l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon au ive siècle

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COLLECTION DE LA MAISON DE L'ORIENT MÉDITERRANÉEN

N° 8

SÉRIE ARCHÉOLOGIQUE 6

L'AMPHICTIONIE, DELPHES

ET

LE TEMPLE D'APOLLON

AU IVe SIÈCLE

PAR

Georges ROUX

Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

Éditeur : Maison de l'Orient Diffuseur : Diffusion de Boccard1, rue Raulin — F — 69007 LYON 11, rue de Médicis — F — 75006 PARIS

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INTRODUCTION

Les Grecs appelaient « amphictionie » une association d'Étatsgéographiquement groupés, « établis à l'entour » d'un sanctuaire

où, périodiquement, ils se réunissaient pour célébrer ensemblele culte de la divinité qui les patronnait et débattre de leursaffaires communes. C'était pour eux l'occasion de soumettre, lecas échéant, à l'arbitrage de leurs associés les différends qui nepouvaient manquer de naître entre des États voisins et souventlimitrophes, en substituant à la force des armes, selon les motsd'Eschine (Amb. 114), «le jeton de vote et le jugement». Si laguerre venait à éclater entre amphictions, des conventions garantiespar un serment essayaient du moins d'en atténuer les rigueurs.Ainsi, ces associations de « peuples » ou de cités, en principerégionales et religieuses, en arrivaient à prendre une importancepolitique et parfois morale. C'est pourquoi, bien que leur influenceait été en général modeste et leurs tentatives généreuses souventvouées à l'échec, ces embryons d'organisation internationaleméritent de retenir l'attention de l'historien.

Elles n'ont, pour la plupart, laissé que peu de traces. L'amphic-tionie ionienne de Délos, l'amphictionie béotienne d'Onchestos,l'amphictionie de Calaurie qui rassemblait autour du sanctuairede Poseidon les États riverains du golfe saronique, ne sont plusguère connues que par leur nom. Il n'en est qu'une dont nouspuissions reconstituer l'organisation, dans ses grandes lignes au

moins, suivre l'activité durant plusieurs siècles, et qui nouspermette d'imaginer ce que pouvaient être les autres : l'amphictioniees Pyles et de Delphes, ainsi nommée parce qu'à la suited'événements que je m'efforcerai d'éclaircir, elle possédait nonpas un, mais deux sanctuaires amphictioniques, le sanctuaire deDemeter à Anthéla, près des Thermopyles ou Pyles, berceau del'association, et le sanctuaire d'Apollon Pythien à Delphes. Troiscirconstances expliquent pourquoi nous la connaissons mieux,ou moins mal, que les associations similaires.

La première est que, du jour où elle adjoignit le sanctuaire

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VIII L'AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D'APOLLON

d'Apollon Pythien à son sanctuaire primitif, l'antique mais obscursanctuaire de Demeter aux Pyles, l'Amphictionie bénéficia durayonnement panhellénique de Delphes et fut en quelque sorte

enveloppée dans sa célébrité.La seconde est que l'Amphictionie, à cause de la situation

géographique de ses membres et des hasards de l'Histoire, se trouvaplacée au cœur des événements cruciaux qui aboutirent, dans lecours du ive siècle, à l'hégémonie de la Macédoine sur le reste dela Grèce et marquèrent le début d'une ère nouvelle. Les auteursanciens qui vécurent ou relatèrent les péripéties de cette périodedramatique, en particulier Eschine et Démosthène, ont donc étéconduits à parler de l'Amphictionie. Nous leur devons des informations précieuses, mais incomplètes. Leur propos n'est pas en

effet de décrire l'organisation de l'Amphictionie proprement dite :ils considèrent l'institution en quelque sorte de l'extérieur, etseulement dans la mesure où elle fut mêlée aux épisodes de lalongue lutte que les cités livrèrent alors au roi de Macédoine etse livrèrent entre elles. C'est pourquoi les ouvrages écrits sur lesujet par des érudits modernes à partir des seuls témoignageslittéraires, antérieurement aux fouilles de Delphes, sont lacunaires,fourmillants d'erreurs, et aujourd'hui périmés.

Une troisième circonstance, fortuite, devait fournir l'indispensableppoint d'une documentation épigraphique grâce à laquellenous pouvons voir l'Amphictionie fonctionner sous nos yeux.En 373 avant J.-C, le temple d'Apollon à Delphes, reconstruitpar les Alcméonides à la fin du vie siècle, fut endommagé parquelque catastrophe et dut être rebâti. Cette lourde tâcheincombait aux Amphictions : ils étaient responsables, conjointementvec les Delphiens, de l'administration du sanctuaire pythiquedepuis l'époque, semble-t-il, où ce dernier avait été promu au rangde second sanctuaire commun. L'Amphictionie organisa doncl'entreprise, fit établir un devis descriptif par l'architecte, créaun corps de commissaires à la reconstruction, collecta les fondsnécessaires auprès des Amphictions, des Delphiens et des autres

Grecs, régla les dépenses, institua plus tard des trésoriers. Devis,listes des naopes, comptes des recettes, comptes des dépenses,furent gravés sur des stèles, de marbre et de calcaire, que l'ondressa dans le sanctuaire, où chacun put en prendre connaissanceet juger du bon usage qui était fait de sa contribution. Les vestigesde cet énorme dossier furent exhumés à partir de 1892 — raresétaient les inscriptions plus anciennement connues — par lesfouilles de l'École Française d'Athènes sur le site de Delphes.L'essentiel de ce que nous pouvons savoir sur l'Amphictionierepose sur cette irremplaçable documentation épigraphique : les

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INTRODUCTION IX

comptes du ive siècle. La présente étude se propose de contribuerà leur interprétation.

Les stèles portant les comptes ont été retrouvées, à quelquesexceptions près, en très mauvais état. Elles avaient été réutiliséesà basse époque dans le dallage de la voie sacrée, de la place dutemple, ou comme marches dans l'escalier du théâtre, brisées enmorceaux, dispersées au cours des bouleversements qui affectèrentle site avant le début des fouilles. Il fallut d'abord reconstituer unimmense puzzle, déchiffrer des textes aux lettres usées par lefrottement des pas jusqu'à en devenir illisibles, les interprétermalgré leurs lacunes, les classer, tenter de reconstituer le mécanisme de l'administration amphictionique à partir de ces seulsdocuments, discontinus et mutilés, aucun texte ancien — sauf

rares et brèves allusions — n'ayant parlé de la reconstruction dutemple au ive siècle ni décrit la façon dont l'Amphictionie l'organisa.Tout devait être, tout doit être encore extrait des inscriptions,documents de grande valeur puisqu'originaux, mais d'interprétationifficile parce que fragmentaires.

Plusieurs générations d'épigraphistes « delphiens » se sont attachées à ce travail ingrat, qui se poursuit de nos jours. Le premierà frayer la voie sur un terrain semé d'obstacles fut Emile Bourguet.Dès 1905, il publiait le résultat de ses recherches opiniâtres danssa thèse, L' administration financière du sanctuaire pythique auIVe siècle, la seule étude d'ensemble qui ait paru sur le sujetdepuis le début des fouilles de Delphes. Mais Bourguet ne disposaità l'époque ni d'une chronologie aussi précise, ni de documentsaussi nombreux et complets que ceux sur lesquels nous pouvonsnous appuyer aujourd'hui. De plus, il n'avait su reconnaître,non plus d'ailleurs que ses successeurs, que les comptes retrouvésappartenaient à deux comptabilités distinctes, celle des fondsamphictioniques et celle de la contribution particulière des Delphiens, gravée sur les deux grandes stèles de calcaire intactesnos 19 et 20. Cette distinction était la clé de tout. Faute de l'avoirfaite, Bourguet tenta d'incorporer dans un système unique les

pièces de deux comptabilités différentes, s'enfermant ainsi dans desdifficultés sans issue. Ces erreurs, celles qui entachent les chapitresconsacrés aux institutions de Delphes et de l'Amphictionie, fontque son livre, quels qu'en puissent être les mérites, est, aprèstrois quarts de siècle, en grande partie caduc. De même l'introduction à sa précieuse publication des comptes dans le tome III,fascicule 5, des Fouilles de Delphes (FD, III 5), parue en 1932,doit être consultée avec précaution.

Le travail inlassablement poursuivi à Delphes depuis cetteépoque a considérablement accru nos connaissances. De grands

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X L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

progrès ont été accomplis en particulier dans le déchiffrement desinscriptions, soit que des fragments épars aient été rassemblés, soitque d'anciennes lectures aient été corrigées ou complétées. De

nouvelles inscriptions exhumées du sol de Delphes ont soudainfourni la donnée qui manquait pour résoudre des problèmesjusque-là insolubles. Disposant d'une chronologie plus sûre, d'informations plus étendues, nous pouvons nous faire aujourd'hui uneidée plus exacte de la façon dont Delphes et l'Amphictionieadministrèrent leurs finances lors de la reconstruction du templeau ive siècle. Toutefois, un non-spécialiste a quelque peine às'orienter parmi tous ces travaux dispersés, souvent écrits par desspécialistes à l'usage de spécialistes, et supposant connues dulecteur les connaissances que celui-ci cherche justement à acquérir.

Il m'a donc paru utile de présenter une synthèse de ces recherches,aussi brève et claire que possible, à l'usage de tous ceux, professeurset étudiants, qu'intéressent Delphes et l'histoire du ive siècle grec.

Le temple d'Apollon Pythien était un temple amphictionique ;il fut reconstruit par l'Amphictionie. Les comptes sont en majeurepartie ceux de l'Amphictionie. Il est indispensable, pour encomprendre le mécanisme, de décrire cette institution en nousfondant sur ce que nous apprennent les inscriptions de Delpheset les textes littéraires, ces derniers se trouvant d'ailleurs vivementéclairés par les inscriptions. Ce sera le sujet de mon premier chapitre.

Mais ce temple amphictionique était également le premier destemples delphiques, propriété de la cité de Delphes. C'est pourquoicelle-ci dut verser, en plus de sa contribution amphictionique,une contribution spéciale pour le reconstruire. Delphes tint de lasorte deux comptabilités : une comptabilité amphictionique,conjointement avec les hiéromnémons, et une comptabilité purement delphique. Comment l'Amphictionie et Delphes coopéraient-elles au sein de leur commune administration ? Comment les deuxséries de comptes s'harmonisent-elles ? Pour répondre à cesquestions, il est nécessaire de connaître, autant que faire se peut,

les institutions de Delphes au ive siècle. Je les étudierai dans lesecond chapitre.La reconstruction d'un grand temple requérait des compétences

que les hiéromnémons ne possédaient pas forcément, une continuité dans la conduite et la surveillance des travaux que le Conseilamphictionique, en raison de sa composition, du rythme semestrielde ses séances, était incapable d'assurer. Il délégua donc sespouvoirs à un corps de commissaires, les naopes, chargés deconduire à son terme la reconstruction du temple, au nom et sousle contrôle de l'Amphictionie. Par la suite, en 339-338, sous

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INTRODUCTION XI

l'archontat de Palaios, vraisemblablement à l'instigation dePhilippe, fut institué un collège de trésoriers chargés d'assumerla gestion des fonds amphictioniques. Naopes et trésoriers ontjoué dans la rédaction des comptes un rôle capital. Le troisièmechapitre leur sera consacré.

Il nous sera possible alors d'aborder l'explication des compteseux-mêmes, comptes de Delphes, comptes de l'Amphictionie, desnaopes, des trésoriers, de suivre à travers eux les phases successivesde la reconstruction d'un temple panhellénique, et de voir commentdes cités grecques, jalouses de leur autonomie, parvinrent àcollaborer, à l'occasion de cette entreprise, au sein de la curieuseinstitution qu'était une amphictionie.

Dans les pages qui suivent j'écrirai amphictionie avec un i, nonamphictyonie, me conformant à la véritable orthographe, issuede l'étymologie, qui est celle des inscriptions et des monnaiesamphictioniques du ive siècle. L'Amphictionie, avec une majuscule,désignera la plus célèbre des amphictionies, celle des Pyles et deDelphes.

Les références aux inscriptions publiées dans les fascicules

épigraphiques des Fouilles de Delphes se feront selon le sigle habituel FD, III, suivi du numéro du fascicule et de celui de l'inscription.outefois, les renvois à la publication des comptes parEmile Bourguet dans les FD, III 5, en raison de leur nombre,seront indiqués seulement par le numéro de l'inscription, impriméen caractère gras, suivi de l'indication de la ligne ou des lignes.Ainsi 19, 8 signifiera FD, III 5, inscription 19, ligne 8.

J'emploierai également les expressions un peu singulières, maiscommodes dans leur concision et maintenant consacrées parl'usage, de « Damoxénos-printemps », « Cléon-automne », pourdire : « pylée amphictionique de printemps sous l'archontat de

Damoxénos, pylée amphictionique d'automne sous l'archontatde Cléon ». Comme peu de lecteurs ont présente à l'esprit la successiones archontes du ive siècle, j'ai cru utile, chaque fois que celaparaissait possible, de faire suivre de leur date le nom de l'archonteou la mention de la pylée ; mais le lecteur n'oubliera pas que cesdates sont souvent approximatives, et sujettes à révision. Depuisla publication de la Chronologie delphique de G. Daux (1943) etl'étude de P. de La Coste-Messelière sur les « Listes amphictioniquesdu ive siècle» {BCH 73 [1949], p. 201-247), d'importants progrèsont été accomplis. Je donne donc en annexe (p . 233-234) une liste

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XII l'aMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D'APOLLON

des archontes du ive siècle qui fournira au moins un état actuelde la question.

Je me suis borné à étudier dans les comptes les passages qui nousrenseignent sur leur succession chronologique et nous font mieuxcomprendre le mécanisme des comptabilités delphique et amphictio-nique. Je ne saurais me flatter d'avoir résolu tous les problèmes.J'espère du moins avoir aplani quelques difficultés, et ainsi contribué, eut-être, à faciliter la publication, dans le Corpus des inscriptions e Delphes, du nouveau recueil des comptes, dont chacunsouhaite qu'il ne demeure pas trop longtemps, comme eût dit lepoète, « épars dans le futur ». En attendant que son auteur nousfasse profiter de sa longue familiarité avec les pierres de Delphes,j'ai indiqué dans une brève bibliographie épigraphique (p. 237-238)

les principales corrections et additions apportées depuis 1932 auvolume d'É. Bourguet. Deux tableaux schématiques remettronten mémoire au lecteur le calendrier de Delphes et la façon dont ils'harmonisait avec la division amphictionique de l'année en deuxpylées semestrielles, puis le système monétaire utilisé dans lescomptes (p . 235 et 236). Une nouvelle publication, illustrée d'unephotographie, de l'énigmatique inscription IG, I2, 26 (p. 239-241)et un tableau des naopes classés par cités compléteront cettedocumentation sommaire.

Je préciserai enfin, pour apaiser les possibles inquiétudes dedisciples prompts à s'alarmer quand d'autres qu'eux-mêmes redressent es erreurs de nos maîtres, que s'il m'arrive de réfuter lesopinions de mes prédécesseurs, je n'en oublie pas pour autant lerespect dû à leur mémoire, l'estime, la reconnaissance que méritentleurs travaux et la dette contractée envers eux par tous ceux quitravaillent à Delphes. Le meilleur hommage que nous puissionsleur rendre, c'est de progresser dans la voie qu'ils ont infatigablementéfrichée.

J'ai traité du sujet étudié dans ce livre au cours de deux séminaires à l'Institut F. Courby de Lyon, en 1969 et en 1976. J'aibénéficié à cette occasion des observations de mes auditeurs.

J. Pouilloux m'a fait l'amitié de relire le manuscrit de cet ouvrageavec l'œil d'un critique à qui rien, dans l'épigraphie delphique, n'estétranger. O. Callot a dessiné à Delphes les comptes des naopesreproduits p. 195, figure 2. Mme M. Yon a bien voulu acceptercet ouvrage dans la collection des CMO, et le CNRS l'honorerd'une subvention. Ma femme enfin s'est acquittée des corvéesauxquelles sont habituellement soumises les épouses d'archéologues,dactylographie et correction des épreuves notamment.A tous ces collaborateurs béné\'oles je suis heureux d'exprimerici mes remerciements.

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LE SYNEDRION OU CONSEIL AMPHICTIONIQUE

Je décrirai ici l'Amphictionie telle que nous la connaissons auive siècle, à l'époque où elle reconstruisait le temple d'Apollon.

Nous ne possédons d'ailleurs que peu d'informations sur lespériodes les plus anciennes de son histoire1. Lors de la secondeambassade athénienne envoyée à Pella, en 346 avant J.-C, Eschineavait exposé devant Philippe « depuis le commencement, la fondation du sanctuaire et la première réunion des Amphictions »(Amb. 115). Mais ce discours n'a pas été transmis à la postérité,non plus que le Περί Άμφικτυόνων du Locrien Pausanias2. Lalittérature antique sur le sujet se réduit à quelques paragraphesde Diodore, Strabon, Pausanias le Périégète, à quelques phrasesde lexicographes. Nous apprenons ainsi que la fondation del'Amphictionie était attribuée à un héros Amphictyon, ce qui ne

surprendra personne3. Né en 1552 avant notre ère, selon la chronologie du marbre de Paros, Amphictyon, roi des Thermopylesoù se dressaient au ive siècle son sanctuaire4 et son autel, étaitpère de Malos, grand-père de Boiotos et de Locros, héros éponymesde trois peuples amphictioniques. Mais plus encore que ce fondateurmythique, le véritable organisateur de l'Amphictionie aurait été,selon Strabon, le Pélasge Acrisios, roi d'Argos, père de Danaé etgrand-père de Persée : « L'histoire de cette haute époque esttombée dans l'oubli », écrit-il (IX, 3, 7 [C 420]) ; « mais parmi les

(1) Les textes anciens sont rassemblés et commentés par H. Biirgel, Die pylaeisch-delphische Amphictyonie (Munich, 1877), ouvrage utile quoiqu'en grande partie périmé.Les trois études les plus récentes sont celles de G. Daux, « Remarques sur la compositiondu Conseil amphictionique », BCH 81 (1957), p. 95-120 ; « Les empereurs romains etl'Amphictionie pylaeo-delphique », CRAI 1975, p. 348-362; «La composition duConseil amphictyonique sous l'Empire», Recueil Plassart (1976), p. 59-79, où l'ontrouvera citée la bibliographie antérieure.

(2) La Souda, s.v.(3) Pausanias, X, 8, 1 ; IG, XII 5, /. 8-9; Bürgel, /./.. p. 4 η. 1 ; Röscher, Lex.

s.v. Amphiktyon.(4) Cf. ci-après note 5 p. 37 .

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£ L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

personnages dont le souvenir a survécu, Acrisios est tenu pourle premier organisateur de l'Amphictionie. Il désigna les États(πόλεις) qui seraient membres du Conseil, leur attribua un droit

de vote soit individuel, soit commun à deux États et plus, etpromulga les règles du droit amphictionique applicables auxrapports d'État à État ». Il avait également bâti le premier templede Demeter dans le sanctuaire fédéral des Thermopyles1. Selonune scholie à YOreste d'Euripide (v . 1094), il institua par la suiteune seconde amphictionie autour du sanctuaire de Delphes qui,réunie à celle des Thermopyles, constitua l'Amphictionie desdouze peuples dotée de deux sanctuaires communs, telle qu'elleexistait au ive siècle. Puis, comme le lui avait prédit un oracle,Acrisios périt de la main de son petit-fils : Persée le frappa acc

identellement de son disque au cours d'une fête organisée à Larissa,où le vieux roi s'était réfugié avec l'espoir d'échapper à son destin.Il fut inhumé dans le sanctuaire d'Athéna, sur l'acropole de laville, ou, selon une autre tradition, dans un hérôon édifié hors lesmurs2.

Il est intéressant de voir la légende perpétuer le souvenir derelations établies dès une haute époque entre l'Argolide et laThessalie, la plus méridionale et la plus septentrionale des régionsappartenant à l'Amphictionie. Mais nous en retiendrons surtoutque les Anciens faisaient remonter l'époque de sa fondation à unedate bien antérieure à l'arrivée des Doriens. Si l'on considère lecaractère très archaïque de son organisation par « peuples » et nonpar cités, son groupement autour du sanctuaire d'une divinitéféminine de la fécondité, aux Thermopyles, le fait aussi que leshabitants de l'Attique y sont considérés non pas comme lescitoyens d'une cité unique, Athènes, mais comme un « peuple »ionien, ce qui nous reporte à une période antérieure au synoecisme,on conviendra que la chronologie légendaire pourrait bien correspondre à la chronologie véritable. Il me paraît très probable queles peuples amenés sur le sol grec par le « retour des Héraclides »adoptèrent pour leur propre usage une amphictionie instituée

dès les temps mycéniens. Quoi qu'il en soit de cette haute époque,sur laquelle seules la découverte et la fouille du sanctuaire desThermopyles pourraient jeter quelques lumières, c'est l'Amphictionieu ive siècle qui nous intéresse ici. Pour la clarté de monexposé, j'en proposerai d'abord une définition globale dont jecommenterai ensuite les termes.

(1) Callimaque, Épigr. 39 (Pfeiffer; ; ci-après p. 37.(2) Roscher, Lex. s.v. Akrisios. Sur les Pélasges, cf . M. Sakellariou, Peuples préhellé

niques 'origine indo-européenne, p. 81 sq .

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DEFINITION DE L AMPHICTIONIE

L'Amphictionie des Pyles et de Delphes est une associationrégionale de douze « peuples » (έθνη, γένη), « habitant à l'entour »(άμφι-κτίονες) de deux sanctuaires communs, le sanctuaire deDemeter aux Thermopyles ou Pyles, et celui d'Apollon Pythien àDelphes. Chaque peuple délègue deux représentants, ou hiéromné-raons, au Conseil amphictionique, le Synédrion, dont les vingt-quatre membres sont égaux en droit. Dans la première moitié duive siècle, avant les modifications qu'introduisit dans sa composition a troisième guerre sacrée (356-346), le Conseil, au témoignagedes inscriptions de Delphes, comprenait les hiéromnémons desdouze peuples suivants, énumérés habituellement dans cet ordre :

Thessaliens

PhocidiensDelphiensDoriens * de la MétroPole

( du PéloponnèseIoniens de 1>Atticîue

\ de 1 EubeePerrhèbes-Dolopes

Béotiens

Locriens de/ de l'OuestAchéens de PhthiotideMagnetesËnianesMaliens

Total 24

Les vingt-quatre hiéromnémons — qui seuls disposent du « voteamphictionique » — sont assistés par des pylagores ou agoratres,experts choisis en nombre variable et chargés d'instruire, d'intro

duire t de plaider devant le Conseil — dont ils ne sont pasmembres — les affaires soumises à ses délibérations. Le Conseiltient chaque année, « aux dates traditionnelles héritées desancêtres », deux sessions ordinaires ou pylées : la session d'automne,οπωρινή πυλαία, au mois de Boucatios, second mois de l'annéedelphique (septembre-octobre), et la session de printemps (εαρινήπυλαία) six mois plus tard, au mois de Byzios (février-mars). Chaquesession comporte deux réunions du Conseil, l'une aux Thermopylesou Pyles, lieu du plus ancien sanctuaire commun — d'où le nomde πυλαία (s.e. αγορά), « assemblée pylienne », donné à l'ensemble de

la session — la seconde à Delphes. Quand les circonstancesl'exigent, le Conseil se réunit en session extraordinaire, en dehorsdes dates habituelles. Dans les cas les plus graves, il convoquel'assemblée plénière des Amphictions, εκκλησία των Άμφικτιόνων,composée des hiéromnémons, des pylagores et de tous les citoyensdes peuples amphictioniques présents sur le lieu de la session.

1) Une association régionale.

Comme l'étymologie l'indique, l'Amphictionie est une associationdes peuples géographiquement groupés autour du sanctuaire des

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4 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Thermopyles, seul sanctuaire commun à l'origine. La conditionnécessaire, sinon suffisante, pour en être membre est d'être, ausens propre du terme, un « amphiction », c'est-à-dire l'un despeuples « habitant à l'entour ». Il s'ensuit que des ethnies demédiocre importance, Perrhèbes, Dolopes, Énianes, doivent àleur proximité d'y être représentées, tandis que de grands Étatsde la Grèce propre, d'Ionie, de Grande Grèce, de Sicile, n'en fontpoint partie : leur territoire se trouve hors de l'aire de l'Amphic-tionie.

Cette aire est, en gros, délimitée sur la carte par un rectangleimaginaire (environ 320x180 kilomètres) dont l'un des petitscôtés serait une ligne tirée de la pointe Sud-Est du golfe d'Argolideà la pointe Sud-Est de l'Eubée, l'un des grands côtés la côte

Nord-Est de l'Eubée prolongée jusqu'au flanc de l'Olympe. Lespeuples englobés dans ce périmètre sont limitrophes les uns desautres. Tout Amphiction peut se rendre de sa ville aux Thermopylesu à Delphes sans avoir à traverser le territoire d'un étatétranger à l'Amphictionie. Seule Sparte fait exception ; nousexaminerons plus loin ce cas particulier. L'Amphictionie est doncbien un groupement régional d'états, qui n'intéresse dans sonprincipe qu'une partie de la Grèce1.

Il est vrai que dans l'énumération des douze peuples qui lecomposent figurent les « Doriens » et les « Ioniens », noms quisembleraient d'abord lui conférer une extension panhellénique.Mais les listes épigraphiques retrouvées à Delphes montrent qu'ilsdoivent être entendus dans le sens le plus restrictif.

Considérons d'abord le cas des « Doriens ».Le cas de Sparte. ^s disposent au Conseil de deux sièges ou

plutôt, selon l'expression consacrée, de deux« votes hiéromnémoniques »2. L'un appartient aux « Doriens de laMétropole », c'est-à-dire aux habitants de la petite Doride, enGrèce continentale, l'autre aux « Doriens du Péloponnèse », dénomination équivoque et trompeuse : car, dans les listes amphictio-niques exhumées

àDelphes, le

hiéromnémon «péloponnésien

»n'est jamais délégué que par les cités de Mégare, Sicyone, Corinthe,Phlionte, Argos, Trézène, auxquelles on peut ajouter Épidaure,Égine. Ces deux cités nomment en effet des naopes ; or ces dernierssont exclusivement recrutés au sein des États amphictioniques

(1) G. Daux, BCH 81 (1957), p. 99 sq.(2) FD, III 3, 214, /. 15 : ότι (les Étoliens) δεδώκασι τωι δήμωι (de Chios) ψηφον

ίερομναμονικήν ; Syll.3, 554, I. 21-22 : δεδόσθοα δέ αύτοϊς (les citoyens de Magnésiedu Méandre)' καΐ ψαφον Ιερομναμονικάν.

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SPARTE ET L AMPHICTIONIE Ö

habilités à désigner, le cas échéant, un hiéromnémon. Aussi, bienque dans les listes conservées n'apparaisse aucun hiéromnémondélégué par elles, il est à peu près certain qu'elles avaient le droit

d'envoyer aussi un hiéromnémon au Conseil. Toutes ces citésappartiennent exclusivement à la zone Nord-Est du Péloponnèse,c'est-à-dire, Mégare mise à part, à la Gorinthie telle que Pausaniasla décrit en son livre IL Telles sont les limites du territoire occupépar les « Doriens du Péloponnèse », au sens où l'Amphictionieemploie cette expression : non point tous les Doriens du Péloponnèse, mais, dans un sens restrictif, les seuls membres doriensde l'Amphictionie habitant la péninsule, par opposition auxmembres doriens de la Métropole résidant sur le continent ; bref,les seuls Péloponnésiens « amphictions », les plus proches voisins

du sanctuaire des Pyles.Examinons maintenant le cas de Sparte. Au ive siècle, elle faitincontestablement partie de l'Amphictionie. Gomme les autrescités amphictioniques, elle a le droit, qu'elle exerce, de déléguer unhiéromnémon au Conseil ; elle nomme des naopes, un trésorier1,paye sa contribution amphictionique pour la reconstruction dutemple. Or l'éloignement de son territoire dans le Sud du Péloponnèse devait normalement exclure les Spartiates de cetteassociation régionale : ils ne sont pas, géographiquement, desamphictions. Un fait, en apparence paradoxal, prouve qu'effectivement ls n'étaient pas membres de l'Amphictionie primitive2.

Lors de la session du printemps 325, sous l'archontat deCharixénos, les deux hiéromnémons doriens sont « Euthippos,Lacédémonien ; Aristomédès, Péloponnésien » (20, 43) 3. Euthippos,seul hiéromnémon Spartiate connu par les listes du ive siècle,occupe donc au Conseil non pas, comme on l'attendrait, le siègedes « Doriens du Péloponnèse », mais celui des « Doriens de laMétropole ». Inversement, dans toutes les listes retrouvées àDelphes, le hiéromnémon péloponnésien provient toujours soitde Mégare, soit d'une cité de l'Argolide ou de la Corinthie, jamaisde Lacédémone. Celle-ci, du point de vue de l'Amphictionie,

n'appartient pas à la catégorie des Doriens du Péloponnèse. Elleest considérée, fictivement, comme une cité de la Doride, « métropole es Lacédémoniens ». C'est par le biais d'un artifice juridique,

(1) 47, I, 45 : Δωριέων Ευθ[ιππος Λακεδαιμόνιος] comble exactement la lacune ; c'estla restitution la plus probable. Sur le nom d'Euthippos, cf. note 3 ci-après. Eschine[Amb., 116) cite expressément Sparte comme un membre de l'Amphictionie.

(2) Démonstration irréfutable de G. Daux, BCH 81 (1957). p. 104 sq., dont jerésume ici les arguments.

(3) C orrig er t Euthrésios (Bourguet) en Euthippos (Bousquet) ; cf. BCH 81 (1957),p. 107.

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6 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

grâce à la complaisance de sa métropole qui lui concède en certainesoccasions son propre siège, que Sparte peut, à partir d'une dateinconnue de nous, entrer dans l'Amphictionie et déléguer épisodi-

quement au Conseil un hiéromnémon ; tel, en 325, Euthippos.On conçoit qu'une telle situation, bien qu'elle fût la conséquencelogique du caractère avant tout géographique de l'Amphictionie,ait été pénible à l'amour-propre de Sparte, et cela d'autant plusqu'elle contrastait avec la position privilégiée d'Athènes, seulecité, avec Delphes, à être représentée à chaque réunion du Conseil.C'est pourquoi, tout au long de leur histoire et avec une persévérance igne d'un meilleur sort, les Lacédémoniens s'efforcèrent— sans succès — de modifier en leur faveur une situation qui nepouvait les satisfaire.

Uneoccasion

se présenta à l'issue de laseconde

guerremédique.

De nombreux « peuples » de la Grèce continentale avaient dû, bongré mal gré, composer avec l'envahisseur et même combattre lesGrecs à ses côtés. Hérodote énumère (VII, 132) les Thessaliens,les Dolopes, les Énianes, les Perrhèbes, les Locriens, les Magnetes,les Maliens, les Achéens de Phthiotide, les Thébains et les autresBéotiens à l'exception des Thespiens et des Platéens : neuf peuplesamphictioniques sur douze ! Sparte demanda que fussent exclusde l'Amphictionie ces traîtres à la cause de l'Hellénisme : une tellesanction aurait laissé bien des sièges vacants, et Sparte auraitvolontiers contribué à combler les vides. Malheureusement pour

elle, la force de la tradition était puissante. Les peuples menacésd'exclusion disposaient au Conseil de la majorité des voix : il étaitchimérique d'espérer obtenir de leur part l'approbation d'uneréforme suicidaire. Athènes, de son côté, ne voyait aucun avantageà installer à demeure dans l'Amphictionie son alliée d'hier, rivalede demain. Thémistocle — certainement pylagore lui-même1 —persuada facilement les pylagores de ne pas soutenir la propositionde Sparte devant le Conseil. Celui-ci conserva sa compositiontraditionnelle ; Sparte dut se contenter, comme par le passé,d'occuper le siège que lui concédait sporadiquement sa complai

sante étropole.Ironie du destin ! En 346, à l'issue de la troisième guerre sacrée,Sparte faillit subir le sort qu'elle avait voulu infliger à d'autresaprès la victoire sur les Mèdes. Parce qu'elle avait soutenu la causedes Phocidiens sacrilèges elle fut, nous dit Pausanias (X, 8, 2),exclue du Conseil, entendons privée du droit d'y envoyer unhiéromnémon quand la Doride lui cédait son siège. Sur ce point

(1) Plutarque, Thémisiocle, 20, 3, 4; R. Flacelière, «Thémistocle, Sparte etl'Amphictionie delphique », BEA 55 (1943), p. 19-28.

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LA MANSUETUDE DE PHILIPPE /

Pausanias, ordinairement bien renseigné sur l'histoire de l'Amphic-tionie, commet (ou transmet) probablement une erreur. L'épigra-phie delphique atteste en effet que, dès l'automne 346, deux

Lacédémoniens assistent à la réunion des naopes, la premièreέπεί. ά εφήνα έγένετο (19, 75) ; un naope lacédémonien assure laprésidence à la session de l'automne 341 (20, 9) . Comme seulesles cités membres de l'Amphictionie envoyaient à Delphes desnaopes, il s'ensuit que Sparte n'en était exclue ni en 346 ni en 341.En 325, sous Gharixénos-printemps, le Lacédémonien Euthipposoccupe au Synédrion le siège des Doriens de la Métropole. Cependant 'erreur commise ou répétée par Pausanias doit avoir sasource dans un fait réel mal interprété. J'en proposerais l'explicationuivante. Aussitôt après la capitulation des Phocidiens, etavant

la pylée ordinaire d'automne,durant l'été

de 346, l'Amphictionieint une session extraordinaire à laquelle n'assistaientnaturellement que les alliés de Philippe1. Au cours de cette pylée,tenue avant la date normale, les vainqueurs décidèrent l'exclusiondes Phocidiens et l'admission à leur place de Philippe et de sesdescendants. Il me paraît probable qu'ils réclamèrent aussi dessanctions contre les alliés des sacrilèges, l'exclusion de Sparte(d'où l'erreur de Pausanias) et même, semble-t-il d'après unpassage de Diodore (XVI, 60), celle de Corinthe, mais sans l'obtenir,uisque les Corinthiens délèguent deux naopes à la réunion quisuit la paix (19, 76) et un naope sous Archôn-printemps (19, 85),

en 344 : ils sont donc à cette époque membres de l'Amphictionie.En fait, il est clair que Philippe, une fois parvenu à ses fins aprèsla défaite phocidienne, ne se souciait guère de mettre sa puissanceau service des rancunes particulières entre les cités, de compliquerla situation politique en s'aliénant par des mesures répressives sesadversaires d'hier encore puissants. L'apaisement général lui étaitplus profitable. Il n'exauça pas davantage la proposition cruelledes Œtéens qui voulaient précipiter du haut des Phédriades tousles Phocidiens en âge de porter les armes : il se contenta de faireprécipiter symboliquement les armes elles-mêmes2. Sparte et

Corinthe durentprobablement

àsa mansuétude

intéressée (προςπάντας φιλοφρονηθείς écrit Diodore) d'échapper à l'exclusion réclaméepar leurs rivaux. Athènes, autre alliée des Phocidiens sacrilèges,verra, en 344 ou 343, l'Amphictionie dominée par Philippe juger ensa faveur le procès qui l'opposait aux Déliens. En ce qui concerne

(1) Cf. ci-après, p. 165-166.(2) Eschine, Amb. 142 ; Diodore, XVI, 60, 2-3. Sur ces événements, cf. ci-après

p. 164 sq. ; J. Pouilloux, FD, III 4, commentaire à 365, p. 38 .

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8 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Sparte, il est donc probable que Pausanias (ou sa source) a prispour une mesure effective un vœu non exaucé de ses rivaux.

Gomment Sparte et la Doride se répartissaient-elles leur droit

de « vote amphictionique » ? Existait-il entre elles des accordsprécis, fixant une périodicité immuable ? La participation deSparte au Conseil dépendait-elle uniquement du bon vouloir de lamétropole, de son consentement bienveillant à s'effacer pour untemps ? Nous ne le savons pas. En tout cas, qu'elle ait bénéficiéd'un droit permanent, légalement reconnu, ou seulement d'unefaveur concédée à titre précaire et révocable, Sparte tenta, dansle courant du 11e siècle, de modifier la situation à son avantage.Excipant de ses droits, τα παρακείμενα δίκαια, au sujet du « voteamphictionique », elle émit la prétention d'occuper régulièrement,une année sur deux, le siège des Doriens de la Métropole au Conseil.Les cités de la Doride auraient dû alors se partager le siège laissévacant dans l'intervalle, c'est-à-dire n'envoyer chacune à son tourun hiéromnémon que tous les huit ou dix ans. Elles refusèrentnaturellement ce partage léonin. Kytinion, capitale de la Doride,agissant soit en son nom propre soit au nom de tous les Doriens dela Métropole, s'opposa aux exigences de Sparte devant un tribunalcomposé de trente et un juges de Lamia. En 161-160, ce tribunalrendit son verdict, apparemment favorable à Kytinion, puisquec'est Kytinion, et non Sparte, qui fit publier le jugement1. Unefois de plus, les Lacédémoniens durent se satisfaire des arrange

ments antérieurs. On remarquera qu'en cette affaire Sparteréclamait le droit de représenter les Doriens de la Métropole, et nonles Doriens du Péloponnèse, preuve qu'il n'existait pour elle aucuneautre voie d'accès au Conseil.

La question demeurait toujours pendante à l'époque impériale :dans une lettre aux Delphiens, Hadrien mentionne le projet d'unerépartition plus équitable, plus réaliste aussi, du droit de vote entreles Grecs au Conseil amphictionique2. Il est demandé « que lesvotes que les Thessaliens possèdent en plus des autres cités soientpartagés entre les Athéniens, les Lacédémoniens et les autres cités,afin que

le Conseil soit commun à tous les Grecs»3.

C'est probablement pour exaucer ce vœu qu'à l'époque de Pausanias (X, 8,4-5) le nombre de sièges au Conseil avait été porté de 24 à 30.Mais Sparte ne figure toujours pas dans la nouvelle liste des mem-

(1) G. Daux, Delphes au //« el au Ier siècle, p. 329-335.(2) A. Plassart, FD, III 4, 30 2 II, /. 1-5 ; G. Daux, Recueil Plassarl, p. 73-77.(3) L'inscription mutilée ne dit plus qui étaient les auteurs du projet soumis à

l'approbation de l'empereur ; peut-être « une commission de personnages de rangsénatorial envoyés par Hadrien à Delphes pour préparer le dossier des questions quel'empereur aurait à régler », selon A. Plassart, cité par G. Daux, /./., p. 74 n. 1.

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ESCHINE ET LE PROBLÈME DE PRlÈNE 9

bres titulaires d'un « vote amphictionique » régulier, telle que nousl'a transmise le périégète. Jusqu'à la fin de son histoire, Spartefut donc considérée au sein de l'Amphictionie comme une cité dela Doride, sa métropole : seule cette fiction lui permit d'êtreépisodiquement présente au Synédrion.

Ainsi, dans le langage de l'Amphictionie,es ioniens. je norn ^e r)oriens désigne seulement ceux dese cas de Priène. . . · · , j. ■ j r> ι

Magnésie et Chios. Honens qui, voisins du sanctuaire des Pyles enGrèce continentale et dans le quart Nord-Est

du Péloponnèse, sont réellement des « amphictions ». Il en va demême pour les Ioniens. Au témoignage des listes amphictioniquesdu ive siècle, seules Athènes et les cités de l'Eubée nomment des

hiéromnémons, des naopes, des trésoriers ; seules elles versent leurcontribution amphictionique pour la reconstruction du temple.Il serait donc aisé de définir les limites de l'Ionie amphictioniquesi un texte d'Eschine et le fait qu'au 111e siècle Chios et Magnésiedu Méandre reçoivent chacune un « vote hiéromnémonique » nenous incitaient à poser la question : le sens restrictif que semblentdonner au mot « Ioniens » les listes amphictioniques de Delphesexprime-t-il une limitation de droit ou une limitation de fait ?

Voyons d'abord le texte d'Eschine1. Dans son discours SurΓ ambassade (116), l'orateur rappelle qu'il exposa devant Philippele principe qui régissait les délibérations du Conseil : tous les

hiéromnémons y sont égaux, dit-il, quelles que puissent être lesdifférences de puissance entre les cités qui les délèguent. Peuimporte, par exemple, que le hiéromnémon des Doriens (de laMétropole) vienne de la glorieuse Sparte ou d'une obscure bourgadede Doride comme Kytinion, ou même Doriôn : au moment du vote,son suffrage pèse le même poids. De même pour les Ioniens : lehiéromnémon athénien est placé sur un pied d'égalité avec soncollègue eubéen, ce dernier vînt-il d'Érétrie ou de Priène. Le nomde Priène, inattendu dans ce contexte, soulève un problème. Laseule Priène actuellement connue est en effet la cité d'Asie Mineure

exhumée par les fouilles allemandes dans la vallée du Méandre, auNord de Milet. Si c'est d'elle que parle Eschine, il s'ensuit que ledroit de déléguer un hiéromnémon ionien n'était pas réservéexclusivement à l'Attique et à l'Eubée. Le fait que ces deuxrégions figurent seules dans les listes retrouvées à Delphes pourraiten ce cas s'expliquer de deux façons : ou bien le hasard ne nous aconservé que les listes correspondant aux sessions où les Ioniensd'Ionie n'envoyaient pas de hiéromnémon, ou bien Athènes et les

(1) Cf. G. Daux, BCH 81 (1957,, p. 99 sq.

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10 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

cités eubéennes avaient confisqué à leur profit un droit qui,théoriquement, appartenait à tous. Il n'est pas exclu en effetqu'Athènes, métropole des Ioniens, ait eu la possibilité juridiquede céder à l'amiable son tour de représentation à l'une ou l'autredes cités d'Ionie, comme le faisait en faveur de Sparte la Doride,métropole des Lacédémoniens. Si cette possibilité exista jamais,aucun document ne prouve actuellement qu'Athènes en ait usé.Mais c'est à une éventualité de ce genre que pourrait faire allusionEschine si la Priène dont il parle est vraiment la cité d'Asie Mineure,voisine de Milet.

Une autre explication ne serait pas moins plausible. On ne peutexclure a priori l'existence en Eubée d'une bourgade appeléePriène, homonyme de la précédente, trop insignifiante pour avoir

laissé des traces dans l'Histoire et citée par Eschine justement àcause de son insignifiance même. L'orateur énumère dans leContre Ctésiphon (82) des bourgades thraces, Serrhion Teichos,Doriscos, Ergiscé, Myrtiscé, Ganos, Ganias, χωρία ών ουδέ ταονόματα ηδειμεν πρότερον. L'hypothétique Priène d'Eubée, la Doriôninconnue de Doride, ne pourraient-elles être, elles aussi, de ceslocalités insignifiantes « dont nul ne connaissait le nom auparavant? Mettre en balance les hiéromnémons de Sparte ou d'Athènesavec ceux de petites cités si médiocres qu'elles n'ont jamais faitparler d'elles, une Doriôn de Doride, une Priène d'Eubée, c'estillustrer par des exemples frappants cette égalité de tous leshiéromnémons au sein du Conseil dont Eschine veut justementinstruire Philippe. Aucun argument décisif ne permet de choisirentre ces deux explications. Toutefois, la seconde me paraît laplus vraisemblable : elle est suggérée par le mouvement de laphrase oratoire, par le fait qu'Eschine rapproche les noms dePriène et d'Érétrie, par le témoignage des listes delphiques duive siècle (bien lacunaires il est vrai) où ne figurent jamais que deshiéromnémons, des naopes et des trésoriers envoyés par Athèneset par l'Eubée. Enfin, si ces deux régions avaient arbitrairementconfisqué à leur profit un droit de représentation conféré à tous les

Ioniens, peut-on croire qu'un tel abus eût été toléré sans protestationsar les partenaires lésés, alors que les cités se montraient sipointilleuses sur le chapitre de leurs privilèges et de leurs droits ?

Deux d'entre elles, cependant, Chios et Magnésie du Méandre,se voient attribuer dans le cours du 111e siècle un « vote hiéromné-monique », donc le droit de déléguer un hiéromnémon au Conseil1.

(1) Chios : FD, III 3, 214, I. 15-16, 28 sq. Date du décret : archontat de Dion, en243-242 selon R. Flacelière, Les Aitoliens à Delphes, p. 228-233 ; en 247-246 « peut-être » selon G. Daux, FD, III 3, p. 172, 179 ; Chronologie, p. 43 ; cf . aussi BCH Suppl. IV ,

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l'arbitraire des étoliens 11

Mais à cette époque l'Amphictionie est régentée par la Confédérationtolienne ; celle-ci, à mesure qu'elle étendait sa puissance,s'attribuait les sièges des peuples soumis à son hégémonie. Dispo

sant insi de la majorité des voix au sein du Conseil, et cela d'autantplus aisément que de nombreux « peuples », restés maîtres de leurssièges, s'abstenaient alors de paraître aux séances, elle lui dictaitses décisions selon les besoins de sa politique, ses intérêts ou sessympathies du moment. Elle ne laissait même pas au Conseil lesapparences de la souveraineté : c'est un décret étolien (εδοξε τοιςΑίτώλοις) qui accorde un siège à Magnésie, et c'est la Confédérationétolienne, non l'Amphictionie, que remercient les citoyens deChios ; la chaleur de leurs remerciements atteste qu'ils considéraient eur « vote hiéromnémonique » comme une faveur octroyée

par les maîtres de l'heure plutôt que comme l'exercice natureld'un droit qui leur eût traditionnellement appartenu. Enfin, leshiéromnémons de Chios et de Magnésie, assidus aux pylées aussilongtemps que dura l'hégémonie étolienne, disparaissent aussitôtque celle-ci, succombant sous les coups des Romains, vit sa déchéance onsacrée par le traité de 189 avant J.-C.1. Nous ne pouvonsdonc considérer comme un témoignage sur le fonctionnement normal de l'institution deux mesures de circonstances prises durantune période exceptionnelle par une autorité de fait, qui n'appartenaitêm e pas dès l'origine à l'Amphictionie. Ni la mention del'énigmatique Priène dans le discours d'Eschine, ni l'octroi du droitde vote à Chios et Magnésie du Méandre au 111e siècle ne sauraientinfirmer le témoignage des listes delphiques les plus anciennes :les seuls « Ioniens » membres de l'Amphictionie sont les prochesvoisins du sanctuaire des Pyles, les « amphictions » de l'Attiqueet de l'Eubée.

Ainsi, malgré le rôle important qu'elle fut amenée à jouer danscertains épisodes décisifs de l'histoire de la Grèce et bien que lespolitiques aient cherché à capter au profit de leurs ambitions leprestige qu'elle devait en grande partie au rayonnement pan-hellénique du sanctuaire de Delphes, l'Amphictionie n'était dans

son principe qu'une association régionale limitée aux douze peuplesgroupés autour de deux sanctuaires communs.

p. 61-66; ajouter J. Bousquet, BCH 64-65 [1940-1941], p. 107-110 (décret pour unhiéromnémon de Chios). Magnésie : Syll.3, 554 ; O. Kern, Inschrift. Magnesia, 35(entre 208 et 205 selon R. Flacelière, l.l., p. 323-325).

(1) R. Flacelière, Les Aitoliens à Delphes, p. 328-329 ; 378-379 ; appendice I, nos 23à 46, p. 44 0 sq . ; G. Daux, FD, III 3, p. 172. Les Étoliens avaient attribué tout aussiarbitrairement un siège à Céphallénie (R. Flacelière, /./., p. 284-285) et aux Alhamanesd'Épire (ibid., p. 29 6 et n. 3) . Ce s états le perdirent dès que leurs bienfaiteurs ne furentplus les maîtres de Delphes. Auguste en usera de façon tout aussi arbitraire en imposantl'entrée de Nicopolis (avec dix hiéromnémons !) au Conseil.

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12 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

2) Douze peuples, deux sanctuaires.

Les textes et l'épigraphie delphique révèlent trois faits notables :les membres de l'Amphictionie sont officiellement des « peuples »,non des cités ; aussi longtemps que l'institution fonctionna normalement, le nombre des « peuples » participants fut immuablementfixé à douze et celui des hiéromnémons à vingt-quatre ; enfinl'Amphictionie présente l'originalité de posséder deux sanctuairescommuns au lieu d'un seul.

„ . , Les hiéromnémons représentent des peuples :euples et cites. .,, . , , A , .„„ ~ , i \«j enumerai les douze peuples (έθνη δώδεκα) qui

ont part au sanctuaire », déclare Eschine (Amb. 116) ; « ces peuplesétaient au

nombre de douze » (ταΰτα [τα έθνη]ήν

δώδεκα)rappelle

Théopompe1 ; l'Amphictionie se compose « de douze peuples de laGrèce » (εκ δοόδεκα εθνών της Ελλάδος), écrit un scholiaste dePindare2. Cette organisation par peuples, signe de la haute antiquitéde l'association, est au ive siècle, et depuis longtemps, un anachronisme. i les « Ioniens de l'Eubée », ni les « Doriens du Péloponnèse »par exemple n'ont alors d'existence juridique ou politique en dehorsde l'Amphictionie. La Grèce ne connaît plus que des cités ou desconfédérations de cités. Ce sont des cités, Larissa, Phères, Chalcis,Érétrie, Sicyone, Corinthe, Mégare, etc., qui nomment à tour derôle les hiéromnémons du « peuple » auquel elles sont censées

appartenir. Il y a donc entre la structure officielle, désuète, duConseil et le statut réel des États qui le composent un décalage quetraduit l'incertitude du vocabulaire dans les textes anciens et dansles décrets de l'Amphictionie. Ceux-ci parlent de « peuples »chaque fois qu'ils se réfèrent à l'histoire de l'Amphictionie, parrespect de la tradition, mais de « cités » lorsqu'ils rapportent desrèglements, des mesures concrètes, exécutoires, décidées par cettemême Amphictionie qui n'avait affaire qu'à des cités. AinsiEschine, dans son exposé historique devant Philippe (Amb. 116),énumère les « douze peuples » amphictioniques ; mais lorsqu'il

rapporte (Clés. 122) l'ordre donné par le Conseil à tous les Amphic-tions présents à Delphes de descendre en masse dans la plaine deCirrha pour détruire les constructions et les cultures indûmentétablies sur le sol sacré par les Locriens d'Amphissa, il stipuleque « toute cité qui s'abstiendra (ήτις δ' αν μή παρη πόλις) seraexclue du sanctuaire, réputée sacrilège et placée sous le coup del'imprécation ». En 339-338 avant J.-C, sous l'archontat de

(1) Jacoby, FGH, II B, fr . 63 (80 Müller) ; cf. aussi fr . 168 et 169.(2) Scholic à Pindare, IVe pijthiquc, v. 118 (Drachmann).

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INCERTITUDES DE VOCABULAIRE 13

Palaios1, un décret institue le collège des trésoriers calqué surle modèle du Conseil amphictionique. Dans l'intitulé du décretfigure bien la liste traditionnelle des peuples, et les trésoriers eux-mêmes sont classés par peuples ; mais les mesures d'applicationconcernent évidemment les cités : [τον ταμίαν ά]ποπέμπειν τας πόλε[ιςε]ις [τ]ο[ν λογισ|μον κατά πυ]λαίαν εις Δελφούς... [Εφόδια δ]έ παρέχειντώι ταμίαι τήμ πάλιν τή[μ πέμπουσαν. . . (47, 1, 4-5, 15-16), «les cités enverront leur trésorier (pour l'apurement des comptes) à chaquesession à Delphes... L'indemnité de déplacement sera versée auxtrésoriers par la cité qui l'envoie... ». Les décrets, les ordres del'Amphictionie ne peuvent s'adresser qu'aux cités puisque les« peuples » qui la composent ne possèdent plus qu'une existencefictive. Les contributions amphictioniques sont naturellement

enregistrées sous le nom des cités qui les adressent. Quand, sousl'archontat de Damaios (vers le milieu du nie siècle) les hiéromné-mons s'honorent eux-mêmes par un décret, ils stipulent que l'oninscrira sur la stèle le nom de chacun d'eux suivi du nom de sacité, και τας πόλεις αυτών2. Les hiéromnémons sont tantôt qualifiéspar le nom du peuple qu'ils représentent, « Thessalien, Eubéen,Péloponnésien » (ou « Doriens », « Ioniens »), tantôt par celui de lacité qui les a nommés, « Phéréen, Larisséen, Érétrien, Argien, etc. ».Diodore tente de concilier la tradition et la réalité lorsqu'il écritdans son récit de la troisième guerre sacrée (XVI, 29) : Σχιζομένηςτων εθνών και πόλεων α'ιρέσεως. . . , «les peuples et les cités se divisantsur le parti à prendre... ». Le même souci apparaît dans la rédactionde deux décrets amphictioniques du IIe siècle. Le premier, promulgué en 184-183 en l'honneur du Thessalien Nicostratos,contient la formule : εδοξ[εν τώι κοι]νώι των Άμφικτιόνων τώνάπό τών αυτονόμων εθνών και δημοκρατουμένων πόλεων, « il a parubon à l'association des Amphictions formée des peuples autonomeset des cités démocratiques... »3. Le second décret, qui appartientà la même période, reconnaît l'asylie du sanctuaire d'ApollonPtoïos. Il stipule (1. 25) : άνενενκεΐν δε το δόγμα τους ίερομνήμοναςεπί τας πόλεις και τα έθνη τα ί'δια, « les hiéromnémons communiquer

onta décision aux cités et aux peuples qui les ont délégués »4.

(1) C'est la date proposée par É. Bourguet ; P. Marchetti a prouvé [BCH Suppl. IV ,p. 79-83) qu'elle était exacte.

(2) FD, III 4, 359, 1. 30 .(3) Syll.3, 613 A, l. 4. Ce s formules traduisent à leur époque un veto opposé au maint

ien ans l'Amphictionie, qui se réorganise, de la Macédoine et de l'Étolie, « peuples »qui ne respectent ni l'autonomie ni la démocratie (G . Daux, Delphes au IIe et au Ier s.,p. 28 0 sq. ; 29 3 n. 1. J. Pouilloux, FD, III 4, 367, commentaire;.

(4 Si/ II.3, 635.

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14 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Qu'il s'agisse de « peuples » ou de « cités »,Douze peuples. un au^re faj^ es^ notable : le nombre de douzehiéiomnémons. participants déléguant vingt-quatre hiéromné-

mons au Conseil ne fut jamais modifié, aussilongtemps du moins que l'Amphictiome fonctionna normalement.Un motif religieux peut-être, ou simplement la force de la tradition,le maintinrent immuable jusqu'au 11 e siècle de notre ère. Si bienque l'Amphictiome ne pouvait accueillir un nouveau membrequ'à la condition soit d'expulser un membre plus ancien, soit detransférer au nouvel admis l'un des deux sièges auquel chaque« peuple » amphictionique avait droit. Cette règle, rigoureusementobservée jusqu'à l'époque impériale, perpétua le caractère étroitementrégional de Γάμφικτυονικον σύστημα.

En 478, nous l'avons vu , les Lacédémoniens tentèrent sanssuccès de faire expulser de l'Amphictionie les peuples qui avaientpactisé avec les Mèdes. Cette mesure d'épuration, qui eût sansdoute moins servi la morale que les intérêts de Sparte, aurait offertà cette dernière le moyen d'obtenir un siège permanent au Conseiltout en respectant le sacro-saint numerus clausus1.

Lorsqu'en 346, à l'issue de la troisième guerre sacrée, Philippeet ses descendants reçurent le privilège exorbitant d'être représentés à titre personnel par deux hiéromnémons, ces envoyésπαρά Φιλίππου, παρά βασιλέως 'Αλεξάνδρου occupèrent les deux siègesconfisqués aux Phocidiens sacrilèges2 : le nombre total des hiérom

némons demeura inchangé.

(1) Cf. ci-dessus, p. 6.(2) Diodore déclare expressément (XVI, 60) que le vote amphictionique fut accordé

« à Philippe et à ses descendants », non à la Macédoine. L'épigraphie le confirme : lesdeux hiéromnémons macédoniens sont toujours inscrits dans les listes comme représentants personnels du monarque, παρά Φιλίππου, παρ' 'Αλεξάνδρου ; ils ne portentjamais (à la différence des naopes) l'ethnique Μακεδόνες. 11 est donc surprenant de liredans un article récent (P. Marchetti, BCH 101 [1977], p. 144 n. 37) : « Les deux hiéromnémons « macédoniens » représentent avant tout la Macédoine (souligné par l'auteur).

En douterait-on que Vethnique (c'est moi qu i souligne) Μακεδόνες joint à leur nom dansle « compte en statères » d'Achaiménès le rappellerait à bon escient ». La source del'erreur est une inadvertance de J. Bousquet, Mélanges G. Daux, p. 27 : « les Macédonienshargent de la commission leurs deux hiéromnémons Archépolis et Agippos :Makedones et non par'Alexandrou comme dans les listes amphictioniques, ce qui estnaturel mais notable ». Dans le compte en question, Μακεδόνες, col. II, Z. 10, n'est pasVethnique des hiéromnémons, mais le nom du peuple, les Macédoniens, dont les deuxhiéromnémons παρ' 'Αλεξάνδρου (col. I /. 2), évidemment Macédoniens, ont apportéla contribution à Delphes. La preuve en est que, 1. 8, le pluriel Παγασΐται n'est suivique d'un seul nom, Démétrios fils de Phormion, unique convoyeur des fonds. Il fautdonc rectifier la ponctuation adoptée dans la première édition (J. Bousquet, /./.), enmettant une virgule ou un point en haut entre les noms des donateurs et les noms desporteurs : Παγασΐται · Δημήτριος. . . Μακεδόνες · Άρχέπολις, "Αγιπ[πος]. . . , etc. Seuls

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UN NOMBRE IMMUABLE DE SIEGES 15

Quand, à la suite de leur victoire sur les Gaulois en 278, lesÉtoliens eurent progressivement établi leur domination absoluesur rAmphictionie, ils modifièrent la répartition des sièges àl'intérieur du Conseil, mais jamais leur nombre. Comme par lepassé, l'admission des membres nouveaux se fit aux dépens desmembres anciens. Ils n'hésitèrent pas à s'adjuger à eux-mêmesjusqu'à quinze sièges, mais en les prélevant sur les peuples qu'ilsavaient annexés ou soumis. Encore que l'état lacunaire de noslistes n'autorise aucune affirmation sûre, il semble que l'île deChios prit la place des Ioniens de l'Eubée (aucun Eubéen n'apparaissant dans les listes où figure le hiéromnémon de Chios),Céphallénie et Magnésie du Méandre celles des Magnetes, et lesAthamanes d'Épire celle des Perrhèbes1. Les habitants de Chios

se disaient les descendants de Pélasges venus de Thessalie et desAbantes de l'Eubée2 ; Céphallénie et Magnésie du Méandre étaientliées aux Magnetes par une antique συγγένεια3, et les Athamanesd'Épire n'étaient point sans quelque parenté avec les Perrhèbes,dont ils recueillirent le vote amphictionique4. Tous ces nouveauxadmis pouvaient donc se prévaloir de liens ancestraux avec lesmembres traditionnels de l'Amphictionie : la faveur qu'ils devaientau bon plaisir des Étoliens apparaissait ainsi moins comme unedécision arbitraire bouleversant le recrutement habituel deshiéromnémons que comme l'extension légitime d'un droit à denouveaux membres d'une même famille, extension que le précédent de Sparte suffisait à justifier. Sous la domination étoliennele Conseil compta parfois moins de vingt-quatre membres à causede l'abstention volontaire de certains peuples5, mais jamais davantage .

Il en fut de même sous Auguste qui, cependant, transformaprofondément le caractère de la vieille assemblée : les dix voixqu'il attribua d'autorité à la cité de Nicopolis furent enlevées auxMagnetes, aux Maliens, aux Énianes, aux Achéens de Phthiotide,aux Perrhèbes-Dolopes enfin « qui avaient cessé d'exister en tant

les naopes sont dits « Macédoniens » : ils ne sont pas en effet les délégués du roi deMacédoine mais, comme leurs collègues, les représentants de l'Amphictionie. Sur cepoint, cf. ci-après p. 105.

(1) R. Flacelière, Les Aitoliens à Delphes, p. 228-233, 27 8 (Chios) ; 316-317, 323-325, 353, 37 8 (Magnésie) ; 284-285, 314-315, 35 2 et n. 3 (Céphallénie) ; 29 6 et n. 3(Athamanes).

(2) Strabon, XIII, 3, 3 (C 621) ; T. W. Allen, Homer, th e origins and ihe transmission,p. 104.

(3) O. Kern, Inschrift. Magnesia, 35, /. 13-14; R. Flacelière, l.l., p. 28 5 n. 1.(4) R. Flacelière, /./., p. 29 6 n. 3.(5) R. FJacelière, /./., p. 115-117 ; 372-373.

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16 L AMPHICTIOME, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

que peuple »1. Il est remarquable que le projet de réforme soumisà l'empereur Hadrien en vue de donner au Conseil une compositionplus conforme à l'état réel de la Grèce, plus panhellénique si jepuis dire, ne demande pas que soit augmenté le nombre des participants. Il propose seulement une répartition plus équitable dessièges existants en suggérant que soient redistribués « les votesque les Thessaliens possèdent en plus des autres », τας ψήφουςας πλέονας των άλλων εχουσιν Θεσσαλοί2 ; entendons : les votes dontles Thessaliens, agissant comme l'avaient fait précédemment lesÉtoliens, avaient dépouillé les peuples situés dans leur zoned'influence. Il s'agit donc d'équilibrer le Conseil tel qu'il existe,non d'élargir son recrutement. Toutefois, c'est peut-être poursatisfaire cette requête sans toucher aux situations acquises que

le nombre des hiéromnémons fut pour la première fois porté devingt-quatre à trente, à une date que Pausanias ne précise pas,mais que je croirais volontiers postérieure à la lettre d'Hadrien.Dans ce nouveau Conseil, les Nicopolitains possédaient six sièges,les Macédoniens six sièges et les Thessaliens six autres : troispeuples accaparaient à eux seuls plus de la moitié des voix. LesThessaliens conservaient donc celles qu'ils avaient « en plus desautres peuples ». Rappelons que Sparte ne figure toujours pasparmi les membres de ce Conseil élargi, dont Pausanias nous atransmis la liste exacte.

Cette fixité rituelle du nombre des hiéromnémons, longtempsrespectée, fournit l'explication d'une double anomalie : la représentation réduite de deux peuples, les Perrhèbes et les Dolopes, etla présence d'une cité, Delphes, dans ce Conseil de « peuples ».

Les Perrhèbes et les Dolopes auraient dû normalement, commeles autres peuples, déléguer chacun deux hiéromnémons, soitquatre en tout. Or, dans les listes amphictioniques, ils sont toujoursdésignés par la formule globale Perrhèbes-Dolopes, et considéréscomme un seul peuple représenté par deux hiéromnémons. Delphesest une cité phocidienne : elle aurait dû normalement déléguer,à son tour, comme les autres cités de la Phocide, l'un des deux

hiéromnémons phocidiens. Or elle est représentée à chaque sessiondu Conseil par deux hiéromnémons delphiens. Entre ces deuxanomalies la corrélation est plus que probable : les Perrhèbes etles Dolopes, les plus petits des peuples amphictioniques, furentsacrifiés à Delphes, comme ils devaient l'être une nouvelle foisplus tard, et définitivement, à Nicopolis. On préleva sur chacun

(1) Pausanias, X, 8, 3 ; G. Daux, Recueil Plassart, p. 66 sq.(2) Cf. ci-dessus p. 8, n. 2 et. 3. G. Daux, /. /. p. 71.

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UNE RICHESSE CONVOITEE 17

d'eux un siège de hiéromnémon, et Delphes fut ainsi dotée de deuxsièges au Conseil.

A quelle époque, et pourquoi, Delphes devint-elle, indépendammentes autres cités phocidiennes, un membre de plein droitdisposant de ses propres représentants ? Aucun document historique ne nous renseigne sur ce point. Cependant, compte tenu desévénements dont Delphes fut le théâtre ou l'enjeu, voici l'explication qui me paraît la plus plausible.

Dès l'époque d'Homère, l'opulence du sanctuaire d'Apollon étaitproverbiale. Elle attira naturellement la convoitise des peuplesvoisins, Phlégyens de la haute vallée du Céphise1, Locriens,Phocidiens surtout, enclins à revendiquer des « droits » sur le plusillustre et le plus riche sanctuaire de la Phocide2. Réduite à ses

seules forces, la petite cité aurait été bien incapable de défendreses trésors : δυσφύλακτός έστι, καν ιερός fj, dit Strabon (IX, 3, 8).Une ingénieuse façon de les préserver était de transformer lesanctuaire pythique en sanctuaire commun de l'Amphictionie :appartenant à tous, il ne pouvait plus être annexé par personne ;toute agression susciterait désormais de nombreux défenseurs.Cette solution fut-elle proposée spontanément par les Delphienseux-mêmes sous la pression de quelque danger ? Fut-elle« conseillée » par un autre peuple, les Thessaliens ou les Béotienspar exemple, éternels rivaux des Phocidiens ? Fut-elle le prixdont il fallut payer l'intervention de l'Amphictionie lors de la

première guerre sacrée ? Strabon me paraît, en dépit d'un anachronisme, fournir la juste explication lorsqu'il déclare (IX, 3, 7[C 420]) que Γάμφικτυονικον σύστημα « fut organisé par les peuplesvoisins afin de délibérer des affaires communes et d'accroître leurparticipation à l'administration du sanctuaire, en raison de l'importancees sommes et des offrandes déposées, qui rendait nécessairesune grande vigilance et une grande piété ». Les Amphictionspromettaient sous la foi du serment, « si quelqu'un pillait lestrésors du dieu, ou se rendait complice d'une profanation, ou voulaitattenter aux choses sacrées, de le châtier de la main, du pied,

de la voix, et par tous les moyens » (Eschine, Clés. 120).De bon gré ou contraints par une situation alarmante, lesDelphiens consentirent donc pour protéger leur sanctuaire à lepartager avec d'autres. Désormais, les Amphictions furent « ceuxqui ont part au sanctuaire », οι μετέχοντες του ίεροΰ3. Toutefois,le sanctuaire d'Apollon était le bien de la cité de Delphes ; il

(1) Pausanias, IX, 36, 2 ; X, 6, 6 ; 7, 1 ; 34, 2. RE XX, 1, s.v. Phlegyos, col. 266-269.(2) Cf. les propos de Philomélos cités par Diodore, XVI, 23, 5-6 ; 24, 5.(3) Eschine, Amb. 116.

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18 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

renfermait les principaux édifices de sa vie civique, son antique« agora », son bouleutérion, son prytanée. Le temple, l'oracle,étaient desservis par un clergé delphien ; delphienne était la

Pythie. Sanctuaire amphictionique, le sanctuaire d'Apollon n'endemeurait pas moins le premier sanctuaire des Delphiens. Il étaitnaturel que ceux-ci fussent associés d'une façon prééminente à lagestion de la fortune sacrée maintenant confiée au Conseilamphictionique, donc qu'ils fussent représentés de façon permanente au Conseil. Certes, les Phocidiens déléguaient déjà deuxhiéromnémons ; mais les Delphiens étaient-ils vraiment desPhocidiens ? Ils le niaient fermement : και οι Δελφοί πεφεύγασινόνομάζεσθαι Φωκεΐς écrit Pausanias (IV, 34, 11). L'Amphictioniefit semblant de les croire. Certes, Delphes était une cité, non unpeuple

; maisl'Amphictionie

savait, à l'occasion, nepas

se montrertrop formaliste. Il était, à tout prendre, moins exorbitant d'inclureune « cité » parmi des « peuples » que d'attribuer deux votesamphictioniques à un particulier, fût-il roi, comme elle le fit plustard en faveur de Philippe de Macédoine et de ses descendants.La seule difficulté véritable était le respect religieux du numerusclausus : Delphes ne pouvait entrer au Conseil qu'au détrimentde membres plus anciens. Les Perrhèbes et les Dolopes firent lesfrais de l'opération. Ainsi s'expliquent par une seule et mêmecause les trois anomalies que l'on observe dans l'organisationde l'Amphictionie : existence de deux sanctuaires communs,

présence d'une cité dans une association de peuples, fusion desPerrhèbes-Dolopes en un seul peuple représenté par deux hiéromnémons.

L'admission de Delphes au Conseil en qualité de membrepermanent jouissant d'une double représentation fut un événement important dans l'histoire de Delphes et dans celle del'Amphictionie. A quelle époque eut-il lieu ? Nous ne disposonssur ce sujet que d'un faible indice : en l'année 590, année pythique,la présidence des concours, jusqu'alors exercée par les Delphiens,est transmise à l'Amphictionie qui la conservera définitivement1.Une

telle mesures'explique

tout naturellement comme une conséquence du transfert de souveraineté que Delphes avait consentiau profit des Amphictions : puisque ceux-ci assumaient désormaisune part prépondérante dans l'administration du sanctuaire, doncdans l'organisation de sa fête la plus brillante, il était normal quela présidence, l'agonothésie, en fût confiée au Conseil amphictionique.

(1) Daremberg-Saglio, DA, s.v. Pythia, p. 785-786. Mommsen, Delphika p. 166-167; 174 sq.

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DELPHES, SECOND SANCTUAIRE COMMUN 19

De plus, on sait qu'à l'issue de la première guerre sacrée, leterritoire de la cité sacrilège de Girrha fut entièrement confisquéau profit d'Apollon1. Si le sanctuaire avait été à cette époque un

sanctuaire exclusivement delphien, administré par les seulsDelphiens, le cadeau fait au dieu aurait été en réalité un cadeaufait à Delphes, qui aurait vu d'un seul coup doubler la superficiede son territoire. Peut-on imaginer, quand on connaît les sentimentsde jalousie qui les animaient les unes envers les autres, que lescités de l'Amphictionie aient consenti à l'une d'entre elles une aussisomptueuse donation ? Celle-ci n'était concevable que dansl'hypothèse où elle enrichissait le patrimoine commun de l'association, non un seul des associés. Si l'on admet que l'entrée deDelphes au Conseil fut, comme je le crois, la contrepartie del'internationalisation

de sonsanctuaire,

c'estdans

lesannées qui

suivirent la destruction de Cirrha que je la situerais le plus volontiers. La consécration au dieu de Delphes, après la première guerresacrée, du territoire de Cirrha par les Amphictions vainqueurs,la présidence des Pythia désormais dévolue aux Amphictions, lesDelphiens devenus membres permanents du Conseil aux dépensdes Perrhèbes-Dolopes, le sanctuaire d'Apollon promu secondsanctuaire commun, autant de faits à mon avis connexes et quiont toute chance d'avoir été contemporains. L'antériorité desThermopyles sur Delphes comme sanctuaire fédéral primitif n'ajamais été mise en doute. Elle est attestée par le nom de « pylée »,

assemblée pylienne, πυλαία (αγορά), donné à la session de Delphescomme à celle des Thermopyles, par le titre de pylagore, « celuiqui parle à l'assemblée pylienne », décerné aux experts qui assistentles hiéromnémons aussi bien aux Thermopyles qu'à Delphes, enfinpar la tradition historique selon laquelle le Pélasge Acrisios,premier Organisateur de l'Amphictionie, aurait construit auxThermopyles le plus ancien temple de Demeter et n'aurait qu'aprèscoup réorganisé l'Amphictionie autour du sanctuaire de Delphes2.Le scholiaste d'Euripide3 commet probablement un anachronismeen faisant remonter aussi haut l'érection de Delphes en sanctuaire

commun, mais il ne se trompe pas en la rapportant à une époquepostérieure à celle de la fondation de l'Amphictionie pylienne.

(1) Sur ce territoire, U. Kahrstedt, « Delphoi und das heilige Land des Apollon »,Studies... Robinson II, p. 749-757.

(2) Cf. ci-dessus p. 1 η. 2 et p. 2 n. 2.(3) Scholie à Euripide, Oreste, v. 1094 (Schwartz).

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20 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

3) Hiéromnémons et pylagores.

Chacun des douze peuples, dont le « peuple » delphien, est doncreprésenté au Conseil par deux hiéromnémons, « ceux qui ont enmémoire les choses sacrées », titre qui nous reporte à une époquede législation non écrite et confirme la haute antiquité de l'Amphic-tionie.

Mais les peuples amphictioniques sont au ive siècle, nous l'avonsdit, des entités fictives. Seules des cités exercent au Conseil laίερομναμοσύνα, Γ αμφικτιονία, au nom des peuples qu'elles sont chargées de représenter. D'où le problème : qui décidait que tellecité, telle année, représenterait au Conseil tel peuple ? Comment,selon quelle périodicité, s'établissait entre elles un roulement ?

Pour certaines d'entre elles, la question ne se posait pas.Delphes déléguait de façon permanente ses deux hiéromnémons,et Athènes le sien depuis que le synoecisme avait fait de tous les« Ioniens de l'Attique » des citoyens athéniens. Quand les citésappartenaient à une confédération, la nomination du hiéromnémonpouvait éventuellement être confiée au pouvoir central : au11e siècle, Nicostratos de Larissa est envoyé comme hiéromnémonπαρά του Κοινού των Θετταλών ; la cité locrienne de Scarphée demande,ans succès d'ailleurs, que le hiéromnémon des Locriens Épicné-midiens soit désigné par le Κοινόν των Αοκρών1. Mais une confédé

rationn'englobait pas nécessairement toutes les cités du « peuple »qui la composait (ainsi Amphissa n'appartenait pas, au 11e siècle,à la confédération des Locriens de l'Ouest)2 ; sa durée pouvaitêtre éphémère ; beaucoup de cités enfin n'étaient pas confédérées.Nous ignorons comment les Béotiens, les Eubéens ou les Doriensdu Péloponnèse par exemple répartissaient entre eux leur droitde vote amphictionique. Nos seuls documents sur ce sujet sont leslistes retrouvées à Delphes. Or elles ne forment plus une sériecontinue, année par année. Elles sont souvent mutilées, fragmentaires. es plus complètes omettent parfois de préciser la citéqui délègue le hiéromnémon, donnant seulement le nom du personnage accompagné de la mention « Thessalien », « Péloponné-sien », « Eubéen », « Ionien ». Il est donc impossible d'établir desstatistiques, de rechercher s'il existait entre les cités un systèmede roulement régulier. Toute interprétation doit demeurer prudente, même celle des faits en apparence les plus sûrs. Par exemple,dans les listes du ive siècle, les Achéens Phthiotes sont toujours

(1) G. Daux, Delphes au IIe et au Ier s., p. 281 ; 338.(2) G. Daux, l.L, p. 634.

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LES HIÉROMNÉMONS ET LES CITES 21

représentés par des hiéromnémons de Larissa et de Mélitéa, lesMaliens par ceux de Lamia et d'Héraclée. On serait tenté d'enconclure que ces cités avaient le privilège de représenter enexclusivité leur « peuple » au Conseil. Mais, dans une liste du11e siècle, l'un des hiéromnémons maliens est un Έχιναΐος et nonplus un Λαμιεύς1. Y a-t-il eu changement de procédure dans lecours du temps ? Le hasard des destructions n'a-t-il laissé subsister,pour le ive siècle, que les listes où figuraient Larissa et Mélitéa,Héraclée et Lamia, alors que d'autres cités des Achéens et desMaliens déléguaient dès cette époque des hiéromnémons ? On nesait. Autre exemple : dans les cinq listes conservées pour la périodecomprise entre 338 et 324, période qui correspond à l'effacementde Thèbes après Chéronée, puis à sa destruction en 325, les

hiéromnémons béotiens proviennent des cités suivantes :printemps 338 : Tanagra et Orchomène (47 II, 27-28 ; BCH 1949, p. 213).automne 331 : Platées et Orchomène (54 I, 9-10 ; BCH 1949, p. 222).printemps 326 : Tanagra et Orchomène (58, 61 ; BCH 1949, p. 229).printemps 325 : Thespies et Platées (20, 46).automne 324 : Lébadée et Orchomène (61 I, 8-9 ; BCH 1951, p. 268-269).

Si le hasard avait détruit, comme tant d'autres, la liste du printemps 325, nous serions tentés d'affirmer qu'Orchomène disposaità cette époque d'un siège permanent à l'Amphictionie. Or il n'enest rien. Toutefois, l'épigraphie delphique autorise quelques

constatations limitées.Il ne semble pas qu'il ait existé entre les cités un règlementétablissant une périodicité fixe, une sorte de « tableau de service »de la représentation au Conseil, mais plutôt des accords conclusde gré à gré, des situations acquises, plus ou moins fondées surdes « droits » historiques, qui pouvaient le cas échéant être contestéesar le mauvais vouloir de l'un des partenaires ou à la suitede changements intervenus dans leur situation politique. Ondemandait alors à une tierce cité amphictionique de constituerun tribunal pour arbitrer le différend ; la sentence faisait loijusqu'au jour où l'un des plaideurs la remettait en question. C'est

du moins ce qui ressort de trois procès qui opposèrent au ne siècledes cités à propos du « vote amphictionique ».

Le premier de ces procès mit aux prises Kytinion et Lacédémoneau sujet de la représentation des Doriens de la Métropole2. Les

(1) FD, III 2, 68, /. 9 ; G. Daux, I.I., p. 309-311 ; 652. H. Pomtow (Klio 14, 1914,p. 283-285) a essayé d'établir dans quel ordre les Doriens du Péloponnèse désignaientleur hiéromnémon : « vaine entreprise », écrit justement R. Flacelière, Les Aitoliens...,p. 347.

(2) G. Daux, /./., p. 329 sq. ; G. Klaffenbach, Gnomon 1938, p. 17-19.

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22 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

deux parties font valoir τα παρακείμενα δίκαια, des « droits » qui nesont malheureusement pas précisés. En 161-160, trente et un jugesde Lamia tranchent le débat, en faveur de Kytinion semble-t-il.

Sur quoi pouvaient se fonder ces « droits » ? Une secondequerelle, entre Locriens cette fois, nous l'apprend1. On sait queles « Locriens de l'Est » habitaient deux régions distinctes queséparaient les hauteurs du mont Cnémis : la Locride Épicnémi-dienne au Nord-Ouest et la Locride Hypocnémidienne au Sud-Est.Le droit de nommer le hiéromnémon des Locriens de l'Est revenaittantôt à l'une, tantôt à l'autre de ces deux régions. Mais chaquerégion comprenait plusieurs cités : celles-ci devaient donc répartirentre elles le droit de déléguer, chacune à son tour, le hiéromnémondes Locriens de l'Est. Selon quel critère ? Selon quelle périodicité ?

Deux cités de la Locride Épicnémidienne, Thronion et Scarphée,se disputent âprement à ce sujet. Thronion revendique le droitde désigner le hiéromnémon épicnémidien une fois sur trois, parcequ'elle fournit à l'Amphictionie le tiers des victimes et desoffrandes dues par les Êpicnémidiens. Scarphée s'oppose à cetteprétention qu'elle juge trop avantageuse pour sa rivale et proposeque le soin de désigner le hiéromnémon soit confié au Kotvov τωνΑοκρών, à la confédération locrienne, « conformément aux dispositions rimitives et au rescrit des Romains ». La querelle n'était pasnouvelle : Thronion invoque un précédent jugement rendu par desjuges d'Amphissa, Scarphée un jugement des Athéniens entériné

par les Amphictions ; les Romains sont intervenus par un rescrit.Un nouveau tribunal, athénien semble-t-il, reprend l'affaire, à lafin du 11e siècle ou au début du Ier siècle, et déboute Scarphée par59 voix contre 2. Thronion déléguera le hiéromnémon desLocriens de l'Est, quand viendra le tour des Êpicnémidiens, unefois sur trois, en vertu d'un droit fondé sur le montant de sacontribution aux frais de l'Amphictionie et reconnu valable parle jugement d'un peuple amphictionique choisi comme arbitre.

Un conflit du même ordre, à propos du vote des « Ioniens del'Eubée », éclate à la fin du ne siècle entre Chalcis d'une part,

Érétrie et Carystos d'autre part2. Ghalcis réclame le privilège dechoisir tous les quatre ans parmi ses citoyens le hiéromnémon quireprésentera l'Eubée durant l'année pythique. C'est, à cetteépoque, « la seule année intéressante et le reste du temps Chalcisabandonne volontiers le siège aux autres villes de l'Eubée »

(1) G. Daux, /./., p. 33 5 sq . ; FD, III 4, 38-41 ; Y. Béquignon, Recherches arch, àPhères, p. 79 n. 2.

(2) G. Daux, l.L, p. 341 sq . ; FD, III 1, 578 I et II, complété par inv. 6384(J. Bousquet, BCH 64-65 [1940-1941], p. 113-120).

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QUERELLES ENTRE CITES AMPHICTIONIQUES 23

(J. Bousquet). La cause est plaidée devant un tribunal d'Hypata,ville des Énianes, composé de trente et un juges tirés au sort.Les Chalcidiens l'emportent. Mais Érétrie et Carystos, sous

l'archontat de Babylos, font appel, devant les Amphictions, dujugement dont ils contestent la régularité. A leur demande,Hypata constitue un second tribunal, composé cette fois de jugesélus άριστίνδην, d'après leur noblesse : ils confirment le précédentjugement en faveur de Chalcis. Deux fois déboutées, Érétrie etCarystos n'en réclament pas moins un troisième jugement, quiest à nouveau confié à Hypata : nous ignorons l'issue de ce dernierprocès.

De telles querelles n'auraient pu se produire si le tour de représentation des cités avait été réglé par un protocole immuable.

On entrevoit qu'il existait plutôt, à l'intérieur d'un même peuple,des accords amiables, donc contestables, quand les rapports entreles cités venaient à se détériorer. Celles-ci revendiquent leur droitde vote avec une âpreté qui ne surprendra pas. On sait combienles cités grecques se montraient chatouilleuses sur toutes lesquestions qui touchaient à leur amour propre. Hérodote décrit endétail l'étonnante querelle qui mit aux prises, avant la bataille dePlatées, en présence de l'ennemi, les Athéniens et les Tégéatessur le point de savoir qui avait le « droit » d'occuper l'aile gauchede la ligne de bataille1. Les arguments historiques et mythologiquesvancés par les deux parties à l'appui de leur prétentionnous laissent imaginer, me semble-t-il, ceux dont pouvaient seprévaloir dans leurs conflits les cités amphictioniques pour établirle bien-fondé de leurs παρακείμενα δίκαια, tels les Lacédémoniensface aux Doriens de la Métropole. Si la plus grande fréquence deleur apparition au Conseil n'est pas due au seul hasard de laconservation des listes, des cités comme Orchomène, vieille etillustre capitale des Minyens, ou Argos, patrie d'Acrisios, premierorganisateur de l'Amphictionie, bénéficiaient peut-être d'unesituation privilégiée en considération de leur passé. D'autres« droits » se fondaient sur des motifs plus concrets, plus aisément

vérifiables : ainsi le droit de Thronion à représenter la LocrideEpicnémidienne une fois sur trois était justifié par le montant desa contribution aux dépenses de l'Amphictionie. Mais il n'est paspossible d'aller au-delà de ces considérations très générales.

Nous ne sommes pas mieux renseignés sur la façon dont chaquecité désignait son hiéromnémon. Il semble qu'il n'y ait pas eu derègle uniforme : le procédé de désignation, la durée du mandatvariaient d'une cité à l'autre, et peut-être même, dans une cité

(1) Hérodote, IX, 26-28.

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24 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

donnée, d'une époque à l'autre, selon le régime politique oul'importance de la population.

Pour Athènes, nous disposons d'un témoignage unique. Dans

un passage des Nuées (v . 623-626), Aristophane, adversaire de laréforme du calendrier proposée par l'astronome Méton, fait ainsiparler le chœur :

άνθ' ών λαχών Ύπέρβολοςτήτες ίερομνημονεϊν, κάπειθ' ύφ ' ημών τών θεών

τον στέφανον άφηρέθη ' μάλλον γαρ ούτως ε'ίσεταικατά Σελήνην ώς άγειν χρή του βίου τας ημέρας,

« pour prix de cette réforme, Hyperbolos, désigné cette année parle sort comme hiéromnémon, eh bien, nous, les dieux, nous l'avonsdépouillé de sa couronne. Comme cela, il sera bien persuadé quec'est d'après la lune [et non d'après le nouveau calendrier civilmodifié par Méton] que l'on doit, dans l'existence, faire le comptedes jours ! ».

L'incident auquel fait allusion Aristophane est obscur1. Ilsemble que la réforme de Méton ait eu pour effet soit d'écourter,soit d'annuler le mandat d'Hyperbolos. Il a donc été nécessairede procéder à un nouveau tirage au sort, à une date fixée non plusκατά θεόν, d'après le calendrier lunaire — date qui avait été favorable à Hyperbolos, élu — mais d'après le calendrier « civil »,κατά πρυτανείαν ; cette fois-ci — jour néfaste ! — le tirage au sortlui a été contraire. Il était partisan de la réforme : le voilà punipar où il a péché ! S'il s'agit bien dans ce passage du hiéromnémonamphictionique, ce que certains ont contesté mais sans raisonsvalables2, il s'ensuit que le hiéromnémon d'Athènes était, auVe siècle, élu par tirage au sort. Cette procédure serait d'ailleursnormale : une des fonctions du hiéromnémon, peut-être même laprincipale, était d'être un juge (δικάζει, ψήφον φέρει)3 ; c'est partirage au sort que la démocratie athénienne désignait traditionnellement ses juges.

Le mandat du hiéromnémon athénien était-il valable deux ans ?

Un même Athénien, Apémantos, apparaît en qualité d'hiéromné-mon sous les deux archontats successifs de Théolytos (328-327 :

(1) Ces vers sont souvent mentionnés dans les ouvrages sur le calendrier grec :cf. en particulier E. S. Bickerman, Chronology of the Ancient World, p. 29 ; A. E. Samuel,Gr. and Rom. Chronology, p. 58 ; W. K. Pritchett, « The calendar of the Atheniancivic administration », Phoenix 30 (1976), p. 337-356 Giorn. Ital. di Fil. 1961, p. 54 sq.

(2) RE VIII, 2, s.v. Hieromnemones, coJ. 1490 (Hepding) ; cf. W. J. M. Starkie,Aristophanes, Clouds, commentaire ad locum et appendice p. 329.

(3) Libanios, Orationes, 64, p. 42 4 (Reiske).

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LE MANDAT DE HIÉROMNÉMON 25

57 A, 4) et de Gaphis (327-326 : 58, 59). S'agit-il d'une exceptiondue au hasard d'un tirage au sort ou de la durée normale dumandat ? Les listes ne nous offrent plus de séries annuelles continues sur une assez longue période pour autoriser des constatationssûres. Mais celles qui subsistent sont endommagées de façon telle,remarque P. de La Coste-Messelière1, que l'on pourrait chaquefois restituer dans les lacunes, comme nom du hiéromnémonathénien de l'année, celui du hiéromnémon de l'année précédente,comme s'il était régulièrement resté en charge deux années desuite. Mais il serait hasardeux de raisonner sur l'inexistant. Unmandat annuel me paraît cependant le plus vraisemblable.

A l'époque impériale, les fonctions du hiéromnémon et dupylagore athéniens, désormais purement honorifiques, deviennent

viagères et sont même cumulables. Un même personnage,Démétrios, fils d'Aristarchos, est élu à main levée « hiéromnémonet pylagore à vie »2 . Plutarque félicite l'Athénien Euphranès de« l'honneur de l'Amphictionie » que sa patrie lui a décerné pour savie entière, το πρόσχημα της άμφικτυονίας, ην σοι δια του βίου παντόςή πατρίς άνατέθεικε3.

A Delphes, chez les Doriens de la Métropole, le hiéromnémonchange chaque année. Les Doriens du Péloponnèse, les Ioniensd'Eubée, les Béotiens semblent avoir suivi la même règle. LorsqueChios reçoit un droit de vote amphictionique, au ine siècle, elledécide de ne pas désigner deux années de suite le même hiéromnémon4.es Perrhèbes-Dolopes, les Achéens, les Magnetes sontsouvent représentés par le même personnage soit au cours de p lusieurs années consécutives, soit avec des interruptions : les petitescités ne disposaient pas en effet d'assez d'hommes capables deremplir les fonctions d'hiéromnémon pour renouveler fréquemmenteur personnel amphictionique. Les Thessaliens, au moinsà l'époque de Philippe et d'Alexandre, gardent — pour d'autresraisons — les mêmes représentants durant d'assez longuespériodes : Cottyphos et Colosimmos de 344-343 au moins à 339-338,soit six ans ; Daochos et Thrasydaios de 339-338 à 333-332, soit

(1) BCH 73 (1949), p. 23 0 n. 4; cf. aussi J. Bousquet, BCH 66-67 (1942-1943),p. 118 n. 1.

(2) FD, III 2, 161, l. 4-5, et commentaire de G. Colin p. 189. Celui-ci me paraîttrop afïîrmatif lorsqu'il écrit : « A l'époque classique Athènes nommait chaque annéeun hiéromnémon et trois pylagores ». Il y avait effectivement trois pylagores athéniensà la pylée du printemps 34 0 (Eschine, Clés. 115) ; mais il s'agissait alors d'une affairegrave. Il ne s'ensuit pas qu'il y ait eu trois pylagores athéniens désignés régulièrementchaque année : ils ne sont que deux en 125 (cf. ci-après p. 27 et 35).

(3) An seni respublica gerenda sit, 20 (794 Β).(4) FD, III 3, 214, Ζ. 30-32.

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26 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

sept ans ; Politas et Nicasippos de 330-329 à 324-323, soit septans au moins.

Les mandats étaient donc de durée variable selon les « peuples » ;

en outre, ils ne couvraient pas tous la même période de l'année :chaque cité nommait ses hiéromnémons selon son propre calendrier.Les Delphiens, les Doriens de la Métropole et probablement lesAthéniens entraient en charge à la session d'automne, les Doriensdu Péloponnèse, les Eubéens, les Béotiens à la session de printemps1. La composition du Conseil variait ainsi à chaque sessionsemestrielle : les hiéromnémons béotiens, par exemple, ne rencontraient plus à la pylée d'automne les hiéromnémons delphiensqui les avaient accueillis à la pylée de printemps. Ces perpétuelschangements n'étaient évidemment pas favorables à une action

concertée et soutenue. Ils servaient en revanche les intérêts desÉtats représentés de façon suivie par les mêmes délégués, tels lesThessaliens, et donnaient de l'importance à des personnages qui,sans être membres du Conseil, y jouaient cependant un rôle parfoisdécisif : les pylagores ou agoratres.

Les deux termes, issus de la même racine que le verbe άγορεύειν,« parler à l'assemblée », sont synonymes, mais ne se rencontrentpas dans les mêmes documents. Le premier, attesté sous la doubleforme πυλάγορος et πυλαγόρας, est le seul que connaissent les texteslittéraires ; on le trouve chez Hérodote, Eschine, Démosthène, lesscholies à leurs œuvres, les lexicographes qui s'en inspirent, chez

l'atticisant Plutarque et dans deux inscriptions delphiquesd'époque impériale concernant un Athénien2. Il semble donc quele terme pylagore, « celui qui parle à l'assemblée pylienne »,

appartienne au vocabulaire de l'Ionie, de l'Attique, de la Koiné.Sauf erreur de ma part, il n'est attesté dans aucune inscriptiondelphique antérieure au premier siècle de notre ère. Au contraireάγορατρός, « celui qui parle à l'assemblée », formé à l'aide du suffixerare -τρος (comme ιατρός, μαστρός)3, est le seul qui apparaisse dansles inscriptions, toutes du me siècle4 : ce terme dialectal était donctrès probablement le terme officiel, seul usité dans les actes de

l'Amphictionie.Que sont ces pylagores ou agoratres ? En quoi se distinguent-ilsdes hiéromnémons ? Ce sont des experts, des spécialistes, et c'est

(1) Au ine siècle, le hiéromnémon de Chios siège au printemps et à l'automne de lamême année julienne, comme les Étoliens, et se trouve donc chevaucher deux archontatsdelphiques : G. Daux, FD, III 3, 21 4 et 295, commentaire p. 179.

(2) FD, III 2, 161, ί. 4, 23 ; 165, l. 6. G. Björck, Das Alpha impurum, p. 66 n. 1 ;77 ; 143. P. Chantraine, Dictionnaire Étymologique, s.v.

(3) N. Van Brock, Le vocabulaire médical des Grecs, p. 35 .(4) FD, III 2, 68, l. 66 sq. ; III 4, 365, l. 4, 6 ; Syll.3, 436, /. 8, 11 ; 44 4 A, l. 5.

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HIÉROMNÉMONS ET PYLAGORES 27

pourquoi, à Athènes du moins, ils sont non pas tirés au sort, maisélus à main levée, par χειροτονία, comme pour toutes les fonctionsqui requièrent une compétence particulière1. Au moment del'affaire des boucliers, en 340, les pylagores athéniens sont aunombre de trois ; lors du « scandale de 125 », chaque hiéromnémonest accompagné de deux personnages dont le titre n'est passpécifié, mais qui ne peuvent être que les pylagores2. Il est probableque le nombre des pylagores, à la différence de celui des hiéromné-mons, n'était pas fixe mais variait selon l'importance ou la naturede l'affaire dont ils avaient à connaître.

