tenue depuis trente ans dans les proccu-pations de tous ! Que de discussions, de conflits^d'efforts vigoureux^ de rsistances passionnes !

    Quel branlement a caus le heurt du droit desfamilles, de l'Etat, des religions !

    Des esprits distingus et subtils sont venus dansun esprit de pacification, tenter de neutraliser l'ins-truction et le savoir, de confondre avec eux l'-ducation et le bien vivre ! Instruire c'est morali-

    ser disaient-ils. Leur dsir de paix a t mconnu,et la guerre la plus acharne en est rsulte. Main-tenant que le calme s'est fait, aprs quelquesannes d'exprience sortent de tous les rangs desaveux d'erreur auxquels se mlent certaines inqui-

    tudes, certaines hsitations lgitimes chez ceuxqui se soucient de la grandeur du pays et de sonavenir.

    Lors de ces grandes tentatives qui, inacheves l'heure actuelle, laissent sur la question de l'en-

    seignement planer de redoutables incertitudes,

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    nous avons entendu renouveler les thories deSparte. l'enfant appartient l'Etat thories

    toutes locales, peu conformes au libralisme detoute l'antiquit. Nous avons vu aussi dans l'inces-sant remaniement de nos programmes un espritutilitaire inconnu jusqu' notre temps combattrel'ducation traditionnelle, essayer de dtournerdes sources o ont puis tous les fils glorieux dela civilisation moderne et contemporaine, tenterd'teindre le flambeau nourri de la sve de Romeet d'Athnes et que se passaient nos gnrations

    de penseurs et de potes, d'orateurs et d'artistes.Peut tre tout cela vient-il de ce qu'on s'est trop

    souci de raliser les conclusions, en apparencelogiques, d'une philosophie encore mal fixe, oules exigences d'une lutte politique ncessaire, sanstenir compte suffisant des leons de Thistoire. Lapdagogie, le mcanisme de l'enseignement est enprogrs et compte des matres minents et des tra-vaux de haute valeur; on n'en peut dire autant del'histoire des principes qui dominent dans la cra-tion des coles, de l'me de l'enseignement, de ce

    qui constitue sa vie intime et son influence fconde.Voici qu' la fm du monde ancien, l'heure o

    sur ses ruines va paratre le monde nouveau, dansce lointain, perspective ncessaire de l'histoire, laquestion de l'enseignement agite aussi les esprits,soulevcint les problmes toujours les mmes : qui appartient l'enfant ? quel est le rle de l'Etat?quelle doit tre 1 influence religieuse ? quelle atti-

    LA9

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    4 tude l'Eglise chrtienne qui est au pouvoir main-tenant, va-t-elle prendre en face des coles dontles programmes, les traditions, les matres sontpaens ? comment se mlent alors l'instruction etrducation ? quels y sont les lments ducateurs,

    la situation du savoir ?

    On devine l'intrt puissant de cette page his-torique, les salutaires leons qu'on y peut puiser.En mme temps, la question des programmes,

    les habitudes de la jeunesse. Faction des matres,

    leur influence, les tendances inlellectuelles, nelaisseront pas indiffrents les amis du savoir et deslettres.

    I II. L'Orient. Antioche.

    J'ai plac en Orient, Antioche, mon centre d'-tudes.

    Personne n'ignore l'action constante de l'Orientsur le monde civilis, l'attrait qu'il exerce en par-ticulier sur notre gnration.

    Depuis l'heure de l'Eden jusqu' nos jours, que

    de pages importantes de l'histoire du monde sesont crites l

    ;pages d'un rayonnement toujours

    si intense que nombre d'autres peuples s'agitaientautour des vnements survenus en cette nationa-lit mal dfinie.

    L l'humanit persiste, placer les premiresfrondaisons de la nature, les premiers veils de

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    5 l'esprit, los premires joies de Fainonr ; pays de

    lumire et de fleurs.Les grandes tapes de riiumanit jusqu' notre

    re y sont marques : la guerre de Troie, les guer-res Mdiques, la marche gigantesque d'Alexandre,le rgne des Sleucides, le dernier fleuron queRome ajoute sa couronne de conqurante. Alors,dans son rle efface de sujette, elle exerce uneinfluence prpondrante, et reproduit le triomphede la Grce vaincue : Omphale sductrice, elleamne ses pieds dans la servitude de tous lesplaisirs le puissant Hercule romain. En Orientnait l'hellnisme sducteur^ resplendit et agit laculture intellectuelle ; en lui semble tre reve-nue la sve ; de lui sortent les souffles nouveauxet ses influences s'exercent sur tout l'empire.

    A l'heure o Rome succombe sous l'inonda-tion des Barbares

    (1)l'Orient subsiste affaibli,

    menac, puis, comme une mre par ses gestationsrptes.

    L'uvre de Mahomet est un de ces retours de viepar lesquels l'Orient nous surprend et nous sduit.

    C'est l encore que l'Occident ira dans une

    volont de conqute briser ses forces, fusionner sescastes, mler ses nationalits, et, rsultat plusimportant que les acquisitions, industrielles etcommerciales, rendre possible l'closion des liber-ts, la ruine des fodalits.

    (1) Bossuet. Discours sur VHist. Univers.

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    6 Enfin l'heure de la chute de Constaniinople, la

    ville dpositaire des trsors et des influences del'Orient, voici qu' nouveau dans le monde euro-pen civilis, semblable celle qui suivit la con-qute de la Grce et de l'Asie, une envahissantesve intellectuelle se manifeste Le tronc djvieux de huit sicles n'a ni la vigueur, ni la flo-

    raison de la jeunesse. Mais de l'Orient viennentles vieux matres dont l'Occident jusque l n'avaitgure connu que les noms, et quelques rares ves-tiges, et de son sommeil hivernal le vieux tronceuropen s'veille, le souffle vivifiant et printanierpasse, les branches puissantes grandissent, et por-tent,

    dans une closion rapide,feuilles

    de printempset fleurs d't... La silencieuse terre d'Europeretentit d'accents dont on la croyait incapable...Art, musique, sculpture, peinture et les cathdra-les et les popes paraissent : c'est le sicle desMdicis, c'est le sicle de Louis XIV.

    Plus durables et plus prcieux sont confis notre terre les germes du renouveau politique etsocial dont la lente croissance laisse esprer lesfruits de justice et de libert que le monde attend.Les violentes pousses de sve qu'on nomme laRforme, la Rvolution, ne seront pas les seules.

    Maintenant, d'anne en anne, se rveille plusaigu que jamais la question d'Orient, de minimeimportance en apparence, mais peut tre d'un int-rt suprme pour les gnrations qui viennent. Atoutes les grandes heures de l'histoire, l'Orient

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    7 pose quelque prol)lme et exerce son influence.

    C'est pour cela qu'instinctivement notre gnri-

    tion va vers ce monde : le riche curieux y portevolontiers ses pas, les voyageurs y passent recueil-lant les leons de l'histoire, Tarchologue y fouille

    plus profondment que le laboureur de Virgile

    dans ces champs, vaste plaine muette, et(( sur le sillon courb

    Trouve un noir javelot qu'il croit des cieux tomb ;Puis heurte ple-mle au fond du sol qu'il fouille

    Casques vides, vieux dards qu'amalgame la rouille,Et rouvrant des tombeaux pleins de dbris humains

    Plit de la grandeur des ossements... (1)

    souvenirs d'Hector et d'Antiochus, de Clop-tre et de Znobie. Le penseur y va mditer sur lesruines ; l'amateur de la nature et de ses sensationsintenses va remplir son oreille des voix du dsert

    et ses yeux de son soleil pour en chant rythm ounon nous charmer du pome qu'il en rapporte. Lefils de la vieille foi d'Abraham, de David, d'Isae,des Machabes vient l resuivre les sentiers desanctres et redire avec les prophtes les malheursde Sion ; le fils de TEvangile y chante les victoiresde son (Christ: Crche, Thabor et Golgotha ; Fin-crdule lui-mme y vient chercher dans son cadrel'histoire des religions, l'artiste en emporte despages merveilleuses de pittoresque et de lumire.

    iVntioche n'a pas toutes ces splendeurs, n'excite

    (1) Virgile. Gorg . I. 494-498. Victor Hugo: Les RayoJiset les Ombres, VIII.

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    8 pas ces multiples curiosits. Au point de vue sp-

    cial et l'poque qui nous occupent, elle est laplus intressante. Rome est silencieuse depuis ledpart de TEmpereur ; Alexandrie laisse chapperson sceptre intellectuel dans les ardeurs des luttesreligieuses ; Constantinople est une ville de lgis-tes et de guerriers o les jeux de l'amphithtre

    ont plus de fidles que les exercices d'loquence ;Athnes n'offre plus rien d'illustre que des noms,c'est la peau d'une victime qui tmoigne que l'a-nimal a vcu... Autrefois rpute pour ses philoso-phes, elle ne Test aujourd'hui que pour ses fabri-cants de miel (1). Antioche, grce au sjour des

    empereurs, son clbre orateur Chrysostome etsurtout son illustre rhteur Libanius, garde sonprestige. Constantinople peut l'emporter par sesthtres et ses plaisirs ; Antioche l'emporte parl'clat de ses coles (2) .

    Elle avait eu son grand rle aprs Alexandresous les Sleucides ; elle exerce une suprme pr-pondrance sous les successeurs d'Auguste.Elle est avec Jrusalem, Troie, Palmyre, Alexan-drie, la ville auprs de laquelle l'historien nepeut passer indiffrent.

    Hlas 1 parce que l'Antioche d'autrefois n'eutpas la dlicate beaut d'Athnes, ne fut pas chantepar la lyre gniale d'Homre, ne connut pasl'heure blouissante de Palmyre et de Babylone;

    (1) Syns. Ep. 135 A son frre.(2) Lib. Ed. Heiske, I, U.

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    9 parce (jiic YAnfahirh d'aujourd'hui n'a rien gard

    [)as niiiie la sublime mlancolie des ruines, etqu'au bord de l'Oronte demi-dessch s'est assisela peste, alors qu'un peuple de misreux s'aJ)ritesous ses toits, ni le voyageur, ni le pote, ni Tliis-torien, oublieux ou ddaigneux de ses dix-huit si-cles d'histoire glorieuse et fconde, ne s'y arrtent.Elle est oublie dans l'Ilinraire de Paris Jt'ru-sa/nrf, peine mentionne dans les Relations desderniers voyages en Syrie.

    Il ne m'a pas dplu de m'intresser celle qu'onignore et qu'on ddaigne, sous les auspices d'ungrand mconnu, Libanius. (1). J'aurais aim faire

    (1 i N Antioche d'une famille illustre parle got des ictlrcset les cliarges publiques, il revint en sa ville natale aprs avoirenseign la rliclori(|ue Ailines, ;i (lonstanlinople, a Nirom-die. Pendant (piarante ans il fut, en son Antioche prise debeau langage, le pontife de celle grande religion des lettres,

    refuge auIVe

    sicle de tous les esprits dlicats, de tous lescurs fidles du paganisme. Il sut y trouver et y montrer leslments ducateurs j)our la jeunesse, les charmes souriants duplaisir pour les ftes, les graves consolations pour les heuresdifiiciles. A ce rle qui suftrait pour illustrer un nom, il joi-gnit celui d'homme politique : il en connut les dvouementsles plus hroques ; il en refusa les rcompenses les mieux m-rites. De ses amitis gloiieuses avec Julien, Valcntinien etThodose, avec les prfets et les gouverneurs il ne relira mlonneurs. ni fortune. Sans nulle tlatlerie, Julien, qui lui futtendrement attach, a pu dire ses discours le placent au pre-mier rang des orateurs, ses actions au premier rang des sages

    .

    bon nom est, en cette lin de sicle Icplusillustre del littraturepaenne ; ses uvres sont les plus curieux documents de laculture intellectuelle, des murs, de l'tat social ; sa vie est.grCe sa

    correspondance(plus de 2.000 lettres) et son auto-

    1.

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    10 revivre cette Antioche telle qu'elle tait sous Cons-tantin, Julien, Thodose, alors que Libanius l'en-thousiasmait dans l'cole et Chrysostome dans letemple, cette heure o Julien la raillait, o Tho-dose lui pardonnait, o les bois de Daphn n'a-vaient pas perdu leurs charmes, ni les monts duPirus les agrestes ermitages des solitaires alors

    que assise en ses jardins de roses, Antioche labelle, ville des plus dlicats plaisirs, regardait

    passer les flots d'or de TOronte.Les circonstances ontrestreintmon tude et ce sont

    ses coles, le plus beau rayon de sa gloire, qui ontretenu mon esprit. Les uvres de Libanius qui,

    pendant un demi-sicle, enseigne en cette Antiocheo il est n, sont la base de ce travail. Le lecteurcomprendra que sous peine de laisser dans une im-perfection regrettable cette tude, j'ai du, ou puiser

    des renseignements chez des auteurs qui ne sontpas de la ville, ou leur demander la confirmationde ceux que j'y avais trouvs. On me pardonnera

    biographie, assez facile connatre : ce grand lettr, ce grandcitoyen n'en est pas moins presque inconnu de la littrature etde l'histoire, et attend encore son diteur et son biographe.L'dition de Reiske est incomplte, puisqu'elle ne renferme pasla correspondance; ses notes sont empreintes de partialit.

    Ce dfaut caractrise l'Essai de M. Monnier sur Libanius,tude qui n'est pas sans valeur.

    Je n'en puis dire autant du Libanius de M. Petit, vide etconfus. Le travail de Sievers mrite tous loges au point deVue de l'rudition. C'est une prparation indispensable unesrieuse tude d'histoire. Il y manque Une comprhension pluslarge de l'homme et de l'poque.

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    11 d'avoir voulu donner le caractre exact et complet

    de ces grande ; coles et autant que possible l'tatdu savoir dans FOrientg-rec au IV*^ sicle.

    J'ai mme sur nombre de points touchant le r-gime, les programmes, donn quelques brvesnotions rtrospectives, soit qu'elles fussent nces-

    saires pour une intelligence plus exacte de montravail, soit que n'ayant point trouv ce point traitparles contemporains, j'ai pens tre agrable aulecteur en lui soumettant des faits qui lui sont peuttre inconnus, des ides qu'il n'a pas entendu met-tre encore.

    Je me rends compte de l'imperfection de ce tra-vail, mais dispos bien accueillir la critique s-rieuse, je suis un ge o Ton croit l'indulgence.

    III. Le IV' sicle.

    L'poque ne me parat ni moins intressante, nimoins inconnue que la ville.

    Je n'ignore pas que, sur quelques points, des pa-ges savantes ou dramatiques ne soient sorties demain d'ouvrier, mais ce sont des traits pris et

    l, des esquisses de figures qui s'imposent au re-gard. Sauf l'ouvrage de M. de Broglie, si remar-quable mais incomplet et dj vieilli, il n'y a pasd'tude gnrale sur ce sicle (1). De plus c'est lapartie la plus historique, le mouvement des idesqui a t la plus dlaisse.

    (1)* L'Eglise et VEmpire Romain*

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    12 Il est vrai que d'excellents esprits de notre temps

    se sont tourns avec curiosit vers cette priode etdes travaux vraiment nouveaux par la conceptionpromettent une large moisson historique. Cepen-dant, Franais ou Allemands, tous se laissent at-tirer par la partie latine et abandonnent volontiersl'Orient qui voudra. Sur celui-ci auquel j'essaiepeut-tre audacieusement de toucher, rien de nou-veau n'a t dit: j'excepte l'tude rudite de Sieverssur Libanius (1) et celle de M. Petit de Julleville,digne de ce maitre, sur Athnes (2).

    M. Gaston Boissier a demand aux auteurs latinsleurs rvlations sur les dernires luttes religieuses

    eu Occident ^3) ; il s'y est renferm ; nous ne nousen plaignons pas puisqu'il y a acquis une remar-quable matrise. M. Moureaux essaie de compenserpar le charme la profondeur d'rudition de son

    modle et nous conduit agrablement chez les Afri-cains (4). Ebert et Denk nous offrent le multiplemais indigeste savoir allemand : Denk, nous donnela premire histoire vraiment critique de nos colesgauloises cette poque (o).

    (1). Das Leben des Libajiius.(2). L'Ecole d'Athnes au IV^ s. aprs J.-C.(3). La fin du Paganisme ; L'Afrique Romaine.(4). J^es Africains : Etude sur la littrature lati?ie d'A-

    frique.(o). Dr Denk Geschichte des Gallo-Frankischen unter-

    richts-und bildungswesens ; Ebert, trad. Aymeric et Con-damin ; Histoire de la liitrat. chrt. jusqu' Charlema-gne.

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    13 Je ne doute pas que ces matres n'aient prouv

    comme moi le regret de ne pouvoir tudier que sousun jour restreint ces choses si intressantes alors :ides, coles, littrature, religions ; de ne pouvoir

    pas, dans l'union qui leur est naturelle, en Orientet en Occident la fois, scruter les multiples l-

    ments qni constituent la vie de Tpoque, fruits dupass et germes d'avenir.

    Quand d^autres seront venus apporter laborieuse-ment quelques pierres nouvelles, peut-tre pourra-t-on tenter la reconstitution importante de l'me decette poque, de sa vie intime, celle qui est la mre

    des vrais progrs.

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    14 dier les grands problmes du monde sous toutes

    leurs faces et dans leurs diverses solutions (1).A quelle poque cette page s'applique-t-elle plus

    justement qu'au IV^ sicle ? Il semble une nigmeobscure, un chaos grandiose et lorsqu'on tente depntrer ses institutions et ses hommes, on retrouveen eux les mmes traits incertains et confus.

    Cela peut lgitimer dans une certaine mesure lanote de dcadence dont on Ta marqu, pourvu qu'onne ldentife pas avec celle du Bas-Empire. Ne con-fondons pas le temps d'hiver avec la saison des se-mailles... la plaine a perdu son charme d't je leveux, mais malgr le heurt des sillons et les crisdu labeur, il y a une bonne odeur de fcondit etdes chants d'esprance... Tel le lY^ sicle.

    Et quels ouvriers ! Quels semeurs Les fils del'Evangile nouveau et ceux de l'antique culte : l'Occident, la voix railleuse de Jrme, le ferme et

    clair gnie d'Hilaireet d'Ambroise, le sceptique

    Ausone, l'loquent Symmaque. En Orient, lesderniers matres d'Athnes, fils dgnrs de presglorieux; les matres de l'Orient grec, Himerius,Themistius, Libanius, esprits souples, charmants,

    dignes de l'ge d'or de la pense et de l'art, avec

    auprs d'eux Chrysostome, l'aptre qui ignore lapolitique mais sait la charit, Basile, l'loquentami de Libanius, les Grgoire, l'me potique etsensible.

    (1) Histoire de la civilisation en France^ 6" leon.

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    15 Constantin, Julien, Tliodose ! Ces trois grandes

    figures d'empereurs suffiraient pour donner au si-cle une place dans l'histoire. Semblables lui parla complexit de leur nature et l'apparente contra-

    diction de leurs actes, ils semblent de ces figuresqu'on ne peut dfinitivement fixer. La politique, la

    religion, la psychologie ont pujusqu'ici

    apporteret tablir sur eux les conclusions les plus opposes.

    x\uprs d'eux, la vie religieuse parait lumineuse.

    Cependant, quelle confusion de hirarchie, quelleinstabilit de doctrine, quel mlange de christia-nisme et de paganisme ! Peu de place pour l'im-pit, mais place immense pour l'occultisme et lemysticisme... Des conflits violents entre vques :la calomnie cote peu. Des murs qui, dans uneEglise encore informe, appellent dj une rforme.Une activit trange pour l'apostolat, les fonda-

    tions charitables, les discussions interminables surles dogmes, et auprs la non moins trange apathiedes moines de l'Amanus.

    Du peuple, de l'immense lgion d'esclaves, per-sonne ne se soucie

    ;personne ne songe relever

    quelques traits de leur situation inique.