Seul le hiéromnémon est membre du Synédrion, du Conseilamphictionique. Il est le seul dont on transcrive le nom dans leslistes qui datent les sessions, parce qu'il est seul titulaire de

Γ αμφικτιονία, de la ψήφος ίερομναμονική, du droit de vote, symbolede sa fonction que Libanios définit en trois mots : κάθηται, δικάζει,ψήφον φέρει, « il siège, il juge, il vote »3. Admettre une cité auConseil, c'est lui conférer la ψήφος ίερομναμονική ; les hiéromné-mons sont κύριοι των ψήφων, « détenteurs légaux du droit devote »4. Cette notion de vote est si essentielle que lorsqu'Eschineconseille à Philippe de régler le sort des cités béotiennes μη μεθ'

Οπλων, άλλα μετά ψήφου και κρίσεως (Amb. 114), « non par les armes,mais par le jugement et le vote », chacun comprend qu'il luidemande de s'en remettre au jugement du Conseil amphictionique.Siéger, juger, voter, telle est la fonction du hiéromnémon. Il estassermenté ; il jure de décider selon la justice, en son âme etconscience. Il est donc l'instance de décision, celui qui par sonvote donne force de lois aux décisions du Conseil.

Mais un bon jugement doit reposer sur un dossier sérieux,résultat d'une enquête approfondie. Les hiéromnémons ne peuventrecueillir eux-mêmes les informations nécessaires : leur mandat esten général trop bref et beaucoup d'entre eux manquent de compétence. Le représentant des Locriens de l'Ouest, au printemps de340, un « individu d'Amphissa », est aux dires d'Eschine [Clés. 117)« un parfait butor, dépourvu de toute éducation ». Démosthène

de son côté ne s'étonne pas qu'Eschine ait pu aussi facilementrallier l'Amphictionie à sa politique désastreuse, car il avait enface de lui, dit-il, « des gens sans aucune expérience de l'éloquence

(1) Eschine, Clés. 114 : χειροτονηθείς (Démosthène) γαρ ύφ' υμών πυλάγορος.Démoslhène, Cour. 149 : προβληθείς πυλάγορος ούτος (Eschine), τρίων ή τεττάρωνχειροτονησάντων αυτόν.

(2) Α. Plassart, FD, III 4, 277 ; G. Daux, Delphes au IIe et au Ier s., p. 373.(3) Orationes, 64 (p. 42 4 Reiske).(4) Harpocration, s.v.

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28 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

et incapables de prévoir l'avenir» (Cour. 149). Les deux orateursne sont certes pas impartiaux ; ils ont intérêt l'un et l'autre, dansle contexte de leur discours, à dénigrer le Conseil amphictionique.

Leurs propos ne doivent pas être pris à la lettre : Démosthènelui-même est qualifié par Eschine (Clés. 130) ά'άπαίδευτος ! Il n'enreste pas moins que si les grandes cités trouvaient sans peine dansleur sein des citoyens expérimentés, instruits, connaissant bienles rouages de la vie politique et judiciaire, il n'en allait pas demême pour les petites. Plus d'une fois les médiocres bourgadesmontagnardes de l'Œta, du Pélion, du mont Cnémis durentdéléguer, faute de mieux, quelques «paysans du Danube», facilesà abuser par le savoir-faire d'un rhéteur et incapables d'instruireméthodiquement une affaire.

Instruire une affaire, préparer le dossier, l'exposer devant leshiéromnémons, c'est le rôle du pylagore, rôle essentiel. Son éloquence devant un public influençable, son habileté dans la présentation d'une cause orientent l'opinion du Conseil et emportentla décision. C'est pourquoi les pylagores sont élus en fonction deleurs compétences, souvent parmi les hommes politiques depremier plan : Thémistocle en 479-478 x ; Hypéride lors de l'actionintentée par Délos contre Athènes en 345-344 ou 344-343 2 ;Démosthène lors de l'affaire d'Amphissa en 341-3403 ; Eschine etle « fameux Midias » lors de l'affaire des boucliers en 340 (le hiérom-némon de cette année-là, Diognétos, n'est pas autrement connu)4.Nul ne s'y trompe : quiconque veut peser clandestinement sur lesdélibérations du Conseil tente de soudoyer non pas les hiéromnémons, ais les pylagores. « Les citoyens d'Amphissa, déclareEschine (Cfes. 113-114), corrompirent à prix d'argent quelques-unsdes pylagores qui se rendaient à Delphes, et parmi eux Démosthène élu par vous pylagore, il reçoit deux mille drachmes desAmphisséens pour qu'il ne soit pas fait mention d'eux à la réuniondes Amphictions ». L'accusation de corruption est chez les orateurs

(1) Plutarque ne dit pas que Thémistocle était pylagore cette année-là, mais il esttrès probable qu'il remplissait ces fonctions : « en ce qui concerne Thémistocle lui-même,je crois que c'est bien à titre de pylagore qu'il avait été envoyé à Delphes, carAthènes tirait au sort ses hiéromnémons et élisait ses pylagores » (R. Flacelière, BEA 55[1943], p. 25). Je suis aussi de cet avis.

(2) Eschine avait été d'abord élu à mains levées pour soutenir la cause d'Athènesdevant les Amphictions en qualité de σύνδικος, mot qui ne peut avoir ici d'autre sensque πυλάγορος. Mais il fut destitué par un vote de l'Aréopage et remplacé par Hypéride,jugé plus digne υπέρ της πόλεως λέγειν (Démosthène, Cour. 134-136 ; Amb. 20 9 ;Hypéride, Δηλιακός).

(3) Eschine, Clés. 113.(4) Eschine, I.I., 115.

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LES PYLAGOHES APRES LES GUERRES MÉDIQUES 29

des plus banales ; c'est en quelque sorte une clause de style. On nesaurait, à propos de Démosthène, la prendre au sérieux. MaisEschine ne la profère à l'encontre de son adversaire que parce

qu'elle était plausible ; elle se fondait peut-être sur des précédentsconnus.

L'influence des pylagores apparaît à l'occasion de plusieursaffaires portées devant le tribunal de l'Amphictionie. Dans sonrécit de la bataille des Thermopyles (VII, 214), Hérodote s'interrogesur le nom du traître qui guida les Perses vers le sentier par lequelils contournèrent le défilé et prirent les Grecs à revers : Éphialtele Malien, disent les uns ; Onétès et Corydallos, prétendent lesautres. Hérodote opte pour Éphialte, en se fondant sur le jugementdes Amphictions : και ol φυγόντι υπό των πυλαγόρων, των Άμφικτυόνων

ες την Πυλαίην συλλεγομένων, άργύριον έπεκηρύχθη. . . Οί των Ελλήνωνπυλάγοροι έπεκή ρυξαν ούκ επ ί Όνήτη τε και Κορυδαλλω άργύριον, άλλ' επί

Έπιάλτη τω Τρηχινίω, πάντως κου το άτρεκέστατον πυθόμενοι, « accusé ar les pylagores, lors de la réunion des Amphictions tenueaux Pyles, sa tête fut mise à prix par la voix du héraut... Lespylagores des Grecs firent proclamer cette mise à prix non contreOnétès et Corydallos, mais contre Éphialte le Trachinien, au termed'une enquête aussi complète que possible et des plus minutieuses ».N'accusons pas Hérodote, comme on l'a fait parfois, d'avoirconfondu hiéromnémons et pylagores, d'avoir employé un motinexact à la place du mot propre. Une telle inadvertance serait

tout à fait improbable de la part d'un aussi bon connaisseur deDelphes. C'est un historien qui parle ; il veut rétablir la vérité.L'important pour lui, ce n'est pas le verdict des hiéromnémons,mais le document historique sur lequel il s'appuie, le dossierétabli, après une enquête approfondie, par les pylagores (soigneusementistingués des «Amphictions »), dossier qui prouve la culpabilité d'Éphialte et justifie la décision des hiéromnémons.

La seconde affaire concerne elle aussi les guerres médiques. Onse rappelle que Sparte, pour des motifs qui n'étaient pas désintéressés, avait réclamé après la victoire sur les Perses une épuration

de l'Amphictionie : Έν δε τοις άμφικτυονικοΐς συνεδρίοις των Αακε-δαιμονίων είσηγουμένων όπως άπείργωνται της Άμφικτυονίας cd μησυμμαχή σασαι κατά του Μήδου πόλεις . . . (ό Θεμιστοκλής) . . . συνεΐπεταΐς πόλεσι και μετέθηκε τας γνώμας των πυλαγόρων, « comme lesLacédémoniens introduisaient devant les assemblées de l'Amphictioniene instance visant à exclure les cités qui n'avaient pascombattu avec les alliés contre le Mède, ...Thémistocle prit ladéfense des cités et retourna l'opinion des pylagores »1. Prêtre

(1) Plutarque, Thémislocle, 20, 3-4; cf. ci-dessus p. 6.

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30 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

d'Apollon Pythien « durant de nombreuses Pythiades », Plutarqueconnaissait, aussi bien qu'Hérodote, les institutions de l'Amphic-tionie. Il n'est pas vraisemblable qu'il ait employé le mot de

pylagores s'il voulait parler des hiéromnémons. Bien que de sontemps les deux fonctions fussent cumulables, elles n'en demeuraientpas moins distinctes. C'est bien aux pylagores que Thémistocle,probablement pylagore lui-même, s'adressa en cette circonstance,comme le firent plus tard, selon Eschine, les Locriens d'Amphissaqui auraient soudoyé Démosthène. Il n'ignorait pas que la décisionqu'il souhaitait obtenir du Conseil dépendait de leur rapport. Ilsut les persuader de conclure que la requête des Lacédémoniensn'était pas recevable, et le Conseil les suivit dans leurs conclusions.La tentative de Sparte échoua.

Mais le texte le plus instructif, encore que trop succinct à notregré, nous a été transmis par un pylagore exposant lui-même ceque fut son rôle au cours d'une affaire portée devant le Conseil desAmphictions. Nous devons à ce seul témoignage de connaîtrecomment se déroulait une séance du Conseil à Delphes. Il importedonc de l'examiner avec attention, car beaucoup de traducteurset de commentateurs, peu familiarisés avec les institutions amphic-tioniques, ne l'ont pas exactement compris. Rappelons les faitsqu'Eschine, pylagore d'Athènes, rapporte dans le Contre Ctésiphon(115-124).

En 341-340, alors que le gros-œuvre du temple d'Apollon venait

tout juste d'être reconstruit, les Athéniens firent replacer surl'entablement neuf de l'édifice les boucliers d'or consacrés par euxaprès la seconde guerre médique et portant la dédicace : « LesAthéniens, sur les dépouilles des Mèdes et des Thébains, quandceux-ci combattaient les Grecs ». Cette initiative était due au partianti-thébain d'Athènes, acharné à ruiner les efforts de ceux quiprônaient, à l'instigation de Démosthène, une alliance avecThèbes afin de contenir les progrès inquiétants de l'hégémoniemacédonienne1. La manœuvre était habile : les Thébains nepouvaient rien objecter à la remise en place d'une offrande appar

tenant à Apollon, ni aux termes d'une dédicace mortifiante pourleur amour-propre, mais historiquement exacte. Le parti hostileà Thèbes remportait un indéniable succès.

Celui-ci fut de courte durée. Trop pressés d'humilier Thèbes, lesAthéniens avaient à leur insu enfreint un règlement religieuxauquel Eschine est seul à faire allusion : ils avaient accroché leursboucliers sur le temple neuf « πριν έξαρέσασθαι ». Il est difficile de

(1) Analyse de cet épisode par H. W. Parke, « Delphica, 3, The Persian shieldson the temple of Apollo », Hermathena 28 (1939), p. 71-78.

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L AFFAIRE DES BOUCLIERS 31

définir le sens précis de ce verbe, qui n'est pas expliqué par l'orateur et n'apparaît nulle part ailleurs dans un contexte analogue1.Mais on ne voit pas ce qu'il pourrait désigner d'autre qu'une

cérémonie destinée à consacrer le temple rebâti, cérémonie dontla célébration devait précéder, sous peine d'impiété, tout dépôtd'offrandes, anciennes ou nouvelles. Les Athéniens n'y avaientpas pris garde : les voilà εναγείς (Ctes. 117), «souillés par un sacrilège . Pour les Thébains humiliés sonne l'heure de la revanche.Évitant de se mettre eux-mêmes en avant, ils font introduiredevant le Conseil par leurs amis, les Locriens d'Amphissa, à la pyléedu printemps 3402, une motion infligeant aux Athéniens uneamende de 50 talents en punition de leur impiété. Les Athénienssont indiscutablement dans leur tort ; nulle part Eschine ne

conteste le bien-fondé de l'accusation portée contre eux. LesThébains se croient vengés.Athènes délègue donc à cette même pylée un hiéromnémon,

Diognétos, et trois pylagores, Thrasyclès, le « fameux » Midias etenfin Eschine, orateur brillant, manœuvrier retors, capable, s'ilen fut, de tirer sa patrie de ce mauvais pas. Eschine adopte unetactique simple et efficace : esquiver d'abord, contre-attaquerensuite. Puisque les Athéniens n'ont rien à répondre aux accusations 'Amphissa, ils trouveront un prétexte pour être absents dela séance au moment où elles seront proférées. Faute de cible, ellesse perdront dans le vide. Après quoi, les pylagores athéniens,paraissant à l'improviste, accuseront les Amphisséens d'uneimpiété plus grave, plus menaçante pour la sécurité de tous, quela peccadille imputée aux Athéniens. L'une fera oublier l'autre, etle tour sera joué !

Écoutons le récit d'Eschine : « II advint qu'aussitôt aprèsnotre arrivée à Delphes, Diognétos, le hiéromnémon, prit lafièvre, mal dont Midias aussi était précisément atteint ». Providentielle épidémie ! Malade, contagieuse peut-être, une moitiéde la délégation athénienne a une bonne excuse pour ne passe rendre à la séance. L'autre moitié, quoique valide, ne s'y rendra

pas non plus ; Eschine et Thrasyclès restent auprès de leurscollègues, comme garde-malades probablement. Bref, pas un seulAthénien n'est présent au Conseil quand les pylagores d'Amphissalancent leurs flèches empoisonnées. « Les autres Amphictions

(1) Le texte est incertain : la tradition se partage entre έξαρέσασθαι (adopté parMartin et de Budé), έξαράσασθοα (attesté par Harpocration) et έξείργασθοα. Il sembleque la signification du verbe, employé par l'orateur dans un sens liturgique très spécialisé,oit très tôt devenue obscure pour les copistes.

(2) P. Marchetti, BCH Suppl. IV , p. 85-86.

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32 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

tenaient séance. Des personnes, soucieuses de témoigner leursbonnes dispositions envers notre cité, nous informaient que lesAmphisséens, alors soumis à la dépendance de Thèbes envers

laquelle ils faisaient preuve d'une extrême servilité, introduisaientune motion hostile à notre cité, proposant d'infliger une amendede 50 talents au peuple d'Athènes pour avoir consacré desboucliers d'or sur le nouveau temple avant sa consécrationofficielle... ». Ne nous laissons pas abuser par cette feinte ingénuité.Qui croira que le hiéromnémon d'Athènes et ses trois pylagoresarrivaient à Delphes sans soupçonner le moins du monde l'attaquepréparée contre leur cité ? Entre Athéniens, on se comprendà demi-mot. Nous imaginons ici le regard de connivence échangéentre l'orateur et son public. Donc, à en croire Eschine, des

informateurs de dernière heure découvrent la manœuvre auxdélégués athéniens au moment même où elle s'exécute. La riposteest immédiate : « Le hiéromnémon me fit venir, me pria de merendre au Conseil et de prendre la parole devant les Amphictionspour défendre notre cité. C'était d'ailleurs le parti que j'avaisdéjà pris spontanément de mon côté ». Il faut maintenant citerle texte grec (Clés. 117) ; il nous donne la clé de la ruse d'Eschineet l'unique renseignement que nous possédions sur la façon dontles pylagores participaient à la séance : αρχομένου δέ μου λέγειν— και προθυμότερόν πως — είσεληλυθότος εις το συνέδριον, των άλλωνπυλαγόρων μεθεστηκότων, άναβοήσας τι ς τών Άμφισσέων, άνθρωπος

ασελγέστατος, και ως έμοΐ έφαίνετο ουδεμιάς παιδείας μετεσχηκώς, 'ίσωςδέ και δαιμονίου τινός έξαμαρτάνειν προαγόμενου, « άρχην δέ γε », εφη,« ώ άνδρες "Ελληνες, ει έσωφρονεϊτε, ούδ' αν ώνομάζετο τουνομα τουδήμου του 'Αθηναίων εν ταΐσδε ταΐς ήμέραις, άλλ'

ως εναγείς έξείργετ' αν

εκ του ίεροΰ », « Je commençais tout juste à parler — et non sansquelque véhémence — entré au Conseil alors que les autres pylagoresen étaient sortis, quand se met à vociférer un individu d'Amphissa,un parfait butor apparemment dépourvu de toute éducation,poussé peut-être dans la voie de l'égarement par quelque divinité :Et d'abord, dit-il, Grecs, le bon sens voudrait que vous ne pro

nonciez même pas le nom du peuple des Athéniens en ces journées,mais qu'ils soient exclus par vous du sanctuaire comme souilléspar leur sacrilège ! ». La gaucherie calculée de la période traduithabilement l'émotion passionnée que dit avoir alors éprouvéel'orateur. La parenthèse προθυμότερόν πως porte évidemment surλέγειν, non sur είσεληλυθότος1. Eschine fait état volontiers de son

(1) « Je commençai à parler, m'étant présenté devant le Conseil avec beaucoupd'empressement, puisque les autres pylagores n'étaient pas là, quand un Amphisséense mit à vociférer... » Cette traduction (V . Martin et G. de Budé, dans la collection des

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UNE SÉANCE EN DEUX PARTIES 33

émotivité ; il en joue1 : elle fait ici partie de la manœuvre. Maisle point important — très intéressant pour nous par sa valeurdocumentaire — est indiqué par la singulière cascade des parti

cipes : Eschine commence à parler (αρχομένου δέ μου λέγειν) aprèsêtre entré au Conseil (ε'ισεληλυθότος) seulement quand les autrespylagores en sont déjà sortis (μεθεστηκότων). Les deux participesparfaits insistent sur la situation respective des adversaires :Eschine se trouve dans le Synédrion, les accusateurs d'Athènesau dehors. Il prononce donc son discours seul en face des hiéromné-mons. C'est là son stratagème ; il n'en est pas peu fier. Méprisantl'intervention du Locrien qui voudrait l'interrompre, il porteson accusation d'impiété contre les habitants d'Amphissa et terminesa péroraison par cette apostrophe aux membres du Conseil

[Clés. 120-121) : « Quant à vous, décidez désormais de ce qui vousconcerne (ύμεΐς δ' υπέρ υμών αυτών ήδη βουλεύεσθε). Les corbeillessont prêtes, les victimes auprès des autels ; vous allez demanderaux dieux leurs bénédictions pour les États et pour les particuliers.Réfléchissez donc : de quel cœur, de quelle voix, avec quelsregards, avec quelle assurance adresserez-vous vos supplications,si vous laissez sans châtiment ces hommes maudits, contre lesquelsles imprécations ont été prononcées ? ». Et l'orateur ajoute triomphalement : «Quand j'eus fini et quitté le Conseil (επειδή ποτέ άπηλ-λάγην και μετέστην εκ του συνεδρίου), ce fut une belle clameur, unbeau tumulte parmi les Amphictions ! Il n'était plus question

des boucliers que nous avions consacrés, mais seulement, désormais,du châtiment à infliger aux gens d'Amphissa ».

Il ressort de ces deux passages qu'une séance du Conseil amphic-tionique se déroulait en deux temps. Premier temps : les hiéromné-mons et les pylagores siègent ensemble. Au cours de cette séanced' information les pylagores exposent, contradictoirement s'il y alieu, le dossier qu'ils ont instruit. Puis ils se retirent : les pylagoresne sont pas, en effet, membres du Conseil. Deuxième temps :les hiéromnémons, restés seuls, inaugurent par un sacrificeaccompagné de prières la seconde partie de la séance, séance de

délibération réservée à eux seuls. C'est la véritable séance duConseil, le Synédrion proprement dit, où les hiéromnémons, selon

Universités de France) est doublement inexacte : των άλλων πυλαγόρων ne désigne pas,comme elle le suggère, les autres pylagores athéniens, mais au contraire tous les pylagores, autres que les Athéniens, qui ont précédé Eschine devant le Conseil et sont présentement sortis. C'est le seul sens possible de μεθεστηκότων ; cf. 122 : μετέστην εκ τουσυνεδρίου, « je sortis de la salle du Conseil ».

(1) « Τραγωδεΐ », « il fait le tragédien », « il déclame avec une emphase de cabotin »dit de lui Démosthène (Amb. 189 ; Cour. 13). « Tragediante ! » disait le pape Pi e VII àcet autre bon acteur, Napoléon Ier, lors de l'entrevue de Fontainebleau.

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34 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

la définition de Libanios, « siègent, jugent, votent ». Leur décisionconstituera un décret amphictionique, δόγμα των Άμφικτοόνων.

La manœuvre d'Eschine est donc claire : il fait irruption au

Conseil en profitant de l'intervalle qui sépare la séance d'informationde la séance de délibération, au moment où, les pylagores ayantquitté l'assemblée, il est sûr de ne plus trouver en face de luides accusateurs coriaces, auxquels il n'aurait rien à répondre,mais seulement ces hiéromnémons sensibles, nous dit Démosthène,aux procédés de la rhétorique, faciles à manœuvrer par un orateursachant utiliser les ressources de son art. Tout butor et maléduqué qu'il est, Γ« individu d'Amphissa » (évidemment le hiérom-némon des Locriens de l'Ouest, Cléomachos [22, 48] 1 ; mais lepylagore athénien laisse dans un anonymat méprisant cet advers

aire nculte issu de la tourbe amphisséenne !), le délégué d'Amphissa,onc, évente aussitôt la ruse et tente de la déjouer. Coupantimpoliment la parole à l'orateur dont il redoute à bon droitl'éloquence, il rappelle à ses collègues la double impiété desAthéniens, naguère alliés des Phocidiens sacrilèges et aujourd'huiviolateurs de la loi sacrée. Il espère ainsi, en éveillant leurs craintessuperstitieuses, provoquer l'expulsion immédiate d'Eschine etl'empêcher de parler.

Mais Eschine n'est pas homme à se laisser déconcerter. Il selance aussitôt dans sa manœuvre de diversion. Les accusationsde son adversaire sont irréfutables, il le sait ; il ne va donc pas

perdre son temps à les réfuter. Jadis passé par le théâtre, nonmoins bon comédien que bon orateur2, il joue admirablementla colère, feint d'être la proie d'une exaspération qui l'empêchede rien entendre... et par conséquent le dispense de répondre auximputations embarrassantes : « non sans quelque véhémence »(117), soulevé «par un emportement tel qu'[il] n'en [avait] connude [sa] vie » (118), il fonce droit au but, accuse les Locriensd'Amphissa d'exploiter la terre sacrée au mépris des interdits etdes imprécations prononcés non seulement contre les auteursdu sacrilège, mais aussi, et c'est le point fort de l'argumentation

d'Eschine, contre ceux qui négligeraient de les punir. Les hiéro-

(1) Dans la liste amphictionique du printemps 340, Cléomachos ne porte pas sonethnique, mais il est cité le second des hiéromnémons locriens, à la place qui est traditionnellement celle d'Amphissa. Il convient de supprimer dans la liste le nom duhiéromnémon athénien restitué à tort par Bourguet l. 44 : en fait, Diognétos, absentde la réunion, n'avait pas été inscrit parmi ses collègues (cf. P. Marchetti, BCHSuppl. IV , p. 83-89).

(2) « Incontestablement, Eschine était doué » écrit P. Ghiron-Bistagne dans uneexcellente analyse de son talent d'acteur [Recherches sur les acteurs dans la Grèce antique,p. 158-160).

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LE LOGEMENT DES AMPHICTIONS À DELPHES 35

mnémons sont donc enveloppés dans la même malédiction que cesimpies dont ils tolèrent les empiétements sur le domaine du dieu.Eschine leur conseille de s'en affranchir (υπέρ υμών αυτών ήδη

βουλεύεσθε) en décidant d'appliquer, au cours de la séance qui vasuivre, les sanctions prescrites par les serments. Mais ont-ils ledroit de célébrer le sacrifice inaugural, déjà préparé, quandl'imprécation déclare [Clés. 121) : «Puissent ceux qui manquentà punir les sacrilèges ne point offrir de sacrifice agréable ni àApollon, ni à Artémis, ni à Léto, ni à Athéna Pronaia, et puissentces dieux ne pas accepter leurs offrandes » ? L'impression produitepar ces paroles est profonde. Eschine alors se retire (άπηλλάγην καιμετέστην εκ του συνεδρίου), comme l'ont fait avant lui les autrespylagores, afin de laisser les pieux hiéromnémons délibérer entre

eux. On connaît la suite : le Conseil, au comble de l'émotion,vote dans le tumulte les fatales décisions d'où allait naître laquatrième guerre sacrée, entraînant pour Athènes et pour Thèbes,trop tard réconciliées, le désastre de Ghéronée. Frappanteillustration de la puissance des pylagores, de leur responsabilitédans les décisions de l'Amphictionie ! Il n'est pas surprenant detrouver leurs noms inscrits à côté de ceux des hiéromnémonsdans le décret relatif au « scandale de 125 »1. On ne saurait douteren effet que les conclusions de leur enquête déterminèrent le choixdes sanctions infligées aux coupables par le Conseil.

Durant les sessions, les membres du Conseil amphictionique

logeaient à Delphes soit chez leurs hôtes, soit à l'auberge (πανδοκεΐον,16, 36), soit dans les maisons que leurs cités louaient parfois dansla ville. Nous connaissons ainsi une « maison des Thébains », dontles locataires sont en litige avec leur propriétaire delphien2.Larissa loue pour le loyer relativement élevé de 61 drachmes2 oboles et demie par an l'une des maisons confisquées aux partisansd'Astycratès, « collaborateurs » des Phocidiens pendant la guerresacrée. Les Maliens d'Échinos font de même, mais se contententd'une demeure plus modeste à 22 drachmes par an (15, 5, 16 ;16, 28, 60 ; 17, 2, 37, etc.). Les Thessaliens Cottyphos et Colosimmos,

qui assurent souvent à Delphes la permanence de l'Amphictionie,apparaissent dans les comptes (16, 3, 18,49,64; 17, 10,26, etc.)comme locataires à titre personnel l'un d'une maison, l'autred'un champ.

Hiéromnémons et pylagores étaient secondés par un personneladministratif : ils disposent d'un secrétaire, dont la probité est

(1) Cf. ci-dessus p. 27 n. 2.(2) FD, III 1, 35 8 ; cf. ci-après p. 66 .

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36 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

garantie par un serment. Dans la loi amphictionique de 380 x, ceγραμματεύς jure de « n'enregistrer aucun texte autre que ceux queles hiéromnémons ordonneront d'enregistrer ». Une inscription

du me siècle mentionne un ύπογραμματεύς, un sous-secrétaire, queles Amphictions honorent pour son désintéressement : il a exercéses fonctions, tant aux Pyles qu'à Delphes, en refusant toutsalaire2. Un héraut sacré, le ίεροκήρυξ des Amphictions, est chargéde proclamer les δόγματα du Conseil. A l'époque romaine apparaîtun épimélète des Amphictions, représentant de l'autorité impériale,chargé d'assurer l'intérim dans l'intervalle des sessions4.

4) Lieux des sessions.

A chaque session d'automne et de printemps, le Conseilamphictionique tient séance d'abord aux Thermopyles et ensuiteà Delphes. C'est ce qui ressort entre autres des termes du décretde Démosthène cité par Eschine (Ctés. 126) : τον ίερομνήμονα τον'Αθηναίων και τους πυλαγόρους τους άεί πυλαγοροϋντας πορεύεσθαι εςΠύλας και ες Δελφούς έν τοις τεταγμένοις χρόνοις υπό τών προγόνων, « lehiéromnémon d'Athènes et les pylagores en fonctions se rendrontaux Pyles et à Delphes aux dates prescrites par les ancêtres ».Pausanias le confirme (VII, 24, 4) : καθότι (αθροίζονται.) ες Θερμοπύ-λας και ές Δελφούς οί Άμφικτύονες5. Seules des circonstances gravespouvaient éventuellement empêcher la tenue de ces doubles

séances. Lorsque la troisième guerre sacrée eut coupé l'Amphictio-nie en deux partis rivaux qui prétendaient chacun incarnerl'Amphictionie véritable, il est probable que chaque camp tintparallèlement des « pylées » dans le seul sanctuaire en son pouvoir,les Phocidiens et leurs amis à Delphes (où des pylées sont attestéesjusque sous l'archontat de Teucharis, en 352-351), leurs adversairesaux Thermopyles, où fut vraisemblablement déclarée la guerreamphictionique aux ιερόσυλοι6. Dans les premières décades du

(1) CID, I, 10, /. 9-13.(2) J. Pouilloux, FD, III 4, 365; G. Daux [BCH 101 [1977], p. 335-338) met en

doute la lecture άμι[σθί], « sans salaire », des éditeurs précédents et propose άν[εγκλή-τως]. C'est la seule inscription qui nomme le sous-secrétaire.

(3) Syll.3, 444-445 ; FD, III 1, 212.(4) J. Pouilloux (Mél. P. Wuilleumier, à paraître) montre que l'épimélète des

Amphictions fut probablement créé sous Auguste.(5) Les deux réunions successives des Pyles et de Delphes sont encore attestées dans

un décret du me siècle (Syll.3, 436) : Επειδή [Ήρέ]ας υπηρετών τοις ίερομνήμοσι ένΠυλαίοα και έν Δελφοϊς. . . κτλ ; cf. R. Flacelière, Les Aitoliens à Delphes, p. 21 7 n. 1 ;G. Daux, Chronologie delphique, p. 38, G 24 (date : 254-253 ?).

(6) Diodore, XVI, 29, 1.

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TRAVAUX AUX THERMOPYLES 37

nie siècle, les réunions aux Thermopyles sont momentanémentinterrompues par la guerre1. Mais de tels manquements à la règlesont exceptionnels.

Gomme il est normal, la session débute dans le sanctuaire leplus ancien, sanctuaire unique à l'origine, situé aux Thermopylesou Pyles, au lieu-dit Anthéla (Les roseaux). Là se trouvait,quelque part au Nord du défilé, à proximité de la rivière Phénix,affluent de l'Asopos, le sanctuaire consacré à Demeter Amphictio-nis, patronne de l'Amphictionie, Demeter Pylaea, protectrice desPyles,

Δήμητρι τη Πυλαίητη τούτον ουκ Πελασγών'Ακρίσιος τόν νηόν έδείματο,

« à Demeter Pylaea, à qui Acrisios né des Pélasges construisitson temple »2. Les ruines du sanctuaire n'ont pas encore étéretrouvées3. Seules les inscriptions de Delphes et quelques indications sporadiques dans les textes en évoquent les monuments.

En 340, à la pylée de printemps, les Amphictions déboursentune somme de χ mines « pour les portes du temple des Pyles »et pour l'autel de Demeter (22, 61 ; 68) ; en 336-335, les trésorierspaient trois mines pour la κονίασις, l'enduit des murs, et trente-troisstatères pour Γεγκαυσις, la peinture à l'encaustique « du templede Demeter qui est aux Pyles» (50 III, 11-14). Si l'on recouvre

les murs d'un enduit, c'est que le temple était, au moins partiellement,onstruit en pôros. Le temple était accompagné d'un autelde Demeter, sur lequel, selon Strabon et le Marmor parium,sacrifiaient les Amphictions κατά πασαν πυλαίαν, à chaque session4.On le répare en 341-340 (22, 67-68). Le sanctuaire de Demeterétait associé à un sanctuaire de Coré-Perséphone, enfermé dansson propre péribole dont Agasicratès de Tricca fait et pose lesportes en 334-333 (48 I, 46-47). Le héros fondateur de l'Amphictionie,mphictyon, avait naturellement son sanctuaire aux Pyles :une inscription du ine siècle mentionne son péribole5. Héraclès,

dieu des eaux thermales, possédait un autel enfermé dans une

(1) FD, III 1, 479, /. 11 sq . ; FD, III 4, 359, l. 5 sq .(2) Callimaque, Épigr. 39 (Pfeiffer). M. Sakellariou (Peuples préhelléniques, p. 166

n. 5 ; cf . aussi p. 85, 87, 128, 136) considère Acrisios non comme un Pélasge, mais commeun « Danaen ».

(3) Cf. Y. Béquignon, La vallée du Spercheios, p. 255-257.(4) IG, XII 5, 444, l. 9 ; Strabon, IX, 3, 7 (C 420) ; 4, 17 (C 429).(5) [τοϋ περιβό]λου τοϋ Άμφικτίονος (restitution de L. Lerat) : cf. G. Rougemont,

CID, I, p. 159; Hérodote, VII, 200.

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38 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

enceinte sacrée (σηκος, 50 II, 73 (?) ; 50 III, 9 ; 81, 8) auprès dessources chaudes1.

A l'inventaire sans doute incomplet des bâtiments religieux, ilconvient d'ajouter les locaux administratifs, en particulier lesynédrion,

εν ο ϋλλανων αγοραί.πυλάτιδες κλέονται2.

Les Amphictions dépensent pour lui de fortes sommes : l'entrepreneur éniane Mnasiclès reçoit un paiement de trois talents,quatre mines et neuf statères « pour le synédrion des Pyles » (22,57-60), tandis que Perpolas de Larissa se voit infliger une forteamende pour son travail défectueux à ce même édifice (58, 72).Il fut probablement reconstruit après la troisième guerre sacrée

par l'architecte Euphorbos au cours du séjour de trois années quecelui-ci consacra «au synédrion, au temple (de Demeter) et auxMarmites » (22, 52-56). Peut-être faut-il considérer le κηρύκειον τοέμ Πυλαίαι (50 III, 4) comme un bureau, un local destiné aux hérauts; un καρύκεοον analogue (75 II, 5) existait vraisemblablementà Delphes.

Enfin les Pyles étant aussi une station thermale, on y voyaittout un système de citernes, de canalisations, de drainage, defontaines, et en particulier les Χύτροι, « les Marmites » (22, 53 ; 57)dont parlent Hérodote (VII, 175) et Pausanias (IV, 35,5), «les

piscines ou plutôt les baignoires, excavations creusées par lecourant, arrangées de main d'homme, où était reçue l'eau chaudedes sources » (Bourguet). Au temps de Plutarque les Pyles étaientflorissantes, riches de monuments embellis ou construits à neuf :prospérité que le prêtre d'Apollon considère comme un démentiinfligé aux pessimistes qui parlent inconsidérément de la décadencede l'oracle et de rAmphictionie3.

Tel était donc le lieu où se déroulait, à chaque pylée d'automneet de printemps, la première séance de l'Amphictionie. La secondese tenait à Delphes, dans un autre synédrion que mentionnentles comptes (47 II, 77-78) : το συν|[έ]δριο[ν. . .τ]ό εν [Δε]λφοΐ[ς]. Nousne disposons pour le situer que d'une indication vague donnée enpassant par Eschine dans le Contre Ctésiphon (118-119) : du synédrion, les hiéromnémons pouvaient apercevoir la plaine de Cirrhamise indûment en culture par les gens d'Amphissa. Il devait donc

(1) Hérodote, VII, 176.(2) Sophocle, Trachiniennes, v. 638-639.(3) De Pythiae oraculis, 29 (409 A). La signification de ce passage, souvent pris à

contresens, a été correctement expliquée par H. Pomtow {Syll.3, 635, p. 187 n. 11)et G. Daux, « Plutarque et le prétendu faubourg delphique de Pylaia », RA 1938, I,

p. 3-18; 1946, II, p. 164.

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PYLEE ET PYLEE 39

se trouver quelque part à l'Ouest du sanctuaire pythique, sur lacroupe rocheuse qui cache de ce côté la vue sur la baie d'Itéa etsur ses oliviers. On a supposé que le bâtiment — peut-être unsimple theatron en plein air — occupait la terrasse antique, soutenuepar un mur de brèche à gros contreforts, où se trouvent aujourd'huila chapelle de Saint-Élie et le petit cimetière de Delphes1. C'étaitprobablement le quartier qu'Hérodote (VII, 178) appelle Thyiéet les comptes Thyiai2, où se dressait l'autel des Vents sur lequelles Delphiens sacrifièrent opportunément lors de la seconde guerremédique, suscitant la tempête secourable qui engloutit les vaisseauxde Xerxès à l'Artémision. Mais aussi longtemps que l'endroitn'aura pas été fouillé (la date de la terrasse n'est même pasassurée), sur l'emplacement du synédrion delphique on ne pourra

formuler que des hypothèses.

5) Dates des sessions.

La question des dates s'est trouvée inutilement embrouilléeparce que l'on a omis de faire deux observations préalables,concernant, l'une, les deux significations du mot « pylée », l'autre,les divers types de sessions amphictioniques.

Examinons d'abord les deux sens du mot pylée. La pylée, nousl'avons dit, c'est la πυλαία αγορά, Γ« assemblée pylienne », terme

qui désigne normalement la session semestrielle de l'Amphictionieréunissant, aux Thermopyles et à Delphes, les hiéromnémons etles pylagores. C'est le sens premier, le sens habituel du mot.

Puis, par une extension de sens facile à comprendre, le motpylée en vient à désigner, en termes de comptabilité, tout l'exercicefinancier du semestre qui sépare les deux sessions régulières, lesdeux « pylées », stricto sensu, d'automne et de printemps. Larubrique « pylée d'automne » englobe alors toutes les opérationsfinancières, recettes et dépenses, effectuées dans le cours dupremier semestre, de Boucatios à Byzios, et « pylée de printemps »celles du second semestre, de Byzios à Boucatios. Comme cette

datation semestrielle est un peu vague, on la précise parfois enajoutant à la mention de la pylée celle du mois (et même du jour,47 I, 64-65) au cours duquel l'opération a été effectuée. Ainsi,dans le compte de la contribution particulière de Delphes, unpaiement est enregistré sous la rubrique οπωριναι πυλαίαι, μηνός'Ηραίου, «session d'automne, mois Héraios » (19,9). Cela signifieque les Delphiens, dans le courant du premier semestre, au mois

(1) G. Roux, Delphes, p. 201 et 234, pi . XXXI, 57 .(2) Cf. l'index de FD, III 5, p. 346, s.v.

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40 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

d'Héraios, ont versé une certaine somme aux entrepreneurs. Le nomdu mois date ici le paiement, non la session. En prévision de cespaiements effectués dans l'intervalle des sessions régulières, lesnaopes prescrivent aux Delphiens de verser les sommes duesτοις έπιμηνιεύουσι τών ναοποιών, « à ceux des naopes qui assurentla permanence mensuelle » (19, 90-91). De leur côté, les Delphiens,quand ils veulent récapituler les sommes versées par eux durantdeux années et huit mois, écrivent : πυλαιαν πέντε και έπιμηνιειανδυοΐν, « paiements de cinq pylées et deux épiménies » (20, 14). Lesens « comptable » de pylée est ici évident.

Il n'est pas moins indispensable, avant d'étudier cette questiondes dates, de rappeler qu'il existe trois types de sessions amphictio-niques, bien différentes par leur calendrier : les sessions ordinaires,

tenues à dates fixes ; les sessions extraordinaires, tenues à desdates variables, au gré des événements qui provoquent leurconvocation ; enfin les interventions de la délégation amphictio-nique, auxquelles assistent, outre l'archonte et les prytanes deDelphes, les seuls hiéromnémons chargés d'assurer, dans l'intervalledes sessions ordinaires, une permanence au nom du Conseil toutentier. Faute de distinguer dans les comptes ces trois types desessions, l'on se trouve embarrassé par d'inextricables difficultés.

Sessions ordinaires. Les sessions ordinaires se tiennent deux foisl'an, à l'automne et au printemps, « aux dates fixées par les

ancêtres », έν τοις τεταγμένους χρόνους υπό τών προγόνων1. Comme cesdates traditionnelles, ancestrales, immuables, sont connues detous, elles ne sont jamais mentionnées dans les actes officiels del'Amphictionie. On donne simplement le nom de l'archonte deDelphes suivi de la formule οπωρινήι πυλαίαι, όπωρινής πυλαίας(rarement μεθοπωρινήι πυλαίαι)2, session d'automne, εαρινή!, πυλαίαι,εαρινής πυλαίας, session de printemps. Le nom du mois n'est jamaisindiqué ; il aurait été superflu : à quoi bon préciser que Noëlest fêté le 25 décembre et le Jour de l'An le premier janvier ?Cependant il est possible d'affirmer, par recoupement, que lasession régulière d'automne se tenait en Boucatios et la sessionde printemps en Byzios, six mois plus tard.

En effet, Boucatios était, tous les quatre ans, le mois desconcours pythiques, des Pythia, que présidaient les Amphictions.Il était donc naturel que l'on fît coïncider la date de la sessionavec la date des concours. Eschine confirme cette concomitance,

(1) Eschine (citant le décret de Démosthène), Clés. 126.(2) G. Colin, FD, III 2, 69, L 1 et p. 78 n. 1. On trouve quelquefois la forme abrégée

τας ήρ'.νας, τας όπωρινας, avec ellipse de πυλαίας (19, 52, 59, 64).

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LA SESSION DE PRINTEMPS 41

en déclarant aux Athéniens {Clés. 254) : « Dans peu de jours serontcélébrés les concours pythiques, et le Conseil des Hellènes (c'est-à-dire des Amphictions, Hellènes par excellence) se réunira »,

ήμερων μεν ολίγων μέλλει τα Πύθια γίγνεσθαι και το συνέδριον το τώνΕλλήνων συλλέγεσθαι. Deux décrets amphictioniques sont d'ailleursexpressément datés « du mois de Boucatios, lors des Pythia »,μηνός Βουκατίου, Πυθίοις1. Telle était donc « la date traditionnelle,héritée des ancêtres ».

La session de printemps avait lieu six mois plus tard, au moisde Byzios, huitième mois de l'année delphique. Aucun texte ne ledit expressément. Mais les vraisemblances confinent ici à l'évidence.Tout d'abord il est a priori probable, puisqu'il y avait chaqueannée deux sessions régulières tenues à date fixe, que celles-ci

divisaient l'année en deux périodes égales, déduction indirectementconfirmée par un acte d'affranchissement de l'archontat deGallidamos (vers 134 avant J.-G. ; prêtrise IX) daté du mois deByzios2 ; le vendeur est un Achéen de Phthiotide : « Vendeur,garants, témoins (en dehors des Delphiens) sont, à mon sens, desmembres du Conseil amphictionique réuni à Delphes pour lasession de printemps... : on trouve là deux Achéens Phthiotes, deuxÉnianes, deux Thessaliens, un Locrien épicnémidien »3. Rappelonsaussi que pendant longtemps l'oracle d'Apollon ne fonctionnaqu'un seul jour par an, le 7 du mois de Byzios, jour anniversaired'Apollon. C'était une très grande fête : les Delphiens cuisaient

ce jour-là une galette spéciale, la phthoïs, coutume qui évoquecelle de notre « galette des Rois ». Lorsqu'à une date « tardive »(οψε, dit Plutarque) la consultation de l'oracle devint mensuelle,celle du 7 de Byzios resta la plus solennelle, la plus fréquentée, celle« des multiples questions et des multiples réponses », selon l'expressione Plutarque4. Le privilège de la promantie, le droit de consulter'oracle en priorité, était en ce jour d'affluence particulièrementapprécié de ses bénéficiaires. Il était normal que les Amphictions,responsables du sanctuaire, fissent coïncider la date de leursession avec celle de cette grande fête delphique, seul jour de

l'année où l'on put pendant longtemps interroger l'oracle d'Apollon.

(1) FD, III 2, 68 l. 3; IG, II, 551 (copie athénienne du précédent). La sessiond'automne débutait dans le courant du mois, comme le prouve un passage mal comprisdu compte 19 (cf. ci-après p. 179). Il y avait donc un décalage d'un peu plus d'un moisentre le début de l'année civile à Delphes (en Apellaios) et le début du semestre amphictionique d'automne. Sur les conséquences de ce décalage pour les comptes, cf . ci-aprèsp. 177 sq. et annexe II, p. 235.

(2) FD, III 2, 21 3 ; G. Daux, Delphes au IIe el au 7er s., p. 141, 349 {Chronologiedelphique, L 70).

(3) G. Daux, U.(4) Plutarque, Quaestiones graecae, 9 (292 E) ; G. Roux, Delphes, p. 71-73.

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42 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

Sessions extraordinaires. Les hiéromnémons et les pylagores seréunissaient en outre en session extraordinaire quand les circonstances rendaient indispensable une réunion supplémentaire

dans le long intervalle d'un semestre qui séparait les deux sessionsrégulières. Eschine nous en offre un exemple tout à fait clair :en 340 avant J.-C, à la session ordinaire de printemps, le Conseildes Amphictions décida que « les hiéromnémons se rendraient auxThermopyles avant la prochaine réunion amphictionique, à unedate fixée, porteurs d'une motion relative à la punition à infligeraux Amphisséens pour les crimes commis à l'égard du dieu, dela terre sacrée et des Amphictions ». Cette réunion supplémentaire,ajoute Eschine, « devait nécessairement se tenir avant la date consacrée, προ του καθήκοντος χρόνου [Clés. 124, 126).

Comme la date des sessionsextraordinaires variait au

gré desévénements qui en motivaient la convocation, il était indispensable'ajouter aux expressions habituelles « pylée d'automne »,« pylée de printemps », dans les comptes, le nom du mois au coursduquel la session avait eu lieu. Ce mois n'est jamais, naturellement,Boucatios ou Byzios1. Faute d'avoir distingué les deux types desessions, É. Bourguet en avait déduit qu'au ive siècle les datesdes sessions ordinaires avaient été changées2. Une telle conclusion,peu vraisemblable en elle-même en raison du conservatismereligieux des Grecs, est formellement démentie par le discoursd'Eschine : il atteste qu'au ive siècle les sessions ordinaires se

tenaient « à la date consacrée » [Clés. 126), « aux époques prescritespar les ancêtres » [Clés. 124). En conséquence, lorsqu'une pyléeest datée dans les comptes par un nom de mois, il s'agit ou biend'une « pylée » au sens comptable du terme (en ce cas, le mois datel'opération financière, non la session), ou bien d'une pylée extraordinaire réunie dans l'intervalle de deux sessions normales ; lemois indique alors la date de la pylée supplémentaire. Nous entrouvons plusieurs exemples dans les comptes des trésoriers.

Le compte 47 reproduit le décret qui institua en 339-338, sousl'archontat de Palaios, le collège des trésoriers. Après quoi est

mentionnée (1 . 21 sq.) la session d'automne, ainsi datée : ό[πωρινής]

(1) Une seule exception apparente dans 19, 105 ; cf. ci-après p. 179.(2) L'administration financière, p. 142-144 ; d'où P. Marchetti, BCH Suppl. IV ,

p. 85 : « La session-printemps de l'amphictionie se tient ordinairement au moisEndyspoïtropios... ». Il s'agit d'une session extraordinaire, comme il y en eut plusieursau cours de cette période troublée. Déjà en 346, c'est une session extraordinaire tenuedurant l'été, avant la session ordinaire d'automne en Boucatios, qui avait décidéd'exclure les Phocidiens et de transférer leurs deux sièges de hiéromnémons à Philippe,ainsi qu'il ressort de s discours de Démosthène et de la chronologie des événements.Cf. ci-après p. 165-166.

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LES SESSIONS EXTRAORDINAIRES 43

πυ[λαίας, μη]νός Β[ο]α[θόου] | [επί άρχοντος εν Δελφοΐς Πα]λ[αίου],« session d'automne, mois de Boathoos, sous l'archontat de Palaiosà Delphes ». Suivent les noms des prytanes et des hiéromnémons,

comme il est habituel dans les comptes amphictioniques. Le Conseila donc siégé, à l'automne de 339, dans le mois qui suit Boucatios,date de la session ordinaire, soit que la session ordinaire ait étéprolongée jusqu'au mois suivant, soit qu'une session complémentaire ait été organisée après un certain intervalle. Le motifen est évident : l'institution d'un collège de trésoriers, la frapped'une monnaie amphictionique étaient des tâches considérablesqui ne pouvaient être menées à bien dans les délais d'une sessionordinaire. Les hiéromnémons tiennent donc une session extraordinaire, et la datent du mois où elle a eu lieu1.

Sous l'archontat de Dion (336-335), la session de printemps està nouveau datée par le nom du mois (50 I, 12-13) : 'Εαρινής πυλαίας,μηνάς Ένδυσποιτροπίου, επ ί Δίωνος άρχοντος εν Δελφοΐς. Suivent lesnoms des huit prytanes delphiens et des vingt-quatre hiéromnémons .a session ayant eu lieu deux mois après la date traditionnelle,l ne peut s'agir d'une prolongation de la session ordinaire :c'est donc une session extraordinaire, comparable à celle dontparle Eschine pour l'année 340, ou encore à la session au cours delaquelle fut jugé le « scandale de 125 avant J.-C. », au mois dePoïtropios, soit quatre mois après la session ordinaire d'automne,ou deux mois avant la session ordinaire de printemps.

Ces réunions extraordinaires, attestées par Eschine et parl'épigraphie delphique, sont motivées tantôt par la nécessité derégler d'urgence une affaire importante (impiété des Amphisséensen 340, détournements de fonds commis par certains Delphiensau détriment des finances sacrées en 125), tantôt par l'obligationde mener à bien une réforme (création d'un collège de trésoriers,frappe d'une monnaie amphictionique) soulevant des problèmesqui ne pouvaient être résolus au cours des deux sessions ordinaires,trop brèves et trop espacées.

Mais il est un autre motif : un décret de l'Amphictionie ne recevait

force de loi dans les douze états membres que s'il était ratifiépar les autorités légales de chacun d'entre eux. En 340, « l'assembléees Amphictions » décide de tenir une séance exceptionnelleaux Thermopyles. Eschine, pylagore d'Athènes, est obligé desoumettre cette décision à la ratification de l'assemblée du peupleathénien, de la faire voter selon la procédure normale en obtenantde la Boulé un probouleuma, comme s'il s'agissait d'un décret

(1) Autre session extraordinaire tenue en Boathoos sous Thyméas (? ) : BCH 73(1949) p. 22 2 {FD, III 5, 54 relu).

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44 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

athénien (Clés. 125-127). Et l'assemblée refuse la ratification. Surproposition de Démosthène, elle décide que le hiéromnémon et lespylagores iront aux Thermopyles et à Delphes seulement à la

session ordinaire, « aux dates prescrites par les ancêtres ». Ladécision des Amphictions resta donc lettre morte, et les Athéniensne furent pas représentés à la séance extraordinaire des Thermopyles. hèbes s'abstint également (Clés. 128).

Dans ces conditions, qu'advenait-il lorsque le Conseil amphictio-nique décidait par exemple de créer un collège de trésoriers déléguéspar les πόλεις ? Les hiéromnémons devaient se rendre chacun dansleur cité pour obtenir la ratification du décret amphictionique.Si l'on voulait ne pas perdre de temps, ne pas reporter la miseen vigueur d'un décret à la prochaine session ordinaire, soit un

semestre plus tard, on réunissait une nouvelle fois en sessionextraordinaire les hiéromnémons porteurs de la ratification et l'onprévoyait alors les mesures d'application. C'est exactement ce quise passe au printemps de 340 dans l'affaire d'Amphissa : le Conseil,ayant entendu les accusations d'Eschine, décide qu'il convientde sanctionner les Amphisséens coupables. Mais il ne peutprendre lui-même les mesures appropriées. C'est pourquoi « l'assembléees Amphictions » vote « que les hiéromnémons se rendrontaux Thermopyles avant la prochaine réunion amphictionique, à unedate fixée, porteurs d'une motion relative à la punition à infligeraux Amphisséens pour les crimes commis à l'égard du dieu, de la

terre sacrée et des Amphictions » (Clés. 124). Les hiéromnémonsquitteront Delphes à l'issue de la session normale, iront prendreles instructions de leurs cités respectives et en feront connaîtreles décisions à une session extraordinaire, convoquée « avant ladate consacrée », pour gagner du temps1.

Nous connaissons deux décrets amphictioniques ratifiés parle peuple athénien, gravés sur marbre et affichés à Athènes. Lepremier, fort connu, est la loi amphictionique de 380, aujourd'huiau Louvre2. Elle est datée par l'archonte athénien ; son intituléest celui d'un décret athénien, ce qui serait inexplicable s'il s'agis

sait, omme on le dit à tort, d'une simple « copie » athénienne d'undécret amphictionique. En fait, nous avons là le décret athéniende ratification du décret amphictionique, lequel, voté par l'assembléethénienne, incorporé en quelque sorte à la législationathénienne, devient exécutoire pour les Athéniens.

C'est un décret de ratification analogue que je propose de

(1) L'admission de Philippe dans l'Amphictionie doit de même être ratifiée par lepeuple athénien : cf. Démosthène, Paix, 19; Amb. 111-113; 181 ; ci-dessous p. 166-167.

(2) G. Rougemont, CID, I, 10.

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DÉCRET AMPHICTIONIQUE RATIFIÉ PAR ATHENES 45

reconnaître dans le décret athénien IG, I2, 26, daté par l'écrituredu milieu du ve siècle approximativement1. Il est si fragmentaireque l'on a pu en compléter les lacunes de façons très différentes.

Il convient donc de négliger les restitutions nécessairement arbitraires et de nous en tenir aux seules constatations que l'on puissefaire sur la pierre. L'intitulé du décret est athénien comme celuide la loi de 380 ; il est ensuite question d'une alliance militaire(συμμαχία, 1. 5), d'une pylée (1 . 6), d'un serment «par Apollon,(Léto) et Artémis ». Ce décret athénien concerne donc l'Amphictio-nie. Alliance entre Athènes et l'Amphictionie, comme le suggèrentMerritt et Wilhelm ? C'est peu probable. Que signifierait unealliance militaire entre Athènes et une organisation internationaledont elle-même était membre ? Imaginerait-on une nation moderne

concluant un pacte militaire avec l'Organisation des NationsUnies ? Hypothèse pour hypothèse, je proposerais pour ma partune autre explication.

Le décret, à en juger d'après l'écriture, est contemporain dela deuxième guerre sacrée, nouvel épisode de la sempiternellerivalité entre les Delphiens et les Phocidiens. Ces derniers ayantusurpé la place des Delphiens dans la gestion du sanctuaire,Sparte rétablit les Delphiens dans leurs droits en 448 et reçoitpour prix de son intervention une promantie qu'elle fait graversur le socle du loup de bronze consacré par Delphes devant letemple. L'année suivante, en 447, les Phocidiens, appuyés parAthènes, reprennent l'avantage, et les Athéniens reçoivent à leurtour une promantie qu'ils font eux aussi graver, non sans quelqueinsolence, sur le socle du loup de bronze. La défaite des Athéniensà Coronée entraîna probablement le rétablissement des Delphienset une paix de trente ans fut conclue en 446.

L'Amphictionie, association essentiellement religieuse, n'étaitaucunement une symmachie. Le serment amphictionique contenaitmême des engagements précis pour le cas où les États membresse feraient la guerre. Or ceux-ci ne s'en privaient pas : ils venaientde se déchirer une fois de plus en luttes stériles au cours de cette

seconde guerre sacrée. Une solution possible pour assurer la paixentre eux et garantir les droits des Delphiens sur leur sanctuaireconsistait à faire de ces voisins, associés mais souvent rivaux, desalliés en les réunissant dans une symmachie unie pour la protectiondu sanctuaire et de l'autonomie des Delphiens. Un décret amphictionique organisant l'alliance devait nécessairement être ratifiépar les cités. Notre fragment pourrait provenir du décret athénien

(1) B. Merritt, AJPh 69 (1948), p. 313 sq. ; A. Wilhelm, Mnem. 1949, p. 28 9 sq. :cf . ci-après annexe V, p. 239-241.

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46 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

de ratification. Si mon interprétation est exacte, cette initiative,comme beaucoup d'autres visant à instaurer la paix entre nationsvoisines, semble avoir été sans lendemain.

La délégation permanente. Sessions ordinaires à dates fixes,sessions extraordinaires à dates variables ne suffisaient pas encoreà faire face à toutes les tâches de l'Amphictionie, surtout àl'époque mouvementée, fertile en événements, des troisième etquatrième guerres sacrées. Dans l'intervalle des sessions, se poursuivaient la reconstruction du temple d'Apollon à Delphes et lestravaux d'embellissement dans le sanctuaire des Pyles. Il fallaitpayer aux naopes les dépenses du temple, aux entrepreneurs lesautres travaux, prendre parfois des décisions immédiates pourrésoudre un problème imprévu. L'Amphictionie devait donc êtrereprésentée par une délégation permanente, ayant pouvoir d'agiren son nom. Cette délégation, composée de l'archonte, des prytanesde Delphes et des deux hiéromnémons thessaliens, apparaîteffectivement dans les comptes des trésoriers.

Le compte de l'archontat de Palaios-automne (339-338) estprécédé par le décret instituant cette année-là le collège des trésoriers (47 I, 1-21). Puis commence le compte proprement dit(1. 22 sq.), qui comprend deux parties : la première (1. 22-58)enregistre une recette de 154 talents, 54 mines ; la seconde (1 . 59-75 ; II, 1-15) une dépense de 15 talents (versés aux naopes) et de

10 mines, 33 statères et 3 oboles (versés aux entrepreneurs autresque ceux du temple). L'intitulé de la première partie montrequ'il s'agit d'une session extraordinaire d'automne, tenue au moisde Boathoos. Sont nommés l'archonte Palaios, les huit prytanesde Delphes et le collège des vingt-quatre hiéromnémons. C'estl'intitulé normal qui suffit d'ordinaire à dater et authentifier toutesles opérations d'une même session. Or, quand nous abordons laseconde partie du compte, relative aux dépenses de la mêmesession d'automne (47 I, 60 sq.), nous constatons avec surprisequ'elle est précédée d'un intitulé qu i semble répéter le précédent,à un détail près : les noms de l'archonte Palaios et de ses huitprytanes sont suivis non pas de la liste complète des vingt-quatrehiéromnémons, mais de la formule ίερομνημονούντων τώμ μετάΚοττύφου και Κολοσίμμου. Cottyphos et Colosimmos sont les deuxhiéromnémons thessaliens nommés en tête de la liste dans lepremier intitulé. Peut-on considérer qu'il s'agit d'une simplerépétition sous une forme abrégée de la liste complète copiée entête de la première partie ? É. Bourguet le pensait. Mais, en ce cas,on est fort embarrassé pour justifier cette répétition, superfluepuisque la session était déjà datée par le premier intitulé. La

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LES THESSALIENS ET LA DELEGATION PERMANENTE 47

solution du problème est contenue dans le texte lui-même : alorsque, d'après le premier intitulé, la session extraordinaire a eu lieuen Boathoos, dans le mois qui suit celui de la session normale,

le paiement enregistré dans la deuxième partie du compte a étéeffectué le 5 du mois d'Héraios, donc dans les premiers jours dumois suivant. La somme a été versée alors que les hiéromnémonsprésents à Delphes en Boathoos avait déjà regagné leurs citésrespectives. C'est pour cela, pour dater cette opération particulièrequi se rattache à l'exercice comptable de la session d'automne, maisqui a été effectuée en dehors de la session plénière, que l'on graveà nouveau les noms de l'archonte, des huit prytanes, et ceux desdeux hiéromnémons thessaliens restés sur place comme déléguésde tout le collège. J'ai montré ailleurs1 que les locutions ά βούλα

τοί περί, ιερομνημονούντων τών άμφί, signifiaient «la Boulé représentéepar les membres dont les noms suivent », « les hiéromnémonsétant représentés par... ». Cottyphos et Colosimmos sont seulsnommés dans le second intitulé parce que seuls ils étaient présentslors du paiement. Et c'est pourquoi eux seuls, à la session suivante,remettent aux trésoriers la comptabilité d'une dépense effectuéeau nom du collège entier, mais sous leur seule responsabilité :τον λόγον παρελαβον οι ταμίαι παρά τών ίερομνημόνων τώμ μετά Κοττυφουκαι Κολοσίμμου (47 Π, 1. 17-19). Il n'y a donc pas une répétitionelliptique — et inutile — de la mention du collège entier, mais uneprécision nouvelle et administrativement indispensable : lors du

paiement effectué le 5 du mois d'Héraios, Delphes était représentée par l'archonte et les prytanes, l'Amphictionie par les deuxhiéromnémons thessaliens, Gottyphos et Colosimmos, responsables de l'opération devant le Conseil.

Les comptes des trésoriers pour la session de printemps, sousl'archontat de Damocharès (334-333) autorisent la même constatation. En tête figurent normalement les noms de l'archonte, deshuit prytanes de Delphes et des vingt-quatre hiéromnémons(48 II, 1. 4-17). Cette partie de l'inscription est très lacunaire, etl'on ne peut plus dire si l'intitulé contenait ou non le nom d'un

mois de l'année, autrement dit s'il s'agissait de la session ordinaireou d'une session extraordinaire. Mais, dans la suite du compte etpour la même session de printemps, nous retrouvons (1 . 31-38) lenom de l'archonte, ceux des huit prytanes et la formule ίερομνημο-νούντων τώμ μετά Δαόχου και Θρασυδάου. Or l'opération mentionnéesous cet intitulé est l'encaissement du onzième versement del'amende payée par les Phocidiens. Une fois de plus elle est datée :

(1) BA 1969, p. 49-55.

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elle a eu lieu en Endyspoïtropios (1 . 32), deux mois après la datede la session ordinaire. Les hiéromnémons n'étaient plus àDelphes ; seuls les deux Thessaliens représentaient le collège entier :

ils ont encaissé l'amende en son nom, sous leur propre responsabilité.C'est cette précision indispensable qui figure dans l'inscription.L'apparition de la même formule ίερομνημονούντων τώμ μετά en têtede la liste des dépenses à la session d'automne du même archontat(48 I, 1. 5) prouve, d'après les deux exemples analysés ci-dessus,que ces dépenses ont été effectuées en cours d'exercice, après lasession plénière, dans l'un des mois qui ont suivi Boucatios.

J'en dirai autant des opérations financières mentionnées dansle compte, très fragmentaire, des trésoriers sous l'archontat deDion (49 II)1. Malgré son état de délabrement, on peut tenir pourassurée,

grâce à la disposition stoichedon du texte, la restitutionque proposent les éditeurs pour les lignes 9 et 10 : ["ΑρχοντοςΔίω]ν[ος, ίερομνημον]ούντων [τώ]μ μ[ε]τα [Δαόχου] |  κα[ί Θρασυδάου].Un peu plus bas (1. 22-26), après le nom de l'archonte Dion(session d'automne toujours) et la liste des prytanes, revient laformule [ίερομνημονούντων τώμ μετά Δα]ό[χ]ου και Θρασυ[δάου]. Unefois encore, le Conseil agit par personnes interposées, dans l'intervalle des sessions plénières. En matière de comptabilité, nousl'avons vu, les expressions « pylée d'automne », « pylée de printemps » couvrent tout l'exercice financier d'un semestre. Notonsenfin que la formule έερομνημονούντων τώμ μετά, en l'état actuel

de nos connaissances, apparaît exclusivement dans les comptesdes trésoriers, jamais dans les autres pièces de la comptabilitéamphictionique, et toujours à propos d'opérations financièreseffectuées dans l'intervalle des sessions régulières d'automne et deprintemps. Ce n'est pas, à mon avis, un hasard. Les trésoriers ontété créés sous Palaios, à une époque de transformations profondes.Leur principale raison d'être fut la frappe d'une monnaie amphictionique, Γάμφικτυονικόν2. Cette innovation soulevait maints problèmes techniques. Le collège des trésoriers, créé pour les résoudre,fut certainement obligé d'étudier et d'appliquer des mesures

financières nombreuses et complexes, urgentes souvent, qui nepouvaient toutes figurer à l'ordre du jour des deux sessionsordinaires, ni même des sessions extraordinaires de l'Amphictionie.Comme on ne pouvait raisonnablement convoquer une assembléeplénière chaque fois que les trésoriers devaient effectuer sans délaiune opération importante entre deux sessions, il est tout à faitnaturel qu'en cette période de réformes, l'Amphictionie, chargée de

(1) Compte republié par Ch. Dunant et J. Pouilloux, BCH 76 (1952), p. 45 sq .(2) Cf. ci-après p. 129 sq.

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PHILIPPE ET LES THESSALIENS 49

responsabilités nouvelles qui s'ajoutaient à ses tâches de routine,ait délégué ses pouvoirs à deux des hiéromnémons les plus influentspour assurer une sorte de permanence dans l'intervalle des sessions,analogue à celle qu'assuraient de leur côté les naopes έπιμηνιεύοντες1.Ce sont les noms de ces deux délégués que nous trouvons dans lescomptes. On ne s'étonnera pas qu'ils soient toujours Thessaliens.La Thessalie jouait un rôle prépondérant dans l'Amphictionie.Ses hiéromnémons, toujours nommés en tête des listes, restaienten fonction plusieurs années de suite ; ils pouvaient donc agiravec continuité. Deux d'entre eux, Cottyphos et Colosimmos,apparaissent dans les comptes comme locataires à Delphes, l'und'un χωρίον (16, 3, 49 ; 17, 10), l'autre d'une maison (15, 11 ; 16,1. 18 ; 64 ; 17, 1. 26). Il semble donc qu'ils aient possédé un « pied-

à-terre » dans la ville qui leur permettait d'y séjourner aussilongtemps que le demandait le règlement des affaires en cours.Enfin, les Thessaliens faisaient à cette époque la politique dePhilippe, qui leur avait promis, au cours de la troisième guerresacrée, de « rétablir l'Amphictionie dans son état antérieur »,c'est-à-dire de garantir la prééminence des Thessaliens un instantcompromise par les entreprises des Phocidiens2. Donnant donnant !Instigateur probable de la création des trésoriers et de la frappede la monnaie nouvelle, le roi de Macédoine accordait assez d'importance ces réformes pour en faire surveiller l'exécution par seshommes de confiance, les deux hiéromnémons thessaliens.

Ainsi, l'expression ίερομνημονούντων τώμ μετά n'est pas unesimple formule elliptique destinée à désigner commodément,en abrégé, la totalité du Conseil par les noms de quelques-uns deses membres. Elle introduit les noms des deux membres auxquelsle Conseil délègue momentanément ses pouvoirs pour l'accomplissement'une opération financière donnée, opération dont ilsassument personnellement la responsabilité et dont ils doiventrendre compte au Conseil. Il ne semble pas que ce système ait étépratiqué avant la création du collège des trésoriers. Du moinsles comptes n'en gardent-ils aucun témoignage. Ce fut probable

mentne mesure de circonstance nécessitée par l'ampleur de latâche qu'assumait à cette époque, sous l'impulsion de Philippeet d'Alexandre, l'Amphictionie.

En résumé, quand l'intitulé d'un compte mentionne, après lesmots « session d'automne », « session de printemps », les nomsde l'archonte, des prytanes et des vingt-quatre hiéromnémons,sans préciser le nom du mois, nous avons affaire à une assemblée

(1) Cf. ci-après p. 164 sq.(2) Démosthène, Paix 23 ; Amb. 318.

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50 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

ordinaire, tenue à la session d'automne en Boucatios, à la sessionde printemps en Byzios. Quand l'intitulé ajoute aux indicationsprécédentes le nom d'un mois, il s'agit soit d'une session extraordinaire tenue au cours du mois indiqué, soit d'une opérationcomptable effectuée au cours de cette session extraordinaire ou dansl'intervalle des deux pylées régulières. Enfin quand nous trouvons,après la mention de la session, des noms de l'archonte et desprytanes, la formule ίερομνημονούντων τώμ μετά introduisant deuxnoms seulement de hiéromnémons, le compte relate des opérationseffectuées en l'absence du Conseil par une commission restreintehabilitée à agir en son nom.

L' assemblée des Amphidions. Il existe encore une autre formede réunion extraordinaire tenue par l'Amphictionie, « l'assemblée

plénière des Amphictions », εκκλησία των Άμφικτυόνων. Eschine,seul auteur qui nous en parle, la définit en ces termes (Clés. 124) :« on appelle assemblée les réunions où l'on convoque non seulementles pylagores et les hiéromnémons, mais encore ceux qui sacrifientet qui consultent l'oracle » (entendons les citoyens des états amphic-iioniques qui se trouvent en pèlerinage aux Pyles ou à Delphesau moment où se tient l'assemblée), έκκλησίαν γαρ όνομάζουσινδταν τις μή μόνον τους πυλαγόρους και τους ίερομνή μονάς συγκάλεση,άλλα και τους θύοντας και τους χρωμένους τω θεω. C'est « l'assemblée »des Amphictions qui, au printemps de 340, décida de convoquer

une session extraordinaire aux Thermopyles pour convenir duchâtiment à infliger aux Locriens d'Amphissa. A en juger par l'intitulé, c'est encore Γ« assemblée » qui vota le décret des Amphictionscité par Démosthène (Cour. 154) : Έπί ιερέως Κλειναγόρου, εαρινήςπυλαίας, εδοξε τοις πυλαγόροις και τοις συνέδροις των Άμφικτυόνων καιτω κοίνω των Άμφικτυόνων. Le seul fait que les pylagores soientmentionnés à côté des hiéromnémons prouve qu'il ne s'agit pasd'une assemblée ordinaire où les « synèdres » (les hiéromnémons)1délibèrent et votent. L'intitulé du décret énumère les trois catégories de participants à Γ« assemblée » : les hiéromnémons, lespylagores, les citoyens du κοΐνον amphictionique présents à Delphes.

Au ine siècle, sous l'archontat d'Hiéron (vers 278), à la sessionde printemps, une assemblée plénière règle la question de l'atélieet de l'asylie réclamées par les technites dionysiaques d'Athènes.L'intitulé le prouve clairement : εδοξε τοις Άμφικτίοσιν και τοιςίερομνάμοσιν και τοις άγορατροΐς (FD, III 2, 68, 1. 65-66) ; nousretrouvons mentionnés ensemble les trois catégories de partici-

(1) Ίερομνήμων έλέγετο ό πεμπόμενος σύνεδρος, schol. à Timocratès, Or. 24, 150(Or. AU. II, 120, Baite-Sauppe) ; Diodore, XVI, 60 : ε"δοξεν οδν τοις συνέδροις. . .κτλ.

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L ASSEMBLEE PLENIERE DES AMPHICTIONS 51

pants. Parfois est utilisée une formule elliptique, par exempleen tête du décret légalisant le cours du tétradrachme attique :εδοξε τοις Άμφικτίοσι τοις έλθοϋσιν εις Δελφούς, « décision desAmphictions venus à Delphes »1. Je ne pense pas que les « Amphic-tions » ici nommés soient les seuls hiéromnémons, que la phrasedoive être entendue dans un sens restrictif, « décret voté par ceuxdes hiéromnémons qui se trouvaient à Delphes ce jour-là ». Eneffet, dans le second décret concernant les technites dionysiaquesd'Athènes, voté en 124, la formule τοις Άμφικτίοσιν τοις συνελθοΰσινest suivie de la liste nominative des vingt-quatre hiéromnémons(FD, III 2, 68, 3 sq.) : elle serait donc une pure redondance si elledésignait ces mêmes hiéromnémons énumérés comme présentsà la session. D'ailleurs une formule voisine est plus explicite.

En tête du décret honorant Démétrios, fils d'Aristarchos, nouslisons l'intitulé suivant : εδοξε τοις Άμφικτύοσιν παραγενομένοις ειςΔελφούς κατά πλήθος επί τον ιερόν αγώνα των Πυθίων, « il a plu auxAmphictions présents à Delphes en nombre à l'occasion duconcours sacré des Pythia» (FD, III 2, 161, 1-3). C'est bien d'uneassemblée πληθύουσα qu'il s'agit, de Γ εκκλησία των Άμφικτυόνωνmentionnée par Eschine. Je crois que nous devons lui attribuerle vote de tous les décrets précédés par l'intitulé εδοξε τοιςΆμφικτύοσιν τοις συνελθουσιν, ou par un intitulé voisin. On constateégalement, d'après le dernier décret cité, que si à l'origine l'assembléelénière semble n'avoir été convoquée que pour des affaires

sérieuses, sanctions à prendre contre une cité amphictionique[Clés. 124), bornage du territoire sacré {Cour. 154), réglementationmonétaire, à mesure que l'Amphictionie perdait de son importancehistorique, on ne craignait pas de la convoquer pour des motifsplus futiles, un décret honorifique à décerner à un noble personnagepar exemple.

6) Le déroulement et l'objet des séances.

Sur le déroulement des séances, en dehors du passage du Contre

Ctésiphon étudié ci-dessus2, les textes et les inscriptions fournissent fort peu de renseignements.Elles étaient naturellement accompagnées de sacrifices. Aux

Pyles, hiéromnémons et pylagores sacrifiaient sur l'autel deDemeter Amphictionis ou Pylaia, comme nous l'apprennentHérodote, le marbre de Paros et Strabon. « Πυλαία · θυσία »,

(1) FD, III 2, 139 ; G. Daux, Delphes au IIe et au I" s., p. 387-391.(2) P. 30-35.

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52 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

déclare Stéphane de Byzance1. Eschine rappelle aux hiéromnémonsle sacrifice qu'ils vont accomplir avant la réunion de leur Syné-drion [Clés. 120). On se souvient que la petite cité de Thronion

réclamait le droit de représenter la Locride Épicnémidienne unefois sur trois en excipant du fait qu'elle fournissait le tiers desvictimes et prestations diverses dues à l'Amphictionie2. Indépendamment des sacrifices propres à ses réunions, l'Amphictioniecélébrait d'autres sacrifices, en particulier une hécatombe aumoment des Pythia. La loi de 380 prescrit en effet aux κάρυκεςde percevoir la taxe (φόρος) et de rassembler les victimes par« peuples » (το έθνος. . . χωρίς εκαστον), tandis qu'un personnage« chargé de l'hécatombe », ό επ ί ταν έκατόμβαν, assermenté, contrôlela qualité des victimes fournies3. Les Amphictions offraient aussi

une panoplie à Athéna Pronaia, laquelle était ensuite conservéedans l'hoplothèque4. Mais ces offrandes ne concernent pas directement es assemblées de l'Amphictionie.

Il semble -— mais cela n'est dit explicitement nulle part — queles Thessaliens présidaient les séances. Jusqu'à l'époque de l'hégémonie étolienne, ils jouèrent un rôle de premier plan dans l'association. Avec l'appui des peuples situés dans leur zone d'influence,ils disposaient au Conseil de la moitié des voix. Ils sont toujoursnommés, du moins au ive siècle, en tête des listes amphictioniques5.Au printemps de 340, au moment de l'affaire d'Amphissa, leThessalien Cottyphos est appelé « celui qui met les motions aux

voix », ό έπιψηφίζων τας γνώμας6 ; l'assemblée le désigne, lors de lasession extraordinaire, comme l'ambassadeur chargé de proposer

(1) Hérodote, VII, 200; IG, XII 5, 444, l. 9; Strabon, IX, 4, 17 (G 429) ; 3, 7(C 420). Stéphane de Byzance, s.v.

(2) Cf. ci-dessus p. 22 .(3) G. Rougemont, CID, 1, 10, l. 14-15 ; το 2θνος signifie, selon F. Sokolowski

(Lois sacrées des cités grecques, p. 161), que les victimes ont été classées par « espèces »,selon G. Daux et G. Rougemont (l.l.) d'après les « peuples » amphictioniques qui lesont envoyées, interprétation qui me paraît plus vraisemblable : le « chargé de l'hécatombe » peut ainsi vérifier que chaque peuple s'est acquitté de sa contribution en

victimes sans tricher sur le nombre ou sur la qualité. Cf. aussi FD, III 3; 214, /. 32-34.(4) R. Flacelière, Les Aitoliens à Delphes, p. 217-219; 330; Sylt.3, 47 9 (date :

vers 264-263 ?). A mon avis, le passage de la loi amphictionique de 38 0 intitulé Λώτις(CID, I, 10, L 26-32) se rapporte à cette cérémonie. Une étude sur ce sujet paraîtraprochainement dans le BCH.

(5) En deux occasions (listes de 178 avant J.-C. : Syll.3, 636 ; et 125 avant J.-C. :FD, III 4, 27 7 A) les Delphiens sont nommés en tête ; mais ceci est exceptionnel. Durantle temps de leur hégémonie sur Delphes, au me siècle, les Ëtoliens usurpent la premièreplace jusqu'alors réservée aux Thessaliens : R. Flacelière, l.l., p. 180 sq. et appendice I,p. 386, n° 2 sq .

(6) Eschine, Clés. 128. Les auteurs anciens distinguent souvent les Thessaliens de sautres Amphictions. Diodore (XVI, 33, 3) les place au premier rang des États coalisés

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FONCTIONS DU CONSEIL AMPHICTIONIQUE 53

à Philippe le commandement des armées mobilisées pour châtierAmphissa. Déjà en 346, à la fin de la troisième guerre sacrée, cesont les Thessaliens qui vont à Athènes exiger des Athéniens

la ratification de la décision amphictionique attribuant à Philippeles deux sièges de hiéromnémons confisqués aux Phocidiens1.Deux Thessaliens assurent, dans l'intervalle des sessions, une sortede permanence auprès du collège des trésoriers. Il est donc logiquede penser — sans que le fait soit prouvé — qu'au ive siècle au moinsla présidence des séances leur était confiée.

Nous avons vu précédemment que les séances ordinaires duSynédrion se décomposaient en deux parties : une séance d'information, commune aux pylagores et aux hiéromnémons, et uneséance de délibération, réservée aux hiéromnémons, précédée d'un

sacrifice et couronnée par le «vote hiéromnémonique » en vertuduquel la γνώμα des pylagores devient un δόγμα des Amphictions.Quelles étaient les matières soumises à ces délibérations ? LesAmphictions sont à la fois des juges et des gestionnaires : juges,ils arbitrent les différends entre les cités amphictioniques ; gestionnaires, ils administrent les sanctuaires des Thermopyles etde Delphes.

L'Amphictionie n'est, au ive siècle, ni une fédération politiqueni une symmachie. Elle n'interdit pas la guerre entre ses membres,mais elle cherche à l'humaniser : les Amphictions s'engagent, parun serment très ancien, « à n'anéantir aucune cité de l'Amphictio-

nie, à ne couper les eaux qui les arrosent ni en temps de guerreni en temps de paix» [Clés. 115)2. Elle s'efforce de diminuer lafréquence des guerres en proposant aux cités de régler leursconflits, selon les termes d'Eschine, μή

μεθ'οπλών, άλλα μετά

ψήφου και κρίσεως (Amb. 114), « non par les armes, mais par le voteet le jugement » des Amphictions dont chacun s'est engagé parserment à rendre la sentence la plus juste : δικά[ξω τ]ας δίκας ως κα

contre les Phocidiens : « Les Thessaliens, qui jouissaient du plus grand prestige parmi

les alliés... » ; Eschine écrit (Amb. 138) : « Les Thessaliens et les autres Amphictionsétaient sous les armes... » ; Démosthène rappelle (Paix 23) que les Thessaliensvoulaient redevenir « maîtres de la Pylée et de ce qui se passait à Delphes », et quePhilippe leur avait juré « de rétablir avec eux la Pylée » (Amb. 318) ; Diodore signale(XVI, 28, 4) qu'après ia défaite d'Amphissa, en 339, les Thébains envoyèrent desambassadeurs « aux Thessaliens et aux autres Amphictions ». Leur prééminence étaitdonc effective et reconnue.

(1) Démosthène, Amb. 111-113; 181. Sur cet épisode, cf. ci-dessous p. 166-167.(2) II faut distinguer le serment traditionnel que juraient les hiéromnémons à leur

entrée en charge des serments occasionnels qu'ils étaient amenés à jurer dans telleou telle circonstance (e.g. le serment qui figure en tête de la loi de 380, CID, I, 10,l. 3-9). Sur le serment amphictionique proprement dit, L. Robert, Éludes épigraphiquesel philologiques (1938), p. 308-316 ; G. Daux, Sludies... Robinson, p. 775-782 ; G. Rou-

gemont, CID. p. 103-106.

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54 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

δικαιότατα!, γνώμαι1. C'est là l'un des aspects les plus respectablesde son activité, et l'on ne saurait lui reprocher d'avoir souventéchoué dans un domaine où aucune organisation internationale

n'a jamais pu pleinement réussir.L'histoire a conservé le souvenir de plusieurs grands procès

plaides devant elle. Après la seconde guerre médique, les Platéensdemandent que Sparte soit sanctionnée d'une amende de 1000talents, à cause de l'insolente dédicace gravée par le LacédémonienPausanias sur le socle du trépied commémorant à Delphes lavictoire commune. Pausanias est condamné à effacer l'inscription2.

Quelques années plus tard, les Thessaliens font condamner lesDolopes de Skyros à une lourde amende. Les Dolopes se déclarantincapables de la payer, Cimon en prend prétexte pour conquérir

l'île, au nom de l'Amphictionie, mais au profit d'Athènes3.Après l'occupation inopinée de la Cadmée par Phoibidas,Thèbes accuse Sparte devant le tribunal amphictionique. Sparteest condamnée à une amende de 500 talents, qu'elle ne semblepas avoir jamais payée4.

Vers 356, Thèbes accuse les Phocidiens d'empiéter sur le territoire sacré et les fait condamner par l'Amphictionie à d'énormesamendes que les Phocidiens refusent d'acquitter. Pour échapperaux confiscations dont on les menace ils s'emparent du sanctuairede Delphes, casus belli d'où naîtra la troisième guerre sacrée5.

En 345 ou 343 avant J.-C, les Déliens attaquèrent devant lesAmphictions la légitimité de la domination athénienne sur leurîle. Hypéride plaida pour Athènes, et les Déliens furent déboutés6.Leur échec laisse penser ou bien qu'Hypéride fut très éloquent,ou bien que dans les jugements rendus par les Amphictions lapuissance des plaideurs jouait un rôle au moins aussi grand quela justice de leur cause : deux explications d'ailleurs compatibles.

Nous avons déjà parlé du procès intenté aux Athéniens en 340par les Locriens d'Amphissa7. Poussés par les Thébains, ils proposent d'infliger au peuple d'Athènes une amende de 50 talentspour avoir consacré prématurément sur le temple rebâti les

boucliers d'or πριν έξαρέσασθαι. Grâce à l'habile manœuvre d'Es-chine, Athènes esquive le procès et accuse en représailles les

(1) CID, I, 10, /. 3.(2) Thucydide, I, 132, 2-3 ; Diodore, XI, 33 ; Plutarque, De Herodoti malignitate,

42 (873 C).(3) Plutarque, Cimon, 10-11.(4) Diodore, XVI, 23, 2; Justin, VIII, 1,4; M. Sordi, BCH 81 (1957), p. 49-52.(5) Diodore, XVI, 23, 2-3.(6) Cf. ci-dessus p. 7, 28 .(7) Cf. ci-dessus p. 28 sq.

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JUGES ET ADMINISTRATEURS 55

Amphisséens d'avoir mis en culture les terres vouées au dieu. C'estl'origine de la quatrième guerre sacrée. Ainsi, l'arbitrage del'Amphictionie, qui devait en principe substituer le jugement del'équité à celui des armes, se soldait parfois par de nouvellesguerres. C'est le drame éternel des institutions internationalescréées pour établir la paix que d'être condamnées soit à voir leursdécisions demeurer lettre morte, soit à devoir en imposer le respectpar l'emploi de la force, que leur idéal, leur raison d'être, seraitjustement d'éliminer.

Rappelons pour mémoire les procès jugés au ne siècle, à lademande et au nom de l'Amphictionie, par les juges d'une tiercepartie : les juges de Lamia arbitrent le litige qui sépare sur le sujetdu vote amphictionique Sparte et Kitynion ; ceux d'Athènes et

d'Amphissa départagent sur le même sujet Thronion et Scarphée ;ceux d'Hypata Chalcis d'une part, Érétrie et Carystos d'autrepart1.

Outre les grands procès internationaux, les hiéromnémons avaientaussi à juger les affaires propres à l'Amphictionie. Le décretinstituant les trésoriers stipule que si une cité manque à ses obligations en n'envoyant pas de trésorier, ou en n'envoyant pas lemême durant le temps prévu par la loi, les autres trésoriersintroduiront une instance devant les hiéromnémons (έ]γδικασ[άμενοι]|παρά τ[οΐς ί]ερομνήμοσι,, 47 I, 9-10) et percevront l'amende infligéeaux contrevenants. L'Amphictionie punit également les entrepre

neurséfaillants ou indélicats : ainsi Perpolas de Larissa (58, 72 )dont le travail au συνέδριον des Pyles n'avait pas été jugé satisfaisant. es voleurs des biens sacrés sont traduits devant elle.

Juger, arbitrer, c'était la tâche essentielle de l'Amphictionie,celle qui entraîna les plus graves conséquences dans le déroulementde l'histoire grecque au ive siècle. Mais il en était une autre, quiprit de l'importance à partir du moment où un grand sanctuairepanhellénique, riche, bien pourvu d'offrandes et de bâtiments detoutes sortes, devenait le second sanctuaire de l'association : elleassurait la gestion financière des sanctuaires des Pyles et de

Delphes.Elle doit d'abord préserver l'intégrité des domaines sacrés. Lespropriétaires limitrophes, Delphiens, Locriens, Étoliens, sontnaturellement tentés de s'agrandir aux dépens des dieux, ou des'approprier indûment les produits de leurs domaines, bois, fourrage,fumier, ou de mettre en culture la terre « maudite », mais fertile,confisquée à Cirrha et vouée par sa consécration à une absurdestérilité. La loi de 380 impose donc aux hiéromnémons une πέροδος

(1) Cf. ci-dessus p. 21 sq.

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56 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

γας ίερας, une inspection (annuelle ?) de la terre sacrée1. La surveillance ne peut s'exercer efficacement que si les limites en sontclairement définies. Aussi voyons-nous l'Amphictionie procéder

à plusieurs reprises à des opérations de bornage. La première, bienqu'elle ne soit pas mentionnée dans l'Histoire, eut vraisemblablementieu à l'issue de la première guerre sacrée, lorsque la plainede Cirrha fut annexée au domaine d'Apollon2. Nous ignorons ladate de la seconde, οτε Παυσανίας Θεσσαλός και οι μετ' αύτοϋδρους εποίησαν, « quand Pausanias et ses collègues fixèrent leslimites ». Le Thessalien Pausanias et ses collègues étaient certainementes hiéromnémons délégués par le Conseil pour effectuercette opération, très probablement après la troisième guerresacrée et aux dépens des Phocidiens vaincus3. La quatrième guerre

sacrée fut suivie d'un nouveau bornage : sous l'archontat deDamocharès (automne 334 ; 48 I, 43-44), les trésoriers paientl'achat de 100 bornes pour « les défilés des Pyles » (στηλών εκατόντων κατά τας διό|[δους. . .]) et sous l'archontat d'Ornichidas, vers lamême époque, δρον ίερομνήμονες πεποίηκαν και κεκρίκασιν, « les hiéromnémons ont jugé et effectué un bornage4 ». Comme, en 125,à l'occasion d'une nouvelle opération de délimitation, les Locriensd'Amphissa récusent ce bornage et demandent qu'on en revienneaux limites antérieurement définies « par Pausanias et ses collègues », il est probable qu'il n'avait pas été favorable aux gensd'Amphissa, cause et victimes de la guerre. Le nouveau bornage

semble avoir confirmé les limites définies sous Ornichidas, ainsique le don de la Nateia confisquée aux Locriens et ajoutée audomaine sacré en 191 par M'Acilius5. Bornages, inspections etcontrôles n'empêchaient pas la répétition des empiétements : surce point, l'Amphictionie, en dépit des imprécations, ne se montraitpas trop rigoureuse ; il fallait l'éloquence d'un Eschine ou quelque

(1) CID, I, 10, /. 15 sq. Nous ignorons quelle était la périodicité de l'inspectionimposée aux Amphictions. Comme la loi de 380, selon moi, concerne dans toutes sesdispositions l'organisation des Pylhia, il est possible que l'inspection ait été obligatoireau moins une fois par Pythiade, avant l'organisation de s concours, afin d'éviter, aumoment où se réunissait à Delphes un nombre important de pèlerins, que l'un d'eux,scrupuleux, constatant une occupation indue du territoire sacré, ne provoque unincident semblable à celui que souleva Eschine en 340.

(2) Ce domaine sacré égalait approximativement en superficie le territoire deDelphes : U. Kahrstedt, Studies... Robinson, II, p. 749-757.

(3) FD, III 4, 28 0 Β, /. 29-30 ; G. Daux, Delphes au II" et au 1er s., p. 377 sq., enparticulier p. 380 n. 2.

(4) FD, III 4, 280, Β l. 30-31 ; G. Daux, /./. Sur la date d'Ornichidas, incertaine,cf. p. 234.

(5^ G. Daux, /./., p. 22 8 ; 232-233 ; 380-382 ; 664-670.

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LA SURINTENDANCE DES BATIMENTS 57

occasion politique particulière pour l'inciter à se départir d'uneindulgence bien proche de la complicité.

Responsables des domaines sacrés, les Amphictions, assistés parles prytanes de Delphes, en encaissent les revenus. Ils perçoiventles locations et fermages des biens confisqués aux DelphiensAstycratès et ses amis, bannis une première fois en 363, puisdéfinitivement en 346 ; ils font graver leurs comptes sur de grandesstèles de calcaire érigées dans le sanctuaire d'Athéna, à Marmaria1.Ils punissent les empiétements des propriétaires abusifs, les voleursde fumier, encaissent les amendes infligées aux divers contrevenants,entrepreneurs défaillants par exemple2, et la plus importante detoutes, l'amende infligée aux Phocidiens à la fin de la troisièmeguerre sacrée3.

Ils assument également la surintendance des bâtiments. L'entretienes anciens édifices, la construction des nouveaux dépendentde leur autorité. C'est ainsi que nous les voyons, dès 548, organiserla reconstruction du temple d'Apollon détruit par l'incendie etassumer la même tâche quand le temple des Alcméonides, en 373,doit être rebâti. Ils paient les frais d'entretien et de réparation dela maison de la Pythie (50 III, 1-2) sous l'archontat de Dion (336-335) et à la fin du Ier siècle de notre ère4. Ils réglementent l'utilisatione la stoa d'Attale5, réparent ou reconstruisent les murs desoutènement si nombreux à Delphes, « l'analemma du dedans,sous les statues, et l'analemma du dehors », « l'analemma jusqu'àla petite porte »6. Les fontaines et les caniveaux relèvent de leurcompétence, de même que les installations thermales des Pyles7.A l'époque impériale, ils font construire à Delphes une bibliothèque et un « structorium » (?)8.

Un aspect particulier de cette activité est l'organisation, tousles quatre ans, des concours pythiques. Ils font proclamer par les

(1) É. Bourguet, FD, III 5, 15 à 18 ; J. Bousquet, BCH 66-67 (1942-1943), p. 122.(2) Outre le cas de Perpolas de Larissa, mis à l'amende κατά το ψήφισμα των

ίερομνημόνων à cause de son travail défectueux au synédrion des Pyles (58, 71-72 ;cf. ci-dessus p. 38), citons celui d'un naope de Phlionte qu i semble avoir été lu i aussicondamné (FD, III 1, 83, l. 13; archontat d'Héracleidas, vers 274-2731.

(3) Cf. ci-après p. 164 sq .(4) Syll.3, 82 3 A.(5) Syll.3, 523. Date : automne 218, selon R. Flacelière, BCH 53 ,'1929), p. 454, 37 b ;

date « approximative » selon G. Daux, Delphes au IIe el au Ier s., p. 49 8 n. 3.(6) FD, III 3, 181. La πυλίς est probablement la porte C : cf . G. Roux, dans

J. Pouilloux et G. Roux, Énigmes à Delphes, p. 74-77 et plan fig. 34 .(7) CID, I, 10, /. 36-37 ; FD, III 5, 22, l. 56-57, 62-64 ; 50 III, l. 15-18 ; 58, /. 38-39 ;

60 A, /. 10-12 ; 74, /. 27 ; Syll.3, 813 C (J. PouiLoux, Énifjmes à Delphes, p. 100-101 .(8i Syll.3, 82 3 B, C.

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58 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Delphiens la « hiéroménie pythique », la trêve sacrée1, mettenten adjudication les πυθικά έργα, les travaux nécessités par cettegrande fête : travaux de voirie, concernant les routes et les ponts

des Pyles et de Delphes, entretien « de la fontaine dans la plaine »,remise en état des sanctuaires d'Athéna et d'Apollon, du gymnase,du stade2. Ils doivent prévoir l'hébergement (οΐ'κησος) des nombreuxpèlerins, veiller à ce que les portiques (παστάδας) où la plupartd'entre eux trouveront un abri restent « communs à tous » (κοιναςείμεν πάντεσσι), ceci pour éviter le « marché noir » des places,l'occupation prolongée par des « squatters » abusifs, le sans-gênede ceux qui prétendent loger avec eux leur domesticité servilesous les portiques aux dépens des usagers libres, ou y établir leurétalage de marchands forains3. A leurs fonctions d'administrateurs

s'ajoutent donc des fonctions de police. Ils punissent les vols dontle riche sanctuaire offrait tant d'occasions, récompensent lesdénonciateurs par un décret honorifique proclamé par le hérautet leur remettent une copie de la proclamation (κηρύκειον) timbréedu sceau de l'Amphictionie4. Ils honorent les bienfaiteurs dusanctuaire, Aristote et Callisthène, auteurs de la Πυθιονικώναναγραφή5, les deux petit-fils de l'architecte du temple, Agathon6,le prêtre d'Apollon Pythien Plutarque7 et, le cas échéant, n'oublientpas de s'honorer eux-mêmes par un beau décret8.