    C'est l'heure de la grande lutte entre Rome etles Barbares ; mais combien plus intressante, plusimportante, la lutte, pacifique souvent, violenteparfois, toujours fconde des ides, celle dont vi-vent ou meurent les institutions et les nations, et

    dont l'humanit s'enrichit toujours.C'est celle-l qu'il faudrait analyser et dcrire :

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    16 le conflit du paganisme et du christianisme avecleurs mille nuances, celui de la langue grecque etde la langue latine, du droit contre la rhtorique,la guerre entre le principe de municipalit et leprincipe de centralisation, cette lutte intime de tousles lments de la civilisation humaine, et ce d-partage entre ceux qui doivent disparatre, ceux

    qui doivent se transformer, ceux qui doivent rgnerdemain encore et pour cela lutter avec l'pre bar-barie qui vient. 11 semble ainsi qu'aux heures d-cisives l'humanit, comme Gdon prouvait seshommes, prouve ses ides et marche !

    Le thtre, cest le monde civilis tout entier;

    le cadre, ces masses au grossier langage, aux murstranges qui de la mer du Nord Constantinoplesont aux frontires, comme y sont T Orient, lesPerses au nom glorieux. Et dans le lointain, quiprte Toreille entend la cavalcade bruyante, d-sordonne, qui a pour avant-garde l'pouvante, et

    pour arrire-garde le deuil et les ruines : ce sontles hordes d'Attila, de Gensric, les fossoyeurs del'Ancien Monde.

    11 faudrait, pour parler dignement de ce sicle,manier le burin de Tacite, la plume de Montes-quieu, la lyre d'Hrodote ; savoir comme le sagede Lucrce en sa tour, impassible devant les flotssoulevs, discerner les courants et les souffles, ceuxd'hier et ceux de demain, ceux de Rome, d'Ath-nes, d'Antioche, d'Alexandrie et ceux de Jrusa-

    lem, ceux des peuples neufs et rudes et ceux des

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    17 peuples polis mais vieillis, les dcrire, mieux en-

    core les chanter.La reconnaissance a dict cette longue prface.

    Je croirai avoir assez fait si j'ai attir quelque re-gard curieux sur Antioche, inspir quelque dsirde s'initier ce sicle encore mal connu.

    J'aime cette uvre o j'ai trouv les surprisesde l'imprvu et de l'inconnu, les grandes joies deslettres si douces et si prcieuses. Drivatif en desheures amres, refuge et consolation, ce travail mefut un doux compagnon dont je ne me spare qu'regret et qu'accompagnent mes vux inquiets.

    jEthereas, lascive, cupis volitare per aurasF, fn(fe, sed poteras tatior esse domi (1).

    Ardon-sous-Laon^ Septembre 1891

    (1) Martial, L. I, Ep. IV.

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    CHAPITRE PREMIER

    REGIME DES ECOLES

    Ds le deuxime chapitre e ^e^ Institutions Ora-toires^ Quintilien (1) traite la question de rensei-gnement priv : est-il plus utile de faire tudier

    l'enfant la maison que de l'envoyer aux colespubliques? Je vois, dit-il, que les lgislateursdes Etats les plus illustres et les plus graves au-teurs ont t de ce dernier avis. Cependant, on nedoit pas dissimuler que quelques personnes cdant une conviction particulire drogent cet gard l'usage presque gnral .

    Telle est donc la pratique de Rome. Nul doutequ'il n'en soit de mme Athnes et Antioche.Ici, en effet, nous ne trouvons pas les quelques ves-tiges d'instruction particulire signals Rome :

    Athnes a une thorie propre, ou tout au moinsune tradition en matire d'ducation et Antiochela continue ; enfin, les arguments des partisans del'instruction publique ont, en ces villes, leurpleine

    valeur.

    (1) Imt. Orat., I, 2.

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    Les voici oxprinis avec une satiacit profonde

    par Qiiintilien.

    Appel vivre dans tout l'clatde la clbrit et an grand jour des affaires publi-ques, l'orateur doit avant tout s'accoutumer de

    bonne heure ne point redouter l'aspect deshommes, ne se point ensevelir dans l'ombred'une vie solitaire; l'esprit reste en activit; la pr-

    somption, fruit fatal de l'isolement disparat. Lse faonne cette sorte d'instinct qu'on nomme lesens commun que la seule frquentation deshommes peut produire.

    A l'cole publique, on profite des observationsou loges adresss d'autres. L'mulation surtout,la mre de# tudes fcondes, nat de la honte desinsuccs ou des joies du triomphe : avec quelle ar-deur on se dispute hi palme et quel honneur pourcelui qui est le premier de la classe. Cette luttenous donnait plus d'ardeur que les conseils de nos

    professeurs et la surveillance de nos matres, lesvux de nos parents .

    Auprs des mules il y a les modles, commela vigne monte du pied de l'arbre et saisit d'abordles rameaux infrieurs avant d'atteindre leurfaite,c'est c\ imiter les travaux de ses condisciples quel'enfant s'lve lentement au sommet du savoir .

    Le matre, lui-mme, n'a-t-il pas besoin de sonauditoire pour donner ses paroles la chaleur quiconvainc, l'enthousiasme qui transporte et faire desa leon de rhtorique un modle de bien dire. Il

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    20 n'y aurait pas d'loquence au monde si Ton n'avait

    parler qu'en particulier.N'est-ce pas l seulement que s'efTectue la for-

    mation de l'homme social, qui entre pour tant dansnos proccupations pdagogiques contemporai-nes ?(l)Quintilien passe sous silence cette consid-ration parce qu'il n'avait pas signaler le malaise

    qui rsulte lorsque l'instruction prive prend, dansune classe ou une nation, une place trop prpon-drante.

    Il est facile de comprendre ce simple rsum,que dans l'ducation grecque orientale o la rh-torique tient l'immense place que nous verrons, ola vie sociale est si dveloppe, o la vie enlire sepasse dans les relations multiples des ftes, desfestins^ des bains, des jeux, du forum, il n'y avaitplace que pour l'ducation publique. Y a-t-ilencore l'poque qui nous occupe, des enfants levs dansla famille par un matre? Peut-tre, mais ce nesontque des exceptions, car nous rencontrons dansles coles les tils des rhteurs et des magistrats

    chrtiens et paens et ceux que suit la vigilance pa-ternelle et ceux que la sollicitude inquite des m-res retiendrait volontiers au foyer.

    (i) Les Falriens, se conformant en cela l'usage grec, fai-saient donner en commun, par le mme matre, l'instruction leurs enfants, afin d'habituer ainsi, ds le principe, ces derniers

    tre levs et se laisser conduire les uns avec les autres.T. I, p. 520, cd.Reisk.

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    21 Oiiiiitilien signale cependant une doulile objec-

    tion. La premire vient des murs, la seconde dela direction des tudes.

    A cette seconde, plus apparente que relle, ilrpond cpie si Ton croit qu'un matre donneramieux ses soins un seul lve, l'enseignementpublic n'empche pas qu'on donne un tel rp-titeur . Autrement, il est craindre que lematre qu'on trouvera soit assez mdiocre, car iln'y a que les mdiocres qui s'accommodent ainsi dece rle. Ft-il un matre incomparable, il ne peuttre constamment occuj) de son lve dans uneleon perptuelle. Alors, si la leon est intermit-

    tente, elle est aussi utile plusieurs : autant l'en-

    tendent, autant en profitent; c'est le soleil (pii r-

    pand au mme degr la lumire et la chaleur.L'inconvnient des corrections et explications estcompens partant d'avantages!

    Quand la premire objection, elle nous permetde dire un mot de la moralit des coles publiquesau IV sicle, causa prorsus grains, question ab-solument importante . Quintilien ne nie pour sonpoque ni le mal ni sa gravit, bien que le pre-mier, responsable sesyeux,soitla famille, aussi,

    n'est-ce pas des coles (ju'ils rapportent des vices

    mais bien dans les coles qu'ils les introduisent,tant ils y arrivent pervertis et gts. Ds lors, oncomprend que dans la runion d'hommes de cetge, naturellement plus enclin aux vices, le con-

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    22 tact cre les plus honteux drglements ))^ reproche

    hlas trop fond.Que sera-ce en Orient o jamais la famille neconnut l'austrit romaine, o le plaisir semblenaturel sous le soleil, les fleurs, o le corps etl'me s'alansuissent si facilement avec Tusase desbains, des ftes et de mille autres lments de cor-

    ruption.Chrysostome ds lors ne me semble plus exag-

    rer sa thse loisir ; Libanius lui-mme lui donneraison et de ses svres leons confirme les plain-tes indignes du moraliste chrtien.

    On n'ignore pas que sur ce point TEtat se dpar-tit de sa large tolrance touchant l'instruction, sesprescriptions n'affectent d'ordinaire que la disci-pline et la moralit. On ne peut nier que ce soit lerle bien compris du pouvoir.

    Yoici dans le Discours d'Eschine conte Timar-que un trait de cette ancienne et constante proc-cupation. Bien que les matres qui nous devonsremettre le soin de nos enfants soient intresss respecter les murs parce que leur fortune en d-pend, cependant le lgislateur parat se dfierd'eux : il indique en termes exprs quelle heure

    l'enfant doit aller l'cole, avec combien de ca-marades il doit s'y trouver, quelle heure il doiten sortir. Il dfend aux matres d'ouvrir leursclasses avant le lever du soleil et leur enjoint deles fermer avant le coucher mettant en extrmesuspicion la solitude et les tnbres. Il dtermine

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    23^la condition et l'ge des jeunes gens qui frquen-

    tent ces taI)lissomcnts (1).De lu ces surveillants tablis pour toutes les ru-

    nions de la jeunesse et dont le pouvoir s'tend

    aux matres comme aux lves : le paidotribe dansTphbie, le cosmte dans la Palestre.

    Il est probable qu' l'poque o nous sommes,Finfluence de Rome s'est fait sentir, les mesuresde protection ont plus ou moins disparu, une im-moralit sans nom en est le rsultat.

    Quel courroux, quelles foudres vont clatersur nous qui en cherchant purifier le langage denos enfants par

    Ttudede la sagesse profane

    aban-donnons leur Ame au bourbier immonde dans le-quel elles gisent et se dcomposent (2).

    Pour siernaler ce mal Chrvsostme choisit lestermes les plus vifs qui puissent marquer son indi-gnation, exprimer son dgot (3). Il hsite, la honte

    dans l'Ame et le rouge au front, mais la gangrneet la purulence de la plaie n'arrtent par le m-decin une passion nouvelle et dtestable s'estproduite notre poque ; un mal incurable etterrible, peste plus dangereuse que la peste la plusmortelle a clat parmi nous. Un crime effrayantet inou a t invent : crime qui renverse non seu-

    (t) Contra Timarch, 2, 3.(2) J, (Ihrjsost : Troisime Discours contra les adver-

    saires de la vie monastique.(3) J. Gluysost : Troisime Discours contre les adver-

    saires de la vie tnonas tique.

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    24 lement les lois crites mais encore les lois de la

    nature elle-mme. Grce ce monstrueux raffi-nement de dbauche, la frquentation criminelledes femmes ne parat plus si mauvaise. On s'es-time heureux de se drober ces filets vulgaires etles femmes sont menaces de devenir un hors-d'uvre, les jeunes gens remplissant leur office.

    Ajoutez ceci que ces forfaits excrables s'affi-chent avec une audace et une effronterie sans me-sure... De tels dsordres n'veillent que le sou-rire. La sagesse passe pour de la folie, les obser-vations pour des extravagances. De la part desfaibles on les accueille par de mauvais traitements,de la part des puissants on les accueille par la d-rision, la moquerie et mille sarcasmes ; les tribu-naux, les lois^ les pdagogues, les parents, lesmatres, les serviteurs n'y peuvent rien. Ceux-ci,sont corrompus parl'argent, ceux-l ne songent qu'

    toucher le prix de leur service... L'infamie s'taleau milieu des foules avec autant de libert quedans une complte solitude.

    O sont les barbares qui ne soient pas vaincuspar cette monstrueuse dbauche : quelles sont lesbtes sauvages au-dessous desquelles nos liber-

    tins ne s'abaissent point par leurs murs ? On re-marquera chez certains animaux, des emporte-ments, des fureurs sensuelles qui ressemblent

    une folie vritable... quelles que soient ces ar-

    deurs, ils respectent les lois que la nature a

    fixes )>.

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    26 les femmes honntes s'emparent du cur des hom-

    mes. Si donc on ne voit pas avec tonnement, sion ne Ijhime pas, si on ne condamne pas celui quicde la puissance de ce Dieu, parce que ni lesplus grands rois, ni les philosophes les plus sageset les plus orgueilleux, ni Jupiter lui-mme roides Dieux, ne sauraient chapper ses traits,pourquoi har, dtester, excrer celui qui sertsous le mme matre. Ce n'est pas de son propremouvement, mais forc par la puissance de ceDieu que celui qui pourrait aimer une chastepouse donne son cur une courtisane. Puisqul

    en est ainsi, considre moins tonfils

    comme dignede haine que comme digne de ta piti et de tonpardon (1).

    Cependant voici sa conduite pour son cole : Ecoute mon opinion. Si quelqu'un de mes lvesa commis une de ces fautes honteuses dont on nepeut parler, je le renvoie et ne laisse pas la conta-gion envahir le troupeau qui m'est confi (2). Unjour, il porte devant la Curie d'Antioche une ac-cusation contre les pdagogues qui trafiquent de lapudeur des enfants (3j. Il s'lvera avec non moinsde vigueur contre la coutume qui s'introduit d'in-viter les jeunes gens aux hanquets des Jeux Olym-piques, vritable cole d'immoralit. Le grand

    (J; W'olf. {Ep. lut. Zambie, II, p. T.)9), Polydorc,(2) Wo.Ep. ii39, ad Acaciu??i.

    (.;) Ep. 407.

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    27 respect de ronfance n'est videmment pas le ca-ractre de cette poque et comme au temps dePliitanpie,

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    28 Discipline

    Si les coles sont infectes d'une telle immora-lit, ce n'est pas que la rpression fasse dfaut. Lapage de la discipline semble nos esprits mo-dernes aussi dplorable, mais un autre point de

    vue, que celle de la moralit. On n'est pas mdio-crement surpris lorsqu'on sort des coles d'An-tioche ou de Rome, l'oreille pleine du bruit desverges et des cris de douleur, de savoir que sansironie le Romain nomme Indus le jeu, et leGrec o-yoAr, le repos, cette vraie gele de jeu-nesse non pas captive mais battue.

    N'insistons pas sur les coles de langue latine.Il serait trop facile de rappeler Orbilius, donneurde coups, le matre d'Horace et d'emprunter auxConfessions fP Augustin le fameux passage o il

    nousdclare

    (1) qu'il frissonne d'horreur

    au sou-venir de ses premires tudes et n'hsiterait pas choisir la mort s'il lui fallait opter entre elle ouune nouvelle enfance (2). Rome l'austre a gardainsi le trait nergique du commandement, mais laGrce, humaniste raffine, fouette non moins vigou-

    reusement.Il faut reconnatre que dans l'ducation grecque

    aussi bien que dans l'ducation romaine, le fouetfut d'un usage constant ; d'ailleurs sous la sauve-

    1. Ep. II, I, 70. . memini qii plagosum mihi parvo

    Orbilium dictare 2. Confes. I. 9, 13.

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    29 garde dos traditions et des lois il demeure long-leinps un des moyens lgitimes de rpression.Aussi l)ien, c'est surtout de peines corporelles

    qu'on a fait usage depuis l'humanit naissante jus-

    qu' nos jours. M. Flix llment veut y voir la pr-dominance du principe d'e.\j)iation sur le principed'amlioration

    (1).Ceci

    meparait une accusation

    aussi odieuse que draisonnable, inadmissible dansles questions d'ducation, si elle subsiste dans larpression lgale. Il ajoute que les procds va-rient avec les degrs de civilisation ; ce titre ilnest poinl de nation civilise qui ne soit barbare

    par quelque endroit. On fouette au sicle de Pri-cls, au sicle d'Auguste ; on fouette l'poquesi amollie du Bas- Empire, on fouettera sousLouis XV. 11 ne faut pas faire de notre rpulsionactuelle pour ce procd, une supriorit de civili-sation : si le fouet n'est plus lgal et si les chti-

    ments corporels sont justement interdits, on n'ignorepas que la pratique diffre souvent du permis.

    Donc le fouet admis dans la famille l'garddes esclaves et des enfants, dans la cit l'garddes coupables, dans la palestre l'gard des l-

    veset

    desmatres, l'est aussi

    dansl'cole.

    JusquePlutarque et Quintilien,nous ne rencontrons gured'hommes de valeur, ni d'ducateurs pour les con-damner (2).

    1. A pro|)Os lies chlimcnts dans rdiicalion (Picard 188.S),2. Esch. le Socrat. Diai. III, 8. Sid. Apoil. II, E|>. 10. Ilie-

    ronym.Ep. :32, 33. Juv. 1. Sal. V, lo. Mart. Epigr. \, 62.2.

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    30 Si l'enfant se montre docile, on l'encourage ;

    s'il est indocile, on le redresse comme un boistordu et recourb, parlesmenaces et les coups .C'est l'opinion de Platon et d'Aristote (1).

    Au I"" sicle, Quintilien et Plutarque rpugnent ce procd, rclament des exhortations et desconseils,

    mais non des coupset

    des paroles bles-santes. Je ne veux point du tout que l'on frappeles coliers encore que l'usage l'autorise et queChrysippe l'approuve : ce chtiment est dgradantet servile (2).

    Il est vrai que Caton avait dj voulu lever lui-

    mme son fils afin que le pdagogue ne lui tirepas les oreilles (3). Aujourd'hui ces procds vio-lents nous rpugnent parce que nous avons placl'enfant plus haut, trop haut peut-tre, et qu'ilnous semble plus digne de lui proposer le devoirque de le lui imposer. Comme toutes les utopiescelle-l ne manque pas de grandeur mais il fau-drait prendre garde en condamnant Dme, le presvre, d'imiter le faible Micion.

    Au lY^ sicle, Himrius reprsente les matresdbonnaires. Je hais ces matres de la jeunesse

    qui ne conduisent pas les troupeaux comme desbergers avec la flte, mais menacent de coupset du fouet. Mes troupeaux, mes nourrissons(puiss-je ne les voir jamais disperss) ne sontgui-

    1. Protag. I, 325; Republ. VII, lo, 7.2. Quinti!. I, 3, 14. Plutarq., De Vducation des enfants

    T. VI, 103. Ed. Reiske.3. Plutarque. T. Il p. 688 sq

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    ai-ds que par ma persuasive loquence aux prs etbosquets des Muses. Pour les mener, jamais lescoups, toujours les chansons. Notre mutuel amourse nourrit de musique et Tharmonie rgle monpouvoir (l ;.

    Il est cependant le seul qui nous prsente le

    spectacle de cette bnignit et l'usage du chti-ment corporel prvaut certainement.

    Si parfois Tlve apporte quelque ngligence,

    sa peau fait connaissance avec les verges ; les

    coups ne Tencouragent pas recommencer et lors-qu'il a dans quelques larmes amres adouci sadouleur il s'applique au devoir, s'efforce de rfl-

    chir. Si, en gamin qu'il est, il ne s'en soucie pas,alors on le prive de nourriture et tandis que sescamarades vont prendre leurs repas, il reste seuldans l'cole . Ainsi parle sans protestation Gr-

    goire de Nysse (2).Libanius qui cependant se plaint d'tre trop

    facile pour ses lves, fouette aussi. (( Si voustiez sophiste et qu'un de vos lves se conduise

    mal, dit-il l'empereur Julien, le tolreriez-vous ?

    Non, mais vous apporteriez les verges (3). Dansla lettre dj cite o il parle d'loigner le malcontagieux de l'lve corrompu, il rveille coups de fouet l'lve qui ne travaille pas. C'est

    1. Or. XV.2. Grg. Nyss. De castigatione. Cf. S. Basile. Sur la lec

    ture des auteurs grecs.3. Lgats ad Juh'nn.

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    ce qui est arriv votre fils coupable de paresse.Laissant l les livres, il a montr la laret de sesjambes et il a t puni sur ses jambes afin qu'ilapprenne faire de prfrence courir sa lan-gue (1).

    Les textes qui tablissent cet usage sont nom-breux ; c'est dans les larmes, sous les coups deverge et de frule que l'enfant apprend les dursrudiments (2j. Jrme affirme bien qu'il ne r-clame pas ces moyens pour former Paula ni Paca-tula. et Thodoret voque mlancoliquement lebonheur des abeilles qui apprennent faire leur

    miel sans passerpar ces douleurs. Mais il reste quec'est l'usaae et un usasre matre incontest.