Certaines entreprises d'une ampleur exceptionnelle, la reconstruction d'un temple, la frappe d'une monnaie nouvelle, relevaient

en principe de l'Amphictionie, mais dépassaient en fait lescompétences et les possibilités d'un Conseil dont la compositionvariait à chaque semestre et qui ne se réunissait que deux fois l'an.Dans ces circonstances, les hiéromnémons déléguaient leurspouvoirs à des commissions spéciales, contrôlées par eux, maiscapables d'agir avec la continuité nécessaire. Nous reparlerons de

(1) G. Rougemont, BCH 97 (1973), p. 76-97; CID, I, 10, 43 sq. et commentaire.(2) G. Rougemont, CID, I, 10, l. 35 sq. Après 338, ce sont les trésoriers qui acquittent

ce s dépenses : 48 II, L 39-44 ; J. Pouilloux, « Travaux à Delphes à l'occasion desPythia », BCH Suppl. IV , p. 103-123.

(3) CID, I, 10, l. 22-26 ; L 24, l'interdiction d'introduire dans la stoa « ni meuleni mortier » me paraît viser plutôt que de s pèlerins, des marchands forains, vendeursde pâtisseries, exerçant leur industrie durant les fêtes.

(4) FD, III 3, 185, 190, 203 ; liste de décrets analogues citée p. 154, d'après G. Colin,FD, III 2, p. 23 7 n. 1 ; cf. aussi FD, III 4, 359, l. 42 sq .

(5) FD, III 1, 400. Il s'agit évidemment d'un décret amphictionique, car Delphesn'aurait pu faire payer les frais des honneurs conférés par les trésoriers, magistratsamphictioniques. Bourguet a tort de ranger ce décret parmi les décrets de Delphes.

(6) FD, III 3, 184.(7) Syll.3, 84 3 ; G. Roux, Delphes, p. 56 n. 1, et pi. XIII, 24 .(8) FD, III 1, 479; III 4, 359.

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L EPIMELETE DES AMPHICTIONS 59

ces naopes, « commissaires à la construction du temple », et de cestrésoriers, qui furent un peu comme les naopes de la monnaienouvelle. Signalons enfin qu'à l'époque impériale un « épimélète

des Amphictions », probablement créé sous Auguste, assurait unesorte de permanence administrative et représentait le pouvoirimpérial1.

Telle était l'Amphictionie des Pyles et de Delphes, partenairedes Delphiens dans la gestion du grand sanctuaire, leur collaboratriceans la reconstruction du temple d'Apollon.

(1) J. Pouilloux, Mélanges Wuilleumier, à paraître.

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LES INSTITUTIONS DE DELPHES AU IV« SIÈCLE

Nous sommes encore plus mal documentés sur les institutionsde Delphes que sur celles de l'Amphictionie. La Constitution deDelphes publiée par Aristote est entièrement perdue, à l'exceptionpeut-être d'un fragment douteux et, de toute façon, insignifiant1.Les inscriptions, notre source unique, ne la remplacent qu'imparfaitement. Elles sont en général peu explicites et dispersées surune période de huit siècles environ, si bien que les informationsqu'elles nous fournissent sont discontinues, séparées par de grandsvides. Les institutions de Delphes ont certainement évolué. Onne saurait, sans risque d'anachronisme, utiliser un décret duier siècle avant J.-G. pour les dépeindre telles qu'elles existaientau ive siècle avant notre ère. Toutefois, on décèle à travers cesdocuments d'époques si diverses la persistance d'une tendance

conservatrice : très nette à l'époque impériale, comme partoutailleurs en Grèce, elle apparaît indéniablement dès le ive siècleavant J.-C. et autorise quelques prudentes extrapolations. Jecrois donc pouvoir définir sans trop de témérité les institutionsdelphiques de la façon suivante.

La constitution de Delphes au ive siècle était d'inspirationoligarchique. Le corps civique était probablement divisé en deuxclasses : les citoyens ordinaires dotés simplement de la κοινή πολιτεία,la citoyenneté commune, et les damiurges, citoyens de plein droit,qui seuls avaient accès à la totalité des charges et des sacerdoces.La

citéétait gouvernée

par uneAssemblée

du peuple,l'Ecclésia

des Delphiens, par un Conseil semestriel de quinze membres,la Boula, et par un collège de hauts magistrats, les neuf prytanes,l'archonte éponyme étant l'un d'eux. Ces institutions participèrentà la reconstruction du temple, soit dans l'exercice de leur activitéproprement delphique, soit en liaison avec l'Amphictionie. Ellesapparaissent souvent dans les comptes : il convient donc d'exposeravec le plus de précision possible le peu que nous savons à leur

Ί) A. Dovatour, FEG 46 (1933), p. 214-223.

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62 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

sujet avant d'examiner la façon dont Delphes et l'Amphictionieorganisèrent conjointement le financement des travaux de lareconstruction.

1) Les damiurges.

Deux inscriptions du ive siècle, le règlement des Labyades etla loi de Cadys, mentionnent pour la première fois les damiurges.Par la suite, il n'est plus question d'eux que dans un acte d'affranchissement du 11e siècle avant notre ère, puis dans cinq décretsd'époque impériale. Il est, par conséquent, difficile de définir lerôle des damiurges à l'époque où le temple fut reconstruit1.

Le règlement édicté par la phratrie des Labyades (CID, I, 9, D,

1. 19-22) prévoit des peines d'amende contre les phratères quicontreviendraient aux dispositions légales concernant certainesfêtes de la phratrie : « si quelqu'un enfreint les prescriptionsci-dessus inscrites, que les damiurges et tous les autres Labyadeslui infligent une amende, et que celle-ci soit perçue par lesquinze »2. Π y a donc d'un côté les damiurges, de l'autre « tous lesautres Labyades ». On pourrait penser que ces damiurges, nommésdans le règlement d'une phratrie, remplissent une fonction propreà la phratrie. Mais ils réapparaissent dans une loi de la cité, la loide Cadys sur le prêt à intérêt, contemporaine en gros du règlementdes Labyades : « si quelqu'un, damiurge ou damote, tente d'abolir

la loi, qu'il tombe sous le coup de l'imprécation », [at δέ κά τις]τον νόμον. . . ή δαμιοργ[έων] | [ή δαμοτευό [μένος κατα]λύσαι, έν τα άρα]ιέστω...]3 : une fois de plus les damiurges sont opposés aux autrescitoyens. En quoi s'en distinguaient-ils ?

Δαμοτεύεσθαι équivaut à ιδιωτεύειν ; δημιουργεΐν est employé parPlaton comme synonyme α'άρχειν4. Nos deux textes opposent donccertainement aux ιδιώται les άρχοντες, les magistrats en excerciceaux simples particuliers : « les deux textes sont ainsi parfaitementintelligibles ; et rien ne permet de conclure à l'existence de magis-

(1) La question est bien étudiée par C. Vatin, «Damiurges et épidamiurges àDelphes», BCH 85 (1961), p. 236-255; je reprends ici l'essentiel de ses conclusions.Voir aussi L. H. Jeffery, « Demiourgoi in the archaic period », Mélanges Guarducci,Arch. Class. 25-26 (1973-1974), p. 319-330; F. Bader, Les composés grecs du type dedemiourgos (1965).

(2) G. Roux, « La consultation solennelle des Labyades », RA 1973, p. 59-78 ;C. Vatin, /./., p. 237-238.

(3) FD, III 1, 294, VI, l. 3-4 ; Th . Homolle, « La loi de Cadys sur le prêt à intérêt »,BCH 50 (1926), p. 3-106 ; F. Salviat, dans F. Salviat et C. Vatin, Inscriptions de Grècecentrale, p. 35-43.

(4) Th. Homolle, BCH 50 (1926), p. 72 ; C. Vatin, BCH 85 (1961), p. 23 7 n. 6.

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DELPHES RECHUTE DE NOUVEAUX CITOYENS 63

trats portant le nom spécifique de damiurges à Delphes au débutdu ive siècle »x .

Mais une question se pose : l'accès aux fonctions publiques, aux

sacerdoces, était-il à cette époque démocratiquement ouvert àtous ? N'importe quel particulier, δαμοτευόμενος, pouvait-il setrouver un jour δαμιοργέων, en charge d'une magistrature, ouétait-ce au contraire le privilège réservé à une catégorie decitoyens de plein droit, les damiurges justement ?

Telle était la situation au Ier siècle de notre ère, comme nousl'apprend un décret fort intéressant. Delphes se dépeuplait alorsde façon si alarmante que le proconsul d'Achaïe, Gallion, frèreaîné de Sénèque, en avertissait en l'an 51-52 l'empereur Claude2,et celui-ci enjoignait au successeur de Gallion d'inviter les habitants

d'autres villes de sa province à venir s'établir à Delphes pour endevenir citoyens. Les Delphiens eux-mêmes s'efforçaient derecruter de nouveaux concitoyens, de préférence parmi les genscultivés, riches et « bien nés », capables de donner du lustre à lacité et surtout d'assumer à leurs frais la charge des magistratureset des sacerdoces : c'est dans ces conditions probablement quePlutarque, citoyen de Chéronée, devint citoyen de Delphes et putexercer « durant de nombreuses pythiades » la prêtrise d'Apollonréservée aux Delphiens3. Notre décret se situe dans ce contextehistorique. Il confère le droit de cité à un certain Télésagoros, filsd'Archôn, habitant la ville phocidienne d'Abae4 : c'était certain

ementn homme de bonne bourgeoisie puisqu'un noble Delphien,Diodore, fils d'Oreste, l'a «jugé digne de devenir Delphien etd'épouser sa fille Eutéleia ». Télésagoros a informé par lettreDiodore qu'il acceptait le second de ces honneurs ; quant au premier, il dépendait des Delphiens de le lui conférer. Mais pouvaient-ils le refuser à un personnage que Diodore estimait au point delui donner sa fille après l'avoir dotée « de tout »5 ? C'était, pourDelphes appauvrie en hommes et en argent, une bonne recrue.

(1) C. Vatin, l.L, p. 238. Je souscris entièrement à cette conclusion.(2) A. Plassart, REG 80 (1967), p. 372-379 ; FD, III 4, 286, commentaire p. 30-32.(3) Plutarque, prêtre d'Apollon et épimélète des Amphictions, jouissait de la

double citoyenneté de Delphes et de Chéronée : c'est pourquoi son hermès, consacréà Delphes sur l'ordre des Amphictions (Syll.3, 84 3 A), est offert conjointement parles Delphiens et les Chéronécns : G. Roux, Delphes, p. 56 n. 1, et pi . XIII, 24;J. Pouilloux, FD, III 4, commentaire à 472, p. 151-154.

(4) SEG, II, 294; C. Vatin, BCH 85 (1961), p. 23 9 sq . (décret reproduit p. 23 9n. 11) ; Institut F. Courby, Nouveau choix d'inscriptions grecques (1971), nos 13 et 14 .

(5) L. 7 : Διόδωρου πάντα παρεσχομένου τηι Εύτελήα. Cette clause laisse entendreque la classe des damiurges était, une classe censitaire : Diodore a doté Eutéleia de« tout » (le nécessaire), de telle façon que le revenu du jeune ménage soit égal à celuique l'on exige d'un damiurge.

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64 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Aussi, sous l'archontat de Lysimachos, les Delphiens, « vu queDiodore a donné à Eutéleia tout (le nécessaire) et qu'il a jugéTélésagoros, fils d'Archôn, digne d'être le mari de sa propre fille »,

décident de conférer à ce dernier le droit de cité, mais, comme ils'agit du futur gendre d'une haute personnalité, « pas le droit decité ordinaire tel que les Delphiens le confèrent le plus courammentux autres personnes avec la proxénie ou à titre honorifique.Que (Télésagoros) soit damiurge et accède à toute magistrature età tout sacerdoce auxquels ont accès les nobles de Delphes ». Il y adonc à cette époque dans la cité deux classes de citoyens : ceuxqui possèdent la κοινή πολιτεία, le droit de cité commun, et lesdamiurges qui seuls jouissent de la totalité des droits civiques etpeuvent remplir les charges officielles et les sacerdoces réservés

aux ευγενείς, aux « bien nés ». Télésagoros entre naturellement dansla classe privilégiée à laquelle appartiennent Diodore et Eutéleia :faveur aussi flatteuse pour le nouveau citoyen que profitable àla cité qui l'accueillait.

Cette division du corps civique en deux classes, telle que l'attestele décret du Ier siècle, existait-elle au ive siècle ? Ni le règlementdes Labyades, ni la loi de Cadys, ne sont explicites à cet égard.Toutefois divers indices me laissent présumer que dès le ive siècleles damiurges représentaient une classe de citoyens privilégiés.

Notons d'abord qu'une telle organisation du corps civique estconnue dans d'autres cités dès le vie siècle avant notre ère. Une

petite ville d'Élide, Chaladra, confère le droit de cité à un certainDeucalion en des termes qui annoncent curieusement ceux dudécret delphique en l'honneur de Télésagoros, sept siècles plus tard1 :Χαλάδριον εμεν αύτον και γόνον Γισοπρόξενον ^ισοδαμιοργόν, « qu'ilsoit citoyen de Chaladra, lui et sa postérité, à égalité de droitavec les proxènes et les damiurges ». Deucalion ne sera donc pasun citoyen honoris causa : il n'en portera pas seulement le titre,comme un proxène ; il en aura tous les privilèges, comme undamiurge. Seul le damiurge est citoyen à part entière, comme lesont dans d'autres cités oligarchiques, Marseille, Téos, par

exemple, les privilégiés que l'on désigne du nom révélateur deτιμοΰχοι, « ceux qui détiennent les honneurs ». Or un passage de1 Ion d'Euripide (v. 416) montre que dès le ve siècle, à Delphes,une catégorie de citoyens nobles se réservait l'apanage de certainssacerdoces. A Xouthos qui lui demande : « Qui remplit les fonctionsde prophète du dieu ? » (τίς προφητεύει θεοΰ ;), Ion répond : « pourl'extérieur c'est moi ; pour l'intérieur, d'autres s'en occupent, quise tiennent près du trépied, ô étranger, fleur de la noblesse del-

(1) Cité et commenté par C. Vatin, /./., p. 241.

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UNE TENDANCE OLIGARCHIQUE 65

phique, désignés par le tirage au sort »x . La Δελφών άριστη duve siècle où se recrute par tirage au sort — sur une liste évidemmentétablie άριστίνδην — une partie du personnel de l'oracle (ici lesHosioï) correspond à la classe des ευγενείς qui, au Ier siècle, avaitseule accès à toutes les ίεροσύναι.

Il en est de même, au ive siècle, pour certaines magistratures.Les onze juges de la loi de Cadys sont pris sur une liste préalablede cent citoyens : « Ce système de recrutement fait apparaître dansles institutions de Delphes une nette tendance oligarchique »2.La convention Delphes-Pellana prévoit de même l'institution d'untribunal restreint : « C'est une tradition aristocratique qui est icisuivie » ; il est de plus spécifié que les témoins ne comparaîtrontque le jour de l'audience, nouveau trait de conservatisme3. Oligar

chiques également sont les attributions judiciaires de la Boula,ce corps restreint de quinze citoyens en charge durant six mois4 ;oligarchique aussi, ainsi que le remarque Busolt, l'usage d'appeler« prytanes » les premiers magistrats de la cité, que les régimesdémocratiques appellent de préférence « archontes »5. Tous cesindices convergents me laissent au moins présumer, sans qu'il soitpossible d'en administrer la preuve, que l'organisation du corpscivique n'avait pas fondamentalement varié entre le ive siècleavant et le Ier siècle après J.-C, et que les damiurges nommés dansle règlement des Labyades et la loi de Cadys formaient, commedans la petite cité éléenne des Chaladriens, la classe des citoyensde plein droit. Quelle était en ce cas l'étendue de leurs privilèges ?Aucun document ne permet d'en juger. Mais il est vraisemblableque les plus hauts magistrats de la cité, comme les prytanes, lesbouleutes, les prêtres d'Apollon, les Hosioï, se recrutaient exclusivement dans leurs rangs. Il est également probable que le corpscivique de Delphes était réparti en trois tribus. Je reviendrai surce point un peu plus loin6.

2) L' Assemblée du peuple, ou Ecclésia des Delphiens.

A Delphes, comme dans beaucoup d'autres cités grecques,l'Assemblée du peuple fut d'abord dénommée Yagora, termearchaïque formé sur la même racine que le verbe άγείρω, « rassem-

(1) J'ai étudié ls i signification de ce passage et le rôle des prophètes dans monDelphes, p. 56-59.

(2) F. Salviat, dans F. Salviat et C. Vatin, Inscriptions de Grèce centrale, p. 59 .(3) F. Salviat, dans une étude à paraître sur la convention Delphes-Pellana.(4) Ci-après p. 72 sq .

■(5) Busolt, Gr. Slaatskunde, I, 365; 508-509.(61 Ci-après p. 86-87.

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66 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

bler »x . Mais dès l'époque classique cette appellation était tombéeen désuétude ; elle ne survivait plus que dans le formulaire stéréotypé des intitulés de décrets (εδοξε τψ πόλει εν άγοράι τελείωί.).

L'Assemblée du peuple s'appela désormais Ecclésia. Ce point a étédémontré par L. Lerat, dont je résume ici l'argumentation2.

La plus ancienne mention de l'Ecclésia delphique apparaît dansles comptes de l'Assemblée elle-même et de la Boula. Il y est dit(20, 50 sq.) que les prytanes sortant de charge sous l'archontat dePleistôn (vers 322-321) remettent une somme d'argent à leurssuccesseurs, les prytanes en fonction sous l'archontat d'Évarchidas(vers 321-320), lesquels reconnaissent officiellement avoir reçu ledépôt εν τα εκκλησία!, των Δελφών (20, 59). Il ne peut s'agir ici de« l'Assemblée des Amphictions réunie à Delphes », comme le sou

tenait Bourguet3, faute d'avoir compris la nature véritable ducompte. Dans ce compte de Delphes, concernant des magistratsde Delphes, l'assemblée prise à témoin d'une opération de comptabilitétrictement delphique est assurément, comme le déclare letexte, « l'Ecclésia des Delphiens ».

Un décret de cette Assemblée, gravé sur les murs du trésor deThèbes au me siècle avant J.-C, prouve clairement qu'entre lestermes « Ecclésia » et « agora » existe non pas une différence de sens,mais une différence d'usage4. L'inscription relate un conflit quiopposa la cité de Thèbes à un citoyen de Delphes, un certainGratôn. Celui-ci mettait à la disposition de Thèbes, à titre onéreux

ou à titre gratuit, on ne sait, un bâtiment dit « maison des Thé-bains » où la cité béotienne logeait probablement son personnelamphictionique et ses pèlerins durant leurs séjours à Delphes. Orsoudain, pour une raison inconnue, Cratôn refuse aux Thébainsl'usage de sa maison. Mécontents, ceux-ci envoient des ambassadeurs Delphes pour se plaindre, et la cité invite Cratôn à venirs'expliquer εις την έκκλησίαν : « c'est évidemment devant l'assembléee la ville (et non devant l'assemblée des Amphictions, commele soutenait Bourguet) que les Thébains présentent leur plainte etCratôn sa justification. Si, pour une raison ou pour une autre,

l'affaire avait dû être évoquée devant l'Amphictionie, point n'étaitbesoin d'une ambassade : les hiéromnémons béotiens s'en seraientchargés. Notons enfin que la voix moyenne du verbe (άνακαλεσαμένων

(1) R. Martin, Recherches sur Vagora grecque, p. 18-19.(2) L. Lerat, « Une loi de Delphes sur les devoirs des enfants envers leurs parents »,

Rev. Phil. 1943, p. 62-86, en particulier p. 70-79.(3) Adm. fin., p. 59 ; FD, III 5, p. 93 . Sur la signification financière de ce passage,

cf. ci-après p. 78-80.(4) FD, III 1, 358.

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l'assemblée légale 67

άμών (αυτόν) εις τήν έκκλησίαν) est à elle seule probante : άνακαλεΐσθαιsignifie convoquer devant soi »1.

Or, en tête de ce même décret de Delphes déclarant que Gratôna été convoqué « devant l'Ecclésia », figure l'intitulé habituel :εδοξε ται πόλει έν άγοραι τελείωι σύμ ψάφοις ταΐς έννόμοις, « il aété décrété par la cité de Delphes, réunie en agora régulière, avecle nombre de votes prescrits par la loi ». Il en est ainsi dans tousles décrets, qui deviennent nombreux à partir de 175 avant J.-G.environ, où se lisent simultanément les noms de Yagora et deVEcclésia : le premier terme figure exclusivement dans les formulesfigées des intitulés, le second dans les considérants, rédigés enlangage usuel. « La conclusion s'impose aussitôt : il n'y a entre lesdeux noms que la différence qui sépare une expression vivante d'un

archaïsme conservé dans un formulaire stéréotypé »2. Il ne fautdonc plus parler de « l'agora » de Delphes au ive siècle — ce seraitun archaïsme — mais seulement de son Ecclésia, nom véritablede son Assemblée du peuple.

Gomme dans toutes les cités grecques, l'Ecclésia tient à Delphesdes séances ordinaires, aux dates fixées par la loi, et, quand lescirconstances l'exigent, des séances extraordinaires.

L'assemblée ordinaire est dite « assemblée légale », έννομοςεκκλησία. Elle correspond à la νόμιμος εκκλησία, ou à la κυρία εκκλησία,des Athéniens. Elle est mentionnée pour la première fois dans undécret de 171-170, sous l'archontat de Menés3. Le décret relatifaux donations attalides nous apprend en outre qu'elle étaitmensuelle4. On sait qu'Attale II avait fait don à la cité de deuxsommes, l'une de 18 000 drachmes d'Alexandre, l'autre de 3 000drachmes, dont les intérêts devaient servir à payer les professeursdes écoles de Delphes et à couvrir les frais de la fête instituée parles Delphiens en l'honneur du généreux donateur, les Attaleia.Afin de gérer les fonds et d'en percevoir les intérêts, l'Assembléedécide de créer un collège de trois épimélétes dont les noms serontenregistrés chaque année par les « archontes » έν τώι μηνί, Ποιτροπίωι,έν τδα έννόμωι έκκλησίαι, « au mois de Poïtropios, lors de l'assemblée

légale » (1 . 36-37). Il est donc probable qu'une « assemblée légale »se tenait chaque mois. Notons qu'une fois de plus, dans ce décret, àYEcclésia mentionnée dans les considérants, correspond dans l'intitulé agora : εδοξε τα ι πόλει των Δελφών έν άγοραι τελείωι σύμ ψάφοις ταΐςέννόμοις. Il s'ensuit, comme le souligne L. Lerat, que αγορά τέλειος

(1) L. Lerat, /./., p. 72 .(2) L. Lerat, I.I., p. 74 .(3) GDI, 2611 ; G. Daux, Chronologie delphique, L 28 (prêtrise III).(4) G. Daux, Delphes au IIe et au Ier s., p. 688, l. 36-37 ; L. Lerat, l.L, p. 74 .

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68 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

n'est autre que l'appellation archaïque de Γεννομος εκκλησία.L'équivalence est prouvée par la substitution insolite, dans l'intitulé du décret GDI 2611, de l'expression moderne à la formule

archaïque : εδοξε ται πόλε των Δελφών εν έννόμωι εκκλησία!, σύμψάφοις ταϊς έννόμοις : « on a ainsi l'impression que le terme vivants'est imposé au rédacteur en quelque sorte malgré lui au lieu de lalocution désuète. Ce n'est pas l'institution qui a évolué, mais lelangage »1.

En cas de nécessité, l'Assemblée se réunissait, dans l'intervalledes sessions mensuelles ordinaires, en session extraordinaire : c'étaitalors une « assemblée convoquée », πρόσκλητος εκκλησία. La formulen'est attestée à ma connaissance que dans des décrets d'époqueimpériale2. Mais il va de soi que de telles assemblées ont existé dès

une époque ancienne : en tous temps, des événements imprévusexigent d'une cité des décisions urgentes ; il faut bien réunir aumoment voulu une assemblée extraordinaire, une « assembléeconvoquée », qui puisse en décider.

Les inscriptions de Delphes nous apprennent encore quel'Assemblée ne pouvait délibérer valablement que si elle réunissaitun nombre minimum de participants. L'existence de ce quorum estattestée au ive siècle par la formule précisant que le décret a étévoté σύμ ψάφωι ται νικεούσαι3, littéralement « avec le vote quil'emporte », ou [σύμ ψάφωι, τα έννό]μωι τα ι νικεούσαι4, « avec levote qui, selon la loi, l'emporte ». Aux siècles suivants, la formuleau singulier est toujours remplacée par la formule au pluriel,σύμ ψάφοις ταΐς έννόμοις, « avec le nombre de votes requis par laloi ». Gomme l'observe L. Lerat5, ces expressions ne peuvent désigner un vote acquis simplement à la majorité des présents, puisquele vote qui l'emporte est obligatoirement le vote majoritaire. Cetteindication serait donc superflue si elle ne signifiait que la décisiona été prise par la majorité d'une assemblée comportant le nombrede présents requis par la loi.

Trois décrets seulement nous ont conservé le chiffre des votesqui leur ont donné force de loi : la loi de Cadys (début du ive s.),

votée par 454 voix ; la convention Delphes-Skiathos (fin duive s.), votée par «400 voix et plus » ; la loi sur les devoirs envers

(1) L. Lerat, l.L, p. 75 .(2) FD, III 4, 47,4 (Trajan); 61, 1 («dernier quart du Ier s. ap. J.-C. ») ; 63,2

(ne s. ap. J.-C), etc.(3) Syll.3, 265.(4) FD, III 4, 28 .(5) /./., p. 76 .

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LA QUESTION DU QUORUM 69

les parents, votée par 353 voix1. De ces chiffres, on ne peut déduirequ'une conclusion sûre : le quorum de l'Assemblée delphique étaitau maximum de (352 X 2) + voix = 705 présents. S'il avait été

plus élevé, la loi sur les devoirs envers les parents n'aurait pu êtrevotée par 353 voix seulement. En revanche, il est difficile, à partirde ces trois chiffres, de déterminer mathématiquement un quorumminimum. En effet, le quorum d'une assemblée, souvent fixé à dateancienne et conservé tel quel par respect d'une tradition ancestrale,se trouve parfois sans rapport avec les effectifs de cette assembléeà une époque plus récente. On le voit par exemple à Magnésie duMéandre, où trois décrets d'époque hellénistique sont votés respectivement par 2113, 3580 et 4678 voix, alors que le quorum estde 600 voix seulement2. Toutefois, dans le cas de Delphes, il me

paraît possible de proposer un chiffre au moins vraisemblable.L'assemblée de la phratrie des Labyades ne peut voter valablementn règlement important concernant certaines cérémonies relatives à l'état civil que si son άλία rassemble au moins 101 votants3.Le quorum de l'Assemblée de Delphes devait être nécessairementsupérieur à celui de l'assemblée d'une simple phratrie, donc à 101.Or je suis frappé par la formulation bizarre du nombre des votesfavorables dans la convention Delphes-Skiathos : « 400 voix etplus ». Pourquoi n'a-t-on pas inscrit dans ce décret, comme dansles deux autres, le chiffre exact des votes favorables ? Pour unDelphien, une telle précision était évidemment superflue. Le point

essentiel, garantissant la validité du décret, c'est qu'il avait étéadopté par un nombre de votes favorables supérieur à 400. Cechiffre ne peut indiquer qu'une limite légale, le nombre minimumde votants requis par la constitution, le quorum : 400 votants. Ils'ensuit que le nombre minimum de votes favorables en dessousduquel aucune loi ne peut être adoptée, « le vote qui l'emporte »,ά ψάφος ά νικέουσα, était de (400 : 2) + , soit 201 à Delphes, contre301 à Magnésie du Méandre. Adoptée par « 400 voix et plus »,la convention a donc recueilli un nombre de votes favorablessupérieur au chiffre du quorum légal. Ce qui revient à dire que

l'assemblée réunissait ce jour-là plus de présents que ne l'exigeaitla loi, donc qu'elle pouvait valablement délibérer.

(1) Loi de Cadys : cf. p. 62, n. 3 ; convention Delphes-Skiathos : CID, I, 13 ;lo i sur les devoirs des enfants envers les parents : L. Lerat, l.L, p. 62 sq . Le nombrede votes favorables était également indiqué dans le décret sur l'or et l'argent : FD,III 1, 29 5 (relu par F. Salviat, dans Salviat-Vatin, Inscriptions de Grèce centrale,p. 52 n. 1) ; on ne lit plus qu'une partie du chiffre [ ] τετρωκοντα [ ].

(2) L. Lerat, l.L, p. 78 .(3) CID, I, 9 Β, l. 9-10.

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70 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

Mais la formule « 400 voix et plus » ne nous indique pas seulementle nombre minimum de voix nécessaires à l'adoption d'un décret :elle nous révèle aussi le nombre maximum de personnes qui pou

vaient être membres de l'Ecclésia de Delphes au ive siècle. Eneffet, puisque la mention « 400 voix et plus » indiquait à elle seule,et sans qu'il soit besoin de préciser le nombre des votants, qu'undécret avait recueilli la majorité des voix, il s'ensuit qu'il suffisaitde recueillir plus de 400 voix pour obtenir la majorité et que, parconséquent, le nombre total des membres de l'Assemblée nepouvait en aucun cas excéder 400x2 = 800 personnes. L'Ecclésiadelphique au ive siècle était vraisemblablement une assembléenumériquement limitée, comme le furent pour un temps dansAthènes les Assemblées des Quatre-Cents ou des Trois Mille,

institution typique d'un régime oligarchique réservant le droit devote à une classe de privilégiés. Qui pouvaient-ils être, ces maîtresdu pouvoir législatif, sinon les « bien nés », les damiurges ? Surce point encore il semble bien que Delphes, au ive siècle, ait possédédes institutions très proches, pour l'essentiel, de celles qu'elle devaitconnaître à l'époque impériale.

Où cette Assemblée tenait-elle ses séances ? Très probablement,à l'origine, sur l'esplanade sise au Sud-Est du grand mur polygonal,entre le Bouleutérion à l'Ouest et le Prytanée à l'Est, qu'on appelaiten raison de sa forme circulaire άλως, «l'aire». R. Martin a reconnudans ce ίερος κύκλος la primitive « agora » de Delphes1, lieu d'assemb

léee type homérique où le peuple delphien tint ses réunionsjusqu'au ne siècle avant J.-C, à l'époque où les subsides des roisde Pergame lui permirent d'achever son théâtre. Bien qu'aucundocument ne l'atteste, il est au moins vraisemblable que l'Ecclésiadelphique se transporta dans cet édifice plus confortable, mieuxadapté que « l'aire » aux besoins d'une assemblée délibérante,comme l'avait fait à la fin du ive siècle l'Ecclésia d'Athènes enabandonnant la vieille Pnyx pour les gradins en marbre duthéâtre de Lycurgue.

Les attributions de l'Assemblée du peuple nous sont mal

connues. Sur ce point comme sur bien d'autres, la perte de laConstitution de Delphes d'Aristote est irréparable. Assembléelégislative, elle vote des lois (τεθμοί)^β3 décrets (ψηφίσματα), accordedes proxénies, vote des honneurs aux bienfaiteurs de la ville. Elleprocède à l'élection de certains magistrats d'exception, commissairesux blés, épimélètes des donations attalides, qu'elle choisitsur une liste proposée par le peuple (ο ί πολλοί). Dans les comptes

(1) R. Martin, Recherches sur V agora grecque, p. 239-240 ; G. Roux, Delphes, pi . XXV,44 , et p. 230. Sur le théâtre, G. Roux, ibid., p. 177 n. 1.

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DE L ASSEMBLEE AU CONSEIL 71

du ive siècle, elle n'est nommée explicitement qu'une fois, dansle compte 20 (1 . 58-60), comme témoin d'un transfert de fondsopéré par les prytanes de Pleistôn (vers 322-321) au profit de leurs

successeurs, les prytanes d'Évarchidas. Mais le rôle importantqu'elle joua tout au long de la reconstruction du temple n'enapparaît pas moins clairement. Tout le compte 19 et le compte 20jusqu'à l'archontat de Charixénos le prouvent : c'est l'Ecclésia quifait verser aux naopes, par la Boula, soit au cours de la séancemensuelle ordinaire, soit au cours des épiménies1, les sommesprélevées sur la contribution particulière des Delphiens. Lorsqu'auprintemps de 325, sous l'archontat de Charixénos, furent apurésles comptes de cette contribution établis par la Boula, les quinzebouleutes étaient accompagnés par treize « commissaires élus par

la cité », προαφετοί υπό τας πόλιος μετά τας βούλας (20, 26-29). Nuldoute que cette commission de contrôle n'ait été choisie parl'Ecclésia pour la représenter à la séance de vérification.

3) Le Conseil de Delphes, ou Boula.

On ne peut comprendre le mécanisme des comptabilités amphic-tionique et delphique, la façon dont elles s'harmonisaient, si l'onne possède une vue claire de la composition et des attributions duConseil de Delphes. Par chance, nous avons conservé intactes

deux grandes stèles de calcaire (19 et 20) sur lesquelles le Conseilinscrivit durant près d'un demi-siècle la comptabilité des fondsque Delphes versait aux naopes, en plus de sa contribution amphic-tionique, comme contribution particulière : ces documents exceptionnels nous renseignent sur la composition du Conseil et sur sesattributions financières dans le domaine de la reconstruction dutemple. D'autre part, quelques inscriptions nous font voir leConseil dans l'exercice de ses fonctions judiciaires. Nous leconnaissons donc mieux, ou moins mal, que l'Assemblée desDelphiens.

Les pages écrites sur ce sujet par É. Bourguet demandent

d'importantes rectifications2. Selon lui, le Conseil de Delphes seserait annuellement composé de quarante membres ainsi répartis :huit prytanes, en fonction durant les deux semestres de l'année etformant la « commission financière » du Conseil ; trente bouleuteset deux secrétaires, répartis en deux sections de seize membresassurant chacune la « permanence » du Conseil durant un semestre

(1) Cf. ci-après p. 119, 183-184.(2) Adm. fin., p. 44 sq. ; G. Roux, * Les prytanes de Delphes», BCH 94 (1970),

p. 117-132, passim.

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72 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

seulement. En somme, le Conseil « actif » se serait composé au coursde chaque semestre de vingt-quatre personnes en service : huitprytanes (les mêmes durant douze mois) et seize bouleutes dont le

secrétaire (changeant tous les six mois). Cela revient à dire queseuls exerçaient effectivement leur charge durant un semestre lestrois cinquièmes des conseillers. Quant aux deux autres cinquièmes,ils demeuraient inexplicablement tenus dans une sorte de réservedont ils ne sortaient même pas, semble-t-il, lors des affaires lesplus graves qui engageaient la responsabilité du Conseil tout entier.

J'avais déjà noté qu'une telle assemblée, disparate dans sonrecrutement, insolite dans son fonctionnement, sans analogie dansles institutions d'aucune autre cité grecque, rendait impossibletoute explication logique et cohérente des comptes delphiques.

En réalité, ni les prytanes, ni le personnage appelé dans le compte20 γραμματεύων ται βουλαι, « secrétaire pour la Boula », ne fontpartie du Conseil. Celui-ci était une assemblée semestrielle dequinze membres : c'est ce qu'il faut montrer maintenant.

La fonction de bouleute était limitée à un semestre. A partirdu 11e siècle avant J.-C, les inscriptions précisent le semestredurant lequel les bouleutes étaient en fonction : βουλευόντων ταν πρώ-ταν (ou ταν δευτέραν) έξάμηνον1. On ne trouve aucun exemple de cetteformule dans les comptes et les décrets du ive siècle, mais onconstate que les bouleutes changent d'un semestre à l'autre. Souschaque archontat, annuel, il y a donc deux collèges successifs debouleutes, semestriels. A partir du Ier siècle seulement, le mandatde bouleute devient annuel.

Le nombre total des bouleutes qui composaient le Conseilsemestriel se déduit de la partie du compte 20 postérieure à l'ar-chontat de Charixénos (326-325). Avant cette date, c'est laπόλις των Δελφών, la cité de Delphes, c'est-à-dire son Ecclésia, qui,sur ordre écrit des naopes2, ordonne à la Boula, représentée pardeux, trois ou cinq bouleutes seulement, de verser aux naopes lacontribution demandée. A partir de l'archontat de Charixénos, onadopte un autre système : désormais la Boula — et non plus

l'Ecclésia — verse aux deux naopes delphiens — et non plus auxnaopes de permanence — une somme forfaitaire de trente mines,que ceux-ci transmettent évidemment à leurs collègues. La formule« έδωκε ά πόλις των Δελφών » est remplacée par « άπέδωκε ά βούλατοί περί » que suivent les noms des bouleutes. De l'archontat deCharixénos (326-325) à celui de Maimalos (date incertaine : 309-

(1) G. Daux, Delphes au IIe el au Ier s., p. 427-430 (où sont encore admises les idéesd'É. Bourguet sur la composition de la Boula).

(2) Cf. ci-après p. 118.

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UN CONSEIL SEMESTRIEL DE QUINZE MEMBRES 73

308 au plus tard) sont mentionnées sept listes (20, 20 sq.) : sousGharixénos, Éribas (nom omis dans le compte), Ménaichmos(semestre d'automne) et Maimalos, elles comprennent quinze noms.Il n'y en a que quatorze sous Ménaichmos (semestre de printemps)et sous Gléoboulos (deux listes du même semestre, non précisé),probablement parce qu'à la suite d'une maladie, d'un voyage oud'un décès, un bouleute était absent : seuls en effet sont nommésles bouleutes présents lors de l'opération mentionnée dans lecompte. Ils en garantissent la régularité et en endossent personnellementa responsabilité. Le chiffre de quatorze bouleutes peut êtretenu pour la conséquence d'un événement fortuit. C'est le chiffrede quinze qui doit être retenu.

Une autre question se pose alors : ces quinze bouleutes forment-

ils à eux seuls la Boula entière, ou n'en sont-ils qu'une délégationchargée par elle d'effectuer un paiement en son nom ? Le compte 20nous fournit une fois de plus la réponse. La liste des quinzebouleutes présents lors de la séance de vérification des comptessous Charixénos prouve que la Boula, au ive siècle au moins, necomptait pas plus de quinze membres par semestre.

On sait que les Delphiens, les Amphictions et les autres Grecsfinancèrent la reconstruction du temple d'Apollon principalementau moyen de trois sortes de contributions : les dons volontaires descités et des particuliers (έπαρχου), la capitation (ou impôt par tête)exceptionnellement levée sur les douze peuples de l'Amphictionie(έπικέφαλος όβολός), enfin une contribution particulière imposée auxDelphiens — comme cela avait déjà été fait pour la reconstructiondu temple au vie siècle — en leur qualité de propriétaires dusanctuaire pythique. Comme nous le verrons avec plus de détailpar la suite1, la gestion de cette contribution delphique futconfiée au Conseil, et c'est précisément sa comptabilité que nousont conservée les deux grandes stèles 19 et 20. Pendant unetrentaine d'années, le Conseil verse régulièrement aux naopes lescontributions de la cité. Puis soudain, sous l'archontat d'Aristo-nymos (341-340), à la session d'automne, alors que le Conseil

dispose encore d'un crédit de 10 talents, 35 mines, 8 statères et3 oboles et demie, les versements sont interrompus (20, 12-19).Pourquoi ? Probablement parce qu'à cette époque la lourdeamende annuelle payée par les Phocidiens vaincus suffit à couvrirles dépenses. Mais quatorze années plus tard, les Phocidiens enpartie pardonnes ne paient plus qu'une amende réduite et sontsur le point d'en être totalement exemptés. Il faut donc reveniraux ressources traditionnelles. L'Amphictionie décide d'utiliser à

(1) Cf. ci-après p. 138, 172 sq.

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74 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

nouveau le reliquat de la contribution des Delphiens, « gelé » dansles caisses du Conseil depuis l'automne 341, et probablement depercevoir une tranche supplémentaire de la capitation due par

les cités amphictioniques1. Mais auparavant, au printemps de 325,sous l'archontat de Charixénos, les Amphictions, les naopes, leConseil de Delphes, une commission spéciale de treize représentantschoisis par la cité de Delphes se réunissent en assemblée pourprocéder à une vérification solennelle du compte de Delphes(20, 20 sq.). Le compte rendu de cette séance n'occupe pas moinsde trente lignes sur la stèle. Sont énumérés les vingt-quatrehiéromnémons, les trente et un naopes présents lors de la session,les quinze bouleutes et les treize commissaires de la cité. On notera•— détail qui atteste l'importance administrative de cette opéra

tion— que les noms de tous les Delphiens sont accompagnés deleur patronyme, ce qui est tout à fait exceptionnel dans la comptabilité u Conseil. Trois naopes, un Delphien, un Corinthien, unArgien, président à la vérification ; quatre autres, préposés auxarchives, produisent les pièces justificatives de leur propre comptabilité. erait-il vraisemblable qu'en une occasion aussi solennellele Conseil de Delphes se soit contenté de déléguer sa « permanence en laissant à l'écart non seulement les quinze autres bouleutes et leur secrétaire, mais aussi les huit prytanes qui auraientconstitué, selon É. Bourguet, sa « commission financière » ? S'ilétait une circonstance qui motivât une réunion plénière, c'était

bien cette séance où était contrôlée non pas la comptabilité d'unsemestre, mais la comptabilité complète de la contribution particulière de Delphes depuis l'archontat d'Argilios, trente et un ansplus tôt. On peut donc affirmer avec une quasi-certitude que siquinze bouleutes seulement sont présents lors de la séance devérification sous Charixénos, c'est que la Boula de Delphes necomptait pas plus de quinze membres. Aucun document delphiquene contredit actuellement cette conclusion.

Toutefois, le compte 20 nomme, à la suite des quinze bouleutes,un γραμματεύων τδα βουλαι (1 . 25). É. Bourguet le considérait comme

un seizième bouleute faisant office de secrétaire. C'est un faitqu'à partir du second siècle, quand il devint habituel de mentionnerle secrétaire de la Boula, γραμματεύων βούλας, τοις βούλας, celui-ciest l'un des bouleutes2. Mais s'il en avait été de même en 325,sous l'archontat de Charixénos, si le secrétaire, nommé à part,avait été un seizième bouleute s'ajoutant aux quinze autresprésents à la séance, on ne comprendrait pas pourquoi, en vertu de

(1) Sur toutes ces opérations, cf. ci-après p. 18 2 sq .(2) G. Daux, Delphes au IIe el au Ier s., p. 428-429.

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LE CONSEIL ET SON BOULEUTERION 75

quelle damnatio memoriae, ce seizième bouleute-secrétaire auraitété systématiquement omis dans les listes semestrielles suivantes,qui ne comportent jamais plus de quinze noms. Je ne veux tirer

aucune conclusion du fait que la formule γραμματεύων ται βουλαι,« secrétaire pour la Boula », avec le datif, apparaît seulement dansce passage du compte 20 au lieu de γραμματεύων τάς βούλας,« secrétaire de la Boula », formule habituelle dans les inscriptionsà partir du 11e siècle. Cet endroit du compte est en effet le seul oùsoit mentionné le secrétaire de la Boula au ive siècle. Il est doncimpossible de décider s'il s'agit d'une simple variation de formulaire ans signification particulière ou si l'on entendait marquerpar le datif qu'il s'agissait d'un secrétaire « attribué à la Boula »pour la circonstance. Mais comme les listes semestrielles n'excèdent

jamais quinze noms, il est probable que ce personnage n'étaitqu'un auxiliaire, comme les secrétaires des naopes et des trésoriers,non un membre en titre du Conseil.

Ainsi, le Conseil de Delphes était caractérisé par le petit nombrede ses membres (βουλευταί, άρχοι, άρχοντες2) et par la courte duréede leur mandat. Le premier trait est imputable moins au fait queDelphes était une petite cité qu'à la tendance oligarchique de sesinstitutions. La Gérousia de Sparte ne comptait pas plus de trentemembres, nombre égal à celui des bouleutes que Delphes nommaitchaque année au Conseil, mais en les répartissant sur deux semestres.Cette seconde particularité n'est pas sans exemple : les cités d'Argos

et de Rhodes (jadis colonisée par Argos) avaient elles aussi unConseil semestriel, en charge durant une « hexaménie » seulement3. Comme à Delphes, un nouveau Conseil remplaçait ausecond semestre le Conseil du semestre précédent.

Le Conseil se réunissait dans le Bouleutérion, bâtiment quecertains décrets de proxénie appellent Bouléion (άναγράψαι δε καιτον γραμματέα ταν μεν προξενίαν εν τώί, βουλείωι κα[τ' τον νόμ]ον)4.Il se trouvait εΐσω του ίεροϋ5, en bordure de la voie sacrée, entrele trésor des Athéniens et le rocher dit de la Sibylle6. C'était unesimple salle rectangulaire (13,25 m x 6,50 m environ) d'apparence

(1) F. Salviat, dans Salviat-Vatin, Inscriptions de Grèce centrale, p. 60-61.(2) G. Daux, l.L, p. 42 7 n. 2 ; G. Roux, BCH 94 (1970), p. 128-130.(3) Busolt, Gr. Staatskunde, I, p. 41 9 n. 4 ; 451 n. 5.(4) FD, III 2, 89, l. 15 (début du ne s. avant J.-G.) ; III 3, 383, /. 34 (180-179 ou

179-178 avant J.-C).(5) FD, III 1, 486, I B, l. 9.(6) Plutarque, De Pythiae oraculis, 9 (398 C) ; H. Pomtow, RE Suppl. bd. IV , s.v.

Delphoi, col. 1291-1292 ; É. Bourguet, FD, III 5, p. 245. Voir le plan relevé dans FD,II, Atlas, «relevés exécutés par un groupe d'architectes danois sous la direction deE. Hansen et G. Algreen-Ussing » (1975), plan-clé III, et plan 9.

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76 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

archaïque, dont il ne reste que le soubassement construit en parpaings de pôros friable, appareillés sans scellements. Étant donnéles dénivellations du terrain et l'implantation des monuments

voisins, l'entrée devait se trouver sur le long côté Est, ou , à larigueur, sur le petit côté Sud précédé d'une étroite terrasse. Aproximité de ces pauvres vestiges, qui vont se dégradant un peuplus chaque année, ont été exhumées les deux grandes dalles decalcaire où sont inscrits les comptes du Conseil 19 et 20. Ils étaientdonc affichés, comme on pouvait s'y attendre, à côté du Bouleu-térion.

Le Conseil avait des attributions judiciaires et financières.Tels sont du moins les aspects de son activité qu'illustrent lesinscriptions de Delphes. Trois textes législatifs font état de ses

pouvoirs en matière de justice. Dans la loi de Cadys, le Conseil estchargé de punir les infractions aux dispositions légales : il est tenud'organiser le jugement du coupable dénoncé dans les dix joursqui suivent la dénonciation (col. II, 1. 13-14) ; il confisque lesgages déposés en garantie de la dette dans le cas où le prêteur aconsenti un prêt à une femme sans l'autorisation de son κύριος(col. VI, 1. 10-1 1)1. Aux termes de la convention entre Delphes etPellana, le voleur pris en flagrant délit est conduit enchaîné devantle Conseil, qui le fait incarcérer dans le cas où il est incapable deverser la caution exigée2. C'est encore au Conseil qu'il incombede faire enchaîner et jeter en prison le mauvais fils qui ne rendpas à ses parents les devoirs et les soins prescrits par la loi3. Commela Gérousia de Sparte, et à la différence de la Boulé athénienne,la Boula de Delphes semble donc avoir disposé dans le domainejudiciaire de pouvoirs étendus. C'est là, selon Aristote, un traitdistinctif des constitutions oligarchiques4.

L'activité financière du Conseil n'est plus attestée pour nous quedans les opérations relatives à la reconstruction du temple. C'estlui qui est chargé de tenir les comptes de la contribution particulièredes Delphiens (19 et 20). A la requête des naopes, il paie les entrepreneurs soit directement soit par l'intermédiaire des naopes

eux-mêmes et spécifie dans sa comptabilité l'usage qui a été faitdes sommes reçues. Il est en outre le gardien des fonds de l'Amphic-tionie : ceux-ci en effet sont déposés παρ τδα πόλει των Δελφών.Nous étudierons ces attributions financières avec plus de détail

(1) FD, III 1, 29 4 II, l. 13-14; F. Salviat, dans SaMat-Vatin, Inscriptions de Grècecentrale, p. 58-61. Ci-dessus p. 62 n. 3.

(2) FD, III 1, 486, I B, /. 8-11.(3) L. Lerat, Rev. Phil., 1943, p. 85-86.(4) Aristote, Const. Athènes, XLV ; Busolt, Gr. Staatskunde, II, p. 681 (à propos

des attributions judiciaires de la Gérousia Spartiate) ; C. Hignett. A history of the

Athenian constitution, p. 240-241.

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LES NEUF PRYTANES DE DELPHES 77

quand nous examinerons les comptes eux-mêmes1. Notons seulement pour l'instant que la gestion des fonds sacrés est souventconfiée par les cités grecques à leur Boulé. A Athènes, les ιερά

χρήματα sont déposés au Bouleutérion, et la Boulé exerce uncontrôle très étroit sur la gestion des fonds publics, ainsi que lasurintendance des bâtiments publics qu'elle inspecte ; elle examineles maquettes proposées par les architectes pour les édifices neufs2.Il n'est donc pas étonnant que la Boula delphique ait été la dépositaire et en partie la gestionnaire des fonds consacrés à lareconstruction du temple : c'est une fonction qui lui revenaitnormalement.

4) Les prytanes.

La Boula gérait la contribution particulière des Delphiens,mais non les fonds amphictioniques déposés à Delphes et confiésà sa garde. Toutefois la cité exerçait un droit de regard sur cesfonds, tout d'abord, comme les autres Amphictions, grâce à sesdeux hiéromnémons, mais aussi par l'intermédiaire d'un collègede hauts magistrats delphiens, les prytanes, délégués par elleauprès du Conseil amphictionique3.

Ces prytanes, nous l'avons dit, en dépit de leur homonymie avecles prytanes athéniens, n'ont rien à voir avec la Boula. Ils n'en

sont pas, comme le croyait É. Bourguet, la « commission financière ». Trois faits le prouvent à l'évidence :

1° Les comptes 19 et 20 nous ont conservé les comptes de laBoula pour une période d'un demi-siècle environ. Or, sauf uneexception dont je parlerai tout à l'heure, il n'est jamais questiondes prytanes dans ces comptes, ce qui serait inexplicable si lesprytanes étaient vraiment la commission financière de la Boula.

2° On pourrait objecter, il est vrai, que les prytanes, faisantpartie du Conseil, sont implicitement désignés par les termescollectifs ά πόλις, ά βουλά ; que leur activité s'exerce à l'intérieur

du Conseil, mais que les documents officiels émanent normalement

(1) Cf. ci-après p. 172 sq.(2) Démosthène, Contre Timocrate, 96 : έστιν ύμΐν κύριος νόμος . . . τους έχοντας

τα θ' ιερά και τα όσια χρήματα καταβάλλειν εις τό βουλευτήριον ; Aristote, Const.Athènes, XLV, 2 ; XLIX, 3.

(3) Je reprends ici les termes de mon étude « Les prytanes de Delphes », BCH 94(1970), p. 117-132. Sur le récent article de P. Marchetti, «Les prytanes dans leursfonctions d'agents comptables» [BCH 101 [1977] p. 160-164), je renvoie le lecteur àmes observations publiées ci-après en appendice, p. 243-245.

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78 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

de « la cité » ou du « Conseil » tout entier. Le fait suivant exclutcette interprétation.

Lors de la séance de vérification des comptes qui eut lieu en 325

sous l'archontat de Charixénos (20, 20 sq.), au moment oùl'Amphictionie fit appel à nouveau à la contribution particulièredes Delphiens pour achever la reconstruction du temple, toutesles personnes présentes sont nommées : les vingt-quatre hiéromné-mons, les quinze bouleutes du semestre, les treize délégués de lacité de Delphes, les trente et un naopes. Or, dans cette listenominale, complète, de toutes les personnes présentes le jour oùle Conseil répondait de plus de trente années de gestion financière,quels magistrats sont absents ? Les prytanes, prétendue commission financière du Conseil !

3° L'absence des prytanes en une pareille circonstance suffiraità prouver que ces magistrats n'étaient pas la commission financièredu Conseil. Un troisième fait, rapporté dans le compte 20 confirmecette conclusion.

Le Conseil a donc fait approuver ses comptes par l'assembléeextraordinaire réunie sous Charixénos. Il recommence à verseraux naopes, en les prélevant sur la contribution particulière desDelphiens, les fonds nécessaires à l'achèvement du temple. Maisil effectue ses paiements selon une procédure nouvelle (20, 50-101) :au lieu de verser à l'ensemble des naopes, comme il le faisaitavant 340, des sommes variables, proportionnelles aux dépensesengagées, bref, au lieu de régler des factures à mesure que lesnaopes les lui présentent, le Conseil paie désormais aux deuxnaopes « delphiens » une contribution annuelle forfaitairementfixée à trente mines1. Toutefois, au cours d'une période transitoireentre l'ancien régime et le nouveau, durant deux années consécutives, sous les archontats de Pleistôn et d'Évarchidas, les trentemines, au lieu d'être remises directement aux naopes delphienscomme elles le seront par la suite, sont provisoirement confiéesaux prytanes (20, 51-59). Il est probable, comme le supposait

Bourguet, que ceux-ci avaient mission de verser la somme auxnaopes sitôt que certaines conditions (ignorées de nous) seraientremplies. Or les prytanes en charge sous Pleistôn, parvenus à lafin de leur mandat, possèdent toujours les trente mines. Desraisons que nous ne connaissons pas, mais que nous pouvonsconjecturer avec quelque vraisemblance, les ont empêchés d'effectuere paiement aux naopes avant leur sortie de charge. Quefaire ? Normalement, ils devraient rendre la somme au Conseil,

(1) Cf. ci-après p. 184 sq.

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UNE PERIPETIE ADMINISTRATIVE 79

de qui ils l'ont reçue, et le Conseil la reverser aux prytanes del'année suivante. Mais à quoi bon alourdir la comptabilité enenregistrant deux opérations qui s'annulent ? Les prytanes dePleistôn transmettent donc directement le dépôt à leurs successeurs, es prytanes d'Évarchidas, et, afin de dégager leur responsabilité,ont officiellement constater le transfert par l'Ecclésia deDelphes. Après quoi, nous n'entendons plus parler des trente minesconfiées aux prytanes, sans doute parce qu'ils ont enfin réussi àles verser à leurs destinataires, les naopes delphiens.

Tels sont les faits. Comment les expliquer, dans l'hypothèse oùles prytanes seraient membres du Conseil et, qui plus est, commissioninancière du Conseil ? Il faudrait admettre que le Conseil,ou plutôt, puisqu'il s'agit de finances, sa commission financière,

aurait remis aux prytanes, c'est-à-dire à elle-même, une sommeque lui, Conseil, devait verser à Delphes aux naopes delphiens !Pour quel motif le Conseil retirerait-il trente mines de sa caissepour les confier ensuite à ceux-là mêmes qui, au double titre demembres et de commission financière du Conseil, auraient eu lagarde de ladite caisse ? Devons-nous supposer que les prytanesont durant deux années gardé les trente mines extraites de leurcaisse à leur domicile particulier ? Et pourquoi le Conseil ferait-ilconstater devant l'Assemblée des Delphiens cette opérationmineure — et inutile — de comptabilité interne ? Il est biendifficile de trouver un sens à cet épisode si l'on tient les prytanespour des membres du Conseil.

En réalité, bien que les circonstances qui ont motivé cetteopération financière transitoire nous soient inconnues, l'explicationla plus plausible est qu'il dut se produire entre Delphes et l'Amphic-tionie, lors de la réouverture du compte, quelque désaccord surle choix du nouveau régime de paiement. La vérification de lacomptabilité du Conseil a lieu sous Charixénos à la session duprintemps 325 ; mais le paiement de la contribution forfaitairen'est régulièrement versé aux naopes delphiens que sous l'archon-tat d'Eucritos, c'est-à-dire au plus tôt en 320-319, après un délai

de cinq années. Le premier paiement, confié aux prytanes sousPleistôn (322-321 au plus tôt), reste inemployé durant deuxannées. Cette péripétie administrative fut-elle provoquée par lescontrecoups politiques de la mort d'Alexandre, en 323, ou parde simples difficultés locales ? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en soit,tout se passe comme si Delphes, faute d'avoir abouti à un accordfinancier satisfaisant, refusait de verser aux naopes sa contributionnnuelle, mais acceptait néanmoins de la confier à une tiercepartie jusqu'au règlement du litige. Ainsi la somme n'est plus dansla caisse du Conseil ; elle n'est pas encore dans celle des naopes,

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80 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

donc, les naopes fussent-ils delphiens, dans celle de l'Amphictionie.Elle est déposée dans la caisse des prytanes, le temps qu'intervienneune conciliation entre les points de vue opposés. Or les

prytanes n'auraient pu jouer le rôle d'intermédiaires s'ils avaientété la commission financière du Conseil, c'est-à-dire à la fois jugeset parties. Mais en leur double qualité de Delphiens d'une part,de gestionnaires des finances amphictioniques d'autre part, lesprytanes étaient les magistrats que Delphes et l'Amphictioniedevaient normalement s'accorder à choisir comme dépositairestemporaires, aussi longtemps que n'étaient pas acceptées lesmodalités nouvelles du versement de la contribution delphique.Et c'est naturellement l'Assemblée des Delphiens, propriétaire destrente mines, qui est habilitée à constater officiellement que cette

somme, sortie des caisses du Conseil, mais non encore remise auxnaopes, se trouve temporairement et par mesure d'exceptionconfiée aux prytanes d'Évarchidas.

Résumons-nous : les prytanes ne participent pas à la gestion dela contribution particulière des Delphiens, principale activitéfinancière du Conseil au ive siècle ; ils sont absents lors de laséance solennelle où est contrôlée la gestion financière de ce compte ;ils sont choisis comme dépositaires provisoires d'une somme quele Conseil doit normalement remettre aux naopes. D'une façongénérale, ils ne sont jamais engagés dans une opération financièrequi soit du ressort du Conseil. Aucune inscription de Delphes

n'établit un lien quelconque entre le Conseil et les prytanes. Dansles comptes tels qu'ils nous sont parvenus, le Conseil de Delphesgère exclusivement les comptes delphiques, les prytanes exclusivementes comptes amphictioniques1. Là où intervient le Conseil,il n'est jamais question des prytanes, et réciproquement. Unbouleute exerce sa charge durant six mois, un prytane durant unan . La conclusion s'impose : les prytanes de Delphes n'étaient nila commission financière du Conseil, ni même des membres de ceConseil.

Qui étaient donc ces prytanes (πρυτάνιες, πρυτανεύοντες) qui

participent de façon régulière à l'administration du sanctuairepythique, conjointement géré par la cité de Delphes et parl'Amphictionie ? En quoi consistaient exactement leurs fonctions ?

Le mot prytane désigne principalement en grec deux catégories

(1) II n'est pas absolument exclu, encore que nous n'en possédions aucune preuve,que les prytanes aient exercé des responsabilités financières dans l'administrationdelphique également (P. Marchetti, cité p. 77 n. 3) . Toutefois, étant donné celles quiétaient les leurs dans l'administration amphictionique, un tel cumul de fonctions meparaît fort peu vraisemblable. Cf. ci-après p. 243-245.

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DES MAGISTRATS DELPHIENS ANNUELS 81

de magistrats : soit, comme à Athènes, une section du Conseil, soitle collège des premiers magistrats de l'État, dénommés selon lesrégions archontes, damiurges, prostatai, prytanes. En ce sens, les

prytanes sont connus surtout dans les cités côtières de l'AsieMineure et des îles avoisinantes, mais aussi dans des régions plusoccidentales, à Corcyre, en Illyrie, en Épire, à Rhégion1. L'éponymeest habituellement choisi parmi eux. Je voudrais montrer qu'il enétait de même à Delphes, l'éponyme étant le premier, Γάρχων,d'un collège de neuf prytanes, hauts magistrats de la cité.

Les prytanes sont des magistrats delphiens. Les preuves en sontnombreuses : leur nom n'est jamais suivi d'un ethnique dans lesinscriptions de Delphes ; ils rendent compte de leur activité, lecas échéant, devant l'Assemblée des Delphiens (20, 59) ; enfin ils

figurent parmi les magistrats de Delphes chargés de représenterla cité aux cérémonies officielles qu'elle organise en mémoired'Alcésippos, en l'honneur d'Eumène et d'Attale II2. Leur qualitéde Delphiens est donc certaine.

Leurs fonctions sont annuelles : elles commencent et finissentavec celles de l'archonte éponyme3 ; d'où les expressions τοίπρυτάνι,ες τοί επ ί Πλείστωνος άρχοντος, επί Εύαρχίδα άρχοντος, « les prytanes en fonction sous l'archontat de Pleistôn, sous l'archontatd'Évarchidas » (20, 55, 58). Dans la comptabilité amphictionique,ils sont toujours nommés immédiatement après l'archonte etavant les hiéromnémons. La succession de leurs noms, habituellementuit, ne semble pas fixée par un ordre protocolaire, car ellevarie selon les listes. Un même citoyen pouvait être prytaneplusieurs fois, mais probablement pas au cours de deux annéesconsécutives. C'est du moins ce qui semble ressortir des listes tellesque nous les possédons. On ne voit jamais qu'un même personnage

(1) Busolt, Gr. Staatskunde, I, p. 161 n. 2; 351 ; 356-366; 419-420 et n. 4 ; 451n. 5 ; 504-509 ; II, p. 787. L. Robert, Monnaies grecques d'Asie Mineure, p. 40-41(à propos de Varchiprylane de Milet, Priène, Aigialé d'Amorgos) ; REG 81 (1968),Bull. n. 321 (un prytane monétaire à Apollonia d'Illyrie, époque impériale) ; Helle-nica 10 (1955), p. 283-292 (prytane éponyme d'une cité d'Épire) ; PAE 1952, p. 357-35 9 (SE G 15, 383 ; N. G. L. Hammond, Epirus, p. 655 : prytane éponyme de Cassopéd'Épire) ; S. Annamali et M. Korkuti, Les Illyriens et la genèse des Albanais, p. 92n. 4 (prytane éponyme à Amantia ; cf. L. Robert, Hellenica 11-12, p. 271). Cf. ci-aprèsp. 85-86.

(2) G. Roux, Delphes, p. 203-205 ci-après p. 87 sq.(3) L'année civile de Delphes débutait au mois d'Apellaios, la pylée d'automne

amphictionique seulement dans le courant du mois suivant, en Boucatios (cf. annexe II,p. 235). Il y avait donc un décalage d'un peu plus d'un mois entre l'entrée en chargede l'archonte delphien et le début de l'exercice financier amphictionique, de la « pylée »dont il devait être l'éponyme. D'où une difficulté pour dater les opérations effectuéesdurant le mois d'Apellaios et le début de Boucatios. Cf. ci-après p. 176-179.

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soit prytane dans deux collèges successifs : Tarantinos et Agathyl-los (14 II, 3-4 ; 22, 13), prytanes sous l'archontat de Chairolas(343-342), le sont à nouveau sous Aristonymos (341-340), mais

non sous l'archontat intermédiaire de Peithagoras (342-341).Toutefois, il y a de telles lacunes dans la succession des listes quece point ne peut être tenu pour certain. Bien que cela ne soit ditdans aucun texte, il est probable que les prytanes se recrutaientexclusivement dans la catégorie des citoyens de plein droit, ayantaccès à toutes les magistratures, les damiurges.

Les listes portent habituellement huit noms, jamais plus,rarement moins. Il peut advenir en effet que le collège délègueexceptionnellement une partie de ses membres pour effectuer enson nom une opération financière. Sous l'archontat de Chairolas

par exemple, cinq prytanes seulement assistent à la perceptionde l'amende annuelle payée par les Phocidiens1 ; leurs cinq nomssont transcrits sur le reçu d'Élatée : Tarantinos, Agathyllos,Thyméas, Théon, Étymondas. Mais les inscriptions de Delphespour l'année correspondante énumèrent comme d'habitude huitnoms : aux cinq précédents elles ajoutent Énéas, Épias et Me[ ].Il semblerait donc que nous puissions suivre Bourguet et fixer àhuit le nombre des prytanes. Toutefois, une phrase de Pausanias,dont la valeur documentaire ne saurait être sous-estimée, montreà mon avis qu'à Delphes, comme dans la plupart des autres citéspossédant un collège de prytanes, l'éponyme faisait partie de ce

collège, et que Γάρχων n'était autre que le neuvième prytane, ouplutôt le premier d'un collège de neuf.

Examinons cette phrase de Pausanias (X, 2, 3), trop peuconsidérée jusqu'ici. Il importe de la citer en entier : την δε τωνΔελφών κατάληψί,ν έποιήσαντο οι Φωκεΐς, Ηρακλείου (Ήρακλείδου,codd.) μέν πρυτανεύοντος εν Δελφοΐς και 'Αγαθοκλέους Άθήνησιν άρχοντος,τετάρτων δ' έτει πέμπτης Ολυμπιάδος επ ί ταΐς εκατόν, ην Πρώρος ένικαΚυρηναΐος στάδιον, « les Phocidiens s'emparèrent de Delphes alorsqu'Héracleios était prytane à Delphes, Agathoclès archonte àAthènes, la quatrième année de la cent cinquième olympiade,

lorsque Prôros de Cyrène fut victorieux dans le stade ».On ne saurait souhaiter plus grande précision. L'occupation deDelphes par les Phocidiens en 356 est datée par le synchronismede quatre chronologies : « prytane » éponyme de Delphes, « ar-

(1) Syll.3, 231 ; cf. ci-après p. 167-172. C'est encore probablement une délégation decinq prytanes qui apporte, en 325, à l'Amphictionie la contribution delphique de lacapitation (J. Bousquet, Mél. Baux, p. 21-31, en particulier 27-28). Il s'agit selonmoi d'une « cinquième obole », au moins, non d'une troisième comme le croit l'auteurcf. ci-après p. 156-159.

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PAUSANIAS ET LE PRYTANE EPONYME 83

chonte » éponyme d'Athènes, année de l'Olympiade, nom de l'olym-pionique vainqueur dans le stade. Une phrase de ce genre n'estpas de celles qu'un auteur cite au courant de la plume, en se fiant à

sa mémoire. Pausanias l'a évidemment recopiée dans un historien— nous ne saurions dire lequel — qui s'était lui-même reporté àquelques fasti delphici. Un détail le prouve : cet auteur anonymedate en effet la fin de la troisième guerre sacrée comme il en avaitdaté le début en citant le nom de Γ« archonte » athénien, l'annéede l'Olympiade, le nom de l'olympionique, mais en omettant lenom de l'éponyme delphien. Or il n'y avait pas cette année-là,les comptes le confirment, de magistrat éponyme à Delphes,l'occupation de la cité par les Phocidiens et les tribulations de laguerre ayant entraîné au bout de quelques années un état d'« anar

chie et bloqué le fonctionnement des magistratures régulières.Dans ces conditions, il est indéniable que Pausanias s'informaitauprès d'un auteur bien renseigné : celui-ci, dans une phrase fortprécise, citant une chronologie officielle, distinguait soigneusement,en les opposant, l'éponyme delphien, « prytane », de l'éponymeathénien, « archonte ». Comment ne pas conclure que l'un desprytanes était le magistrat éponyme des Delphiens ?

L'épigraphie semble cependant démentir le témoignage dePausanias : dans les actes officiels, le nom de l'éponyme est toujoursprécédé du titre d'« archonte » (άρχοντος), jamais de celui de« prytane » (πρυτανεύοντος). En outre, le « prytane » de l'année

356, dénommé dans les manuscrits de la Périégèse Héracleidès,porte dans les comptes (19, 3 ; BCH 1949, p. 177) le nom d'Hera-cleios. Dans ces conditions, il était naturel que l'on n'accordâtaucun crédit à un témoignage entaché d'une double erreur, à lafois sur le nom et, croyait-on, sur le titre du personnage. Je nepense pas que Pausanias, ou plutôt sa source, se soit trompéautant qu'il y paraît.

L'erreur sur le nom propre est certaine, mais vénielle : simplefaute de transcription entraînée par la banalité du nom Héracleidès,alors qu'Héracleios, nom de mois, est inhabituel comme nom

d'homme1. Il est compréhensible, il était presque fatal, qu'uncopiste dérouté par le mot rare, ait transcrit ΗΡΑΚΛΕΙΟΥ parΗΡΑΚΛΕΙΔΟΤ, soit involontairement, par inattention, soit volon-

(1) É. Bourguet {FD, III 5, commentaire à 19, 3, p. 86) rappelle que l'on donnaitparfois à un nouveau-né le nom du mois de sa naissance : Θεδαίσιος {IG, XI, 1064),Θεμίστιος. Héracleios se lit encore dans les comptes BCH 73 (1949), p. 177 (inv. 7026) ;81, 14 (attribué à tort au Conseil de Delphes ; en fait un compte des trésoriers : cf.ci-après p. 125) ; un bouleute porte ce nom sous l'archontat d'Hiérondas (G. Daux,Chronologie delphique, F 10, p. 26 : date incertaine).

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84 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

tairement, pour corriger une erreur supposée de son modèle.La faute peut être antérieure ou postérieure à Pausanias, ou avoirété commise par Pausanias lui-même. Elle ne tire pas à consé

quence.Mais comment expliquer une erreur sur le titre du magistrat ?Comment admettre qu'un auteur ou un scribe ait substitué à tortle titre de prytane au titre d'archonte, si banal pour un éponyme ?Du point de vue de la critique textuelle une telle faute est improbable. Elle semble pourtant indiscutable, puisque l'épigraphiedelphique ne connaît d'autre éponyme que l'archonte et mentionnejustement un Ηρακλείου άρχοντος dans les années où débuta laguerre sacrée. On a donc incriminé l'ignorance de Pausanias etdes auteurs anciens : « On a insisté ailleurs sur l'impropriété destermes par lesquels avant lui Plutarque et les gens de son tempsavaient désigné beaucoup de choses delphiques, même des institutions t des charges officielles, βασιλεύς et στρατηγός au lieu d' άρχων,προφήτης (déjà chez Hérodote) au lieu de ιερεύς... η1. Rien ne meparaît plus contraire à la vraisemblance que d'accuser Hérodote,Plutarque ou les Delphiens, fussent-ils de l'époque impériale,d'avoir employé à tort et à travers, dans leurs ouvrages ou leursdécrets, les noms des magistratures ou des sacerdoces de la cité.Quand Plutarque donne à un certain Nicandros tantôt le titrede προφήτης et tantôt celui de ιερεύς, peut-on raisonnablement lesoupçonner, lui, prêtre d'Apollon, d'avoir ignoré qu'à Delphes,

comme d'ailleurs dans presque tous les sanctuaires oraculaires,le prêtre et le prophète remplissaient des fonctions bien distinctes,et que leurs titres n'étaient pas plus interchangeables que ceux deστρατηγός et de βασιλεύς gravés dans les décrets officiels ? Qui,mieux que l'auteur des dialogues pythiques, était capable de lesemployer à bon escient2 ? De même, lorsque nous lisons dansPausanias 'Ηρακλείου πρυτανεύοντος au lieu de Γάρχοντος attendu,nous ne pouvons nous permettre d'écarter la difficulté en déclarantque le Périégète (ou sa source) ignorait ce dont il parlait : dansson contexte, le mot ne saurait passer pour une inadvertance.

L'historien anonyme auprès duquel se renseigne Pausanias opposedélibérément à l'éponyme Agathoclès, archonte à Athènes,l'éponyme Héracleios, prytane à Delphes. Un témoignage aussiprécis mérite d'être sérieusement examiné et nous devons nousdemander s'il est condamné autant qu'il le paraît par l'épigraphie

(1) É. Bourguet, Adm. fin., p. 85 .(2) Plutarque, De Ε apud Delphos, 4 (386 B) ; De defeclu oraculorum, 51 (438 B).

J'ai défendu Plutarque contre cet injuste reproche d'inexactitude dans mon Delphes,p. 56-59.

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LES « ARCHONTES » A DELPHES 85

delphique. Certes, en l'état actuel de notre documentation, privésde la Constitution de Delphes publiée par Aristote, nous ne pouvonsprétendre aboutir sur ce point à d'absolues certitudes. Voici du

moins comment le témoignage de Pausanias et l'épigraphie meparaissent pouvoir être réconciliés.

Les termes άρχων, άρχοντες désignent en grec soit, au sens étroit,les membres d'un collège d'archontes, tels les archontes athéniens,soit, au sens large, tout magistrat εναρχος, dans l'exercice de sonαρχή, quelle que puisse être la dénomination précise de sa magistrature.et emploi du mot dans un sens général, donc imprécis, estillustré à Delphes même par les documents épigraphiques. Danscertains actes d'affranchissement, dans certains décrets, άρχοντεςdésigne non pas des « archontes », mais les membres de la Boula,

les βουλευταί en exercice ; on voit même figurer côte à côte, dansun même acte d'affranchissement et sans que rien les distingue,Γάρχων éponyme et un άρχων qui n'est autre qu'un bouleuteparaissant en qualité de témoin1. Il est donc concevable, à Delphesplus facilement qu'ailleurs, que le terme άρχων ait pu introduire dansle formulaire officiel le nom du πρύτανις éponyme dans l'exercice deson αρχή, άρχων par excellence de la cité dont il était le premiermagistrat, doté d'une eminente dignité parmi ses collègues, primusinter pares. Πρύτανις, βουλευτής désignent le titre du magistrat,άρχων l'exercice de sa magistrature. Dans le cas des membres duConseil, il est difficile d'expliquer pourquoi les termes vagues

άρχων, άρχοντες, ont été substitués aux termes précis βουλεύων,βουλευταί, qui auraient été plus clairs. Au contraire, dans le casdu prytane éponyme, on aperçoit la raison qui a fait préférerάρχων à πρύτανις. L'emploi du premier terme, au lieu du second,avait l'avantage, dans les actes datés par l'éponyme et où lesprytanes figuraient collégialement, d'éviter la succession bizarrede deux formules du type « πρυτανεύοντος του δεινός (éponyme),πρυτανευόντων του δ., του δ. », etc. (huit prytanes). Le même désirde distinguer le prytane éponyme de ses collègues fait nommer,à Milet, Amorgos et Priène le prytane éponyme άρχιπρύτανις2, pour

ainsi dire Γ« archonte des prytanes », tandis qu'à Thyrrheion les

(1) Cf. exempli gratia FD, III 3, 1 et 47, où l'unique bouleute témoin de l'acte portele titre ά'άρχων, comme l'éponyme inscrit en tête du décret. Selon F. Salviat {Inscriptionse Grèce centrale, p. 60-61), les άρχοί mentionnés dans les inscriptions du iv e siècle« s'identifient avec les bouleutes en exercice chaque semestre ». Toutefois, dans l'inscription de s Labyades (CID, I, 9, D, l. 26), άρχων, génitif pluriel, désigne certainementles « autorités » de la phratrie (G . Roux, RA 1973, p. 63).

(2) L. Robert, Monnaies grecques d'Asie Mineure, p. 40-41. On trouve encore unarchiprytane éponyme à Isaura (Isaurie) au ive siècle de notre ère (A . S. Hall, AnatolianStudies 22 [1972], p. 213-216 ; J. et L. Robert, REG 86 [1973], bull. n° 479).

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86 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

collègues de l'éponyme, πρύτανις par excellence, sont appelésύποπρυτάνιες, « prytanes en second »1. Dans la même intention,les Rhodiens emploient, au lieu de la formule directe πρυτανεύοντος

του δεινός, la périphrase επ ί πρυτανίων των άμφί του δεινός (nom del'éponyme), « sous les prytanes accompagnant un tel »2. Il meparaît donc plus que probable que l'historien anonyme consultépar Pausanias n'a pas péché par ignorance, mais qu'il a tenu toutau contraire à montrer sa bonne connaissance des institutionsdelphiques. 11 savait qu'à Delphes l'éponyme, magistrat par-excellence, dont le nom était introduit officiellement dans les actespar le terme α'άρχων, était, comme dans beaucoup d'autres cités,l'un des prytanes. Il souligne la différence avec Athènes en opposant à l'éponyme athénien Agathoclès, membre d'un collège

d'archontes, 'Αγαθοκλέους Άθήνησιν άρχοντος, l'éponyme delphienHéracleios, membre d'un collège de prytanes, 'Ηρακλείου πρυτανεύοντοςν Δελφοΐς. Le désaccord entre le témoignage de Pausanias etcelui de l'épigraphie n'est qu'apparent ; il n'existe, à mon avis,que dans le formulaire.

On remarquera en outre que le nombre impair de neuf prytaness'accorde aisément avec le nombre impair de quinze bouleutespour former un système constitutionnel cohérent. Le Conseil étaitl'un des corps principaux de l'État. Il est certain que chacune destribus delphiques devait y être représentée, chaque semestre, parun nombre égal de bouleutes. Aucun document ne nous enseigneexplicitement le nombre des tribus de Delphes. Toutefois, lechiffre de quinze bouleutes ne laisse le choix qu'entre deux possibilités : trois tribus déléguant chacune cinq bouleutes ou cinqtribus déléguant trois bouleutes.

Gomme le Conseil, les prytanes sont l'un des corps les plusimportants de l'État. Chaque tribu delphique devait donc y êtreégalement représentée. Or le chiffre de neuf prytanes s'accordemieux que le chiffre de huit avec le nombre impair de tribus quepostule l'existence de quinze bouleutes : trois tribus fournissentchacune à l'État trois prytanes pour l'année et cinq bouleutes

pour chaque semestre, soit dix bouleutes par an . On notera enfinque la cité comptait six « polètes des dixièmes » (20, 88-89) etqu'elle confia l'administration des donations pergaméniennes àdeux commissions spéciales de trois épimélètes et de trois commissairesu blé3, chiffres qui s'accordent parfaitement avec l'hypothèsed'un corps civique composé de trois tribus : chaque tribu nomme

(l! E. Mnstrokostas, MDAI, Λ, 80 (1965 , p. 157-158, n» 13.(2 ; Sylt.3, 110.(3) FD, III 3, 239, /. 14 ; G. Daux, Delphes au IIe et au Ier s., p. 687, texte C, /. 22.

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MAGISTRATS HOMONYMES 87

cinq bouleutes, trois prytanes, deux polètes des dixièmes, unépimélète des donations et un commissaire au blé.

Il faut maintenant examiner deux objections possibles. Lapremière pourrait être tirée des listes de prytanes elles-mêmes.Dans deux de ces listes un même nom propre désigne l'archonteéponyme et l'un des huit prytanes : έπ ί 'Αριστωνύμου άρχοντος ενΔελφοΐς, πρυτανευόντιον. . . Άριστωνύμου (22, 1. 11 sq.); έπί Θέωνοςάρχοντος έν Δελφοΐς, πρυτανευόντων... Θέωνος (61 II Α, 1. 11 sq.).Bourguet en déduisait que le même personnage remplissait en cecas la fonction d'archonte et celle de prytane, donc, selon lui, demembre de la commission financière du Conseil1. Or, si l'archonteétait l'un des neuf prytanes, son nom ne devrait évidemment pasréapparaître dans la liste des huit autres. L'explication que je

propose serait donc condamnée. En réalité, plutôt qu'un cumul,sans exemple à cette époque, de la charge d'archonte éponyme etd'une autre magistrature, nous trouvons ici deux cas d'homonymiecomme il en existe d'autres dans les inscriptions de Delphes. Deuxpersonnages portant le même nom figurent souvent dans un mêmecollège, sans que l'on prenne la précaution de les distinguer parleurs patronymes. A titre d'exemple, sont nommés sans leurpatronyme deux Cléophanès prytanes sous Dion (50 I, 1. 14),deux Amyntas bouleutes au cours du même semestre sousNicodamos (G 24), deux Archélaos sous Alexéas (K 13), deuxDamôn sous Tarantinos (M 17) 2. Aristonymos et Théon, «archontes », sont de même distincts d'Aristonymos et Théon,« prytanes ». En l'absence des patronymes, la disposition des nomssur la pierre suffisait à indiquer au lecteur qu'il y avait danschaque collège deux Aristonymos et deux Théon, l'un étant le« prytane-archonte », éponyme, le second un simple « prytane »membre du collège des neuf.

On pourrait trouver une seconde objection dans le fait quecertains décrets nomment concurremment les πρυτάνιες et lesάρχοντες. N'y avait-il donc pas à Delphes, à côté du collège desprytanes, un collège d'archontes auquel appartiendrait naturell

ementotre archonte éponyme ? Le sens large du terme dans lesinscriptions de Delphes pourrait être en effet la source d'unecertaine confusion. Mais un peu d'attention prêtée au contexte età l'ordre dans lequel sont énumérées les magistratures suffit àdissiper tout malentendu.

Considérons d'abord le décret organisant les Alcésippeia, lesfêtes célébrées par la cité à la mémoire — et aux frais ! — d'Alcé-

(1 Adm. fin., p. 47-48 ; FD, III 5, commentaire ad loc.(2 ; G. Daux, Chronologie delphique, ad loc.

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88 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

sippos de Calydon1. La cérémonie comportera une procession quidéfilera de Γ« aire » au grand autel d'Apollon, où aura lieu lesacrifice. Participeront au défilé les prêtres d'Apollon και τον

άρχοντα και τους πρυτάνεις και τους άλλους πολίτας πάντας, « l'archonte (éponyme, nommé en tête) et les prytanes (donc les huitautres membres du collège) et tous les autres citoyens ». Alcésipposde Calydon est un particulier : la représentation officielle de la citéest limitée au collège des prytanes.

Deux processions analogues sont organisées en l'honneur — etaux frais — d'Eumène II et d'Attale II. Mais comme il s'agit desouverains généreux et vivants, donc capables de se montrerplus généreux encore, Delphes célèbre avec plus d'éclat lesEuméneia et les Atlaleia2. Participeront au cortège des Euméneia,

outre les deux prêtres d'Apollon, les prêtres des autres dieuxκαι οι πρυτάνεις και άρχοντες και τα άλλα αρχεία και οι λαμπαδισταίάφ' έκάστας φυλάς άνδρες δέκα. Les « archontes » sont ici nommésaprès les « prytanes ». Or, dans les inscriptions de Delphes,l'archonte éponyme est toujours nommé avant les prytanes, etceux-ci, parce qu'ils sont la plus haute magistrature civile, ne sontjamais précédés par un autre magistrat que par l'archonte éponyme. Il est donc probable que dans ce contexte le mot πρυτάνειςdésigne le collège des prytanes au complet, c'est-à-dire les neufprytanes, y compris l'archonte éponyme, et que les άρχοντεςnommés après eux et avant les « autres magistrats » sont lesbouleutes, qui portent justement ce titre dans les actes d'affranchissement contemporains : ce sont les άρχοντες άε ί οι εναρχοι,les εναρχοι βουλευταί mentionnés dans le texte. Les mêmes magistrats, énumérés dans le même ordre, participeront également à laprocession des Allaleia ; mais les lampadistes sont remplacés parles enfants des écoles, bénéficiaires des largesses du roi, et le motάρχοντες n'est pas suivi, comme dans le texte relatif aux Euméneia,de la formule και τα άλλα αρχεία, soit que la procession des Attaleiaait concerné un nombre moindre de magistrats, soit que le lapicideait oublié la formule, soit plutôt que le mot, pris ici dans son sens

le plus large, désigne tous les magistrats autres que les prytanes.Il n'apparaît nulle part qu'il y ait eu à Delphes, comme à Athènes,un collège d'« archontes » auquel aurait appartenu l'éponyme.Le titre ne s'applique pas aux membres d'un collège déterminé,

(1) Syll.3, 631 (Sokolowski, Lois sacrées des cités grecques, 81) ; G. Roux, Delphes,p. 203-204.

(2) Syll.3, 671 ; FD, III 3, 23 8 (Sokolowski, /./. Supplément. 44) ; Syll.3, 67 2(Sokolowski, /./., 80) ; G. Daux, Delphes au IIe et au Ier s., p. 497-511 ; 682-698.

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LES PRYTANES, PREMIERS MAGISTRATS DE DELPHES 89

mais aux magistrats de collèges divers dans l'exercice de leurαρχή, prytane éponyme ou bouleutes du semestre.

Voici encore une observation qui ne constitue pas un argument,mais qui· s'accorde agréablement avec nos conclusions : toutes leslistes de prytanes sont toujours précédées immédiatement par lenom de l'archonte éponyme. Les huit prytanes ne sont jamaisénumérés seuls ; toujours ils forment bloc avec l'archonte. Si,dans le cours d'un compte déjà daté par le nom de l'archonteéponyme, on est amené à répéter les noms des prytanes, on répèteaussi celui de l'archonte1. Cette répétition, superflue s'il s'agissaitseulement de chronologie, ne surprendra nullement si, comme lesuggère le texte de Pausanias, l'archonte n'est autre que le premierdes neuf prytanes.

Je conclurai donc : les prytanes de Delphes n'étaient pas unepartie du Conseil, mais un collège de hauts magistrats existantpar lui-même, comme à Mytilène, Naxos, Chios, Milet, Ténédos,Samos, Rhodes, Gambreion, Phocée, Colophon, Priène, Magnésiedu Méandre, Corcyre, certaines cités d'Illyrie, Rhégion, etc. Il meparaît assuré, en raison du témoignage de Pausanias, qu'ils étaientau nombre de neuf, l'archonte éponyme étant le premier d'entreeux. Busolt observe2 que ces hauts magistrats portent plutôt lenom d'archontes ou de damiurges dans les institutions d'inspirationdémocratique et de prytanes — mot insistant sur l'idée de hiérarchie dans celles des cités à tendances aristocratiques ou oligarchiques : ce qui est en accord avec ce que nous savons par ailleursde la constitution de Delphes.

Sur les attributions de ce collège à Delphes nous ne sommes quetrès partiellement renseignés, parce que les inscriptions qui nousen parlent sont essentiellement des comptes amphictioniques.Nous connaissons donc surtout leurs fonctions d'administrateursfinanciers délégués auprès de l'Amphictionie ; elles ne représentaientertainement qu'un aspect de leur activité de magistratsdelphiens, mais un aspect important.

Les comptes montrent clairement ce qui distinguait l'adminis-

II) FD, III 5, 47 I, /. 23-25 et l. 60-63 ; 48 II, /. 2-4 et l. 31-38. Une seule exceptionpossible serait le texte FD, III 4, 284, relatif, semble-t-il, au scandale de 125. Le nomde l'archonte (peut-être Héracleidas, selon Pomtow et Daux) paraît être suivi, aprèsune lacune, de celui de deux hiéromnémons delphiens, puis de celui des prytanes, puisde celui de s autres hiéromnémons. Mais l'insertion d'une liste de prytanes delphiensdans une liste amphictionique de hiéromnémons serait sans autre exemple. En fait,comme le remarque A. Plassart dans son commentaire, « la date par l'archonte delphienpeut se rapporter aussi bien à ce qui précède qu'à la liste de personnages qui suit ».Le texte est trop mutilé pour que le sens des premières lignes soit restituable.

(2) Cf. note 1 p. 81 .

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90 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

tration financière des prytanes de celle du Conseil. Le Conseil deDelphes administre exclusivement les finances de Delphes ; il gèrela contribution particulière des Delphiens à la reconstruction du

temple, contribution qu'il verse soit aux naopes, soit aux entrepreneurs du temple sur ordre écrit des naopes. Cette activité miseà part, il n'a rien à voir avec les finances de l'Amphictionie. Lesprytanes, dans nos comptes, administrent exclusivement les fondsappartenant à l'Amphictionie, recettes et dépenses. Pour tout cequi touche aux finances, ils sont les intermédiaires normaux etobligés entre le Conseil amphictionique et la cité de Delphes. Sid'aventure les trésoriers ont besoin d'emprunter des dariquesd'or — pour en faire façonner des couronnes — à la ville deDelphes, comme cela se produit sous Caphis (58, 6 sq.), l'emprunt

est contracté par le canal des prytanes (έχρησάμεθα παρά τωνπρυτανίων, écrivent-ils) sans que cela suppose nécessairementl'existence d'une caisse spéciale des prytanes1. Ce sont eux quiapportent, en 325, à la caisse commune la contribution amphictioniquee Delphes, distincte de sa contribution particulière2 ; quiperçoivent les versements annuels de l'amende des Phocidiensavant de les remettre à la caisse amphictionique, puis, après 338,aux trésoriers ; qui adjugent avec l'Amphictionie les locations etfermages des biens confisqués aux bannis après la paix de 346 ;qui remettent aux naopes, sous Évarchidas, les 30 mines que leura confiées la Boula delphique. Tous ces fonds parviennent àl'Amphictionie παρά των πρυτανίων, sans provenir pour autant d'unecaisse propre aux prytanes : ils ne détiennent l'argent qu'entransit. Du côté des dépenses, ils ordonnancent les versementsdes fonds amphictioniques aux naopes pour le temple, aux entrepreneurs pour les autres travaux, conjointement avec les hiérom-némons : έδώκαμες, disent les comptes, « nous avons payé », nous,prytanes et hiéromnémons ou, après l'institution des trésoriers,nous, prytanes et trésoriers3. Le verbe, à la premiere personne du

(1) Comme le suggère J. Bousquet, Mél. Daux, p. 28 n. 1. Cf. ci-après, p. 244-245.(2) J. Bousquet, Mél. Daux, p. 27-28. On évitera toutefois de déduire de ce faitdes conclusions abusives : « Puisque ce sont les prytanes qui opèrent le transfert de lacontribution delphique, cela paraît indiquer clairement qu'ils gèrent les finances de laVille » écrit P. Marchetti (BCH 101 [1977], p. 161 n. 109). Les convoyeurs de fondssont une chose, les administrateurs une autre. Les listes de contributions montrentqu'ils ne se confondent pas nécessairement. Cf. ci-après p. 162.

(3) FD, III 5, 21, l. 14 ; 22, /. 6, 28; le verbe est omis, ou sous-entendu, dans ledernier compte du Conseil amphictionique où paraissent les prytanes, 47 I, /. 60-65(sur ce compte mixte, cf. ci-après p. 121-122). Les trésoriers, qu i gèrent les financesde l'Amphictionie après 339-338, reprennent la même formule : 49 II, /. 33-34, 38 (? ) ;50 II, /. 14; 58, /. 14, etc.

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LES PRYTANES ET L ADMINISTRATION AMPHICTIONIQUE 91

pluriel, qui annonce les paiements dans les comptes amphictio-niques suit toujours en effet, dans les comptes antérieurs à 338,la liste des prytanes et la liste des hiéromnémons1. En l'absence desujet exprimé, il concerne obligatoirement la totalité des personnes énumérées avant lui ; il ne peut en aucun cas renvoyerseulement aux prytanes dont les noms sont séparés de lui par lalongue liste des hiéromnémons. Ainsi les prytanes, indépendammente leurs fonctions proprement delphiques, sont les déléguésde Delphes auprès de l'Amphictionie pour la gestion conjointedes finances du sanctuaire. Ils apparaissent toujours dans lesaffaires qui intéressent à la fois la cité, propriétaire du sanctuaire,et les hiéromnémons, responsables de son administration : ils sont

(1) P. Marchetti (BCH 101 [1977], p. 160) écrit : «...en attribuant aux prytaneset conjointement aux hiéromnémons une fonction d'administrateurs des financesamphictioniques exclusivement, G. Roux semble perdre entièrement de vue l'existencedes trésoriers de l'Amphictionie, à telle enseigne qu'il traduit le verbe έδώκαμες qu'onrencontre fréquemment dans les comptes des trésoriers (souligné par P. M.) par laformule : « nous avons payé, nous prytanes et hiéromnémons », parce que « en l'absencede tout sujet exprimé il concerne obligatoirement la totalité des personnes énuméréesavant lui ». C'est peut-être conclure un peu hâtivement ». — P. Marchetti « sembleperdre entièrement de vu e » que les trésoriers, institués en 339, sous l'archontat dePalaios, ne sont entrés en fonction qu'à la pylée de printemps 338 et que, par conséquent, dans les comptes antérieurs à cette date (21, 22 , et 47 I et II jusqu'à la ligne 19),έδώκαμες ne peut avoir d'autre sujet que « nous, prytanes et hiéromnémons ». Sinon,

quel serait le sujet ? Quels seraient les mystérieux et anonymes dispensateurs defonds '? Dans les comptes postérieurs, quand la comptabilité passe de s hiéromnémonsaux trésoriers, il va de soi que le sujet devient : « nous, prytanes et trésoriers ». Encorene faut-il pas oublier que les trésoriers agissent κελευσάντων των ιερομναμόνων, «surles ordres de s hiéromnémons » qu'ils remplacent dans cette tâche aux côtés desprytanes, si bien qu'en fait ce sont les hiéromnémons qui gèrent les comptes parpersonnes interposées. Les prytanes, magistrats de Delphes, n'ont naturellement pasà donner des « ordres » aux trésoriers, magistrats amphictioniques, avec lesquels ilscollaborent : ceux-ci ne reçoivent normalement leurs consignes que de ceux qu'ilsreprAsentent, les hiéromnémons.

Les noms des prytanes et des hiéromnémons, responsables des opérations et épo-nymes de la session, sont normalement exprimés au génitif dans l'intitulé du compte ;ils n'en sont pas moins le sujet sous-entendu de έδώκαμες, sans qu'il ait été besoin derépéter devant le verbe tous ces noms au nominatif, ce qu i semble étonner P. M.(p. 161). Après 338, les noms des trésoriers ne sont pas recopiés en tête de chaquecompte parce que ce s magistrats exercent une fonction de longue durée (probablementquatre ans : cf. ci-après p. 123-125;. Conformément au décret qui les institue, on inscritleur liste une fois pour toutes, à leur entrée en charge, sur une stèle exposée dansle sanctuaire (47 I, 13-14; à laquelle il est aisé de se reporter. Pour la même raisonles naopes n'inscrivent pas non plus dans leurs propres comptes la liste de s membresde leur collège, en principe nommés pour la durée de la reconstruction et, dont lesnoms sont également gravés sur une stèle spéciale, ά στάλα έν αι οι ναοποιοί (23 Ι, 65;.Au contraire, les prytanes et les hiéromnémons sont énumérés dans tous les actesdont ils sont responsables : la composition de leur collège varie en effet chaque année, etmême, dans le cas du Conseil amphictionique, chaque semestre. Cf. ci-après p. 243-245.

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92 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

présents lors des versements de l'amende due par les Phocidiens,lors de la vente des fermages des propriétés confisquées au profitdu dieu ; ils le seront encore, beaucoup plus tard, au moment du« scandale de 125 », lorsqu'il s'agira de faire rendre gorge à uncertain nombre de Delphiens concussionnaires, coupables d'abuset de détournements commis aux dépens des biens du sanctuaire :affaire qui intéresse à la fois Delphes et l'Amphictionie1. Auive siècle, lors de la reconstruction du temple, ils assurent avec leshiéromnémons thessaliens une sorte de permanence dans l'intervalle semestriel des pylées d'automne et de printemps2. Leuractivité s'étend à l'ensemble du domaine amphictionique, deDelphes aux Thermopyles, alors que celle du Conseil est étroitement imitée, dans les comptes, à la reconstruction du temple

d'Apollon. Delphes occupait donc une place privilégiée dansl'administration amphictionique : elle participait à la gestion desfinances non seulement par l'entremise de ses deux hiéromnémons,comme les autres « peuples », mais encore par son collège deprytanes qui la représentait en permanence au sein de cette administration.

5) Autres magistrats.

Dans le compte 20, sous l'archontat de Thoiniôn (vers 317-316) et

sous celui de Lysôn (vers 316-315), le paiement des trente minesque la cité de Delphes verse annuellement aux naopes est effectuénon par la Boula, mais par les « polètes des dixièmes », πωλητηρεςταν δεκατάν (1 . 88-95). C'est la seule mention de ces magistratsdelphiens, chargés de mettre en adjudication la ferme des impôtsdu dixième. Ils sont au nombre de six (deux par tribu) et demeurenten fonction au moins deux ans : ils reparaissent en effet tous les sixsous deux archontats consécutifs ; seul change l'ordre de leur nom.Durant ces deux années ils versent aux naopes, à la place du Conseil,en la prélevant sur leur propre caisse, la contribution particulièredes Delphiens à la reconstruction du temple. Nous ne savons rien

de plus à leur sujet.Il est probable qu'existaient dès le ive siècle des magistrats ou

fonctionnaires qui apparaissent seulement dans les inscriptionsd'époque postérieure, mais qui remplissaient des tâches nécessairesen tout temps : ainsi les épimélètes des troupeaux sacrés, l'épimélètedu gymnase (78, 20, 22 ; le gymnase date du ive siècle au plus tard),

(1) FD, III 4, 27 6 à 28 4 ; G. Daux, Delphes au IIe et au Ier s., p. 372, 699 sq.(2) Ci-dessus p. 46-50 : La délégation permanente.

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AUTRES MAGISTRATS DE DELPHES 93

l'architecte (mais celui-ci était peut-être un fonctionnaire del'Amphictionie), le magistrat chargé de la protection des orphelins,όρφανοφύλαξ1. En dehors de ce que leur titre nous apprend sur leurs

attributions, nous ne savons rien d'eux, et ils n'ont rien à voiravec les comptes du ive siècle.

(1) G. Daux, l.L, p. 430-435.

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LES COLLÈGES FINANCIERS : NAOPES ET TRÉSORIERS

1) Les naopes.

, La construction d'un édifice de quelqueourquoi fui crée . . .· n>

le collège des naopes importance, temple, arsenal, enceinte fortifiée,était une entreprise considérable à l'échelled'une cité grecque. Réunir les fonds nécessaires, procéder auxadjudications, contrôler et, le cas échéant, sanctionner les entrepreneurs, older les dépenses, tenir une comptabilité, la publier,autant de tâches auxquelles n'auraient pu suffire les magistratsordinaires de la cité, soit parce qu'ils étaient absorbés par lesdevoirs de leurs charges, soit parce qu'ils n'avaient pas les compétences requises, soit, et surtout, parce que la brièveté de leurmandat, le plus souvent annuel, ne leur aurait pas permis de gérerde bout en bout, avec la continuité indispensable, une œuvreétendue parfois sur plusieurs années. Il était donc habituel d'élire,pour la durée des travaux, une commission extraordinaire decitoyens expérimentés qui en assumaient la responsabilité :θυμελοποιοί pour la construction d'une thymélé1, τειχοποιοί pour laconstruction ou la réfection d'un rempart2, ναοποποί pour la construction'un temple.

A Tanagra par exemple3, dans le courant du 111e siècle, un oracleprescrivit de reconstruire à l'intérieur de la ville le temple deDemeter et Coré précédemment édifié hors les murs, commel'étaient souvent les sanctuaires consacrés à ces deux déesses4.

Aussitôt la cité institue pour trois ans, temps présumé de lareconstruction, une commission officielle (αρχή) de trois membresâgés de trente ans au moins, qui surveillera les travaux en colla-

fl IG, IV2 2, 103,/. 119, 134, etc. (Épidaure,. G. Roux, L'architecture de Γ Argolide,p. 131 sq.

(2) Démosthène remplit ce s fonctions à Athènes : Eschine, Ctés. 24, 27-28.13) F. Sokolowski, Lois sacrées des cités grecques, n° 72, p. 145-147, avec bibliographie.(4) F. Salviat, BCH 83 (1959), p. 382-390 ; Cl. Rolley, BCH 89 (1965), p. 468-483.

Sur ces transferts de sanctuaires campagnards à l'intérieur des murs, cf. L. Robert,Hellenica. IX, p. 31-33 ; J. et L. Robert, BEG 71 (1958), Bull. n° 286.

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96 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

boration avec l'architecte et le polémarque « afin que le sanctuairede Demeter soit construit dans la ville le mieux possible, à l'endroitque choisiront le polémarque, les syndics et la commission élue(ή αρχή ή ήρεθεΐσα) ». Cette dernière recueillera les contributionsvolontaires (limitées à 5 drachmes par tête) des femmes de Tanagra si la somme recueillie est insuffisante, l'État fournira lecomplément nécessaire. Il est en outre prescrit aux trois commissaires e publier sur une stèle le décret qui les investit de leurspouvoirs et la liste des donatrices. Ainsi fut fait. La stèle nous estparvenue. Elle illustre les principales obligations d'un naope :recueillir les fonds, organiser et contrôler les travaux, les payer,publier les comptes.

Les hiéromnémons étaient moins aptes encore que les magistrats

d'une cité à diriger eux-mêmes la reconstruction d'un grand temple.Seuls les deux Delphiens résidaient à Delphes. Leurs collègues nes'y réunissaient en principe qu'une fois tous les six mois, le tempsd'une session. La durée du mandat variait selon les peuples : ladiversité des calendriers en usage dans les cités faisait que certainshiéromnémons entraient en fonction à la pylée d'automne,d'autres à la pylée de printemps, si bien que l'on ne voyait jamaisle même Conseil siéger aux deux pylées ordinaires de l'année1.Comment, dans ces conditions, aurait-il pu mener à bien l'œuvrede reconstruction qui requérait de l'esprit de suite et des contrôlesconstants ? Il était indispensable d'adjoindre au Conseil, disperséet discontinu, une commission spécialement élue pour le représenter auprès des entrepreneurs et jouissant des trois avantagesqui lui faisaient défaut : la compétence, la permanence et lacontinuité. Ainsi naquit le collège des naopes amphictioniques,non point, comme on l'a dit parfois, à la suite de je ne sais quelcalcul politique2, mais pour la simple raison que l'Amphictioniedevait, à Delphes, reconstruire un naos.

Un collège de ce genre était institué en vertu d'une loi, tel ledécret de Tanagra déjà cité ou le ναοποϊκός νόμος relatif aux naopes

(1) Cf. ci-dessus p. 26 .(2) P. Cloché, « Les naopes de Delphes et la politique hellénique de 35 6 à 32 7

avant J.-C. », BCH 40 (1916), p. 78-142; «Les naopes de Delphes et la création ducollège des tamiai », BCH 44 (1920), p. 312-325. M. Sordi, « La fondation du collègedes naopes et le renouveau de l'amphictionie au iv e siècle », BCH 81 (1957), p. 38-75 ;sur cet article intéressant, mais qui, à mon avis, mêle trop la politique et les naopes,cf. J. Pouilloux, « La reconstruction du temple de Delphes au ive s. », REA 64 (1962),p. 300-313. P. de La Coste-Messelière, « Les naopes à Delphes au ive s. », Mél. Daux,p. 199-210. Tout en critiquant les thèses de P. Cloché et M. Sordi, l'auteur n'a puéchapper tout à fait à la tentation des explications « politiques », et sa · définition durôle des naopes me paraît quelque peu inexacte.

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UNE COMMISSION TEMPORAIRE DE NOTABLES 97

du temple de Zeus Basileus à Lébadée1. L'Amphictionie vota demême un δόγμα (90, 6, 14 ) où étaient probablement stipulés lenombre des naopes, les modalités de leur nomination, la durée de

leur mission, l'étendue de leurs pouvoirs, leurs devoirs envers leConseil amphictionique, bref tout ce que nous souhaiterions connaîtreleur sujet. Si le fragment 90 est bien, comme il semble, unmorceau de ce décret2, les dix-huit lignes mutilées qui en restentnous instruisent fort peu. Toutes nos informations doivent êtredéduites des comptes, et plus particulièrement des listes de naopesqu'ils contiennent. Ces listes ont été, elles aussi, très malmenées parle temps. Alors que les naopes, au cours de travaux prolongés surplus d'un siècle, participèrent à plus de deux cents pylées sousplus d'une centaine d'archontats, nous possédons en tout et pour

tout, outre quelques listes fragmentaires, huit listes « complètes »de naopes datées de sept archontats. Les lacunes sont doncénormes, et plus encore qu'il n'y paraît. Car les listes dites, d'unpoint de vue épigraphique, « complètes », c'est-à-dire intégralementconservées sur la pierre, sont du point de vue de leur contenu, deslistes partielles énumérant non pas le collège au complet, mais lesseuls naopes concernés par les opérations du compte dans lequelils sont inscrits. Cette évidence, souvent méconnue, limite considérablement l'étendue des renseignements que l'on peut espérerextraire de ces listes. Elles nous autorisent cependant à proposerla définition suivante : les naopes amphictioniques forment uncollège temporaire de notables et d'experts, au nombre de cin-

(1) IG, Vil, 3073, l. 88 ; Syll.a, 972, /. 88 ; A. Choisy, Études épigr. suri' arch, grecque,p. 182 et p. 183 sq .

(2) É. Bourguet, après avoir proposé, avec réserve, de reconnaître dans le fragment 90 un morceau du décret qui avait institué le collège des naopes (Adm. fin.,p. 67-68), a renoncé à cette hypothèse [FD, III 5, p. 301) parce que l'écriture luiparaissait dater le décret, au plus tôt, des années 327-323 environ. Mais, en ce quiconcerne les comptes, la datation par l'écriture n'est pas exempte d'incertitudes.Dans les listes de contribution par exemple, une liste datée de l'archontat d'Héracleios(357-356) est gravée en caractères qui correspondent à cette date (J. Pouilloux, BCH73[1949], p. 180 n. 4) tandis que d'autres, appartenant à la même série, semblent avoirété inscrites à une époque plus récente que celle de l'archontat auquel elles appartiennent : ainsi, à propos de la liste de l'archontat d'Antichares [BCH 66-67 [1942-1943], p. 87), J. Bousquet note (p. 87) que l'écriture du compte est bien différente, plus« récente » que celle d'une proxénie datée du même archontat. Comme il est peuvraisemblable que certaines listes aient été gravées immédiatement et d'autres longtemps après la souscription, ne faut-il pas en conclure qu'à une époque donnée lacoexistence de lapicides jeunes et de lapicides âgés pouvait avoir pour conséquencela gravure en caractères différents de documents contemporains, chaque lapicidegravant selon son style, avec plus ou moins d'habileté ou plus ou moins de soin ?Si bien que la datation par l'écriture du fragment 90, fort mutilé, me paraît incertaine :un doute subsiste donc quant à sa nature véritable.

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98 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

quante environ, recrutés dans les cités de l'Amphictionie en vuede reconstruire, au nom et sous le contrôle des hiéromnémons etde Delphes, le temple d'Apollon Pythien.

. . Nous ne connaissons pas la date exacte àne commission . ! ,temporaire. laquelle le college tut institue. 11 est a présumer

que sa création fut l'une des premières mesuresque vota le Conseil après la catastrophe de 373 : les naopes devaientnécessairement entrer en fonction avant le début des travaux dontils allaient assumer la responsabilité.

La nature même de leur mission en déterminait la durée : cellede la reconstruction du temple. Il me paraît donc peu probablequ'ils aient été officiellement nommés naopes à vie, comme lepensait Bourguet1 ; mais il est exact que, du fait des circonstances,

ils le devinrent. Car les travaux, d'abord menés à bonne allure(en 340, malgré les dix années de la guerre sacrée, le gros-œuvredu temple est près d'être terminé), languirent ensuite et se prolongèrent jusque vers le milieu du nie siècle, excédant les bornesd'une existence humaine2. Si bien que les membres du collège,désignés à titre temporaire, se trouvèrent transformés en naopesà vie, parfois même en naopes héréditaires puisque certains d'entreeux transmirent leur charge à leur fils, et même à leur petit-fils :Médeios de Larissa succède en 328-327 au plus tard (57 B, 7) à sonpère Aristophylidas ; Étymondas, Delphien, est remplacé success

ivement par ses trois fils, Larisios (57 B, 10), Aristomachos,Charixénos, et ce dernier par son propre fils appelé, du nom deson grand-père, Étymondas (91, 37, 39, 40). Toutefois, malgré cesprorogations étendues sur plusieurs générations, les naopes nedevinrent jamais des magistrats permanents dans l'Amphictionie,comme l'étaient à Cos les ναποΐαι, à Iasos les νεωποιοί, les ναοποιαί ouναοποιοί à Priène, Magnésie du Méandre, Amorgos, Lébadée, et,à dater d'une certaine époque, Délos3. L'intendance des bâtimentsreligieux, l'administration des finances sacrées dévolues à cesmagistrats dans leurs cités respectives incombaient, dans l'Amphictionie,ux hiéromnémons, puis, à partir de 338, aux trésoriersassistés des prytanes de Delphes. La tâche des naopes fut strictement imitée à la reconstruction du temple. Le temple reconstruit,ils n'avaient plus de raison d'être. Ils disparurent à une dateindéterminée vers le milieu du me siècle, quand furent achevés lestravaux qui avaient motivé leur création.

(1 Adm. fin., p. 68 .12 , R. Flaceliëre, Les Aitoliens à Delphes, p. 210-211.(3) Busolt, Gr. Staalskunde, 1, p. 50 2 n. 1 ; naopes de Lébadée : voir en dernier lieu

R. Etienne et D. Knoepfler, BCH Suppl. III, p. 337-342, et A. Schachter, Cahier des

études anciennes VIII (Montréal 1978;, p. 86 sq .

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NOMBRE DE NAOPES 99

Quel était le nombre total des naopesne cinquantaine , . . o ~ , ., ., ,,, Jf ,de naopes ampmctioniques : Ce nombre avait-il ete fixe

une fois pour toutes dans le décret instituant

le collège ? Varia-t-il au contraire dans le cours du temps, selonl'état d'avancement des travaux ? Il est difficile de répondre avecprécision à ces questions, faute de documents.

Nous possédons de nombreuses listes complètes de hiéromné-mons : comme la composition du Conseil variait à chaque pylée,il était indispensable de copier intégralement les noms des vingt-quatre hiéromnémons en tête de chacun des actes officiels del'Amphictionie, afin de désigner clairement les auteurs de tel outel δόγμα. Cette précaution aurait été inutile dans le cas des naopespuisque leur collège, nommé pour la durée des travaux, restait

identique à lui-même d'une pylée à l'autre, sous réserve desmodifications mineures qu'introduisaient inévitablement au coursdes années les décès, les retraites imposées par la maladie, parl'âge ou par les péripéties de l'Histoire. Il suffisait donc de graverune fois pour toutes la liste des naopes sur une stèle tenue à jour,« la stèle où sont les naopes » (ά στάλα εν άι τοί ναοποιοί, 23 I,64-66 ; Π, 39-40), que pouvait consulter quiconque désiraitconnaître le collège en son entier1. Dans les comptes, on se bornaità inscrire les noms des seuls naopes mêlés aux opérations financières en cours. «La stèle où sont les naopes» fut d'abord unique.Mais par la suite, quand avec le temps, les travaux se prolongeant,la composition du collège eut profondément changé, on éprouvale besoin d'une mise en ordre. Par souci de clarté on inscrivit doncsur de nouvelles stèles des listes récapitulatives de naopes enclassant leurs noms soit géographiquement d'après leur paysd'origine (91, 92), soit chronologiquement d'après l'archontat deleur entrée en charge (93). Seules « la stèle où sont les naopes »et les stèles récapitulatives auraient pu nous apprendre avec précision le nombre global des naopes : la première est perdue, lessecondes réduites à des fragments trop petits pour nous instruire.

Restent donc les seules listes de naopes inscrites dans les comptes,

en particulier dans les comptes de Delphes et dans ceux destrésoriers, listes partielles — même quand elles sont épigraphique-ment « complètes » — où figurent seulement, répétons-le, lesnaopes intéressés par les opérations (recettes, dépenses, assembléeà Delphes) qu'enregistre le compte, non le collège dans sa totalité

(1) 11 en allait de même pour les trésoriers, magistrats pluriannuels. Cf. ci-après,123 n. 2.

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100 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

comme le font par exemple les listes de hiéromnémons1. C'estpourquoi, dans ces listes « complètes », le nombre des naopes variebeaucoup d'un compte à l'autre : 10 en 353, sous Nicon-printemps

(19, 33-36) ; 36 en 346, sous Damoxénos-automne (19, 71-79) ;19 en 339, sous Palaios-automne (47 I, 66-78) ; 29 en 336, sous Dion-automne (49 Π, 38-51) ; 22 en 335, sous Dion-printemps (50 II,14-33) ; 31 en 334, sous Damocharès-automne (48 I, 6-22) ; 45 en326, sous Gaphis-printemps (58, 16-35) ; de 33 à 35 en 325, sousCharixénos- printemps (20, 30-37) 2 ; 39 en 323, sous Théon-printemps (61 II B, 15-37). Les listes ne sont d'ailleurs jamais introduites par la formule ναοποιούντων suivie des noms au génitif, quiannoncerait normalement, comme les formules similaires (βουλευόν-των, ίερομνημονούντων), l'énumération complète des membres du

collège, mais par des expressions restrictives telles que παρεόντωνναοποιών τώνδε (19, 11), παρήν ναοποιοί τοίδε (20, 30), ναοποιοίσυνήλθον τοίδε (19, 33), ναοποιοί συνήλθον (19, 71), ναοποιοΐς έδώ-καμεν . . . τοΐσδε (formule habituelle dans les comptes des trésoriers : 48 I, 6-7 ; 49 II, 38-39 50 II, 14-15, etc.). Π s'ensuit que nousne pouvons évaluer que de façon très approximative, par recoupements,d'après ces listes partielles, non seulement le nombre totaldes naopes à un moment donné, mais encore le nombre des naopesdélégués par chaque cité de l'Amphictionie et le nombre de naopesprésents à Delphes lors d'une pylée donnée.

Le nombre total des naopes d'abord. A la pylée de l'automne 346,sous l'archontat de Damoxénos, après les dix années de désordresentraînés par la troisième guerre sacrée, les naopes, longtempsdispersés par les hostilités, se réunissent à Delphes (19, 71 sq.).Les occupations ne leur manquaient pas : dresser le bilan desdégâts provoqués par le long abandon du chantier, remettre enroute les travaux à Delphes et hors de Delphes, reprendre contactavec les entrepreneurs, le cas échéant conclure de nouveauxcontrats, répartir entre eux les tâches administratives nombreuseset urgentes que supposait la reprise de la construction. Bref, ilserait logique de considérer que cette importante assemblée des

naopes, la première έπεί ά είρήνα έγένετο, comme le précise lecompte, était une assemblée plénière et, par conséquent, que les36 naopes énumérés dans le compte, formaient à ce moment-làla totalité du collège. Mais les listes ultérieures, celle de Caphis-

(1) P. de La Coste-Messelière, Mél. Daux, p. 20 2 n. 1 : « Par listes complètes nousn'entendons pas que tous les naopes en exercice y sont nommés : il s'agit de naopesprésents à Delphes ». Il serait plus exact de dire : de naopes concernés par le compte enquestion.

(2) P. de La Coste-Messelière, BCH 84 (1960), p. 482-483.

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NOMBKE ÉLEVÉ DE MAOPES AMPHICTIOMQUES 101

printemps en 326 (58, 16 sq.), celle de Théon-printemps en 323(61 II B, 16 sq.), nomment respectivement 45 et 39 naopes. Jen'aperçois pas de motif qui ait pu inciter l'Amphictionie à accroître

l'effectif du collège des naopes après 346, alors qu'une grandepartie du temple était achevée. J'en déduis que le chiffre de 36naopes ne représentait pas l'effectif global du collège, mais seulement une fraction de celui-ci, soit qu'au cours des dix années deguerre se soient créés dans ses rangs des vides que les cités n'avaientpas encore eu le temps de combler, soit que de nombreux naopesaient été retenus hors de Delphes, dans le Péloponnèse ou ailleurs,occupés à résoudre les problèmes de fourniture de matériaux et demain-d'œuvre dont dépendait la reprise rapide des travaux.

La liste « complète » la plus nombreuse est celle de Caphis-

printemps, avec 45 noms. Or cette liste, introduite par la formulerestrictive habituelle τοις ναοποιοΐς έδώκαμεν . . . τοΐσδε, « nous avonsdonné aux naopes... énumérés ci-après », n'est pas une liste exhaustive. anquent en effet plusieurs naopes connus par les listesvoisines : le Thessalien de Gyrton, l'Eubéen, l'Épidaurien, deuxdes trois naopes sicyoniens mentionnés sous Dion-printemps en335 (50 II, 24-27), un des trois naopes athéniens cités sousDamocharès-automne en 334 (48 I, 13 sq.) et Charixénos-printempsen 325 (20, 33). Compte tenu de ces absences, on peut évaluer àune cinquantaine au moins le nombre des naopes en exercice sousGaphis-printemps. Tel était probablement, mais nous ne pouvons

le prouver, l'effectif du collège stipulé dans le décret de fondation.C'est un nombre exceptionnellement élevé. Les collèges similaires

excèdent rarement une dizaine de membres1. La raison en est queles naopes d'une cité et les naopes amphictioniques remplissaientleurs fonctions dans des conditions très différentes. Les premiersavaient habituellement à surveiller la construction d'un édificebâti dans la cité même où ils résidaient, ou dans les limites de sonterritoire. Ils pouvaient, comme les autres magistrats, mener depair leur tâche de naope et la gestion de leurs affaires personnelles.Les naopes amphictioniques au contraire, à l'exception des deux

Delphiens, n'habitaient pas Delphes : ils étaient contraints dedélaisser leur famille, leur cité, leurs occupations privées pour defréquents séjours sur le chantier où s'exerçait leur contrôle, devoyager partout où les adjudications, les achats de matériaux,l'embauche de la main-d'œuvre rendait leur présence indispensable. supposer, comme il est vraisemblable, qu'ils aient perçudes indemnités pour leurs frais de déplacement, il est probableque ces εφόδια ne remboursaient que partiellement les dépenses et

(1) A Athènes, les τει/οποιοί sont dix, un par tribu (Eschine, Clés. 27-28).

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102 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

compensaient mal les tracas qu'imposait la fonction. C'est pourquoi les naopes semblent avoir été recrutés parmi les personnalitésfortunées, disposant de loisirs1. On s'efforçait d'alléger leur

fardeau, d'une part en le répartissant sur un grand nombre detêtes (les naopes pouvaient ainsi établir entre eux une sorte deroulement, soit de cité à cité, soit à l'intérieur d'une même cité,comme semblent l'avoir fait les Argiens)2, d'autre part en choisissant e préférence les naopes dans les cités d'où provenaient lesmatières premières, les entrepreneurs et la main-d'œuvre. Ilsavaient ainsi l'occasion de négocier et de régler sur place uncertain nombre d'affaires : d'où, pour eux comme pour l'Amphic-tionie, une économie de temps et d'argent.

Les cités amphictioniques, αί πόλεις al άμφικ-

Les naopes , \ , \ . ,ef les cités τυονευμεναι, étaient les seules a nommer desnaopes. Mais elles n'en nommaient pas toutes,

et pas en nombre égal, comme l'attestent les inscriptions. Ilconvient cependant de ne pas oublier le caractère précaire deconstatations effectuées sur des listes partielles, peu nombreuses etdispersées dans le temps.

A en juger d'après les comptes en notre possession, il semble queles Achéens de Phthiotide, les Énianes, les Maliens, les Doriens dela Métropole, les Magnetes, les Dolopes, n'aient jamais désigné denaopes au ive siècle3. Au contraire, à l'exception de Cléones et

d'Hermioné, toutes les cités importantes des « Doriens du Péloponnèse » ont envoyé au moins un naope à Delphes, et certainesd'entre elles, comme Argos (58, 22 sq.), jusqu'à neuf, inscritssimultanément dans un même compte, sans que l'on puisse diresi ce chiffre représente ou non la totalité des naopes argiens alorsen fonction. Toutefois, dans quelques cas particuliers, il estpossible de déduire des comptes des conclusions sûres.

En effet, quand dans les comptes de Delphes et dans les comptes del'Amphictionie les mêmes personnages réapparaissent en nombrefixe, durant une longue période, comme naopes d'une même cité,on peut estimer que le nombre des naopes désignés par cette citén'a jamais dépassé celui que les comptes indiquent avec régularité4.Ainsi les deux séries de comptes ne connaissent que le seul Phry-nondas comme naope de Gyrton (de 346 à 334), le seul Amyntorcomme naope de Phères (de 346 à 323), le seul Orestas, pour la

(1) É. Bourguet, Adm. fin., p. 74-75 ; ci-après p. 107 sq .(2) P. de La Coste-Messelière, Mél. Daux, p. 207.(3) É. Bourguet, Adm. fin., p. 69 ; P. de La Coste-Messelière, /./., p. 202. Des

Dolopes ont été peut-être naopes au me s. (É. Bourguet, FD, III 5, 92 A, /. 1, p. 308).(4) Cf. le tableau publié en annexe VI, p. 242.

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LES NAOPES DÉLÉGUÉS PAK LES CITÉS 103

même période, comme naope de Grannon, le seul Python (de 336 à323) comme naope de Thespies. Il est donc presque certain queGyrton, Phères, Crannon, Thespies, n'ont jamais délégué qu'unseul naope, ce qui semble avoir été le cas de nombreux autresÉtats amphictioniques, la Perrhébie, Platées, Égine, Mégare,Phlionte, Oponte, Thronion, Trézène, Épidaure. Nous connaissonsbien pour chacun d'eux plusieurs naopes : mais ceux-ci ne sontjamais nommés dans les comptes simultanément ; ils se succèdent,le nouveau venu remplaçant selon toute vraisemblance un prédécesseur retiré ou décédé. Ainsi le Perrhèbe Timasicratès faitplace en 334 à Polyxénos (48 I, 12) et ce dernier, vers 327, à Gléotas(57 B, 9). L'Éginète Nicératos succède en 338 au plus tard àPythéas (47 I, 77) et Trézène délègue au cours des années Tisandros,

puis Phantos, puis Euphanès.De nombreux États (environ treize sur trente et un nommés dansles comptes) semblent donc n'avoir désigné qu'un seul naope.D'autres, Larissa, Pélinna, la Locride, la Macédoine, Delphes,portaient ce nombre à deux. En effet, seuls deux naopes deLarissa, Œolicos et Aristophylidas, apparaissent dans les comptes,tantôt ensemble, tantôt isolément, de 346 à 327 ; à cette date(57 B, 7), Aristophylidas est remplacé par son fils Médeios, qui faitdésormais équipe avec Œolicos. La cité de Pélinna, de 346 à 323,ne délègue jamais que deux naopes, Hippias et Céphalon, nomméstantôt ensemble, tantôt séparément. Les Locriens Nicéas etÉvormos (19, 34) cèdent la place en 336 (49 II, 45-46) à Antochoset Dioclès, sans qu'il y ait jamais plus de deux naopes locriens.Deux naopes macédoniens, Philippos et Timanoridas, sont nommésà l'issue de la troisième guerre sacrée et participent à la pylée del'automne 346 (19, 74). Dix-neuf ans plus tard, en 327, le collèguede Timanoridas n'est plus Philippos, peut-être décédé, maisLéon (58, 29-30). Pour la Macédoine comme pour la Locride,Pélinna et Larissa, les comptes ne mentionnent jamais plus dedeux naopes à la fois, et cela durant de nombreuses années. Iln'est donc pas téméraire d'affirmer que chacun de ces États n'en

a jamais nommé davantage, au ive siècle du moins.Le cas de Delphes est particulier. A dater de l'automne 336, lescomptes de l'Amphictionie mentionnent deux naopes delphiens,Étymondas et Simylion (49 II, 43-44), tandis que pour la périodeantérieure il n'est jamais question que d'un seul naope. É. Bourgueten avait conclu que Delphes n'avait d'abord nommé qu'un naopepuis qu'à partir de 336 elle avait porté ce nombre à deux1. Rien

(1) Adm. fin., p. 79-81. Le nom d'Étymondas est restitué dans 49 II, 1. 42 : il estprobable il n'est pas sûr. Les deux naopes delphiens sont nommés pour la premièrefois de façon certaine dans le compte de Caphis-printemps, en 32 6 (58, 19).

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104 L AMPHICTIO.NIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

n'est moins sûr. En effet, les documents qui mentionnent un seulnaope delphien ne sont pas de même espèce que ceux qui enmentionnent deux : il s'agit soit de listes de contributions où

figurent exclusivement les naopes άργυρολογέοντες, collecteurs defonds nommés pour la durée de la session (parmi eux se trouveà l'occasion un naope delphien, qui n'est pas nécessairement lenaope delphien)1, soit des comptes de Delphes 19 et 20, pour lapériode antérieure à 340, période durant laquelle la cité s'acquittaitde ses paiements en présence d'une délégation de naopes, dequelques-uns de ses bouleutes et d'an naope delphien. Etait-ilalors le seul naope de Delphes ? Ou n'était-il que l'un des deuxnaopes, spécialement chargé de veiller à cette opération financière,de même que les trois, quatre ou cinq bouleutes qui l'accompa

gnaiente représentaient pas à eux seuls l'ensemble de la Bouladelphique, mais seulement la partie de la Boula chargée d'intervenir comme témoin ? Nous ne saurions le dire. A dater del'archontat de Gharixénos, dans ces mêmes comptes de Delphessont nommés simultanément deux naopes de Delphes au lieud'un seul (20, 32). Mais il faut remarquer que ce changementintervient au moment où la cité de Delphes adopte un nouveaumode de paiement : désormais elle ne paie plus qu'une sommeforfaitaire invariable de trente mines qu'elle remet annuellementaux naopes delphiens, lesquels la transmettent à leurs collègues.Est-ce l'adoption de ce nouveau système de contribution quimotiva l'inscription dans le compte du second naope, afin qu'ily eût deux personnes responsables du transfert des fonds ? Yavait-il depuis l'origine du collège deux naopes delphiens, dont unseul nous était précédemment connu parce qu'il était spécialementchargé de l'administration financière et figurait seul, de ce fait,dans les comptes ? Dans l'état actuel de notre information, ilme paraît impossible d'en décider.

Certaines cités amphictioniques déléguaient donc un seul naope,d'autres en déléguaient deux, d'autres davantage. Sont nomméssimultanément dans un même compte, ou sous un même archontat,

trois naopes de Pharsale (58, 16, 19, 33), trois naopes de Thèbes(19, 74-75), trois naopes d'Athènes (48 I, 13, 14, 15 ; 20, 33), troisnaopes de Sicyone (50 II, 24-27), cinq naopes de Sparte (58, 26,27), neuf naopes d'Argos (58, 22 sq.). Il est impossible de dire sices chiffres indiquent dans chaque cas la totalité des naopes alorsen exercice ou seulement une partie d'entre eux. Argos désignait-elle neuf naopes ou davantage ? Neuf naopes argiens étaient partie

(1) BCH 73 (1949), p. 177, /. 10.

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LES NAOPES REPRESENTENT L AMPHICTIONIE 105

prenante dans le compte de Caphis : c'est tout ce que nous pouvonsaffirmer. Au total, nous relevons dans les comptes les noms deonze naopes athéniens, de quatorze Spartiates, de quinze Argiens.

Combien d'entre eux exerçaient simultanément leur fonction ?Nous n'avons aucun moyen de le déterminer. La seule conclusionassurée est que certaines régions et, dans une même région, certaines cités fournissaient à l'Amphictionie plus de naopes qued'autres. Les raisons de ce déséquilibre tiennent à la nature mêmedes services que l'on attendait d'eux.

Les fonctions des naopes ne sont en effet niecru fernen f . „ ni < ■des naopes honorifiques, comme celles des proxenes, ni

représentatives, comme celles des hiéromnémonset des trésoriers. Elles sont avant tout utilitaires, orientées vers

l'accomplissement d'une tâche précise : reconstruire un temple.Le but visé n'est donc pas de répartir équitablement des siègesde naopes entre les divers États de l'Amphictionie, mais de recruterdans les cités où ils seront le plus utiles les hommes les pluscapables d'administrer et de contrôler l'œuvre de reconstruction.Le hiéromnémon, le trésorier représentent le peuple ou la cité quiles a nommés ; le naope représente l'Amphictionie. Le hiéromnémon'Athènes parle au nom d'Athènes, le naope athénien au nomdu Conseil amphictionique tout entier. Peu importe dès lors quetelle cité délègue plus de naopes que telle autre, ou n'en délègue

pas du tout : chaque naope agit sur mandat reçu de toutes. Il n'ya donc aucun rapport numérique, ni aucun rapport d'origine,entre les hiéromnémons et les naopes : Orchomène de Béotienomme fréquemment un hiéromnémon dans la période qui suitla destruction de Thèbes, mais nous ne connaissons aucun naopeorchoménien. Inversement Sparte, rarement représentée auConseil (Euthippos est le seul hiéromnémon lacédémonien mentionné dans les inscriptions du ive siècle), nomme, nous l'avons vu,au moins quatorze naopes différents.

Les cités envoient des naopes d'autant plus nombreux qu'ellessont plus capables de fournir les matériaux, la main-d'œuvre oules administrateurs nécessaires à la reconstruction du temple. Sur175 noms de naopes environ inscrits dans les comptes, 80, soitprès de la moitié, sont ceux de « Doriens du Péloponnèse »a,Mégariens, Sicyoniens, Corinthiens, Phliasiens, Argiens, Épidau-riens, Trézéniens, Éginètes. Cette proportion se maintient avecune remarquable constance : 15 sur 31 en 334 (Damocharès-automne : 48 I, 6-22) ; 22 sur 45, dont 9 Argiens, en 327 (Caphis-

(l'i É. Bourguet, Adm. fin., p. 69 .

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106 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

automne : 58, 16-35) ; 16 sur 31 en 325 (Charixénos-printemps :20, 30-37) ; 20 sur 39 en 323 (Théon-printemps : 61 II B, 15-37).N'en déduisons pas que les Doriens du Péloponnèse jouissent dans

le collège d'une « représentation » privilégiée1 : ils sont les plusnombreux parce qu'ils sont les plus nécessaires. Le temple deDelphes, conçu par l'architecte corinthien Spintharos, construitpour la plus grande partie de son élévation en pôros de Corinthe,est un temple péloponnésien. La Corinthie, l'Argolide, connaissentau ive siècle une intense activité architecturale2 : Corinthereconstruit le temple de Poseidon à l'Isthme, Argos le templed'Héra au voisinage de la ville, le temple de Zeus à Némée ;Épidaure bâtit le temple d'Apollon Maléatas, le temple d'Asclépios,la « thymélé », et beaucoup d'autres monuments dans le hieron

du dieu. Dans l'Arcadie voisine s'élève le temple d'Athéna Aléaà Tégée, tandis que s'achève sur le Mont Cotylion, à Bassae, letemple d'Apollon Épicourios commencé au siècle précédent,peut-être par Ictinos. Bref, le Péloponnèse regorge à cette époqued'entrepreneurs et d'artisans spécialisés dans le travail du pôroset du calcaire — matériaux dont est fait le temple de Delphes —de corps de métiers bien entraînés, forgerons, menuisiers, charpentiers, etc. Aussi voit-on dans les comptes les entrepreneurspéloponnésiens exécuter une soixantaine de commandes, plus dela moitié, et parmi les plus importantes3. Il était donc normalque les naopes péloponnésiens fussent les plus nombreux.

Les Thessaliens viennent immédiatement après les Doriens duPéloponnèse : une vingtaine de naopes cités dans les comptes. Cechiffre s'explique par le rôle que jouait la Thessalie depuis l'originedans l'administration de l'Amphictionie. En effet, outre les naopeschargés des relations avec les fournisseurs et les entrepreneurs, lecollège comprenait des naopes plus spécialement administrateurs,juristes, financiers, recrutés en cette qualité dans les cités d'oùne provenaient ni matériaux de construction ni main-d'œuvre :tel est le cas des naopes de Sparte, qui figurent assidûment dansles comptes depuis l'archontat d'Aristoxénos, en 356, jusqu'à

l'archontat de Théon, en 324-323, et sont au nombre de cinq (aumoins) à exercer leur charge sous l'archontat de Caphis, en 326(58, 26-27). Thèbes (avant 335) délègue au moins trois naopes (19,74-75), et de même Athènes (48, 1, 13-14), qui n'est guère inter-

(1) « II est abusif d'écrire que ces États sont représentés au collège des Naopes —à moins de donner au mot un sens général et vague », écrit justement P. de La Coste-Messelière, Mél. Daux, p. 202.

(2) G. Roux, L'architecture de l'Argolide, p. 9-10 et passim.(3) P. de La Coste-Messelière, /./., p. 207 n. 2.

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LA NOMINATION DES NAOPES 107

venue comme fournisseur de matériau et de main-d'œuvre qu'auniveau des parties hautes, pour le marbre des métopes du pronaos (?), des chéneaux, des tuiles, et probablement des statues

des frontons.Nous ignorons selon quelle procédure furent désignées les cités

qui devaient nommer des naopes et comment fut fixé le nombredes naopes que chacune d'elles nomma. Le Conseil amphictioniquen'avait aucun moyen de procéder à un recrutement autoritaireà l'intérieur des États membres. Mais plusieurs mobiles poussaientles cités à participer spontanément à l'œuvre commune en imposant leurs citoyens la charge pesante du naopoïat : la piété enversle dieu de Delphes d'abord, mais aussi le désir de contrôler directement'emploi des fonds considérables que les plus grandes d'entre

elles devaient verser au titre de l'impôt levé pour la reconstruction,έπικέφαλος όβολός. Enfin on ne saurait oublier les conséquences économiques de cette pieuse entreprise : elle fournissaitdu travail à une main-d'œuvre nombreuse ; chaque cité pouvaitespérer, grâce à l'intervention de ses naopes, aiguiller les commandes vers ses propres entrepreneurs et recouvrer par ce biaisune partie des sommes qu'elle avait versées. Il me paraît certainque chaque cité désigna elle-même ses propres naopes, et cela aumoyen d'une χειροτονία, comme tous les magistrats, fonctionnaires,techniciens et pylagores, dont la fonction requérait des compétences spéciales1. Il ne pouvait en être autrement des naopes

amphictioniques.Ceux-ci en effet ne semblent pas avoir été choisis au hasard d'un

tirage au sort. Autant que nous puissions en juger, ils appartiennentà une classe sociale bien définie. Pythodôros et Euthycratès,naopes d'Athènes (20, 33, etc.) sont assez fortunés pour avoirexercé la triérarchie ; Simias de Thèbes appartient à une famillequi a donné à la cité un grand prêtre des Cabires et de hautsmagistrats2 ; Abaeocritos (93 II, 14) n'est autre que le béotarquequi périra en 245 à Chéronée3 ; Dieuchidas de Mégare (20, 34, etc.)est un historien, auteur de Megarica en plusieurs livres4 ; Médeios

de Larissa, fils du naope Aristophylidas, porte un nom fréquemmentsité dans la grande famille des Aleuades à laquelle il estprobablement apparenté, comme son homonyme Médeios, fils

(li Les naopes ^ειροτονητοί de Samos (n e siècle de notre ère ; E. Buschor, MDAI,A, 68 (1953), p. 19; P. Herrmann, ibid. 75 (1960), p. 171 n. 81) ne sont en rien comparables aux naopes de Delphes.

(2) J. Pouilloux, BCH 73 (1949;, p. 180-181.(3, Polybe, XX, 4, 2 ; M. Feyel, Polybe et Γ histoire de la Béolï«,, p. 18, 80, 198 n. 4,

30 2 ; P. Roesch, Thespies et la confédération béotienne, p. 114 sq.(4 ; Jacoby, FGII ΠΙ Β, n° 485, p. 49 9 sq . ; RE, s.v. Dieuchidas.

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108 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

d'Oxythémis, familier d'Alexandre, avec lequel il ne faut pas leconfondre1. Télénicos d'Épidaure (92 A, 53) est probablementle fils du prêtre éponyme d'Asclépios, Télésias ; Eugeitôn de

Tanagra cumule les fonctions de hiéromnémon et de naope (93,II, 14 ) ; les naopes delphiens remplissent également les plushautes charges. Les cités de l'Amphictionie recrutent leurs naopesdans cette classe de notables riches où elles puisent les titulairesde leurs grands sacerdoces et de leurs hautes magistratures. Et cen'est point par snobisme : en exerçant des fonctions publiques,en gérant leur opulent patrimoine, ces hommes ont acquis uneprécieuse expérience de l'administration, des affaires, des finances.Ils ne sont pas, à proprement parler, comme on l'écrit trop souventet comme j'ai eu le tort de l'écrire moi-même, des «techniciens ».

L'Amphictionie n'attend pas d'eux qu'ils possèdent des connaissancestechniques en matière d'architecture ou de construction :la technique, c'est le domaine de l'architecte, de l'architecte ensecond (ύπαρχιτέκτων) et des entrepreneurs. Aux naopes reviennentles tâches de gestion, de contrôle, d'administration. Faut-il parexemple acheter des bois de cyprès à Sicyone ? Les naopes se fontaccompagner par l'architecte2 : ce dernier se chargera de la négociation sous son aspect technique (qualité, dimension des bois),les naopes régleront les questions juridiques et financières (contratde vente, paiement). Contrôleurs, gestionnaires, ils surveillent lestechniciens proprement dits. Leur prestige social, leurs relations,

leur connaissance de la législation en vigueur dans leur proprecité, faciliteront les transactions avec les entreprises locales, laconclusion de marchés aux conditions les plus avantageuses. Ilsseront capables de procéder correctement à une adjudication, derédiger des contrats, de tenir une comptabilité en ordre, bref degérer la reconstruction. Leur fortune, qui leur procure les loisirsnécessaires, fournit en outre à l'Amphictionie la garantie que l'on

(1) Cf. Syll.3, 25 4 n. 1, rectifiant Syll}, 241 n. 7 ; O. Berve, Das Alexanderreich(1926), II, p. 261 n. 3.

(2) Sur ce compte {FD, III 5, 36, revu par J. Bousquet, BCH Suppl. IV. p. 91-96)cf . ci-après p. 220-223. De même à Lébadée {Syll.3, 972, 50) il est stipulé que les stèlesdevront être érigées άρεστώς τοις ναοποιοΐς και. τώι άρχιτέκτονι, « à la convenancede s naopes et de l'architecte », ce dernier assurant le contrôle technique. La différencede s rôles apparaît bien dans la suite du même compte (/. 155 sq.) : l'architecte et lesous-architecte contrôlent la taille et l'assemblage des pierres, la préparation desjoints, etc., les naopes dépistent les fraudes éventuelles. L'entrepreneur devra leur faireconstater qu'il utilise, pour le « dressage au rouge » des blocs, de la « sanguine de Sinope »et de l'huile pure, comme le prescrit le devis, et tous les scellements de goujons devrontêtre exécutés en présence des naopes, pour éviter le vol de métal. Le rôle essentieldes naopes, outre la gestion des fonds, est de contrôler la conformité au devis du travailfourni (Choisy, Études épigraphiques, p. 197-199).

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LES NAOPES ET LA POLITIQUE 109

exige de tout administrateur à qui sont confiées des responsabilitésfinancières.

Il est clair en tout cas que le recrutement du collège des naopes

n'était à aucun degré « politique », bien que les événements del'époque aient inévitablement exercé, par contrecoup, uneinfluence sur sa composition et son fonctionnement. Il n'est passûr du tout, par exemple, que le naope delphien Aristagoras,άφιστάμενος τας ναοποιΐας au début de la troisième guerre sacrée(19, 5), ait été démis de ses fonctions en raison d'une attitudehostile aux puissants du jour : la formule pourrait n'être qu'uneuphémisme pour indiquer son décès. Durant les hostilités, lors-qu'après une interruption de quatre pylées consécutives les«naopes du temps de guerre » se réunirent à nouveau (19, 31 sq.),

il va de soi que les cités ennemies des Phocidiens s'abstinrentd'envoyer leurs naopes à Delphes alors occupée par leurs adversaires c'eût été les jeter dans la gueule du loup. Mais ces naopes,temporairement empêchés, n'en demeuraient pas moins naopes.La guerre gênait le fonctionnement du collège, elle n'en modifiaitpas la composition. La paix revenue, les Phocidiens vaincus sontchassés de l'Amphictionie, donc du collège des naopes, où pénètrentà leur place deux naopes macédoniens. Mais les cités alliées de laPhocide sacrilège n'en délèguent pas moins des naopes à lapremière assemblée tenue après la paix, même Corinthe, mêmeSparte dont on envisage alors l'exclusion (20, 33, 36). Tout au plus

acceptent-elles de changer les personnes (à l'exception de Philolaosde Sparte et de Xénotimos de Sicyone, aucun des « naopes dutemps de guerre» ne reparaît dans les listes à partir de 346) ;mais leur participation au collège n'est pas remise en cause. Il n'ya pas lieu de s'en étonner. Se priver du personnel compétent quechacune d'elles pouvait fournir — et qui ne la « représentait »pas — c'était gêner la reconstruction du temple plutôt que punirla cité. Les naopes thébains ne disparaîtront — ipso facto —qu'après la destruction de Thèbes par Alexandre en 335 ; ils serontremplacés par des naopes de Platées, Tanagra et Thespies. Les

événements historiques ont certes exercé une influence sur lerecrutement et le fonctionnement du collège des naopes, maisune influence limitée : interruption forcée de quelques réunionspendant la guerre sacrée, éviction momentanée du naoped'Amphissa après Ghéronée2, remplacement des quelques naopes

(1) Cf. le tableau des naopes ci-dessous p. 242. En 34 5 on grave une nouvelle listedes naopes, mise à jour, sur une stèle que fournit et polit Eucratès de Delphes (23 I,64-66 ; II, 39-40).

(2) Selon la chronologie maintenant établie : P. Marchetti, BCH Suppl. IV , p. 81-82.

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110 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

phocidiens par deux Macédoniens en 346, des quelques Thébainspar des naopes béotiens après 335, cela sur un effectif d'au moinscinquante naopes. On conviendra que c'est peu. Il est clair en tout

cas que les cités n'ont jamais fait — et ne pouvaient faire -— ducollège des naopes l'instrument d'une politique.

Les travaux de reconstruction et les occupations qu'ils imposentaux naopes motivent la plupart du temps, beaucoup plus que lespéripéties de la politique, l'apparition d'un naope dans tel compteet son absence dans tel autre. Prenons par exemple le cas desnaopes macédoniens. Leur entrée dans le collège en 346 est certesla conséquence directe d'un événement politique : l'écrasement desPhocidiens au terme de la guerre sacrée. Mais elle n'est pas justifiéepar le seul désir de complaire à Philippe. Elle s'explique par une

raison technique. A cette époque en effet, les murs du templeétant déjà bâtis, on achève le montage du péristyle1. Tous lessupports de la toiture seront donc bientôt en place, et l'on doitprévoir la construction de la charpente. Or la Macédoine produitun bois si réputé que ses rois l'utilisent comme « cadeau diplomatique » lorsqu'ils veulent acquérir ou récompenser les servicesd'un politicien étranger : Amyntas III en expédie, en 372, unecargaison au stratège athénien Timothée2 ; Philippe agit de même,à la grande indignation de Démosthène (Amb. 265), enversLasthénès, l'un des traîtres d'Olynthe. Négocier l'achat de cesbois macédoniens dont était faite, en partie au moins, la charpente

du temple (41 III, 7-8), en assurer le transport jusqu'à Delphes,telles étaient les tâches auxquelles pouvait aider, et qui rendaientsouhaitable, la présence dans le collège de deux naopes macédoniens. eux-ci sont inscrits dans les comptes avec leur ethnique,Μακεδόνες : à la différence des hiéromnémons παρά Φιλίππου,

παρ'

'Αλεξάνδρου, ils ne sont donc pas les envoyés personnels du monarque,mais, comme leurs autres collègues, les représentants de l'Amphic-tionie auprès des entrepreneurs3.

Il faut encore une fois mettre en garde les commentateurs contrela tentation d'interpréter abusivement dans un sens politique le

contenu des listes de naopes. Quand le nom de l'un d'entre euxmanque dans la liste d'une pylée, on écrit parfois que le naope est« absent », en entendant par là qu'il ne se trouve pas à Delphes,soit pour avoir été empêché de s'y rendre, soit à la suite d'uneabstention volontaire. On attribue alors à cette « absence » une

(1) Cf. ci-après p. 199-204.(2) Démosthène, Contre Timothée, 25-30; Amb. 114, 145; R. Bogaert, Banques et

banquiers dans les cités grecques, p. 69 .(3) Cf. ci-dessus p. 14 n. 2.

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LES NAOPES SONT RESPONSABLES DE LA RECONSTRUCTION 1 1 1

signification politique, on la met en parallèle avec les événementshistoriques de l'époque et l'on s'étonne quand ces événementssemblent ne pas la justifier1. Dans les comptes des trésoriers, les

listes de naopes ne sont rien d'autre que des états de paiement :sont nommés les seuls naopes témoins ou bénéficiaires d'uneremise de fonds. Les naopes « absents » sont absents de la lisle ;il ne s'ensuit pas nécessairement qu'ils sont absents du collège, nimême de Delphes. Une absence constatée sur la liste peut, selonles cas, correspondre à une éviction, définitive ou momentanée(comme celle des naopes d'Amphissa après la quatrième guerresacrée), ou exprimer seulement le fait que le naope manquant n'apas eu affaire aux trésoriers au cours de cette session, sans avoircessé pour autant d'exercer son activité, à Delphes ou ailleurs.

Parce qu'elles sont partielles, nos listes ne nous apprennent rien —ou fort peu — sur les variations numériques ou géographiquesqui ont pu affecter la composition du collège au cours des années.Sauf rares exceptions — défaite de la Phocide, défaite d'Amphissaaprès Chéronée, destruction de Thèbes et disparition consécutivede leurs naopes — la politique de l'époque n'a guère influencél'activité du collège, attelé à la seule tâche qui lui ait été confiée :reconstruire le temple d'Apollon.

Les naopes amphictioniques ont été, au pleinonctions j * j / ι * \ jdes naopes. sens "u terme, des ναοποιοι, les constructeurs du

temple et non pas de simples agents d'exécutiondu Conseil, recevant de lui des ordres auxquels ils n'auraient euqu'à déférer2. Véritables « fondés de pouvoirs », les naopes assumentsous le contrôle et à la place de l'Amphictionie l'entière responsabilitée l'entreprise, qu'ils dirigent souverainement. C'est cequ'attestent les comptes.

Sauf cas de force majeure — la troisième guerre sacrée interrompitomplètement les réunions à Delphes durant huit ans et nepermit que des réunions partielles durant deux ans — les naopesse réunissent à Delphes à chaque pylée et, si nécessaire, entre lespylées. Ils disposent à cet effet d'un local, le ναοπούον, meublé debancs de bois : un menuisier delphien perçoit 9 drachmes pour« trois planches sur lesquelles s'asseyent les naopes » (23 I, 61-64).Là se trouvent entreposés leurs dossiers, devis, contrats, étatsde paiements, comptabilité, enfermés dans des coffres de bois,les ζύγαστρα (19, 49 ; 20, 39 ; 23 II, 9 ; etc.). Le prix d'un « coffre

(1) 11 faut sur ce point nuancer les affirmations de P. de La Coste-Messelière, Mél.Daux, p. 206-207, 208, dont certaines sont d'ailleurs rendues caduques par la nouvelledatation de l'archonte Palaios (BCH Suppl. IV , p. 79-83;.

(21 Cf. sur ce point ci-après p. 117.

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112 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

contenant les tablettes » (ζυγάστρου τιμά έν ώι τοί πίνακες, 23 Ι,52) est de 22 drachmes 5 oboles, plus une obole de frais de transport, soit 23 drachmes exactement, équivalant à 12,5 journées du

salaire de l'architecte. Vu leur prix, il s'agissait de coffres robustes,certainement pourvus de serrures et fermant à clé. Le naopoionest restauré dans le second tiers du ine siècle grâce à la libéralitéd'un mécène, le Delphien Athanion1.

L'assemblée générale des naopes, lors de chaque pylée, est normalement précédée d'un sacrifice pour lequel ceux-ci paient diversesfournitures, victimes, couronnes, laurier, salaire du sacrificateur(23 I, 26 sq. ; II, 18 sq. ; 38, 13 sq., etc.). La réunion se tient sousla présidence d'un bureau de προστατεύοντες nommés à chaquepylée. Dans les comptes de Delphes 19 et 20 ils apparaissent

comme témoins despaiements

de la cité ou comme partie prenante.Ils sont tantôt deux, tantôt trois, une fois cinq, mais le plus souvent trois. Ils changent à chaque session. « II n'y a qu'une seuleexception : Dexis de Corinthe a fait partie du bureau sous Autias-printemps et sous Teucharis-automne, mais cette irrégularités'explique par le trouble que la guerre sacrée a jeté dans lesréunions du collège »2. Nous ignorons comment ils étaient désignés,élection ou tirage au sort. En tout cas, quel qu'ait été le mode duchoix, on ne tenait pas compte des nationalités : deux Athéniensfont partie du bureau sous Autias-automne (19, 43), deux Doriensdu Péloponnèse sous Damoxénos-printemps (19, 82) et deux

Thessaliens sous Archôn-printemps (19, 85), ce qui confirmerait,s'il en était besoin, que les fonctions des naopes n'étaient pas dereprésenter leur cité ou leur peuple, mais, globalement, l'Amphic-tionie.

Combien les naopes nommaient-ils de προστατεύοντες ? Trois,pensait Bourguet3, qui tient la liste des cinq noms sous Autias(19, 42) pour une anomalie : « Je crois voir ici encore laconséquence de la guerre. Ces cinq noms sont alors ceux desmembres qui composaient toute l'assemblée. Comme on l'avaitfait pour la session précédente, on inscrit tous les naopes présents :

on n'a pas pris la peine de désigner à part, dans une si petiteréunion, les trois προστατεύοντες ». Il me paraît tout à fait improbable que les Delphiens, dans un document officiel, fût-il rédigé entemps de guerre, aient indûment inscrit parmi les προστατεύοντεςdeux personnages qui n'auraient pas eu droit à ce titre. Si lecompte 19 inscrit cinq noms sous la rubrique προστατεύοντες, c'est

(1) Syll., 479, 7; R. Flacelière, Les Aifoliens à Delphes, p. 217-219. C'était, de lapart d'Athanion, une έπαρχή en nature.

(2) É. Bourguet, Adm. fin., p. 77.

(3) l.L, p. 77-79.

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LE BUREAU DES NAOPES 113

qu'il y avait indiscutablement, cette année-là au moins, cinqπροστατεύοντες. Bourguet en a douté parce que dans les comptes 19et 20 et dans les listes de contributions ils sont le plus souvent au

nombre de trois. Mais il faut rappeler que les paiements consignésdans les comptes de Delphes sont effectués en présence d'un naopedelphien, de quelques bouleutes delphiens représentant la cité,d'une part, et d'une délégation du collège des naopes d'autre part,délégation composée de προστατεύοντες quand le paiement a lieu aumoment de la session amphictionique, α'έπιμηνιεύοντες quand il alieu dans l'intervalle des sessions. Les προστατεύοντες délégués pourencaisser les versements de Delphes et des autres cités sont habituellement trois ; mais leur nombre peut être réduit à deux (19, 39)ou porté à cinq (19, 43-44), de même que varie de deux à cinq le

nombre des bouleutes témoins des paiements de Delphes et dedeux à trois celui des άργυρολογέοντες1. Nous ne saurions mettre endoute le témoignage explicite du compte 19 : le bureau de l'assembléees naopes, au moment des sessions, ou du moins de certainesd'entre elles, se composait d'au moins cinq membres appelésπροστατεύοντες. Je ne sais s'il existe un rapport entre ce chiffre etcelui de cinquante auquel nous avons pu fixer approximativementle nombre total des naopes. Il ne s'agit peut-être que d'unecoïncidence fortuite.

Le bureau est assisté par un secrétaire (γραμματιστής, 23 I, 59).Ce n'est pas un naope, mais un employé subalterne (il n'est jamaisnommément désigné dans les comptes) rémunéré à la tâche aumême titre que les hérauts (κάρυκες, eux aussi anonymes), qui serventd'agents de liaison et font les proclamations nécessaires, celles desadjudications en particulier.

Les naopes réunis à Delphes en assemblée générale au momentde chaque pylée avaient de nombreuses occupations : faire le bilandes travaux accomplis, le programme des travaux à venir, en informer le Conseil amphictionique, encaisser les recettes, payer lesdépenses.

Les pylées ordinaires coïncidaient chacune avec une grande fête

apollinienne, le 7 du mois de Byzios, au printemps, les concourspythiques tous les quatre ans, à l'automne. En plus des Amphic-tions, il y avait donc à Delphes une foule de pèlerins à ce moment-là. Les cités et les particuliers profitaient de leur visite au sanctuairepour apporter leurs contributions et leurs dons ; pendant quelques

(1) De même Delphes délègue à l'occasion une partie seulement du collège desprytanes pour encaisser l'amende de s Phocidiens (Syll.3, 231 ; G. Roux, BCH 94[1970], p. 118 et n. 6) ou pour verser sa contribution à l'Amphictionie (J. Bousquet,Mél. Daux, p. 27-28 et n. lj.

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114 l'amphictiome, delphes et le temple d'apollon

jours, c'était un afflux de versements et l'Amphictionie se voyaitimposer un gros travail de comptabilité. Elle semble s'en êtreacquittée seule d'abord : en effet dans les listes de contributions

les plus anciennes ne figure aucune mention de magistrats spécialementhargés de les recueillir. Puis, à partir de l'époque où les citésamphictioniques, ayant acquitté leurs deux premières tranchesde contribution (πρώτος et δεύτερος όβολός), commencent à verser latroisième, sous l'archontat d'Héracleios, au printemps de 356, onvoit apparaître dans les listes les noms de « collecteurs de fonds »,

άργυρολογέοντες, inconnus des listes plus anciennes1. Ce sont tousdes naopes, délégués par leur collège au nombre de trois (sousHéracleios-printemps2 : cf. 5, 1-4) ou de deux (sous Damocharès-automne : cf . 7, 4 ; sous Dion-automne : cf . 91,5 sq.) pour s'occuper

de recueillir les dons et contributions durant les jours de presse.Leur apparition dans les listes de contribution coïncide avec ledébut des troubles qui préludèrent à la troisième guerre sacrée.Je serais tenté d'établir entre ces deux événements une relationde cause à effet. L'occupation du sanctuaire par les Phocidiensempêchait la réunion à Delphes de «tous les naopes» inscrits sur lastèle « où sont les naopes ». Moins nombreux, ils devaient faire faceau même nombre de tâches jadis assurées collectivement sous laresponsabilité du collège entier. Peut-être est-ce pour s'en acquitterplus commodément qu'ils procédèrent entre eux à une division dutravail en affectant certains d'entre eux, nommément responsables,

à la collecte des fonds pour la durée des sessions que l'Amphictionie,amputée d'une grande partie de ses membres, continuait à tenirà Delphes en dépit de la guerre. En l'état actuel de nos listes,il est impossible de savoir si les collecteurs changeaient à chaquepylée, comme les προστατεύοντες, ou s'ils étaient nommés pourl'année. La première hypothèse me paraît la plus vraisemblable.Il me semble en effet que les άργυρολογέοντες n'exerçaient leurfonction et ne portaient leur titre que pour la durée de la sessiontenue à Delphes par le Conseil amphictionique. Dans l'intervalledes sessions les recettes étaient encaissées non par les άργυρο

λογέοντες, mais par les naopes de permanence mensuelle, les épimé-nieuontes. Ainsi, à la session de printemps, sous Héracleios, lestrois naopes « collecteurs de fonds » sont Aristagoras de Delphes,

(1) É. Bourguet, Adm. fin., p. 82-83 ; J. Bousquet, BCH 66-67 (1942-1943), p. 97 -99 ; 104-105. A la liste dressée par l'auteur p. 104 n. 4 on ajoutera le compte d'Héracleiospublié par J. Pouilloux, BCH 73 (1949), p. 177 sq . Les «collecteurs de fonds » apparaissentonc dans les comptes 5, 7, 9 ; BCH 66-67 (1942-43). p. 98 n. 2 et 3 ; p. 102 col. II,l. 13-16 ; p. 103 col. II, l. 44 sq . ; BCH 73 [1949], p. 177, l. 9-12.

(2) J. Pouilloux, BCH 73 (1949), p. 177, /. 9-12.

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PERCEPTION DES RECETTES 11·Γ>

Damophanès de Corinthe et Ampharès de Phocide1. Mais lorsqueles Delphiens, à cette même pylée de printemps, versent leurcontribution au mois d'Apellaios, dernier mois complet de la pylée

de printemps au sens comptable du terme, cinq mois après lasession amphictionique, ils remettent les fonds aux deux épiméni-euontes, dont l'un n'est autre qu'Ampharès le Phocidien, άργυρο-λογέων au moment de la session en Byzios, έπιμηνιεύων entre lessessions, en Apellaios (19, 5-7). J'incline donc à croire que lesfonctions des « collecteurs de fonds » étaient provisoires, limitéesaux quelques jours de la session où Delphes voyait affluer les versements d'argent, et que les άργυρολογέοντες changeaient à chaquepylée. Naturellement, les fonds étaient remis par les collecteursà la caisse amphictionique.

Il est sûr en tout cas que les άργυρολογέοντες n'étaient pas desencaisseurs à domicile, des quêteurs comme ceux que les Delphiensavaient dépêchés, après 548, pour recueillir des fonds auprès deriches donateurs, Grecs et Barbares, afin d'alléger leur proprecontribution à la reconstruction du temple. Car il est bien précisé,dans les listes où figurent les « collecteurs de fonds », que les contribuables ont apporté (ήνικαν) leur argent à Delphes, et les listesd^apxai mentionnent chaque fois le nom des porteurs. Les Phoci-diens. eux aussi, viennent verser leur amende annuelle à Delphesmême. C'est donc là que les άργυρολογέοντες exerçaient leurs fonctions.

La tâche principale des naopes n'était pas d'encaisser les recettes,mais de les dépenser. Ils organisent, administrent et contrôlentla reconstruction du temple. Selon la procédure habituellementsuivie en Grèce dans les entreprises de ce genre, leur premier souci,aussitôt après la catastrophe, avait été de faire établir par l'architecteuae maquette, un devis descriptif du nouveau temple, et deles soumettre à l'approbation du Conseil amphictionique. De cedevis ne restent que quelques miettes (88, A à G). Le devis une foisaccepté, les naopes assistés de l'architecte divisèrent les fournitures de matériaux et les travaux en un certain nombre de lots

qu'ils mirent en adjudication par la voix du héraut. Les adjudicationsaites, ils versèrent aux adjudicataires, selon l'usage, à titred'avance, le montant de l'adjudication diminué du dixième degarantie, qui n'était payé qu'une fois les matériaux livrés ou letravail correctement achevé. Ils firent graver sur une stèle, commel'avaient fait les naopes du temple d'Asclépios à Épidaure2, la listedes adjudicataires, le prix auquel ils avaient souscrit à l'adjudi-

(1) Ibid., p. 177, /. 9-12. Lire «Ampharès» dans 19, 7 : BCH 73 (1949), p. 179 n. 5 ;81 (1957), p. 55 .

(2 IG, IV2 2, 102. G. Roux, V architecture de VArqolide, p. 424-432 (traduction).

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liß L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

cation et la somme versée par avance à chacun d'eux. De cettestèle (ou de ces stèles) n'a subsisté peut-être qu'un seul fragment,le compte inv. 7033, où l'on voit que la fourniture des parpaings

de pôros pour les murs du temple avait été divisée en lots de20 blocs1 : « Pancratès d'Argos a pris en adjudication l'extractionde 20 parpaings de pôros au prix de 9 drachmes et 2 oboles la pièce,soit un prix total de 186 drachmes et 4 oboles ; nous lui avons versé,en retenant le dixième de garantie, 168 drachmes, etc. ». Naturellement ,utre les adjudications préliminaires, il y avait, en coursde construction, des adjudications complémentaires pour tous lestravaux en supplément, non prévus au devis. Ainsi le BéotienAthanogeitôn prend en adjudication, après la guerre sacrée,l'extraction dans les carrières de Corinthe de blocs de pôros destinés

à remplacer les pièces d'entablement endommagées sur le chantierau cours de la suspension des travaux provoquée par les hostilités(23 II, 57 sq.)2.

On remarquera à ce propos que des adjudicataires béotiens,argiens, mégariens, se chargent de l'extraction de blocs de pôrosdans les carrières de Corinthe. Tous n'étaient peut-être pas desprofessionnels de la construction, des entrepreneurs au sens strictdu terme : des hommes d'affaires, des financiers pouvaient souscrire à une adjudication et faire exécuter le travail à un moindreprix par un sous-traitant, en encaissant la différence. Recevantpar avance le prix des neuf dixièmes de la commande, ils bénéfi

ciaient en outre d'une sorte de prêt bancaire gratuit. L'opérationprésentait donc un certain attrait. Les Alcméonides n'étaient pasdes entrepreneurs ; ils n'en prirent pas moins en totalité l'adjudication e la reconstruction du temple au vie siècle, et se trouvèrentainsi disposer pour un temps d'un véritable trésor de guerre. Onsait qu'ils l'utilisèrent pour renverser les Pisistratides, rentrer dansAthènes et y instaurer la démocratie. Ils eurent d'ailleurs l'élégance de rembourser au dieu — banquier involontaire — nonseulement le capital, mais les intérêts sous forme d'une luxueusefaçade de marbre que ne prévoyait pas le devis3. D'autres adjudi

cataires n'hésitaient sans doute pas à employer les fonds à desentreprises plus terre à terre, pour leur seul avantage. Tous

(1) J. Pouilloux, «Fragment de compte des naopes », BCH 75 (1951), p. 301-304.(2) Cf. aussi, dans les comptes 26 et 27, l'avenant au devis pour l'adjudication de

pièces angulaires renforcées (G . Roux, RA 1966, p. 287-296, et ci-après p. 20 6 sq.).(3) Hérodote, V, 62 ; Démosthène [Contre Midias, 144) considère (peut-être cum

grano salis) cette adjudication comme un prêt bancaire : δανεισαμένους χρήματ' εκΔελφών ελευθέρωσα!, την πόλιν. Les abus possibles étaient limités par les dates delivraison stipulées dans le contrat et par les amendes qui sanctionnaient les retards.

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LE CONTRÔLE DES NAOPES 117

devaient, en tout cas, fournir à l'Amphictionie des garants, εγγυοι(19, 48-49 ; 56-57 ; 25 Ι Β, 15-19 ; 81, 4 ; 90, 8).

Une fois les travaux adjugés, les naopes veillaient à ce qu'ils

fussent exécutés selon les prescriptions du devis, dans les délaisfixés et selon les règles de l'art. Pour la partie technique de leurinspection, ils étaient assistés de l'architecte (23 I, 49 ; 36, 1 sq.,corrigé BCH Suppl. IV , p. 95) et de l'architecte en second (90, 6 ;25 II A, 13). Ils faisaient ce jour-là apporter sur le chantier, puisrapporter au naopoion par des porteurs dont ils payaient le salaireles coffres renfermant les πίνακες sur lesquels étaient inscrits lescontrats et les comptes (ζυγάστρων εκφοράς και παρφορας, 25 II A,20-23 ; 38, 19-20 ; 42, 8-11). Si les vérifications étaient favorables,l'adjudicataire recevait tout ou partie de son dixième de garantie,

l'artisan ou le fournisseur le paiement des travaux ou des matériauxqui n'avaient pas fait l'objet d'une adjudication. Si au contraireles naopes ou l'architecte découvraient des fraudes, des retards,des malfaçons, le coupable se voyait infliger des amendes (ζαμίαι)ou le paiement de dommages et intérêts (έπιτί,μάματα). S'il étaitdéfaillant, ses garants étaient sommés d'intervenir (19, 48-49 ;56-57 ; 25 I B, 16-19).

En ces matières, les naopes décidaient souverainement. Ilsétaient les seuls qualifiés pour le faire et n'avaient d'ordre à recevoir de quiconque, et surtout pas du Conseil amphictionique,lequel aurait été bien incapable de décider s'il fallait ou non payer

tel ou tel entrepreneur1. Comment l'aurait-il pu ? Ce sont lesnaopes, non les hiéromnémons, qui suivent de près et contrôlentde façon constante l'état des travaux : ils ont été nommés spécialementour cela. Seuls ils disposent des éléments d'appréciationindispensables pour juger en connaissance de cause de l'opportunité

(1) P. de La Coste-Messelière (Mél. Daux, p. 199-201) écrit : « les naopes étaient avanttout de s techniciens (souligné par l'auteur), agents d'exécution de l'Amphictionie...Les naopes étaient là non pour voter, mais pour appliquer les instructions qu'ilsrecevaient des hiéromnémons... Ils n'étaient pas libres de payer ou de ne pas payer...Ils sont au service de l'Amphictionie qui leur donne des ordres : non seulement pourassurer et payer les travaux qui sont sous leur directe responsabilité, mais pour réglerles frais nombreux entraînés par les sessions à Delphes et aux Pyles... Ils n'ont qu'àobéir aux Amphictions. Refus, atermoiements ou réticences seraient de leur partinconcevables ». C'est une erreur. Il est notable que la formule κελευσάντων τωνίερομνημόνων, fréquente dans les comptes de s trésoriers, n'apparaît jamais dans lescomptes des naopes. Croit-on que l'on aurait choisi les naopes parmi les personnalitésles plus en vue de leurs cités pour en faire de simples sous-ordres? Ajoutons enfin queles naopes reçoivent des fonds destinés exclusivement à la reconstruction du templeou aux activités directement liées à eile. Ils ne paient jamais d'autres dépenses quecelles de la reconstruction. Les frais des sessions mis à leur charge sont ceux de leursréunions à eux, les naopes ; le Conseil amphictionique disposait de ressources proprespour solder ses dépenses.

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118 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

d'un paiement. Ils doivent rendre des comptes au Conseilamphictionique, justifier l'emploi des sommes reçues par eux,mais l'organisation et la rétribution des travaux les concernentseuls.

Pour solder les dépenses, les naopes disposaient de deux sourcesde revenus : les fonds reçus de l'Amphictionie et les fonds que leurversait Delphes au titre de sa contribution particulière1. Selon lescirconstances, ils puisaient dans les deux caisses, ou dans l'uned'elles seulement. Ainsi, de la pylée de printemps sous Héracleiosen 356 à la pylée de printemps d'Aristoxénos en 355 (19, 1-5) etdurant les quinze ans et six mois qui séparent la pylée d'automned'Aristonymos (341) de la pylée de printemps de Charixénos (325 ;20, 15-20), ils ne prélèvent aucune somme sur le compte de Delphes.

Mais le plus souvent ils avaient besoin de toutes leurs ressources.Aussi, à chaque pylée, lors de l'assemblée plénière, les naopesprocédaient-ils à une répartition des paiements entre Delphes etl'Amphictionie. Ils adressaient à la cité de Delphes, par l'intermédiaire des προστατεύοντες, un ordre écrit de paiement (κελευόντωντών ναοποι,ών πάντων, que précise la formule plus explicite έπιστει-λάντων τών ναοποΐ,ών πάντων, 19, 2-3 ; 90). Le verbe έποστειλάντωνn'implique nullement que les naopes étaient alors réunis ailleursqu'à Delphes comme le pensent É. Bourguet (« Tous les naopes qui,pour une raison que nous ignorons, ne se sont pas réunis à Delphesont envoyé par lettre au Conseil un ordre de versement ») et P. de

La Coste-Messelière (« Disons au plus bref : quand les naopesécrivent à la ville de Delphes, c'est bien entendu qu'ils sontailleurs! Aux Pyles»)2. En fait, Γ επιστολή des naopes n'a voyagéqu'entre le naopoion, où elle a été rédigée, et l'Ecclésia delphiqueà laquelle l'ont apportée les προστατεύοντες. C'est l'ordre de paiement écrit qui restera dans les archives de la cité comme justificatifdes versements effectués. La formule κελευόντων τών ναοποιών πάντωνne peut s'entendre que d'un ordre écrit émanant d'une assembléequi l'a voté à l'unanimité. Sinon, faudrait-il imaginer les naopesse rendant à l'Ecclésia en corps constitué pour y clamer en chœur

leur ordre de paiement ? Il est courant de nos jours qu'un engagement promesse d'achat ou de vente, reconnaissance de dette, etc.— prenne la forme juridique d'une lettre écrite par son auteurdans le bureau même de son destinataire. L' επιστολή des naopesappartient à ce même type de documents.

(1) Cela est devenu évident à partir du moment où ont été expliquées la véritablenature des comptes 19 et 20 (G . Roux, RA 1966, p. 245-258) et la véritable fonctiondes prytanes (G . Roux, BCH 94 [1970], p. 117-132). Cf. tableau I, p. 143.

(2) É. Bourguet, FD, III 5, p. 85 ; P. de La Coste-Messelière, Mél. Daux, p. 200n. 7. Les naopes, en tant que tels, n'avaient aucun motif de se réunir aux Pyles.

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LES PAIEMENTS DES NAOPES 119

Une fois l'ordre reçu, les Delphiens s'acquittaient de diversesmanières : tantôt ils réglaient directement les factures aux créanciers qui leur étaient désignés dans la « lettre » des naopes, en

présence d'un naope delphien, de quelques bouleutes delphiens etde la délégation des naopes, constituée soit par les προστατεύοντες,si le paiement avait lieu durant la session, soit par le ou lesέπιμηνιεύοντες, s'il avait lieu entre les sessions ; tantôt ils versaientla somme aux naopes eux-mêmes1. Enfin, postérieurement àl'archontat de Gharixénos, en 325, ils se bornent à verser unecontribution forfaitaire de 30 mines aux deux naopes delphiens,qui la transmettent à leurs collègues. De leur côté les Amphictions,puis, à partir du printemps de 338, les trésoriers amphictioniques,versent aux naopes nommément désignés une somme globale,

toujours exprimée en talents ou demi-talents, dont ceux-ci devaientjustifier l'emploi détaillé dans leurs comptes2.Les naopes payaient également, outre les dépenses du temple,

les salaires de leur secrétaire, de l'architecte et de son aide, deshérauts, ainsi que les sacrificateurs et les frais du sacrifice qu'ilscélébraient à chaque pylée avant leur assemblée plénière, sacrificequ'il ne faut pas confondre avec celui qu'ofîraient les hiéromnémonsavant leur propre assemblée et dont le Conseil assumait ladépense3. Les naopes réglaient exclusivement les dépenses du templeet celles qu'entraînait leur propre activité.

Dans l'intervalle des sessions semestrielles, la plupart desnaopes se dispersaient, les uns regagnant leur cité, d'autres voyageant dans les provinces où se trouvaient les carrières, les mines,les forêts, d'autres s'occupant à Delphes même sur le chantier.Mais il était indispensable que le collège fût officiellement représenté à Delphes, durant cette période, par un naope responsable.Conformément, semble-t-il, à une prescription du ναοποϊκος νόμος(90, 15), l'assemblée désignait pour chaque mois un έπιμηνιεύων ouέπιμήνιος, naope de permanence mensuelle, qui changeait à chaqueέπιμηνιεία. Par suite d'une bizarrerie qui n'a pas reçu d'explicationsatisfaisante, le participe έπιμηνιεύοντος, toujours au singulier, est

suivi une fois de deux, une autre fois de trois noms de personnes4.

(1) Ci-après p. 180 sq .(2) Ci-après p. 193 sq .(3) Cf. 23 I, 26-31, 55-58; II, 18-21, 34-38; 25 II A, 17-20; 26 II A, 45-47 (?) ;

37, 2-5 ; 38, 13-19 ; 42, 2-8. J'insiste : il s'agit dans tous les cas du sacrifice célébrépar les naopes. Le sacrifice précédant l'assemblée des hiéromnémons, que nous avonsévoqué plus haut (p. 51), ne pouvait pas être payé sur les fonds donnés aux naopespour la reconstruction du temple. Les hiéromnémons disposaient pour cela de s fondsde leur propre caisse.

(4) É. Bourguet, Adm. fin., p. 77-79 ; 19, 6-7 (2 noms), 92-93 (3 noms), 105 (1 nom).

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120 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

On pourrait penser que le verbe est accordé avec le sujet le plusproche, mais une telle construction ne se rencontre jamais dansles comptes pour les autres fonctions ou magistratures (toujours

πρυτανευόντων, βουλευόντων, ίερομνημονούντων, etc.). Bourguet supposait u'à côté de Yépiménios en fonction (d'où le participe ausingulier) étaient nommés soit Vépiménios du mois précédent quise serait un peu attardé à Delphes, soit celui du mois suivant,arrivé un peu trop tôt, soit les deux à la fois quand il y a troisnoms, έπιμηνιεύοντος restant en tout état de cause au singulier pourbien montrer que les deux ou trois personnages cités n'étaient pasέπιμήνιοι simultanément, qu'il n'y avait qu'un seul έπιμήνιος officiellement en fonction. J'avoue que cette interprétation ne mesatisfait guère, mais je n'en ai pas de plus convaincante à proposer.

Les naopes delphiens demeuraient à Delphes. Il semblaient donctout désignés pour assurer une permanence continuelle, dispensantainsi le collège de nommer chaque mois un épiménios non résident.Cette solution n'a pas été retenue. C'est une preuve, entre autres,que les naopes de Delphes n'occupaient nullement dans le collègela situation privilégiée qu'imaginait Bourguet1. Il fondait saconviction sur le fait que dans les comptes 19 et 20 le naopedelphien, toujours nommé à part, et avant les naopes étrangers,assiste à toutes les opérations financières : « Sa situation le met àpart de ses collègues, puisque c'est lui qui seul est à chaqueinstant leur représentant visible, et il a, pour la suite de sa direction,

tous les avantages que lui donne sa présence constante. Aussi est-ilnommé à toutes les pylées et à toutes les épiménies ». Mais c'esten grande partie une illusion, fondée sur la méconnaissance de lavéritable nature des comptes 19 et 20, comptes de Delphes, destinésaux citoyens de Delphes, et dans lesquels il est normal que lesmagistrats delphiens, bouleutes et naopes, témoins et garants despaiements effectués par la cité, apparaissent au premier plan. Dansla comptabilité amphictionique en revanche, on ne voit nulle partque les naopes de Delphes soient traités autrement que leurscollègues. Le fait qu'on les ait doublés à Delphes par un épiménios

étranger montre qu'on ne leur avait pas confié de responsabilitésparticulières. Aussi, bien que leur présence continue sur le lieu duchantier ait dû leur conférer une certaine importance dans laconduite et la surveillance des travaux, les comptes n'attestentnullement que leur situation ait été dans le collège, en dehors deleurs fonctions proprement delphiques, aussi exceptionnelle quele pensait Bourguet.

(1) Adm. fin., p. 79-81 (d'où La Coste-Messelière, Mél. Daux, p. 206).

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LE NOUVEAU COLLEGE DES TRÉSORIERS 121

2) Les trésoriers.

„,.,„. Le compte de la pylée d'automne 339, sousondation du collège.,, i_ . f j r» ι · ' ιarchontat de Palaios, nous a conserve les21 dernières lignes du décret par lequel l'Amphictionie instituaitun collège de trésoriers (47 I, 1-21 )1. En voici la traduction :

«... Que les cités envoient leur trésorier (pour la vérification des comptesà chaque) pylée, à Delphes. Celle qui n'enverra pas le sien sera exclue dela session et frappée d'une amende de 500 drachmes pour n'avoir pasenvoyé son trésorier selon le règlement voté. L'argent de l'amende seradirectement perçu, après sentence obtenue des hiéromnémons, auprès destrésoriers indisciplinés par les trésoriers disciplinés.

Le même trésorier sera envoyé durant le laps de temps inscrit (dans ledécret) ; la cité qui n'enverra pas le même paiera la même amende que sielle n'en envoyait aucun.Les noms des trésoriers seront inscrits sur une stèle qui sera consacréedans le sanctuaire.

Les indemnités de déplacement seront versées au trésorier par la citéqui l'envoie. Le secrétaire des trésoriers percevra son salaire à chaquepylée auprès des trésoriers.

Les trésoriers, à chaque pylée, rendront compte aux hiéromnémons desmouvements de fonds et de leur gestion, sans malversation ni compromission.

[ ] aux trésoriers comme aux hiéromnémons, et de même au secrétairedes trésoriers. »

Le projet de décret fut probablement proposé aux hiéromné

monsors de la pylée ordinaire d'automne, en Boucatios, et ratifiésans délai par les cités, puisque dès le mois suivant, en Boathoos,le Conseil amphictionique, réuni en session extraordinaire, fîtgraver sur la stèle, comme le prescrivait le décret (47 I, 13-14), lapremière liste des trésoriers nommés par les cités et par le roi deMacédoine (47 I, 41-58). Le nouveau collège était donc constituédès le mois de Boathoos, en 339 ; mais il ne prit ses fonctions qu'àla pylée de printemps 338. Car durant la pylée d'automne, au senscomptable du terme, les prytanes de Delphes et le Conseil représenté par sa délégation permanente (οι μετά Κοττύφου και Κολοσίμμου,47 I, 60-63) continuent à gérer les fonds comme par le passé. Le 5du mois Héraios, ce sont eux — et non les trésoriers — qui paientles naopes (47 I, 58-78) et les autres créanciers (47 II, 1-13). Cen'est qu'à la session de printemps suivante (47 II, 14 sq.), en 338,année pythique, qu'ils transmettent les comptes de ces opérations— et par conséquent leurs pouvoirs — aux trésoriers. Désormaisces derniers, assistés des prytanes de Delphes, assurent l'administrationes finances de l'Amphictionie, sous le contrôle du Conseil.

(1) Ê. Bourguet, l.l., p. 110 sq . Sur la date de Palaios, BCH Suppl. IV , p. 79-83.

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122 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Celui-ci n'intervient plus dans les maniements de fonds, sinonpour donner des ordres de paiement, κελευόντων των ίερομναμόνων.Le compte 47, publié par Bourguet sous la rubrique « Comptes des

trésoriers » est donc en réalité un compte de transition, un comptemixte comprenant trois parties : le décret de fondation du collège(47 I, 1-21), les comptes du Conseil amphictionique pour la pyléed'automne 339-338 (47 I, 22 à 47 II, 1-13) x et le premier comptedes trésoriers datant de la pylée du printemps 338 (47 II, 14 àla fin).

Pourquoi l'Amphictionie à cette époque décida-t-elle de se doterd'un collège de trésoriers dont elle s'était fort bien passée jusquelà ? Elle exposait probablement ses raisons dans les considérants,aujourd'hui perdus, du décret dont nous ne possédons plus queles 21 dernières lignes ; nous serons obligés de les déduire des seulsarticles qui nous restent et de ce que leurs comptes nous révèlentde l'activité spécifique des trésoriers.

La première liste des trésoriers gravée sur la stèle dès l'automnede 339 montre que le nouveau collège était exactement calqué surle Conseil amphictionique. Il comprenait vingt-quatre trésoriers,deux par « peuple », énumérés dans le même ordre que les hiérom-némons et sous les mêmes rubriques : Thessaliens, délégués dePhilippe (ou d'Alexandre), Delphiens, Doriens, Ioniens... Contrairementux naopes, représentants du Conseil amphictionique, lestrésoriers sont donc, comme les hiéromnémons, les représentants

de l'État qui les envoie. Cela apparaît clairement dans la rédactiondes comptes : tandis que les naopes macédoniens sont qualifiésseulement par leur ethnique, Μακεδόνες (19, 74 ; 20, 31 ; 48 Ι, ΙΟ Ι 1, etc.), la formule sans ambiguïté παρά Φιλίππου, παρ' 'Αλεξάνδρου,désigne les trésoriers macédoniens comme les envoyés de Philippeou d'Alexandre (47 I, 43 ; 67, 4-5) 2 au même titre que les hiéromnémons. Le collège des trésoriers apparaît ainsi comme un doubletdu Conseil amphictionique, un second Conseil constitué pouraccomplir une tâche que le premier n'avait pas le désir, ou pas lesmoyens, d'assumer.

(1) Cette partie du compte 47 appartient donc à la même série que 21 et 22 . Je lisdans BCH Suppl. IV , p. 76 n. 39 : « L'identification par É. Bourguet des comptes 21et 22 comme étant des comptes du « Conseil » (de Delphes) n'a jamais été mise en doute,même pas par G. Roux [RA 1966 p. 249-254]... ». Elle a été plus que « mise en doute »par G. Roux {BCH 94 [1970], p. 125 sq.) lorsqu'il eut prouvé que les prytanes n'étaientpas membres de la Boula et figuraient exclusivement dans les comptes amphidioniques,comme 21 et 22 .

(2) Sur le compte 67, on se reportera aux nouvelles lectures de Ch . Dunant etJ. Pouilloux, BCH 76 (1952), p. 51 . Sur l'ethnique de s Macédoniens, cf. ci-dessusp. 14 n. 2.

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DUREE DU MANDAT DES TRESORIERS 123

Comment les trésoriers étaient-ils nommés ? Aucun texte ne leprécise. Mais comme leurs fonctions requéraient des compétencesen matière de finances, comme il est probable que l'on exigeait

d'eux, en tant que magistrats maniant des fonds publics, une garantieondée soit sur leur fortune personnelle, soit sur la caution d'unetierce personne (έγγυος), il ne semble pas douteux que leur αρχήétait non pas κληρωτή, remise aux hasards d'un tirage au sort,mais χεφοτονητή, que les trésoriers des cités étaient élus à mainlevée, à la suite d'un choix raisonné. Les trésoriers macédoniens,en revanche, étaient vraisemblablement désignés par leur roi.

Quelle était la durée de leur mandat, inscrite dans la partieperdue du décret (47 I, 11-12) ? On peut dire, par recoupements,qu'elle était comprise entre deux ans au moins et dix ans au plus.

A l'intérieur de cette « fourchette » un peu large, Ê. Bourguetconsidérait comme plausible, en se fondant sur un fragment decompte très mutilé, une durée de quatre années correspondant àune pythiade1 : déduction hypothétique, mais qui paraît correspondre à la réalité.

Nous ne possédons plus en effet que deux listes de trésoriers :celle de 339 et une seconde liste en pitoyable état (67) 2. Mais lesseuls noms restituables, d'après les lettres qui subsistent, dans leslacunes du texte 67, gravé stoichédon, sont ceux des trésoriers de339, à cette différence près cependant que les deux Macédoniensne sont plus nommés παρά Φιλίππου, comme en 339, mais παρ'

'Αλεξάνδρου. La liste est donc postérieure à l'assassinat de Philippe,perpétré durant l'été de 336 ; elle date au plus tôt de la pyléed'automne 336. Par conséquent, les trésoriers désignés à l'automnede 339, entrés en fonction au printemps de 338, demeuraient enfonction à l'automne de 336 : leur mandat était au minimum dedeux ans.

D'autre part, l'un des trésoriers de 339, le Magnète Pausaniasde Méthoné (47 I, 54-55), est hiéromnémon sous Bathyllos-automne (56, 14), c'est-à-dire en 329-328 au plus tard. Les fonctions de trésorier et de hiéromnémon n'étant pas cumulables, il

s'ensuit que Pausanias n'était plus trésorier dix années après sanomination sous Palaios-automne. Telle était donc la duréemaximale d'un mandat de trésorier. Toutefois une magistrature

(1) Adm. fin., p. 134-136.(2) Ch . Dunant et J. Pouilloux, l.l. p. 50-51. Comme les trésoriers exerçaient leurs

fonctions durant plusieurs années, on ne recopiait pas la liste des membres du collègeen tête de chacun de leurs comptes semestriels. Conformément aux prescriptions dudécret qui les fonde, cette liste était gravée à leur entrée en charge, une fois pour toutes,sur une stèle exposée dans le sanctuaire. C'est pourquoi nous possédons plus de comptesque de listes de trésoriers.

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124 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

aussi longue serait des plus insolites. La durée véritable doit sesituer entre ces deux chiffres extrêmes : deux ans et dix ans.

Or Bourguet avait signalé dans sa thèse l'importance d'un fra

gment de compte (69, 3-8) qu'il interprétait, correctement semble-t-il, comme le bilan récapitulatif des recettes et des dépenses d'unepythiade :

Σύμπαν κε[φάλαιον του άναλώματος επ ί ταύτης της]Πυθι,άδος ' [τάλαντα μναί, στατήρες ]τριάκοντα εΙ[ς Τα δε υπάρχοντα ήσαν συν τήι]

[π]ροσόδωί. ' τά[λαντα μναι στατήρες ][ό]βολοί τέσσα[ρες.][Έλε]ίφθη, άφ[αιρεθέντος του άναλώματος κτλ ]

« Total (des dépenses effectuées durant cette) pythiade : (x talents,χ mines) trente et un (statères. Reliquat disponible en début d'exercice,ajouté) aux recettes : (x talents, χ mines, χ statères) quatre oboles. Resteen caisse, (dépenses) déduites : (x talents, etc.) ».

Il est au moins plausible que ce bilan récapitulatif des comptesd'une pythiade a été établi par les trésoriers sortant de charge àl'intention du Conseil amphictionique, seul habilité à leur donnerquitus de leur gestion, et des trésoriers qui devaient leur succéderdurant la pythiade suivante. La durée du mandat serait alorsassurée : huit pylées consécutives comprises entre deux annéespythiques. L'hypothèse de Bourguet me semble s'accorder avecles faits mieux qu'il ne le pensait lui-même. Car les trésoriersnommés à l'automne de 339 ne prirent effectivement leurs fonctions, ainsi que je l'ai montré, qu'au printemps de 338, annéepythique, et purent donc remplir un mandat de durée normalejusqu'en 334, autre année pythique, date à laquelle ils cédèrentla place à leurs successeurs, eux aussi nommés pour quatre ans.Le texte est si lacunaire que ces déductions demeurent, répétons-le,hypothétiques. Du moins cadrent-elles assez bien avec les faits.D'une part, les noms des trésoriers ne sont pas répétés en tête dechacun de leurs comptes, comme ceux des hiéromnémons et des

prytanes, magistrats annuels ; ils sont inscrits, comme ceux desnaopes, sur une stèle lors de leur entrée en charge, ce qui supposedes fonctions exercées durant plusieurs années. D'autre part, lasévérité des sanctions — forte amende, exclusion de la session —dont l'Amphictionie menace les cités qui n'enverraient pas leurtrésorier à chaque session, et surtout qui n'enverraient pas lemême durant le temps prescrit, laisse entendre que ce temps étaitassez long et les fonctions de trésorier assez accaparantes pourqu'un certain absentéisme fût à redouter. Si les titulaires de lacharge devaient être retenus par leurs obligations à Delphes

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LES COMPTES ORDINAIRES 125

durant de nombreuses pylées, il était prévisible que certainstenteraient d'esquiver parfois ces contraintes en restant chez euxou en déléguant à la pylée un remplaçant complaisant. Peut-être

avait-on déjà fait à ce sujet quelques mauvaises expériences avecles naopes. Il est clair que l'Amphictionie estime un tel laisser-allerincompatible avec les tâches qu'elle entend confier aux trésoriers,tâches qui exigent apparemment de l'assiduité, de la ponctualité,de la continuité dans le travail. Nous devrons ne pas l'oublierquand nous essayerons de déterminer le motif de la création ducollège.

Les trésoriers, comme les naopes, rendent leurs comptes à chaquepylée semestrielle (47, 17-19), et peut-être, globalement, au termede chaque pythiade, à leur sortie de charge, devant les hiéromné-

mons qui, s'ils constatent quelque erreur, indélicatesse ou complaisance,ngagent contre les coupables des « actions en redressement »(εύθύνας).