    Les insti'uments furent de touttemps les mmes:le fouet, le martinet, la frule. La frule ou ba-guette est surtout employe par le pdagogue quil'a toujours la main lorsqu'il accompagne l'en-fant. C'est le moins rigoureux des chtiments ;cependant Fulgence se souvient qu'colier il avaitles mains enfles de coups de frule (31. C'tait surles mains principalement, mais aussi sur le dos etautres parties du corps qu'on l'utilisait.

    Le fouet, simple lanire de cuir ou de peaud'anguille, est d'un emploi frquent et tient le mi-

    lieu entre les deux autres.Quant au martinet, qualifi horrible, form de

    i. Lib. Ed. Wolf. Ep., 11:50, ad Acacinm.2. Ausone. Id\il. I\'.

    o. Tiunidas ferulis gestaveram pabnas .

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    33 petites lanirros nonos et cinglantes, il est rare-

    ment mentionn et, il faut Tespreranssi, rarementemploy. Il faisait In peau de l'enfant tachetecomme un tablier de nourrice (1). Il ne faut pas,disait Horace, dchirer avec le martinet celui (]ui

    ne mrite qu'un coup de lanire (2). Si l'enfant se conduit mal ou nglige son de-

    voir, il \ a le fouet, donne-lui en de nombreuxcoups sur le dos et fais lui redouter la frule et lesverges (3).

    Tout ceci authentique la fameuse peinture d-couverte dans les ruines de Pompi : description

    du ch;\liment d'un colier (4). Il est dpouill deSCS vtements ; un de ses camarades le tient parles deux mains hiss sur son dos, un autre luitient les pieds, tandis qu'un troisime personnagelve les verges pour frapper (5) Pendant ce temps,le matre, dont la grande barbe ne dissimule pasla mine renfrogne, les mains dans son petit man-teau, fait lire quelques lves.

    La main jouait aussi probablement son rle :a c'est le chtiment des petits enfants et non deshommes , peut-tre aussi que la pantoufle suivaitparfois, punition lgre, le chemin que suivit celled'Omphale l'gard de Mercure.

    (!) l^laulc Hacchld.(2) I, Sat., III, 119.

    (3) Lib. II Ghria.

    (4) Mm. de la Soc. Roy. de Saxe, vol. XII.(5) C'est l'illustration de ce passage d'Apule, Flor. IX :

    nAltissimo sublato puero ferula nates ejus obverberans .

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    34 Inutile de remarquer que ces chtiments sont en

    usage dans toutes les coles et que Yge n'en dis-pense pas. L'dit de Valentinien, Valens et Gra-tien, enlve du reste toute incertitude : Que siquelque tudiant ne se conduit pas dans la villecomme l'exige la dignit des tudes librales, qu'ilsoit publiquement battu de verges (1).

    Si l'on en croyait les potes, voire mme Thmis-tius, il y aurait eu d'autres procds de vraie tor-ture, des scnes de violence regrettable, lves lis

    un poteau, billonns, torturs, cartels, sou-mis au supplice du chevalet et de la fdicula (2).

    Il est vrai que ce n'est plus le professeur quiagit alors, mais le cranciei- irrit de voir passerles mois sans rtribution (3). C'est la vengeancecruelle et inique d'un estomac vide, d'un matremisreux. La misre des matres crait ainsi undouble mal : carie besoin de vivre les faisait aussihsiter liminer les lves corrompus, malgrles craintes de contagion.

    D'autre part, sans honneurs, les premiers ma-tres trouvaient dur d'tre aussi sans ressources ;aigris par l'infortune, ils devenaient cruels l'gard

    de ceux qui les frustraient de leur salaire. Ainsi,ce qui tait un stimulant pour la paresse, un chti-ment pour la rvolte, devenait un instrument iniquede vengeance entre les mains d'un matre affam.

    (1) Cod. Thod., XIV, tit. IX, t.

    (2) Ov. I, 47.

    (3) Lucien Hermot* et le Banquet,

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    35 N'insistons pas sur ces exceptions.

    Le clitiment n'tait pas le seul langage employ l'cole pour ramener au devoir : les avertisse-ments, les menaces prcdaient.

    La douceur mme n'tait pas inconnue (1). Dutemps d'Horace, dj, des maitres indulgentsdonnaient des friandises aux enfants pour les en-courager apprendre les premiers lments. x\u-jourd'hui, l'austre Jrme conseille la mmepratique. Pour exciter l'ardeur de Pacatula, pro-mettez-lui des jouets, des friandises, ce qui charmedans les tleurs, ce qui resplendit dans les pierres,

    ce qui plat dans les jouets, que l'tude lui soitundivertissement plutt qu'un travail, que l'inclina-

    tion et non la ncessit l'y pousse (2).Salvien nous affirme que presque tous les enfants

    incorrigibles que ne changent ni les menaces, nila frule, se laissent parfois conduire par les cares-

    ses et les prsents (3). Libanius et Thmistius nous sont tmoins que lapatience n'tait pas inconnue aux maitres. Lorsquedu bruit s'lve dans leurs coles et que les disci-ples deviennent turbulents, ils paraissent attendredavantage de la tolrance que de la rpression. Ilsprviennent les parents, et ne se dcident au ren-

    (1) I, Sat. I, 2o:

    Ut pueris quondam dant crastula blandiDoctorfis, elementa uelint ut discere prima*

    (2) Kp. 128, dil. Migne, ad Gaiideatium.(3) DeGubernat. Dei, VI, 92.

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    36 -~voi. (( dshonneur irrparable , qu'aprs avoir touttent, mais alors, dit Libanius, quelques renvoisfaits froidement produisent une excellente impres-sion (1).

    Les matres ayant du lact, de la modration, nemanquent donc pas au IV^ sicle. Convaincus que l'enfant est l'animal le plus difficile conduire >,

    ils savent que la douceur et le respect sont lesmeilleurs instruments de discipline. Les autres ontaussi leur rle en des circonstances et pour desnatures exceptionnelles ; peut-tre que l'antiquitft trop de l'exception la rgle.

    Action de lEtat, des Municipalits, de la Libert

    L'enseignement public peut se trouver sous troisrgimes diffrents.

    Les matres, leurs risques et prils, ouvrentleurs coles : c'est l'enseignement libre.

    La ville ou la bourgade, extension de la familledont elle peut reprsenter les droits et, par sonunit, les mieux sauvegarder, ouvre des coles,choisit les matres, assure leur traitement : c'est

    l'enseignement municipal.

    L'Etat, au nom de ses droits suprieurs, inter-vient, se rserve le choix des programmes et celuides matres, assure des privilges ses professeurs

    et ses lves : c'est l'enseignement d'Etat.

    Ce n'est point le lieu d'tudier les principes di-

    (1)Reiske, I, 146.

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    vers mis en avant pour tayer chacune de ces ins-titutions, ni de voir les divers degrs qu'elles com-portent et qui varient de Findifierence absolue la

    plus inique des tyrannies. D'ailleurs, le plus sou-

    vent, ces formes d'enseignement coexistent et secompntrent, constituant ainsi un tat de chosemoyen qui satisfait les amis de la modration et dela mesure.

    Il ne me parait pas dnu d'intrt, mme aprsles vives discussions de notre temps, de brivementdgager le principe qui ressort de l'histoire com-plte de l'ducation dans l'antiquit : le respect dela libert individuelle.

    Les auteurs qui ne l'ont pas reconnu et ont cruvoir dans cette histoire l'Etat ancien raliser lesutopies vaguement communistes d'Aristote et de

    Platon, ou se sont laiss entraner par le dsir delgitimer les tendances contemporaines, ou se sontlaiss leurrer par le grand souffle de patriotismeet le culte de la cit, double impression que laisseprofonde le contact de l'antiquit.

    Quel peut tre le rle de l'Etat par rapport hl'instruction et l'ducation ?

    A l'heure actuelle, nous trouverions peu d'ad-versaires des droits ou, si l'on veut, des devoirs del'tat en cette matire.

    Les uns disent : L'individu seul a des droits,l'tat n'a que des devoirs (1); pour d'autres, l'Etat

    (1) H. Michel, L'ide de l'tat.

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    38 a la responsabilit de l'avenir et par consquentles droits ncessaires pour l'assurer et raliser sapropre raison d'tre et de ces deux thories, enprincipe si opposes, l'aboutissement en matired'enseignement est le mme. Tiise ou simple hy-pothse, conclusion rigoureuse d'une doctrine fixe,

    ou simple concession des circonstances spciales,cette action de l'Etat est par tous considre commelgitime

    L'antiquit ne connut pas cette unanimit. Loinde l Sous aucun rgime, si despotique fut-il, leminimum d'intervention, aujourd'hui admis detous, ne fut mme propos.

    L'affirmation de l'antriorit des droits de l'tatfut rarement discute, sa main-mise sur les indi-vidus souvent absolue. C'est la thorie de Pla-ton. Et ce ne sera point au gr des parents que

    les enfants frquenteront les coles ou s'abstien-dront d'y venir, mais il faudra que tous, autant quepossible, homme et enfant, comme dit le proverbe,soient forcs de s'instruire, vu qu'ils appartiennent l'tat plutt qu' leurs parents (1) . De mme,Aristote : Il faut se bien persuader que le ci-toyen ne s'appartient pas lui-mme, mais sonpays... Il est donc vident que l'instruction doittre rgie par des lois et qu'il faut la rendre com-mune (2) .

    La thorie, on le voit, est absolue, en harmonie

    (4) De Leg.(2) Polit. VIII.

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    d'ailleurs avec le patriotisme descits

    athnien-nes, troit, mais prt tous les sacrifices.

    Mais cette thorie exprime plutt des desiderataqu'elle n'affirme des ralits lgales. On ne peutgure citer que la lgislation de Solon et de Charon-das Encore est-ce l'heure o l'ducation de l'en-fant est une formation de soldats et de citoyensavant d'tre la formation d'hommes. La loi, quel-ques hymnes, des loges d'hommes illustres, cons-tituent tout le bagage littraire de ces Grecs dont l'opulente fortune c'est la javeline, c'est l'pe,

    le beau bouclier rempart du corps . Leur duca-tion est complte pourvu que, semblables auxchiens de Crte, ils soient lgers, bons sauteurs ethabitus aux sentiers des montagnes ))(1). C'est l'-poque o la force prime l'esprit.