Le décret nous apprend encore que l'entretien de chaque trésorier tait à la charge de sa cité, dont il recevait ses indemnitésde déplacement et de séjour à Delphes. En revanche, le secrétairedes trésoriers, comme le secrétaire des hiéromnémons et le secrétaire des naopes, est un employé salarié, rémunéré sur la caisseamphictionique par les trésoriers eux-mêmes.

Les comptes des trésoriers ont été publiés

Fonctions Bourguet sous les numéros 47 à 77. IliQS iTgSOTIGTS 'les comptes ordinaires, convient d'y ajouter, outre un fragment découvert depuis, les comptes 78 à 87 présentés

dubitativement sous le titre : « Fragments de comptes rédigés parle Conseil de Delphes (?) »x. Il s'agit certainement de comptes destrésoriers, comme le prouvent et leur contenu (dépenses pour destravaux autres que ceux du temple) et surtout la formuleκελευσάντων των ίερομναμόνων qui se lit à plusieurs reprises dans cesfragments très endommagés (78, 9, 24 ; 81, 20 83, 6 (?) ; 85, 2). Ce nesont donc pas des comptes de la cité de Delphes (qui ne reçoitd'ordres que des naopes, exclusivement, et pour les dépenses du

temple, exclusivement : cf . 19 et 20), ni des comptes des naopes(qui ne reçoivent pas d'ordres des hiéromnémons et s'occupent seulement des travaux du temple), ni des comptes du Conseil amphictionique (de la série 21, 22, 47) qui ne se donnerait évidemmentpas d'ordres à lui-même. En revanche, il en donne souvent auxtrésoriers (53, 5 ; 58, 13 ; 61 1, 35). De plus, un compte de cette série

(1) J. Bousquet est arrivé de son côté à la même conclusion : Ada of th e FifthEpigraphic Congress (1967), p. 80 .

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126 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

enregistre, parmi les dépenses, le salaire du secrétaire des trésoriers (85, 5), dont il est dit dans le décret de fondation qu'il serapayé par les trésoriers eux-mêmes (47 I, 16-17). Le doute n'est donc

pas permis : les fragments 78 à 87 proviennent de la comptabilitédes trésoriers.Cette comptabilité comprend deux séries de comptes que nous

étudierons successivement : d'une part les comptes ordinaires, deloin les plus nombreux, d'autre part les comptes dits « comptes àάπουσίοα» (49, 67, 68), relatifs à une entreprise qui ne dura qu'untemps mais fut probablement la raison principale de la créationdes trésoriers.

Les comptes ordinaires concernent l'administration normale,je serais tenté de dire l'administration de routine, des finances

amphictioniques.Sur

ce point, les trésorierssuccédèrent

purementet simplement au Conseil amphictionique qui avait assumé jusqu'alorsette charge en collaboration avec les prytanes de Delphes.Il est possible, en combinant divers fragments, d'établir le modèled'un compte type des trésoriers. Le plan en est logique et clair :somme disponible en début d'exercice, paiement global auxnaopes, paiements détaillés aux autres créanciers, reliquat en find'exercice.

Au début de chaque compte, les trésoriers additionnent le reliquatde l'exercice précédent déposé auprès de la cité de Delphes (ταυπάρχοντα παρά τη πόλεΐ. των Δελφών) et les recettes encaissées lors

de la session (ή πρόσοδος) : ils obtiennent ainsi le total des sommesdont ils disposent pour l'exercice à venir (σύμπαν κεφάλαιον σύντώι ύπάρχοντι, σύμπαν κεφάλαιον της προσόδου και των υπαρχόντωνπαρά τη πόλει τών Δελφών). Durant les années 336 à 331, ils distinguent dans leurs comptes les recettes en « numéraire ancien »,τδ παλαιόν, des recettes en « nouveau numéraire amphictionique »,το καινδν άμφικτυονικόν, frappé sous leur direction à partir de 338,selon l'étalon éginétique en usage à Delphes. Ils ont parfois dansleur caisse des monnaies diverses, des pièces d'or, ou du « numéraire attique », τδ άττικόν, qu'ils convertissent généralement en

numéraire éginétique. Voici, à titre d'exemple, l'intitulé du compteétabli sous Dion-printemps (50) :

« Reliquat à la disposition des trésoriers auprès de la cité de Delphes,totalisant les sommes en numéraire ancien et nouveau : 61 talents, 24 mines,19 statères, 11 oboles, 7 chalques.

Dont, en nouveau numéraire amphictionique : 36 talents, 38 mines,32 statères, 9 oboles,

et en ancien numéraire : 24 talents, 45 mines, 22 statères, 2 oboles et7 chalques.

Tel est le reliquat.Recettes en ancien numéraire, à la pylée de printemps, au mois

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NAOPES ET TRESORIERS 127

d'Endyspoïtropios, Dion étant archonte à Delphes, et prytanes (huit noms),et hiéromnémons (vingt-quatre noms) (V enumeration des recettes manque; elles totalisaient, d'après la suite, 32 talents,35 mines, 13 statères, 3 oboles)

Total de la recette et du reliquat déposé auprès de la cité de Delphes,en ancien numéraire : 57 talents, 21 mines, 5 oboles, 7 chalques »>.

Le bilan des sommes disponibles en début d'exercice ayant étéétabli, les trésoriers enregistrent leurs dépenses (άπό τούτων άνάλωμα)sous deux chapitres distincts : somme versée aux naopes, sommesversées aux autres créanciers.

Comme dans les comptes du Conseil amphictionique et desprytanes (21, 22, 47), la somme versée aux naopes pour les travauxdu temple est toujours indiquée globalement, et en chiffres ronds1.

Seuls les naopes sont tenus d'en justifier devant le Conseil l'emploidétaillé. Au contraire, les trésoriers paient directement aux entrepreneurs les travaux, autres que ceux du temple, exécutés soitdans les sanctuaires des Thermopyles, soit à Delphes ; ils enregistrent naturellement dans leurs comptes le détail de ces dépensesqui leur sont propres. Ainsi apparaît nettement la délimitationentre les attributions des naopes et celles des trésoriers : auxpremiers incombe tout ce qui concerne la reconstruction du temple,exclusivement ; aux seconds, tout le reste. Il ne saurait donc yavoir eu, comme l'avait cru Bourguet, une concurrence entre lesdeux collèges. Chacun travaille dans le domaine qui est le sien.

Il s'ensuit qu'aucun travail payé directement par les trésoriers neconcerne le temple ; inversement, aucun travail payé directementpar les naopes n'est étranger à la reconstruction du temple. Ilconvient de ne pas l'oublier quand on interprète le contenu descomptes2.

En fin d'exercice, les trésoriers soustraient le total de leursdépenses (somme globale versée aux naopes + sommes détaillées

(1) 48 I, 7 : 5 talents ; 49 II, 38-39 : 10 t. 36 mines ; 50 II, 14 : 3 t. ; 57 B, 5-6 :2 t. ; 58, 13-15 : 20 t. ; 61 I, 35-36 : 2 t. ; II B, 15 : 24 t. En 50 II, 9-13, les trésoriers

spécifient exceptionnellement qu'ils ont versé l'équivalent de 150 philippes d'or« pour achat de cyprès » (cf. ci-après p. 22 0 sq) : c'est pour justifier leur opération dechange. Ordinairement, ils ne s'occupent pas de l'emploi détaillé de s fonds qu'ilsremettent aux naopes.

(2) Par exemple le compte GDI 2503 étant, un compte des trésoriers (dépenses pourles Pythia), le membre de phrase τον ναον στεγάξαντι (/. 6) ne peut en aucun cas, commele croyait Bourguet [FD, III 5, p. 135) concerner le temple d'Apollon à Delphes, nonplus que le [θύ]ρωμα du compte 57 B (l. 2) signalé par J. Bousquet (BCH 80 [1956],p. 32 n. 1, et Ada of th e Fifth Epigr. Congress [1967], p. 79). Ces deux comptes serapportent à l'un des édifices des Pyles et de Delphes, autre que le temple d'Apollon,dont les trésoriers assuraient l'entretien. Pour la môme raison la restitution [τουστα]δίου (Bourguet) dans le compte des naopes 29 , 2-3 est à exclure absolument.

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128 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

versées aux différents entrepreneurs) de la somme dont ils dispo-.saient au début et inscrivent le reliquat qu'ils laissent disponiblepour l'exercice suivant ; ce reliquat est confié à la garde de la cité

de Delphes.« Total de la dépense, en numéraire ancien, de la pylée de printemps :

4 talents, 30 mines, 8 statères, 11 oboles.Le reliquat en ancien numéraire ajouté à la recette faisait 57 talents,

21 mines, 5 oboles, 7 chalques.Reste, déduction faite de la dépense, auprès de la cité de Delphes,en ancien numéraire : 52 talents, 50 mines, 26 statères, 1 drachme,

7 chalques ;en numéraire amphictionique : 105 talents, 49 mines, 5 statères, 9 oboles ».

Mais les trésoriers ont dû acheter sur ce reste, soit au total 158

talents, 39 mines, 31 statères, 1 drachme, 9 oboles et 7 chalques,des drachmes attiques pour solder une dépense payable en« devises athéniennes » comme nous dirions aujourd'hui. Cetteopération de change, effectuée au « cours commercial », a rapportéaux trésoriers 6 010 drachmes et 3 oboles attiques en plus de cequ'ils auraient dû percevoir si la transaction s'était faite au« cours officiel », moins avantageux1. Ce « boni » représente doncune recette que les trésoriers, après l'avoir convertie en monnaieéginétique, ajoutent à leur bilan :

« Sur cette somme ont été changés 44 talents, 18 mines, 15 statères ennuméraire amphictionique contre 45 talents, 18 mines, 53 drachmes et2 oboles en numéraire attique.

Total de la somme déposée auprès de la cité de Delphes à la dispositiondes trésoriers : 159 talents, 40 mines, 2 statères, 3 oboles, 7 chalques. »

Tel est le plan schématique des comptes ordinaires : somme disponible en début d'exercice, versement global aux naopes, versementsdétaillés aux divers créanciers, solde déposé en fin de pylée auprèsde la cité de Delphes.

En plus de leurs comptes détaillés, qui représentent la comptabilité oumise à chaque pylée au contrôle des hiéromnémonscomme le prescrivait le décret de fondation (47 I, 17-19), lestrésoriers faisaient graver sur des stèles une comptabilité simplifiée,récapitulative, réduite à la balance des recettes et des dépenses.Il est question en effet dans le compte 74 (1 . 54-55) d'une στήλη έν ήιτα κεφάλαια π[ροσόδων παρά] των ταμιών άναγ[έγραπται]. Et un personnage appelé ό της διοικήσεως, le « préposé à l'administration »,probablement l'un des trésoriers, fait graver sur une série de

(1) É. Bourguet, FD, III 5, 50 III, 39-43 et commentaire p. 205; R. Bogaert,Banques et banquiers dans les cités grecques, p. 108-109.

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LES TRESORIERS ET LA MONNAIE AMPHICTIONIQUE 129

stèles les comptes έγ κεφαλαίοις (74, 55-57), « c'est-à-dire sansdétails, simplement les ensembles de recettes et dépenses » (Bour-guet). La comptabilité des trésoriers est donc d'une parfaite clarté.

Les comptes ordinaires nous montrent lesFonctions ^ trésoriers accomplissant les tâches administra-

compiesàâaiova'iai. tives dont s'acquittait précédemment le Conseilamphictionique assisté des prytanes de Delphes.

On ne voit pas laquelle de ces occupations de routine aurait rendunécessaire, en 339-338, la création d'un collège financier. Bourguetla mettait en rapport avec les versements de l'énorme amendeinfligée aux Phocidiens après leur défaite de 346 : disposant deressources accrues, l'Amphictionie aurait eu besoin pour les gérerd'un corps d'administrateurs spécialisés1. Mais on n'aperçoit pas

de lien chronologique évident entre la fondation du collège, en339-338, et les versements de l'amende, qui débutèrent sousl'archontat de Cléon dès 344-343, cinq ans plus tôt, et passèrent,dès 342-341, de 60 talents à 30 talents annuels seulement. Detoutes façons, ces versements, s'ils gonflaient les ressources del'Amphictionie, ne lui imposaient aucune tâche de comptabilitéqu'elle n'ait eu l'habitude d'accomplir : il suffisait d'enregistrer lepaiement que les Phocidiens venaient effectuer à Delphes même,recette parmi d'autres recettes. Ce n'était pas un gros travailsupplémentaire. Enfin il est notable que, même après l'institution

des trésoriers, les prytanes de Delphes continuèrent comme par lepassé à percevoir les amendes en présence des témoins delphienset phocidiens, sans que figure jamais, dans le reçu délivré aprèschaque versement, le nom d'un seul trésorier. Ces derniers enregistrent naturellement dans leurs comptes ces paiements de l'amendeque leur remettent les prytanes de Delphes : « Les Phocidiens ontapporté leur onzième versement : dix talents » (48 II, 37-38). Maisil n'apparaît nulle part que ces versements, qui de semestrielsdevinrent bientôt annuels, aient jamais constitué à eux seuls unepart importante de l'activité des trésoriers2.

En revanche, il est un aspect de cette activité, plus insolite, quenous révèle une série de trois comptes (49, 67, 68), appelés« comptes à άπουσίαι », « comptes à déficit », et datés des années336-3343. Le mieux conservé (49), gravé stoichédon en deux

(1) Adm. fin., p. 115-116.(2) Cf. ci-après p. 167 sq. et tableau p. 171.(3) Ch. Dunant et J. Pouilloux, « Comptes delphiques à άπουσίοα », BCH 76 (1952),

p. 32-60, dont j'expose ici les conclusions. J. Bousquet (Mél. Daux, p. 22 n. 1) reconnaîtune mention de ce s comptes dans 74, 57-59 : [στή]λης έν ήι των νομισμάτω[ν των μετάτης] άργυροκοπίας εξετασθέν[των] ή αναγραφή έγένετο ; il écrit: « on peut se demandersi des comptes comme FD 49, 67 et 68... ne feraient pas partie de Γέξέτασις faite après

la frappe du nouvel amphictionique ». Cela me paraît certain.

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130 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

colonnes sur une stèle de calcaire gris, se compose d'une suite deparagraphes séparés les uns des autres par un vide d'une lettre :dans chaque paragraphe sont énoncés successivement une somme

en numéraire (άριθμώι.) de diverses cités, Oponte, Larissa,Sicyone, etc., puis un «manque», un déficit (απουσία) évalué ennuméraire, enfin une somme exprimée en numéraire amphictio-nique, égale au reste de la soustraction des deux chiffres précédents.Je traduis à titre d'exemple un passage significatif du compte 49(1 . 20 sq.) :

Trioboles d'O ponte, en numéraire 1 t. 57 m.manque, en numéraire 17 m. 4 st. 7,5 ob .

reste, en amphictionique 1 t. 39 m. 30 st. 4,5 ob .Drachmes anciennes de Larissa, en numéraire 9 t. 30 m.

manque, en numéraire 43 m. 15 st.reste, en amphictionique 8 t. 46 m. 20 st.Drachmes nouvelles de Sicyone, en numéraire 46 m.

manque, en numéraire 5 m. 4 st. 2,5 ob .reste, en amphictionique 40 m. 30 st. 9,5 ob .

Drachmes de (..?..), en numéraire 34 m.manque, en numéraire 3 m. 1 st. 3 ob .

reste, en amphictionique 30 m. 33 st. 9 ob .Argent à la casse (? ) en numéraire 3 t. 36 m.

manque, en numéraire 13 m. 17 st. 6 ob .reste, en amphictionique 3 t. 22 m. 17 st. 6 ob .

Drachmes nouvelles de Larissa, en numéraire 1 t. 24 m.

manque, en numéraire 5 m. 7 st.reste, en amphictionique 1 t. 18 m. 28 st.Total de l'argent reçu pour transformation (? ) 122 t. 26 m. 23 st.

Sur cette somme, nous avons évalué lemanque en numéraire à 16 t. 47 m. 14 st.

reste, en amphictionique 105 t. 39 m. 19 st.Déchet de coulées (? ) de l'argent reçu (? )

2 t. 15 m. a; st. 3 ob .? 3 ob .

devenu en amphictionique 1 t. 59 m. 5 st.

La signification longtemps mystérieuse de ces comptes à

άπουσίαι fut éclaircie grâce aux efforts conjugués de P. de La Coste-Messelière, Gh. Dunant et J. Pouilloux : il s'agit des comptestenus par les trésoriers lors de la frappe de la nouvelle monnaieamphictionique.

A partir de 338 en effet, et pour une période de cinq années aumaximum, l'Amphictionie émit de belles pièces d'argent frappéesselon l'étalon éginétique, trioboles, drachmes, didrachmes, portantau droit, avec la légende Άμφικτιόνων, un Apollon lauré assis surl'omphalos, non loin du trépied pythique, et tenant un rameaude laurier à la main ; au revers, une tête de Demeter voilée, cou-

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TAUX DE CHANGE ET MONNAIE NOUVELLE 131

ronnée d'épis1. Cette émission, à l'effigie des divinités patronnesdes deux sanctuaires amphictioniques, est appelée dans les comptesle « nouvel amphictionique » ou simplement « l'amphictionique »

ou, plus brièvement encore, « le nouveau », το καινόν.Il est difficile de démêler les raisons profondes de cette entreprise

qui fut, du point de vue de l'art monétaire, une réussite et, du pointde vue économique, un fiasco. L'Amphictionie voyait affluer àDelphes des monnaies de toutes sortes et devait, dans ses comptes,opérer de constantes opérations de change, les unes onéreuses,les autres fructueuses, mais qui toutes compliquaient sa tâche.On a pensé parfois que la mise en circulation d'une monnaieamphictionique dont on aurait, à Delphes, imposé l'usage, auraitpu simplifier la comptabilité. Mais dans la pratique le résultat

fut inverse : les trésoriers durent inscrire dans leurs comptes unemonnaie de plus. Le motif de la frappe nouvelle ne fut certainementpas la recherche d'une simplification comptable.

L'Amphictionie escomptait-elle un bénéfice financier, en proposant ne monnaie nouvelle à un taux de change avantageux pourelle ? La comparaison entre deux opérations de change effectuéesl'une avant, l'autre après la frappe de la monnaie amphictioniquesemblerait d'abord prouver qu'un tel calcul pouvait être juste.

On sait qu'il existait à Delphes, entre les deux monnaies lesplus demandées, l'éginétique et l'attique, trois cours de changedifférents. Le cours officiel établissait une correspondance réelle,

fondée sur le poids, de 7 drachmes éginétiques (6,07 g X 7 = 42,49g) pour 10 drachmes attiques (4,25 g X 10 = 42,50 g). Mais lamonnaie attique, en raison de son prestige, était souvent changéeau-dessus du pair, à un cours commercial, favorable pour elle,de 3 drachmes éginétiques (6,07 g χ 3 = 18, 21 g) pour 4 drachmesattiques (4,25 g x4 = 17 g ; bénéfice : 1,21 g par pièce). Enfin,le cours des monnaies divisionnaires, utilisées pour les petitestransactions, était de 2 oboles éginétiques pour 3 oboles attiques,favorable cette fois à l'éginétique2.

Or les naopes doivent acheter 2274 drachmes attiques pour

régler une fourniture d'ivoire (destinée, semble-t-il, à la grandeporte du temple) payable en cette monnaie (25 II A, 5-13). Ils versenten contrepartie 1705 drachmes 3 oboles éginétiques, au courscommercial, au lieu de 1591 drachmes 4 oboles, prix au cours

(1) E. J. P. Raven, Numismatic Chronicle 1950, p. 1-22 ; Ch . Dunant et J. Pouilloux,/./. ; G. Le Rider, dans Études archéologiques, publiées sous la direction de P. Courbin,(1963), p. 181-182. Belle reproduction dans P. R. Franke et M. Hirmer, Die GriechischeMünze, p. 103, pi. 147, n°s 462-463 (d'où G. Roux, Delphes, pi. XXX, 54-55 et p. 233).

(2) R. Bogaert, Banques et banquiers dans les cités grecques, p. 108-109.

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132 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

officiel, ί/έπικαταλλαγή, la perte au change, est de 113 drachmes5 oboles, soit 7,1 % au détriment de la caisse sacrée.

Une dizaine d'années plus tard, en 335, les trésoriers effectuent

une opération analogue, mais en payant cette fois les drachmesattiques en monnaie amphictionique (50 III, 39-43). Que voit-on ?En échange de 186 090 drachmes amphictioniques ils reçoivent271 853 drachmes et 2 oboles attiques, au lieu de 265.842 drachmes5 oboles, prix du cours officiel : ils gagnent donc 6 010 drachmes3 oboles attiques, soit 2,26 % de plus que la valeur au pair ; et sila transaction s'était faite au cours commercial, c'est 23 733drachmes et 2 oboles attiques, soit 9,56 % de plus qu'auraientencaissé les trésoriers. Ainsi l'Amphictionie perdait au changeavec la monnaie ancienne et gagnait avec la nouvelle, bénéfice

d'autant plusremarquable

que lamonnaie amphictionique était

frappée, comme l'ancienne, selon l'étalon éginétique. La recherchede cet avantage aurait pu inciter l'Amphictionie à se doter de sapropre monnaie. Mais si elle avait réellement nourri de tellesespérances, elles furent bientôt déçues : la monnaie nouvelle eneffet était frappée à partir de monnaies anciennes et, semble-t-il,de vieilles offrandes du sanctuaire envoyées à la casse. Or la perteà la fonte, qu'enregistrent justement les comptes à άπουσίαι,atteignait parfois jusqu'à 13 % : elle annulait par avance tout lebénéfice que l'on pouvait escompter d'un taux de change avantageux1. Comme cette perte à la fonte était prévisible, il est fort

douteux que la frappe de « l'amphictionique » ait été motivée parune raison proprement économique. Je ne pense pas non plus quePhilippe, instigateur probable de la frappe nouvelle, se soit bercéde l'illusion, comme on l'a dit parfois, de concurrencer les« chouettes » athéniennes. La monnaie d'Athènes devait sa forced'une part à la « source d'argent » qui coulait au Laurion, d'autrepart à la vigueur d'une puissance commerciale étendue à tout lebassin de la Méditerranée. L'Amphictionie ne possédait en propreni mines d'argent ni commerce international. Dans ces conditions,concurrencer la monnaie athénienne était une chimère ; il n'est

pas plausible que l'esprit réaliste du roi de Macédoine s'y soit laisséprendre un seul instant.Dépourvue d'avantages économiques, l'opération pouvait en

revanche présenter un intérêt politique auquel Philippe ne devaitpas être insensible. C'est par le biais de l'Amphictionie qu'il s'étaitrendu maître des affaires de la Grèce, et c'est par elle qu'il espéraitaffermir sa domination, en se parant du prestige qu'elle conservait

(1) On se reportera sur ce sujet aux calculs détaillés de Ch . Dunant et J. Pouilloux,BCH 76 (1952), p. 43, 53-57.

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MONNAIES PUBLICITAIRES 133

aux yeux des Grecs. Accroître ce prestige allait dans le sens de sesintérêts : « Était-il moyen plus sûr de donner réalité à l'ombre quisiégeait à Delphes que de la doter d'une monnaie susceptible de

rivaliser avec celles des grandes cités, Athènes entre toutes ? &1.Une opération onéreuse peut-être sur le plan économique, maispayante sur celui de la propagande, pour ne pas dire de la publicité,voilà, me semble-t-il, le véritable caractère de cette frappe nouvelle, à laquelle nous devons l'une des plus belles monnaies émisespar la Grèce.

Elle est comparable de ce point de vue à la monnaie dont se dotaà la fin du me siècle, en Ionie, la « panégyrie » d'Athéna Ilias2.Ces pièces d'argent, frappées à l'effigie de la déesse, n'avaient paspour objet de concurrencer les monnaies des cités membres, quicontinuaient à émettre leur propre numéraire, mais à répandredans le public, à mesure qu'elles circulaient, comme le feraient denos jours par exemple la publicité de telle station touristiqueinscrite sur des objets usuels, cendriers ou boîtes d'allumettes, larenommée de la panégyrie. Par sa richesse et sa beauté, lamonnaie amphictionique donnait, mieux qu'aucun autre support,une idée de puissance, accroissant d'autant le prestige d'uneinstitution dont Philippe comptait faire son instrument. La mortprématurée du roi contribua sans doute à hâter la fin d'une entreprise, dont, par l'intermédiaire de ses Thessaliens dévoués,Daochos et Thrasydaos, puis Cottyphos et Colosimmos, il semble

avoir été l'instigateur (47 I, 2, 31), mais dont le coût élevé auraitde toutes façons abrégé la durée. Dès l'année 331 la frappe estarrêtée : il n'est plus question d'argent amphictionique dans lescomptes. On estime que la production totale de la monnaienouvelle n'excéda pas deux cents talents. Il ne reste aujourd'hui,comme témoins de cette tentative avortée, qu'une vingtaine debelles pièces d'argent représentant une valeur nominale de45 drachmes et demie !

Pour en revenir aux comptes à άπουσίαι, ils nous montrentcombien la frappe de l'amphictionique rendait nécessaire lacréation d'un collège de trésoriers. La transformation des monnaiesanciennes en monnaies nouvelles devait inévitablement entraînerdes « manques », prévisibles mais impossibles à évaluer exactementa priori. A cause des pertes de poids dues à l'usure des monnaiesanciennes (ce que l'on appelle le « frai ») et des inévitables pertesde métal provoquées par les opérations de fonte, on savait que l'on

(1) Ch . Dunant et J . Pouilloux, IL, p. 58-59.(2) L. Robert, Monnaies antiques de Troade (1966), « La confédération et la pané

gyrie », p. 18-46.

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134 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

retrouverait à la sortie du coin moins d'argent que l'on n'en avaitenvoyé au creuset. Il était à craindre que des personnages peuscrupuleux ne jouent sur les variations de ce « manque » pour

commettre des malversations difficiles à déceler. Il fallait doncexercer un contrôle rigoureux et collectif, un contrôle constantaboutissant à une comptabilité irréprochable : d'où la sévérité del'amende infligée aux cités qui ne veilleraient pas à l'assiduité deleur trésorier.

A en juger par le compte 49, la matière première de la monnaienouvelle fut essentiellement fournie par les monnaies anciennes ;s'y ajoutaient parfois, semble-t-il, des objets en argent envoyés« à la casse ». C'est ainsi que je serais tenté d'interpréter Γ[άργυρίο]υθλά[σεως] de la ligne 38. La restitution, due à P. de La Coste-Messelière et acceptée par Ch. Dunant et J. Pouilloux1, paraît laseule possible dans ce contexte. Faut-il comprendre que l'on avaitenregistré dans ce paragraphe des monnaies frustes, devenuesillisibles, plus ou moins « écornées, brisées, meurtries » par un longusage ? Le mot θλάσις me paraît un peu fort pour désigner lesdommages normalement subis par les monnaies au cours de leurcirculation. Avec son suffixe en -σις, le mot est un nom d'action;il exprime un écrasement, un broiement plutôt qu'une lente usure.Littéralement traduit, ce paragraphe du compte signifie que le« broyage » de l'argent a produit, au départ, une certaine quantitéde métal dont la valeur, évaluée en numéraire, était de 3 talents

et 36 mines, lesquels, à l'arrivée, après une perte à la fonte de13,5 mines, soit 6,5 % ont été convertis en 3 talents 22,5 mines.Il y avait dans tous les sanctuaires grecs des offrandes de métalprécieux, tel ce magnifique taureau d'argent en grandeur naturelleexhumé sous le pavage de la voie sacrée, l'une des pièces les plusétonnantes du musée de Delphes2. Quand ces offrandes venaient àêtre endommagées, on s'en débarrassait soit en les enfouissantdans une favissa — ce fut le cas du taureau de Delphes — soit enles envoyant à la fonte. A Oropos, à Delphes même, ont été exhumésdes inventaires relatifs à des opérations de ce genre3. Ce sonttrès probablement des objets envoyés « à la casse » que les trésoriers ont reçus et enregistrés sous la rubrique θλάσεως. Étant donnéla nature particulière de leur compte, compte à απουσίας ils évaluentles quantités reçues non pas en poids (σταθμώί.) — ce qui faisaitpeut-être l'objet d'un autre compte — mais en valeur numéraire

(1) L.I., p. 37-38.(2) P. Amandry, « Statue de taureau en argent », BCH Suppl. IV , p. 273-293.(3) IG, VII, 30 3 (Oropos) ; A. Plassart, FD, III 4, 285, et commentaire p. 23-24

e s. avant J.-C).

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LA MONNAIE NOUVELLE ET LES TRESORIERS 135

(αριθμώ!.), qui seule permettait de calculer Γ απουσία, toujours évaluée, elle aussi, en numéraire et non pas en poids.

Si le sens de θλάσις est assez clair, les expressions άργύριον δεξίόν

(1 . 46, 52) et δίχους (1 . 52) gardent leur mystère. Ma traduction(« argent reçu », « déchets de coulées ») est purement hypothétiqueet je partage à leur sujet les doutes et les embarras des dernierséditeurs de l'inscription.

De même qu'il avait été nécessaire de créer des naopes pourreconstruire le temple, l'Amphictionie dut instituer des trésorierspour frapper la monnaie nouvelle. Mais ceux-ci, loin de limiter leuractivité à cette tâche spécifique, retendirent à l'ensemble de lagestion financière qui incombait précédemment au Conseilamphictionique, si bien que lorsque la frappe de la monnaienouvelle eut été interrompue, ils n'en continuèrent pas moins àexercer leurs fonctions. Nous ignorons ce qu'il advint d'eux aprèsle milieu du ine siècle.

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LE FINANCEMENT DE LA RECONSTRUCTIONRECETTES ET DÉPENSES

1) Organisation et chronologie du financement.

Delphes et l'Amphictionie, les naopes et les trésoriers assumèrent conjointement la tâche de reconstruire le temple d'Apollonaprès la catastrophe de 373. Comment leur collaboration fut-elleorganisée et comment fut assuré le financement de cette énormeentreprise ?

Le temple de Delphes était l'un des trois plus grands de laGrèce propre, après le Parthenon et le temple de Zeus à Olympie.Sa situation, proche de la mer, facilitait l'approvisionnement duchantier en blocs de pôros et bois de construction importés du

Péloponnèse ; mais cet avantage économique était en grande partieannulé par les difficultés du trajet entre le port de Cirrha et lesanctuaire, juché cinq cents mètres plus haut sur une penteescarpée. Il était prévisible que le prix des matériaux livrés surle chantier serait grevé de frais de transport considérables, ce quiadvint en effet. Tant par ses dimensions que par son implantationau flanc du Parnasse, le temple devait être coûteux : il fallaittrouver des ressources financières non seulement abondantes, maisaussi et surtout régulières, afin d'assurer la marche progressive etcontinue des travaux.

L'initiative des opérations appartenait à l'Amphictionie, et àl'Amphictionie seule. Car seule elle était responsable, depuis lapremière guerre sacrée au moins, de l'administration du sanctuaire pythique et de la surintendance des bâtiments. Au vie siècledéjà, elle avait pris en main la reconstruction du temple incendié ;elle fit de même au ive siècle, quand le temple des Alcméonidesdut être remplacé. Il n'apparaît ni chez les historiens anciens nidans les inscriptions de Delphes qu'elle se soit jamais laissédessaisir, comme on l'a soutenu parfois, de ses responsabilités ence domaine soit par un congrès panhellénique, soit par l'un quelconque des peuples qui la composaient.

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138 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Le Conseil amphictionique pouvait envisager trois procéduresde financement : libérale, autoritaire, ou mixte.

La procédure libérale consistait à laisser chacun, cité ou particulier, libre de verser la contribution qu'il voudrait au moment oùil le voudrait, συμβάλλεσθαι εις τον ναόν τοΰ 'Απόλλωνος όπόσον βού-λεταΐ. εκάστη πόλις, selon les paroles du Spartiate Prothoos rapportéesar Xénophon dans les Helléniques (VI, 4, 2) . Cette méthodeaurait certainement rallié les suffrages de toutes les cités grecques,jalouses de leur autonomie ; mais elle était par trop aléatoire.La Grèce se trouvait alors plongée dans un état de guerre à peu prèspermanent que jalonnent les batailles de Leuctres (371), deMantinée (362), et les dix années de la troisième guerre sacrée(356-346). Les hostilités appauvrissent tous les belligérants. Si

chacun était laissé libre de fixer, au cours des travaux, le montantde sa contribution et la date de ses paiements, il fallait s'attendreà des rentrées de fonds sporadiques et variables, incompatiblesavec l'exécution méthodique d'un programme de reconstruction.La procédure libérale était à écarter.

La procédure autoritaire présentait à première vue plus d'attrait :après avoir fait évaluer par l'architecte le prix global du temple,l'Amphictionie le divisait entre un nombre fixe de participants,tenus de verser une contribution fixe à échéances fixes. Assuréede rentrées de fonds régulières et connues d'avance, elle pouvaiten toute quiétude programmer et conduire jusqu'à leur terme,sans aléas, les étapes de la reconstruction. Mais cette procédurecomportait un inconvénient grave : l'Amphictionie ne pouvaitimposer par voie d'autorité des contributions qu'à ses propresmembres. Elle aurait dû faire peser sur les seules cités de l'Amphictionieout le poids de la dépense. La solution autoritaire était peuavantageuse pour elle.

Elle imagina donc une procédure mixte, propre à éliminer lesinconvénients des deux précédentes tout en en réunissant lesavantages. Je ne saurais dire si cette méthode avait été déjà miseen œuvre lors de la construction du temple des Alcméonides, au

vie siècle, ou si elle fut une innovation des Amphictions du ivesiècle. Simple, logique, elle était en tout cas bien adaptée à lasituation.

Le temple d'Apollon était à la fois un temple delphique, un templeamphictionique et un temple panhellénique. On distingua donctrois catégories de contribuables : les Delphiens, les Amphictions,les Grecs pris dans leur ensemble.

1) Les Delphiens étaient les propriétaires du temple, ornementde leur cité, cause de leur renommée, source de leur richesse. Ilsétaient les premiers intéressés à ce qu'il fût rebâti vite et bien.

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LA CAPITATION AMPHICTIONIQUE 139

Principaux bénéficiaires, il était juste qu'ils fussent aussi lesprincipaux payeurs. Au vie siècle déjà, nous dit Hérodote (II,180), l'Amphictionie avait mis à leur charge le quart des 300 talentsque devait coûter le nouveau temple, soit 75 talents. Pour acquittersa lourde contribution la petite cité du Parnasse fut obligée dequémander les dons de quelques riches bienfaiteurs, Crésus deLydie, Amasis d'Egypte, la colonie grecque de Naucratis. Fortsde ces précédents, les Amphictions du ive siècle imposèrent auxDelphiens une contribution spéciale, forfaitairement fixée à unefraction du prix total, qui vint s'ajouter à la contribution queDelphes dut verser comme les autres cités de l'Amphictionie1.Nous en avons pour témoignage la comptabilité de cette contribution delphique, inscrite sur les deux stèles 19 et 20. Nous les

commenterons dans les pages qui suivent.2) Restait à financer le plus gros de la dépense. L'Amphictionie

voulait pouvoir compter sur des recettes régulières, sans renoncerpour autant aux contributions librement consenties par les citéset les particuliers, membres ou non de l'Amphictionie. Elle distingua onc deux catégories : les contributions imposées aux citésamphictioniques, et les contributions libres reçues de l'ensembledes Grecs.

L'Amphictionie s'imposa à elle-même une contribution exceptionnelle, dont le montant et les échéances furent fixés autoritair

ementar le Conseil amphictionique. Mais, dans le calcul de cettecontribution, elle était embarrassée par une inconnue : elle nepouvait connaître par avance la somme que les particuliers et lescités, amphictioniques ou non, verseraient à titre de contributionslibres (έπαρχαί). Or le montant de la contribution amphictionique,conçue comme un apport de fonds initial permettant la mise entrain rapide des travaux, puis comme un impôt de régulation etun impôt d'appoint, devait être inversement proportionnel aumontant des έπαρχαί laissées à la discrétion des donateurs : plusceux-ci seraient généreux, moins il serait demandé à l'Amphictionie.

Pour tenir compte de cette inconnue, l'impôt amphictioniqueobligatoire prit la forme d'une «capitation d'une obole» (έπικέφαλοςόβολός) divisée en tranches que l'on percevrait successivement selonles besoins2. Les cités verseraient d'abord une « première obole »(πρώτος όβολός), qu'elles seraient tenues d'acquitter dans un délai

(1) G. Roux, « Les comptes du ive siècle et la reconstruction du temple d'Apollonà Delphes », HA 1966, p. 245-259.

(2) J. Pouilloux, («Ό έπικέφαλος όβολός», BCH 73 [1949], p. 177-200) a éclaircile sens de l'expression.

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140 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

déterminé. A l'échéance, on ferait les comptes. Si le total desrecettes, contribution delphique, έπαρχου, πρώτος όβολός, s'avéraitinsuffisant, on mettrait en recouvrement une « seconde obole »(δεύτερος όβολός), puis une troisième, une quatrième, jusqu'aumoment où seraient complètement payés les frais de la reconstruction.omme je le montrerai tout à l'heure, il fut décidé quechaque « obole » devrait être acquittée dans un délai de 10 pyléesconsécutives, soit, en période normale, un délai de cinq ans. Al'intérieur de cette période, chaque cité amphictionique serait librede morceler ses paiements comme elle l'entendrait, pourvu que lasomme due par chacun fût payée en totalité à l'échéance fixée.Les retardataires seraient frappés d'une majoration de 50 %(το ήμιόλιον) sur les sommes non payées à temps. Afin de faciliter

le contrôle, et parce qu'il était impossible de dater par anticipationles échéances futures par les noms d'archontes éponymes encoreinconnus, les pylées au cours desquelles la capitation devait êtreversée furent numérotées d'avance : pylées 1 à 10 pour le versement de la «première obole», 11 à 20 pour la seconde, 21 à 30pour la troisième, et ainsi de suite. La pylée numéro 1, au coursde laquelle débuta le versement de la « première obole », fut celledu printemps 366. Nous examinerons ces divers points avec plusde détails dans les pages qui suivent1.

3) II était à prévoir que les Grecs, accoutumés à venir de tout

le pourtour de la Méditerranée interroger à Delphes « le trépiedqui ne peut mentir », auraient à cœur de participer à l'édificationdu nouveau temple. Il n'était pas exclu non plus que les Amphic-tions eux-mêmes, déjà soumis à la capitation, fissent preuve degénérosité en ajoutant à leur impôt obligatoire des dons volontaires,à titre individuel ou collectif. Outre la contribution delphique,outre la capitation amphictionique, on institua donc une souscriptionanhellénique à laquelle chacun, qu'il fût membre ou non del'Amphictionie, contribuerait librement2. Sur ces listes α'έπαρχαί,les noms des donateurs « étrangers », Grecs d'Arcadie, de Cyré-naïque, d'Egypte, de Sicile, d'Italie, de Chypre, du Pont, voisinent

avec ceux des membres de l'Amphictionie, Argiens, Sicyoniens,Lacédémoniens, Athéniens, Eubéens, Thessaliens, etc. On voit

(1) Cf. ci-après p. 147 sq.(2) Les έπαρχαί, contributions libres de tous les Grecs, se distinguent de Γόβολός,

contribution obligatoire de l'Amphictionie. On ne saurait donc écrire (P. Marchetti,BCH 101 [1977], p. 143) : « ... aux έπαρχαί des villes amphictioniques dont le montantdevait avoir été fixé au préalable, et le paiement être obligatoire, ont pu se joindre descontributions volontaires (souligné par l'auteur) d'autres villes ou de particuliers... ».Il y a ici confusion entre les deux types de contributions. Seules les contributionsvolontaires des cités et des particuliers sont des έπαρχαί.

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RECETTES ORDINAIRES DE L AMPHICTIONIE 141

même le Delphien Ainésidamos, déjà imposé deux fois (il payaiten tant que Delphien la contribution delphique, en tant qu'Amphic-tion la capitation amphictionique), transporter à ses frais entre

Cirrha et Delphes, à titre α'έπαρχή personnelle, une partie des3 000 médimnes phidoniens d'orge que les Apolloniates ontadressés au dieu comme έπαρχή en nature (3 II, 1-22). La souscription libre représenta une ressource financière importante pourla reconstruction.

4) Contribution delphique, έπικέφαλος όβολός, έπαρχαί, étaientdes recettes de circonstance, exceptionnellement perçues à l'occasion e la reconstruction du temple et de ce fait réservées exclusivement à l'usage des naopes. Pour solder ses propres dépenses,l'Amphictionie disposait en temps normal de ressources ordinaires,

locations et fermages des propriétés du dieu, bénéfices sur lechange des monnaies, offrandes métalliques envoyées à la fonte,amendes perçues sur les justiciables du tribunal amphictionique,« cotisations » des « peuples » au fonctionnement de l'Association.Avec ces fonds elle entretenait les édifices des Pyles et de Delphes,en construisait de nouveaux, consacrait des statues, tel le grandApollon Sitalcas érigé avec l'amende des Phocidiens, achetait tousles quatre ans la panoplie qu'elle offrait lors des Pythia à AthénaPronaia, remettait en état, avant la célébration des Pythia, lesroutes, les ponts, les monuments de la plaine de Cirrha et du

sanctuaire. Une partie de ces recettes ordinaires fut affectée à lareconstruction du temple, surtout à partir du moment où lesPhocidiens, à la pylée de l'automne 344, commencèrent à verserdans la caisse de l'Amphictionie leur énorme amende annuelle.Durant plusieurs années l'argent prélevé sur l'amende des Phocidiens (ιερά χρήματα), ajouté aux έπαρχαί, fut suffisant pour payer lesdépenses du temple : si bien que Delphiens et Amphictionscessèrent pour un temps de verser leurs contributions obligatoires.Puis, le pactole phocidien ayant diminué avant de se tarir,l'Amphictionie dut mettre en recouvrement une nouvelle tranchede la capitation et les naopes recourir à nouveau à la contributiondelphique momentanément interrompue.

Nous apercevons clairement désormais comment fut financée etadministrée la reconstruction du temple d'Apollon. Les naopespuisent les fonds qui leur sont nécessaires dans deux caisses : lecrédit delphique et la caisse amphictionique.

1) Le crédit delphique, dont la comptabilité nous a été conservéesur les deux grandes stèles 19 et 20,est alimenté par la contributionforfaitaire imposée aux Delphiens. Il est donc géré exclusivementpar les Delphiens, plus précisément par la Boula delphique. Seuls

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142 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

les naopes ont le droit d'en utiliser les fonds, et pour la constructiondu temple exclusivement.

2) La caisse amphictionique comprend deux catégories derecettes : les recettes ordinaires, affectées soit aux dépenses courantes soit à la reconstruction du temple, et les recettes extraordinaires,πικέφαλος όβολός des cités amphictioniques (y comprisDelphes), έπαρχαί panhelléniques, exceptionnellement perçues pourla reconstruction du temple et qui ne peuvent en aucun cas êtredétournées à d'autres fins. Cette caisse est gérée conjointementpar le Conseil amphictionique et par les prytanes de Delphes (21,22, 47 I et II, 1-14) puis, à dater du printemps de 338, par lesprytanes et, au nom des hiéromnémons, par le collège des 24trésoriers, dont deux sont des Delphiens.

Le tableau ci-joint représente le schéma de cette organisationfinancière.

Bien qu'elle fût logique, adaptée aux circonstances et fît sajuste part à chaque catégorie de contribuables, la méthode definancement décidée par l'Amphictionie ne fut pas adoptée sansdiscussions ni atermoiements. Aucun historien ancien ne nous lesdécrit explicitement, mais nous percevons un écho de ces controverses dans un passage des Helléniques de Xénophon (VI, 4, 2),très intéressant pour dater le δόγμα (perdu) des Amphictions qui enmarqua le terme1.

En 371, au mois de Skirophorion (juin), se réunit à Sparte uncongrès qui tente de rétablir la concorde entre les états grecs,particulièrement entre Athéniens, Lacédémoniens et Thébains, quin'ont cessé de s'affronter depuis la prétendue « paix » de 374.Le 16, il semble que l'on touche au but : la paix est jurée par tousles participants. Ceux-ci s'engagent à rappeler leurs troupes encampagne et à respecter l'autonomie des cités. Mais le 17, lesThébains reviennent sur leur engagement, en exigeant une modification, en apparence mineure, au libellé du traité : que l'onremplace dans le texte le nom des « Thébains » par celui des« Béotiens ». Ils espèrent ainsi apparaître comme les porte-parolesde la Béotie entière et par ce biais faire reconnaître officiellementleur hégémonie sur la confédération. Sparte ne veut à aucun prixd'une confédération béotienne soumise à Thèbes : elle refuse net.Les Thébains font effacer leur nom du traité. Ils se sont exclus dela paix.

(1) On se reportera à l'article de M. Sordi, BCH 81 (1957), p. 38-75. Mon interprétationes faits diffère quelque peu de celle qu i est exposée dans cet intéressant article.

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144 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

Alors, le congrès étant terminé, les Spartiates restés entre euxs'interrogent : quelle conduite tenir envers Thèbes ? Ils ont enPhocide, aux frontières de la Béotie, une armée commandée parCléombrotos. Faut-il la rappeler, conformément aux engagementscontenus dans le traité, ou la lancer contre les Thébains récalcitrants ? Comme toujours en pareilles circonstances, s'affrontent« faucons » et « colombes », les partisans de la manière forte etceux qui prônent les voies de la diplomatie. Parmi ces derniers,un certain Prothoos propose que l'on rappelle de Phocide, « selonles serments », Cléombrotos et son armée, puis que l'on dépêchedes messagers περιαγγειλάντας ταΐς πόλεσι, συμβαλέσθοα εις τον ναόντου 'Απόλλωνος όπόσον βούλοιτο εκάστη πόλις, « qui feraient le tourdes cités en les incitant à verser une contribution pour le temple

d'Apollon, chaque cité pour la somme qu'elle voudrait »1. Comprenons« chaque cité amphictionique », puisque les autres, en toutétat de cause, étaient libres de contribuer « pour la somme qu'ellesvoudraient ». Après quoi, disait Prothoos, si un État s'obstine àmenacer l'autonomie des cités, un nouveau congrès se réunira etdécidera la guerre contre lui.

Cette proposition d'un Spartiate, membre de l'Amphictionie,visait donc d'abord les cités amphictioniques. Faite après lecongrès, c'était une affaire intérieure à l'Amphictionie. Dilatoire,elle tendait à embarrasser Thèbes en incitant les cités — d'abordet surtout, naturellement, les cités béotiennes — à faire acte

d'« autonomie » et d'indépendance dans un domaine où il étaitdifficile aux Thébains d'attenter sans impiété à leur liberté dedécision : la reconstruction du temple d'Apollon. En outre, elletransférait habilement de Sparte à un congrès panhellénique laresponsabilité d'une reprise éventuelle des hostilités. Mais Prothoosne fut pas écouté. Les belliqueux l'emportèrent et, vingt joursplus tard, Sparte essuyait à Leuctres une sévère défaite.

La suggestion sans lendemain de Prothoos (car il ne s'agit pasd'autre chose) prouve au moins deux faits :

1° En 371, au moment où se tenait le congrès de Sparte,l'Amphictionie n'avait pas encore adopté son plan de financement.La question était à l'ordre du jour. On en débattait dans les cités,

(1) R. Bogaert (Banques et banquiers dans les cités grecques, p. 107) écrit à propos dece passage : « Prothoüs proposa... que tous les alliés déposassent une somme d'argent,chacun selon ses possibilités, dans le temple d'Apollon. Ce fonds servirait de caisse deguerre au cas où quelqu'un violerait le traité de paix ». Mais en 371, le temple étantdétruit, nu l n'aurait pu proposer d'y déposer de l'argent. Συμβάλλεσθαι a ici son sensbien connu, pour ne pas dire technique, de « contribuer ». Prothoos propose que chacunapporte son obole εις τον ναόν, « pour le temple » à reconstruire.

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LA PROPOSITION DE PROTHOOS 145

à Sparte et ailleurs, mais aucune décision n'avait encore été prise.Un Spartiate n'aurait pas fait une proposition contraire à unδόγμα des Amphictions.

2° Même si le congrès de Sparte avait délibéré sur ce sujet (etil l'avait très probablement fait : atteler les Grecs à la reconstructionn commun d'un grand temple panhellènique était un moyenparmi d'autres de les unir), il s'était séparé sans prendre aucunerésolution. La proposition faite par Prothoos de visiter les citéspour les inviter à contribuer librement à la reconstruction dutemple serait inconcevable dans l'hypothèse où le congrès auraittranché la question. Bref, on ne voit pas que le congrès (auquelassistaient d'ailleurs en majorité des États membres de l'Amphic-tionie) ait à un moment ou à un autre voulu se substituer àl'Amphictionie en réglant un problème dont il pouvait débattre,mais dont la solution était du ressort des seuls Amphictions.

En fait, la proposition de Prothoos concernait avant tout lapolitique de Sparte. Celle-ci avait beaucoup à se faire pardonnersur le chapitre du respect des autonomies : l'Athénien Autoclès le luirappelait, dans son discours, sans ménagements (VI, 3, 7-9). Enremplaçant (au moins provisoirement !) les soldats de Cléombrotospar des « missionnaires » apparemment désintéressés, conseillantnon sans démagogie aux cités (amphictioniques) de contribuerlibrement à la reconstruction du temple, Prothoos visait à poserSparte en parangon de la liberté et offrait aux cités béotiennesune occasion d'affirmer sur ce point leur autonomie face auxprétentions de Thèbes. Xénophon passe sous silence ces arrière-pensées, qu'il n'a sans doute pas soupçonnées. Pour nous, leprincipal intérêt de cet épisode est de montrer qu'en 371, deux ansaprès la catastrophe, l'Amphictionie n'avait pas encore imposé àses membres son plan autoritaire de financement.

Un tel délai n'a rien de surprenant. Techniquement, diplomatiquement, il était indispensable. Avant de fixer la quote-part descités, il fallait évaluer le coût de la reconstruction : l'architecte

devait dresser le bilan des dommages subis, déterminer les partiesde l'ancien temple, fondations et matériaux, réutilisables pour lenouveau, donc déblayer les décombres si l'édifice s'était effondré,le démonter s'il était seulement ébranlé, vérifier par des fouillessystématiques l'état des fondations et du sous-sol, établir le plandu nouveau temple, chiffrer le devis, opérations qui ne pouvaients'effectuer en quelques jours, ni même en quelques mois. Une foisle prix connu, il restait à faire accepter aux cités le principe d'unecapitation contraire à leurs traditions, vaincre bien des résistances,désarmer bien des préventions. Le décompte des pylées numé-

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146 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

rotées montre que le premier versement de la « première obole »n'eut lieu qu'au printemps de 366, sept ans après la catastrophe1.Le financement fut long à organiser.

En mai-juin 368, dans un décret honorifique, les Athéniensremercient Denys de Syracuse de la lettre qu'il leur a écriteπερί. . . της οίκοδομίας του νεώ και της ειρήνης2. Il n'est pas douteuxque « le temple » ici désigné sans autre précision était celui dontla reconstruction préoccupait alors le monde grec, le templed'Apollon à Delphes. Reconstruction du temple, paix entre lesGrecs, deux questions que Prothoos liait déjà dans sa propositionen 371. Elles restaient d'actualité en 368, preuve que ni l'une nil'autre n'avait encore reçu de solution. Les Athéniens multiplientà cette époque les amabilités envers Denys, mécène dont la contri

bution pouvait être considérable et alléger d'autant celle desAmphictions, donc des Athéniens. En 367, ils couronnent auxGrandes Dionysies «Le rachat d'Hector», une tragédie dontl'auteur était Denys. Ils en furent pour leurs frais : Denys mourutcette année-là ! Le décret athénien de 368 me semble attester qu'àcette date le plan de financement des travaux était encore endiscussion. Il fut vraisemblablement évoqué au congrès de Delphestenu la même année, proposé au Conseil amphictionique dans lecourant de l'année 368-367, ratifié par les cités en 367 et appliquédès la pylée de printemps 366, date du premier versement de la« première obole ».

2) Les recettes. Capitation amphictionique et contributions libres.

Nous examinerons maintenant la réalisation de ce plan, tellequ'elle apparaît à travers les comptes du ive siècle, compte derecettes et comptes de dépenses. Commençons par les recettes.

Nous n'aurons pas à nous occuper ici de la contribution particulière de la cité de Delphes. Elle prit en effet la forme d'un créditforfaitaire ouvert aux naopes une fois pour toutes. Ce crédit ne fitdonc pas l'objet d'une comptabilité-recettes, mais seulement d'une

comptabilité-dépenses (les comptes 19 et 20) que nous étudieronsultérieurement. Seuls vont nous intéresser pour l'instant les

(1) C'est l'opinion de M. Sordi, BCH 81 (1957), p. 39, et P. de La Coste-Messelière,Mél. Daux, p. 199 n. 1. Elle est, à mon avis, imposée par le décompte des pylées, la1 Ie se situant sous Antichares (printemps 361 : BCH 66-67 [1942-1943], p. 86, /. 49-50)et la 21e sous Héracleios (printemps 35 6 : BCH 73 [1949], p. 77, /. 3-4). Cf. notre tableau,p. 160.

(2) Syll.3, 159.

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LISTES DE CONTRIBUTIONS AMPHICTIONIQUES 147

recettes dont l'Amphictionie tint les comptes : έπικέφαλος όβολός,έπαρχαί, amende des Phocidiens.

. . Les comptes de la capitation (έπικέφαλος όβολός)ei contributions libies.ei des contributions libres (έπαρχαί) furent inscritsNumérotation sur des stèles de marbre que l'Amphictionie fitdes pylées tailler, certaines d'entre elles au moins, dans les

ef périodicité blocs de façade du vieux temple des Alcméo-es paiements. n[^es^ en particulier dans les blocs de larmier,

identifiables par les vestiges de la moulure en bec de corbin quin'a pas été entièrement ravalée1. Ces stèles furent certainementnombreuses. Il en subsiste une vingtaine de fragments offrantencore un sens : quatorze ont été publiés par É. Bourguet (1 à 13,relus depuis par J. Bousquet)2 ; six autres furent exhumés par la

suite, dont deux sont fort instructifs : le compte d'Anticharès-printemps (361) et le compte d'Héracleios-printemps (356) 3. A cesdocuments il faut ajouter deux listes fragmentaires de contributionsperçues par les trésoriers à partir de 325 selon des modalitésnouvelles4.

Les listes de contributions se classent en deux catégories selonqu'elles enregistrent ensemble, à la suite, les versements de lacapitation et des contributions libres ou seulement les versementsdes έπαρχαί.

Les listes de la première catégorie sont les plus anciennes. Elles

sont datées par le nom de l'archonte delphien et par la mentiond'une pylée de printemps ou d'automne, toujours numérotée :« 11e pylée de printemps », « 18e pylée d'automne ». Les listes de laseconde catégorie — έπαρχαί seules — n'apparaissent qu'après laguerre sacrée ; elles sont datées par le nom de l'archonte et lamention d'une pylée qui n'est jamais numérotée. Il s'ensuit,comme l'a reconnu J. Pouilloux5, que la numérotation des pyléesest liée non pas à l'existence d'une imaginaire « ère des naopes »,comme l'avait pensé Bourguet, mais aux échéances de la capitation seules sont numérotées en effet les pylées où les Amphictionsapportent leur όβολός.

Sont épigraphiquement attestées et datées par un nom d'archonteles Ile (BCH 1942-43, p. 84), 13« (3 I, 1 sq.), 14e (3 n, 3 sq.), 17e

(1) Comme l'a reconnu J. Bousquet, BCH 66-67 (1942-1943), p. 84 sq., fig. 4-6,et pi . IV.

(2) BCH 66-67 (1942-1943), p. 94-96, 104 n. 4, 107-111.(3) J. Bousquet, l.l. ; J. Pouilloux, BCH 73 (1949), p. 177-200 ; J. Bousquet, BCH

80 (1956), p. 595-597.(4) J. Bousquet, Mél. Baux, p. 21-32 ; FD, III 5, 80 .(5) BCH 73 (1949), p. 189.

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148 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

(4 II, 8 sq.), 18e (4 II, 21 sq.), 21* {BCH 1949, p. 77), 31* (25 III B,3-6) et 35e pylées (26 I A, 7-9). Ces huit pylées numérotées sontles seuls documents sur lesquels nous puissions nous fonder pour

établir la périodicité des tranches de Γόβολός. C'est peu, mais suffisant tout de même pour aboutir à des conclusions sinon certaines,du moins très probables.

Deux comptes sont à cet égard essentiels : celui de la 11e pylée,sous Antichares-printemps (361) et celui de la 21e pylée, sousHéracleios-printemps (356). Séparés par un intervalle d'exactementix pylées, ce sont des comptes-charnières dans lesquels onvoit s'achever le paiement d'une tranche de l'obole et commencerle paiement de la tranche suivante. Cela est indubitable pour lecompte de la 11e pylée, probable seulement pour le compte de la

21e, trèsincomplet.

Ils suggèrent que chaque tranche de lacapitation, « première obole », « deuxième obole », devait être enprincipe acquittée par les cités amphictioniques dans un délaimaximum de dix pylées consécutives, soit, en période normale, decinq années : pylée 1 à 10 pour la « première obole », 10 à 20 pourla seconde, 21 à 30 pour la troisième, 31 à 40 pour la quatrième,et ainsi de suite, programmation théorique respectée pour lesdeux premières tranches, quelque peu bouleversée à partir de latroisième par la guerre sacrée et les événements qui la suivirent.

La liste d'Anticharès-printemps (11e pylée, 361 )* enregistre lesrecettes sur deux colonnes dans l'ordre suivant : « première obole »(I, 1-24), «seconde obole» (I, 25-48), έπαρχαί (II, 1-39), amendesinfligées aux entrepreneurs (έπαρχαί involontaires ! II, 40-47).Quatre lignes, au bas de la stèle, récapitulent le total des recettespour la 11e pylée : 6 928 drachmes.

Cette stèle est la seule sur laquelle se voient encore inscritsensemble, à la suite, les paiements de deux tranches successives dela capitation. La « première obole » se termine, la « seconde obole »commence. Il est donc certain que le premier versement de laseconde obole eut lieu sous Antichares à la 11e pylée de 361. Maispeut-on affirmer que le dernier versement normal de la « première

obole » fut effectué à cette même pylée ? En fait, le libellé ducompte révèle le caractère très spécial de ce dernier versement.Il faut en préciser la nature véritable avant de raisonner sur lachronologie des « oboles ». Je traduis la partie du compte relativeau πρώτος όβολός (Ι, 1-24) :

(1) Publiée par J . Bousquet, BCH 66-67 (1942-1943), p. 84-94.

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LA LISTE D'ANTICHARES, ONZIEME PYLEE 149

« Archontat d'Antichares, onzième pylée de printemps.Liste des villes qui ont effectué un versement sur leur première obole

([του άβολου τοϋ π]ρώτου) :

(De Larissa ?) Proxénos (a apporté) 150 drachmes, majoration de 50 %(έκατον πεντήκοντα δραχμάς, τό ήμιόλιον) ;De Tricca, Timon, 100 drachmes ;D'Homolion, Philippe, 336 drachmes, 3 oboles ;De Kyphaira, Siracos, 7 drachmes, 3 oboles ;De Phocide, Hellas, 30 drachmes. »

La première somme enregistrée est suivie des mots τό ήμιόλιον :les 150 drachmes représentent donc une contribution majorée de50 %. La cité devait 100 drachmes ; elle en a payé 150. Pourquoi ?On pourrait penser qu'il s'agit d'une générosité, d'une majorationspontanée du dernier versement dû sur le πρώτος οβολός. Cetteexplication, que propose le premier éditeur du texte1, soulève àmon avis deux objections. Tout d'abord, une majoration volontaireconstituerait un don gratuit, une contribution libre : elle seraitinscrite non pas dans le paragraphe de Γόβολός, mais dans celui desέπαρχαί. Nous lirions sur la stèle, d'un côté « capitation : 100drachmes », et de l'autre « contribution libre : 50 drachmes ».J'observe ensuite que dans les inscriptions financières, les comptesd'Épidaure notamment, l'expression τό ήμι,όλιον désigne une pénalité2, une amende de 50 % sanctionnant un retard dans un travailou dans un paiement. A Delphes même, le décret relatif aux

donations d'Attale et d'Eumène, cité par J. Bousquet, inflige unetelle amende (τό ήμιόλιον) aux emprunteurs qui ne verseraient pasles intérêts du capital emprunté à l'échéance légale du 15 Endyspoï-tropios, ainsi qu'aux trois épimélètes chargés du recouvrement quine remettraient pas les fonds à la cité au mois de Boathoos3. Tel est,je pense, le seul sens possible de τό ήμιόλιον dans le compte d'Antichares : c'est une amende de retard. Dans la Grèce antique aussibien que dans nos États modernes, tout règlement financier estassorti de sanctions frappant les contrevenants éventuels. Detelles sanctions ne pouvaient manquer d'être prévues dans le décretinstituant la capitation amphictionique. Le compte d'Antichares

atteste leur existence : les versements de la « première obole »enregistrés à la 11e pylée sont ceux de retardataires (et c'est pour-

(1) J. Bousquet, I.I., p. 89 .(2) IG, IV2, 98 I, l. 8-13. De même à Lébadée [Syll.\ 972, 35) : l'entrepreneur qui

ne répare pas, ou qui n'évacue pas du chantier, dans les cinq jours, une pierre endommagée sera puni de la confiscation de la pierre et d'une amende égale à la moitié de savaleur (το ήμιόλιον). Tous les exemples de ce mot cités dans la Syll.3 (cf. index) signifientune amende.

(3) Syll.3, 672, l. 75 et 85 ; G. Daux, Delphes au //« et au Ier s., p. 689, l. 81 et 88 .

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150 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

quoi ils sont si peu nombreux) punis par une majoration de 50 %sur les sommes qu'ils n'avaient pas payées dans les délais prescrits.Το ήμιόλιον, inscrit à la suite du premier paiement, n'a pas été

répété devant les autres : il est valable pour tous. Tous en effetsont divisibles par trois et peuvent s'écrire sous la forme deux-tiers-f - un tiers : Tricca, 100 drs (66 drs 4 ob. + 33 drs 2 ob.) ; Homolion,336 drs 3 ob. (224 drs 2 ob. +112 drs 1 ob.) ; Kyphaira, 7 drs 3 ob.(5 drs +2 drs 3 ob.) ; Phocidiens, 30 drs (20 drs +10 drs). Parconséquent, le délai imparti aux contribuables pour verser entotalité leur « première obole » était non pas de onze, mais dedix pylées, comprises entre la pylée de printemps 366 (premièrepylée, premier versement) et la pylée d'automne 362, sous l'archon-tat d'Antichares (dixième pylée, dixième et dernier versement

normal). A la onzième pylée, sous Antichares, au printemps de 361,commence la perception de la « seconde obole » ; seuls versent encorequelques reliquats de leur « première obole » les payeurs négligents,sanctionnés par une majoration de 50 %.

La «seconde obole», mise en recouvrement à la 11e pylée, sousAntichares-printemps, en 361, devait-elle être acquittée, commela première, dans un délai de dix pylées, c'est-à-dire au plus tardà la 20e pylée, sous Héracleios-automne, en 357 ? Cela me paraîtprobable, bien que mon affirmation semble à première vue démentiear la liste d'Héracleios-printemps (21e pylée de 356) 1 ainsilibellée :

« Héracleios étant archonte à Delphes, à la pylée de printemps, la vingtet unième. Présidaient (les naopes) : Samias de Thèbes, Néossos de Larissa,Antiphatès de Scotoussa. Collecteurs de fonds : Aristagoras de Delphes,Damophanès de Corinthe, Ampharès de Phocide. Liste des Amphictionsqui ont apporté un versement sur la capitation, seconde obole : Phliasiens,210 drachmes [ ]. »

Après ce chiffre la pierre est brisée. Il semblerait donc qu'à la21e pylée les Amphictions versaient encore la « seconde obole».Toute la question est de savoir s'il s'agissait alors de versementsnormaux ou d'un versement de retardataires sanctionnés par une

majoration de 50 %, comme dans la liste d'Antichares, dix annéesplus tôt. La cassure de la pierre immédiatement après le chiffrede la contribution de Phlionte, nous prive de toute certitude à cetégard. Cependant, divers indices rendent plausible la secondehypothèse.

J. Pouilloux a signalé dans sa publication le caractère originalde ce compte dont l'intitulé s'écarte de la rédaction habituelle.

(1) J. Pouilloux, BCH 73 (1949), p. 177 sq .

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LA LISTE d'hÉRACLEIOS, VINGT ET UNIEME PYLEE 151

Tout d'abord, Γοβολός est ici, pour la première et unique fois,qualifié d'è7uxé<paXoç, épithète qui révèle sa véritable nature,insoupçonnée jusqu'alors : une capitation d'une obole. En second

lieu, apparaissent dans l'intitulé des personnages qui ne manquerontlus désormais dans les listes de contributions, les naopesάργυρολογέοντες, les «collecteurs de fonds ». Enfin la liste des payeursest introduite par la formule Τοίδε των Άμφικτιόνων qui marquesans ambiguïté le caractère amphictionique de la capitation. Cesinnovations inspirent le sentiment que le compte d'Héracleios-printemps, loin d'être un compte banal s'inscrivant dans une sériecourante, inaugure une série soumise à de nouvelles règles derédaction. La 21e pylée d'Héracleios-printemps se trouve placée,par rapport au versement de la « seconde obole », exactement dans

la même situation que la 11e pylée d 'Antichares-printemps parrapport au versement de la « première obole » : elle suit la pyléed'un dixième versement (dixième versement de la « premièreobole » sous Antichares-printemps, dixième versement de la«seconde obole» sous Héracleios-printemps). Or le dixième versement de la « première obole » était, nous l'avons vu , le dernier.Il n'y avait pas de raison pour que l'Amphictionie, qui devaitpercevoir ses recettes au rythme de la reconstruction du temple,ait allongé les délais pour la seconde tranche de la capitation.Il existe dès lors de grandes chances pour que les paiements de la«seconde obole» enregistrés au début de la liste d'Héracleios-

printemps aient été, comme ceux de la « première obole » au débutde la liste d'Anticharès-printemps, des paiements de retardatairespunis d'une majoration de 50 %. La stèle, brisée, ne le prouve pasexplicitement ; mais il est remarquable que la seule somme encorelisible, les 210 drachmes apportées par le Phliasien, soit justementdivisible en deux-tiers et un tiers : 140 + 70 drachmes. Il est doncau moins possible qu'elle ait été suivie de la mention το ήμιόλιον.En ce cas, la 21e pylée serait, comme la 11e, une pylée de transitionau cours de laquelle l'Amphictionie aurait encaissé les paiementsen retard de la « seconde obole » et le premier versement de la

« troisième obole ». Il est vrai qu'aucune liste actuellement connuene mentionne en toutes lettres ce τρίτος όβολός ; mais aucune liste nementionnait non plus le πρώτος όβολός avant la découverte, en1938, de la liste d'Antichares, bien que son existence fût postuléepar celle du δεύτερος όβολός. Le caractère lacunaire des listes conservées aucune liste de capitation ne porte un nom d'archontepostérieur à Héracleios) explique assez cette absence. Rien neconfirme notre conjecture, mais rien ne s'oppose à elle. Je considèredonc comme au moins plausible que la « troisième obole » fut perçuepour la première fois à la 21e pylée de printemps sous Héracleios et

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152 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

qu'elle devait être acquittée, comme les deux précédentes, dansun délai de dix pylées, soit cinq ans.

Est-ce un simple hasard si la 31e pylée, placée comme la 11e et

la 21e en tête d'une dizaine, donc, selon moi, en tête d'une tranchede la capitation, coïncide elle aussi avec l'adoption de nouvellesrègles de comptabilité et semble donc inaugurer une série nouvelle ?Nous la trouvons mentionnée non plus dans les listes des paiementsde la capitation (elles nous manquent pour cette période), mais,pour la première fois, dans les comptes des naopes où l'on nes'attendrait guère à la rencontrer (25 III B, 5-6). La numérotationdes pylées est en effet liée à la perception de Γόβολός, non auxdépenses de la reconstruction. Les naopes se mettent donc, à partird'un certain moment, à inscrire dans leurs comptes de dépenses,

comme les Amphictions dans leurs comptes de recettes, les numérosdes pylées — ce qu'ils ne faisaient pas précédemment. Il est asseznaturel de penser que cette innovation fut introduite lors de lamise en recouvrement d'une nouvelle tranche, ici la « quatrièmeobole », plutôt qu'au milieu d'une tranche en cours de recouvrement,e qui eût engendré quelque confusion. Tout se passe donccomme si la 31e pylée inaugurait, comme la 11e, comme la 21e, unetranche de Γόβολός. La périodicité des tranches de dix en dix pyléessemble donc, pour hypothétique qu'elle soit, s'accorder assez bienavec les faits.

Les noms des archontes qui dataient dans les comptes desnaopes la 31e et la 35e pylées ne sont plus lisibles aujourd'hui surla pierre. Nous pouvons cependant situer dans le temps les deuxpylées, et par conséquent la « quatrième obole », avec une assezbonne approximation, en nous fondant sur les constatationssuivantes.

Jusqu'à Héracleios-printemps (356), les pylées d'automneportent des numéros pairs (de 2 à 20) et les pylées de printempsdes numéros impairs (de 1 à 21). Après la guerre sacrée, les deuxpylées d'automne mentionnées dans les comptes des naopes(25 III B, 5-6 ; 26 I A, 8-9) portent des numéros impairs, 31 et 35.

Il s'est donc produit une irrégularité dans le cours des versementsentre la 21e pylée de printemps et la 31e pylée d'automne : on asauté au moins une pylée de printemps, dont le numéro impairs'est trouvé reporté sur la pylée d'automne suivante, décalant lanumérotation de toute la série ultérieure. A quel moment cetteinterruption se produisit-elle ? Quelle en fut la durée ? Nousrépondrions avec plus d'assurance à ces deux questions si nousconnaissions mieux ce qu'il advint des réunions de l'Amphictionieet des versements de la « troisième obole » après Héracleios, dansle cours de la troisième guerre sacrée.

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LES PYLEES DU TEMPS DE GUERRE 153

Le compte 19 — nous ne disposons pour cette époque d'aucunautre compte — montre que l'occupation de Delphes par lesPhocidiens troubla, mais n'interrompit pas, durant les premières

années au moins, l'activité de l'Amphictionie momentanémentcoupée en deux par la guerre. Selon Diodore (XVI, 27, 3-5),Onomarchos s'efforça au contraire, soit par piété sincère, soit parcalcul politique, soit pour les deux raisons à la fois, d'assurer leplus possible le fonctionnement normal de l'institution et de poursuivre la reconstruction du temple. Le Conseil amphictionique etles naopes tinrent à Delphes des sessions, sessions évidemmentrestreintes aux seuls peuples amis des Phocidiens, mais au coursdesquelles les « naopes du temps de guerre », ol ναοποιοί οι έν τώι,πολέμωι, déployèrent une activité efficace. Il fallait payer les travaux,

donc trouver des recettes. Il n'est pas douteux que les Phocidienset leurs alliés, ne serait-ce que pour démontrer la pureté de leursintentions envers le sanctuaire, continuèrent à verser leur « troisième obole » et par conséquent, dans les listes de contributionsamphictioniques, à numéroter les pylées. Nous savons que les« naopes du temps de guerre » reçurent de l'argent de l'Amphictionieuisque, avant de se séparer, ils déposèrent auprès de la villede Delphes, en attendant des temps meilleurs, un reliquat de3 404 drachmes et 1 obole (23 I, 1-5). Il est donc très probable queΓόβολός fut versé au cours des pylées qui suivirent celle d'Héracleios-printemps. Selon quel rythme ? Ici, deux éventualités sont à

considérer.Ou bien l'on admet que furent numérotées les seules pylées au

cours desquelles les Amphictions purent, malgré les hostilités,verser effectivement leur obole, celles pour lesquelles le compte 19atteste une activité des naopes. La numérotation serait alors lasuivante :

Héracleios 21Aristoxénos 22 +Hiérinos + +

Nicon + 23Autias 24 25

Teucharis 26 27351 à 346. . . . interruption ; guerreDamoxénos.. 28 29

Archôn 30. Fin de la 3eoboleCléon 1er et 2e versements

phocidiens.

Cette première éventualité est certainement à écarter. On imaginemal les Amphictions, longtemps séparés par la guerre, apportantsous Damoxénos, dès la première session qui suivit la paix,l'arriéré de la « troisième obole ». Le compte 23 montre d'ailleursque les dépenses globales des naopes, sous Damoxénos et Archôn,de 346 à 344, ne dépassent pas le montant du reliquat laissé par les

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154 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

« naopes du temps de guerre ». Durant ces deux années au moins,ils n'ont pas reçu une obole de l'Amphictionie ; ils prélèvent lessommes dont ils ont besoin sur le reliquat des naopes de guerre et

sur leur compte créditeur auprès de la cité de Delphes. De plus, leslistes de contributions conservées pour les archontats de Cléon,Ghairolas, Peithagoras et Aristonymos, contiennent seulement desέπαρχου : l'Amphictionie compte renflouer ses finances avec lespremiers versements attendus de l'amende infligée aux Phocidiens.

C'est pourquoi la seconde éventualité me paraît la plus plausible :la numérotation des pylées, ne l'oublions pas, était fixée d'avancepour les cinq années à venir, au moment où était mise en recouvrementne nouvelle tranche de la capitation. J'estime donc trèsprobable que la numérotation adoptée quand fut décidé le vers

ement de la « troisièmeobole

» futmaintenue sans

prorogation,que les Amphictions aient eu ou non la possibilité de verser leurcapitation à telle ou telle session. De même que les Delphiens, dansle compte 19, écrivaient « sous tel archonte, à telle session, lesnaopes ne se sont pas réunis », le Conseil amphictionique, quand iln'y avait pas de recettes, se bornait sans doute à mentionner dansles listes de contributions, exempli gratia, « sous l'archontat deHiérinos, à la 24e pylée d'automne, les cités n'ont pas apportéleur obole ». La numérotation probable, dans cette hypothèse,serait la suivante :

A ΡHéracleios 21Aristoxénos 22 23*Hiérinos 24* 25*Nicon 26* 27Autias 28 29

Teucharis 30Fin de la 3e obole. Fermeture momentanée ducompte 19.Guerre jusqu'en 346.

La guerre explique de la façon la plus naturelle la longue interruptiones paiements et le décalage qu'elle entraîna dans la numérotation des pylées : la « troisième obole » s'achève sous Teucharisà la pylée d'automne, la 30e, numéro pair; la «quatrième obole»commence sous χ à la pylée d'automne, laquelle reçoit le numéro 31,

impair. Le nom de l'archonte (8 lettres au génitif) de la 31e pyléed'automne étant illisible sur la pierre (25 III B, 4), nous ne pouvons dater le début du τέταρτος οβολός que par recoupement. Lesobservations suivantes permettent d'aboutir à une assez bonneapproximation.

1° La 31e pylée d'automne est postérieure à l'archontat deCléon (344-343) puisque, dans le compte 23 des naopes, les pyléesde Damoxénos, Archôn et Cléon-automne, ne portent pas encorede numéros. Les versements de « l'obole » n'ont donc pas encorerecommencé.

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LES TRENTE ET UNIEME ET TRENTE-CINQUIEME PYLEE 155

2° Les comptes 25 III B (31e pylée), 38+26 (35e pylée), 27 et25 se font suite (dans cet ordre)1 et enregistrent des dépenses demême nature. Ils nous révèlent que l'architecte responsable des

travaux du temple n'est plus Xénodôros, encore en fonction sousGléon-automne (23 II, 53-55), mais Agathon (38, 20 ; 25 II A, 22).Or nous avons la certitude que Xénodôros et Agathon n'ont pas étéemployés simultanément sur le chantier, puisque les comptescomplets des dépenses sous Damoxénos et Archôn ne connaissentqu'un seul architecte, Xénodôros. Agathon, qui dirige les travauxde la 34e pylée (38, 20), n'est donc entré en charge que sous Cléon-printemps au plus tôt.

3° D'autre part, il n'est certainement pas entré en chargebeaucoup plus tard. En effet, les travaux payés dans le groupe de

comptes 25 III B, 38+26, 27 et 25, concernent entre autres l'adjudication e l'extraction, du transport et de la mise en place de quatrelarmiers d'angle indispensables au montage de la péristasis, dequatre triglyphes d'angles pour l'entablement du pronaos et del'opisthodome, de parpaings pour les parties hautes du mur de lacella, l'adjudication de fournitures de bois pour la charpente, etc.Or Nicodamos et Téléphanès travaillent au montage de lapéristasis sous Cléon-automne (19, 95-97), Nicodamos fournit lemodèle du chéneau sous Cléon-printemps, en Apellaios, Chairolasétant déjà archonte à Delphes (19, 104-107) 2, et Molossos fournit

les chéneaux eux-mêmes sous Aristonymos-automne (20, 7-11).Les dépenses enregistrées dans les comptes des naopes cités ci-dessus font partie du même programme de travaux — partieshautes de la péristasis, des murs de la cella, charpente — et datentpar conséquent de la même période. L'archonte de la 31e pylée(8 lettres au génitif) doit donc être placé aussi près que possibledes archontats Cléon-Aristonymos. La première place disponible

(1) II faut détacher 25 III B du compte 25 auquel Bourguet le joignait par erreur,comme je l'ai montré dans RA 1966, p. 262, 263, 287. J'apprends par J . Bousquet

{BCH Suppl. IV, p. 96) que P. de La Coste-Messelière avait exprimé le même avis« très tôt, dès la publication du fascicule III 5, en 1932 ». Gomme J. B. ne donne aucuneréférence à un ouvrage où aurait été publiée cette opinion, j'en déduis que P. de LaCoste-Messelière du t l'exposer « dans ses cours aux Hautes Études et dans sa correspondance avec ses élèves » (J. Bousquet, Ada of th e Fifth Epigr. Congress, 1967, p. 77).N'ayant pas eu l'avantage de suivre ses cours ni de correspondre avec lui sur le sujetdes comptes, j'ignorais que P. de La Coste-Messelière m'avait précédé sur la voie dela bonne explication, et c'est pourquoi je ne l'ai pas mentionné dans mon article dela RA, ce que J. B. (l.l.) semble me reprocher. Sur la succession des comptes 38+26,cf. J. Bousquet, BCH Suppl. IV , p. 98-99. Cf. ci-après p. 195 flg. 2.

(2) Sur cette datation par deux archontats, dans les comptes 19 et 20, des dépensesfaites en Apellaios et Boucatios, cf . ci-après p. 176-179.

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156 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

est celle du successeur d'Aristonymos (8 lettres au génitif) en 340-339 ; l'archonte de la 35e pylée (7 lettres au génitif) prendrait place,en ce cas, en 338-337 (cf. ci-après p. 233-234). Telles sont, à mon

avis, les dates possibles, et les plus probables, des 31e et 35e pylées.Dans cette hypothèse, que suggère le contenu des comptes des

naopes, la mise en recouvrement d'une « quatrième obole » à la31e pylée ferait suite d'une part à la réduction des paiementsannuels de l'amende phocidienne, passée de 60 talents à 30 talentsdès l'automne de 342, d'autre part à la fermeture provisoire ducompte créditeur des naopes, gelé dans les caisses de Delphes sousAristonymos-automne en 340 : la « quatrième obole » fut perçuepour compenser ce manque à gagner.

Quant au fait que les naopes marquent désormais dans leurs

comptes les numéros des pylées, il me paraît correspondre à ceteffort de clarification dans la rédaction des comptes inaugurépendant la guerre, comme si les Delphiens et les Amphictions amisdes Phocidiens, conscients des conditions anormales dans lesquelles fonctionnait à cette époque l'Amphictionie, avaient tenu àpouvoir présenter des comptes irréprochables et faciles à vérifieraux réunions du Conseil qui suivraient la paix1. Plus rigoureuse, plusméthodique, la nouvelle présentation des comptes avait des avantages si évidents qu'elle fut conservée après la guerre. Sous Damo-xénos et ses successeurs, les Delphiens numérotent leurs paiements,

comme ils l'avaient fait durant les hostilités : πράταν δόσιν, δευτέρανδόσιν, etc. Les naopes maintiennent l'institution des άργυρολογέοντεςinaugurée au début des troubles. La numérotation des pylées dansles comptes des naopes relève d'un souci analogue de clarification,typique de cette époque, et qui se retrouvera dans les comptes destrésoriers. En reportant les numéros des pylées dans leurs comptesde dépenses, les naopes facilitaient la référence aux comptes derecettes correspondants.

La « quatrième obole » fut-elle suivie d'une ou plusieurs tranchesde la capitation ? Deux fragments de compte, d'un type particulier,semblent prouver que oui.

Le premier (inv. 7659-7661) date de l'automne 325, donc de

(1) Selon Diodore (XVI, 27, 4), Philomélos s'engageait « à rendre compte de sfinances (du sanctuaire) à tous les Grecs, et se disait prêt à indiquer le poids et le nombredes offrandes à qui voudrait les contrôler », των 8έ χρημάτων τον λόγον ε'φη πασι τοιςΈλλησιν άποδώσειν και τόν τε σταθμόν και τον αριθμόν τω ν αναθημάτων έτοιμος είναιπαραδοϋναι τοις βουλομένοις έξετάζειν. Soupçonné de malversation, Phalaicos futdestitué de son commandement et les trois généraux qui le remplacèrent à la têtede l'armée phocidienne firent mettre à mort le trésorier Philon et ses complices (XVI,56, 3-5).

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la capitation de l'automne 325 157

l'archonte qui suivit Charixénos : Achaiménès. J. Bousquetl'interprète à juste titre comme une liste des versements de lacapitation, tout en se montrant surpris par les différences qu'il

constate entre cette liste et les listes plus anciennes1. Ces différences sont instructives : elles montrent qu'après la « quatrièmeobole » la capitation fut encaissée non plus par les naopes, mais,normalement, par les trésoriers, désormais en fonction, et inscriteparmi leurs autres recettes.

Avec e haut de la stèle ont disparu les noms de l'archonte, desprytanes et probablement le numéro de la pylée d'automne quine pouvait manquer en tête d'une liste de versements de la capitation. Restent, gravées sur deux colonnes, la liste des hiéromné-mons de l'automne 325 (archontat d'Achaiménès) et une liste —

mutilée — de citésthessaliennes qui

ont effectué un versementdans la caisse des trésoriers. La rédaction est semblable à celle deslistes de la capitation : nom des payeurs2, nom de la ou des personnes qui ont apporté l'argent (avec ellipse du verbe, ήνικε, ηνικαν),montant du versement : « Pagases : Démétrios fils de Phormion,85 statères... Delphes : Callicratès fils de Calliclès, Dioscouridasfils d'Aristagoras, χ fils de Xénostratos, Damon fils d'Hippias,χ fils de Xénon, 400 (?) statères, etc. »

On remarque aussitôt deux différences avec les listes précédentes : tout d'abord, les paiements ne sont plus enregistrés endésordre, au hasard de l'arrivée à Delphes des payeurs, mais selon

l'ordre officiel des « peuples » amphictioniques, Thessaliens, puisMacédoniens (à la place des Phocidiens), Delphiens, etc. Ensuite,les versements sont tous exprimés en statères, non plus endrachmes et oboles. Ce sont tous des chiffres entiers. Ordre méthodique, sommes arrondies au statère : ces deux particularitéssemblent indiquer que le compte de l'automne 325 est lui aussi lepremier d'une série. Car il serait normal que les trésoriers, procédant un nouvel appel de fonds, aient spécifié que toutes les citésdevraient acquitter ensemble le premier versement — ce quipermettait un enregistrement méthodique dans l'ordre officiel —

versement forfaitairement fixé pour chacune à une somme enchiffres entiers — ce qui simplifiait les additions — à charge pourchacune d'elles de compléter la contribution à sa guise, au coursdes pylées suivantes, en descendant si nécessaire jusqu'à l'obole.Il me paraît probable que l'Amphictionie avait suivi la mêmeprocédure pour le premier versement de la première obole, en 366,

(1) Mél. Daux, p. 21 sq .(2) Qu'il ne faut pas considérer comme l'ethnique des convoyeurs de fonds. Cf.

ci-dessus p. 14 n. 2.

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158 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

de façon à disposer d'une somme minimale dès le début destravaux. Est-ce encore une coïncidence ? Si l'on admet, commeje l'ai suggéré, que la 31e pylée était celle de l'automne 340,

l'automne 325 s'en trouve séparé par un intervalle d'exactement30 pylées, ce qui placerait effectivement le compte à la tête d'unedizaine, donc d'une nouvelle tranche de Γ« obole ». Ainsi les comptesen notre possession s'inscrivent sans difficulté dans un systèmedécimal de paiements de la capitation.

Quel numéro portait la pylée de l'automne 325 ? Si la capitationavait été versée régulièrement et sans interruption depuis la 31epylée, ce serait la 61e, inaugurant la perception d'une «septièmeobole ». Mais nous ignorons ce qu'ont fait à ce sujet les Amphictionsaprès la 35e pylée, la dernière épigraphiquement attestée. Nous

possédons en outre des listes de contributions sous Damocharèset sous Dion : elles portent des έπαρχαί seules, ce qui pourraitindiquer une interruption dans le paiement de la capitation. Maisil semble, d'après le compte de l'automne 325 et le compte 80,que les trésoriers aient pris l'habitude d'inscrire les versements dela capitation et les έπαρχαί sur des stèles différentes, continuantainsi la série des stèles pour έπαρχαί seules qu'avaient inaugurée lesnaopes aussitôt après la guerre sacrée, quand la perception deΓ« obole » était encore suspendue. Nous ne pouvons donc rien enconclure ; les numéros de la pylée (de la 41e à la 61e) et de Γ« obole »(cinquième au moins, septième au plus) de l'automne 325 nous

demeurent inconnus.J. Bousquet a justement rapproché du compte de 325 le compte

80, publié par erreur comme « compte du Conseil », où sont enregistrées diverses recettes des trésoriers. En tête (80, 1-15) sontinscrits des paiements effectués par des cités selon le formulairetypique des listes de versements de la capitation : nom de la cité,montant de la somme, nom du porteur. Il ne saurait donc y avoirde doute sur la nature de la recette : c'est Γέπικέφαλος όβολός. Maisles contribuables sont ici les cités phocidiennes, Médéon, Lilaia,Tithronion, Thronion, Phlygonion. Or les Phocidiens, depuis leur

exclusion de l'Amphictionie, ne payaient naturellement plusl'impôt amphictionique de la capitation, mais seulement — si jepuis dire — leur amende. S'ils paient à nouveau leur « obole »,c'est que le compte est postérieur au dernier versement de leuramende, daté par Bourguet de l'archontat d'Éribas, donc de 324au plus tôt. On lit, après la liste des cités phocidiennes, le nom del'archonte Mégaclès ; mais la stèle est si mutilée que l'on ne sauraitdire s'il date le compte ou un reliquat provenant d'une pyléeantérieure et inscrit dans le oompte. De toute façon, la date de cetarchontat n'est pas connue. Mais il est remarquable que les paie-

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LA PERCEPTION DE L OBOLE PAR TRANCHES DE DIX PYLEES 159

ments phocidiens, dans le compte 80, sont, autant que nouspuissions en juger, inscrits eux aussi en chiffres entiers, mines etstatères. Ils se rapprochent ainsi du compte de l'automne 325.

On remarquera enfin que la liste des cités phocidiennes n'est passuivie par la liste d'autres cités amphictioniques, mais par desrecettes d'un ordre tout différent. Les versements des Phocidiensn'étaient donc pas enregistrés à la place qui était anciennement laleur dans la liste officielle des peuples amphictioniques, place maintenant occupée par les Macédoniens, mais soit en queue de liste,soit dans un paragraphe spécial. Les Phocidiens, dispensés de leuramende, ne le furent pas pour autant de toute contribution à lareconstruction du temple. Quoique toujours exclus du Conseilamphictionique, ils furent assujettis désormais au paiement de lacapitation

(quiremplaça

leur amende) et inscrits à ce titredans

les comptes-recettes des trésoriers, cités par cités.Résumons-nous. Il est très probable que chaque tranche de la

capitation fut perçue dans un délai de 10 pylées : « première obole »de 366 à 362 (Antichares-automne), «deuxième obole» de 361(Antichares-printemps, 11e pylée) à 357 (Héracleios-automne,

20e pylée), «troisième obole» de 356 (Héracleios-printemps,1e pylée) probablement à Teucharis-automne (30e pylée). La

troisième guerre sacrée interrompt les versements de Γ« obole »jusqu'à ic-automne, en 340, date possible de la 31e pylée quiinaugure les versements de la « quatrième obole ». Le compte del'automne 325 semble marquer la mise en recouvrement d'unexe obole ». Le tableau ci-joint (p . 160) résume cette chronologie. Je nem'en dissimule pas le caractère partiellement hypothétique. Dumoins cette hypothèse s'accorde-t-elle avec les faits connus ; ellen'est en contradiction avec aucun. Nous pouvons donc l'adopter,provisoirement au moins, jusqu'à ce qu'une éventuelle découverteà Delphes vienne la confirmer ou la rectifier.

Capitation Les listes des contributions sont habituelle-amphictionique ment gravées en minces colonnes parallèles,

et contributions Ubies.se\on un ordre

immuable. Entête figurent leLe contenu des listes. nom de rarchonte de Delphes, puis la pylée

numérotée et la liste des cités amphictioniques ayant versé leurcapitation :

'Επί Αισχύλου άρχοντος,τάς ή ρίνας πυλαίας, τρίταςκαι δεκάτας, ταίδε ταμ πο-λίων ήνικαν του οδελοΰ τουδευτέρου.

(Liste)

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3333AΡAΡAΡA

456789

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1

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AΡAΡAΡAMnmah

9

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1111112

3333AΡAΡAΡA

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Encrrg pyéépgpqumen

 

Pmièreduèmeobe chnogeû trsèmeobe chnogepbbe qur

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LES CONTRIBUTIONS LIBRES 161

Puis sont inscrites les έπαρχαί sous la rubrique :

Τάδε πόλεις και ίδιώταιέπάρξαντο ταύται τα πυλαίαι

(Liste)

Enfin le total des recettes termine le compte :

Κεφάλαιον λήμματοςταύτας τας πυλαίας,επ ί Αισχύλου, δραχμαίόκτακισχίλιαιπεντακόσιαιτριάκοντα, όβολόςήμιωβέλιον (3 Ι et II, 1-29).

Le formulaire est devenu tellement stéréotypé que dans les listesoù ne figure plus la capitation on continue à enregistrer les έπαρχαίen répétant la formule traditionnelle ταύται τα πυλαίαι, qui faitpléonasme avec l'intitulé normal :

'Επί Δίωνος άρχον —τος, τας όπωριναςπυλαίας, τάδε πόλεις και ίδιώταιέπάρξαντο ταύτη

τη πυλαίαι (9 Ι, 5-10).Ce pléonasme, quand il apparaît dans l'intitulé, permet d'affirmerqu'une stèle, même réduite à un petit fragment, ne portait d'autrecontribution que les έπαρχαί. C'est le cas des pauvres morceauxqui nous restent des listes de Cléon, Peithagoras et Chairolas.A cette époque, avant la création des trésoriers, ils nous fournissentla preuve que la capitation n'était plus perçue ; et l'on datera dela période antérieure à 338 le compte 41, où l'on voit les naopespayer la fourniture des stèles « où sont les έπαρχαί pour le templeet les dépenses », στάλας εν [ταΐς τα πρδς τό]ν ναόν έπαρξάμενα και

τα ί δαπάναι (II, 14-16) 1. Plus tard, nous l'avons vu, il semble queles trésoriers continuèrent à inscrire les contributions libres sur desstèles distinctes, si bien que l'existence de stèles à έπαρχαί seules,sous Dion (9 II B, 5 sq.) et Damocharès (? 7, 1. 2 restituée), nesuffit plus à prouver que la capitation n'était pas à nouveauperçue sous ces archontats.

A dater d'Héracleios-printemps, à la 21e pylée de 356, les naopesάργυρολογέοντες sont toujours nommément désignés en tête des

(1) Restitution de J. Bousquet, citée BCH Suppl. IV, p. 88 n. 1.

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162 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

listes de contributions. Cette innovation est due peut-être à lasituation anormale dans laquelle la guerre plongeait l'Amphictio-nie disloquée par les hostilités.

Exception faite du compte de l'automne 325, méthodiquementcomposé selon l'ordre officiel des peuples amphictioniques, lesversements de la capitation sont très irréguliers selon les pylées.Toutes les cités n'apportent pas leur contribution à chaque pylée,car chacune avait le droit d'échelonner ses paiements comme ellel'entendait1 pourvu que la totalité de son « obole » fût acquittéedans le délai impératif de dix pylées consécutives. Il n'est pas exclutoutefois que le premier versement de la première obole, en 366, aitété strictement réglementé par l'Amphictionie, et fixé forfaitaire-ment pour chaque cité à une fraction du total exprimée par une

somme en chiffres ronds, à la manière de ce qui se passera plustard, à la pylée d'automne 325.Les contributions des cités, capitation ou έπαρχαί, étaient

apportées à Delphes par une personne de confiance, hiéromnémon(81, 8-ll),naopes(3 11,62; 5, 10; 8 II, 10), notable, dont le nom estmentionné dans les listes : il lui est ainsi donné quitus de sonpaiement. Sous Dion, c'est le roi de Sparte, Gléomène en personne,accompagné des naopes, qui convoie jusqu'au sanctuaire les510 drachmes éginétiques versées par la cité comme contributionvolontaire (9 I, 14-21).