    Cette poque dura peu... Nous ne trouvons plusensuite l'intervention directe du pouvoir pour res-treindre la libert des familles et des matres.

    La seule exception quenous rencontrons estle d-cret port en 306 sous Tarchontatde Coraebos (2);Sophocle fils d'Amphiclidc propose qu'aucun

    philosophe ne se mette la tte d'une cole si lesnat et le peuple ne l'ont pralablement approuv.

    L'infraction sera punie de mort . Le dcret sou-tenu par Dmochars le fils de la sur de D-mosthne est promulgu... Les philosophes prf-rent se retirer : Thophraste quitte Athnes aban-

    (1) Alhen., XV, 696.(2) Diog. Laert. V., 38.

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    40 donnant son cole de deux mille lves. Deux ansaprs Philion accuse Sophocle de paranomie ; ledcret est rapport et son auteur condamn uneamende de cinq talents. La libert chez les Grecsne supportait pas longtemps le joug.

    Il est certain qu'au sicle de Pricls toute actionlgislative concernant rorganisation des coles, lechoix des matres, les programmes, Tinspectionde l'enseignement a disparu.

    Reste le contrle exclusivement moral, la sur-veillance et la rglementation que nous trouvons

    pour toutes les runions, la police des ftes, et lesnombreux magistrats : gymnasiarques, cosmtes,sophronistes, pdonomes chargs de l'ordre et dela moralit.

    La loi rappelle aux parents, mais sans rien pres-crire, leur devoir de veiller l'instruction de leurs

    enfants. Elle leur refuse s'il l'ont nglige, sa pro-tection pour leur vieillesse et dispense le fils desecourir son vieux pre (1). C'est ces lois direc-

    tives que Platon fait allusion lorsqu'il parle de celles qui ont prescrit au pre de Socrate de luifaire apprendre la gymnastique et la musique .

    Lucien rsume cette lgislation lorsqu'il fait dire Solon. ?sous veillons principalement et de toute

    manire ce que nos enfants deviennent descitoyens d'une me vertueuse et d'un corps ro-buste (2).

    (1) Galien Protrept. c. VIII.(2) De Gymnas, II, o. 901, 910.

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    /Il Auprs de la tlioric si neriiiqiicincut affirme

    des droits de 1 Etat nous trouvons donc une prati-que d'un ]il)ralismc que ne connatront plus lessicles venir. On comprend comme vraiment lalibert fut l'Ame mme de la culture, de la civilisa-tion athnienne. Et s'il n'est pas permis d'affirmer

    possibles aujourd'hui les liberts de ce temps, nous

    pouvons constater que c'est avec elles qu'ontapparu les grands sicles do la civilisation et queIhumanit a marqu ses tapes ascensionnelles lesplus glorieuses vers le beau artistique et littraire.

    Xous ne pouvons cependant passer sous silencel'phbie noviciat obligatoire que la rpubliqued'Athnes imposait tous ses membres au momento elle leur accoidait les droits civils et politi-ques (1). Durant une ou deux annes selon lespoques, le jeune homme de dix-huit ans devaitapprendre la vie publique, se former sous le con-

    trle incessant et minutieux de l'Etat toutes lesqualits qui pouvaient tre ncessaires un ci-toyen. Il apprenait la politique, le maniement desarmes, clbrait les sacrifices... Mais ce fut toujoursune action fort restreinte de l'Etat et nul texte netmoigne de son existence aprs l'an 247 fap.J.C).

    L'administration de l'Empire est de mieux enmieux connue et un des faits, non les moindres,rvls par les rcentes tudes est la constitution

    (1) Dumont Essai sur rEphbie.

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    42 du rgime municipal ou provincial et le grandlment de libert qui rsultait de ce rgime. Tou-tes les cits, pays d'Empire ou allis ou sujets,ont leurs magistrats locaux, leur assemble ousnat municipal.

    Sans doute lentement les droits avaient diminu,le fonctionnarisme grandi ; l'action impriale s'-tait tendue des objets jusque-l hors de sonatteinte, non pas toujours par ide arrte et prin-cipe d'absolutisme mais souvent force cela parles besoins ou les incapacits des administrs eux-mmes... Dj les liberts taient gravement res-treintes lorsque Caracalla avait tendu le droit decit

    tous les habitants de l'Empire Romain... EtDiocttien dans sa fameuse organisation adminis-trative ne fait que sanctionner l'existence de ce for-midable cadre de fonctionnaires qui s'est imper-ceptiblement constitu, depuis rajan principa-lement.

    Antioche qui avait achet sa libert prix d'ar-gent sous Csar, paie aujourd'hui le tribut et sevoit sans cesse menace de perdre aprs les autresses privilges de mtropole. Cependant son assem-ble municipale subsiste et elle garde jusqu' la findu lY^ sicle le droit de choisir les matres, dont

    le salaire est la charge de la ville.Nous verrons qu'alors le pouvoir fixe le mini-

    mum de salaire des professeurs et le nombre deceux qui jouiront de cette subvention municipale,mais laisse naturellement l'assemble de la villele droit de les choisir.

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    43 Nous trouvons ce droit exerc non seulement

    dans les villes de Nice, Nicomdie, Antioclie,mais encore Constantinople la ville impriale, Athnes honore des attentions du pouvoir. Enchacune de ces cits en effet Libanius fut appelou reut l'honneur d'un dcret municipal. (1).

    A son arrive

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    45 nouvelles chaires furent-elles cres ? Eunape secontente de cette rflexion < D'n[)rs la volont desRomains il devait v avoir Athnes de nombreuxorateurs et de nombreux lves .

    C'est donc l'assemble municipale qui par dli-bration, dcret ou ambassade manifeste le choix

    qu'elle a fait des professeurs officiels, rclame l'ap-pui des reprsentants de Tempereur, prteur ougouverneur, sollicite mme l'intervention imp-riale. Il semble qu'alors le rhteur ne peut refuserla nomination . Libanius ainsi appel Gonstan-tinople dut employer pour viter d'y retourner,mdecins, prteur et personnages influents.

    Sur quoi se base le choix ? Rien ne nous autorise croire un concours, un jugement par lespairs (1). Tantt le rhteur en possession de privi-

    vilges dsigne son successeur et le recommande ;tantt c'est un enfant de la ville qui est all faireses tudes Athnes, Constantinople, Antioche etqui a l'appui de sa famille et de ses amis ; ou en-core c'est un rhteur clbre, vainqueur dans untournoi d'loquence, un professeur qui est venufonder une cole et que des succs dsignent l'honneur d'une nomination officielle. Evidem-ment les intrigues, les influences des hommes atpouvoir exercent leur action, mais le champ n'en

    (1) Naudct {M(hn. del'Acad. des Inscrip, T. fX) affirme lecontraire sans donner un texte l'appui.

    3.

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    46 reste pas moins libre et plein d'esprance pour le

    talent.

    Le droit de nommer entrane le droit de rvo-quer. Cependant je n'ai pas trouv trace de rvoca-tion et la conduite du snat de Nicomdie est assezcurieuse : il ne rvoque pas le rhteur insolent, ilse contente de lui opposer un rival. Ailleurs aussinous rencontrons des professeurs indignes et hon-nis, sans qu'ils soient pour cela rvoqus.

    Nous voyons bien le prfet de ConstantinopleLimnius frapper Libanius d'interdit et par lettreslui fermer les portes de Nicomdie, mais cela n'em-

    pche pas peu aprs le snat de la ville de l'appe-ler,

    Inutile d'insister sur cette dcentralisation del'instruction publique et ses immenses avantages :la facilit de choisir les matres, de les connatre,d'en faire les serviteurs dvous de la ville qui lesnourrit et les honore.

    Contre le pril des influences administratives et

    des prfrences dangereuses, reste la prcieuse

    ressource des professeurs libres.

    Auprs du professeur officiellement reconnu,tout citoyen pouvait son gr, ses risques et p-rils ouvrir une cole. Nul examen n'tait requis,nul contrle exerc. Quiconque avait du savoiret du talent, s'installait dans une ville, conviait lepublic ses dclamations, dfiait des joutes

    oratoires les professeurs attitrs. Parfois il empor-

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    47 tait Favantage et alors son concurrent nanti gardait

    titre et dotations, mais voyait ses lves le quitterpour s'attacher son rival.

    Dans toutes les grandes villes nous trouvons ainsil'enseignement libre concurremment avec rensei-gnement que nous nommerons officiel. Ce rgimetenait en haleine tous les professeurs et les obli-

    geait au travail. A la fin du IV sicle une cons-titution de Tliodose les affranchit de ces inqui-

    tudes salutaires et de ces espoirs encourageants :

    elle supprime les chaires prives qui faisaientchecaux chaires des professeurs reconnus, et ces der-

    niers dlivrs de Faiguillon de la concurrence pu-rent s'endormir avec scurit dans la douce bati-tude du monopole (1).

    A Rome, la culture intellectuelle, onle sait, tientpeu de place dans les proccupations gnralesjusqu' la conqute de la Grce et l'arrive en Ita-lie de ces matres trangers qui viennent leurmanire prendre la revanche de leur dfaite.

    Aussi nulle trace, sous la Rpublique, d'coles,ni pour les patriciens ni pour les plbiens. La

    seule mesure lgislative estl'dil des censeurs (662)qui interdit l'enseignement de la rhtorique et dela philosophie (2).

    Cicron rsume exactement l'action de l'Etat jus-qu' l'avnement d'Auguste : Nos anctres n'ont

    (1) C. Th. XIV, IX 3.(2) Suet. de clar rhet, I; A. Gelle XV, 11.

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    48 pas voulu que l'ducation, objet de tant d'infruc-tueuses tentatives chez les Grecs, et le seul pointsur

    lequel Polybe, notre hte, accuse de ngligencenos institutions, fut rgle et trace par la loi, nisoumise aux regards du public, ni la mme pourtous (1).

    Donc les tudes ont Rome un caractre d'abso-lue spontanit et de libert, malgr le mot deSutone que nous ne pouvons appuyer sur aucunepreuve: Nos anctres ont tabli le programme destudes de leurs fds et les coles qu'ils devaient fr-quenter (2j. Le respect de la libert est tel quesous la dictature de Sylla, Laberius reoit gratui-tement les enfants des proscrits sans tre in-quit (3).