Capitation et contributions libres étaient enregistrées séparément. Mais, à l'intérieur de chaque chapitre, les paiements étaientinscrits dans l'ordre où les payeurs se présentaient : deux Arca-diens sont cités entre un Syracusain et une Thessalienne, elle-même suivie d'une Sélinontine (3 I, 40-47), le Phasélite Damothémisà côté du Thébain Pancôn et de l'Apolloniate Timéas (3 I, 73-79).S'il advient que plusieurs personnes d'une même cité soientgroupées, tels les Andriens (7, 15 sq. ; 10, 1-18) ou les Céiens(6 B, 10-25), il faut voir là, plutôt qu'un effort de classementméthodique, l'effet d'une circonstance fortuite : un bateau adébarqué à Cirrha une troupe de passagers provenant d'une même

ville, une théorie officielle députée par une cité.Signalons ici l'importance que revêt, dans le compte d'Anti

chares (col. I, 1. 29-30), la mention du versement de 500 drachmesapporté par le Delphien Télésarchos au nom de sa cité : preuve queDelphes, en plus de sa contribution particulière, payait la capita-

(1) J . Pouilloux, BCH 73 (1949), p. 188 n. 4 : « A l'intérieur d'un laps de tempsdonné, les cités étaient libres d'opérer leurs versements à leur gré, pourvu qu'elles leseussent terminés à l'expiration de ce délai ».

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VARIÉTÉ DES CONTRIBUTIONS LIBRES 163

tion comme les autres membres de l'Amphictionie1. Les Delphiensversent encore en 325 une contribution de 400 (?) drachmes,apportée aux trésoriers par cinq personnages qui sont probable

mentinq prytanes2.Le montant des contributions libres varie naturellement

beaucoup selon la fortune ou la générosité des donateurs. Anaxisle Phocéen bat le record de modestie en versant une obole(3 III, 13-14) ; Échénice et Cléonice de Phlionte donnent chacuneune obole et demie (3 I, 51-54), le médecin Xénotimos un statèreen or d'Abydos (3 III, 15-20), tandis que Théodoros d'Athènes,acteur célèbre, « vedette internationale »3 , et Timéas d'Apollonie donnent chacun 70 drachmes, soit une mine selon le système delphique(3 I, 67-77) : ce sont les deux contributions individuelles les plus

élevées. Les dons varient habituellement entre une demi-drachmeet dix drachmes, somme rarement dépassée par les particuliers.De même que le pharaon Amasis, au vie siècle, avait envoyé auxDelphiens une contribution en nature de 1 000 talents d'alun, lesApolloniates du Pont donnent comme έπαρχή 3 000 médimnesphidoniens d'orge, qu'ils transportent à leurs frais jusqu'à Cirrha.Quant au transport de Cirrha à Delphes — nous savons par lescomptes qu'il était coûteux — l'Apolloniate Aristocleidès et leDelphien Ainésidamos en assument tous deux les frais (3 II, 1-22).La vente de cette cargaison de céréales rapporta au trésor 3 587drachmes, 3 oboles et demie (3 II, 1-13).

Les contributions faisaient affluer dans la caisse amphictioniqueles monnaies les plus diverses, les plus nombreuses frappées selonl'étalon éginétique en usage à Delphes, mais aussi l'attique, lesdrachmes de Corinthe (3 III, 27-30) et de Rhodes (4 III, 18), les« hectés » de Phocée (6 A, 1-7), les numi italiotes (6 B, 4), statèresen électrum de Gyzique (4 II, 1-3), monnaies d'or d'Abydos (3 III,19), « philippes » (50 II, 9-12 ; 61 II A, 23-32) et dariques (9 I,3-4 ; 61 II A, 1-8). Les monnaies d'or sont comptabilisées à part(4 III, 19-20 ; 9 I, 3-4 ; les trésoriers font de même) ; les autres sonthabituellement converties en leur équivalent éginétique afin de

simplifier l'addition du total des recettes, énoncé en éginétique{e.g. 3 I, 20-23, 57-60, etc. ; II, 25-29). Parfois, le numéraire attiqueest additionné à part (4 II, 16-18). Certaines dépenses du templeétaient en effet payables en cette monnaie : il était donc normal

(1) J. Bousquet, BCH 66-67 (1942-1943), p. 86, col. I, /. 29-30, et p. 91 .(2) J . Bousquet, Mél. Daux, p. 27-28.(3) P. Ghiron-Bistagne, Recherches sur les acteurs dans la Grèce antique, p. 157-158,

et références citées p. 329.

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164 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

d'en réserver une partie pour les paiements, ce qui dispensaitd'avoir à les changer deux fois.

3) L'amende des Phocidiens.

Parmi les recettes de l'Amphictionie figuraient les amendes quele Conseil infligeait éventuellement à ses membres1. De ce pointde vue, l'amende des Phocidiens entrait dans la catégorie desrecettes « ordinaires ». Son caractère exceptionnel tient à l'énormitéde son chiffre et plus encore, peut-être, au fait qu'elle fut payée,partiellement au moins, ce qui ne semble pas avoir été toujoursle cas pour les amendes précédentes. Mais en 346, appuyée sur laforce armée de Philippe, l'Amphictionie disposait de moyens de

coercition qui lui avaient manqué dans le passé. Les condamnésfurent contraints de s'exécuter.Essayons de clarifier les péripéties de ce drame. Eschine et

Démosthène, nos principales sources, les rapportent avec uneapparente confusion car, parlant à un public contemporain desévénements, ils se contentent souvent d'allusions, pour nousobscures, et surtout citent les faits non pas dans leur ordre chronologique, mais à l'endroit de leur plaidoirie où ils seront utiles àleur argumentation. Il est d'autant plus difficile de s'y reconnaîtreque les deux adversaires ont parfois intérêt à ne pas être clairs.Néanmoins, aidés par l'exposé de Diodore (XVI, 23 sq.) et lerésumé de Pausanias (X, 2-3), nous pouvons distinguer trois actesdans l'enchaînement des faits : la capitulation des Phocidiens, lasession extraordinaire de l'Amphictionie réunie à Delphes aussitôtaprès, la ratification par Athènes des décisions prises.

Selon Démosthène (Amb. 58), l'Ecclésia d'Athènes, au retour dela seconde ambassade envoyée par elle à Philippe, ratifie le 16Skirophorion (11 juillet) la paix enfin signée par le roi. Sur proposition de Philocrate, inspiré par Eschine, elle décide par décretd'étendre le traité de paix aux descendants de Philippe et sommeles Phocidiens de remettre le sanctuaire de Delphes « aux Amphic-

tions », sans autre précision. Faute de quoi, les Athéniens prêterontmain forte à l'Amphictionie contre les récalcitrants (Amb. 49).Informés par leurs ambassadeurs, les Phocidiens décident de

(1) Celles-ci étaient intégralement versées à la caisse des trésoriers : amende desPhocidiens (48 II, 37-38; 58, 70), amende de l'entrepreneur Perpolas de Larissa(58, 71). Les épidékata des hiéromnémons (58, 4-5 ; 81 , 12; 82 , 8) représentent,selon J. Bousquet (Ada of th e Fifth Epigr. Congress, 1967, p. 80), «les prélèvementsdu dixième, reversés aux trésoriers, sur le montant des procès qu'ils étaient appelés àjuger selon une de leurs attributions bien connues et attestées ».

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PHILIPPE MEMBRE DE l'aMPHICTIONIE 165

mettre fin à une lutte désormais sans espoir. Le 22 Skirophorion,Phalaicos conclut avec Philippe un armistice (Amb. 58-60) l'autorisantse retirer sain et sauf avec ses mercenaires1. La Phocide estabandonnée à la merci des vainqueurs. C'est la fin du premier acte.

Le roi de Macédoine obtient ainsi sans combat, άνευ μάχης,άνελπίστως, écrit Diodore (XVI, 56, 4 sq.), un succès inespéré. Ilenvahit la Phocide après avoir proposé ■— non sans ironie — auxLacédémoniens et aux Athéniens de joindre leurs forces à lasienne. Vingt cités phocidiennes, bien fortifiées, capitulent2.Philippe tient alors un premier conseil avec ses alliés thessalienset thébains et décide fort habilement de confier le règlementdéfinitif de l'affaire « aux Amphictions ». N'était-ce pas ce quesuggéraient Eschine (Amb. 114), lorsqu'il conseillait à Philippe de

remettre de l'ordre en Grèce μημεθ'

όπλων, αλλά μετά ψήφου καικρίσεως, et Philocrate enjoignant aux Phocidiens de remettre lesanctuaire « aux Amphictions » ? Philippe décide donc de réunirle Conseil, dont il n'est pas encore membre : εκρινεν οδν συναγαγεΐντο τών Άμφικτυόνων συνέδριον και τούτω την περί των δλων διάγνωσινέπιτρέψαιΑ Ni Eschine ni Philocrate n'avaient songé à préciser,parce que dans leur esprit la chose allait de soi, que par « Amphictionsils entendaient le Conseil amphictionique réuni en séanceplénière4. Mais Philippe et ses alliés l'entendent de tout autrefaçon.

Le Conseil, composé des seuls alliés de Philippe, se réunit donc,probablement dans les derniers jours de juillet ou les premiersjours d'août, alors que Philippe a franchi les Thermopyles et occupéla Phocide, en cinq ou six jours selon Démosthène (Amb. 125).Deux faits prouvent qu'il s'agit d'une session extraordinaire tenueavant Boucatios, date normale de la pylée d'automne. A la pyléed'automne, en effet, deux Macédoniens figurent dans le collège desnaopes réorganisé (19, 74) et Philippe, sur proposition des « Amphi-tions », assure la présidence des concours pythiques. Il est doncà ce moment-là membre de l'Amphictionie, ce qu'il n'est pasencore quand, à son initiative, se réunit le premier Conseil suivant

la capitulation des Phocidiens : c'est en effet ce Conseil qui va luiattribuer les deux sièges de hiéromnémons enlevés aux Phocidienset, selon Diodore, le charger de l'organisation des concours

(1) Diodore, XVI, 61,4; Eschine, Amb. 138, 140, 142; Pausanias, X, 2, 7.(2) Démosthène (Amb. 61, 123) parle de 22 cités phocidiennes Pausanias (X, 3, 2)

n'en énumère que vingt parce qu'Abae (à cause de son sanctuaire d'Apollon) etnaturellement Delphes furent exemptes de représailles. Sur les plans de Philippe àcette époque, voir M. M. Markle, Class. Quart. 24 (1974), p. 253-268.

(3) Diodore, XVI, 59, 4.(4) Démosthène le leur reproche avec véhémence : Amb. 50, 51.

12

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166 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

pythiques1. La réunion a donc lieu avant la session ordinaire dela pylée d'automne, et certainement à Delphes. Aucun auteur nele dit, sans doute parce que c'est une évidence pour tous. Philippe

est maître de la Phocide, l'accès à Delphes est libre : quel obstacleaurait empêché le Conseil de siéger dans le sanctuaire abandonnépar les mercenaires phocidiens et de marquer ainsi de façon éclatante sa victoire sur les occupants sacrilèges ? Cette session nerassemble que les alliés de Philippe, adversaires des Phocidiens,les Thessaliens (et naturellement, bien que les orateurs n'en disentrien, mais cela va de soi, les peuples situés dans leur zone d'influence,Perrhèbes-Dolopes, Magnetes, etc.) et les Béotiens. Ces « soi-disantAmphictions »2 vont régler les affaires au gré du roi de Macédoineet selon leur propre intérêt. Athènes est représentée à la session non

point officiellement par un hiéromnémon, mais officieusement parles trois ambassadeurs qu'elle a dépêchés à Philippe : Eschine,Dercylos et Stephanos3.

Le sort des Phocidiens est rapidement réglé : ils sont exclus del'Amphictionie et condamnés à rembourser les déprédationscommises dans le sanctuaire (évaluées à 10 000 talents) au rythmede 60 talents annuels : soit 167 années de paiements !4 . Ils perdentau profit de Philippe leurs sièges de hiéromnémons et de naopes.Les cités phocidiennes sont rasées, leurs populations disperséesen bourgades de cinquante feux et distantes les unes des autresd'au moins un stade. Les Œtéens proposent même que l'on préci

pite du haut des Phédriades les Phocidiens en âge de porter lesarmes. Eschine intervient en leur faveur (Amb. 142) : Philippe etl'Amphictionie se contenteront, selon Diodore (XVI, 60, 3) deprécipiter symboliquement et de brûler les armes sacrilèges desPhocidiens et de leurs mercenaires.

Philippe maître de la Phocide et de l'Amphictionie, les Athéniens comprennent trop tard que la défaite de leurs alliés phocidiens est un grave revers pour eux-mêmes. Ils ont été joués. Enl'absence à Delphes du hiéromnémon athénien, le Conseil amphic-tionique, sans perdre de temps, envoie une deputation thessa-

lienne5, accompagnée par des ambassadeurs de Philippe, réclamer

(1) Diodore, XVI, 60,2.(2) Démosthène, Paix, 14 : τους συνεληλυθότας τούτους καΐ φάσκοντας Άμφικ-

τύονας νΰν είναι.(3) Eschine, Amb. 139, 140 ; Démosthène, Amb. 121 sq.(4) Diodore, XVI, 56, 6 ; 60, 2 ; Th . Reinach, RA 1928, II, p. 314.(5) Signalons à ce propos un contresens dans la traduction de G. Mathieu,

Démosthène, Amb. 111 (collection des Universités de France) : « Tout récemment,des Thessaliens sont venus vous trouver ». L'adverbe έ"ναγκος se rapporte évidemmentnon pas au moment où Démosthène parle, mais à la conclusion de la paix et auxévénements, l'écrasement de la Phocide entre autres, qui l'ont suivie. Il faut traduire :

« tout de suite après... », « sans perdre de temps ».

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ATHENES SE RESIGNE A L INEVITABLE 167

aux Athéniens la ratification des décisions prises. Les Athéniensd'abord se rebiffent ; ils votent un décret exigeant la révision desconditions de paix et refusant à Philippe l'accès au Conseil

amphictionique : conduite peu réaliste évidemment, comme le leurrappelle Démosthène (Amb. 181). Il ne reste plus qu'à faire contremauvaise fortune bon cœur. Dominant son amertume, l'orateurlui-même conseille la résignation à l'inévitable, afin de ne pointdonner prétexte « à ceux qui se disent maintenant les Amphic-tions » de déclarer une nouvelle guerre sacrée contre les anciensalliés des sacrilèges, et cela « pour l'ombre qui est à Delphes »(Paix, 14; Amb. 111)1. Athènes souscrit donc à l'admission dePhilippe dans l'Amphictionie, au châtiment ruineux infligé auxPhocidiens qu'elle avait abandonnés à leur sort en se laissant

prendre à l'habile politique de Philippe. A la pylée ordinaire del'automne 346, sous l'archontat de Damoxénos, le roi de Macédoinepréside les concours des Pythia. Un moment tentée de s'abstenir,Athènes humiliée se résout à envoyer à Delphes son hiéromnémon2,et ses naopes siègent aux côtés de leurs nouveaux collègues macédoniens à la première assemblée du collège tenue έπεί ά είρήναέγένετο (19, 74). Dès la pylée d'automne 344, sous l'archontat deCléon, les Phocidiens apportent à Delphes leur premier versement :30 talents, la moitié de leur amende annuelle.

Le dossier épigraphique de l'amende phocidienne est trèslacunaire. Il comprend un fragment de compte de Delphes fl4)

correspondant aux cinq premiers versements, quatre mentionsde versements dans les comptes des trésoriers (11e, 48 II, 37-38 ;

18e, 58, 69-70 ; deux mentions énigmatiques : 81, 11 et 82, 5), enfinles reçus de six paiements, non numérotés, retrouvés à Élatée,dans le sanctuaire fédéral d'Athéna Granaia (Syll.3, 231-235). Tels

(1) La métaphore de Démosthène « l 'ombre qui est à Delphes » (le Conseil amphictionique) est une adaptation ironique de l'expression proverbiale « se battre pourl 'ombre d'un âne » (Aristophane, Guêpes, v. 191), c'est-à-dire pour rien.

(2) Dans le discours sur Γ Ambassade, Démosthène déclare en effet (128) qu'Athènesrefusa d'envoyer à la célébration de s concours pythiques « les théores du Conseil etles Thesmothètes ». Elle ne voulait pas rehausser l'éclat d'une fête présidée par Philippe,qui en profitait pour célébrer sa victoire. Mais les Pgthia sont une chose, le Conseilamphictionique une autre, et Démosthène ne dit pas qu'Athènes ne désigna pas dehiéromnémon cette année-là. Lorsque Démosthène déclare peu après (131) quo lesAthéniens μηδέ των έν Άμφικτύοσι κοινωνεϊν έθέλειν, le verbe έθέλειν montre qu'il s'agitd'une velléité, d'un désir, non d'une abstention effective ; traduire « que vous refusiez departiciper à l'activité de s Amphictyons » (G . Mathieu) est un faux-sens. En effet, lediscours sur l'Ambassade fut prononcé durant l'été de 343, c'est-à-dire à la fi n dusemestre de printemps, sous l'archontat delphique de Cléon. Or, à cette date, unhiéromnémon athénien, Mnésilochos, siège au Conseil (14 I, 27-28).

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168 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

sont les documents qui nous renseignent sur le paiement de cetteamende1.

La stèle de Delphes (14, pi. I, 3), réduite à trois morceaux

complémentaires de sa partie inférieure, est le seul vestige de lasérie des six (au maximum) stèles de marbre sur lesquelles lesDelphiens avaient enregistré les paiements, semestriels d'abord,puis annuels, de l'amende phocidienne. Les deux premières de cesstèles furent façonnées (et par conséquent la stèle 14 gravée) sousAristonymos-automne (341) par Évagoros, au prix de 5 statèreset 8 oboles l'une (22, 31-33). On notera que l'on paye à Évagorosla façon de la stèle (εργασία), non la fourniture de la pierre. Lastèle 14 est en effet taillée dans un bloc de larmier du temple desAlcméonides, comme le furent probablement aussi les autres.L'Amphictionie faisait ainsi l'économie de la matière première.La stèle 14 était inscrite sur deux colonnes, « d'une gravure fine,d'un trait précis et élégant », sloichédon ; chaque colonne comptait,complète, y compris les espacements des lignes laissées en blanc,70 lignes environ. Au sommet de la colonne I, brisée, était vraisemblablement inscrite, comme l'a supposé Bourguet, la sentence decondamnation dont Diodore (XVI, 60) nous a rapporté la substance. Au-dessous étaient enregistrés les deux premiers versementsde l'amende, sous Cléon-automne (fin de la liste amphictionique,I, 1-11) et Cléon-printemps (I, 12-36). La colonne II contenait letroisième versement sous Chairolas-automne (aujourd'hui perdu),

le quatrième sous Ghairolas-printemps (II, 1-19), le cinquièmesous Peithagoras-printemps (II, 20-32) : la liste amphictionique,arrêtée sur la stèle aux hiéromnémons delphiens, se prolongeaitsur la stèle suivante. Toutefois, pour ne pas séparer les deuxDelphiens, le graveur a écrit le nom du second en surnombre,au-dessous de la dernière ligne2.

Chaque versement est enregistré dans un paragraphe séparé duprécédent et du suivant par un intervalle de trois lignes en blanc.Chaque paragraphe comprend lui-même deux parties : une sortede titre énonçant le paiement et formant reçu puis, sous un intervalle d'une

ligne enblanc,

la listeéponymique

(archonte, prytanesde Delphes, hiéromnémons) qui date le versement. Par exemple :

(1) Ë. Bourguet, Adm. fin., p. 37-42; P. de La Coste-Messelière, BCH 73 (1949),p. 23 5 sq., rectifié par P. Marchetti (date de Palaios), BCH Suppl. IV, p. 82-83.

(2) C'est l'explication la plus probable. Car une liste « interrompue », comprenant♦ seulement les hiéromnémons qui furent en charge durant l'archontat tout entier »(P. de La Coste-Messelière, l.l., p. 205, 237), serait une bizarrerie sans autre exempledans les comptes amphictioniques.

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PAIEMENTS DE L'AMENDE PHOCIDIENNE 169

Titre : Έπί τούτων άπήνεγκαν οι Φωκεΐςπυλαίας ή ρ ίναςτάλαντα τριάκοντα.

Liste : Δευτέρα καταβολα των ιερών χρημάτων επί Κλέωνος άρχοντοςεν Δελφοΐς, πρυτανευόντων (8 noms)ίερομναμονεόντων (24 noms).

Il faut signaler ici une difficulté non résolue que soulèvent, dansle «reçu » inscrit en tête de chaque paragraphe, les mots επ ί τούτων.Ils ne peuvent, comme on l'admet d'ordinaire, annoncer les nomsde la liste qui suit. Car dans les comptes de Delphes, conformémentau bon usage de la langue grecque, ούτοι, ταΰτα renvoient toujours

à ce qui précède ; seuls les démonstratifs οιδε, τάδε annoncent cequi suit : ταίδε ταμ πολιών ήνικαν, τάδε πόλεις και ίδιώται έπάρξαντο(mais ταύται ται πυλαίαι pour renvoyer à la pylée déjà citée),ναοποιοί συνήλθον τοίδε, ναοποιοΐς έδώκαμεν τοΐσδε, etc. Dans ces conditions et à moins de supposer, comme Baunack, une improbableerreur de rédaction dans le texte, επί τούτων se réfère à quelquechose qui précède, et je ne vois pas ce que cela pourrait être sinonles stipulations du décret de condamnation gravé, selon l'hypothèse rès plausible de Bourguet, en tête de la colonne I : « en vertude ces dispositions, en application de ces conventions... ». Mais je

ne puis trouver aucun exemple satisfaisant de επ ί + génitif aveccette signification. Je remets donc à plus perspicace la solutiondu problème.

La stèle de Delphes montre que les Phocidiens ont d'abord payéponctuellement, sous Cléon et sous Chairolas, leurs 60 talentsannuels en apportant à Delphes, à chaque pylée, 30 talents qu'ilsversaient au collège des prytanes delphiens soit au complet(Sy//.3, 232 : archonte et huit prytanes), soit représenté par unedélégation de ses membres [Syll.3, 231 : archonte et cinq prytanes).L'opération se déroulait en présence de témoins delphiens etphocidiens dont les noms sont inscrits dans les reçus d'Élatée.

La somme perçue était naturellement versée dans la caisse amphic-tionique. Mais les paiements ne se maintinrent pas longtemps àcette cadence accablante. Dès l'archontat de Peithagoras semble-t-il, les Phocidiens ne versent plus que 30 talents annuels qu'ilsapportent régulièrement à la session de printemps ; on juge inutiledésormais de préciser dans le titre de chaque paragraphe lesemestre de la pylée (14, II, 20-21 )1. Ce régime dura vraisembla-

(1) P. de La Coste-Messelière, /./., p. 236-238.

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170 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

blement jusqu'à l'archontat de Palaios (8e versement), au printemps de 338, l'année même de la bataille de Chéronée.

Les comptes des trésoriers prouvent qu'il y eut ensuite une

interruption momentanée des versements durant deux ans, puisune reprise, mais à un taux réduit. En effet, en 334-333, sousl'archontat de Damocharès, le versement enregistré porte lenuméro 11, non le 13 comme on l'attendrait si les paiementss'étaient poursuivis régulièrement depuis Peithagoras (5e versement) au rythme de un par an . De plus, la somme versée annuellement'est pJus que de 10 talents (48 II, 37-38). L'époque où lescirconstances expliquent le mieux l'interruption momentanée, puisla reprise des versements à un taux réduit, est celle qui sépare labataille de Ghéronée (338) de l'assassinat de Philippe (336). On

peut penser en effet que Philippe, pour récompenser les Phoci-diens de leur assistance au cours de la quatrième guerre sacrée, lesavait exemptés de tous versements1. Après la mort du roi, lesAmphictions, pressés de trouver des ressources pour la reconstructionu temple, estimèrent, semble-t-il, la magnanimité dePhilippe justifiée dans son principe, mais dommageable dans sonapplication. Ne pouvant pas revenir purement et simplement àl'agréable situation antérieure, ils imposèrent aux Phocidiens dereprendre leurs versements, mais au taux plus raisonnable de10 talents annuels.

Pendant combien d'années les Phocidiens payèrent-ils à ce taux

réduit ? Nous ne le savons pas exactement. Ils effectuent un18e versement de 10 talents à la pylée de printemps sous Caphis(326 ; 58, 70). Un reçu d'Élatée {Syll.s, 235) est daté de l'archontatd'Éribas (entre 323-322 et 316-315) : c'est le plus récent qui noussoit parvenu. Or un certain nombre d'anomalies dans le libellé— présence de quatre bouleutes de Delphes au lieu des prytanes,d'un témoin argien en plus des Delphiens et des Phocidiens — ontconduit Bourguet à penser que ce reçu pouvait être le dernier.Si l'hypothèse est exacte, et si l'on assigne à Éribas la date la plusbasse2, on voit que les Phocidiens auraient payé leurs 10 talents

annuels de 336-335 (Dion) à 316-315 (? Éribas), durant vingt etune années, soit 210 talents qui, additionnés aux 240 talentsprécédemment versés, donnent un total maximum de 450 talentseffectivement payés sur les 10 000 imposés aux vaincus par desvainqueurs que grisaient l'animosité née de dix ans de guerre et

(1) P. Marchetti, BCH Suppl. IV , p. 79-83.(2) En fait, la date basse est peu probable : Éribas ne pouvait être très éloigné

de Charixénos ; cf. ci-après p. 187. Le chiffre de 450 talents est donc certainementsupérieur à la somme totale qu'ont réellement payée les Phocidiens.

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LE DOSSIER DE L AMENDE PHOCIDIENNE 171

Tableau III. Les versements de l'amende des Phocidiens (en caractèresgras, les versements épigraphiquement attestés).

Année

344/3343/2342/1341/0340/39339/8

338/7337/6336/5335/4334/3333/2332/1331/0330/29329/8328/7327/6

326/5à316/5 (?)

Total (i

Archonte

CléonChairolasPeithagorasAristonymos

XPalaios

X cX

DionX

DamocharèsDamocratès

XThyméasLykinosBathyllosThéolytosCaphis

CharixénosàÉribas

naximum) . . .

Versement

A Ρ

1 23 4

5678

Chéronéesuspension desAssassinat de

9101112131415161718

Sommeen

talents

30 + 3030 + 30

30303030

paiementsPhilippe

10101010101010101010

11 paiementsaumaximum 110

450 ±

Référence

FD, III 5, 14Ibid. [+Syll.3, 231)Ibid.

Syll.3, 232

FD, III 5, 47 I

Syll.3, 235 A

les illusions engendrées par toute victoire. La somme, hypothétique,es versements phocidiens s'établit donc comme le montrele tableau III1.

On ne peut dans cette liste assigner leur place exacte aux versements

effectuéssous Ornichidas

(Syll.3,233) 2

et un archonteinconnu («Sf///.3, 235 B) : les reçus d'Élatée, qui seuls les mentionnent, ne précisent pas le numéro du paiement.

Gela étant, et en raisonnant d'après la disposition de la stèle 14,il est possible de calculer approximativement le nombre de stèlesque couvrait à Delphes, dans cette hypothèse, le dossier completde l'amende phocidienne. Sur la stèle 14, à partir du paragraphe

(1) D'après BCH 73 (1949), p. 235-236, rectifié par BCH Suppl. IV , p. 82-83.(2) Cf. ci-après, p. 234.

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172 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

où, sous l'archontat de Peithagoras, on supprime la mention de lapylée, chaque versement occupe 28 lignes, y compris les trois lignesen blanc qui séparent les paragraphes et la ligne en blanc placée

entre le titre et la liste éponymique. La colonne II de la stèle 14,reconstituée, comptait 69 lignes, soit 138 lignes pour les deuxcolonnes d'une stèle entière, équivalant, à deux lignes près, àl'enregistrement des paiements sous cinq archontats (28 χ 5 =140 lignes). De Cléon (344-343) à Éribas daté au plus bas (316-315)il y a place pour vingt-neuf archontats. Le dossier occupait doncau maximum six stèles, compte tenu du fait que durant deuxannées (probablement 338-337 et 337-336) les Phocidiens ne firentaucun versement, interruption qui dispensait de graver deux listesamphictioniques, remplacées sans doute par une simple indication

du type : «Sous

tel archonte lesPhocidiens

n'ontpas

apporté lesιερά χρήματα ». La stèle 14 montre que les paragraphes se continuaient d'une stèle sur sa voisine. Les stèles devaient donc êtrejuxtaposées et former une sorte de tableau continu d'environ6 mètres de long. Nous ne saurions dire à quel endroit précis lesAmphictions les érigèrent, mais il est probable que ce fut έν τώιεπιφανέστατων τόπωι, à proximité du temple1.

Grâce aux ιερά χρήματα, l'Amphictionie put réparer, en partieau moins, les dommages subis par le sanctuaire au cours deshostilités (elle fit refaire, entre autres, le périrrhantérion d'or et lecratère d'argent, dons de Crésus, fondus par les occupants : 48 I,

23 ; 62, 6 sq.) et poursuivre la reconstruction du temple, endispensant pour un temps les peuples amphictioniques et lesDelphiens de payer les contributions qu'ils s'étaient imposées.Puis, exemptés de leur amende, les Phocidiens furent à nouveauassujettis à Γέπικέφαλος οβολός. Leurs paiements, quoique enregistrés à part (80), marquent le début d'un retour en grâce au seinde la communauté amphictionique.

4) Les dépenses. Dépenses payées sur la contribution forfaitaire deDelphes: le compte créditeur des naopes 19 et 20.

Les naopes, nous l'avons vu, payaient seuls les dépenses relativesà la reconstruction du temple, et ils n'en payaient aucune autre.L'argent dont ils avaient besoin provenait de deux caisses : lacaisse amphictionique, alimentée par la capitation, les dons

(1 Des stèles disposées côte à côte, en panneau continu, se dressaient sur les emmar-chements de la « base de Corcyre » qui dominait la place du temple et bordait la voiemontante en direction du théâtre (J. Pouilloux, FD, II, La région Nord du sanctuaire,p. 39-48). Les stèles de l'amende phocidienne étaient disposées de semblable façon.

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DEUX DOCUMENTS D'IMPORTANCE : LES STELES 19 ET 20 173

volontaires et les recettes ordinaires de l'Amphictionie, et la caissedelphique, alimentée par la contribution particulière des Delphiens.Ceux-ci ouvrirent aux naopes un compte crédité au départ d'un

capital égal au montant de leur contribution, et les naopes prélevèrent sur ce compte, qui demeura créditeur jusqu'à son extinction1, es sommes nécessaires à leurs paiements. La Boula delphiquetenait, au nom de la cité, la comptabilité des prélèvements. Unheureux hasard nous en a conservé une grande partie, la moitiéenviron, gravée sur deux grandes stèles de calcaire (19 et 20), lesdeux plus beaux comptes de Delphes.

Ces lourdes plaques ont été exhumées presque intactes entre lavoie sacrée et le bouleutérion, près duquel il est probable qu'ellesse dressaient dans l'Antiquité. Elles se font suite et nous donnent

en 208 lignes de texte continu le relevé des versements effectuéssur ordre des naopes depuis l'archontat d'Argilios (358-357)jusqu'à celui de Maimalos (date incertaine, entre 315-314 et 305-304), soit durant un demi-siècle environ. Elles nous fournissent surla succession des archontes au ive siècle une documentation depremier ordre, malheureusement incomplète : vingt-trois archontesseulement sont nommés pour cette période, car les années où lesnaopes ne retiraient pas d'argent sur le compte ne figurent évidemment as dans le texte, et l'archonte éponyme est passé soussilence. Il y a donc dans la liste des lacunes dont il est difficile,sinon impossible, d'évaluer précisément l'importance. En dépit

de ces incertitudes, la chronologie des archontes du ive siècle àDelphes repose pour l'essentiel sur le témoignage des deux stèles19 et 20.

Ce n'est pas leur unique intérêt. Elles nous renseignent aussi surles progrès des travaux du temple durant la période antérieure à346, pour laquelle les comptes des naopes font défaut, et surtoutnous font connaître la façon dont ces travaux furent financés :elles seules en effet prouvent qu'au ive siècle, comme au vie siècle,les Delphiens furent tenus d'acquitter, en plus de leur contributionamphictionique, une contribution proprement delphique pour la

reconstruction du temple d'Apollon.Ce fait, capital pour l'interprétation globale des comptes duive siècle, avait échappé à Bourguet. Comme il croyait en outre queles prytanes étaient membres de la Boula delphique, il groupasous un même titre « Comptes du Conseil » (de Delphes) les comptes

(1) II s'agit donc bien d'un «compte créditeur». Faute d'avoir compris la naturevéritable du compte 19-20, P. de La Coste-Messelière (Mél. Daux, p. 200, n. 6), répétépar P. Marchetti (BCH 101 [1977] p. 163 n. 115), a contesté la justesse de cetteexpression : elle est seule exacte.

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174 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

du Conseil amphiclionique (21 et 22) et les comptes du Conseildelphique (19 et 20), erreur qui l'engagea dans une voie sans issueet l'empêcha de découvrir l'explication correcte de ces comptes

qu'il avait, plus que tout autre, par son travail opiniâtre, contribuéà tirer du néant. Une fois reconnue la véritable nature des comptes19 et 20, ainsi que la véritable fonction des prytanes, tout s'éclaire.Je rappelle ici succinctement les arguments par lesquels j'aimontré que les comptes 19 et 20 portaient la comptabilité ducompte créditeur ouvert aux naopes par la cité de Delphes1.

La première différence, la plus notable, entre les comptes (surmarbre) 21 et 22 et les comptes (sur calcaire) 19 et 20 concerne lafaçon de dater les opérations financières. Les premiers sont normalement datés, comme tous les autres documents amphictio-

niques, reçus de l'amende des Phocidiens, locations et fermagesdes biens confisqués, comptes des trésoriers, par les noms del'archonte de Delphes, des huitprytanes delphiens et des 24hiérom-némons de la pylée semestrielle. Ce sont donc incontestablement descomptes amphictioniques. Les comptes 19 et 20 sont datés toutautrement. Ni les prytanes ni les hiéromnémons n'y sont jamaisnommés comme éponymes d'une pylée. Après le nom de l'archontedelphien sont inscrits les noms des bouleutes de Delphes (quin'apparaissent jamais dans les comptes amphictioniques), ennombre variable selon les époques, tantôt réduits à une délégationde deux, trois, ou quatre membres, tantôt nommés au complet.Je reviendrai sur ces variations, qui correspondent à des changementsdans le régime des paiements. Le naope de Delphes occupedans ces comptes une place privilégiée (qui n'est jamais la siennedans les documents amphictioniques) : il est toujours cité avantses collègues, et à part.

On remarque ensuite que l'Ecclésia de Delphes exerce uncontrôle direct sur les opérations (20, 59) et que, à l'occasion, desmagistrats delphiens, les « pôlètes des dîmes », interviennentcomme organisme payeur (20, 88-95) : deux faits inexplicables s'ils'agissait de comptes amphictioniques, normaux au contraire s'il

s'agit de comptes de Delphes.Ces observations montrent qu'on doit prendre à la lettre, dansle libellé des deux comptes 19 et 20, les formules qui annoncent lespaiements : έδωκε ά πόλις των Δελφών, παρ ταν πάλιν των Δελφώνλοιπόν τοις ναοποιοΐς, έπέταξαν τοί ναοποιοί πάντες τά ι πόλι τώνΔελφών. Ces formules signifient clairement que la cité de Delphes

(1) G. Roux, RA 1966, p. 245-259 ; BCH 94 (1970), p. 117-132. A propos de l'articlepublié dans le BCH 101 (1977), p. 160-164 (« Les prytanes dans leurs fonctions d'agents-comptables ») cf. mes observations ci-après p. 243-245.

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LE COMPTE CREDITEUR DES NAOPES 175

paie les naopes non pas en tant que dépositaire d'un énigmatique« fonds de dépôt »1 , mais en tant que contribuable versant unecontribution prélevée sur ses propres ressources. Ces conclusions

sont aujourd'hui acceptées par tous ; et dans le musée de Delphesles deux stèles sont présentées désormais au public comme« comptes de contribution de la ville de Delphes ».

Mais cette contribution est d'une nature particulière, différentedes contributions consenties par les autres cités de l'Amphictionie.La comptabilité gravée sur les stèles 19 et 20 n'est pas celle d'un« compte courant » dont le capital s'accroît avec les recettes etdiminue avec les dépenses : c'est un crédit alloué une fois pourtoutes, un capital fixé à l'origine, qui n'augmente jamais et décroîtrégulièrement après chaque prélèvement opéré au bénéfice des

créanciers, les naopes. La seule opération qui s'effectue dans cescomptes, c'est la soustraction. La source du capital n'est donc pas,comme celle de Γέπικέφαλος όβολός et des έπαρχου, une collecteorganisée au cours des années, dont les rentrées sont variables etsuccessives ; elle est le produit d'une division. Une fois évalué lecoût du nouveau temple, Delphes et l'Amphictionie se sontpartagé les charges : tant pour l'Amphictionie, tant pour Delphes.Le capital initial est la quote-part des Delphiens, analogue à cellequ'ils avaient versée au vie siècle, sur ordre des Amphictions,quand fut reconstruit le temple archaïque. Les comptes 19 et 20sont la comptabilité de cette contribution forfaitaire des Delphiens,

contribution supplémentaire qu'ils payaient en sus de leur capitation amphictionique et qu'ils acquittèrent progressivement enouvrant aux naopes un compte créditeur auprès de la cité. Lesstèles 19 et 20 ne portent rien d'autre que la liste des retraitssuccessifs effectués par les naopes sur leur compte créditeur.

Les deux stèles représentent à peu près la moitié de la comptabilitéotale du compte créditeur des naopes. Celle-ci occupait eneffet quatre stèles, dont la première et la dernière sont perdues.L'existence de la première « est attestée par deux graffiti non vuspar Bourguet et pourtant très lisibles. Dans la marge du n° 19, à

partir et au-dessous de la ligne 31 (cf. FD, pi. III), on lit ΟΦ ΔΕ,

(1) Cette expression de Bourguet est d'autant plus inexacte que les comptes 19et 20 sont ceux d'un crédit ouvert aux naopes, non d'une caisse où seraient déposésdes fonds. Les Delphiens payaient les naopes en prenant ordinairement les fondssur la caisse de la Boula ; mais en cas de nécessité, ils faisaient appel à d'autres caisses,celle des « polètes de s dîmes » par exemple (20, 88-95). Le seul « fonds de dépôt », pourautant que cette expression ait un sens en français, serait la caisse amphictioniqueconfiée à la garde de la cité de Delphes dans l'intervalle des sessions. Il faut donccesser d'employer, même entre guillemets, à propos des comptes 19 et 20, l'expressionerronée « fonds de dépôt ».

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176 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

ce qui veut dire οφειλομένων] ou όφ[ειλήματος] δε[υτέρα στάλα], etdans le n« 20, 11. 27-29, se voit le mot TPIT, τρίτ[α] »Λ Cettenumérotation, sommairement gravée (J. Bousquet parle just

ement de «graffiti»), bizarrement placée, manifestement ajoutéeaprès coup, indique à mon avis que les stèles ont dû être à uncertain moment déplacées ; on les a alors grossièrement numérotéespour assurer leur remise en place dans le bon ordre. Ces numérosprouvent en tout cas qu'il n'y avait, avant la stèle 19, « secondestèle », qu'une « première stèle » contenant la comptabilité despaiements depuis l'origine des travaux. De même un calcul simpleprouve, comme je le montrerai plus loin, que la stèle 20, « troisièmestèle », n'était suivie que d'une seule autre. Toute la comptabilitédelphique tenait ainsi dans quatre stèles dont nous sont parvenues

intactes les deux stèles intermédiaires, la moitié des comptesenviron.La stèle 19 commence ex abrupto par l'indication de la « somme

restant à la disposition des naopes auprès de la cité de Delphes,à la pylée d'automne (358), sous l'archontat d'Argilios : 20 talents,14 mines, 10 statères ». C'est un « état actuel du compte créditeur »,un bilan tel que la Boula delphique a coutume de l'établir chaquefois que le compte est momentanément arrêté ; il en est ainsi avantles deux longues suspensions des paiements que provoquèrent d'abord, entre Teucharis-automne et Damoxénos-automne, la guerresacrée (19, 68-70), puis, entre Aristonymos-automne et Charixénos-

printemps (20, 15-19), l'afflux d'argent dû aux versements del'amende phocidienne. Il semble d'ailleurs que la Boula ait profitéde ces entractes pour faire graver d'un coup sur la stèle les comptesde la période comprise entre deux interruptions. On distingueainsi par l'écriture, sur 19 et 20, un exercice financier Argilios-Teucharis (19, 1-70), un exercice Damoxénos-Aristonymos (19,71-20, 14), puis un exercice Charixénos-printemps sq. (20, 15 sq.).Pour en revenir au bilan d'Argilios-automne gravé au début de lastèle 19, nous constatons qu'il clôt une période de paiements,délimitée par une interruption. Les naopes ne prélèvent en effet

aucune somme ni sous Argilios-printemps, ni sous Héracleios-automne. Les paiements reprennent sous Héracleios-printemps(356), à la fin du semestre, l'année même où débute la troisièmeguerre sacrée.

Ici se présente une apparente anomalie dans la chronologie.Un paiement effectué durant le semestre de printemps est daté à lafois par le nom d'Héracleios et par celui de son successeur Aris-toxénos (19, 2-8) : deux archontes éponymes pour un seul paie-

il) J. Bousquet, Ada of the Fifth Epigr. Congress 1967, p. 77 .

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LE DECALAGE ENTRE HEXAMENIES ET PYLEES 177

ment. Cette bizarrerie ne fait l'objet d'aucun commentaire dansla publication ; elle demande quelque éclaircissement.

La comptabilité delphique du compte ouvert aux naopes,

magistrats amphictioniques, est normalement datée selon lesystème amphictionique des pylées d'automne et de printemps,le mot « pylée » ayant d'ailleurs, selon le contexte, tantôt son senspremier et précis de « session du Conseil amphictionique », tantôtson sens comptable d'« exercice financier du semestre ». Or cettedatation d'un compte delphique selon le système amphictioniquesoulevait une difficulté : il existait en effet un décalage d'un peuplus d'un mois entre le début de l'année civile à Delphes, au moisd'Apellaios, et le début de la « pylée d'automne » (ou, si l'onpréfère, la fin de la « pylée de printemps ») dans le courant du mois

suivant, en Boucatios (cf. annexe II, p. 235). En d'autres termes,les deux semestres de l'année delphique ne coïncidaient pas exactement vec les deux pylées amphictioniques, pylée étant ici pris ausens large d'exercice financier semestriel. L'archonte éponymede Delphes prenait ses fonctions en Apellaios, c'est-à-dire au débutd'un mois qui, du point de vue de l'Amphictionie, appartenaitencore à la « pylée de printemps », datée par le nom de l'archonteprécédent. Deux archontes delphiens se chevauchaient donc enApellaios et durant une partie de Boucatios, l'un déjà éponymeà Delphes sans l'être encore de la pylée amphictionique, l'autreencore éponyme de la pylée quoique n'étant plus archonte àDelphes. D'où le problème : quand les Delphiens payaient unedépense amphictionique au cours de cette période, convenait-il dela dater par le nom de l'archonte éponyme nouvellement nomméà Delphes, disons par exemple Aristoxénos, ou par le nom de sonprédécesseur Héracleios qui, bien qu'ayant officiellement quittéses fonctions delphiques, n'en était pas moins, pour l'Amphictionie,jusqu'à la session amphictionique d'automne, éponyme de lapylée de printemps ? La solution adoptée fut simple entre toutes :on inscrivit à la fois le nom de l'archonte éponyme de la pylée etle nom du nouvel archonte éponyme sous lequel avait eu lieu le

paiement. D'où les noms de deux archontes pour ce seul et mêmepaiement. Le compte 19 offre trois exemples de cette doubleéponymie.

Le premier (19, 2 sq.) se situe au moment où Delphes, après uneannée d'interruption, reprend ses paiements sous Héracleios-printemps. Le compte est ainsi libellé : Μετά τοΰτο, άπεδώκαμες,έπιστειλάντων τών ναοποιών πάντων, τα ήρινδα πυλαίαι. επί Ηρακλείουάρχοντος, άργύριον δίδόμεν ' Ιδωκε ά πόλις τών Δελφών, επ ί Άριστοξένουάρχοντος, μηνός Άπελλαίου, βουλευόντων..., etc. (liste des dépenseseffectuées en Apellaios). "Αλλο έδωκε ά πόλις τών Δελφών, επί

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178 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

Άριστοξένου άρχοντος, μηνός Ηραίου, οπωρινάι πυλαίαι, ναοποιέοντοςΝικόμαχου Δελφοϋ, βουλευόντων..., etc.

Traduisons : «Après cela (après la balance du compte et l'arrêt provisoiredes paiements) nous avons repris les paiements quand les naopes, à l'unanimité, la pylée de printemps, sous Varchontat (THèracleios, nous eurent donnél'ordre écrit de verser de l'argent : la cité de Delphes a payé, sous V archontatd'Aristoxénos, au mois d' Apellaios, en présence des bouleutes Callippos,Sakédallos, Aigylos fils d'Hiéron, le naope (de Delphes) Aristagoras ayantquitté ses fonctions, remplacé par Nicomaque fils de Ménécratès, la permanence mensuelle étant assurée par Philolaos de Lacédémone, Ampharèsde Phocide : dix mines à Pasion... (liste des dépenses). Autre versementeffectué par la cité de Delphes, sous Varchontat d'Aristoxénos, au moisd'Héraios, à la pylée d'automne, en présence du naope Nicomaque de Delpheset des bouleutes... »

Le nom d'Aristoxénos est cité une première fois sans la mentionde la pylée parce que le paiement, daté par son nom, appartientau semestre de printemps dont il n'est pas l'éponyme ; seul estindiqué le mois, Apellaios, mois de son entrée en fonction commearchonte de Delphes, dernier mois complet de la pylée de printemps dont l'éponyme est encore pour un temps son prédécesseurHéracleios. Aristoxénos ne deviendra lui-même éponyme de lapylée d'automne qu'un peu plus tard, au moment de la sessionamphictionique, dans le courant de Boucatios. C'est pourquoi lepaiement suivant, effectué en Héraios, troisième mois de la pyléed'automne (1 . 8 sq.), est normalement daté par le nom d'Aristoxénosuivi d'c^copivat, πυλαίαι : c'est le premier paiement effectué à lapylée d'Aristoxénos-automne.

Le second passage (19, 90 sq.) est en tous points comparable aupremier. Après la liste des dépenses επ ί "Αρχωνος άρχοντος, ταςήρινας πυλαίας (19, 84 sq.), nous lisons : έπί,στεί,λάντων των ναοποιώνπάντων ποτί ταν πόλί,ν των Δελφών δΐ,δόμεν χρήματα τοις έπιμηνιεύουσιτων ναοποιών, ά πόλις έδωκε των Δελφών, τρίταν δόσιν, επί Κλέωνοςάρχοντος, ναοποιέοντος Σιμυλίωνος Δελφοΰ, βουλευόντων Ξενοχάρευς,Δαμοτίμου, Θεοαίστου, μηνός Άπελλαίου . . . μνας δέκα. Puis, après ledétail des dépenses : "Αλλο έδωκε ά πόλις των Δελφών, τετάρταν δόσιν

... επ ί Κλέωνος άρχοντος, όπωρινας πυλαίας, τοις ναοποιοΐς ..., etc.,« sur l'ordre écrit envoyé par tous les naopes à la cité de Delphes d'acquitterses paiements aux naopes de permanence mensuelle, la cité de Delphesa donné — troisième versement — sous Varchontat de Cléon, en présencedu naope Simylion de Delphes et des bouleutes Xénocharès, Damotimos,Théoaistos, au mois d'Apellaios, ... dix mines... Autre paiement de la citéde Delphes — quatrième versement — ... sous Varchontat de Cléon, à lapylée d'automne, aux naopes... ».

Comme précédemment, le paiement effectué en Apellaios, doncà la pylée de printemps dont l'éponyme est Archôn, est daté par

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UN PAIEMENT EN BOUCATIOS 179

le nom de Cléon sans indication de pylée, tandis que le paiementsuivant est rapporté à la pylée d'automne dont Cléon est devenuéponyme en Boucatios. On peut d'ailleurs préciser que les

Delphiens ont effectué ce quatrième versement au moment dela session amphictionique, de la « pylée d'automne » au sens strictdu terme, en Boucatios : ils remettent en effet la somme non pasau naope chargé de la permanence entre les sessions (έπιμηνιεύων),mais aux προστατεύοντες dont les fonctions d'encaisseurs nes'exercent que durant les sessions régulières du Conseil.

Le troisième passage (19, 104 sq.) est particulièrement intéressantil concerne un paiement effectué non plus en Apellaios, maisen Boucatios, dans les derniers jours de la pylée de printemps : "Αλλοέδωκε ά πόλις των Δελφών, πέμπταν δόσιν . . . επ ί Χαιρόλαι άρχοντος, μηνός

Βουκατίου, έπιμηνιεύοντος Τιμασικράτευς Περραιβοΰ, μναν, στατηρας δύο,« autre versement de la cité de Delphes, le cinquième... sous Varchontat deChairolas, au mois de Boucatios, la permanence mensuelle étant assurée parTimasicratès, Perrhèbe : 1 mine, 2 statères ».

Boucatios est le mois de la session amphictionique d'automne.Si le versement avait eu lieu pendant la session de Chairolas-automne, la Boula se serait contentée d'écrire à son habitude, sansindiquer le mois, « όπωριναΐ. πυλαίαι » et l'argent aurait été donnéaux προστατεύοντες, non à Γέπιμηνιεύων. Si le versement avait eu lieuaprès la session, le nom de Chairolas serait suivi de la mention

« semestre d'automne », ce qui n'est pas le cas. Le paiement a donc eulieu avant la session amphictionique d'automne, dans les derniersjours de la pylée précédente. Il s'ensuit que les premiers jours deBoucatios appartenaient encore au semestre de printemps dontl'éponyme était le prédécesseur de Chairolas, Cléon. La sessiond'automne du Conseil amphictionique commençait donc seulementdans le courant du mois de Boucatios.

Résumons nos observations : le compte 19-20 montre que lacité de Delphes versait sa contribution personnelle tantôt aumoment des sessions du Conseil amphictionique — en ce cas la

somme était reçue par les naopes προστατεύοντες et datée simplement ar le nom de l'archonte et la mention de la pylée, automneou printemps — tantôt dans l'intervalle des sessions ; elle laremettait alors aux naopes έπιμηνιεύοντες et datait son versementsoit par le nom de l'archonte suivi de la mention de la pylée, sansautre précision, soit en ajoutant le nom du mois. Si ce mois étaitApellaios ou le début de Boucatios, on inscrivait à la fois le nomde l'archonte nouvellement entré en fonction à Delphes et le nomde son prédécesseur qui, quoique sorti de charge, n'en restait pasmoins l'éponyme du semestre de printemps jusqu'à la sessionamphictionique d'automne, en Boucatios.

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180 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

La période d'environ un demi-siècle que couvre le compte 19-20fut fertile en événements de grandes conséquences pour la Grèce :troisième et quatrième guerres sacrées, assassinat de Philippe,

avènement et mort d'Alexandre. Dans le cours de ces annéesagitées fut modifiée à plusieurs reprises la façon dont Delphesacquittait sa contribution. On distingue dans la comptabilité ducompte créditeur quatre périodes :

1) avant la guerre sacrée, jusqu'à l'archontat d'Aristoxénos-printemps (355 ; 19, 1-30) ;

2) pendant la guerre sacrée, jusqu'à l'archontat de Damoxénos-automne (346 ; 19, 31-70) ;

3) après la guerre sacrée, jusqu'à l'arrêt momentané des paiementssous Aristonymos-automne (341 ; 19, 71-107 ; 20, 1-19) ;

4) après la vérification des comptes sous Gharixénos-automne (325 ;

20, 20-101).

1) Avant la guerre sacrée (19, 1-30), la cité verse directementτοις έργώναις, aux entrepreneurs que lui désignent les naopes1, lessommes qui leur sont dues. Les naopes se bornent à ordonnancercollectivement les paiements en adressant à la ville de Delphes laliste des dépenses mises à sa charge et l'ordre écrit de les payer(κελευόντων, έπιστειλάντων των ναοποιών πάντων). Une délégationrestreinte du collège contrôle l'exécution des paiements prescrits :

en présence du naope de Delphes, toujours cité avant les autres età part, de quelques bouleutes et de quelques naopes (παρεόντωντων ναοποιών τώνδε), la cité verse « à Nicodamos 6 mines pour lesbois de la machine, à Pasion un nouveau paiement de 10 mines,3 statères, 3 oboles, pour le même travail que précédemment àl'ischégaon... », etc. (19, 12 sq.). Les naopes, en ce cas, ne sont paspartie prenante ; ils ordonnancent les paiements, puis sont lestémoins de leur exécution. Toutefois, si les travaux doivent êtrepayés hors de Delphes, la cité confie l'argent τοις ναοποιοΐς pourqu'ils le transmettent à leurs destinataires.

C'est ce qui se produit à la session d'automne, sous Aristoxénos,en 356 (19, 18-30). A cette occasion, la cité fait preuve d'uneprudence et d'une rigueur comptable remarquables. En effet lesPhocidiens occupent alors Delphes ; protestant de leurs bonnes

(1) Bourguet considère à tort le datif τοις έργώναις (I. 10) comme le complément deκελευόντων (Adm. fin, p. 76-77 : « II est aussi mentionné expressément que les entrepreneurs obéissent aux ordres de tous les naopes ») et ponctue en conséquence. Τοιςέργώναις est en réalité le complément de έδωκε, 1.8; il doit être séparé du génitif absolupar une virgule : τοις έργώναις, κελευόντων..., etc.

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LES COMPTES DURANT LA TROISIEME GUERRE SACREE 18 1

intentions envers l'Amphictionie, dont ils sont membres, et enversle sanctuaire d'Apollon, dont ils sont maîtres, ils s'efforcent demaintenir l'activité du chantier, de faire progresser la reconstructionu temple à son rythme habituel. Les naopes — ceux du moinsqui se trouvent à Delphes — prescrivent à la cité de remettre àcinq d'entre eux les sommes nécessaires au paiement « des travauxà Gorinthe » (19, 19-30). Il s'agit de l'extraction et de l'embarquementLéchaion des pièces de la péristasis, entablement et dallesde plafonds, que les naopes trouveront sur le chantier, prêtes à êtreassemblées, après la paix de 346. Tout se passe alors comme siDelphes, consciente des conditions anormales dans lesquelles, dufait de la situation politique troublée, elle va effectuer ses paiements, tenait à se prémunir contre d'éventuelles critiques en

préparant des comptes irréprochables et faciles à vérifier qu'ellepourra présenter dans le futur à ses partenaires de l'Amphictioniemomentanément écartés des sessions. Les Amphictions présents àDelphes paraissent animés des mêmes préoccupations. C'est, ons'en souvient, sous Héracleios-printemps, en 356, qu'apparaissentpour la première fois dans l'administration amphictionique lesnaopes άργυρολογέοντες, nommément responsables de la collecte desfonds. Delphes, de même, avant de déférer à l'ordre des naopes,prend la précaution de faire constater l'état du compte créditeurpar « tous les naopes » (ποτί πάντας τους ναοποιούς : entendons tousles naopes citoyens des cités amies de la Phocide que l'état deguerre n'empêchait pas de se réunir à Delphes) et précise bien quec'est après cette vérification (μετά τον λογισμόν), en présence de sesbouleutes (παρεόντων των βουλευταν, sans noms propres cités, doncde la Boula au complet) et sur l'ordre donné par tous les naopes(έπέταξαν τοί ναοποιοί πάντες) qu'elle a remis aux quatre naopescorinthiens et au naope de Sicyone, nommément désignés, lessommes réclamées pour payer les « travaux à Gorinthe » dont ledétail est enregistré (19, 19-30).

2) A partir d'Aristoxénos, en 355, la guerre s'amplifie. Durantdeux années consécutives les naopes ne peuvent se réunir. Le

chantier est paralysé (19, 31-33). Mais dès 353, sous Nicon-printemps, les réunions des naopes et les travaux reprennent.Comme il faut bien payer les dépenses, il est probable que lesAmphictions amis des Phocidiens qui se rendent à Delphes versentà nouveau leur capitation. Les Delphiens, de leur côté, laissent lesnaopes utiliser leur compte créditeur, mais en multipliant lesprécautions. Ils enregistrent sous une rubrique spéciale les versements faits « aux naopes du temps de guerre », τοις ναοποιοΐς τοις εντώι πολέμωι. Chaque versement, méthodiquement numéroté, πράτανδόσιν, δευτέραν δόσιν, n'est plus remis directement aux entrepreneurs,

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182 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

τοις έργώναις, mais aux naopes eux-mêmes, τοις ναοποιοΐς, en présence de témoins, comme par le passé, naope de Delphes, délégation e bouleutes, naopes προστατεύοντες, et seulement lors dessessions régulières de l'Amphictionie, à la pylée de printemps et àla pylée d'automne, comme l'indique la présence des προστατεύοντες,à l'exclusion de tout έπιμηνιεύων. Ce sont les naopes qui, sous leurpropre responsabilité, transmettent la somme reçue à son destinataireτοϋτο εδόθη, 19, 40) ou la partagent entre ses destinataires(τούτου εδόθη, 19, 45, 54, 61) dont les noms et les travaux rémunéréssont régulièrement inscrits, à l'usage des Delphiens, dans les comptesde chaque pylée. Ce système, qui facilite grandement les contrôles,est appliqué jusqu'à la session de printemps de 351, sous Teucha-ris. A cette date, l'aggravation des hostilités entraîne la suspension

des paiements et, très probablement, l'arrêt complet des travaux.Selon leur habitude, les Delphiens concluent cette période par uncompte récapitulatif des sommes versées par eux depuis le dernierλογισμός effectué en période normale, avant la guerre, sousArgilios-printemps : au total 2 talents, 27 mines, 19 statères,9 oboles et demie. Reste donc sur le compte delphique des naopesun crédit de 17 talents, 46 mines, 25 statères, 2 oboles et demie,soit 74 670 drachmes et 2,5 oboles (23, I, 9-14). Comme les naopesont été empêchés par les circonstances de payer toutes les dépensespour lesquelles ils avaient reçu des fonds de l'Amphictionie.ils déposent auprès de la cité de Delphes, en attendant des tempsmeilleurs, le reliquat de leur caisse amphictionique : 3 404 drachmeséginétiques et 1 obole (23, I, 1-5).

3) Au mois de juillet 346, cinq ans plus tard, les Phocidienscapitulent. Dès la pylée d'automne, sous Damoxénos, les naopestiennent leur première réunion depuis la paix, réunion consacréeà la remise en ordre des affaires, à la reprise des travaux interrompus.ls retrouvent intact le dépôt de 3 404 drachmes et 1 oboleconfié à Delphes par les « naopes du temps de guerre ». Il estremarquable que les chefs phocidiens, malgré la pénurie d'argentqui les contraignait à fondre les précieuses offrandes du sanctuaire

pour payer la solde de leurs mercenaires, ne touchèrent pas à uneseule obole de ce dépôt, peut-être parce qu'il provenait des contributions et offrandes versées par leurs alliés, pendant la guerre,pour la reconstruction du temple et que ceux-ci n'auraient pasadmis qu'elles fussent dépensées à d'autres fins. Les naopesretrouvent intactes les 74 670 drachmes et 2,5 oboles de leurcompte créditeur (23, I, 9-14) qui, elles, n'étaient pas exposéesau pillage : il ne s'agissait pas en effet d'une somme en dépôt,existant en espèces dans les caisses de Delphes, mais d'un créditque la cité honorait progressivement, au fur et à mesure des

demandes.

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LES NAOPES ET LEUR COMPTE CREDITEUR 183

Ce crédit, les naopes l'utilisent dès la session suivante, sousDamoxénos-printemps. Les Delphiens observent dans leur comptabilitéa même rigueur que pendant la guerre (19, 80 sq.) : ilsinaugurent une nouvelle série de versements numérotés (πράταν,δευτέραν δόσιν), effectués uniquement au moment des sessions ordinaires de l'Amphictionie (il n'y a pas, dans cette partie du compte,de naopes έπιμηνιεύοντες) ; ils remettent l'argent aux naopes(τοις ναοποιοΐς) en présence des témoins habituels, bouleutes deDelphes, naope de Delphes et naopes προστατεύοντες. Puis lesystème est assoupli : à la fin du semestre de printemps 344, sousArchôn, en Apellaios, Gléon étant désormais archonte éponyme deDelphes, les naopes prescrivent à la cité, par un ordre écrit voté àl'unanimité, d'effectuer désormais ses paiements, si besoin est,

dans l'intervalle des sessions, τοις έπιμηνιεύουσι των ναοποιών (19, 90),aux naopes de permanence mensuelle, et non plus seulement τοιςναοποιοΐς, aux naopes réunis à l'occasion de la pylée régulière. C'estun signe que le chantier est actif et que les dépenses vont bon train.Les Delphiens effectuent deux versements hors sessions (19,90 sq. ; 104 sq.) entre Archôn-printemps (344) et Aristonymos-automne (341). Durant la période de onze pylées comprise entreDamoxénos-automne (346) et Aristonymos-automne (341), lesnaopes ne puisent que sept fois dans leur compte delphique, utilisépar eux comme une ressource d'appoint : aucun prélèvement sousDamoxénos-automne, mais un sous Damoxénos-printemps (19-

80-83), deux sous Archôn-printemps (19, 83-93), un sous Cléon-automne (19, 94-103), un sous Cléon-printemps (19, 104-107), maisaucun au cours des deux semestres de Chairolas1 ; un lors dessessions d'automne de Peithagoras et d'Aristonymos, mais aucunaux sessions de printemps de ces mêmes archontes (20, 1 sq.). Deuxarchontes qui se suivent sur la stèle peuvent donc avoir été dansle temps séparés par un ou plusieurs autres, passés sous silenceparce qu'aucun paiement n'a été effectué sous leur archontat. C'estune source d'incertitudes pour qui tente d'établir d'après cescomptes la succession chronologique des archontes de Delphes

au ive siècle.A la fin du semestre d'automne 341, sous Aristonymos, le comptecréditeur des naopes est bloqué (20, 12-17) : l'amende phocidienne,les έπαρχου et la perception envisagée d'une « quatrième obole »suffiront pour un temps à payer les dépenses du temple. La cité,selon son habitude chaque fois que les paiements sont momentané-

(1) Le paiement inscrit dans 19, 104-107, επί Χαιρόλα άρχοντος, en Boucatios,appartient encore à l'exercice financier de la pylée de printemps sous Cléon : cf. ci-dessusp. 179.

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184 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

ment suspendus, récapitule les sommes qu'elle a versées en remontantncore une fois jusqu'au λογισμός d'Argilios-automne, dernierarrêt du compte opéré en période normale, avant le déclenchement

de la guerre sacrée (20, 15-19). Reste sur le compte à la dispositiondes naopes : 10 talents, 35 mines, 20 statères, 8 oboles et demie.

4) Ce crédit restera bloqué durant quinze années, jusqu'à lapylée de printemps 325, sous Charixénos (20, 20 sq.). Au momentde reprendre les paiements après une interruption de trente pylées,dont plusieurs se sont écoulées pendant la période troublée de laguerre, Delphes et l'Amphictionie procèdent à une vérificationsolennelle des opérations effectuées sur le compte depuis Argilios,trente-deux ans plus tôt. Il s'agit de comparer la comptabilité deDelphes et celle des naopes, d'en constater la concordance. Sont

présents les quinze membres semestriels de la Boula delphiqueassistés d'un secrétaire, une commission spéciale de treizeπροαφετοί υπό τας πόλιος représentant l'Ecclésia, le Conseil amphic-tionique au complet, une trentaine de naopes dont trois assurentla présidence du collège et quatre sont préposés « aux coffres »contenant les comptes. Les deux comptabilités, celle de la Bouladelphique et celle des naopes concordent ; les hiéromnémons leconstatent : ένεφανίζθη τοις ίερομνάμοσιν ομόλογα (20, 41). Tout esten ordre. Les" paiements reprennent, mais selon un système radicalement différent.

La vérification des comptes sous Charixénos marque la fin d'uneépoque. Après un certain délai (ύστερον, 20, 50 ; cet adverbe vagueremplace le nom d'Éribas, nous verrons pourquoi), sous l'archontatde Pleistôn, les naopes font à nouveau appel à leur compte créditeur.Mais désormais ce n'est plus la πόλις των Δελφών, c'est-à-dire en faitl'Ecclésia, qui assure les paiements en présence d'une délégationde bouleutes et de naopes. La Boula agit seule, au nom de la cité.Chaque versement, numéroté, est daté par les noms des quinzebouleutes du semestre (quatorze si l'un d'eux — voyage, maladieou décès — manque à la réunion : 20, 68-77). La Boula étant semest

rielle, on se dispense désormais d'indiquer la pylée, puisque la listedes bouleutes suffit à montrer de quel semestre il s'agit. Les versements sont simplifiés : au lieu de verser « aux naopes » ou « auxentrepreneurs » des sommes variables, proportionnées au montantdes factures, la Boula remet aux seuls naopes delphiens, Étymon-das et Simylion, puis, à partir de l'archontat de Ménaichmos (20,82), Étymondas et Callicratès, une contribution annuelle forfaitaire de 30 mines, qu'ils encaissent au nom. de tous leurscollègues. Cette contribution est augmentée d'un talent (soit deuxfois 30 mines) sous Cléoboulos (20, 73-77) et de 30 mines sous

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UNE TRANSITION DIFFICILE 185

Ménaichmos (20, 78-87) ; irrégularités apparentes : il s'agit en faitdu paiement d'un arriéré de trois ans consécutif aux incidents —d'ailleurs obscurs pour nous — dont le compte 20 garde le témoi

gnage.Il semble en effet que le nouveau système ne fut pas adopté

sans controverses entre Delphes et l'Amphictionie. Sous l'archontatd'Éribas (dont le nom est remplacé dans le compte, ligne 50, parl'adverbe vague ύστερον), à l'époque où, selon Bourguet, les Pho-cidiens apportent à Delphes le dernier versement de leur amende,la Boula remet son premier versement de 30 mines non pas,comme on l'attendrait, aux deux naopes delphiens, mais auxprytanes de l'archontat de Pleistôn, et ceux-ci à leur tour, au lieude remettre ces 30 mines à leurs destinataires légaux, les naopes

de Delphes, les transmettent aux prytanes de l'archontatd'Évarchidas, lesquels reconnaissent officiellement devant l'Éccle-sia avoir reçu ce dépôt (20, 50-61 )1. Qu'en ont-ils fait ? Le compteest muet à ce sujet, mais il est probable qu'ils ont finalementdonné les 30 mines aux naopes puisque cette somme, prélevée surle compte depuis l'archontat d'Éribas, n'apparaît plus nulle part.Deux points sont à éclaircir.

Tout d'abord, il faut expliquer pourquoi les bouleutes d'Éribasremettent les 30 mines non pas, comme il serait normal, auxprytanes de leur propre archontat, aux prytanes d'Éribas, maisà ceux de l'archontat suivant, aux prytanes de Pleistôn : les deux

collèges, Boula d'Éribas, prytanes de Pleistôn, n'exerçaient passimultanément leurs fonctions. J'aperçois ici une nouvelle conséquence de ce décalage entre le début de l'année civile de Delpheset le début du semestre amphictionique d'automne, dont nousavons déjà constaté les effets dans la comptabilité delphique.Une fois de plus, des magistrats delphiens se trouvent exercer leurcharge dans le cadre du calendrier amphictionique. De même quel'archonte gardait l'éponymie du semestre amphictionique deprintemps jusqu'en Boucatios, alors qu'il avait abandonné sesfonctions d'archonte de Delphes depuis le mois précédent, de

même la Boula delphique du second semestre — dont le mandats'achevait avec l'année civile de Delphes — conservait la responsabilitéu compte créditeur des naopes jusqu'à l'échéance normaledu semestre amphictionique de printemps, en Boucatios. Lesbouleutes d'Éribas ont versé les 30 mines aux prytanes de Pleistôndurant le mois d'Apellaios ou les premiers jours de Boucatios,seule période où les deux collèges se soient trouvés simultanémenten fonction, les bouleutes d'Éribas étant maintenus par l'Amphic-

(1) Ci-dessus p. 78-80.

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186 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

tionie comme gestionnaires du compte jusqu'à la pylée d'automneet les prytanes de Pleistôn ayant été nommés par la cité de Delphesdès le début du mois d'Apellaios. Une fois encore le paiement est

datable par deux archontes : Éribas, éponyme de la pylée de printemps dans le calendrier amphictionique, Pleistôn, éponyme dèsle mois d'Apellaios, dans le calendrier delphique. Dans cettedernière partie du compte la liste complète des bouleutes remplace,nous l'avons vu, la mention traditionnelle « pylée d'automne »ou « pylée de printemps ». En transposant, nous obtiendrions pourdater l'opération un libellé du type : επί Έρίβα άρχοντος, έαριναιπυλαίαι, έδωκε ά βούλα τοις πρυτανίεσσι, επ ί Πλείστωνος άρχοντος,μηνός Άπελλαίου, c'est-à-dire un libellé rigoureusement parallèle àcelui des trois passages du compte 19 relatant des paiements

effectués par la Boula en Apellaios et enBoucatios. C'est

peut-êtreparce qu'il était déconcerté par cette discordance, ou parce qu'ilvoulait éviter de la mettre en évidence, que le rédacteur a remplacédans cette partie du compte le nom d'Éribas par un vague ύστερον.Après 30 pylées d'interruption, peut-être avait-on oublié la solution simple précédemment apportée à cette difficulté chronologique, ui consistait à inscrire les noms des deux archontessuccessifs. Telle me paraît être l'explication de cette premièreanomalie.

Il en est une seconde : pourquoi la première contribution forfaitaire de 30 mines est-elle confiée aux prytanes, et conservée par

eux durant deux archontats, au lieu d'être directement verséeaux naopes à qui elle était normalement destinée ? J'ai déjà parlé,à propos des prytanes, de cette énigmatique péripétie financière1.L'explication la plus probable, nous l'avons dit, est qu'il dut seproduire entre Delphes et l'Amphictionie quelque désaccord aumoment où fut choisi un nouveau régime des paiements. Lasomme due par Delphes aux naopes fut donc provisoirementdéposée entre les mains des prytanes, délégués officiels de Delphesauprès de l'administration amphictionique, le temps qu'intervienneune conciliation entre les points de vue opposés. Une fois l'accord

conclu entre les partenaires, la somme annuelle de 30 mines futrégulièrement remise aux naopes de Delphes. Toutefois, sousl'archontat de Gléoboulos (20, 68-77), la Boula verse, en plus des30 mines habituelles, 1 talent, soit 90 mines en tout, le triple de lacontribution ordinaire, et sous Ménaichmos (1 . 78-87) 30 mines àchaque semestre, soit 1 talent pour l'année. Ce supplément detrois fois 30 mines correspond vraisemblablement à trois années dela contribution forfaitaire que les Delphiens auraient dû verser

(1) Ci-dessus p. 78-80; cf. aussi p. 244.

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UNE COMPTABILITE SUR QUATRE STELES 187

— mais n'ont pas versée — sous trois archontats, à l'époque dulitige et qu'ils ont acquittée dès qu'ils en ont eu les moyens, commeil apparaît dans le tableau suivant :

χ (Théon ?) : 0 Eucritos : 30Éribas : 0 Cléoboulos : 30 + 30 + 30Pleistôn : 0 Ménaichmos : 30 + 30Ëvarchidas : 30 Thoiniôn : 30

Les Delphiens ont payé sous Cléoboulos et Ménaichmos les contributions dues sous x, Éribas et Pleistôn. L'adverbe ύστερον (20, 50),qui remplace le nom d'Éribas, ne peut couvrir une période trèsétendue. On ne voit pas pourquoi on aurait procédé à la vérificationu compte de Delphes en 325, sous Charixénos, si les Del

phiens n'avaient dû reprendre aussitôt après leurs paiements.Éribas doit être placé aussi près que possible de Charixénos.Puisque la séquence Caphis-Charixénos-Achaiménès-Théon (326-323) est assurée1, il y a de fortes chances pour qu'Éribas ait étéle successeur direct de Théon, en 323-322.

Sous l'archontat de Maimalos, le dernier qui figure sur la stèle 20,les Delphiens ont versé, depuis l'adoption du nouveau régime,un total de 300 mines, soit 5 talents. Il reste alors au crédit desnaopes une somme de 5 talents, 35 mines, 20 statères, 8 oboles etdemie, soit, au rythme de 30 mines payées chaque année, onze

années de paiements laissant un reliquat de 5 mines, 20 statères,8 oboles et demie. Or, sur la stèle 20, l'enregistrement de chaquepaiement annuel occupe cinq lignes de texte ; il suffisait donc decinquante-cinq lignes environ pour inscrire les onze paiementsrestant jusqu'à l'extinction du compte : une seule stèle suivaitdonc la stèle 20. La comptabilité entière du compte créditeurouvert aux naopes par la cité de Delphes tenait sur quatre stèlesexposées auprès du bouleutérion. Chaque Delphien pouvait y lirequelle partie du temple avait été payée sur les fonds de Delphes,et chaque Amphiction contrôler que la cité avait ponctuellementacquitté la contribution mise à sa charge par le Conseil amphictio-

nique.

(1) J. Pouilloux a ramené Achaiménès, du me siècle où il était indûment situé,au voisinage de l'archontat de Théon [BCH 75 [1951], p. 271 sq.) et P. Marchettiprécisé sa place entre Charixénos et Théon {BCH 101 [1977], p. 133-145, en particulier p. 144).

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188 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

5) Dépenses payées par l'Amphidionie. Comptes du Conseil amphic-tionique et comptes des trésoriers.

La contribution de Delphes ne couvrait qu'une fraction des fraisde la reconstruction. La plus grande partie en incombait àl'Amphictionie. Outre les dépenses du temple — qu'elle payaitpar l'intermédiaire des naopes exclusivement — elle acquittaitdirectement les dépenses courantes de l'administration, sessionsordinaires et extraordinaires du Conseil, entretien des deuxsanctuaires de Delphes et des Pyles, frais des concours pythiquestous les quatre ans, construction de monuments nouveaux, etc.La comptabilité amphictionique du ive siècle se classe ainsi en

deux catégories : comptabilité des naopes, consacrée aux seulesdépenses du temple ; comptabilité du Conseil et des prytanes, puisdes trésoriers et des prytanes, consacrée aux dépenses autres quecelles du temple.

La comptabilité du Conseil antérieure à l'institution des trésoriers en 339-338 est représentée par les fragments de stèles 21 et22 et par le compte 47 I et II, 1. 1-14, classé simplement comme« compte des trésoriers », mais qui est en réalité un compte mixte,comprenant les dernières dépenses du Conseil au moment où il vatransmettre ses fonctions de comptable au nouveau collège destrésoriers. Seuls ces trois documents nous instruisent sur la façondont le Conseil tenait sa comptabilité.

Ce sont uniquement des comptes de dépenses. A la différence dece que feront les trésoriers plus tard, le Conseil n'inscrit pas,pour chaque exercice, le chiffre de ses recettes ordinaires avant celuides dépenses. Ces recettes étaient donc gravées sur des stèles à part,dont aucune ne nous est parvenue. Les dépenses sont enregistréespar semestre, par « pylée » que datent les noms de l'archonte, deshuit prytanes, délégués de Delphes auprès de l'administrationamphictionique, enfin des vingt-quatre hiéromnémons. Il n'y apas de récapitulation semestrielle des dépenses, mais une seule

récapitulation annuelle, à la fin de la pylée de printemps. Lastèle 22 ne porte en effet aucune récapitulation des dépenses à lafin du semestre d'automne (1 . 28-35) ; en revanche, apparaît unκεφάλωμα άναλώματος après les dépenses du semestre de printemps,à la fin de l'archontat de Peithagoras (1 . 8-10). Cette récapitulationest bien celle des dépenses de l'année entière car, d'une part, iln'est pas dit qu'elle est celle d'un semestre, et d'autre part le chiffredes dépenses du semestre de printemps (x talents, 30 mines) necoïncide pas avec celui du total inscrit à la fin du compte (14talents, 27 mines, 29 statères, 1 drachme) : par conséquent, celui-ci

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LES COMPTES DU CONSEIL AMPHICTIONIQUE 189

représente un total annuel. En cela la comptabilité du Conseil estmoins minutieuse que ne sera celle des trésoriers, qui inscrirontchaque semestre la balance des recettes et des dépenses. Toutefois,

il me paraît probable que l'Amphictionie, en plus des stèles oùfiguraient ses dépenses détaillées, inscrivait sur des stèles récapitulatives, comme le feront plus tard les trésoriers1, les comptes desrecettes et dépenses έγ κεφαλαίο ις, réduits à leurs totaux.

Les dépenses sont inscrites dans un ordre immuable : d'abord lasomme globale, non détaillée, versée aux naopes pour le temple,ensuite le décompte des sommes versées directement par le Conseilet les prytanes aux entrepreneurs et fournisseurs autres que ceuxdu temple.

La somme versée aux naopes par le Conseil, puis par les trésoriers, est toujours exprimée en chiffres ronds : χ talents 30 mines(22, 6-7) ; [x] 2 talents (22, 28-29) ; 15 talents (47 I, 65) ; 5 talents(48 I, 7) ; 3 talents (50 II, 9-14) ; 20 talents (58, 14) ; 2 talents (61 1,36) ; 24 talents (61 II B, 15). Tandis que la Boula delphique indiquel'emploi détaillé — avant Charixénos au moins — des sommesversées par elle aux naopes, le Conseil amphictionique, puis lestrésoriers, s'en tiennent au chiffre de la somme globale. C'est quela Boula règle les factures de travaux, terminés ou en coursd'achèvement, dont elle connaît la nature et le prix. Au contraire,le Conseil et les trésoriers versent par avance aux naopes unesomme égale au montant des dépenses prévues pour l'exercice en

cours, somme arrondie au talent ou au demi-talent le plus proche.Les naopes reçoivent leur argent non pas « sur devis »2 (le propred'un devis est d'être chiffré avec précision), mais sur «prévisionglobale ». Si les dépenses sont inférieures aux prévisions, les naopesreportent le reliquat de leur caisse sur l'exercice suivant ; si ellesles dépassent, ils comblent le déficit en tirant les sommes nécessairessur leur compte créditeur auprès de la cité de Delphes. Ce comptejoue un rôle régulateur : grâce à lui, les naopes sont assurés de nejamais manquer d'argent à la fin d'un semestre.

Après la somme provisionnelle attribuée aux naopes, le Conseilet les trésoriers inscrivent sans transition les autres dépensespayées directement par eux. Cette présentation abrupte peutégarer le lecteur en lui dissimulant qu'il s'agit de deux postesbudgétaires différents. Bourguet s'y est trompé. Dans le compte 22,1. 29, on remplacera le point en haut erroné par un point, ou mieuxpar un tiret :

(1) Cf. ci-dessus p. 128-129.(2) P. Marchetti, BCH Suppl. IV , p. 75 n. 38, et p. 76 n. 40 .

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190 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

τοις ναοποιοΐς έδώκαμες τάλαν[τα είκοσι ?]δύο. — Νικοδάμωι τον στέφανον έπι [θή μεν] . . . , etc.

Les comptes du Conseil et des trésoriers ne nous apprennent doncrien, ou fort peu, sur la reconstruction du temple ; en revanche,ils nous renseignent abondamment sur les autres travaux exécutéspar l'Amphictionie tant aux Pyles qu'à Delphes.

Sous Aristonymos-automne (341), elle fait replacer une couronnesur le μέγας άνδριάς (22, 29-30), probablement le grand Apollon debronze consacré après Salamine1, et tailler dans les marbres dutemple des Alcméonides les stèles (dont la stèle 14 ) où serontgravés les versements de l'amende phocidienne (22, 31-34). Auprintemps de l'année suivante, elle paie à terme échu, ce qui estétrange, les trois années de salaire dues à l'architecte Euphorbos

pour ses travaux aux Thermopyles (22, 52-55). Celui-ci est doncentré en fonction dès la pylée de printemps 343, au mois d'Ilaios,sous Cléon, c'est-à-dire au cours du semestre qui a suivi lepremier versement des Phocidiens, 30 talents, sous Cléon-automne.Il n'est pas douteux que l'Amphictionie comptait financer sonambitieux programme de constructions et d'embellissements dansle vieux sanctuaire des Pyles avec une partie des ιερά χρήματα, des« fonds sacrés » reçus des Phocidiens. Euphorbos fait appel àdes entrepreneurs régionaux, un Éniane, deux Locriens d'Oponteet de Scarphée, un Phocidien ; il construit ou répare le synédrion,les sanctuaires de Demeter et Coré, d'Héraclès, les installationshydrauliques, les «Marmites», etc., le tout aux frais des Phocidiens. Tels sont les renseignements que nous fournit le compte 22.Quant au compte 21, très fragmentaire, on sait maintenant qu'ildate du printemps 339 et fait suite au compte 222. La dispositionstoichédon du texte ne laisse en effet pas la place de restituer,ligne 7, comme le faisait Bourguet, dans la liste amphictionique,le nom du hiéromnémon athénien. Celui-ci n'assistait donc pas àla session. Or nous savons qu'à la suite de l'affaire des boucliers,Diognétos s'était abstenu de paraître à la session de printemps de340. Il est probable qu'à l'instigation de Démosthène, Athènes

s'abstint de se faire représenter aussi à la session du printemps 339.La liste des dépenses est détruite : il apparaît encore cependant(1 . 14) qu'elle débutait normalement par la somme provisionnelleversée aux naopes.

Après les comptes 22 (Peithagoras-printemps, Aristonymos-

(1) Plutôt que le Sitalcas : G. Roux, REG 75 (1962), p. 377 ; sur le Sitalcas (quidaterait de la seconde guerre sacrée) H. Parke, Hermathena 28 (1939), p. 65-71. Lireέπι[θήμεν] (Bousquet) au lieu de έπι[στάσαντι] (Bourguet).

(2) P. Marchetti, BCH Suppl. IV , p. 83 sq . et 84 n. 68 .

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LES TRESORIERS SUCCEDENT AU CONSEIL 191

automne, 341) et 21 (z-printemps, 339), le compte 47 qui les suit(Palaios, 339-338) contient la dernière comptabilité tenue par leConseil avant la transmission des pouvoirs aux trésoriers. Comme

il s'agit de dépenses payées au mois d'Héraios (47 I, 64 ; II, 3, 5),dans l'intervalle des sessions, elles sont acquittées sous la responsabilitéon pas du Conseil entier, mais de sa délégation de permanence composée de l'archonte, des prytanes de Delphes et des deuxhiéromnémons Cottyphos et Colosimmos (47 I, 59-63). L'ordredes dépenses est toujours le même : somme en talents versée auxnaopes, dépenses détaillées payées directement par l'Amphictionie.Mais en raison des circonstances exceptionnelles — c'est le derniercompte du Conseil et les dépenses ont été payées en l'absence duConseil, dans l'intervalle des sessions — la rédaction se fait plus

minutieuse. La délégation ne se contente pas d'écrire, comme lefaisait le Conseil dans les comptes précédents, τοις ναοποι,οΐς έδώ-καμες, « nous avons donné aux naopes », collectivement, anonymementpour la première fois elle marque les noms de tous lesnaopes présents lors de l'opération, qu'elle date de façon précisepar le jour du mois : le 5 d'Héraios (47 I, 64-65). De plus, la liste desdépenses est précédée du relevé des recettes (47 I, 23-30) et suivied'une balance du compte (47 II, 9-13). La délégation garde encaisse 139 talents, 43 mines, 1 statère, 1 drachme, 3 oboles, qu'elleva transmettre aux trésoriers. Dans cette somme considérableentrent pour une bonne part les 'ιερά χρήματα des Phocidiens, qui

ont versé à la caisse amphictionique, depuis le début, 210 talents.Les trésoriers trouvent donc à leur entrée en fonction une trésorerieabondante ; ils se croient assurés de recevoir chaque année aumoins les 30 talents de l'amende phocidienne. Mais les 30 talentsqu'ils perçurent à la pylée de printemps de 338 furent les premierset les derniers. Car les Phocidiens, dispensés de tout paiementdurant deux années, ne payèrent plus, après la mort de Philippe,que 10 talents annuels1.

La délégation amphictionique transmet ses pouvoirs aux trésoriers en présence du Conseil (47 II, 21 sq.) à la pylée de printemps

338, année pythique, quelque temps avant la bataille de Chéronée.L'archonte, les prytanes delphiens et les deux hiéromnémonsthessaliens remettent leurs comptes (et la caisse amphictionique)au nouveau collège : τον λόγον παρέλαβον οι ταμίαι. παρά των ίερομνη-μόνων τώμ μετά Κοττύφου και Κολοσίμμου (47 II, 17-23). Dorénavantles trésoriers, assistés des prytanes, vont assumer jusque dans leme siècle au moins la gestion des finances de l'Amphictionie. J'ai

(1) Ci-dessus p. 171, tableau III.

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192 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

décrit plus haut la composition de leurs comptes1. Il suffirad'ajouter ici quelques renseignements complémentaires, en laissantde côté les comptes à άπουσίαι relatifs à la frappe de la monnaie

nouvelle.Les trésoriers innovent sur un point : désormais, la comptabilité

de chaque semestre est toujours précédée d'un chapitre recetteset suivie d'une balance du compte en fin d'exercice. Elle y gagneen clarté. De plus, pour faciliter les contrôles, les trésoriers fontgraver sur une stèle récapitulative les totaux de leurs recettessuccessives : cette stèle est mentionnée dans le compte 74 (1 . 54-55),sous Bathyllos-printemps, en 328, soit dix ans après l'entrée enfonction des trésoriers. Si Bourguet a raison d'assigner la duréed'une pythiade au mandat des trésoriers, ce serait donc le troisièmecollège nommé depuis l'origine qui aurait fait façonner la stèleέν ήι τα κεφάλαια π[ροσόδων παρά] τών ταμιών άναγ[έγραπται].

Les fonds amphictioniques sont confiés à la garde de la cité deDelphes : ταύτα μέγ κατελείπετο παρά τήμ πόλιν τών Δελφών (48 Π,29-30). D'où la formule λοιπόν παρά τήμ πόλιν τών Δελφών désignant, dans les comptes des trésoriers (47 II, 11), le reliquatsemestriel de la caisse amphictionique. Il ne faut pas la confondreavec la formule analogue παρ ταν πόλιν τών Δελφών λοιπόν τοιςναοποιοϊς (20, 18) qui, dans la comptabilité delphique, désigne lasomme restant à la disposition des naopes sur leur comptecréditeur.

Les trésoriers prolongent leur séjour à Delphes au-delà des« pylées », stricto sensu, d'automne et de printemps. Comme c'étaitle cas pour la délégation permanente du Conseil, il advient qu'ilsencaissent des recettes et soldent des dépenses dans l'intervalledes sessions. En ces occasions, les opérations financières, datéespar le nom du mois, se déroulent en présence de l'archonte, desprytanes de Delphes et des deux hiéromnémons thessaliens représentant l'ensemble du Conseil : par exemple, un paiement pourle aynédrion de Delphes (47 II, 75-78), l'encaissement du 11e versement phocidien au mois d'Endyspoïtropios (48 II, 31-38), lepaiement de la somme provisionnelle due aux naopes, au moisd'Héracleios (50 II, 9-14), divers paiements au mois d'Héraios(53, 15 sq.). Quand les opérations ont lieu au moment de lasession, ordinaire ou extraordinaire, elles sont datées naturellementar la liste des hiéromnémons au complet : ainsi les recettesencaissées sous Dion-printemps, lors de la séance extraordinaireen Endyspoïtropios (50 I, 12 sq.).

En leur état actuel, les stèles ne permettent plus de savoir si

(1) Ci-dessus p. 125-129.

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LES COMPTES DES NAOPES 193

les trésoriers inscrivaient la liste nominale des naopes présentschaque fois qu'ils leur remettaient de l'argent ou s'ils ne le faisaientque pour les paiements effectués hors session. La première hypo

thèse me paraît la plus plausible. Depuis que le premier collègedes naopes avait été institué, bien des changements avaient dû seproduire dans sa composition, et peut-être avait-on quelque peineà savoir exactement, après 338, qui était naope et qui ne l'étaitplus, malgré les listes, chronologique et géographique, qui secontentent d'aligner les noms sans mentionner jamais si un naopeest retiré ou décédé. Peut-être est-ce pour porter remède à cettesituation que les trésoriers prirent le parti, à vrai dire peu commode,de copier à chaque paiement la liste complète de tous les naopesresponsables de l'encaissement. Les quelques listes « complètes »

qui nous sont parvenues fournissent, nous l'avons vu, l'essentielde notre documentation sur l'importance numérique du collège desnaopes au ive siècle.

6) Les dépenses payées par l'Amphidionie : les comptes des naopes.

Présentation des comptes. Lors de leurs réunions plénières, lesnaopes évaluent approximativement le montant des dépensesprévisibles pour la pylée ; puis ils prennent la décision soit de lespayer toutes sur la caisse amphictionique, soit de les répartir entre

Delphes et l'Amphictionie. Ils adressent alors au Conseil desAmphictions — ou à ses trésoriers après 338 — la demande d'unesomme provisionnelle, évaluée en talents, et à Delphes un relevédes factures mises à sa charge, avec l'ordre écrit de les payer.Une seule fois ils prélèvent sur leur compte delphique « troisdemi-mines » dont l'emploi n'est pas précisé (19, 80-82 ; 23 I,9-16). Comme cette somme, soit 105 drachmes, représente exactementa moitié des 210 drachmes payées par les naopes à l'architecteXénodôros (23 I, 49-51), il est probable que les Delphiens ontcontribué comme d'habitude au paiement du salaire de l'architecte.

L'argent reçu de l'Amphictionie et de Delphes, « pour les travaux du temple » (47 I, 64 ; 48 I, 6-7) exclusivement, est enregistrépar les naopes comme είσιτάματα, « rentrées », dans une comptabilité-recettes distincte de la comptabilité-dépenses. Les deuxcomptabilités furent gravées sur les mêmes stèles (23, 24), maisparallèlement, sans jamais être mêlées, en deux chapitres distinctssuperposés, les recettes en haut, les dépenses en bas, selon leschéma ci-joint (fig. 1) .

C'est ce que montre la stèle 23. Haute de 1,50 m environ, largede 1,05 m, elle est divisée verticalement en trois colonnes. La

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194 l'aMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE d'aPOLLON

ISICYONIENS

PHLIASIENS

ÉPIDAURIENS

DAMOXÉNOS

ARCHÔN

DAMOXÉNOS

DÉPENSES

ARCHÔN

CLÉON

23 II

Fig. 1. — Comptes des naopes. Disposition des recettes et des dépensessur la stèle 92 + 23 . (D'après É. Bourguet, FD, III 5, p. 105 fig. 1.)

première colonne à gauche n'est pas un compte, mais une partiede la liste des naopes classés géographiquement (92). Les deuxcolonnes de droite contiennent les comptes des archontats deDamoxénos, Archôn et Cléon (23) ; elles sont divisées horizontalementans le sens de la hauteur, en deux parties inégales par unespacement laissé en blanc. Les parties hautes, plus courtes, sontconsacrées aux recettes ; elles se lisent à la suite, d'une colonne àl'autre et d'une stèle à l'autre : les είσι,τάματα sous Archôn, annoncésà la ligne 21 de 23, I, en bas du paragraphe supérieur, étaient inscrits

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196 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

en haut de la colonne 23 II, ligne 1 sq.1, et complétés par lesείσιτάματα de Cléon, Chairolas, Peithagoras, etc., inscrits dans lesparagraphes supérieurs des stèles suivantes, dont provient le

fragment 24 (fîg. 2). Très mutilé, ce fragment conserve les vestigesde deux colonnes d'είσt.τάματα arrêtées en bas par un blanc, commesur la stèle 23. Bourguet restitue dans la colonne de gauche,ligne 2 :

[... 27 lettres ...]2 [. . . 16 lettres ...]v άπο των ϊκατ-

[t ταλάντων έκομισ]άμε[θ]α δραχμας4 [...15 lettres . . . ]ισχιλίας. Κεφά-

[λωμα είσιτάματος] ταύτης της πυλ-6 [αίας αίγιναίου δρ]αχμαί τετρακι-

[... 15 lettres . ..](,. Είσιτάματα έ-8 [πι άρχοντ]ος όπωρινάς π

υλαίας. . . 21 lettres . . . ]

vacat

Si la restitution est exacte (et la disposition stoichédon du texte larend au moins plausible), on datera ce fragment de l'époque oùles Phocidiens versaient à l'Amphictionie leurs 30 talents annuels,source la plus probable de ces vingt talents tout ronds. Une tellesomme ne saurait en tout cas représenter, comme le supposait

Bourguet, le solde du compte créditeur des naopes, qui n'a jamaisété de 20 talents exactement. Le nom disparu de l'archonte,ligne 8, comporte une fois encore 8 lettres au génitif. Il n'est pasexclu que ce soit celui de 340-339.