    C'est k la famille que l'ducation est confie sansrserve. Le grand principe essentiellement latindes droits de la famille, du caractre absolu de lapuissance paternelle sauvegarde ici la libert.

    Auguste lui-mme, qui s'ingra avec tant de ri-gueur dans le droit de la famille, ne toucha cepen-dant pas aux questions d'ducation. 11 est curieuxde constater que l'Etat romain, alors mme qu'ils'efforait coup de lois somptuaires et nuptialesde ragir contre la dcadence des murs antiques,s'abstint absolument d'intervenir dans l'ducation

    (1) De Rnubl. IV, 3.(2) De clar. rhetor. XV, 11 : ynajores iiostH qu liberos

    suos discere et quos in ludos itare vellent institaerunt.(3) Suet. De ilL gramm.

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    io-de la gnration nouvelle. Et pourtant le principe

    indiscut chez les Anciens qui subordonnait FE-tat l'existence de l'individu eut Rome, au mmetitre qu' Sparte et Athnes, rendu lgitime unesemblable intervention dans le gouvernement de lajeunesse (1).

    Donc la libert pour tous sans protection spciale,

    tel est le rgime ; et, la remarque s'impose, le si-cle d'Auguste, l'apoge de la littrature latine, est

    fils de la libert.

    Hors l'action de l'Etat, le Romain au gnie pra-tique, plus soucieux de combattre pour ses intrtset de les dfendre que de cultiver son esprit^ s'estlaiss sduire par les charmes des lettres, de l'lo-quence. Le fier citoyen a laiss l'tranger pntrerchez lui ; le vainqueur s'est assis devant la chaireo enseignait le grec vaincu. Un jour un chevalierromain se faisant professeur mancipera les autres

    matres (2). Rome comptera peu d'oeuvres absolu-ment originales, mais laissera des noms que Thu-manit civilise placera auprs des plus grands desautres littratures. Tant est puissant l'attrait deslettres, tant est fconde la libert !

    Une autre priode bien marque s'ouvre d'Au-guste Julien. La libert reste d'ordinaire sauve-garde, mais les professeurs connaissent les encou-ragements et les rcompenses du pouvoir.

    (1) Marquardt. La vie prive des Romains. T. I., Ch. III.(2) Senec. Controv. Il -prf.

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    oO Voici les principales mesures prises par les Em-

    pereurs.

    Csar donne aux rhteurs, presque tous grecs ledroit de cit (j). Yespasienleur assure (qu'ils soientgrecs ou latins) un salaire, de mme Adrien (2) quiles protge avec encore plus de soin et laisse mme

    quelques avantages aux professeurs qu'il doit r-voquer.

    C'est encore Adrien (3), croyons nous, qui fondela premire cole publique TAtheneum (4) ; avantlui Yespasien le premier avait cr des chaires etles avait dotes avec l'argent du trsor public (5).Antonin fonde des coles de philosophie et d'lo-quence dans les provinces (6) ; Marc Aurle res-taure celles d'Athnes (7) Alexandre Svre est leseul sisrnal comme avant hti des coles et donndes pensions des enfants pauvres (8).

    Adrien^ Antonin, Vespasien et Constantin accor-dent aux matres les diverses exemptions des char-ges municipales et des obligations cres par ledroit de cit, dont ils ne gardent que les privil-ges (9). Constantin les dclare exempts de toutes

    (1) Suet. /. Caes. 42.

    (2) Suet. Vesp. 18. Le traitement est de 100 grandssesteces (20.400 f.)

    (3) Spartien. Hist. Ang.L 159; Juv. Sat. VII, 1-21.(4) Aurel. Victor. In Adinano.(o) Loc. citt.

    (6) Jul. Capit. in. Pio p. 21.(7) Dio. Cass., p. 195.

    (8) Lamprid. in A lex.(9) Dig. lib. L, tit. IV I. ult ; lib. XXVII tit. I, 1. 6

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    51 les fonctions et obligations publiques ; il voquemme son tribunal les atl'aires o ils sont incri-mins (1).

    Antonin avait fix selon l'importance des villesle nombre des rhteurs qui devaient bnficier desprivilges (2).

    Il faut cependar.t noter que seuls les rhteurs, lesmdecins, les grammairiens sont ainsi favorisspar la loi.

    Quant aux philosophes, d'abord ngligs, ilstaient vite devenus suspects : Mucien les traite de

    sditieux (3) ; ils sont enfin proscrits par Domitiendont la grande figure d'Epictte ne rfrne pas latyrannie (4).

    1 elles sont, si nous y joignons la faveur accor-de aux tudiants de l'exemption des chargespubliques jusqu' vingt ans (o), les seules interven-tions de l'autorit impriale, rares et toutes demme caractre. Honorer et protger les profes-seurs, leur assurer une situation digne et respec-te, c'est le souci bien lgitime des empereurs,comme il doit l'tre de tout pouvoir. Auprs on

    ne peut signaler aucune intervention dans les ques-tions de programmes, ni dans le choix des profes-seurs.

    (1) C. Th. XIII, 3,1.

    (2) Dig. lib. XXVII lit. I, 1. 6.(3) Dio. p. 1087.(4)Sut. inDomit., 10.(5) Cod. Theod. XIV, fit. IX, I.

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    52 Avec l'empereur Julien le pouvoir prend une at-

    titudenouvelle

    l'garddes coles. Nous sommesen plein IV sicle et nous voici en prsence de

    deux actes de cet empereur excessivement impor-tants puisqu'ils sont la premire main-mise du pou-voir sur l'instruction, la premire affirmation d'unenseignement d'Etat et du droit suprieur du gou-

    vernement choisir les professeurs. L'Empereurinterdit d'enseigner ce qu'on ne croit pas, il obligeles villes lui soumettre le choix des professeurs.

    C'est parmi les lettres et non sous la forme d'undit que nous trouvons la grave mesure prisecontre les matres. La voici dans son entier

    cause de son importance. J'appelle une saine doctrine, non celle qui

    consiste en un heureux choix de paroles et dansl'harmonie d'une belle langue, mais celle qui main-tient l'me dans une bonne disposition et luidonne un juste notion du bien ou du mal, du beau

    ou du laid. Celui donc qui enseigne une chose ses disciples pendant qu'il en pense une autre,celui-l est aussi loign de faire un bon matrequ'un honnte homme. Si cette diffrence de laparole et de la pense ne porte que sur un objetde peu d'importance, le mal existe toujours quoi-

    que dans une faible mesure. Mais s'il s'agit dechoses graves et qu'un homme sur de tels sujetsenseigne autrement qu'il ne pense n'est-ce pas lfaire de l'enseignement un trafic, non un commercehonnte, mais une fraude criminelle. Car en ensei-

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    53 gnaiit ainsi les choses qu'ils mprisent, de telshommes attirent par de trompeuses amorces et defausses louanges, ceux qui ils veulent plus tardcommuniquer leurs propres vices.

    Tous ceux donc qui veulent faire profession d'en-seigner, doivent tre d'abord irrprochables dansleurs murs et se garder de mettre en avant des

    opinions qui s'cartent des croyances populaires,mais ceux-l surtout doivent se montrer tels, quienseignent l'art de discourir aux jeunes gens etqui les guident dans l'interprtation des livres

    anciens, soit rhteurs, soit grammairiens ; plus quetous, les sophistes, qui veulent tre professeurs nonseulement de langage mais de bonnes murs etqui disent que la philosophie qui enseigne diri-ger la chose publique fait partie de leur art. Quecela soit vrai ou non, n'en discutons pas pour lemoment. Je les loue de si nobles prtentions, maisje les louerais surtout s'ils ne trompaient pas leurpublic en apprenant ceux qui les coutent le con-traire de leurs opinions.

    Que vois-je en effet! Homre, Dmosthcne, H-rodote, Thucydide, Isocrate ne reconnaissent-ilspas tous que les Dieux sont les pres et les guides

    de toutes les sciences ? Ne se croyaient-ils pas tousconsacrs, les uns Mercure, les autres aux Muses ?N'est-il donc pas absurde de voir que ceux-lmme qui interprtent les livres de ces grandshommes insultent les Dieux qu'ils ont honors ? Jetrouve cette conduite insense, non cependant que

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    54 je veuille contraindre ceux qui la tiennent chan-ger de sentiment mais je leur donne le choix ou dene plus enseigner ce qu'ils rprouvent, ou s'ilspersistent enseigner, de convenir alors eux-mmes, et de redire leurs disciples que ni Ho-mre, ni Hsiode, ni les autres crivains qu'ilsinterprtent ne sont coupables d'impit, de d-mence ou d'erreur comme on les en accuse. Carenfin ils vivent des uvres de ces crivains ; c'estleur gagne-pain ; et c'est se reconnatre soi-mmepour les plus avares des hommes que d'enseignerpour quelques drachmes ce qu'on croit tre le men-songe.

    A la vrit jusqu'aujourd'hui il y avait plus d'uneraison pour ne pas frquenter les temples desdieux : une crainte partout rpandue pouvait alt-rer les vraies notions de la divinit. Mais puisqueenfin les Dieux nous ont rendu la libert, il me pa-rait absurde que les hommes enseignent ce qu'ilsne tiennent pas pour vrai. S'ils reconnaissent

    quelque sagesse dans ceux dont ils interprtentles uvres, qu'ils s'tudient d'abord imiter

    leur pit envers les Dieux. Que si vous pensezau contraire que toutes ces opinions sont fausses,allez alors aux glises des Galilens et interprtezMatthieu et Luc. C'est l que vous apprendrez

    vous abstenir des choses sacres. Quant moi jedsire que vous rgnriez, comme vous dites,vos oreilles et votre langue par ces leons divinesdont s'il plat Dieu, je ne m'carterai jamais, non

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    55 plus que couv qui m'aiment. Voil donc la loi que

    j'tablis pour les professeurs et pour les matres.Quant aux jeunes gens qui veulent suivre les

    cours, je ne les en empche pas, car il ne seraitpas juste d'carter du bon chemin ceux qui nesavent dans quelle voie ils veulent marcher et deles retenir de force dans les coutumes de leurs pa-rents. Il serait juste au contraire de les traiter

    comme des insenss et de les gurir malgr eux.Mais nous avons pardonn tous cette maladie etil vaut encore mieux, je crois, clairer que punirles insenss (1).

    La forme mme de ce dcret,l'allure

    emportedu style, l'hsitation devant l'action sur les tu-diants, prouvent que Tamour de rhellnisme etde la sincrit n'aveuglaient pas Julien sur l'im-portance de la mesure, suite logique des grandsprogrs de la centralisation cre par le fonction-

    narisme de Diocltien et favorise par les thoriesorientales du pouvoir absolu.

    Menace directe pour quelques trs rares chr-tiens, cette lettre tait surtout un rappel au devoiradress ces nombreux professeurs sceptiques ouindiffrents, qui n'expliquaient pas sans rire^

    comme les augures autrefois, les fables paennes,aussi peu soucieux de religion que de moralit.

    Il faut y voir plutt un attentat la libert dela pense qu' la libert de la conscience. C'est unemesure prventive contre les chrtiens il ne faut

    {\) Ep. 42. Eclit. Teubner.

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    56 pas poursuivre les Galilens contre le droit et lajustice, mais toujours leur prfrer les hommespieux . C'est une mesure active contre les matrespaens, infidles leur mission aux yeux de l'empe-reur. Par l s'expliquent la dure qualification d'Am-mienMarcellin (l), l'opposition des matres paens,hormis les privilgis, l'irritation croissante de

    Julien contre les professeurs etlesprtres du paga-nisme, les invectives qu'il leur adresse.

    Ainsi d'une pense trangre au culte pur deslettres, d'un vouloir de rforme religieuse et mo-rale, d'une ide de prcaution menaante contredes adversaires religieux, sur un terrain hlas troppropice germer le despotisme, avec les dca-dences et le byzantinisme, naquit ipour la luttel'Etat matre d'cole.

    C'en tait fait et pour longtemps de la libert !L'arme est trop puissante pour qu'un gouverne-

    ment consente s'en dessaisir, je ne prjuge pasd'ailleurs les ncessits que plus tard creront lesvolutions successives des formes sociales. Peuaprs Julien, le christianisme, peu soucieux de cul-ture intellectuelle jusque-l, utilisera l'arme dont

    on l'avait menac et pendant des sicles tiendradans un cadre, dtermin par l'Eglise, hritire del'Empire, l'esprit humain asservi, limitera lechamp du savoir et contrlera les opinions quis'cartent des croyances chrtiennes devenues

    (i) Perenni obruendum silencio. Amm. Marc. XXIF, 10,

    XXV,5.

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    57 croyances populaires sur les dogmes d'une tho-logie troite parce que systmatique. La philoso-phie longtemps reine devient vassale ; les sciencesqui commenaient prendre leur essor, rputesdangereuses, sont arrtes; le culte du beau, l'ido-ltrie glorieuse qu'avait voulue sauver Julien n'a

    plus d'adorateurs... Jusqu'ce que,

    aucontact

    dela Renaissance et sous le vigoureux effort d'man-cipation de la Rforme, la libert revint dans lesmes... pour de l peu peu rentrer dans les ins-titutions et les murs.

    La sanction de la mesure prise par Julien est

    dans le second dcret qui rappelle que les profes-seurs seront dsigns par les magistrats munici-

    paux, mais (jue leur choix devra tre soumis l'empereur alin, disait-il, que son approbationdonnt un titre de plus l'lu de la cit (1). Lesactions elles crits de Julien respirent trop la sin-crit pour qu'on la puisse mettre en doute, maisvraiment elle prend parfois des formes bien iro-niques ! (2).

    (t) C. Thod. XIII, lit. III, 1. 5 : Ensuite on me soumettrala dlibration de l'assemble municipale pour que l'honneurde notre autorisation ajoute un plus grand lustre aux coles descits .

    (2) Contentez vous de croire et cessez de vouloir connatrepuisque voire |)hilosophie n'a qu'un mot: croyez .

    L'intrt de l'Etal exige ({ue les coupables soient punis demort. Je ne puis donc contier le glaive ceux qui leur loi in-terdit den faire usage .

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    58 La premire loi fut rapporte par Valentinien

    qui lui substitue cette prescription plus librale. Que tous ceux que leur vie et leurs talents ren-dent propres instruire la jeunesse aient le droitd'ouvrir de nouveaux auditoires ou de reprendreceux qu'ils avaient d quitter.

    Les rglements de Valentinien, Valens et Gra-

    tien sur la police des coles ; les prescriptions bu-reaucratiques concernant les tudiants pour sauve-garder la dignit des tudes librales ; lecurieux dcret de Thodose sur ce mme. sujetattestent que l'Empire n'abandonne pas toutes lesthories de Julien.

    Trente ans plus tard, c'est la fondation de l'colede Constantinople (1), cration impriale; les pro-fesseurs fonctionnaires d'Etat y donnent l'ensei-gnement de TEtat... L'ide de Julien est logique-ment dveloppe car une loi interdit d'ouvrird'autres coles publiques... L'cole est abaisse au

    rang des services gouvernementaux et avec la li-bert l'idal s'en va lentement. Du moins avecJulien tait-elle encore servante de cet hellnismede comprhension si large, belle religion deslettres; avec Thodose, c'est au service du seul Etat,forme naturellement variable, de sa religion et desa morale qu'elle est voue. L'Etat tient en mainles tudiants, les programmes, les matres ; c'estl'heure des dcadences! C'est l'amoindrissement,

    (Ij G. Thod. XIII, 3, 6; VIII, 8, 1 ; XIV, 9, 3.

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    59 ce sera parfois l'afiaiblissement avec la servitude.

    Le monopole dont cet enseignement du pouvoir abesoin pour se dfendre est une tare de plus et undanger: il carte les vivifiatites ardeurs de la con-currence et les souffles fconds et sacrs de la li-bert.

    Il est vrai que c'est peut-tre grce cette orga-nisation lgale que les coles ont pu rsister l'en-vahissementdes barbares et subsister portant en cesbouleversements les germes, si amoindris soient-ils, de la civilisation de l'avenir.

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    CHAPITRE DEUXIEME.

    Les phoghammes.

    [/absolue libert laisse aux matres dans lechoix des matires et des procds d'enseignementne laisse pas moins subsister un programme ordi-naire d'luds que la ncessit et l'usage imposent.Ce chapitre est consacr ce programme.

    Trois coles successives prsentent l'enfant lecycle complet du savoir : l'cole du premier ma-tre^ celle du grammairien, celle du rhteur. Nousallons voir ce qu'on enseigne en chacune d'elles.

    I. L'Ecole du Premier Maure.

    A l'ge de sept ou huit ans, l'enfant est mis en-tre les mains du litterator ou premier matre : c'estnotre cole primaire. Le programme est simple :lire, crire et compter (1). Il rpond aux besoinsessentiels de tous. Etudions le un peu plus en

    dtail

    TertuUien dcrit ainsi la fonction du matre : for-mer les lettres, assouplir la voix, apprendre seservir des jetons (2) : or ici l'assouplissement de la

    (1) S. Augusl. Confess. I, 13.

    (2) Infortnator litterarmn, edomator rocis, prunusnumerorum arenarius.

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    62 criture Lorsque Paula, d'une main tremblante,

    commencera promener son stylet sur la cire, quela main du maitre place sur la sienne la dirigeou que sur la tablette un modle soit grav afinque ses pas suivent le mme sillon retenus par lesmarges et ne puissent s'en carter. Faites lui as-sembler les mots en lui proposant des prix et en

    lui donnant pour rcompense ce qui plait songe . (1)

    L'criture fut d'ailleurs toujours en grande fa-veur dans l'antiquit, faveur d'autant plus compr-hensible que cet art tait d'une importance ex-cessive puisque par lui seul se conservaient et se

    reproduisaient les lois et les uvres littraires desmatres. Auguste s'tait rserv le soin de veillersur l'criture de ses petits-fils u il ne s'attacha rien aussi soigneusement qu' leur faire imiter lasienne (2j.

    Il semble que depuis le IIP sicle, le got de la

    calligraphie augmente encore. (3) C'est alors que letravail des copistes habiles se ddouble etqu'aux //(6?rmz (4) qui transcrivent tous les crits

    s'adjoignent les antlquarii qui n'crivent que lesuvres de l'antiquit. C'est chez ces derniers que

    (1) Lettre Lta. Le mme procd est indiqu dans Pla-ton Pro^^o/'5l,3ri5. Maxime de Tvr Dissert. VIII, t. I, 132,Ed. Reiske.

    (-2) Sutone. LXIV.(3) T/;; TO-j Kaoy-ov /.'/'. Wvj/j.'J.qoiz -iyjjf.ii rjcrj-io-jy/oc, .

    Thmist.

    (4) Scrihunt nova et vetera Isid.

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    63 Cassiodore et Aiisonc admirent la beaut dos traits.

    Dj alors on employait la plume facilement l-gante des jeunes fdles. (1)

    Vient la lecture, science complexe qui supposela connaissance et le groupement des lettres,l'exacte et intelligente dcomposition des phrases,

    enfin la prononciation convenable.Jrme encore nous dit comment Tenfant ap-

    prend connatre ses lettres : Mettez-lui entreles mains des lettres en buis ou en ivoire ; faites-lui en connatre les noms ; elle s instruira ainsitout en se livrant ses jeux. Mais il ne suffira pasqu'elle sache de mmoire le nom de ces lettres etqu'elle les appelle de suite ; vous les mlerez sou-vent ensemble, mettant les dernires au commen-cement el les premires au milieu, afin qu'elle lesconnaisse mieux de vue que par leurs noms (2) .

    Puis c'est le travail spcial de l'assouplissementde la voix : son importance est celle du rle de lavoix dans les discours et les chants en Grce. Romeelle-mme, qui ne reproduit que faiblement lestendances d'Athnes, a aussi dans ses coles cetexercice, sur lequel Quintilien nous a laiss des

    notions prcises (3j. a II ne sera pas indifi'rent nonplus pour dlier la langue des enfants et leurdonner

    (1) A^ec pauciores lib'arii cum puellis ad eleganterscribendam exercitatis > Eusb. de Origene.

    (2) Lett. Lta.

    (3)Quint, Inst. Oral. I,

    1,37.

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    64 une prononciation distincte, d'exiger qu'ils dvelop-pent le plus rapidement possible certains mots et cer-tains vers