Au cours des premiers archontats qui suivirent la guerre sacrée,« rentrées » et dépenses furent donc gravées en deux chapitres,distincts et superposés, sur les mêmes stèles. Mais comme lesdépenses étaient détaillées en de plus nombreux articles que lesrecettes, il arrive qu'elles occupent à elles seules la totalité d'unestèle (fig. 2). Ainsi les stèles 26 (34e et 35e pylées) et peut-être27 (de peu postérieure à 26 ) contiennent seulement les dépenses :aucune recette n'est inscrite en haut de la plaque. Cette façonde couper en deux la comptabilité, recettes d'un côté, dépensesde l'autre, ne la rendait pas aisée à utiliser. On peut s'étonnerque la méthode logique, pratique, des trésoriers, couplant à chaquesemestre recettes, dépenses, et balance du compte en fin d'exercice,n'ait pas été adoptée pour tous les comptes de l'Amphictionie.

(1) Comme l'a reconnu P. de La Coste-Messelière, cité par J. Bousquet, Ada ofihe Fifth Epigr. Congress 1967, p. 79 .

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COMPTES DE LA BOULA ET COMPTES DES NAOPES 197

Contenu des comptes. Telle était la présentation des comptes desnaopes sur les stèles. Examinons maintenant leur contenu.

Les comptes des naopes ne contiennent que les dépenses relatives

à la reconstruction du temple, mais ils les contiennent toutes,quelle que soit l'origine des fonds ou les moyens employés pour lesverser. Même quand Delphes paie directement la somme à l'entrepreneur, sur ordre des naopes, ceux-ci enregistrent dans leurcomptabilité le paiement que la Boula inscrit de son côté dans lasienne. Toutes les dépenses payées par Delphes sur le comptecréditeur des naopes étaient ainsi enregistrées deux fois : par laBoula, dans les comptes 19 et 20, et par les naopes dans leurspropres comptes. Ce fait est passé inaperçu de Bourguet parce quele parallélisme entre les deux comptabilités n'est pas toujours

rigoureux ni leur correspondance immédiatement apparente.Tantôt Delphes ne paie qu'une partie de la dépense que les naopesont soldée dans sa totalité, si bien que le chiffre inscrit par laBoula est inférieur au chiffre inscrit par les naopes : la différencedes chiffres dissimule alors la similitude des paiements. Tantôtles naopes, ayant présenté la facture aux Delphiens dans les derniers jours d'une pylée, ne remettent l'argent à ses destinataires,et ne le portent en compte, que dans les premiers jours de lapylée suivante : d'où un décalage d'un semestre entre les deuxcomptabilités, qui en dissimule le parallélisme.

Prenons un exemple. A la pylée de printemps, sous Archôn, lesDelphiens versent aux naopes 3 talents, 25 mines, 25 statères,employés de la façon suivante (19, 83 sq.) :

Prêt de 3 talents aux Tégéates pour la remise en état de la chausséeservant au transport des pierres (λιθαγωγία) ;

20 mines à Labôtas et Damophanès, naopes, pour les travaux à Corinthe ;5 mines et 5 statères (soit 360 drachmes) pour le salaire de l'architecte

Xénodôros ;20 statères (soit 40 drachmes) pour le salaire du secrétaire.

De plus, à la même pylée d'Archôn-printemps, mais au moisd'Apellaios, Cléon étant archonte :

10 mines pour le carrier béotien Athanogeitôn.A la pylée d'automne suivante, sous Gléon (19, 94 sq.), les

Delphiens versent à nouveau 2 talents et 30 mines, soit :1 talent, 5 mines, 20 statères à Nicodamos et Téléphanès pour le travail

de la péristasis ;1 talent à Chairolas pour le transport par mer d'un lot de blocs ;7 mines, 22 statères (534 drachmes) à Agathonymos pour le transport

de blocs ;5 mines, 5 statères (360 drachmes ; BCH 1960, p. 484) à Xénodôros

pour son salaire ;2 mines, 11 statères à Nicodamos d'Argos, carrier ;

2 mines, 27 statères au Béotien Capôn, carrier, etc.14

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198 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

Considérons les comptes des naopes pour la période correspondante23 II, 15 sq.). Sont portés en compte, sous Archôn-printemps :

le salaire semestriel de l'architecte Xénodôros (360 drs.) et celui dusecrétaire (40 drs.) intégralement payés sur la caisse delphique (19, 88-89) ;

diverses dépenses mineures (évacuation d'eau, frais de sacrifices) payéessur la caisse amphictionique.

En revanche, manquent dans le compte de ce même semestre :

les 3 talents versés aux Tégéates : il s'agit en effet d'un « prêt » (έχρησαν,19, 87) soumis à remboursement, non d'une dépense; les remboursementssuccessifs seront inscrits ultérieurement par les naopes dans le chapitredes είσιτάματα, ou simplement déduits des sommes dues aux transporteurs ;

les 20 mines (1400 drs.) confiées à Damophanès et Labôtas, et enregistrées

sous les noms des entrepreneurs destinataires ;les 10 mines (700 drs.) dues à Athanogeitôn, carrier.

Celles-ci ont en effet été prélevées par les naopes au mois d'Apel-laios, donc à la fin de la pylée d'Archôn-printemps, Cléon étantdéjà le nouvel archonte de Delphes (19, 90 sq.) ; elles seront remisesà leurs destinataires quelques semaines plus tard, au début de lapylée de Cléon-automne. Nous retrouvons effectivement dans lescomptes de cette pylée (23 II, 31 sq.) les noms des créanciersabsents du compte précédent. Perçoivent :

Athanogeitôn, carrier, 931 drachmes, dont les Delphiens ont payé 700(19, 93) ;

Xénodôros, architecte, son salaire semestriel de 360 drachmes, payépar les Delphiens (19, 99) ;

Agathonymos, transporteur de pierres [x] drachmes, dont les Delphiensont payé 534 (19, 99), etc.

Nous lirions dans les comptes des naopes, si nous les possédionsen entier, les noms de tous les entrepreneurs inscrits dans lepassage correspondant des comptes de la Boula, décalés parfoisd'un semestre comme l'étaient les paiements : les Delphiens lesenregistraient au moment où ils remettaient l'argent aux naopes,

les naopes au moment où ils le remettaient aux entrepreneurs.Ainsi les comptes de la Boula et les comptes des naopes nes'additionnent pas ; ils se recoupent. Les premiers sont un dupli-catum partiel des seconds. L'architecte Xénodôros, sous Archôn-printemps, est inscrit pour 360 drachmes dans les comptes de laBoula (19, 88-89) et pour une somme égale dans ceux des naopes(23 Π, 22-25). Les 360 drachmes que lui versent les naopes sontcelles-là mêmes qu'ils ont reçues des Delphiens : Xénodôros aperçu non pas 720 drachmes, mais 360, son salaire normal depylée à pylée.

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LA CONSTRUCTION DU TEMPLE ET LES COMPTES DES NAOPES 199

Ordre de succession des comptes. Les comptes de la Boula et lescomptes des naopes sont les seuls comptes de Delphes qui nousdonnent la liste détaillée des dépenses de la reconstruction, et lescomptes des naopes les seuls qui les récapitulent dans leur totalité.Si par chance ils nous étaient intégralement parvenus, commeceux du temple d'Asclépios à Épidaure, nous connaîtrions le prixdu temple de Delphes à une demi-obole près. Ils sont malheureusementrès lacunaires. Aucun ne porte une date antérieure à lapaix de 346 ; deux d'entre eux seulement sont datés par desarchontats : 23 (de Damoxénos à Cléon-automne) et peut-être 36(Dion-printemps [335] par recoupement avec 50 I, 5-13) 1. Les autresne peuvent être classés que dans un ordre chronologique relatifd'après la nature des dépenses qu'ils contiennent. Encore la seule

séquence assurée est-elle celle des comptes 23, 25 III Β (31e pylée),38+26 (34e et 35e pylées), 27, 25. Le reste doit être situé approximativement par rapport à ce groupe, d'après la succession logiquedes dépenses. Toute tentative de classification suppose doncconnue la réponse à la question : dans quel ordre le templed'Apollon fut-il reconstruit ? Les ruines ne nous apprennent riensur ce sujet ; seuls nous instruisent les comptes bien datés despremiers archontats qui suivirent la paix de 346. La solution quej'avais proposée dans un article de la Revue Archéologique n'ayantpas été acceptée sans réticences, je voudrais reprendre ici, en lacomplétant, ma démonstration2.

Les architectes construisaient ordinairement un temple périp-tère en allant de l'extérieur vers l'intérieur, péristyle d'abord, naosensuite. On dressait donc en premier lieu sur la crépis la colonnadeextérieure et son entablement (περίστασης) : le temple de Ségeste,inachevé, n'a jamais dépassé ce stade. On bâtissait ensuite les mursdu naos et, s'il y avait lieu, la colonnade intérieure. Puis, tous lessupports étant en place, on couvrait le péristyle de ses plafonds,le temple de sa toiture. Après quoi, le gros-œuvre terminé, onposait le dallage, on ravalait les murs, on cannelait les colonnes.On terminait par les travaux d'ébénisterie : mise en place de la

porte, des plafonds en bois du naos (ύπωροφία), des grilles de protection dans le pronaos (δια στύλων θυρώματα), des statues dans lestympans, des acrotères aux angles des frontons. Tel fut l'ordresuivi, entre autres, pour la construction du temple d'Asclépios àÉpidaure, vers 370. La grande stèle IG, IV2, 102 nous en a conservéla description complète, depuis l'extraction des premiers blocs

(1) J. Bousquet, BCH Suppl. IV , p. 91-94 ; cf. ci-dessous p. 221.(2) G. Roux, « Les comptes du ive siècle et la reconstruction du temple d'Apollon

à Delphes », RA 1966, p. 245-296.

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200 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

dans les carrières de Corinthe jusqu'à la pose des six acrotères ausommet du toit1.

Le temple d'Apollon à Delphes fut reconstruit dans l'ordre

inverse, naos d'abord, péristyle ensuite, pour des motifs quitenaient à sa fonction de temple oraculaire enfermant un adyton.Cela ressort clairement des comptes des naopes, rapprochés descomptes de la Boula, pour les années qui ont immédiatement suivila troisième guerre sacrée2.

Dès le semestre de printemps 345, sous Damoxénos, sontentreposées sur le chantier 40 dalles de plafond (σελίδες) « pour lapéristasis ». Les naopes versent en effet aux entrepreneurs tégéatesPraxiôn et Aristandros une partie, ou le solde, de leur dixièmede garantie sur le transport (23 I, 38-44), qui a donc été effectué ;

ils font en outre extraire six dalles complémentaires dans lescarrières de Corinthe (23 I, 44-48). Pourquoi ? Parce que ces dallesεις τήν περίσταση sont nécessaires au montage de la péristasis(τάς περιστάσιος εργασίας, 19, 97) 3 qu'entreprennent sous Cléon-automne, en 344, Nicodamos d'Argos et Téléphanès de Sicyone,pour la somme considérable de 1 talent, 5 mines et 20 statères,soit 4 590 drachmes. Comme le plafond du péristyle repose d'uncôté sur l'entablement de la colonnade et de l'autre sur le mur dunaos, Nicodamos et Téléphanès n'auraient pu accomplir leurtravail si, dès l'automne de 344, le mur n'avait été construitjusqu'à la hauteur voulue pour soutenir le plafond. S'il ne l'avait

pas été, les naopes n'auraient pas, dès cette époque, fait livrersur le chantier quarante-six dalles (au moins) encombrantes quieussent inutilement gêné les travaux et encouru le risque d'êtreendommagées.

La suite des dépenses confirme cette conclusion. Sous Cléon-printemps (343)4 les naopes paient à Nicodamos d'Argos le modèledu chéneau de marbre (19, 106-107), à Molossos d'Athènes, sousAristonymos-automne, en 341 (20, 10-11), un deuxième versementpour la livraison desdits chéneaux. Les bois de charpente arriventà la 31e (25 III B, 6 sq.) et à la 34^ pylées (38, 3-9) 5 ; la fourniture

de 2 600 paires de tuiles « corinthiennes », soit la totalité de latoiture, est prise en adjudication par le Cnidien Theugénès à la35e pylée (26 I A, 33-44). Notons qu'à cette même pylée, profitant

(1) G. Roux, L'architecture de l'Argolide aux IVe et IIIe siècles, p. 84 sq. ; traductionde la stèle 102, p. 424-432.

(2) G. Roux, RA 1966, p. 25 9 sq.(3) Sur le sens technique α'έργασία, cf . RA 1966, p. 261.(4) Cf. ci-dessus p. 179.(5) J. Bousquet, BCH Suppl. IV , p. 96-99. Sur la place et la signification du

compte 36 , cf . ci-après p. 22 0 sq.

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PROBLEME DE PARPAINGS 201

de ce que le naos encore hypèthre est vivement éclairé, Theugénèspeint à l'encaustique « l'épistyle de la prostasis devant l'ompha-los » (26 I A, 30-33), prostasis adossée au mur de l'opisthodome :celui-ci existait donc à ce moment-là. De ces constatations concordantes il ressort que lorsque Nicodamos et Téléphanès commencèrente montage de la péristasis en 344, sous Cléon-automne, lesmurs du naos étaient déjà construits jusqu'à la hauteur desplafonds qu'ils devaient soutenir.

Il m'a été cependant objecté que, dans les comptes 26 et 27,postérieurs à Cléon, les naopes mettent en adjudication la fourniture de parpaings de pôros ; de plus, « J. Pouilloux a publié dansle BCH 1951, 301-304, un fragment (inv. 7033) qui atteste lalivraison d'au moins cent pierres pour les murs du temple. Il faut

le grouper avec 26 et 27 après la guerre sacrée. Oublié par G. Rouxdans son étude, ce morceau inciterait à douter de l'opinionpourtant séduisante selon laquelle la cella aurait été construiteavant la péristasis, avant la guerre sacrée »x .

Comme l'a souvent répété L. Robert, le commentaire d'uneinscription grecque exige du commentateur qu'il garde la notionde la réalité des faits. Cela est particulièrement vrai des inscriptions oncernant l'architecture, surtout quand, par chance, nouspossédons à la fois l'inscription et les ruines du monument qu'elleconcerne. Si l'on veut bien « réaliser » l'état de la construction àl'époque des 31e et 35e pylées, on verra que, bien loin de contrediremon opinion, les blocs de pôros sont mentionnés dans les comptesau moment où on les attend, aussitôt après le montage de lapéristasis et la pose des blocs du plafond.

En effet, les murs du temple se prolongeaient verticalement au-dessus de l'assise porte-plafond (ύποδόκιον) jusqu'au niveau de lacharpente, sur une hauteur déterminée par la pente du toit, 14° environ. Il est aisé de calculer qu'elle atteignait à Delphes 1,95 menviron, soit approximativement la hauteur de quatre assises deparpaings2. Ces quatre assises couronnaient le mur sur tout le

(1) J. Bousquet, Ada of th e Fifth Epigr. Congress 1967, p. 78 .(2) Sur le péristyle des temples doriques, au iv e siècle, l'assise porte-plafond

placée sur l'épistyle a une hauteur toujours inférieure à la demi-hauteur de la friseà laquelle elle est adossée : la proportion est de 1 /3 pour la tholos de Delphes et le templed'Asclépios à Épidaure ; de 2,16 à Némée : 2,7 à Tégée ; 2,4 à la tholos d'Épidaure.La frise du temple de Delphes est haute de 1,405 m. Calculée d'après la proportionia plus forte (Némée 2,16), la hauteur de Γύποδόκιον serait de 0,65 m à Delphes, et ladifférence de hauteur entre le lit d'attente de l'assise et le lit d'attente de la frise de0,755 m. A cette hauteur il faut ajouter l'épaisseur du larmier sous les encastrementspour les chevrons : 0,40 m à Némée, temple plus petit que le temple de Delphes. Prenonscette hauteur minimale : 0,755 + 0,40 m = 1,155 m. La pente du toit étant de 14° ±,la dénivellation entre les encastrements pour chevrons sur le larmier et sur le mur était

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202 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

périmètre du naos, soit 110 mètres environ. Chaque parpaingcourant est long de 1,02 m ; il y avait donc une centaine de parpaings par assise, soit environ 400 parpaings en tout, mis en place

après la pose des dalles de plafond et avant celle de la charpente.Ainsi la centaine de parpaings inscrite dans les comptes 26, 27 etinv. 7033, n'est même pas suffisante pour achever les partieshautes du mur. N'oublions pas les parpaings des tympans : à ladifférence des temples athéniens, dont les frontons sont fermés pardes orthostates, les temples péloponnésiens (le temple de Delphesest l'un d'eux) et les temples de Sicile ont leurs tympans construitsen parpaings appareillés. Le compte 27, dans un passage malheureusement très endommagé et de restitution incertaine, mentionne des blocs dits άγεμόνες (27 III, 15-18) extraits de la carrière

au prix de 20 drachmes l'un1, plus chers que les parpaings courantsà 9 drachmes 2 oboles et à 13 drachmes. Plutôt que des blocs d'angle(Bourguet) qui seraient appelés γωνιηϋοι, ces « blocs de tête », ces« blocs directeurs » pourraient être soit les blocs à encastrementspour les poutres, placés sur la crête du mur, qui «commandent» ladisposition de la charpente, soit les blocs taillés selon la pente dutoit sur les frontons intérieurs du prodomos et de l'opisthodome,dont on vient de mettre en place les triglyphes et les métopessculptées (27 II B, 6 sq. ; III, 5-15).

Les parpaings dont il est question dans les comptes 26 et 27(13 et 20 drachmes) et les parpaings du compte inv. 7033 (9 drach

mes oboles) diffèrent par leur prix d'extraction, et aussi par lemode d'adjudication, les seconds, les moins chers, étant adjugéspar lots réguliers de 20 parpaings, les autres par lots irréguliers.C'est pourquoi je doute fort qu'ils appartiennent les uns et lesautres, comme on l'a dit2, à la même partie du temple. F. Courby3identifie quatre catégories de parpaings en pôros, différents parla hauteur : 0,35 m (en arrière du chapiteau d'ante ?), 0,44 m(parpaings courants du mur), 0,477 m et 0,575 m (parties hautesdu mur, peut-être en arrière de l'entablement du prodomos et del'opisthodome). On voit que les parpaings courants (0,44 m) sont

moins hauts que ceux des parties hautes et devaient par conséquentêtre moins chers. Je persiste donc à penser que le compte inv. 7033est un fragment de l'adjudication initiale des parpaings courants,

d'environ 0,80 m. D'où une dénivellation totale, entre le lit d'attente de Γύποδόκιονet le niveau de la charpente sur mur, d'environ 1,955 m : soit au moins quatre assisesde parpaings (hauteur 0,35 m, 0,44 m, 0,477 m, 0,575 m ; cf. ci-dessous n. 3) .

(1) Bourguet parle de 18 parpaings à 18 drachmes. C'est un lapsus : 18 parpaingsà 36 0 drachmes coûtent 20 drachmes l'un.

(2) J. Bousquet, Ada of th e Fifth Epigr. Congress 1967, p. 78 .(3) La terrasse du temple, p. 35 .

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l'okacle durant les travaux 203

et les comptes 26 et 27 l'adjudication complémentaire des parpaings des parties hautes. De toute façon, même rapproché de26 et 27, le fragment inv. 7033 n'infirmerait nullement maconclusion sur l'ordre dans lequel le temple a été reconstruit.

Une heureuse découverte de J. Bousquet m'en apporte confirmation. Il a montré que le compte 38 précédait immédiatementle compte 26 (fig. 2), puisque ses dernières lignes (début du salaired'Agathon) se continuaient par les premières lignes de 26 (fin dusalaire d'Agathon)1. Or que paient les naopes dans ce compte 38,à la 34e pylée ? Les bois de la charpente, comme à la 31e pylée.Aurait-on commandé la charpente avant d'avoir construit lesmurs ? Il me paraît assuré que le temple de Delphes fut reconstruitdans l'ordre inverse de l'ordre habituel : naos d'abord, péristyle

ensuite.La raison de cette méthode exceptionnelle est évidente : il étaitimpossible de priver durant de longues années les Grecs des secoursde l'oracle, Delphes et le dieu des revenus qu'ils en retiraient. Il estsûr que les architectes se hâtèrent de préserver, ou de remettreen état s'il avait souffert, le saint des saints, le vénérable adytoncontenant les instruments de l'oracle, le trépied, le laurier sacré,l'omphalos, le tombeau de Dionysos, l'isoloir des consultants(οίκος των μαντευομένων)2. La Pythie put ainsi exercer son sacerdoce tandis que s'achevaient les parties extérieures de l'édifice.Dans les Helléniques (VII, 1, 37) Xénophon déplore que lors ducongrès de Delphes, en 368, les Grecs n'aient « en aucune façonconsulté le dieu sur les moyens d'avoir la paix », preuve que dèscette époque l'oracle fonctionnait à nouveau. Le long du mur desoutènement au Nord du temple, Vischégaon, les naopes firentaménager un abri provisoire, un « auvent pour les consultants »,στέγαν τοις μαντευομένοις (25 I A, 12-15), qui ne pouvaient s'abriterdu soleil ou des intempéries sous les παστάδες du temple alors enconstruction et dépourvues de dallage. Comme il fallait clore letemple durant les consultations, sitôt reconstruits les murs dunaos, le θύρωμα, la baie de la grande porte que devaient fermer plus

tard des vanteaux de bois marquetés d'ivoire, fut provisoirementmuré par une cloison de briques crues dans laquelle on avaitaménagé une petite porte à deux battants (25 I A, 15-24) 3. Le jourde la consultation mensuelle, la Pythie, les Hosioi, l'un des deuxprophètes, puis les consultants successifs à l'appel de leur nom4

(1) ECU Suppl. IV , p. 96-99.(2) G. Roux, Delphes, p. 91-117 («Le lieu de la consultation») et p. 119-145 (« Les

instruments de la consultation »).(3) J'ai donné l'explication détaillée de ce passage dans RA 1966, p. 264-266, 274.;4 ) G. Roux, Delphes, p. 53-69 (« Le personnel de l'oracle ») ; RA 1966, /./.

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204 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

franchissaient la modeste porte de bois encastrée dans la cloisongrossière, traversaient le naos vide en direction de l'adyton, tandisque le second prophète, posté à l'extérieur tel le jeune Ion dans la

tragédie d'Euripide, veillait à ce que la porte demeurât ferméependant que la Pythie prophétisait dans le temple ; les travauxétaient évidemment interrompus ce jour-là.

Réorganisation du chantier. L'ordre de la reconstruction étantconnu, nous pouvons, pourvus de ce fil conducteur, proposer unechronologie relative de la comptabilité des naopes et suivre àtravers elle l'activité du chantier qu'elle nous décrit de façonvivante et pittoresque.

Quand le collège des naopes, longtemps dispersé par la guerre,

se réunit à nouveau pour la première fois après la paix, à la sessiond'automne de 346, sous Damoxénos (19, 71 sq. ; 23 I, 1 sq.), il doitassumer une double tâche : réparer les dommages du passé, organiser les travaux de l'avenir. La pylée d'automne est une réunionde réflexion, une reprise de contact avec le chantier déserté depuisplus de cinq ans. Après une aussi longue interruption, les travauxne sauraient recommencer sans délai. Les naopes se contententd'établir un plan d'action. Avant de se séparer, ils célèbrent lesacrifice habituel (sacrifice des naopes, répétons-le, non deshiéromnémons) : ils achètent des corbeilles, du laurier pour lescouronnes, paient les salaires des sacrificateurs et du gardien desvictimes. Ils se procurent aussi quelques roseaux à écrire pourrédiger le procès-verbal de la réunion : la dépense totale est de4 drachmes et 3,5 oboles seulement (23 I, 22-35).

Le plan adopté à la session d'automne entre en application,méthodiquement, dès la session suivante. Les naopes s'occupentd'abord de reconstituer le mobilier du naopoion, endommagé oudétruit durant les années d'abandon. Ils font faire trois nouveauxbancs, un coffre pour les archives ; un vieux coffre est réparé(23 I, 52-55 ; 61-64). La liste du collège mise à jour est gravée surune stèle (23 I, 64-66 ; II, 39-40). Les naopes paient quelques

arriérés sur les dixièmes de garantie relatifs à des travaux effectuéspendant la guerre par les entrepreneurs tégéates et Nicodamosd'Argos (23 I, 38-48). Puis les auxiliaires perçoivent leurs salaires :l'architecte Xénodôros, le secrétaire, le héraut, les sacrificateurs,ministres du sacrifice qui accompagne chaque réunion. En ce quiconcerne le collège, la remise en ordre est achevée.

De nouveau dans leurs meubles, les naopes consacrent leurssoins au chantier. Cinq années d'absence ont entraîné des dégradations nombreuses. Les comptes en dressent le bilan.

Les dégâts les plus graves affectent la chaussée par où s'effec-

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LE CHANTIER REMIS EN ORDRE 205

tuent, entre le port et le sanctuaire, les transports de pierres(λιθαγωγία), de bois de charpente, de matériaux divers. Au momentoù les naopes s'intéressent à elle, sous Archôn-printemps (344),

elle se trouve depuis sept ans livrée sans entretien au ravinementdes pluies ruisselant sur la forte pente, à l'envahissement desherbes folles et des ronces. Véritable cordon ombilical du chantier,il est urgent de la remettre en état. Les naopes « prêtent » troistalents — prélevés sur la contribution des Delphiens — auxentrepreneurs tégéates ποτί ταν κατασκευαν τας λιθαγωγίας τας ειςΔελφούς (19, 86-88), «pour la réfection du charroi des blocs versDelphes ». Pourquoi un « prêt » et non un paiement pour ceténorme travail ? L'explication la plus probable est qu'en tempsnormal l'entretien de la chaussée, soumise à une détérioration

rapide par le transport des matériaux lourds, incombait auxtransporteurs eux-mêmes ; d'où le prix très élevé qu'ils reçoiventpour leurs services : outre les animaux de trait, le matériel dehâlage, ils devaient aussi fournir des cantonniers. Mais, en 344,les dommages causés par des années d'abandon sont tels qu'ilsdépassent les frais normaux d'entretien mis à la charge des transporteurs. Les réparations exigent une grosse mise de fonds. Lesnaopes avancent la somme aux entrepreneurs tégéates ; ceux-ciprocéderont rapidement, sur toute la longueur du trajet séparantDelphes de Cirrha, aux réparations indispensables ; puis ils recouvreront sur les usagers de la voie refaite, en les prélevant sur le

prix de chaque transport, les sommes nécessaires au remboursementu prêt. Les naopes les inscriront parmi leurs είσιτάματα àmesure qu'elles leur seront remises, ou les déduiront des sommesdues aux transporteurs1.

La question de l'accès au chantier étant réglée — d'elle dépendaittout le reste — les naopes s'occupent du chantier lui-même. Iln'est pas en meilleur état que ses abords. Les pluies printanièresy stagnent en flaques, favorisant la croissance d'une exubérantevégétation sous laquelle disparaissent les centaines de blocsamenés à pied-d'œuvre par les « naopes du temps de guerre ». Le

bourbier est asséché (23 II, 15-17 ; 46-48), les blocs dégagés etnettoyés (ibid. 48-51). Les dégâts apparaissent alors : six epistyles,quatorze triglyphes, sept larmiers sont inutilisables. Les pièces derechange sont aussitôt commandées (23 II, 57-65). Pour en terminer vec le grand nettoyage, il faut encore enlever — avec lesherbes sauvages et la boue ! — les socles (βάθρα) et les statueséquestres (εικόνας, que précisent les mots 'ίππους et ανδριάντας, 23 II,41-46) des généraux phocidiens Onomarchos et Philomélos, res-

(I) ΒA 1966, p. 270-272, flg. 1.

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206 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

ponsables des malheurs du chantier1. Ce travail, sans rapportimmédiat avec la reconstruction du temple, aurait dû, semble-t-il,incomber au Conseil amphictionique plutôt qu'aux naopes. Je

présume que les deux chefs phocidiens avaient dressé leurs effigiesεν τώι έπιφανεστάτωι τόπωΐ,, sur la place même du temple : elles setrouvaient ainsi comprises dans l'aire que les naopes avaiententrepris de débarrasser de tous les obstacles avant la reprise desgrands travaux.

Montage du péristyle. Plus rien désormais ne s'y oppose. Lachaussée est refaite entre Cirrha et Delphes. Les blocs peuventarriver de nouveau jusqu'au sanctuaire ; les naopes ont de quoi lespayer : leur compte delphique est encore crédité d'une sommeconfortable, et à la pylée de Cléon-automne les Phocidiens appor

tent Delphes leur premier versement de 30 talents. Tout doitaller vite, d'autant plus que la reconstruction est, à cette époque,déjà bien avancée. Sur la crépis monumentale en beau calcaire deSaint-Élie, tout autour des murs du sécos construits jusqu'à lahauteur des plafonds du péristyle, se dressent, simplement épanne-lées mais coiffées de leurs chapiteaux, les 38 colonnes doriquesattendant leur entablement. Dalles de plafond et blocs du péristylese trouvent déjà entreposés autour du temple : Nicodamos etTéléphanès s'apprêtent à les assembler. Que les colonnes doriquesdu péristyle aient été debout au moment de la paix, en 346, est

prouvé par la constatation suivante : lorsque les naopes fontl'inventaire du chantier en 344-343, les blocs endommagés qu'ilsdoivent remplacer appartiennent exclusivement à l'entablement,epistyles, frise, larmiers. S'il y avait eu à cette époque, épars surle sol parmi les autres blocs tout ou partie des 494 tambours decolonnes et de leurs 38 chapiteaux, serait-il vraisemblable queces blocs seuls aient été, dans leur totalité, miraculeusementpréservés de toute tare ou de tout accident ? On conviendra quenon. Je tiens donc pour assuré que sous l'archontat de Cléon, lorsde la reprise des travaux, les colonnes doriques non encore cannelées, ainées dans leur bourrelet de protection, cernaient déjà lesmurs du naos près d'être achevés. Le « travail du péristyle » confiéà Téléphanès et Nicodamos en 344-343 consista donc à mettre enplace les epistyles, les blocs de frise, les corniches et les dalles deplafond rassemblés autour du temple et contrôlés par les naopesl'année précédente.

Se produisit-il à ce moment-là quelque accident, ou quelqueincident, qui souleva des craintes pour la solidité du temple ?

(1) BA 1966, p. 272-273.

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UN NOUVEL ARCHITECTE, UN NOUVEAU DEVIS 207

Cette péripétie provoqua-t-elle le remplacement de l'architecteXénodôros, encore maître-d'œuvre sous Archôn-printemps, parson successeur Agathon, que nous trouvons à la tête du chantier

dès la 34e pylée ? Simple coïncidence ou relation de cause à effet,au changement d'architecte correspond un changement au devisvisant à renforcer aux angles la cohésion de l'édifice. A la 35e pylée,alors que Nicodamos et Téléphanès ont entrepris le montage de lapéristasis, les naopes versent à Pancratès un supplément de prixpour avoir extrait de la carrière quatre larmiers d'angle plusvolumineux que ne le prévoyait le devis initial (26 I A, 20-30) ; lesquatre blocs sont transportés par mer de Léchaion à Cirrha parDaos (27 I, 5-15) et de Girrha à Delphes par Pancratès (? : 27 I, 24-31). Les lacunes de la stèle nous privent de savoir s'ils furent

assemblés aux angles du péristyle par Nicodamos et Téléphanès.A la même époque sont transportés à travers le golfe (27 I, 15-24) et livrés, pour le sécos, à Delphes, quatre triglyphes angulairesplus volumineux qu'il n'était prévu au devis. Deux d'entre euxsont mis en place sur l'opisthodome par x, remplaçant Nicodamos(27 III, 5-15), et les deux autres sur le pronaos par Theuphantèset Siôn, remplaçant Pasiôn (25 II B, 5-14). Les entrepreneurs ontreçu leur supplément de prix non pas d'avance, quand ils ontaccepté la modification au devis, mais une fois le travail accompli,comme le montre le temps des verbes (άγαγε, εθηκε, εθηκαν). Si bienqu'exceptionnellement les paiements sont enregistrés avec uncertain décalage, parmi ceux de travaux plus récents.

Au moment où les naopes, sous Cléon-automne, font remplacerles pièces d'entablement endommagées pendant la guerre (23 II,56-65), il n'est pas encore question de modifier les cotes des piècesangulaires telles qu'elles sont prévues par le devis. C'est doncpostérieurement, au cours du montage de l'entablement, qu'unincident ou tout simplement la plus grande prudence d'un nouvelarchitecte conduisit à commander des pièces renforcées1. J'aimontré que ce renforcement consistait à tailler dans un même blocles triglyphes angulaires et l'amorce du mur d'une part, les larmiers

angulaires et l'amorce des tympans d'autre part. En rendant ainsile triglyphe solidaire du mur, le larmier du fronton, l'architecteaccroissait de façon appréciable la cohésion des matériaux aux

(1) J'ai expliqué les motifs techniques de cette modification dans RA 1966, p. 287-296. « P. de La Coste a pu reconstituer les « aventures » des epignapheia et des triglyphesd'angle, avec une suite logique des paiements et G. Roux a utilisé ces résultats dansson article récent », écrit J. Bousquet [Ada of th e Fifth Epigr. Congress 1967, p. 78).J'ignore encore à ce jour comment P. de La Coste-Messelière reconstituait les « aventures » (? ) des pièces angulaires du temple et ce que J. Bousquet entend par là. Qu'ilme suffise de renvoyer à ma note, p. 155 n. 1

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208 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

angles de l'édifice. Dans ces conditions, pourquoi n'avait-on pasadopté cette solution dès le début ? C'est que son avantage étaitcompensé par un inconvénient : les blocs, plus volumineux, étaient

plus malaisés à transporter, considération qui avait son importance quand ils étaient destinés à un temple de grande taille,édifié dans un site montagneux difficile d'accès. C'est pourquoisans doute le premier architecte, Spintharos1, avait choisi lasolution la plus économique en prévoyant aux angles du naos destriglyphes indépendants du mur, aux angles du péristyle des blocsde larmier indépendants des frontons. L'un de ses successeurs,très probablement Agathon, conscient de la fragilité du templeaccroché sur la pente raide au flanc du Parnasse, exposé auxsecousses sismiques, aux glissements provoqués par les eaux, fit

passer la sécurité avant l'économie en plaçant aux angles des blocsplus pesants, plus coûteux à transporter, mais qui assuraient auxpoints faibles une plus grande solidité par une meilleure interpénétration des matériaux.

Toiture: la charpente. Le péristyle et les murs du naos, renforcésaux angles, la colonnade intérieure (non mentionnée dans lesinscriptions qui nous restent), sont maintenant construits. Letemple est prêt à recevoir sa charpente. Les comptes relatifs à cettephase des travaux sont fragmentaires, discontinus ; le texte enest souvent restitué de façon hypothétique, la date toujours

incertaine. Il est donc naturel que l'interprétation en soit délicateet divise les commentateurs.Avant d'essayer d'en pénétrer le sens, il est indispensable de

rappeler ce que l'archéologie nous apprend des parties hautes dutemple. Elles sont très mal conservées : des larmiers n'ont subsistéque d'infimes fragments, mais par chance nous connaissons lalongueur des blocs de chéneau (1,54 m), d'où se déduisent le nombreet la place des rangées de tuiles sur le toit, donc celle des chevronsqui les supportaient. De plus le temple d'Apollon, comme tous lestemples périptères ou amphiprostyles, devait être divisé au niveaude la charpente en trois sections inégales par quatre frontons de

pierre : les deux frontons des façades Est et Ouest, et les deuxfrontons intermédiaires qui surmontaient le mur de la porte et le

(1) Spintharos était, selon Pausanias (X , 5, 13), l'architecte du temple. Les inscriptions ne connaissent que Xénodôros, son successeur Agathon, puis le fils d'Agathon,Agasicratès, et le fils d'Agasicratès, Agathoclès {FD, III 3, 184). La plus ancienne mention de l'architecte (Xénodôros) dans les comptes date de Nicon-printemps seulement(19, 40), soit vingt ans après la destruction du temple en 373. Si l'information fourniepar Pausanias est exacte (et nous n'avons aucune raison de la mettre en doute),Spintharos avait dû mourir entre temps.

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CHARPENTE LOURDE ET CHARPENTE LEGERE 209

mur de l'opisthodome1. La section centrale, sur le naos proprementdit, était trop longue pour être couverte par des pannes longitudinales d'une seule portée : elle était divisée par des fermeséquidistantes placées chacune au-dessus d'une travée de lacolonnade intérieure et au-dessous d'une file de tuiles couvre-joints. Comme dans presque tous les temples doriques (la tholosde Delphes est à cet égard une notable exception), le rythme de lacharpente et le nombre des blocs de chéneau étaient déterminésnon par le rythme de l'entablement extérieur, mais par la positionde la colonnade intérieure, sur laquelle repose le fardeau le pluslourd. Il y avait donc sur le sécos huit fermes visibles et probablementrois autres, cachées par les plafonds horizontaux, sur chaquesection des extrémités, soit quatorze fermes en tout, formant,

avec les quatre frontons, les dix-huit supports principaux surlesquels prenaient appui les pannes longitudinales, vraisemblablementu nombre de cinq (une faîtière, et deux pannes latéiales surchaque versant). Fermes et pannes, la charpente « lourde »,supportaient les chevrons, placés dans le sens de la pente, perpendiculairement aux pannes, et les voliges, parallèles aux pannes,charpente « légère » que recouvraient les tuiles. Comme à chaquebloc de chéneau correspondaient deux rangées de tuiles, il y avaitsur chaque versant 76 rangées de tuiles plates et 77 rangées detuiles couvre-joints2, ces dernières correspondant aux files dechevrons, sauf les deux rangées des extrémités qui reposaient surle lit d'attente des larmiers rampants ; il restait donc 75 rangéesde tuiles couvre-joints portées par 75 rangées de chevrons placéssous les voliges. Chaque rangée de chevrons mesurait, entre lapanne faîtière et l'encastrement du larmier où s'emboîtait sonpied, 10,50 m approximativement. La longueur totale des 150rangées de chevrons qui couvraient l'ensemble du toit était doncde 1 575 mètres environ : un kilomètre et demi de pièces de bois !Quant aux voliges, clouées transversalement sur les chevrons àl'aplomb des lignes de recouvrement des 16 (?) rangées de tuilessuperposées, elles mesuraient bout à bout 32 fois la longueur de

(1) Seuls les temples périptères à escaliers de Sicile et de Grande-Grèce avaientnécessairement six frontons de pierre, comme le temple de la Concorde à Agrigente,pour de s raisons que j'exposerai dans une prochaine étude. Les temples périptèresnormaux, par économie, remplacent par une simpie ferme de bois, placée sur les prosta-seis distyles in antis de leur pronaos et de leur opisthodome, le fronton de pierrequ'auraient caché les plafonds horizontaux du péristyle, du pronaos et de l'opisthodome.

(2) F. Courby, FD, II, La terrasse du temple, p. 21-23. Élévation restaurée(H. Lacoste, pi. V).

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210 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

la charpente, soit 1 840 mètres environ. Il est bon d'avoir ceschiffres présents à l'esprit en relisant les comptes.

Pindare nous apprend que le temple des Alcméonides était

couvert par une charpente en cyprès1. C'est un bois précieux,imputrescible, résistant aux attaques des parasites, et surtoutpeu sensible aux déformations qu'entraînent les variations hygrométriques de l'atmosphère, qualités qui en recommandent l'emploipour les pièces maîtresses de la charpente, en dépit de son prixélevé. Les naopes du ive siècle achetèrent eux aussi à Sicyone dubois de cyprès (36) : nous essayerons d'expliquer à quelle fin.

Ajoutons que le temple de Delphes n'avait pas une toitureordinaire. Dans l'adyton poussait un laurier ; le sécos abritaitdeux autels, Yhestia pythomanÎis, foyer commun de l'Hellade, et

l'autel de Poseidon, époux de Gâ. Il était nécessaire d'évacuervers l'extérieur les fumées qu'Euripide nous dépeint « montant dèsle matin vers les plafonds de Phoibos »2. Le toit avait donc desouvertures, « aperta fastigia templi », par lesquelles, selon Justin,Apollon pénétra dans son temple pour le défendre contre l'attaquedes Gaulois3. Nous ne saurions dire si ces ouvertures, indispensablesussi bien pour l'arbre, qui avait besoin d'air et de lumière,que pour les fumées des autels, étaient de simples oculi percés dansles tuiles, comme à Bassae, à Tégée, ou un lanterneau véritable,analogue à celui du Pythion de Délos qui, à l'instar du temple deDelphes, renfermait un arbre sacré, le palmier natal d'Apollon, etdeux autels : le fameux κεράτινος βωμός, l'autel des cornes, sous sonbaldaquin (κεράτων), et l'autel d'Apollon Génétôr4. Nos comptessont muets sur ce sujet. Voyons ce qu'ils nous apprennent sur lereste de la toiture.

Le plus ancien est, à mon avis, celui de la 31e pylée (25 III B),qui date, nous l'avons vu, de l'automne 340 probablement. A cettesession les naopes mettent en adjudication la fourniture et letransport jusqu'à Delphes (παρ[ασχε]θεΐν εν Δελφοΐς) de 481 piècesde bois de pin et de 90 μεσόδμαι, également en pin, soit 571 piècesde bois que trois entrepreneurs, l'Arcadien Gallicratès d'une part,

l'Achéen Amyntôr et le Grotoniate Dioclès de l'autre, s'engagent àfournir « par moitié » (τα ήμισσα) au prix de 50 drachmes la pièce,

(1) Pindare, Ptjlhique V, 42-46 ; G. Roux, REG 75 (1962), p. 369-370. Sur l'emploidu cyprès dans les portes de temples, G. Roux, L'architecture de l'Argolide, p. 124.

(2) Euripide, Ion, v. 89-90. La θυρίς τοϋ ναοϋ (FD, III 4, 83; date : 120-130 ap.J.-C.) dans laquelle Aristocleidès, « physicien », consacre des Ιερά, ne saurait être unefenêtre ou un portillon; une niche? Cf. ID, 1417 A I, l. 137, 138.

(3 ) Just in , XXXIV, 8, 4 ; G. Roux, Delphes, p. 126-128.(4) Comme je le montre dans un article à paraître prochainement dans le BCH :

« Deliaca : le vrai temple d'Apollon à Délos ». Sur les tuiles à oculi (opaia), cf. L'architec

turee VArgolide, p. 54 et n. 2 ; R. Martin, Manuel, I, p. 79, flg. 35-36.

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CHEVRONS ET VOLIGES 211

soit 28 550 drachmes au total1. Les commentateurs semblentcomprendre que les co-adjudicataires fournissent la moitié des571 pièces : mais comment diviser ce nombre impair en deux lots

égaux de pièces entières ? Il doit être considéré plutôt comme uneapposition à τα ήμισσα, chaque groupe d'entrepreneurs étant tenude fournir non pas la moitié des 571 pièces, soit 285 pièces plus lamoitié d'une (sciée en deux ?), mais 571 pièces formant la moitié del'adjudication globale, soit 1 142 pièces au total. Σύμπαντα [ξύλα](1 . 14-15) et σύμπ[ασα τιμά] (1 . 17-18) récapitulent le nombre et leprix total des pièces de chaque moitié du lot ; une récapitulationgénérale — nombre de pièces et prix — de l'ensemble du lot devaitfigurer dans la partie manquante du compte, dissipant touteambiguïté.

Quoi qu'il en soit, le nombre des pièces et leur faible prix (50drachmes, transport compris) montrent qu'elles appartiennent àla charpente légère, chevrons et voliges. Le terme technique quidésigne dans le compte les 481 pièces distinctes des μεσόδμαι est delecture incertaine (1 . 11-12). J. Bousquet restitue άντίστ[αθμα δο]κών,et place sur le péristyle — en se fondant sur une restitution probablement erronée du compte 382 — ces « pièces destinées àcontreforter les poutres ». Mais on ne voit guère comment logersur le péristyle 481 (au minimum) pièces de bois ni comment cespièces de petites dimensions pourraient contreforter les poutres.Quelle que soit l'expression technique à restituer 1. 11-12, il est sûrque les μεσόδμαι et les pièces de sapin, coûtant le même prix,avaient sinon les mêmes dimensions, du moins le même volumeà l'achat ; car une fois livrées sur le chantier, certaines d'entre ellespouvaient être débitées en pièces plus petites, comme nous levoyons faire par Nicodamos et ses scieurs de long (διάπρισις, 41 III,7-14). Or les 90 μεσόδμαι ne sont pas ici des «entraits»3 (ce qui

(1) Le texte du compte a été revu et republié par J. Bousquet, BCH Suppl. IV ,p. 96-99. Mon interprétation diffère quelque peu de celle qu'il propose.

(2) Ibid., p. 97-98 et n. 18 . Cf. ci-après p. 213.(3) Μεσόδμη désigne, selon le contexte, des pièces de bois différentes, mais qui ont

en commun, conformément à l'étymologie du mot, de se trouver piacées dans unintervalle. Ainsi s'explique la double définition d'Hésychius : 1) μεσόστυλα, piècesreliant deux travées, entraits (comme dans le devis de l'arsenal du Pirée ; cf. R. Martin,REG 80 [1967], p. 315) ; 2) τα μεταξύ των δοκών διαστήματα, pièces couvrantl'intervalle entre deux pannes, solives (dans le cas d'un toit horizontal, en terrasse)ou chevrons (sur un toit à double pente ; c'est le cas dans les comptes de Delphes).« La mesodmé, en terme de marine comme en terme de charpenterie, est donc une piècede bois reliant deux éléments essentiels d'une architecture », écrit R. Martin (RecueilPlassart, p. 129) ; je dirais plutôt : d'une charpente, coque de navire ou toiture. Lesens de « solive », « chevron », semble être le plus courant. Il convient très bien auxdeux passages de VOdyssée cités par R. Martin (/./., p. 129-131), sans qu'il soit nécessaire

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212 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

supposerait sur le temple une charpente à 90 fermes !), mais plusprobablement les chevrons qui couvraient l'espace vide comprisentre les pannes longitudinales, selon la définition d'Hésychius :

μεσόδμαι ' τα μεταξύ των δοκών διαστήματα. Chaque file de chevrons se composait de plusieurs pièces mises bout à bout, une parintervalle entre les supports (larmier, mur du naos, colonnadeintérieure, panne intermédiaire, panne faîtière), soit 600 piècesenviron pour les deux versants du toit. En ce cas, les 481 pièceslivrées avec les 90 chevrons étaient probablement une partie desvoliges, dont le nombre sur la charpente excédait un millier.

Puisque les naopes mettent en adjudication la charpente légère,chevrons et voliges, à la 31e pylée, il s'ensuit qu'ils avaientcommandé la charpente lourde, arbalétriers, entraits et pannes,

avant cette date, donc vraisemblablement avant l'automne de340 ou , au plus tard, à cette session, ce qui donne une chronologiesatisfaisante pour les progrès des travaux : adjudication dumontage de la péristasis en 344 sous Gléon-automne, adjudicationdes bois de la charpente trois ans après. Les opérations se succèdentainsi à un rythme normal : à cette époque l'Amphictionie disposede beaucoup d'argent, et la reconstruction va bon train.

La charpente légère commandée à la 31e pylée est livrée ou encours de livraison à Delphes dix-huit mois plus tard. Dans lecompte 38 (34e pylée)1 l'Arcadien Gallicratès perçoit en effet undeuxième versement de 6 423 drachmes 4 oboles et demie (soit lequart du prix global augmenté du dixième de garantie). Le passageest ainsi restitué :

de recourir à la traduction un peu compliquée — et que n'impose aucun texte — de« pilastres servant de chaînage visible, soit horizontaux à la base ou à mi-hauteur de smurs, soit verticaux » (/./., p. 130). Dans une vision prémonitoire Théoclymène (XX,354) voir le sang de s prétendants « inonder les murs, les καλαί μεσόδμοα ». Il s'agit,ne l'oublions pas, d'une vision hallucinée, non d'un devis d'architecture. Le prétendant promis à une mort prochaine croit voir le sang gicler non seulement sur lesmurs, comme il serait normal, mais jusqu'au plafond, exagération onirique ducauchemar, présageant l'énormité du massacre. C'est encore une vision, de Télémaquecette fois, que décrit le poète (XIX, 37-38) : « Et devant moi les murs, les beauxchevrons, les poutres de sapin et les colonnes élancées scintillent à mes yeux comme uneflamme vive ». Le regard monte des murs aux chevrons qui compartimentent le plafond(καλαί parce que visibles, donc probablements sculptés et peints), puis redescend deschevrons sur les poutres et des poutres sur les colonnes qui les portent, dans une succession rdonnée, ascendante puis descendante. Le meilleur commentaire à l'épithèteκαλαί qui accompagne les μεσόδμαι se trouve dans Aristophane, Guêpes, v. 1212-1215,et dans Lucien, De domo, 2, où l'on voit que la politesse voulait qu'un invité au banquetcomplimentât son hôte sur le beauté de ses plafonds : cf . G. Roux, « Les plafonds peintsde Caius », Rev. Phil. 37 (1963), p. 88-89.

(1) J. Bousquet, BCH Suppl. IV , p. 96 sq .

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LE BOIS DE MACEDOINE 213

4 [Καλλικρά]τει ξύλων έλατίνω[ν εις τ]-[6 περίστυ]λον τά ι όροφαι δευτ[έραν]

6 [δόσιν. . .], etc.

La restitution, ligne 4, du nom de Callicratès (J. Bousquet), garantiear la concordance des chiffres du paiement, est certainementexacte, mais non celle du «péristyle » (P. de La Goste-Messelière),ligne 5. Car dans les comptes de Delphes le péristyle n'est jamaisappelé autrement que περίστασις (19, 97 ; 23 I, 41-42) x; de plus,répétons-le, il est matériellement impossible de placer sur lepéristyle 481 (au moins !) pièces de bois. La restitution suivanteme paraît être plus plausible :

ξύλων έλατίνω[ν των π]- |  [οτί τον ν]αόν τα ι όροφαι...2

L'expression ποτί τον ναόν pourrait sembler ici à la fois vague etinutile. Elle se justifie cependant par le fait que les naopes ontdû, à la même époque, acheter du bois pour d'autres usages, échafaudages, engins de levage (comme en 19, 12), charpente del'atelier. Ils distinguent de même les 2 600 paires de tuiles τώι ναώι(26 I, 36) des tuiles qu'ils devaient commander pour l'atelier dansla partie perdue du compte, ou encore la λα[τύπας έξαγωγα ά] προτου ν[αοϋ] (34, 4-5) de l'évacuation des déchets de taille quiencombraient une autre partie du chantier.

D'où provenaient ces «bois de pin » ? Ni 25 III B ni 38 ne le

précisent. Mais dans le compte 41 (III, 7-14) il est dit que Nicoda-mos a débité à la scie (διάπρισις) 1 729 pieds, soit 550 mètres environ,de μεσόδμαι en ξύλα μακεδόνικα. Comme il est peu probable qu'unemême partie de la charpente ait été façonnée dans des bois dequalités différentes, je suis tenté de conclure que les 90 μεσόδμαι,fournies par Callicratès et ses deux co-adjudicataires étaient ellesaussi importées de Macédoine. Peut-être même s'agit-il dans lesdeux comptes du même lot de bois. On constatera en outre qu'il

(1) II en est de même à Épidaure : les péristyles extérieurs du temple d'Asclépios

et de la tholos sont appelés uniquement περίστασις (IG, IV2, 102 et 103, passim), commeà Lébadée le péristyle du temple de Zeus (IG, VII, 3073, I. 90). A Épidaure, περίστυλον(IG, IV2, 109, II, 132, 156) désigne les péristyles intérieurs des bâtiments dits τα έπίΚυνος σκανάματα ; à Mantinée, le péristyle de l'agora embellie par Epigone (Syll.3 783,/. 51-52). Dans les inscriptions de Délos, qu i ignorent le mot περίστασις, περίστυλονsignifie soit le péristyle intérieur d'une cour fermée (péristyle de l'Asclépieion, ID, 290,/. 192-220; 227-228), soit le péristyle extérieur du temple d'Apollon (IG, XI, 161,l. 45). Il semble qu'à Delphes, en Béotie et dans le Péloponnèse, seul le mot περίστασιςsoit utilisé avec la signification de « péristyle extérieur ».

(2) II arrive parfois, à Delphes et ailleurs, que soit omise la barre transversaled'un A ou la barre médiane d'un E. On lit alors Λ ou L. C'est, à mon avis, le cas icipour l'alpha de [ν]αόν.

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214 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

est impossible de placer sur la charpente 1 729 pieds d'« entraits » ;cela confirme que les μεσόδμαι ne sont pas ici des entraits, commea pu le faire croire la définition équivoque d'Hésychius. En

revanche, 1 729 pieds sont égaux au tiers environ de la longueurtotale des chevrons sur le toit. Je crois donc vraisemblable l'équivalence μεσόδμαι = chevrons. Ce terme apparaît encore une foisdans le débris de compte 43 (1 . 26 ) à propos d'un travail indéterminé.

Toiture: les tuiles. Chevrons et voliges portaient les tuiles, soitdirectement quand elles étaient de marbre — donc pesantes etrigoureusement planes au lit de pose — soit indirectement quandelles étaient de terre cuite — donc le plus souvent gauchies par lacuisson au four, plus légères et offrant prise au vent. En ce cas,

on interposait entre la charpente et les tuiles des claies de roseauxenduites d'une couche d'argile, les καλαμίδες souvent mentionnéesdans les inscriptions déliennes1. Ce «matelas» avait un doubleavantage : sa plasticité absorbait les irrégularités des tuiles, éliminant les risques de cassure, et les collait en quelque sorte à latoiture ; d'autre part, excellent isolant thermique, il empêchait lebois de trop << travailler » sous l'effet des écarts de température.

A la 35e pylée (automne 338 ?), le Cnidien Theugénès prend enadjudication la fourniture de 2 600 paires de tuiles corinthiennespour le temple, soit environ 4,5 % de plus qu'il n'était nécessaire

pour couvrir les deux versants du toit (2 432 paires + deux filesde 16 couvre-joints +76 couvre-joints faîtiers). L'architecte atenu compte dans son calcul de l'inévitable déchet dû à la casseau cours du transport et du montage. Quand la casse était moindreque prévu, les constructeurs avaient la ressource de revendre lestuiles en excédent, comme font parfois les hiéropes déliens2. Lesnaopes n'auraient sans doute pas eu cette possibilité, en raison dela grande taille des tuiles qui les rendait impropres à l'usage surun bâtiment normal. Ces tuiles n'étaient d'ailleurs pas coûteuses,deux drachmes la paire, transport compris comme l'implique leverbe παρίσχειν (26 I A, 33) : à ce prix-là, il n'est pas douteux que

Theugénès a fourni des tuiles de terre cuite3. Plus exposées à lacasse que les tuiles de marbre, elles étaient suffisamment bonmarché pour que l'on puisse, par précaution, en commander plusque le nombre requis par la surface du toit. Mais si la paire était

(1) Lattermann, BCH 32 (1908), p. 301-302 ; G. Roux, BCH 80 (1956), p. 514-516.C'est probablement à cet usage qu'étaient destinées les claies (ταρσοί) livrées par leBéotien (et non pas Athénien) Hermôn επί [τα έργασ]τήρια, 26 I A, 10-15.

(2) ID , 354, 1. 19.(3) R. Martin, Manuel, I, p. 82-84.

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CLAIES ET TUILES SUR LE TOIT 215

bon marché, la dépense globale, 5 200 drachmes auxquelless'ajoutait le prix de la pose, n'en était pas moins considérable.Il est donc exclu qu'il se soit ag i d'une couverture provisoire,

destinée à être remplacée à brève échéance par une couverturede marbre, comme l'avait un moment affirmé Bourguet, embarrasséar l'expression κέραμον προστεγαστηρα (26 I A, 34-36) qui désigneles 2 600 paires de tuiles commandées à Theugénès. Les comptesle prouvent : le devis du temple du ive siècle prévoyait une simplecouverture de terre cuite en arrière des chéneaux de marbre.Il n'en est pas moins vrai qu'à une époque indéterminée, la toiturefut refaite en tuiles de marbre, puisque les fouilles ont exhuméplusieurs grands couvre-joints en marbre du Pentélique, taillés àl'échelle du temple et de lui seul. A qui faut-il attribuer cette

munificence ? On sait qu'à l'époque impériale la toiture du templede Zèus à Olympie, en marbre de Paros à l'origine, fut refaite enmarbre du Pentélique. C'est peut-être à la générosité de quelqueempereur (après les dégâts causés par les Maides ? Lors des réparations ffectuées sous Domitien ?) que sont dues également les tuilesen marbre du temple d'Apollon, dont quelques pièces intactes sontparvenues jusqu'à nous.

Le fait que la toiture du temple, au ive siècle, était en terrecuite rend plus facile l'explication de l'expression κέραμον προστεγαστηρα26 I A, 33-34 ; II A, 38-39). C'était, selon Courby dont j'aipeine à suivre le raisonnement1, « la couverture de bordure, c'est-à-

dire la couverture tout entière, moins les tuiles faîtières ». Il meparaît préférable de décomposer Y hapax προστεγαστήρ en un préfixeπροσ-, « en plus, en outre », ou « contre » et *τεγαστήρ formé sur lemême radical que τέγος, « couverture », « toiture ». J'ai dit que lestuiles de terre cuite reposaient souvent sur un « matelas » de claiesde roseaux et d'argile : celui-ci formait sur la charpente un premierτέγος. Le κέραμος (collectif, distinct de κεραμίς, tuile) venait s'yappliquer (προς-) comme un second τέγος surimposé au premier,*τεγαστήρ surajouté (προσ-). Telle est du moins l'explication que meparaît suggérer la technique même de la pose des tuiles en terre

cuite.Les finitions. Avec a pose de la toiture s'achevait la construction

du gros œuvre. Restaient les finitions. Les unes concernaient lestravaux de la pierre, pose du dallage, ravalement des murs,cannelures des colonnes, aménagements intérieurs, statues destympans, acrotères faîtiers ; les autres, les travaux d'ébénisterie,

(1) FD, II, La terrasse du temple, p. 23 n. 1.

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216 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

plafonds sous charpente (ύπωροφία), encadrement et vantaux de lagrande porte, clôture mobile du pronaos.

Je rapporterais à la pose du dallage le [ξύλω]μα το περί το κυμά-

[τιον της ε]ύθυντηρίας (26 Ι Β, 4-5), c'est-à-dire le coffrage de boisdestiné à préserver des chocs la cyma reversa du toichobate,euthyntéria du mur, au moment où l'on va appliquer contre elle leslourdes plaques en calcaire de Saint-Élie1. Du ravalement de laparoi il est question dans le compte 25 : deux « ravaleurs du sécos »,διάξοοι του σακοΰ (II Β, 2-3), reçoivent chacun un salaire de 35 drachmes. l est notable que l'assise placée au sommet du mur, immédiatement sous l'assise porte-plafond, υπό τώι ύποδοκίωι, fait l'objetd'une adjudication spéciale (25 II B, III A), preuve qu'il s'agitd'une assise particulière, composée non de parpaings courants en

pôros, mais d'une double rangée de carreaux adossés (πλίνθοι,έτερόπλευροί.) en pierre dure, marbre ou pierre noire d'Argos. comparable celle que l'on voit à cette place sur le mur de la tholosd'Épidaure2. Le prix du ravalement, 4 drachmes pour la face d'unseul carreau, soit deux journées du salaire de l'architecte, montrequ'il s'agit d'un ravalement difficile, plus minutieux que celui desparpaings de pôros que devait dissimuler un enduit (κονίασις),tandis que l'assise sous Γύποδόκιον, demeurant visible, exigeait unpolissage sans défaut. Ce couronnement d'un mur de pôros parune assise en pierre dure, sans doute motivé par la recherche d'uneffet de polychromie, est une analogie de plus entre la tholosd'Épidaure et le temple de Delphes, couronné d'un chéneau« épidaurien ». Certains entrepreneurs ont d'ailleurs travaillé auxdeux monuments3.

Quand avaient été ravalées les parois verticales (καταξοά, παρξοά)et horizontales (έπιξοά), on taillait les cannelures sur les fûts descolonnes, opération coûteuse et délicate, exécutée en dernier lieu,au moment où les fines arêtes ne risquaient plus d'être ébréchéespar les transports de matériaux et le va-et-vient de nombreuxouvriers. Il n'en reste plus trace dans nos fragments de comptes,non plus que de la κονίασις, le stucage des colonnes et des murs.

Sur les aménagements à l'intérieur du sécos les comptes, moinsexplicites que nous ne le souhaiterions, complètent cependant ladescription de Pausanias sur deux points importants : ils éta-

(1) G. Roux, BCH 80 (1956), p. 507-511.(2) Explication détaillée de ce passage dans G. Roux, HA 1966, p. 277-287, fig. 3 ;

cf. aussi Delphes, p. 99 sq . ; flg. 4, p. 100 et flg. 7, p. 134 ; p. 189.(3) G. Roux, L'architecture de VArgolide, p. 149-150 (mur de la tholos) et p. 328-331

(chéneau «épidaurien»). IG, IV2, 103, commentaire p. 49 (liste des entrepreneursayant travaillé à Épidaure et à Delphes) ; AE 1948-1949, p. 135 sq., en particulierp. 140.

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LA FOSSE DE l'aDYTON 217

blissent que l'autel de Poseidon vu par le périégéte se trouvait placéquelque part le long de la paroi Nord, dans un « Poteidanion »(25 III A, 10-17) x probablement délimité à l'intérieur du temple

par une clôture, plaques de chancel ou simples cordons tendusentre des piliers, et que l'omphalos véritable, distinct de l'omphalosde marbre que décrit Pausanias (X, 16, 2) à l'extérieur du temple,se trouvait contre le mur de l'opisthodome (25 II B, 14-21), sousun baldaquin à colonnettes (πρόστασις) dont l'épistyle était peint(26 I A, 30-33). L'omphalos fut abrité sous un coffrage de briquescrues (32 1,8-12) à l'occasion de travaux qui risquaient de l'endommager,probablement lors de la mise en place d'orthostates (32 +35, rapprochés par J. Bousquet). Mais de quels orthostates s'agit-il ? Nous abordons ici un problème qui touche à l'architecture de

l'adyton.J'ai montré, en combinant les données archéologiques et lestémoignages des auteurs anciens, que l'adyton était, au fond dutemple, une simple fosse, une échancrure dans le dallage du sécoslaissant apparent, à son niveau primitif, le so l du premier sanctuaire dans lequel s'ouvrait le χάσμα γης et poussait le laurier sacré2.Ce même désir de laisser accessible un ancien lieu sacré sous lemonument plus récent qui le recouvre explique la présence de lafosse béante au fond du temple de Némée3, la dénivellation entreles parties Est et Ouest de l'Érechtheion ou encore, à beaucoupplus grande échelle, l'escalier monumental qui reliait, au Didy-meion de Milet, le sol de l'adyton au niveau du péristyle. Au fonddu temple de Delphes, l'abaissement du sol découvrait, sur lepourtour de la fosse, les parois internes des fondations (mur del'opisthodome, stylobates Nord et Sud) partout ailleurs cachéessous le dallage du sécos. Ces parois, aujourd'hui visibles, ne sontpas ravalées. Il est évident que, dans l'antiquité, elles devaientêtre masquées par un revêtement quelconque, une paroi verticaleplaquée contre elles, probablement des orthostates portés sur unsoubassement posé à même le so l et coiffés à leur sommet, surtrois côtés, par un léger surplomb des blocs du stylobate intérieur

et du toichobate du mur de fond, sur le quatrième côté, à l'Est,par un surplomb du dallage.J'ai cru un moment reconnaître ces orthostates de l'adyton

(1) G. Roux, RA 1966, p. 277 sq . ; Delphes, p. 99-100, fig. 4.(2) G. Roux, Delphes, p. 100-117, fig. 4, 7, 8.(3) Β. H. Hill, Ch . Kaufman Williams, The temple of Zeus at Nemea, p. 27-29. Je

me demande si le thalamos du Pythion délien où se trouvait le palmier sacré [IG, XI,2, 199 A, l. 80 ; cf. Ch . Le Roy, BCH Suppl. I, p. 276 sq.) n'était pas lui aussi, à l'intérieur du temple, une partie en dépression laissant apercevoir à son niveau d'originele sol du sanctuaire primitif.

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218 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

dans les blocs dont Nicodamos assure le transport au prix de25 drachmes l'un (39, 9-11). La modicité de cette somme, comparéeaux 420 drachmes que coûte le transport entre Cirrha et Delphes

d'un bloc angulaire de corniche, avait surpris Bourguet. Certes,les carrières de Saint-Élie, situées à mi-pente, sont plus proches deDelphes que le port de Cirrha ; mais la différence de distance etd'altitude ne peut suffire à justifier l'énorme disproportion desprix. C'est pourquoi j'avais pensé que les orthostates transportésà si bon marché par Nicodamos pouvaient être ceux qui revêtaientles parois de l'adyton, plus petits, plus légers que les blocs monumentaux formant le socle du mur1. Mais, à la relecture des comptes,j'éprouve un doute pour les deux raisons que voici. Alors que leprix du transport est si faible (9 fois moindre que celui d'une

corniche angulaire en pôros), le prix de l'extraction dans lacarrière (36 et 40 drachmes : 39, 6 et 8) correspond au prix moyende l'extraction des gros blocs en pôros de l'entablement : Athano-geitôn reçoit en effet 1 036 drachmes pour 27 pièces, soit enmoyenne 38 drachmes par pièce (23 II, 57 sq.). Bien que ladifférence de matière, pôros et calcaire, puisse légitimer unecertaine différence du prix de l'extraction, il me paraît probableque les orthostates en question étaient eux aussi de gros blocs.De plus, même pour le transport des « petits » orthostates revêtantl'adyton (ils auraient dû mesurer environ 1 mètre de haut), le prixde 25 drachmes apparaît dérisoire. Je me demande si l'explication

la plus simple n'est pas que le lapicide a commis une erreur — ils'en trouve d'autres dans les comptes — en sautant dans sa copiele chiffre des centaines : < εκατόν > Ι'κατι πέντε. Les mots ϊκατι, εκατόν,διακάτιαι, comprennent des groupes de lettres analogues ; l'œil dugraveur a pu s'y tromper et faire un « saut du même au même ».En ce cas, rien ne s'opposerait plus à ce que les orthostates descomptes 39 et 40 soient, comme le pensait É. Bourguet, ceux dusocle du mur, les blocs à 40 drachmes destinés à la rangée externe,les blocs à 36 drachmes à la rangée interne, plus petite. Je crois doncpouvoir maintenir la date que j'avais d'abord proposée2 pour ces

deux comptes, gravés sur les faces opposées d'une même stèleopistographe : la période qui a précédé la guerre sacrée, époque oùs'élevaient les murs du sécos.

Faut-il rapporter à la même période les comptes 32+35, attribués par J. Bousquet à une même stèle, inscrite sur trois colonnes?Il y est question du « travail » et de la pose de 6 (?) orthostates, aumoment où l'on abrite l'omphalos sous un coffrage de briques

(1) Delphes, p. 107 n. 2.(2) RA 1966, p. 261.

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TRAVAUXDANS LA REGION DE L OMPHALOS 219

crues (32). Il s'agirait donc des orthostates du mur de l'opistho-dome, derrière l'omphalos. Tout dépend du sens qu'il faut donneraux mots φραγμον τοΰ πρόναου mentionnés dans le compte 35.Bourguet restitue :

[. . . . τον πρόναου] φραγμον π-[ισσώσαι δραχμαί] δέκα δύο. Σ-[ίωνι γομφώσαί. ? τ]όν πρόναου[φραγμον δραχμα]ί τρεις.

Si la restitution π[ισσώσαί.] était exacte, ce φραγμον verni ne pourraitêtre que la clôture en belle ébénisterie qui fermait traditionnellement,ans les temples, les entrecolonnements du pronaos (διαστύλων θυρώματα) afin de protéger la porte précieuse du sécos. Il

s'agirait alors d'un travail de finition, se rapportant à la phasefinale des travaux. En ce cas, les orthostates mentionnés sur lamême stèle, dans le compte 32, ne seraient pas ceux qui formaientle socle du mur de l'opisthodome, depuis longtemps construit, maisceux qui entouraient l'adyton, montés en dernier lieu.

Cependant la restitution de Bourguet, π[ισσώσαι], peut êtreremplacée par une autre : π[αρέχειν], l'entrepreneur ayant fournipour la modique somme de 12 drachmes non pas la clôture définitive u pronaos, mais une palissade provisoire de chantier, enplanches, destinée à barrer l'accès du sécos à une époque où le mur

de la porte et le mur de l'opisthodome sont en cours de construction.ette interprétation me paraît de beaucoup la plus plausible :elle s'accorde mieux avec une programmation logique des travaux,et la nécessité de protéger l'omphalos sous un coffrage de briquescrues suppose qu'il n'était pas à ce moment-là abrité sous sa pros-tasis. Je crois donc qu'il faut dater d'une même période les comptesà orthostates 39 et 40, 32 et 35.

L'omphalos fait encore l'objet d'un travail indéterminé pourlequel est payé le dixième de garantie dans le compte 41 (III, 3-7).La restitution proposée par Bourguet, των σκ[απέτων των περί τονόμφ]αλόν me paraît des plus douteuses. Comme il le reconnaît

lui-même, « cette ligne ainsi restituée a deux lettres de trop » etsuppose « une irrégularité dans la gravure », deux raisons de suspecter la restitution. Il en est une troisième : le prix élevé de ces« terrassements », 108 drachmes 2 oboles, supposerait un travailde fouille très important. Seule pourrait entrer en ligne de comptela profonde tranchée creusée περί τον ομφαλόν, au voisinage de l'omphalos, pour loger les fondations du mur de l'opisthodome,entièrement reconstruites au ive siècle. Mais est-il concevable queles naopes aient attendu le moment où l'on monte la charpente(41 III, 7-14) pour verser le dixième de garantie sur un travail

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220 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

effectué avant la guerre sacrée ? La trace d'une haste inclinée(A? Λ?) indiquée par Bourguet après le Κ interdit la restitutionσκ[ευών] ou σκ[εύων] qui conviendrait à la fois pour le sens et pour

le nombre de lettres. La solution m'échappe. Mais le compte està rapporter à l'époque où l'on monte la charpente, aux environsde la 35e pylée.

La porte. Plus encore que les plafonds, les portes d'un templereprésentaient une forte dépense. Celle du temple d'Asclépios àÉpidaure, œuvre de Thrasymédès de Paros, avait coûté près duquart du prix total de la construction. Façonnées dans un boisprécieux, cèdre ou cyprès, ornées d'accessoires de bronze ou d'or,marquetées d'ivoire, les portes colossales des grands templescomme le Parthenon (qui en avait deux), le temple de Zeus à

Olympie, le temple de Delphes, étaient de coûteuses œuvres d'artque l'on protégeait derrière les grilles insérées dans les entre-colonnements du pronaos (et, au Parthenon, de l'opisthodome)1.Leurs dimensions, le poids de leurs vantaux posaient à l'ébénistedes problèmes difficiles. Le θύροψα, la baie de la porte, mesurait àDelphes environ 50 m2 : pour éviter le gauchissement des énormesvantaux (θύραι),ΐΐ fallait leur donner une ossature solidement charpentée, faite de pièces de gros module taillées dans un bois depremier choix et arrimées à l'encadrement par de « grands »ίσχέπλινθα de fer (25 I A, 15 sq.). Enfin n'oublions pas que, toutes

choses égales d'ailleurs, la fabrication d'une porte dorique exigeune plus grande quantité de bois que celle d'une porte ionique.Car la porte ionique est encadrée latéralement par deux jambagesverticaux en pierre, moulurés, scellés sur le seuil et portant lelinteau : les vantaux de bois sont ainsi insérés dans un cadre(θύρετρον) de pierre ou de marbre, ordinairement sculpté. Aucontraire, la baie de la porte dorique est limitée sur les côtés nonpar des jambages de pierre, mais par les blocs des assises du mur,orthostates et parpaings, dont les extrémités, ainsi que la partieinférieure du linteau, sont habillées par un revêtement de bois(κοιλόσταθμος)2 inséré dans la feuillure prévue à cet effet. Le θύρετρον

est ainsi, comme les θύραι qu'il encadre, en ébénisterie. Il fallaitdonc, pour façonner la porte du temple de Delphes, beaucoup debois et des pièces de forte section pour charpenter les vantaux.

Le compte 36 relate l'achat du bois de cyprès. Mais à cetteoccasion, au lieu d'utiliser la procédure habituelle de l'adjudication,d'acheter le bois par entrepreneurs interposés, les naopes — ou du

(1) G. Roux, L'architecture de VArgolide, p. 32, 126.(2) F. Courby, ΕAD XII, Les temples d'Apollon, p. 229. Le mot est traduit à tort

dans Liddell-Scott-Jones par « coffered ceiling ».

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de l'or pour du cyprès 221

moins certains d'entre eux, accompagnés de l'architecte1 — serendent personnellement à Sicyone et traitent directement avecles fournisseurs (έπριάμεθα, disent-ils 1. 2). Ils achètent dix-septpièces de bois de cyprès, à un tarif variant de 116 drachmes 4oboles à 175 drachmes la pièce, pour une somme totale de2 335 drachmes. Ils paient également 500 drachmes de transportà travers le golfe, du port de Sicyone à Cirrha.

Or, sous l'archontat de Dion-printemps, au mois d'Héracleiosde 335, les trésoriers changent 150 philippes d'or contre 2 100drachmes qu'ils remettent aux naopes εις κυπάρισσον (50 II, 5-13),« pour le cyprès ». Rapprochant le compte des trésoriers du comptedes naopes, J. Bousquet en déduit que ces derniers ont, en 335,acquis « 17 grosses grumes destinées aux poutres maîtresses de la

charpente du temple... des grands fûts de cyprès pour la charpentequ'ils ont payés directement aux commerçants sicyoniens... Nousaurions ainsi un point de repère intéressant pour la chronologiedes comptes tenus par les naopes, car il faut évidemment que toutce qui concerne le gros-œuvre de calcaire et de tufï, colonnade,entablement, orthostates et assises des murs, soit antérieur à 335,et les fournitures de bois de charpente ainsi que le reste de la« finition » du temple postérieurs à l'archontat de Dion »2.

La question est en effet d'importance pour la chronologie descomptes. Il nous faut donc examiner de près l'intéressante suggest ion de J. Bousquet.

Je note d'abord que le rapprochement établi entre le versementde 2 100 drachmes aux naopes par les trésoriers en 335 et l'achatpar les naopes de cyprès à Sicyone, pour séduisant qu'il soit, n'estqu'une possibilité parmi d'autres. Les chiffres ne coïncident pas :ceci n'est pas un argument contre, car les naopes ont pu comblerla différence en puisant dans leur propre caisse ; mais nous n'avonspas, en faveur du rapprochement de 50 et 36, l'argument positifet irréfutable que constituerait l'identité de la somme versée parles trésoriers aux naopes et de la somme payée par les naopes auxcommerçants sicyoniens. De toutes façons, s'il s'agissait de la

charpente, les dix-sept pièces de cyprès du compte 36 seraientinsuffisantes. Les naopes auraient dû faire d'autres achats, et nousne saurions dire si les trésoriers ont contribué à celui-ci plutôtqu'à celui-là.

Le second problème est de savoir à quoi ont servi ces bois. Ala charpente ? Le compte ne le dit pas. Nous n'avons le choixqu'entre deux hypothèses : ou bien le cyprès du compte 36 était

(1) D'après la restitution nouvelle de J. Bousquet, BCH Suppl. IV , p. 91-96.(2) J. Bousquet, l.l.

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222 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

destiné à la charpente, et en ce cas le compte ne date pas de 335 ;ou bien le compte date effectivement de 335, et en ce cas le boisn'était pas destiné à la charpente. Le second terme de l'alternative

me paraît de beaucoup le plus vraisemblable.Si l'on admet en effet que les naopes achètent seulement en 335

les bois pour les pièces maîtresses de la charpente, il s'ensuit,comme l'a bien compris J. Bousquet, que tous les travaux enregistrés dans les comptes 25 III B, 38+26, 27, 25 sont postérieursà 335. Par conséquent, entre 345 et 335, durant dix années (letemps qui a suffi pour construire le Parthenon), à une époqueoù l'argent affluait dans les caisses de l'Amphictionie, le seultravail effectué sur le temple aurait été le montage de la péristasisconfié à Nicodamos et Téléphanès (19, 97) ; bien plus, on aurait

attendu une dizaine d'années pour payer — et en retenant encorele dixième de garantie — l'extraction, le transport et la posedes pièces d'angles renforcées sur le péristyle et le mur du sécos.On conviendra qu'une telle chronologie est bien peu vraisemblable.

En outre, elle laisserait sans explication deux anomalies. Lesnaopes paient leurs pièces de bois à des prix différents. Or c'estune règle bien attestée par les Bauinschriften de Delphes etd'ailleurs que l'achat des pièces d'une catégorie déterminée se faità un prix identique pour toutes. S'il s'agissait de pièces de charpente, on s'attendrait d'abord à ce que leur nature, poutres,solives, voliges, soit spécifiée comme c'est toujours le cas dans lescomptes de construction, ensuite à ce que chacune soit payée aumême prix. Enfin on ne voit pas pour quelle raison les naopesassumeraient à la place des entrepreneurs la fourniture des poutresmaîtresses, alors que les autres parties de la charpente sont acquisesselon le procédé habituel de l'adjudication. La situation apparaîtra plus normale si nous admettons que les naopes sont allés àSicyone, en 335, acheter du bois non pour la charpente — déjàconstruite — mais pour les importants travaux d'ébénisterie quirestaient à faire, plafonds intérieurs, grande porte du sécos,clôture du pronaos. Tout d'abord nous comprenons pourquoi la

nature spécifique de ces ξύλα κυπαρίσσια n'est pas précisée : lesnaopes acquièrent auprès des commerçants de Sicyone non pastelle ou telle pièce de charpente, qui serait nommée dans le compte,mais de la matière première, « du bois de cyprès », bois précieuxdans lequel les ébénistes tailleront les pièces diverses dont ils ontbesoin, poutres pour le « bâti dormant», l'encadrement de la porte,et pour l'armature des vantaux, planches qui habilleront le cadredu θύρωμα et les panneaux des θύραι, caissons du plafond, etc. Nouscomprenons ensuite pourquoi les prix sont variés : il s'agit, commel'a vu J. Bousquet, de « grumes », de fûts de cyprès dont la taille,

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LA SUCCESSION DES COMPTES 223

le cubage, diffèrent d'une pièce à l'autre, tandis que de grossespoutres seraient nécessairement taillées aux mêmes dimensions.Enfin nous savons que les naopes, qui n'interviennent jamais dans

les fournitures de matériaux du gros-œuvre, se sont personnellementoccupés de l'achat des matériaux précieux pour les ébénistes : ilsachètent eux-mêmes (έπριάμεθα, 25 II A, 5-12) 93 mines attiquesd'ivoire destiné à la marqueterie des vantaux. Il est donc naturelde leur attribuer également l'achat des bois précieux de la porte,tandis que l'achat par eux des pièces de charpente constitueraitdans nos comptes une véritable anomalie. Ainsi je persiste àpenser que le compte 36, même (et surtout) daté de 335, bien loinde remettre en cause la classification des comptes que j'ai proposée,la confirme : il doit être placé à la fin de la série.

La grande porte du temple semble avoir subi quelques avaries :au nie siècle, le seuil est remplacé ; entre 278 et 270, les Delphienshonorent Ménédémos d'Érétrie (?) pour avoir fait transporter cebloc pesant jusqu'au sanctuaire1. Une telle réparation suppose quela porte elle-même avait gravement souffert. Notons ici que leθύρωμα mentionné dans le compte 57 Β (1 . 3, [θύ]ρωμα Σατύρωι),compte des trésoriers, ne peut en aucun cas concerner le templed'Apollon2 dont s'occupent les seuls naopes. Il s'agit de l'un desédifices, autres que le temple, dont l'Amphictionie avait la charge,aux Pyles ou à Delphes.

Nous pouvons maintenant récapituler notre classification descomptes des naopes, telle que l'établit la nature des dépensesqu'ils contiennent.

Nous placerons avant 346 les comptes relatifs à la constructiondu mur du sécos, 32+35, 39+40 (orthostates, scellements),inv. 7033 {BCH 1951, 301-304 : adjudication des parpaings courants), 28 (chapiteau d'ante du pronaos et goujons cachés pour lesceller). A cette même période appartiennent les travaux, essentiellement des transports de pierres, payés par les Delphiens avantet pendant la guerre, entre les archontats d'Argilios et de Teucha-ris (19, 1-70), le transport des dalles de plafond pour le péristyle

dont les naopes paient le dixième de garantie, et celui des blocs del'entablement qu'ils trouvent sur le chantier dès leur retour àDelphes, sitôt la paix revenue.

L'archontat de Damoxénos (346-345) marque le retour à unesituation normale et le début d'une période de grande activité,comme le montrent les comptes 23 (remise en ordre, réparations,

(1) J. Bousquet, BCH 80 (1956), p. 31-32; G. Roux, BEG 79 (1966), p. 3-5.(2) Pace J. Bousquet, BCH 80 (1956), p. 32 n. 1, et Ada of the Fifth Epigr.

Congress 1967, p. 79 .

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224 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

livraison de pièces de l'entablement dorique ou remplacement despièces endommagées), 25 ΠΙ Β (31e pylée ; bois de charpente),38+26 (34e et 35e pylées ; bois de charpente, suppléments payés

pour les pièces angulaires plus volumineuses commandées par lenouvel architecte Agathon, mise en adjudication des tuiles, préparation de l'atelier de Thyiai pour les ébénistes1, parpaings pour lesparties hautes du mur du sécos), 27 (pièces angulaires plus volumineuses, suite ; métopes du pronaos, parpaings pour les partieshautes, suite ; atelier de Thyiai, suite), 30 (métopes [?] du pronaosen marbre du Pentélique), 41+42 (atelier de Thyiai, suite ; tailledes bois de charpente), 43 (charpente), 44 (? tuiles pour l'atelier ?),25 I, II, III A (pièces angulaires plus volumineuses, fin ; travailà la grande porte, achat d'ivoire pour les vantaux, ravalement

de l'assise en pierre dure au sommet du mur sur ses deux faces,externe et interne, préludant au ravalement du reste de la surfaceen pôros, situé au-dessous), 36 (achat de bois de cyprès à Sicyonepour les ébénistes), 45 (? transport de Cirrha à Delphes du boisprécédent (?) dont les naopes ont payé le transport de Sicyone àCirrha). Les fragments 29, 33, 37, règlent des dépenses de fin deséance (salaires divers, sacrifices) et ne peuvent être situés à uneépoque plutôt qu'à une autre. 46 est à ce point mutilé queBourguet s'est même demandé s'il était réellement un compte desnaopes. Telle est la succession qui me paraît la plus vraisemblableparce que la plus logique. Mais l'état fragmentaire et discontinude cette longue comptabilité laisse subsister dans le classementune grande marge d'incertitude.

(1) Cf. G. Roux, L'architecture de VArgolide, p. 86-89, et BEA 67 (1965), p. 42-45.

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CONCLUSION

L'Amphictionie des Pyles et de Delphes était une institutiond'une haute antiquité, comme le montre l'archaïsme de son

recrutement par « peuples ». Son origine lointaine remontaitpeut-être jusqu'à l'époque mycénienne ; il semble qu'elle aitvécu aussi longtemps que le culte d'Apollon. Elle put se perpétueret prospérer au milieu des situations politiques les plus différentesgrâce à de remarquables facultés d'adaptation. Ferme sur quelquesprincipes, mais souple dans leur application, elle sut se modelersur les événements et assurer sa pérennité à travers les péripétiesde l'Histoire.

C'est ainsi qu'elle maintint immuable, jusqu'à l'époque impériale, le nombre des douze « peuples » qui la composaient. Mais

son intransigeance sur ce point, commandée par le respect d'unelongue tradition ou par quelque impératif religieux, ne l'empêchapoint de consentir aux accommodements que les circonstancesrendaient souhaitables ou nécessaires. Lorsque le synoecisme euttransformé tous les « Ioniens de l'Attique » en citoyens athéniens,elle transféra sans difficulté à la « cité » nouvelle, Athènes, le droitque possédait le « peuple » dont elle était issue de déléguer unhiéromnémon à chaque session du Conseil. Athènes jouissait ainsid'une représentation permanente aux pylées, privilège que nepossédait aucune autre cité amphictionique, sinon Delphes, enversqui le Conseil se montra plus libéral encore. « Cité » phocidienne,

mais propriétaire du sanctuaire pythique, second sanctuairecommun de l'association, Delphes se vit concéder au sein del'Amphictionie une situation exceptionnelle : à dater probablementde la première guerre sacrée, elle fut représentée non seulement,comme les autres « peuples », par deux hiéromnémons, mais encorepar ses neuf prytanes, véritables « fondés de pouvoir » de la citéchargés d'administrer en son nom, conjointement avec le Conseil,puis avec les trésoriers, les finances de l'Amphictionie dont elleassurait la garde dans l'intervalle des sessions. Sparte, de son côté,bénéficia d'une faveur. Établis dans le Sud du Péloponnèse, les

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226 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Spartiates n'étaient nullement, au sens strict du terme, des« amphictions » ; ils firent valoir qu'ils étaient une sorte d'émanatione la Doride, leur métropole, et se virent octroyer par ce biais

le droit d'occuper épisodiquement au Conseil le siège des Doriensde la Métropole. Mais le plus extraordinaire de ces accommodementsut sans nul doute l'attribution à Philippe et à ses descendants des deux sièges de hiéromnémons enlevés aux Phocidiensà l'issue de la troisième guerre sacrée. Ce n'était plus une cité, maisune personne, qui était admise dans ce conseil de « peuples ».

Cette façon pragmatique d'apprivoiser les principes pours'adapter à un état de fait apparaît encore dans le fonctionnementmême du Conseil. En principe, comme le rappelle Eschine, tous leshiéromnémons étaient égaux ; leur vote pesait du même poids,

qu'ils fussent issus d'un État puissant ou d'une obscure bourgade.Mais dans la pratique la Thessalie exerça jusqu'au début dume siècle, avec de rares intermittences, une suprématie que sespartenaires semblent avoir admise, venant d'un vieux peupleamphictionique, avec plus de tolérance ou de résignation que celledes Étoliens, ces intrus. Elle n'en accepta pas moins, nécessitéfaisant loi, l'hégémonie usurpée de l'Étolie, puis, quand son étoileeut pâli, celle de Rome.

Sa capacité d'adaptation se manifesta également quand elle eutà résoudre les problèmes que soulevait la reconstruction du templed'Apollon : elle sut prendre les mesures originales qu'imposait

une situation imprévue, et les modifier à mesure que la situationévoluait. Lorsque la guerre sacrée eut coupé l'Amphictionie endeux camps rivaux, le camp phocidien, maître du sanctuaire etpour un temps chargé d'organiser seul les travaux de reconstruction,omprit qu'il devrait pouvoir présenter, à l'issue des hostilités, devant l'Amphictionie réunifiée, des comptes irréprochableset se soucia en conséquence de perfectionner le système de comptabilité. elui-ci fut encore amélioré par l'institution des trésoriers,créés en principe pour présider à la frappe de la monnaie nouvelle,mais dont la compétence et les méthodes de gestion furent étendues

à l'ensemble des comptes amphictioniques.Pour la reconstruction du temple, l'Amphictionie recevait de

l'argent non seulement de ses membres, mais aussi de tous lesautres Grecs. Sa responsabilité financière était donc panhellénique.Afin de justifier l'emploi des sommes reçues devant l'ensemble desdonateurs, elle décida, pour la première fois semble-t-il, de fairegraver ses comptes sur des stèles de pierre exposées dans lesanctuaire : nous ne possédons en effet aucun compte antérieurà la catastrophe de 373 ou postérieur au milieu du 111e siècle environ, date à partir de laquelle nous n'entendons plus parler des

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DES CHIFFRES INSCRITS EN TOUTES LETTRES 227

trésoriers. Elle publia concurremment les comptes de la reconstructionu temple et ceux de ses entreprises ordinaires, afin quechacun pût constater qu'il n'y avait aucune confusion entre ces

deux chapitres, les dépenses ordinaires étant payées sur les ressources ordinaires de l'Amphictionie, les dépenses de la reconstructionn partie sur les ressources ordinaires et pour la plus grossepart sur les ressources extraordinaires dégagées à cet effet, dontaucune ne devait être détournée à d'autres fins. Mais cettepublicité générale des comptes, publicité exceptionnelle motivéepar l'événement exceptionnel qu'était la reconstruction du temple,ne fu t pas maintenue au-delà de l'achèvement des travaux.

Décidées à publier leurs comptes, Delphes et l'Amphictionie sepréoccupèrent d'éliminer tout risque d'erreur dans la transcription,

en adoptant un système qui fait l'originalité des comptes deDelphes. Dans les comptes analogues que nous ont laissés diversescités grecques, Athènes, Délos, Épidaure, Tégée, Milet, d'autresencore, les sommes encaissées ou dépensées sont habituellementinscrites sous une forme abrégée, au moyen de « signes acro-phoniques », de lettres ayant valeur de chiffres : Ι (εις), Π (πέντε),Δ (δέκα), Η (εκατόν), etc.1. Gain de place sur la pierre, gain de tempspour la gravure, le système est économique, mais il prête à l'erreur :l'omission par le graveur d'un simple X entraîne dans la sommeinscrite une différence de mille drachmes. C'est pourquoi sansdoute Delphes et l'Amphictionie, au ive siècle, firent graver dans

leurs comptes les sommes en toutes lettres, système onéreuxpuisqu'il advenait parfois, dans le cas d'une offrande minime parexemple, que le prix de la gravure excédât le montant de la sommeinscrite, mais système sûr, l'omission d'un mot étant moins probable que l'omission d'un signe. Les trésoriers adopteront aunie siècle seulement la notation par lettres-chiffres, plus rapide etmoins coûteuse2. Mais au ive siècle le désir de rigueur et de clartél'emporte sur toute autre considération. Les erreurs de transcriptionont effectivement très rares sur nos stèles. Quant au contenudes comptes, son exactitude nous est garantie par le contrôle

effectué au printemps de 325, sous Charixénos, et portant surtrente-deux années de comptabilité (20, 20 sq.) : les comptes desnaopes et les comptes de Delphes coïncidaient rigoureusement.

Clairement rédigés, clairement publiés, les comptes avaient étéen outre clairement répartis entre les divers administrateurschargés de gérer les finances du sanctuaire et celles de la recons-

(1) M. N. Tod, ABSA 18 (1911-1912), p. 111-112, et 37 (1938), p. 245.(2) Compte de Dion (247-246 ?) republié par J. Pouilloux, BCH Suppl. IV , p. 103-

123.

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228 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

truction du temple. La comptabilité du ive siècle est organiséed'une façon beaucoup plus logique, et par conséquent beaucoupplus simple, que ne le pensait É. Bourguet.

La comptabilité la plus élémentaire est celle des stèles 19 et 20,tenue par la cité de Delphes ; elle ne contient rien d'autre que laliste des retraits successifs opérés par les naopes sur leur comptecréditeur. Répétons-le encore une fois : ces comptes ne sont pasceux d'une « caisse » où aurait été déposée par avance, en entier,la somme due par les Delphiens au titre de leur contributionforfaitaire spéciale à la reconstruction du temple. C'est un « crédit »que la cité de Delphes alimente, à mesure que les naopes opèrentdes prélèvements, en prenant les sommes nécessaires sur la caissede sa Boula ou encore sur celle d'autres collèges de magistrats, les

« polètes des dîmes » par exemple. Personne, sinon les naopes, nepeut prélever d'argent sur ce crédit exclusivement destiné auxdépenses du temple. La guerre incite les Delphiens à introduireplus de précision dans leurs comptes : ils enregistrent sous unerubrique particulière les sommes versées aux « naopes de guerre »,numérotent les versements qu'ils n'effectuent qu'aux momentsdes pylées entre les mains des προστατεύοντες, et inscrivent le détaildes dépenses payées sur ces fonds. Ils ne se départirent partiellemente cette rigueur qu'une fois la paix revenue, lorsque lesnaopes, sous Archôn, leur donnèrent l'ordre écrit de verser lesfonds également aux naopes de permanence mensuelle, dans

l'intervalle des pylées.Delphes ne tenait pas seulement, comme il est normal, les

comptes de sa contribution particulière ; elle était étroitementassociée à la comptabilité des fonds amphictioniques à laquelleparticipaient, outre ses deux hiéromnémons, puis ses deux trésoriers, les neuf prytanes, soit treize personnes qui la représentaienten permanence au sein de l'administration amphictionique. Cesmagistrats étaient les seuls interlocuteurs que connaissait l'Amphic-tionie chaque fois qu'elle avait à traiter d'une affaire financièreavec la cité. Par leur intermédiaire, celle-ci assurait, en collabora

tionvec le Conseil et les trésoriers, la gestion des fonds amphictioniques.Ces fonds provenaient de deux sources : les recettes ordinaires,

employées pour solder les dépenses normales de l'Amphictionie et,en cas de besoin, la reconstruction du temple ; les recettes extraordinaires, capitation, contributions volontaires, exclusivementréservées à la reconstruction du temple. Recettes ordinaires etextraordinaires font l'objet d'une comptabilité séparée, les secondesétant encaissées, à partir de l'archontat d'Héracleios, par unecommission spéciale de naopes « collecteurs de fonds » nommément

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UNE COMPTABILITÉ AMELIOREE 229

responsables. Les deux catégories de recettes aboutissent à la caisseamphictionique gérée par les hiéromnémons et les prytanes, puispar les prytanes et les trésoriers, suppléants des hiéromnémons.Pour les dépenses, il y a division du travail : l'Amphictionie tientles comptes détaillés des dépenses ordinaires — autres que cellesde la reconstruction —, les naopes ceux des dépenses extraordinairesu'entraînait la reconstruction du temple.

En début d'exercice, les naopes disposent de la somme provisionnelle globale que leur versent les Amphictions (en la prélevantessentiellement sur les recettes extraordinaires, spécialementdestinées à la reconstruction) à laquelle s'ajoutent le reliquatéventuel de l'exercice précédent (déposé auprès de la cité deDelphes) et les sommes qu'ils retirent, en cas de besoin, sur leur

compte créditeur. Ce système a le double avantage de simplifierla comptabilité des Amphictions (ils n'ont à inscrire dans leurscomptes que des versements aux naopes arrondis au demi-talent)et d'assurer les naopes qu'ils ne manqueront jamais d'argent auxéchéances : si la somme provisionnelle reçue de l'Amphictionie nesuffit pas, le compte créditeur fournit l'appoint nécessaire. Lescomptes des naopes étaient, comme il se doit, semestriels, datésselon les pylées d'automne et de printemps. Dans les années quisuivirent la guerre sacrée, lors de la mise en recouvrement de la« quatrième obole », ils innovèrent en ajoutant à la mention de

l'archonte et de la session le numéro de la pylée (31e, 35e pylée),qui permettait d'établir commodément le rapport entre la comptabilité ecettes et la comptabilité dépenses d'une pylée donnée.

L'institution des trésoriers, motivée par la frappe de la monnaieamphictionique, mais qui survécut à l'échec de cette initiativeéconomiquement ruineuse, marque encore un progrès vers plus declarté et de rigueur dans la comptabilité amphictionique. L'habitude e faire précéder et suivre chaque exercice financier d'unebalance des comptes gravée sur la même stèle que les dépenses,la gravure de comptes récapitulatifs simplifiés, έγ κεφαλαίους, fontde cette comptabilité un modèle de limpidité. Nommés probable

mentour quatre années, les trésoriers ne jugèrent pas nécessairede recopier, en tête des comptes de chaque pylée leurs vingt-quatrenoms à côté de ceux des neuf prytanes : il suffisait de renvoyerle lecteur à la stèle où avaient été gravés leurs noms en débutd'exercice. En revanche, comme en raison du délai écoulé depuisla fondation de leur collège, en raison peut-être aussi d'un absentéisme qu'expliquait la longueur des travaux, quelque désordresemble s'être introduit dans les rangs des naopes, les trésoriersprirent l'habitude — inaugurée par le Conseil amphictioniqueen 339 — d'inscrire à chaque pylée dans leurs comptes les noms de

16

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230 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

tous les naopes concernés par les versements de fonds. Ce quialourdit considérablement la rédaction des comptes.

Ce bref rappel de ce que furent les comptes de Delphes aura

montré, je l'espère, la logique de leur organisation, la clarté deleur rédaction, l'habileté avec laquelle Delphes et l'Amphictioniesurmontèrent les difficultés qu'accumulaient sur leur chemin lecaractère international et panhellènique de l'entreprise, la nécessitéd'imposer aux États un plan de financement contraire à leurshabitudes et prolongé sur de longues années, la guerre intervenuequand la reconstruction était en cours. Certes, la tâche accomplieen commun avait un caractère avant tout religieux qui pouvaitfaire passer au second plan les préoccupations politiques et lessusceptibilités nationales. Mais on se prend à penser, en considé

rant'organisation harmonieuse de cette administration communautaire, que la Grèce avait les moyens de s'organiser en unestructure fédérale. Si les grandes cités, dominant leur particularisme,vaient consenti à les employer, leur destin en eût sansaucun doute été changé.

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ANNEXES

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Annexe I

CHRONOLOGIE DES ARCHONTES DU

ÉTAT ACTUEL

IV* SIÈCLE

(selon la Chronologie delphique de G. Daux [1943] mise à jourd'après les travaux les plus récents cités en référence)

Daux

C 1C2G3

(C 3bl")G4

C5C6C 7G8C9G 10

Années

362-1361-0360-59359-8358-7

357-6356-5355-4354-3353-2352-1

[Interruption

G 11

C 12G 13f

G 14C 15G 16G 17

(C 17bls)C 18

(C 18bi*)(C 18*er)

346-5

345-4

344-3343-2342-1341-0

340-39339-8

338-7337-6

Archontes

AnticharesAeschylosMnasimachos

XArgilios

HéracleiosAristoxénosHiérinosNiconAutiasTeucharis

, due à la guerre

Damoxénos

Archôn

CléonChairolasPeithagorasAristonymos

XPalaios

XX

Observations

11e pylée

21e pylée

Références

BCH 1957, p. 39Ibid.

BCH 1949, p. 192-193

Ibid., p. 192-199

, de la liste des archontes sur 19]

Paix. Philippemembre de

l'Amphictionie

Archontattant.

1er paiement pho-cidien.

Arrêt momentanéde 18-20.

Chéronée. Entréeen charge destrésoriers.

(Sarpadon ?)Mort de Philippe.

BCH Suppl. IV,p. 67-69 ; 82-83.

Ibid.

BCH Suppl. IV,p. 83-88.

Ibid., p. 84 n. 68.Ibid., p. 79-83.

BCH 1957, p. 492.

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234 CHRONOLOGIE DES ARCHONTES DU IVe SIECLE

Daux

C 21

(G 21 "s)C20C22

(G 22 bis)(C 22*er)C23C24G 25G 26

C27F 14

G 29D 1

D 2D 3D 4D 5

D 6D 7D 8D 9

Années

336-5

335-4334-3333-2332-1331-0330-29329-8328-7327-6

326-5325-4

324-3323-2

322-1321-0320-19319-8

318-7317-6316-5315-4

Archontes

Dion

XDamocharèsDamocratès

X(Thy)méasLykinosBathyllosThéolytosCaphis

GharixénosAchaiménès

Théon(?) Éribas

(?) Pleistôn(?) Ëvarchidas(?) Eucritos(?) Gléoboulos

(?) Ménaichmos(?) Thoïniôn(?) Lysôn(?) Maimalos

Observations

(Ornichidas ?)

(Ornichidas ?)

Réouverture de19-20.

Mort d'Alexandre.Annulation demende phocidien-ne (?)

Fin de la stèle 20.

Références

BCH 1949, p. 229sq.

Ibid., p. 207 n. 6.

Ibid., p. 207 n. 6.Ibid., p. 229 sq.

Class. Rev. 1958,p. 108.

BCH 1951, p. 271-274; 1977, p. 133-145.Ibid.

N.B. L'ordre de succession des archontes C 1 à G 10 , attesté par 19,est sûr, les dates absolues presque sûres grâce au synchronisme de l'archontatd'Héracleios et du début de la troisième guerre sacrée. L'ordre et les datesabsolus de G 11 à C 18 peuvent être tenus pour certains ; de même C 26à G 29. Entre C 18 et C 26 ils sont seulement probables. De D 1 à D 9,l'ordre de succession est garanti par 20, mais les dates absolues dépendent

de celle que l'on assigne à Éribas, en tête de la série : celle-ci est incertaine.Sous l'archontat d'Ornichidas, les Phocidiens effectuent un versementde leur amende (somme incertaine) : Ornichidas est donc antérieur à Éribas(D 1) ; ce versement est remis « aux trésoriers » (Syll.3, 233) : il est doncpostérieur à Palaios (C 18). A l'intérieur de cette fourchette restent disponibles les intervalles entre Palaios (C 18) et Dion (C 21), entre Dion (G 21)et Damocharès (G 20), entre Damocratès (C 22) et (Thy)méas (C 22ter),et peut-être, s'il y en avait un, entre Théon (C 29) et Éribas (D 1). Cf .BCH 1949, p. 207 n. 6. On ne possède aucune donnée précise pour lesarchontes antérieurs à Antichares ou postérieurs à Maimalos.

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Annexe II

LE CALENDRIER DE DELPHES1

1. Apellaios

2. Boucatios

3. Boathoos |

4. Héraios |œ5. Daïdaphorios "f/Js

6. Poïtropios s" °

7. Amalios

8. Bysios r=

9. Théoxénios

10. Endyspoïtropios §*

11. Héracleios ^j-g12. Ilaios ||*

1. Apellaios

2. Boucatios J

L'année civile de Delphes commence en Apellaios, à la nouvelleune qui suit le solstice de juin (soit en juin, soit en juillet) et seivise en deux semestres (πρώτη et δευτέρα εξάμηνος). L'annéemphictionique commence dans le courant de Boucatios (cf.i-dessus p. 179) et se divise en deux pylées semestrielles (οπωρινήt εαρινή πυλαία) décalées d'un peu plus d'un mois par rapport auxemestres delphiques. Le mois intercalaire (Ποιτρόπιος ο δεύτερος)'insère entre Poïtropios et Amalios, à la jonction des deux semestreselphiques.

(1) Allen E. Samuel, Greek and Roman Chronology, p. 70-74. L'auteur ne distinguepas hexaménies delphiques et pylées amhictioniques.

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Annexe III

SYSTÈME MONÉTAIRE DE DELPHES

Comme beaucoup de petites cités grecques, Delphes n'a frappéque des monnaies divisionnaires de bronze et, une seule fois dansson histoire, vers 478, des monnaies d'argent, les didrachmes ettridrachmes aux rhytons (AJA 64 [1960], p. 186 ; belles repro

ductions dans P. R. Franke et M. Hirmer, Die Griechische Münze,p. 102 sq. ; d'où G. Roux, Delphes, pi. 11, n. 19-20, et p. 225-226).Les monnaies d'argent au type d'Apollon assis et Demeter voilée,émises vers 338, sont amphictioniques, non delphiques (P. R.Franke et M. Hirmer, /. /., p. 103 ; G. Roux, / /., pi. 30 n. 54-55 etp. 233).

Le système monétaire utilisé dans les comptes est conforme àl'étalon éginétique. Le rapport des valeurs est le suivant :

χ collyboï = 1 chalque (M. N. Tod, Num. Chron. 1945, p. 114-115)

12 chalques = 1 obole (M. N. Tod, ibid., 1946, p. 59)oboles = 1 drachme

2 drachmes = 1 statère35 statères = 1 mine (Th. Reinach, BCH 20 [1896], p. 251-256 ;

51 [1927], p. 171-173)60 mines = 1 talent.

La mine vaut exceptionnellement 35 statères, et non 30, afinde faciliter la conversion des monnaies attiques et éginétiques.Ainsi, une mine (de 35 statères, soit 70 drachmes éginétiques)vaut 100 drachmes attiques.

Dans les comptes du ive siècle, les chiffres sont inscrits entoutes lettres, à l'exception de quelques endroits d'une « stèle delocations et fermages» (J. Bousquet, BCH 66-67 [1942-1943],p. 119-120, col. I, 1. 4, 8, 10; col. II, 1. 5, 9, 10 ) où le lapicide,faute de place en fin de ligne, a employé des symboles acropho-niques (M. N. Tod, Num. Chron. 1945, p. 114-116). Sur la raretéde tels symboles à Delphes, cf. M. N. Tod, ABSA 18 (1911-1912),p. 110-111 et 37 (1938), p. 245. Voir, en dernier lieu, R. Bogaert,Banques et banquiers dans les cités grecques, p. 106-116, avec bibliographie.

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Annexe IV

FD, III 5. BIBLIOGRAPHIE ÉPIGRAPHIQUE

Je donne ici les références aux articles dans lesquels sont corrigées oucomplétées les lectures et les restitutions des inscriptions publiées parÉ. Bourguet en 1932. Elles pourront rendre quelque service aux utilisateursdu fascicule 5 des FD III, en attendant que paraisse le tome du Corpusdes Inscriptions de Delphes qui doit le remplacer.

1) Liste des contributions à la reconstruction du temple : capitation (όβολός) ET CONTRIBUTIONS LIBRES (έπαρχου).

4 (+inv. 6734)56 B, l. 27

8 col. I, l. 12 ; col. II, /. 49 col. II B, /. 1410 et 1112

Ajouter :Inv. 6706, 6707, 6708lnv. 6740 (compte d'Antichares)Inv. 7026 (compte d'Héracleios)Inv. 6372, etc. (comptes de Pei-

thagoras et Aristonymos)Inv. 7659-7661 (compte d'Achai-

ménès)

Fragments inv. 6373, 6374

BCH 1942-43, p. 94-97BCH 1942-43, p. 105 n. 4 ; 107REG 1968, Bull, épigr. n° 601BCH 1942-43, p. 107

BCH 1942-43, p. 107-108BCH 1942-43, p. 109-110BCH 1942-43, p. 110BCH 1942-43, p. 111

BCH 1942-43, p. 97-101BCH 1942-43, p. 84-94BCH 1949, p. 177-200

BCH 1942-43, p. 101-106

BCH 1960, p. 459-466 ; Mil. Daux, p. 21-

32BCH 1938, p. 356

2) Versements de l'amende phocidienne.

14 BCH 1949, p. 202-205 ; I960., p. 467

3) Locations et fermages.

Ajouter à 15-18 inv. 7005 BCH 1942-43, p. 119-122 ; Num. Chron.1945, p. 114-116 (symboles acropho-niques)

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238 BIBLIOGRAPHIE EPIGRAPHIQUE

4) Comptes du Conseil de Delphes (sur calcaire).

19, l. 7 BCH 1949, p. 179 n. 5 ; 1957, p. 55l. 30 BCH 1960, p. 483-484l. 95-103 BCH 1960, p. 484

20, L 30-36 BCH 1951, p. 277-278 ; 1960, p. 482-483L 43 BCH 1957, p. 107 ; 1960, p. 462l. 44 BCH 1960, p. 462L 48 BCH 1957, p. 488-489 ; 1960, p. 462, 483

5) Comptes du Conseil amphictionique et des prytanes (sur marbre).

21, /. 2, 7 BCH 1949, p. 206-209 ; 1960, p. 468 ;Suppl. IV, p. 84 n. 68

22 BCH 1949, p. 205-206 ; Suppl. IV, p. 84Ajouter inv. 6761 BCH 1942-43, p. 11 1

6) Comptes des naopes.

23, col. I L 21+11 /. 1 BCH Suppl. IV, p. 89col. I l. [72-73] BCH Suppl. IV, p. 89col. II /. 31 BCH Suppl. IV, p. 77-78 ; 88 n. 1

25, col. I A L 31-32 BCH 1956, p. 32 n. 1col. Ι Β L 4 sq. BCH Suppl. IV, p. 99-100

25 ΠΙ Β RA 1966, p. 287, 295-296 ; BCH Suppl.IV, p. 96-97

38 + 26 BCH Suppl. IV, p. 97-9926, col. Ι Β Ζ. 4-5 BCH 1956, p. 507-51129 ci-dessus p. 11 1

36 BCH Suppl. IV, p. 91-9638 Cf. 2639 + 40 (+44 + inv. 7499 ?) BCH Suppl. IV, p. 100 n. 2441, col. II /. 13-16 BCH Suppl. IV, p. 88 n. 1 ; p. 10044 + inv. 7499 BCH Suppl. IV, p. 100-101Ajouter inv. 7033 BCH 1951, p. 301-304

7) Comptes des trésoriers et des prytanes de Delphes.

Chacun de ces comptes a été relu et complété par P. de La Coste-Messelière, « Listes amphictioniques du ive siècle », BCH 73 (1949), p. 201-247, et « Listes delphiques du ive siècle » BCH 84 (1960), p. 467-484. A cesdeux articles essentiels on ajoutera :48 + 63 BCH Suppl. IV, p. 113 n. 549 BCH 1952, p. 32-6057 Β L 3 BCH 1956, p. 32 n. 158 BCH 1941-43, p. 115-11961 + 76 BCH 1951, p. 264-301 ; 1977, p. 134-14367, 68 BCH 1952, p. 50-5180 BCH 1949, p. 257-258 ; L. Robert, Hel-

lenica XI-XII, 1960, p. 75 sq.Ajouter inv. 6345 (?) et 6192 BCH 1938, p. 356

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Annexe V

LE DÉCRET IG, I\ 26

(PL I)

Athènes, Musée épigraphique. Inv. EM 6807. Angle supérieurdroit d'une stèle de marbre trouvée sur le versant Sud de l'Acropole.Brisée en bas et à gauche ; arête verticale droite endommagée.Ht. 0,29 m ; larg. 0,26 m ; ép. 0,07 m. Stoichedon ; carré de 0,018 mχ 0,017 m (pi. I).

M. N. Tod, Greek Hist. Inscr. I, 39; Β. D. Meritt, AJPh. 69 (1948),p. 312-314 {SEG X, 18) ; A. Wilhelm, Mnemosyne, 1949, p. 286-293 ;I. Calabi, Parola del Passato 4 (1949), p. 250-254.

['Έδοχσεν τει βο]λει και το [ι δέμ-]2 [οι. ..ντις έπρ]υτάνευε, Αί[...]

[ . . . . έγραμμάτ]ευε, Μένυλλ[ος έ-]4 [πεστάτε ]ίες είπε * χσ[υνθ-]

[ χ]συνμαχίαν [. . . ]6 [ ] Πυλαίας ΑΠΑ[..]

[ ]ι τοις ΑΜΦΙ['. ..]8 [ μέ]τεσστιν το /ι[ιε-]

[ρδ καθ' /ιιερδν ό]μόσαντας ΕΝ[..]10 [ νέ τ]όν Άπόλλο [κα-]

[ί τέν Αετο και τέν] "Αρτεμιν Ε[..]12 [ α]ύτοϊς έπαρ[ . ]

[ ] NOMEN <ρσέ[φι-]14 [σμα ] ΤΡΙΟΝΙ[.'.][ ] ες Πυλ[αί-]

16 [αν (?) ] φισ[..]

L. 2 : Αίαντίς ou Λεοντίς. L. 4-5 : χσ[υνθέκας έναι και χ]συνμαχίαν, Kouma-noudis, Meritt ; χσ[υνθέσθαΐ. μέν τέν χ[συνμαχίαν, KirchhofT, Wilhelm. L. 5-6[πρ6|ς Φοκέας, τες δέΐ Πυλαίας, Tod [τοις μετέχοσι τες] Πυλαίας, Meritt ; [κατάΛα Λοι άπό τες] Πυλαίας άπαγγέλοσι Λάπασ]ΐ τοϊς Άμφι[κτίοσι. . .] Wilhelm.

Les divergences entre les restitutions proposées par les diverséditeurs montrent qu'en l'état de la pierre il est vain de vouloir

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240 le décret IG, I2, 26

restituer le texte du décret. Les critiques adressées par Wilhelmà Meritt sont opposables à ses propres restitutions, encore que sontexte apparaisse meilleur et « d'un excellent mouvement » ( J. et

L. Robert, BEG 1951, Bull. n° 67). Une expression comme/lot άπο τες Πυλαίας me paraît être « ohne Beispiel » dans la littérature mphictionique, et la restitution τοις Άμφικτίοσι, 1. 7, quisemble aller de soi dans ce contexte, s'accorde mal avec l'aspectde la pierre : un κ devrait avoir laissé sa trace après le I. Or on nevoit rien sur le marbre. Il faut plus probablement lire τοις άμφίsuivi d'un nom propre commençant par un T, un Τ ou un Y. Deplus, οι Άμφικτίονες οίσπερ μέτεστι του ίεροΰ serait une redondance, sinon un pléonasme, peu vraisemblable à la date de l'inscription. En revanche, 1. 12 έπαρ[ομένος] (Meritt, Wilhelm) paraît

trèsplausible dans

la formule d'imprécationattendue

à cetendroit.

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Illustration non autorisée à la diffusion

Planche I

Décret IG, Ρ, 26 (cliché du Musée épigraphique d'Athènes).

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Annexe VI

TABLEAU DES NAOPES DU IV* SIÈCLE

Abréviations :

A = άργυρολογέοντες (collecteurs de fonds)

Ε = έπιμηνιεύοντες (de permanence mensuelle)Ρ = προστατεύοντες (présidents de séance)

Notes.

1. Pharsale2. Pharsale3. Thèbes4. Athènes5. Athènes6. Athènes7. Argos8. Argos9. Argos

10. Argos11. Argos12 . Argos13. Argos

14. Argos

15 . Argos

16. Corinthe17 . Corinthe

18. Corinthe19. Sparte20. Sparte21. Sparte22 . Sparte23 . Sparte24 . Sparte

Molyson, Hippodamos, Daimonios (58 I, 16, 19, 33).Molyson, Hippodamos, Daimonios {BCH 1951, 268-269, l. 15, 19, 20-2).Teilen, Proclès, Philippos (19, 74-75).Euctémon, Pythodoros, Euthycratès (48 I, 13, 14).Pythodoros, Épitélès, Théophron (20, 33).Épitélès, Théophron, Pythodoros {BCH 1951, 268-269, L 24-26).Alcimachos, Noion, Phillis, Micion (20, 77).

Sodamos, Xénophantos, Gapson (47 I, 72-74).Xénophaon, Noion, Micion, Phillis (49 II, 43-44).Sodamos, Xénophantos, Polycratès, Gapson (50 II, 21-23).Xénophaon, Phillis, Polycratès (48 I, 17-19).Philis, Polycratès, Noion (57 B, 12).Philis, Polycratès, Noion, Phillis, Alcimachos, Micion, Daimachos,

Ormasilas, Deinias (58, 22-23, 27-28, 33-35).Polycratès, Ormasilas, Noion, Deinias, Philis, Phillis (20, 34-35 ;

BCH 1960, p. 482).Phillis, Polycratès, Noion, Philis, Alcimachos, Micion, Daimachos,Ormasilas, Deinias (61 II B, 27-32 ; BCH 1951, p. 268-269, /. 27-32).Soïdas, Callisthénès, Sodamos (48 I, 16-18).Soldas, Callisthénès, Androclès (58, 23-24, 32).

Somestor, Callisthénès, Androclès (61 II B, 32-34 ; BCH 1951, p. 268-269, L 32-34).Diaiclès, Érasis, Cléosiménès (19, 75-76).Laonicos, Pratonicos, Endon {BCH 1960, p. 478, l. 31-33).Acratidas, Laonicos, Pratonicos, Cyloïdas (48, 20-22).Laonicos, Trachalos, Acratidas, Cyloïdas, Pratonicos (57 B, 15-16).Laonicos, Trachalos, Acratidas, Cyloïdas, Pratonicos (58, 26-27).Laonicos, Trachalos, Acratidas, Cyloïdas (61 II B, 34-35 ; BCH 1951,

p. 268-269, l. 34-35).

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TABLEAU DES Ν A OPES AU IV SIÈCLE

a-

P-

P-P

Archontes

Héracléios

Aristoxénos

Hiérinos

NiconAutias

Teucharis-

à

p-,

-

-

-P

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

--

-

-

-

-

-

-

-

Daninos

Archon

Cléon

Chairolas

Aristonymos

?

Dion

D amoc h arèsD amorra tès

.

(Thy)méas

Lyrin o s

Bn thy llo s

Th éo lyto s

Caphis

Charixènos

Aeh a imén ès

Îhéon

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-' v-u-cbidas

-' Cléobonlo<

. nom|nn

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- ■ Maimaln-

Pharsale L a ris s a Gyrton

ÊVAEON P

ÊVAEON ΛI ÎVAKON A

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DIOCI.EsDIOC1.ÈS

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NOTE SUR LES PRYTANES DE DELPHES

Ce livre était rédigé lorsqu'à paru dans le BCH 101 (1977), p.133 sq., un article de P. Marchetti sur les comptes de Théon etde Caphis, que terminent des considérations sur « les prytanes de

Delphes dans leurs fonctions d'agents comptables » (p . 160-164),lesquelles, selon l'auteur, « paraissent compromettre les résultatsde l'étude de G. Roux» (dans BCH 94 [1970], p. 117-132; cf.ci-dessus p. 77 sq.).

D'après P. Marchetti, les prytanes de Delphes rempliraient lesfonctions « d'agents comptables », non pas « agents comptables »des comptes amphictioniques (dans lesquels pourtant leurs nomssont toujours inscrits au complet, avant même ceux des hiéromné-mons), mais «agents comptables» de la ville de Delphes, intervenant dans la rédaction du compte 19-20 (or ce compte créditeur

des naopes qui, en 208 lignes, couvre une période de près d'undemi-siècle ne cite pas un seul nom de prytane). En somme, nousdevrions admettre que les prytanes ne géraient pas les comptesdans lesquels ils apparaissent, et géraient les comptes dans lesquelsils n'apparaissent pas.

Cette opinion paradoxale contraint l'auteur à déceler, faute demieux, une « présence implicite » des prytanes dans le compte 19-20et à justifier leur étrange anonymat, insolite pour des magistratschargés de manier des fonds, en réduisant ces premiers magistratsde la cité (dont le collège est énuméré avant tous les autres aussibien dans les décrets de Delphes que dans les comptes de l'Amphic-

tionie) aux fonctions subalternes d'« agents comptables » de laBoula, chargés de la « routine des opérations », tandis que la Boulaen aurait assumé « la responsabilité ». D'où l'absence des prytanesà la séance de vérification des comptes (qui seraient donc leurspropres comptes), sous Charixénos, en 325, séance où ils n'avaientpas à paraître, nous dit P. Marchetti, puisque la Boula était responsable leur place. D'ailleurs étaient-ils si absents que cela ? «Quoiqu'en pense G. Roux, leur absence absolue en cette circonstanceest loin d'être prouvée ». En tout état de cause, leur anonymatn'est pas plus surprenant, nous dit-on, que celui des trésoriers qui,

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244 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

dans leurs comptes, «n'apparaissent jamais dans leurs fonctionsd'agents financiers autrement que comme sujet sous-entendu duverbe έδώκαμες ou lors des récapitulations introduites par ces mots,

έλείπετο τοις ταμιαΐς, type de formule qui fait défaut justementdans les stèles 19 et 20». Telle est, succinctement résumée, la thèsede P. Marchetti. Il y a été en partie répondu dans les pages quiprécèdent. Je me bornerai à quelques observations.

1) Reconnaître, pour les besoins de la cause, la présence « implicite des prytanes dans le compte 19-20 est une suppositiongratuite, à laquelle n'est apportée aucun début de justification.

2) Le parallèle invoqué avec les trésoriers est un faux parallèle.Outre que leur titre de trésoriers suffit à préciser leurs fonctions,les expressions répétées παρέλαβον οι ταμιαί, γραμματεΐ των ταμιών,

λοιπόν (έλείπετο) τοις ταμιαΐς ne laissent planer aucun doute surl'identité des responsables des comptes. Comme le constateP. Marchetti, ce type de formule fait défaut « justement » dans lecompte 19-20. Quant au sujet sous-entendu du verbe έδώκαμες,à la non inscription des membres du collège en tête de chaquecompte des trésoriers, cf . ci-dessus p. 91 n. 1 et 99, 123 n. 2. Lesprytanes sont toujours nommément désignés dans tous les comptesde l'Amphictionie dont ils ont la charge : pourquoi ce subitanonymat dans le compte de Delphes, justement, s'ils en étaientles rédacteurs ?

3) Quoi qu'en dise P. Marchetti, « absolue » ou non, l'absencedes prytanes à la séance où étaient vérifiés les comptes dont ilsauraient été les « agents comptables » serait contraire à l'usageconstant des Anciens en matière de reddition de comptes. Qui tientles comptes en est responsable, « et personnellement, pour ses actespropres, et collectivement, pour les actes de son collège » (Eschine).En ces circonstances, la responsabilité ne se délègue pas : uneprésence « implicite » ne saurait suffire pour un contrôle financier.

4) D'ailleurs si les prytanes n'étaient que des « agents comptablesagissant sous couvert de la Boula, pourquoi les prytanes

eux-mêmes font-ils constater par l'Ecclésia de Delphes (20, 57-60)qu'ils ont reçu 30 mines du collège précédent, qui lui-même lestient... de la Boula, laquelle aurait donc puisé ces 30 mines dansla caisse gérée par les prytanes pour les donner... aux prytanes ?Étrange opération circulaire, que l'on aimerait voir expliquée.

5) En fait, toute la construction de P. Marchetti a pour pointde départ un passage du compte de Gaphis (58, 6) où les trésoriersdéclarent avoir emprunté 190 dariques παρά των πρυτανίων. Ildéduit de cette simple formule : a) que les prytanes géraient unecaisse à eux ; b) que cette caisse était delphique ; c) que la comp-

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LES PRYTANES « AGENTS COMPTABLES » ? 245

tabilité de cette caisse est représentée par le compte 19-20. Autantd'extrapolations purement hypothétiques, et même contradictoiresvec la thèse soutenue par l'auteur.

Voici en effet de simples « agents comptables » tenant unecomptabilité dont la Boula, nous dit-on, est « responsable », et quisoudain, sortant de l'anonymat où ils accomplissaient obscurément« la routine des opérations », accordent un prêt aux trésoriersamphictioniques, ou plutôt en assument la « responsabilité ». Quiplus est, ce prêt de 190 dariques, ils le prélèveraient sur le compte19-20, compte alimenté exclusivement par la cité de Delphes, àl'intention des seuls naopes, en vue de payer les seules dépenses dutemple, qui étaient payées en monnaies grecques exclusivement.Que viendraient faire, sur ce compte, des dariques dont les usagers

du compte n'avaient pas l'emploi ?6) Quant à la formule παρά των πρυτανίων, elle ne saurait prou

ver elle seule que les prytanes géraient une caisse particulièreni que cette caisse était delphique. Les prytanes sont les intermédiaires bligés entre l'Amphictionie et la cité de Delphes qu'ilsreprésentent (cf. ci-dessus p. 89-92). Tout prêt, tout empruntcontracté auprès de la cité ne peut l'être que par le canal desprytanes. S'il ne s'agissait que d'humbles « agents comptables »,les trésoriers ne diraient-ils pas plutôt qu'ils ont contracté leuremprunt παρά τάς βούλας, τας πόλεως των Δελφών, inscrivant ainsi

dans le compte le nom des vrais « responsables », seuls nommésdans le compte 19-20 ?

Beaucoup de questions restent donc sans réponse. En fait, autantles pages que P. Marchetti consacre au début de son article auxcomptes de Théon et de Caphis sont intéressantes et sérieusementdocumentées, autant le codicille sur « les prytanes dans leursfonctions d'agents comptables » paraîtra peu convaincant aulecteur familiarisé avec les institutions de Delphes et de l'Amphictionie.

17

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INDEX DES INSCRIPTIONS

II 1,

III 2,

III 3,

III 4,

A) Fouilles de

83 , 1. 1321229 4 II, 1. 13-14

294 VI, 1. 3-429 4 VI, 1. 10-1129 535 840 0479, 1. 1148 6 Ι Β, 1. 957 8 II68 , 1. 3 sq.

1. 91. 66ι. 65-66

69 , 1. 189 , 1. 15139161, 1. 1-3

1. 4-51. 25

165, 1. 61 et 47181184185, 190, 20 3214, 1. 15

1. 15-16; 28

Delphes

355837

41

25

58 ; 208

4sq.

1. 30-32; 32-34 25; 52238239295383 1. 342838 à 4247 , I. 461 , 1. 1 ; 63 1. 28327 6 à 28427 727 7 A

21 0

573676

627669

; 66η. 5; 58

7522

; 5i21265040

755151

; 2626268557

η. 158

η. 210

η. 38886267568226868

η. 2922752

III 4, 28 0 Β, 1. 29-30 ; 30-3128428 528 6302 II, 1. 1-5

359, 1. 51. 30359, 1. 4236 5 7 η. 236 747 2

III 5, 1 à 135 à 93 I, 1. 1 sq. 147

1. 20-231. 40-471. 51-54; 57-601. 67-77

1. 73-793 Π, 1. 1 sq. 141 ;1. 14-22; 25-291. 62

3 III, 1. 13-304 Π, 1. 1-3

1. 8 sq. ; 21 sq.1. 15-30

4 III, 1. 185 1. 106 A, 1. 1-7; 6 Β 1. 4β Β, 1. 10-257 1. 2

1. 158 Ι, 1. 8-118 Π, 1. 109 Ι, 1. 3-4

1. 5-109 Ι, 1. 14-219 II Β, 1. 5 sq.10 , Ι. 1-18

5689 η. 1

134 η. 3638

371358

; 26; 3613 η. 3

63147

114 η. 1; 159-161

163162163163

162147; 163163162163163148163163162163162161

16216216216316116216116 2

14 167 ; 168-172; 19 014 Ι, 1. 27-2814 Π, 1. 3-4

1. 20-21

167 η. 282

169

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248 L'AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D?APOLLON

III 5, 15 ,1516 ,

1719

19,

20

20 ,

1. 5, 16à 181. 28 , 36

1. 3, 18,1. 2, 10,71 ;139154

1. 1-70]. 1-301. 1-5

1. 6-71. 71. 9

1. 111. 31-701. 311. 33-361. 391. 401. 42-441. 48-491. 521. 56-571. 59, 641. 71-1071. 71-79

1. 74-751. 761. 80-831. 821. 83 sq.1. 841. 851. 86-88]. 90-911. 92-931. 94 sq.1. 95-97

3557

49 , 60 35 ; 49

49, 64 4926 , 37 35 ; 49104; 112; 118; 120;; 141; 146; 153;; 172-187 ; 197 ; 233-

234; 243-244176; 22 3

180-18183 ; 109; 115; 118;

177-178119

115 n. 139

100181-182109

100; 103113

208 n. 1112-113

111 ; 11740 n. 2

11740 n. 2

176; 182-184; 20 4100; 104

103; 106; 122; 165;1677

193112

197-198178

7; 11220 5

40; 118; 178119197

155; 200; 213; 2221. 104-107 119; 155; 179;

1. 105183; 20042; 119

71 ; 104; 112; 120; 139;141 ;

1. 7-191. 81. 9-111. 10-111. 141. 15-20

172-187; 197; 233-23 4 ; 243-244

73; 155; 182-1847

15520040

73; 118; 176

21

21 ,22

22 ,

23

23

23

1. 181. 20-101

1. 251. 26-291. 30-371. 311. 32

19273; 74; 78;

184-187

72; 74; 7571100; 106

122104

1. 33-34 101 ; 104; 107; 1091. 391. 431. 461. 50-1011. 51-591. 55-591. 58-60

1. 88-9591 n. 1

1. 1491 n. 2

1. 61. 11 sq.1. 131. 191. 281. 291. 31-33

1. 481. 52-571. 57-601. 611. 62-641. 67, 68

193 sq.

I, 1. 1-51. 9-161. 21 sq.1. 22-35

]]

. 26-31

. 38-48

. 41-42

. 45-55

. 49-51. 52. 55-58. 59. 61-64. 64-66. 65

II, 1. 91. 15-17

1115

2166; 78; 185-187

7881 ; 17466; 71

86-92 ; 174; 122 ; 127 ; 142 ;174; 188-193

90; 122; 122 ; 127 ; 142 ;

174; 188-19390; 189

87822890

19 0168; 190

3438; 57; 19 038375737

; 194 fig. 1 ; 195fig. 2 ; 199 ; 22 3

153 ; 182 ; 20 4182; 193

19420 4

112 ; 11 9200; 20 4

21 320 4

117 ; 193112; 20 4

11 9113

111 ; 20 499; 109 n. 1; 204

91 n. 1111

198 ; 20 5

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INDEX DES INSCRIPTIONS 249

Ill 5, 23

2425

2525

25

25

2525

25

26

26

2626

27

2727282930

II, . 18-21 111 ;. 22-25; 31. 34-38. 39-40 99 ; 109. 38-44 99 ; 20 0 ;. 46-48. 52

I. 53-551. 57 sq. 116; 205;1. 56-65I. 65

193 ; 195 fig. 2 ;I, II, III A 155, 195 fig

20 3 ; 22 2 ;I A, 1. 12-15, 15-24 20 3 ;I B, 1. 15-19

II A,

II B,

1. 5-13 139;1. 131. 17-201. 20-231. 221. 2-31. 5-1414-21

ΓΙΙ A, 1. 10-17 216;III Β 155 et η. 1 ;

210; 222;III Β, 1. 3-6 148;

1. 5-6 152;116 η. 2; 155; 195 fig199 ; 201-203 ; 22 2 ;

I A, 1

I B, 1

. 7-9 148;

. 10-15 21 4

. 20-30

. 30-33 201 ;

. 33

. 33-34

. 33-44

. 34-36 213;

. 4-5II A, 1. 38-39

1. 45-47

119198119

n. 120420511215521820791

196.2;224220117

22 311711911715521 620 721 721 7

199;22 420 0154

-.2;22 415 2

n. 120 721 721 421 520 021 521 621 5

119116 n. 2; 155; 195 flg. 2;199; 201-203; 222;

I, 1. 5-15, 15-24, 24-31III, 1. 5-15

, 1. 2-3 127

32+35323335

I, 1. 8-12 217 ; 218; 21 9

217; 21 8 ; 21 9

22 420 720 722 3n. 222 421 8

;22322 422 3

36

3738

38 ,

39 ,

404141 ,

108 n. 2;n. 5; 210;

117; 199; 20 0221 ; 22 3 ; 22 4

119; 124155 ; 195 flg. 2 ; 199 ; 20 3 ;

. 3-9

. 4-6

.3-199-20

. 20I. (I. <

I.41 III,

42 ,; 

43 1

1. '1. f

3 et 8Ml

14-161.3-7; 7-14

1. 7-81-83-11

. 2645+4647

47 I

47

48

48

, ι11I1

1111111

]

n,

I,

II.

42 ; 46 ; 91122 η. 1 ;

. 2

. 9-10

. 11-12

. 13-14

. 15-16

. 16-17. 17-19. 23-25. 31. 43. 45. 54-55. 60-65. 64. 66-68. 771. 17-191. 27-28

1. 77-78. 5. 6-7. 6-22. 7. 10-11. 12. 13 sq.

I. 23i. 43-441. 46-471. 2-4

212; 22 220 021 3

112; 119117155

218-219 ; 223218

218-219 ; 223224161

211 ; 213; 219

11 0119; 22411 7214224

η. 2; 121-123;127; 142; 171 ;

188-19313355

12 391 η. 1

13

12 6125 ; 12889 η. 1

133122

5 η. 112 3

39; 89; 90; 189191 ; 193

1001034721

3848100 ; 189 ; 193

100; 105127 ; 189

12 2103

101 ; 104 ; 106172563789

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250 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

48

4949

5050

50

50

53 ,

5456 ,5757

58 ,

II

II

I,

II

1. 4-171. 29-301. 31-38 471. 37-38 129 ;

1. 39-44

1. 9-101. 33-34, 381. 38-391. 38-511. 421. 43-461. 52

1. 12-13 43 ; 192

1. 141. 5-131. 9-14 127 n. 1]. 14 90 ;1. 14-151. 14-331. 24-27

III, 1. 1-2, 15-18

1.

1.I,1.A,B,

1.1.I.1.

1.1.1.1.1.1.1.1.1.1.].1.

1. 4, 91. 11, 141. 15-181. 39-43

5

15 sq.1. 9-10141. 41. 21. 31. 5-61. 7, 101. 94-56 sq.13-1514

16-35 100 ;19 10322 sq.26-2729-30, 3338-39596169-7070 16471-72 38; 5772

47192

; 89 ; 192L64 ; 167;

17058

129-1344890

100 ; 127100

103 n. 1103; 134

134126; 221

; 199; 221

87221; 163 ; 192127; 189

100100

101 ; 10457383757

132125

19221 ; 4312325

127 n. 222 3127

98; 103103

164 n. 190 ; 24 4

125; 12790; 189

101 ; 106n. 1 ; 104102; 104104; 106103; 104

572521

167n. 1 ; 170; 16 4 n. 1

38; 55

60 A, 1. 10-1261 I, 1. 7

1. 35-3661 II A, 1. 1-8

125 ; 127 ,

1. 11 sq.61 ΙΓ B, 1. 15-37

62 , 1. 667 , 1. 4-56869 , 1. 3-874, 1. 27

1. 54-551. 55-571. 57-59

75 II, 1. 5

78, 1. 9, 24

80 ,81,

82 ,

. 20 , 22

. 78-87

. 1-15

. 4

. 8

. 11[. 14

. 20

. 51. 12

83 , 1. 685 , 1. 2

1. 587889090 , 1. 6, 8

1. 159191, 1. 37, 39, 4092 99; 19492 A, 1. 1

1. 539393 II, 1. 14

100;106; 127

122; 123

128

129

158-159

83

5721

18916387

101 ;; 189

172; 129

12912457

; 192129

n. 338

12592125

; 17211738

167n. 1125167164125125

126125-126

fig. 1 ; 195102

107

11597

1171199998

flg. 2n. 310899

; 108

B) Bulletin de correspondanceHELLÉNIQUE.

1942-43, p. 85 sq.(Compte d'Antichares,inv. 6740)

1949, p. 177 sq.(Compte d'Héracléios,inv. 7026)

1951, p. 301 sq.

114 n. 1 ; 147;148-150;

114 n. 1 ;162

147;148; 150-152 ;

162116; 201

n. 122 3

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INDEX DES INSCRIPTIONS 251

(Compte des naopes, inv. 7033)1956, p. 31 sq.

(Décret honorifique, sans numéro)

C) Divers.

22 3

76evue de Philologie, 1943, 62 sq. 66(Loi sur les devoirs des enfants,inv. 6207)Mélanges Daux, 1974, p. 21 sq. 14 n. 2 ;(Compte d'Achaiménès, 82 n. 2 ;inv. 7659 + 7661) 156-159; 162

D) Corpus des inscriptions deDelphes, I.

9 Β

9 D10 1. 3-99-1314-1522-2626-3235-3743

69

62; 8553-5436 ; 44 ; 69

52; 55-5658

52 n. 457; 58

58

E) Griechische Dialektinschriften.25032611

127 η. 267

F) Sylloge Inscriptionum Grae-CARUM3.

110 8615 9 146231-235 82; 113; 16 7 sq.; 171233 254

254265436, 444 A, 445479523554613631635671, 67 2783813, 823843972, 1. 35

1. 501. 88

10868

26; 3652; 112

571113

4 n. 2

18 ; 38 ; 5288 ; 14921 3 n. 1

5758; 63

149 n. 2108 n. 2

97

G) Inscriptiones Graecae.l2, 26II, 55 1IV2, 98

102, 103 95

VII, 30 33073, 1. 88

XI, 2, 161, 1. 4519 9 A, 1. 801064

XII, 5, 1. 8-9

45 ; 239-24141

149115; 199; 21 3

n. 1 ; 21 6 n. 3134 n. 3

9721 3 n. 121 7 n. 3

831 n. 3 ; 37 ; 52

H) Inscriptions de délos290, 1. 192-220 21 3 n. 1

1. 227-228 21 3 n. 1354, 1. 19 21 41417, A I, 1. 137, 138 21 0 n. 2

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INDEX DES AUTEURS ANCIENS

Aristophane

Nuées, v. 623-626Guêpes, v. 191

v. 1212-1215

24167 n. 1

21 2

AristoteConstitution d'Athènes, 45 76Constitution de Delphes 61 ; 70 ; 76 ;

77 n. 2

Callimaque (Pfeiffer)

Épigrammes, 39 2 ; 19 ; 37

Diodore de Sicile

XI, 33XVI, 23

27, 3-528 , 42933 , 356 , 3-556 , 456, 659, 460, 2 :61, 4

5417; 54; 164 sq.

153; 156 n. 152 n. 613; 36

52 n. 6156 n. 1

165166165

; 14 n. 2; 50; 166; 168165

ESCHINE

Sur la

Contre

Demosthene

Paix, 1014 ]

23 49 ;Midias, 144Sur V ambassade infidèle, 49

50-51

Sur la

ContreContre

58-6061111-113

114-115121 sq.123125

128, 131181 4418920 926 531 8

couronne, 13134-136149 27154

Timocraie, 96Timothée, 25-30

66;52116

44167

n. 6n. 3164165

164-165165

44166

165

167; 533328

523328

n. 1

n. 2;53;n. 5;167110166

n. 2165

n. 2167

n. 1n. 2110

n. 6n. 1n. 2; 28

50-5177 n. 2

110

Contre. Ctésiphon, 24-2882114

115 17117118-11912 2124-12612813014225 4

25 n. 2;

95 n. 2;

27

28 ; 30-3527 ; 28 ; 31 ; 32

36; 40;

Sur V ambassade, 114

Or este, v. 1094Ion, v. 89-90

v. 416

II, 180V, 62

VII, 132

115116138

14014 2

Euripide

(scholie)

3412; 32

10110

n. 1

; 53; 34; 38n. 1

42 ; 44 ; 50-5144

27 ; 53 ;

9 ; 1252 n. 6 ;

7;

2

HÉRODOTE

6

; 5228

16641

1651

; 17165

165166

; 1921 064

139116

; 14

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254 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

17517820 021 4

Odyssée, XIX,XX,

Homère, v. 37-38v. 35 4

Hypéride

3839

37 n. 5 ; 5229

21 221 2

Déliacos

VIII, 1, 4XXXIV, 8, 4

Justin28 n. 2

5421 0

LlBANIOS

Orationes, 64 24 ; 27 ; 34Lucien

De domo 211 n. 1 ; 21 2

Sur

IV ,

vu,IX,χ,

Pausanias (Locrien)les Amphictyons

Pausanias le

34 , Π35 , 524 , 436, 2

2, 32, 75, 137, 18, 18, 28, 38, 4-516, 234 , 2

1

PÉR1ÉGÈTE18383617

82 sq . ; 164 sq .165208 n. 1

171 n. 3

6168

21 717

StrabonIX, 3, 7 (C 420) 1 ;

3, 8 (C 420)4, 17 (C 429)

XIII, 3, 3 (C 621)

ThéopompeFr. 63 (Jacoby)

ThucydideI, 132

TlMOCRATESOrationes 24 , 150

XÉNOPHONHelléniques, VI, 3, 7-9

VI, 4, 2 138;VII, 1, 37

17173715

; 37; 52; 52n. 2

12

54

50

145142-146

20 3

PlNDAREIVe Pythique, v. 118 (scholie) 12Ve Pyihique, v. 42-46 21 0

PlutarqueQuaesliones graecae, 9 (292 E) 41De Ε apud Delphos, 4 (386 B) 84De Pythiae oraculis, 9 (398 C) 75

29 (409 A) 38De defedu oraculorum, 51 (438 B) 84An seni respublica gerenda sit,

20 (714 B) 25De Herodoti malignitate, 42 (873 C) 54Vitae, Cimo, 10-11, 54

Themistocles, 20 , 3-4 6 ; 28 ; 29

POLYBE

XX, 4, 2

SophocleTrachiniennes, v. 638-639

107

38

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INDEX DES MOTS GRECS

άγεμόνες (πλίνθοι) : 202.αγορά (πυλαία) : 19 ; 38 ; 39.

(τέλειος) : 66-68.άγορατρός : 26 ; 50.άλία : 69.

άλως : 70 .άμισθί (? ) : 36 .αμφικτιονία : 20 ; 25 ; 29.Άμφικτίονες : 1 ; 3 ; 13 ; 29 ; 36 ; 50 ;

51 ; 130 ; 16 5 ; 166 η. 2 ; 16 7 η. 2 ;239-240.

άμφικτυονεύμεναι (πόλεις) : 102.άμφικτυονικόν άργύριον : 48 ; 126.

σύστημα : 14 ; 17.αναγραφή (νομισμάτων) : 12 9 η. 3.άνακαλεΐσθαι : 66.άνάλωμα : 127.άνδριάς : 205.

(δ μέγας ά.) : 190.άντίστ[αθμα] : 211.απαίδευτος : 28.άπουσίαι : 126 ; 12 9 ; 13 1 sq. ; 13 3 ; 134.άργύριον : 13 5 ; 177.άργυροκοπία : 12 9 η. 3.άργυρολογέοντες : 104; 113; 114; 115;

151 ; 156 ; 161 ; 181.άριστίνδην : 23 ; 65.αρχή : 89 ; 95 ; 96 ; 123.άρχιπρύτανις : 85.αρχιτέκτων : 10 8 η. 2.

άρχοί : 75 .άρχων, άρχοντες : 62 ; 75 ; 81 ; 82 ; 83 ;84 ; 85-88.

άττικόν (άργύριον) : 126.αυτόνομοι : 13 .

βάθρα : 205.βασιλεύς : 84.βουλά : 71 ; 72 ; 74 ; 75; 77 .βούλειον : 75 .βουλευτήριον : 77 η. 2.βουλευτής : 75 ; 85 ; 88 ; 181.

γα ιερά : 56.γνώμα : 52 ; 53 ; 54.γραμματεύς : 75 .γραμματεύων : 72 ; 74 ; 75 .γραμματιστής : 113.

γωνιηΐοι : 202.δαμιοργεΐν : 62-63.δαμοτεύεσθαι : 62-63.δεκαταί : 92.δεξιόν (άργύριον) : 135.δημοκρατούμεναι πόλεις : 13 .διαξόοι : 216.διάπρισις : 211 ; 213.δικάζειν : 24 ; 27 ; 53.δίκαια (παρακείμενα) : 8 ; 22 ; 23.δίκη : 53.δίοδοι : 56 .

διοίκησις (ό τη ς δ. ) : 128.δίχους : 135.δόγμα (των Άμφ.) : 13 ; 34 ; 53 ; 97 ;

99 ; 142 ; 145.δοκοί : 21 1 ; 212.δόσις (πράτα, δευτέρα...) : 15 6 ; 17 8 ;

179 ; 181 ; 18 3 ; 213.δυσφύλακτος : 17 .

έγγυοι : 117 ; 123.έγδικάζειν : 55.έγκαυσις : 37 .έδώκαμεν (-καμες) : 90-91 ; 10 0 ; 101 ;

16 9 ; 19 0 ; 191 ; 245.(άπεδώκαμες) : 177.12 ; 13 ; 52.Όνος : 3

εικόνες : 205.ειρήνη (-να) : 7 ; 10 0 ; 146 ; 167.είσιτάματα : 19 3 ; 19 4 ; 19 6 ; 19 8 ;έκατόμβα (ό έπί ταν έ. ) : 52.εκκλησία (των Άμφ.) : 50.

(των Δελφών) : 66-67.(έννομος έκ.) : 67-68.(πρόσκλητος έκ.) : 68.

εναγείς : 31-32.

205.

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256 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

άναρχος : 8δ ; 88.έξαγωγά : 213.εξάμηνος : 72.έξαρέσασθαι : 30 ; 31 ; 54.έπαρχαί : 73 ; 11 2 η. 1 ; 115 ; 139 ; 141 ;

14 2 ; 14 3 ; 15 4 ; 15 8 ; 162 ; 175.έπάρχειν : 161-169.επιγνάφεια : 207 η. 1.έπιδέκατα : 16 4 η. 1.έπικαταλλαγή : 132.έπικέφαλος όβολός : 73; 107; 114;

139-140 ; 14 3 ; 147-159 ; 160 ; 175.έπιμηνιεία : 40 ; 119.έπιμήνιος : 119.έπιμηνιεύων : 40 ; 49 ; 113 ; 11 4 ; 115 ;

119 ; 12 0 ; 178-179 ; 18 2 ; 183.

έπιξοά : 216.έπιστέλλειν : 11 8 ; 180.έπιτιμάματα : 117.έπιψηφίζειν : 52.εργασία : 16 8 ; 200.[έργασ]τήρια : 21 4 η. 1.έ>γωναι : 18 0 et η. 1 ; 182.ευγενείς : 64 ; 65 .εΟθυναι : 125.εύθυντηρία : 216.εφόδια : (13) ; 101.

Ιερόν (τοϋ Άπ.) : 75 .

ζαμίαι : 117.ζύγαστρον : 111-112 ; 117.

ήμιόλιον : 140 ; 149-150.

θεόν (κατά θ.) : 24.θλάσις : 134-135.θυμελοποιοί : 95 .θύραι : 220 ; 222.θύρετρον : 220.θυρίς : 210 η. 2.θύρωμα : 12 7 η. 2 ; 19 9 ; 203 ; 219 ;

220 ; 222 ; 223.θυσία : 51 .

ιερεύς : 84 .ίεροκηρυξ : 36 .ίερομνημονεϊν : 24 46 ; 47 ; 48

ίερομνημοσύνα : 20.ίερομνήμων : 13 ; 36 et n. 5 ; 50

56 ;(Ί. των άμφί...) : 47 .(ί. τώμ μετά...) : 47 ; 49 .

(κελευόντων των ί.) : 91 η. 1 ; 117η. 1 ; 12 2 ; 125.

ιερόσυλοι : 36.'ίπποι : 205.ίσοδαμιοργός : 64 .ίσοπρόξενος : 64 .ίσχέπλινθα : 220.

καινον άργύριον : 12 6 ; 131.καλαμίδες : 214.καρύκειον : 38.καρυξ : 52 ; 113.καταβολά : 169.καταξοά : 216.κατασκευα (τας λιθαγωγίας) : 205.κεραμίς : 215.

κέραμος (προστηγαστήρ) : 215.κεράτινος βωμός, κεράτων : 210.κεφάλαιον : 126 ; 12 8 ; 129.κηρύκειον : 58.κοιλόσταθμος : 220.κοινή πολιτεία : 61.κοινον των Άμφ. : 13 ; 50.κ. των Θετταλών : 20.κ. των Λοκρών : 20 ; 22.κονίασις : 37 ; 216.κρίσις : 27 ; 53 ; 165.κυμάτιον : 216.κυπάρισσος : 22 1 ; 222.

κύριος : 76 .κ. νόμος : 77 η. 2.κ. των ψηφών : 27.

λαμπαδισταί : 88.λατύπα : 213.λιθαγωγία : 197 ; 205.λογισμός : 13 ; 181 ; 184.λώτις : 52 .

μαντευόμενοι (οίκος των μ.) : 203.(στέγαν τοις μ.) : 203.

μεσόδμαι : 210 ; 21 1 η. 2 ; 213-214.

μεσόστυλα : 211 η. 3.μετέχειν τοϋ ίεροϋ : 17 .

49 ;100.

55;184.

ναοποιαι : ναοποιΐα :ναοποίϊονναοποιοί

10 8 η.

:  98.109.

: 111-112.: 40 ; 98 ; 99 ; 100 ;2 ; 111 ; 169 ; : 

(ν. οι εν τώι πολέμωι)(έπιστειλάντων των ν

174 ; 178 ;181 ; 18 2 ;: 153 ; 181.) : 118 ;

179 :

101 ;179 ;183.

177 ;180.

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INDEX DES MOTS GRECS 257

(κελευόντων των ν.): 11 7 η. 1 ; 11 8 ;180.

(παρεόντων των ν.) : 180.

ναός (τοϋ Άπ.) : 13 8 ; 14 4 ; 14 6 ; 161 ;213.ναός : 127 η. 2.ναποϊαι : 98.νεωποιοί : 98.νηός (της Δήμητρος) : 37 .νομίσματα : 129 η. 3.

ξύλα έλάτινα : 213.κυπαρίσσινα : 222.μακεδόνικα : 213.

ξύλωμα : 216.

οϊκησις : 58 .οίκοδομία : 146.οίκος (των μαντ.) : 203.ομφαλός : 219.δροι : 56.όροφά : 213.όρφανοφύλαξ : 93.

παλαιόν άργύριον : 126.πανδοκεϊον : 35.παρέχειν : 210 ; 214 ; 219.παρξοά : 216.παστάδες : 58 ; 203.περίβολος : 37 η. 5.περίστασις : 15 5 ; 19 9 ; 200 ; 213 η. 1.περίστυλον : 213 η. 1.πέροδος γας ίερας : 55-56.πίνακες : 11 2 ; 117.πλήθος (κατά π.) : 51.πλίνθοι έτερόπλευροι : 216.πόλις, πόλεις : 2 ; 12 ; 13 ; 29 ; 44 ; 144 ;

169.(των Δελφών) : 67 ; 68 ; 71 ; 72 ;

76 ; 77 ; 11 6 η. 3 ; 12 6 ; 174 ; 177 ;17 8 ; 179 ; 18 4 ; 192.

(Αθήναι) : 28 η. 2.πολιτεία : 61 ; 64 .πρίασθαι : 22 1 ; 223.προαιρετοί : 71 ; 184.πρόγονοι : 36 ; 40 .πρόναος : 219.πρόσοδος : 12 6 ; 128.πρόστασις : 217.προστατεύοντες : 112 ; 113 ; 114 ; 118 ;

11 9 ; 179 ; 18 2 ; 183.προστεγαστήρ : 215.πρόσχημα : 25.προφητεύειν : 64 .

προφήτης : 84.πρυτανείαν (κατά) : 24.πρυτάνιες : 80 ; 81 ; 85 ; 87 ; 88 ; 90 ;

244 ; 245.πρυτανεύειν : 82-83 ; 85 ; 87 .Πύθια (τα) : 41 ; 51.Πυθίας (ή) : 124.πυθικά ε'ργα : 58.πυθιονικών αναγραφή : 58 .πυλαγορεϊν : 36.πυλάγορος, -ράς : 26 ; 27 η. 1 ; 28 η. 2 ;

29 ; 32 ; 36.πυλαία : 3 ; 13 ; 19 ; 37 ; 39 ; 40 ; 169 ;

239-240.(ήριναι [-ας] π.) : 40 et n. 2 ; 43 ; 50 ;

15 9 ; 161 ; 16 9 ; 177 ; 17 8 ; 186.(όπωριναι [-ας] π.) : 39 ; 40 et n. 2 ;

42 ; 17 8 ; 179.Πυλαία : 51.Πύλαι : 36.πυλίς : 57 η. 6.πωλητηρες (ταν δεκαταν) : 92.

σελίδες : 200.σκανάματα : 213 η. 1.σταθμός : 156 η. 1.στέγα (τοις μ.) : 203.στεγάζειν : 12 7 η. 2.

στέφανος : 24.στήλη (στάλα)(εν άι οι ναοποιοί) : 91 η. 1 ; 99.(εν ήι τα κεφάλαια) : 12 8 ; 192.(έν ήι τω ν ν. αναγραφή) : 12 9 η. 3.(εν ταΐς τα έπαρξάμενα) : 161.(όφ. δε[υτέρα] στ.) : 176.( τρί[τα] στ.) : 176.(κατά τάς διόδους) : 56.

στρατηγός : 84.συμβάλλεσθαι : 138 ; 14 4 et n. 1.συμμαχία : 45 ; 239.σύνδικος : 28 η. 2.συνέδριον : 29 ; 32 et η. 1 ; 33 ; 35 ; 41 ;165.

(έμ Πυλαίαι) : 38 ; 55.(έν Δελφοΐς) : 38 .

σύνεδροι : 50 et η. 1.

ταμίας : 13 ; 47 ; 12 8 ; 191.ταρσοί : 214 η. 1.τεθμοί : 70 .τειχοποιοί : 95 ; 101 η. 1.τιμοϋχοι : 64.τραγώδειν : 33 η. 1.

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258 l'amphictionie, delphes et le temple d'apollon

ύπαρχιτέκτων : 10 8 ; 117. χειροτονεΐν : 27 η. 1.υπάρχον, υπάρχοντα : 126. χειροτονητός : 10 7 et η. 1 ; 123.ύπογραμματεύς : 36. χειροτονία : 27 ; 107.ύποδόκιον : 20 1 ; 216. χύτροι : 38.ύποπρύτανις : 86. χωρίον : 49.ύπωροφία : 19 9 ; 216.

ψήφισμα : 57 η. 2 ; 70 .φθοΐς : 41. ψήφος ίερομνημονική : 4 η. 2 ; 16 ; 27 .φόρος : 52. (ψ. φέρειν) : 24 ; 27.φραγμόν (?) : 219. (σύν ψ. τόα νικεούσαι) : 68 ; 69 .

(σύν ψ. ταΐς έννόμοις) : 67-68.χάσμα γης : 217. (μετά ψ. καΐ κρίσεως) : 27 ; 53 ; 165.

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INDEX DES NOMS DE PERSONNES

(ar : archonte, entr : entrepreneur, h : hiéromnémon. n : naope ; (a), argurologéôn ;(p), prostateuôn. pry : prytane)

Abaeocritos, Béotien, n : 107.Achaiménès, ar : 14 n. 2 ; 157 ; 187.

Acilius Glabrio, consul : 56 .Acrisios, roi d'Argos : 1-2, 19 ; 23 ; 37 .Aeschylos, ar : 159-161.Agasicratès, architecte : 20 8 n. 1.Agasicratès, entr : 37 .Agathoclès, architecte : 20 8 n. 1.Agathoclès, Athénien, ar : 82-86.Agathon, architecte : 58 ; 155 ; 207-208 ;

224.Agathonymos, entr : 197 ; 198.Agathyllos, pry : 82 .Agippos, Macédonien, h : 14 n. 2.Aigylos, bouleule : 178.

Ainésidamos, Delphien, donateur : 141 ;163.Alcésippos de Calydon : 81 ; 87-88.Alcméonides, à Delphes : 57 ; 116 ; 137 ;

190; 210.Alexandre : 25 ; 49 ; 79 ; 108 ; 109 ; 110 ;

122 ; 123 ; 180.Alexéas, ar : 87 .Amasis d'Egypte : 139 ; 163.Ampharès, Phocidien, n 115; 150 (a);

178 (p).Amphictyon (héros) : 1 ; 37 .Amyntas III de Macédoine : 110.Amyntas (1 et 2) , bouleute : 87 .Amyntôr, de Phères, n : 102 (p).Amyntôr, Achéen, entr : 210.Anaxis, Phocéen, donateur : 163.Antichares, ar : 97 n. 2 ; 146 n. 1 ; 147 ;

148-151 ; 159 ; 160 ; 162 ; 233.Antiphatès, de Scotoussa, n : 150 (p).Antochos, Locrien, π : 103.Apémantos, Athénien, h : 24 .Archélaos, bouleute : 87 .Archépolis, Macédonien, h : 14 n. 2.Archôn, Phocidier d'Abae : 63 .

Archôn, ar : 153-155 ; 160 ; 194 ; 23 3 ;— printemps : 7 ; 112 ; 178-179 ; 183 ;

197 ; 20 5 ; 207.Argilios, ar : 74 ; 160 ; 184 ; 22 3 ; 23 3 ;— automne : 176 ; — printemps : 173 ;182.

Aristagoras, Delphien, n : 109 ; 114 (a) ;150 (a) ; 178.

Aristagoras, père de Dioscouridas, Delphien : 157.

Aristandros, Tégéate, entr : 200.Aristocleidès d'Apollonie, donateur : 163.Aristomachos, Delphien, n : 98 .Aristomédès, Péloponnésien, h : 5.Aristonymos, ar : 82 ; 87 ; 154 ; 156 ; 160 ;

171 ; — automne : 73 ; 118 ; 155 ; 156 ;168 ; 176 ; 183 ; 190 ; 20 0 ; 233.

Aristonymos, pry. : 87 .Aristophylidas, de Larissa, n : 98 ; 103 ;

107.Aristote : 58 ; 61 ; 85 .Aristoxénos, ar : 106 ; 153-154 ; 160 ; 233 ;

— automne : 180-181 ; — printemps :118; 176-178.

Astycratès, Delphien, banni : 35 ; 57 .Athanion, Delphien, donateur : 112.Athanogeitôn, Béotien, entr : 116; 197;

198; 218.Attale Ier (stoa d') : 57 .Attale II, donateur : 67 ; 81 ; 87 ; 149.Auguste, empereur : 11 n. 1 ; 15 ; 59 .Autias, ar : 153-154 ; 160 ; 233 ; —

automne : 112.Autoclès, Athénien, député à Sparte : 145.

Babylos, ar : 23 .Bathyllos, ar : 71 ; 23 4 ; — automne :

123 ; — printemps : 192.Boiotos, héros : 1.

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260 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Cadys, ar : 62 ; 65 ; 68 ; 76 .Calliclès, Delphien, père de Callicratès :

157.

Callicratès, Delphien, pry (? ) : 157.Callicratès, Delphien, n : 184.Callicratès, Arcadien, entr : 21 0 ; 212-213.Callidamos, ar : 41 .Callippos, bouleute : 178.Callisthénès, neveu d'Aristote : 58 .Caphis ar : 25 ; 105 ; 171 ; 23 4 ; —

automne : 105-106 ; — printemps :100; 103 n. 1 ; 170; 244.

Capôn, Béotien, entr : 197.Céphalon, de Pélinna : 103.Chairolas, ar : 82 ; 154 ; 155 ; 160 ; 161 ;

171 ; 196 ; 233 ; — printemps : 168 ;

sous Cléon archonte : 155; 179;183 n. 1.Chairolas, entr : 197.Charixénos, ar : 171 ; 187 ; 189 ; 23 4 ;

24 3 ; — printemps : 5 ; 7 ; 71-74 ;78-79 ; 100 ; 106 ; 118 ; 176 ; 184 ; 243.

Charixénos, Delphien, n : 98 .Cimon, Athénien : 54 .Claude, empereur : 63 .Cléoboulos, ar : 73; 184; 186-187; 234.Cléomachos, Locrien, ft : 34 .Cléombrotos, Lacédémonien : 144-145.Cléomène, roi de Sparte : 162.Cléon, ar : 129 ; 153-154 ; 160 ; 161 ; 171 ;

172 ; 194 ; 201 ; 23 3 ; — automne :129 ; 167 ; 168 ; 197 ; 198 ; 199 ; 20 0 ;20 6 ; 207 ; 21 2 ; — printemps : 168-169 ; 190 ; sous Archôn archonte :178-179; 183 ; 198.

Cléonice, de Phlionte, donatrice : 163.Cléophanès (1 et 2) pry : 87 .Cléotas, Perrhèbe, n : 103.Colosimmos, Thessalien, Λ : 25 ; 35 ; 46 ;

47; 49; 121 ; 133; 191.Corydallos : 29 .

Cottyphos, Thessalien, ft : 25 ; 35 ; 46 ;47 ; 49; 51 ; 121 ; 133; 191.Cratôn, Delphien : 66 .Crésus : 139.

Damaios, ar : 13.Damocharès, ar : 158; 161; 170-171;

— automne : 56 ; 100 ; 101 ; 105 ; 114 ;— printemps : 47 .

Damocratès, ar : 171.Damon (1 et 2) bouleute : 87 .Damon, pry (? ) : 157.

Damophanès, Corinthien, n : 115 (a) ;150 (a) ; 197-198.

Damothémis, Phasélite, donateur : 162.

Damotimos, bouleute : 178.Damoxénos, ar : 153-154; 155; 156;160 ; 167 ; 176 ; 194 ; 199 ; 22 3 ; 23 3 ;— automne : 100 ; 167 ; 182 ; 20 4 ;— printemps : 112 ; 183 ; 200.

Daochos, Thessalien, ft : 25 ; 47 ; 48 ; 133.Daos, entr : 207.Démétrios, fils d'Aristarchos, Athénien :

25; 51 .Démétrios, fils de Phormion, de Pagases :

14 n. 2; 157.Démosthène : 28 ; 30 ; 42 ; 44 n. 2 ; 95

n. 2; 164; 167; 190 (cf. index des

auteurs).Denys, tyran de Syracuse : 146.Dercylos, Athénien, ambassadeur : 166.Deucalion : 64 .Dexis, Corinthien, n : 112 (p).Dieuchidas, Mégarien, n : 107.Dioclès, Locrien, n : 103.Dioclès, de Crotone, entr : 210.Diodoros, Delphien, père d'Eutéleia :

63-64.Diognétos, Athénien, h : 28 ; 31 ; 34 n. 1 ;

190.Dion, ar : 57 ; 87 ; 158 ; 160 ; 162 ; 170-

171 ; — automne : 48 ; 114 ; 161 ; —printemps : 43 ; 100 ; 101 ; 126-127 ;192 ; 199 ; 221.

Dioscouridas, Delphien, pry (? ) : 157.Domitien, empereur : 215.

Échénice, de Phlionte, donatrice : 163.Énéas, pry : 82 .Épias, pry : 82 .Éphialte, Malien : 29 .Ëpigoné, de Mantinée : 213 n. 1.Éribas, ar : 73; 158; 170; 171; 172;

184-187 ; 234.Eschine, pylagore : 28 ; 30 sq . ; 43 ; 54 ;

ambassadeur : 164 ; 166 (cf. indexdes auteurs).

Étymondas, pry : 82 .Étymondas, n : 98 ; 103 ; 184.Eucratès, Delphien, entr : 109 n. 1.Eucritos, ar : 79 ; 187 ; 234.Eugeitôn, de Tanagra ft et n : 108.Eumène II, donateur : 81 ; 87 ; 149.Euphanès, de Trézène, n : 103.Euphranès, Athénien, Λ : 25 .Euphorbos, architecte : 38 ; 190.

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INDEX DES NOMS DE PERSONNES 261

Eutéleia, Delphienne : 63-64.Euthippos, Lacédémonien, h : 5 ; 6 ; 7 ;

105 ; trésorier : 5 n. 1.

fEuthrésios : 5 n. 3.Euthycratès, Athénien, n : 107.Évagoros, entr : 168.Évarchidas, ar : 66 ; 71 ; 78-80 ; 81 ; 90 ;

185-186; 187; 234.Évormos, Locrien, n : 103.

Gallion, proconsul : 63 .

Hadrien, empereur : 8 ; 16.Hellas, Phocidien : 149.Héracleidas, ar : 57 n. 2.

Héracleidas (? ) ar : 89 n. 1.tHéracleidas, ar : 82-84.Héracléios, ar : 82-84 ; 86; 97; 159;

160 ; 23 3 ; — printemps : 114 et n. 1 ;118 ; 146 n. 1 ; 147 ; 150-152 ; 153-154 ;161 ; 176-178; 181.

Héracléios, bouleute : 83 n. 1.Héréas, de Lamia : 36 n. 5.Hermôn, Béotien, enir : 21 4 n. 1.Hiérinos, ar : 153-154 ; 160.Hiéron, ar : 50 .Hiéron, Delphien, père d'Aigylos : 178.Hiérondas, ar : 83 n. 1.

Hippias, de Pélinna, n : 103.Hippias, Delphien, père de Damon : 157.Hyperbolos, Athénien, h : 24 .Hypéride : 28 ; 54 .

Labôtas, Corinthien, n : 197-198.Labyades, phratrie delphique : 62 ; 65 ;

69; 85 n. 1.Larisios, Delphien, n : 98 .Lasthénès, Athénien 110.Léon, Macédonien, n : 103.Locros, héros : 1.Lycurgue, Athénien 70 .Lykinos, ar : 171 ; 234.Lysimachos, ar : 64 .Lysôn, ar : 92 .

Maimalos, ar : 72 ; 73 ; 173; 187; 234.Malos, héros : 1.Me[---], pry : 82 .Médeios, de Larissa, fils d'Oxythémis :

107.Médeios, de Larissa, fils d'Aristophylidas,

n : 98; 103 ; 107.Mégaclès, ar : 158.

Ménaichmos, ar : 73 ; 184-185 ; 18 6 ; 187 ;234.

Ménéciatès, Delphien, père de Nicoma-

que : 178.Ménédémos d'Érétrie, h (? ) : 223.Menés, ar : 67 .Méton, Athénien, astronome : 24 .Midias, Athénien, pylagore : 28; 31 .Mnasiclès, Éniane, entr : 38 .Mnasimachos, ar : 160 ; 233.Mnésilochos, Athénien, h : 167 n. 2.Molossos, Athénien, entr : 155.

Néossos, de Larissa, n : 150.Nicasippos, Thessalien, h : 26 .Nicéas, Locrien, n : 103.

Nicératos, Éginète, n : 103.Nicodamos, ar : 87 .Nicodamos, Argien, entr : 155 ; 180 ;

197; 200; 204; 206-207; 211; 213;218 ; 222.

Nicomaque, Delphien, n : 178.Nicon, ar : 153-154 ; 160 ; 233 ; —

printemps : 100 ; 181 ; 20 8 n. 1.Nicostratos, de Larissa, h : 13 ; 20 .

Oeolicos, de Larissa, n : 103.Onétès : 29 .Onomarchos, Phocidien : 153 ; 205.Orestas, de Crannon, n : 102-103.Oreste, Delphien, père de Diodore : 63 .Ornichidas, ar : 56 et n. 4 ; 171 ; 234.Oxythémis, de Larissa, père de Médeios :

108.

Palaios, ar : 48 ; 91 n. 1 ; 111 n. 1 ; 160 ;168 n. 1 ; 171 ; 191 ; 23 3 ; — automne :13 ; 42 ; 43 ; 46 ; 100 ; 121 ; 123 ; —— printemps : 47 ; 91 n. 1 ; 170.

Pancôn, Thébain, donateur : 162.Panera tes, Argien, entr : 116; 207.

Pasion, entr : 178 ; 180 ; 207.Pausanias, Locrien, historien : 1.Pausanias, de Méthoné, h et trésorier :

123.Pausanias le Périégète : 5 ; 7 ; 82-84 ;

216 (cf. index de s auteurs).Pausanias, roi de Sparte : 54 .Pausanias, Thessalien, h (? ) : 56 .Peithagoras, ar : 82 ; 154 ; 160 ; 161 ;

169; 171-172; 196; — printemps :168; 188; 190.

Perpolas, de Larissa, entr : 38 ; 55 ; 57 ;164 n. 1.

18

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262 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Persée, petit-fils d'Acrisios : 2.Phalaicos, Phocidien : 156 n. 1 ; 165.Phantos, de Trézène, η : 103.

Philippe II (et l'ambassade athénienne) :1 ; 7 ; 9 ; 12 ; 27 ; 165 ; (et la sessionde l'été 346) : 14 et n. 2 ; 42 n. 2 ;165-167 ; (admis dans l'Amphictionie) :18; 44 n. 1 ; 52-53; 166-167; (et lestrésoriers) : 122-123 ; (et la monnaieamphictionique) : 132-134 ; (corromptLasthénès) : 110; (assassiné) : 170;171.

Philippos, Macédonien, n : 109.Philippos, d'Homolion : 149.Philocrate : 164-165.Philolaos, Lacédémonien, n : 109 ; 178 (p).

Philomélos, Phocidien : 156 n. 1 ; 205.Philon, trésorier des Phocidiens : 156 n. 1.Phoibidas, Lacédémonien : 54 .Phrynondas, de Gyrton, n : 102.Pleistôn, ar : 66 ; 71 ; 78-79; 81 , 184-

186; 187; 234.Plutarque : 30 ; 58 ; 63 ; 84 (cf. index

des auteurs).Politas, Thessalien, h : 26 .Polyxénos, Perrhèbe, n : 103.Praxiôn, Tégéate, entr : 200.Prôros de Cyrène, olympionique : 82 .Prothoos, Lacédémonien : 138 ; 144-145 ;

146.Proxénos, de Larissa : 149.Pythéas, Éginète, n : 103.Pythodoros, Athénien, n : 107.Python, de Thespies, n : 103.

Sakedallos, bouleute : 178.Samias, Thébain, n : 150 (p).Satyros, Delphien, entr : 223.Simias, Thébain, n : 107.Simylion, Delphien, n : 103; 178; 184.Siôn, entr : 207.Siracos de Kyphaira : 149.

Spintharos, Corinthien, architecte : 106;208.

Stephanos, Athénien, ambassadeur : 166.

Tarantinos, ar : 82 ; 87 .Télénicos, Épidaurien, n : 108.Téléphanès de Sicyone, enlr : 155 ; 197 ;

20 0 ; 20 6 ; 20 7 ; 222.Télésagoros, Phocidien d'Abae : 63-64.Télésarchos, Delphien : 162.Télésias, Épidaurien : 108.Teucharis, ar : 36 ; 158-154; 160; 233;

— automne : 112; 159; 176; —printemps : 182.

Thédaisios, nom d'homme : 83 n. 1.Thémistios, nom d'homme : 83 n. 1.Thémistocle : 6 ; 28 ; 29 .Théoaistos, bouleute : 178.Théodoros, Athénien, acteur : 163.Théolytos, ar : 24 ; 171 ; 234.

Théon, ar : 87 ; 106 ; 187 ; 234 ; — printemps : 100 ; 101 ; 22 3 ; 234.Théon, pry : 82 ; 87 .Theucharis, ar : 153-154 ; 160 ; 233.Theugénès, Cnidien, entr : 20 0 ; 201 ; 214-

215.Theuphantos, entr : 207.Thoiniôn, ar : 92 ; 187 ; 234.Thrasyclès, Athénien, pylagore : 31 .Thrasydaios, Thessalien, h : 25 ; 47 ; 48 ;

133.Thrasymédès, Parien, ébéniste : 220.Thyméas, ar : 43 n. 1 ; 171 : 234.

Thyméas, pry : 82 .Timanoridas, Macédonien, n : 103.Timasicratès, Perrhèbe, n : 103.Timéas, d'Apollonie, donateur : 162.Timon, de Tricca : 149.Timothée, Athénien : 110.Tisandros, de Trézène, n : 103.

Xénocharès, bouleute : 178.Xénodôros, architecte : 155 ; 193 ; 197-

198; 204; 207; 20 8 n. 1.Xénon, Delphien, pry : 157.Xénostratos, Delphien : 157.Xénotimos, Sicyonien, π : 109.Xénotimos, d'Héraclée du Pont, médecin,

donateur : 163.

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INDEX GÉNÉRAL

Abantes (de l'Eubée) : 15.Abydos (sa monnaie d'or) : 163.Achéens de Phthiotide, et les Mèdes :

6 ; leurs hiéromnémons : 20-21 ; 25 ;dépossédés au profit de Nicopolis : 15 ;ne nomment pas de naopes : 102 ;dans un acte d'affranchissement : 41 .

Adjudication des travaux du temple :115-117; 202-203.

Adyton : 217.Agora de Delphes : 18 ; 65-71.Agoratres : 3 ; 26-27 (cf. pylagores).Agrigente (temples d') : 20 9 n. 1.Aigialé d'Amorgos (archiprytane) : 81

n. 1 ; 85 .« Aire » de Delphes : 70 ; 88 .Alcésippeia : 87 .Amantia (ses prytanes) : 81 n. 1.Amphictionie, orthographe : xi ; défini

tion 3 ; son archaïsme : 1-3 ; n'estpas une symmachie : 53 ; transforméeen symmachie ? 41-46 ; 12 États et24 hiéromnémons : 14 sq. ; entrée deDelphes : 17-19 ; de Sparte : 4-9 ; dePhilippe et de ses descendants : 14 etn. 2 ; de Magnésie du Méandre et deChios : 9-11, 15; des Étoliens, desAthamanes, de Céphallénie : 11 n. 1,15; de Nicopolis : 15; cas de Priène :9-10 ; des Perrhèbes-Dolopes : 16-18 ;nombre des hiéromnémons porté à 30 :15-16 ; sessions aux Thermopyles et àDelphes : 36-39 ; Ecclesia des Amphic-tions : 50-51. Voir Hiéromnémons,

Pylée, Synédrion.Amphissa, et l'affaire de s boucliers : 31-35 ; 44 ; accusée de soudoyer Démos-thène : 28 ; 30 ; et la quatrième guerresacrée : 12 ; 38 ; 42 ; 43 ; 44 ; 54 ; sonnaope évincé après Chéronée : 109 ;111 ; juge une querelle entre Locriens :22 ; 55 ; étrangère au koinon desLocriens : 20 ; récuse le bornageamphictionique : 56 .

Analemma : 57 .Andriens, donateurs : 162.Anthéla : 37 .

Apellaios, premier mois de l'année civiledelphique, dernier mois de l'hexa-ménie amphictionique : 81 n. 3 ;178-179 ; 198 ; 235.

Apollon, dans le serment amphictionique :35 ; 45 ; temple à Delphes : 73 ; 138 ;à Bassae : 106 ; statue consacrée aprèsSalamine : 190 ; Sitalcas : 190 n. 1 ;Apollon Ptoios : 13 ; Genêtor à Délos :210.Apollonia d'Illyrie, son prytane : 81 n. 1 ;du Pont (?), donatrice : 163.

Archiprytane : 81 n. 1 ; 85 et n. 2.Architecte, de ΓAmphictionie : 93 ; et

les naopes : 108 et n. 2 ; 115; 117;119; salaire payé par les naopes etpar Delphes : 197-198 ; Xénodôrosremplacé par Agathon : 206-208.Voir Agasicratès, Agathoclès, Agathon,Euphorbos, Spintharos, Xénodôros.

Archontes à Delphes : 85-88.Argos, patrie d'Acrisios : 4 ; 23 ; son

Conseil semestriel : 75 ; ses naopes :102 ; 104 ; 105 ; 24 2 ; ses entrepreneurs200 ; son temple d'Héra : 106 ;témoin du dernier (?) versement pho-cidien : 170. Voir Nicodamos, Panera es .

Artémis, dans le serment amphictionique35 ; 45 .

Athamanes, dans l'Amphictionie : 11n. 1 ; 15.

Athéna Cranaia : 167 ; Ilias (monnaied'A.) : 133 ; Pronaia : 35 ; panoplie d'A.

offerte par l'Amphictionie : 52; 141.Athènes, membre de l'Amphictionieavant le synoecisme : 2 ; représentéeà chaque session du Conseil : 20 ; sonhiéromnémon : 24-25 ; absente en 34 0et 33 9 : 190 ; ses pylagores : 25 n. 2 ;27 ; 28-35 ; ses naopes : 104-107 ; 24 2 ;sa Boulé et les hiéra chrêmata : 77 ;ratifie les décrets amphictioniques :43-46 ; 239-241 ; conquiert Skyros :54 ; assignée par Délos : 7 ; 28 ; 54 ;par les Locriens d'Amphissa : 54 sq. ;soutient les Phocidiens : 45 ; les aban-

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264 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

donne : 164-166 ; juge d'une querelleentre Locriens : 22 ; 55 ; lettre àDenys : 146.

Attaleia, à Delphes : 88 .Attique (monnaie) : 128; 131-132; 163.Autels, dans le temple de Delphes : 21 7 ;

21 8 ; dans le Pythion de Délos : 21 0 ;d'Amphictyon aux Pyles : 1 ; 37 ; deDemeter et d'Héraclès aux Pyles : 37 ;grand autel d'Apollon : 88 .

Bassae (temple de ) : 210.Béotiens, membres de l'Amphictionie : 3 ;

et les Mèdes : 6 ; au congrès de Sparte :142; en 34 6 : 166; adjudicataires dutemple : 116 ; leurs naopes après 33 5 :

105 ; 109. Voir Abaeocritos, Athano-geitôn, Capôn, Hermôn.Bibliothèque à Delphes, 57 .Boathoos, mois delphique, 43 ; 45 ; 121 ;

149 ; 235.Bois de construction, charpente : 20 0 ;

20 9 ; 210-211 ; palissade : 21 9 ; coffrageprotecteur : 21 6 ; pour la porte : 20 3 ;220-223 ; de cyprès : 210 ; 22 0 ; 22 2 ;de pin : 210-211 : bois macédoniens :110; 213.

Bornage amphictionique : 56 .Boucatios, mois de la pylée d'automne :

3 ; 39-41 ; 42 ; 50 ; 81 n. 3 ; 121 ; 165 ;23 5 ; les premiers jours du moisterminent la pylée de printemps : 179.

Boucliers d'or (affaire des b.) : 30 sq. ; 54 .Bouleutes (de Delphes) : 71-77 ; appelés

« archontes » : 85 et n. 1 ; 88 ; s'occupent xclusivement de la comptabilitédelphique : 90; 143; 173; 174; 176-184 ; versent la contribution annuelleforfaitaire de la cité aux naopes :184-187.

Bouleutérion (Bouléion) de Delphes : 17 ;70 ; 75-76.

Byzios, mois de la pylée de printemps :3; 39; 41 ; 42; 50; 113; 235.

Capitation amphictionique : 139-140; 142;143 ; 146-159 ; 160 ; inscription sur lesstèles : 159-164 ; payée aussi parDelphes : 138-139; 162; perceptioninterrompue après la défaite de sPhocidiens : 141 ; 161.

Carystos, querelle avec Chalcis : 22-23;55 .

Cassopé (prytane à) : 81 n. 1.

Géos (donateurs de ) : 162.Céphallénie, admise dans l'Amphictionie :

11 n. 1 ; 15.

Chalcis, et la querelle eubéenne : 22-23 ;55 .Chaladra, cité d'Élide : 64 .Charpente (bois de) : 155 ; 20 0 ; 202-203 ;

208-214 ; 222.Chéneau du temple, modèle : 155; 200;

de type épidaurien : 21 6 ; longueurd'un bloc : 208.

Chéronée : 21 ; 107 ; 191.Chios, admise dans l'Amphictionie : 4

n. 2 ; 9 ; 10-11 ; 15 ; son hiéromnémon :25 ; 26 n. 1 ; prytanes : 89 .

Cirrha, son territoire confisqué : 12 ; 19 ;

55 ; visible du synédrion : 38 ; portde Delphes : 162 ; 204-205 ; 21 7 ; 221 ;224.

Cléones, n'envoie pas de naopes : 102.Cnémis (Mont) : 22 ; 28.Cnidien (entrepreneur) : 200.Coffres à dossiers des naopes : 111-112;

117; 204.Colophon (prytanes à) : 89 .Congrès de Delphes (368) : 20 3 ; de

Sparte (371) : 142-145.Conseil amphictionique : voir Synédrion ;

de Delphes : voir Bouleutes.Consultants (abri des) : 20 3 ; (isoloirdes) : 203.Contributions libres (έπαρχοά) : 140-141 ;

142; 143; 147-148; 159-164.Corcyre (prytanes à) : 81 ; 89 .Coré-Perséphone, son sanctuaire aux

Pyles : 37 ; 190 ; à Tanagra : 95 .Corinthe, membre de l'Amphictionie : 4 ;

12 ; menacée d'exclusion en 34 6 : 7 ;109 ; ses naopes : 105 ; 109 ; 24 2 ;carrières : 116 ; 200 ; drachmes de C. :163 ; temple de l'Isthme : 106. VoirDamophanès, Dexis, Labôtas.

Coronée : 45 .Crannon (naope de ) : 103.Crésus, donateur : 139.Cyprès, acheté à Sicyone : 21 0 ; 22 0 sq.Cyzique (statères de ) : 163.

Damiurges, à Delphes : 62-65.Dariques : 90 ; 163 ; 245.Délos, assigne Athènes : 7 ; 28 ; 54 ;

Pythion : 210 21 7 ; Asclépieion : 21 3 ;péristyles à D. : 21 3 ; achats de tuilespar les hiéropes : 214.

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INDEX GENERAL 265

Delphes, ses institutions de tendanceconservatrice : 61 ; corps civiqueréparti en 3 tribus : 65 ; 86-87 ; et

deux classes : 62-65 ; son assemblée dupeuple (agora, ecclésia) : 65-71 ; sonConseil ou Boula : 71-77 ; ses prytanes :77-92 ; l'archonte éponymes est l'und'eux : 82 sq. ; ils sont les agents deliaison entre Delphes et l'Amphic-tionie : 89-92 ; 142 ; décalage entresemestre delphique et semestre amphic-tionique : 177-179 ; 185 ; Delphes dansl'Amphictionie, date de son admission 17-18 ; pourquoi admise : 16-17 ;représentée en permanence par 2 hié-romnémons : 20 ; inscrits en tête de

liste : 52 n. 5 ; par ses prytanes : 89-92 ;244-245; sesnaopes: 103-104; ne jouissent pas d'un statut privilégié : 120 ;174 ; paie une contribution spécialepour la reconstruction du temple : 73 ;74; 138-139; 141-142; 146; 156;172 sq. ; paie la contribution amphic-tionique : 162-163 ; nie être Phoci-dienne : 18.

Demeter Pylaia, temple aux Pyles : 2 ;19 ; 37 ; 38 ; 190 ; autel aux Pyles :51 ; temple à Tanagra : 95-96.

Didymeion de Milet : 217.Dionysos, tombeau dans le temple : 203.Dolopes, dans l'Amphictionie : 3 ; 4 ;

privés d'une voix au profit de Delphes :16-18; de Nicopolis : 15-16; et lesMèdes : 6 ; condamnés par l'Amphictionie54 ; pas de naopes au ive siècle :102.

Doriens de la Métropole, dans l'Amphictionie5 ; 6 ; 8 ; 9 ; cèdent sporadiquementeur siège à Sparte : 8 ; 21-22 ;23 ; leur hiéromnémon : 25 ; pas denaopes au ive siècle : 102.

Doiiens du Péloponnèse, dans l'Amphictionie3 ; sens restreint de l'expression4-5 ; son archaïsme : 12 ; leurhiéromnémon : 25 .

Doriôn, cité de Doride (? ) : 9-10.

Ecclésia, de s Amphictions : 3 ; 50-51 ; deDelphes : 65-71 ; d'Athènes : 43-44 ;45-46 ; 164 ; 167.

Échinos, cité de Malide : 21 .Égine, cité des Doriens du Péloponnèse :

4 ; ses naopes : 103 ; 105.Élatée, et les reçus de l'amende phoci-

dienne : 167, 170.

Endyspoïtropios, mois de session extraordinaire : 42 n. 2 ; 43 ; 48 ; échéancefinancière à Delphes : 149 ; mois du

11e versement des Phocidiens : 192;235.Énianes, dans l'Amphictionie : 3 ; 4 ; 15 ;

et les Mèdes : 6 ; dépossédés au profitde Nicopolis : 15 ; témoins d'unaffranchissement : 41 : pas de naopesau ive siècle : 102. Voir Hypata.

Entraits : 211.Épidaure, dans l'Amphictionie : 4 ; un

naope : 103 ; 105 ; 108 ; entrepreneursayant travaillé à Épidaure et àDelphes : 21 6 et n. 3 ; comptesd'Épidaure : 115 ; 21 3 n. 1.

Épimélète, de s Amphictions : 36 ; 59 ;de s donations attalides : 67 ; 70 ; 86 ;du gymnase et de s troupeaux sacrés :92 .

Épire (prytanes en ) : 81 n. 1.Epistyles endommagés : 205.Érechtheion : 217.Érétrie : 9 ; 10 ; 12 ; querelle avec Chalcis :

22 ; 55 .Ergiscé, bourgade de Thrace : 10.Étoliens, maîtres de l'Amphictionie : 1 1

et n. 1 ; 15 ; 52 n. 5 ; exclus : 13 n. 3 ;leurs hiéromnémons : 26 n. 1 ; inscritsen tête de liste : 52 n. 5.

Eubée, dans l'Amphictionie : 3 ; 4 ; 9 ;20; Priène en Eubée? : 10; querellepour la voix amphictionique : 22-23 ;un hiéromnémon annuel : 25 ; dépouilléee sa voix au profit de Chios ? : 15 .

Euméneia à Delphes : 88 .

Frontons, supports de la charpente :208-209 ; des temples à escaliers : 20 9n. 1 ; tympans en parpaings : 202.

Gambreion (prytanes à) : 89 .Ganias, Ganas, bourgades thraces : 10.Gaulois, à Delphes : 15 ; 210.Guerre sacrée, première : 19 ; deuxième :

44-46 ; troisième : 3 ; 36 ; 52 n. 6 ;54 ; 98 ; 100 ; motive une plus granderigueur comptable : 156; 162; 180-182 ; l'institution d es άργυρολογέοντες :114 ; 161 ; 162 ; les naopes de guerre :109 ; 153 ; 154 ; interrompt les travauxdu temple : 111 ; 20 7 ; décale la numérotation des pylées : 152-154 ; 159-160 ;quatrième guerre sacrée : 27 ; 28 ;30 sq. ; 42 ; 50 ; 52 n. 6 ; 54 ; 170 : 171.

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266 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

Gymnase de Delphes : 58 ; 92 .Gyrton, ses naopes : 102-103.

Héraclée, représente les Maliens auiv e siècle : 21 .Héraclès, son sanctuaire aux Pyles : 37 ;

190.Héracléios, nom de mois : 192 ; 21 2 ; 221.Héraios, nom de mois : 47; 191.Héraut des naopes : 52 ; 113 ; 119 ; 20 4 ;

héraut sacré : 36 .Hermioné, n'envoie pas de naopes au

iv e siècle : 102.Hestia (autel d') : 210.Hiéromnémons, sont 24 : 3 ; 14 sq . ;

nombre porté à 30:

16;

représententdes peuples : 12 ; mais sont nomméspar des cités : 12 ; 105 ; leur nomination23 sq. ; sont seuls membres duSynédrion : 27 ; 53 ; égaux en droits :9 ; 226 ; durée de leur mandat : 25-26 ;leur serment : 53 et n. 2; leur sacrificeà chaque pylée : 52; 117; leur listerépétée en tête de chacun de leursactes 99 ; jugent 54-55 administrent :55 sq. ; 188 sq. ; offrent une panoplieà Athéna : 52 ; 141 ; apportent lacapitation : 162 ; délèguent leurs

pouvoirs à la délégation permanentedu Conseil : 46-48 ; aux naopes :96; 117; aux trésoriers : 122 sq.;logés à Delphes : 35 ; hiéromnémond'Athènes : 20 ; 24-25 ; 28 ; 31-32 ; 34n. 1; 167 n. 2; de Chios : 10; deDelphes : 16 ; 20; 168; des Locriens del'Ouest : 34 ; de Magnésie : 10-11 ; desPerrhèbes-Dolopes : 16-18 ; des Thessaliens : 25-26; 47; 49; 52-53; 191.

Hiéroménie pythique : 58 .Hypata. juge de la querelle eubéenne :

22 ; 55 .

Homolion, son obole majorée de 50 % :149 ; 150.Hoplothèque à Delphes : 52 .Hosioï à Delphes : 65 ; 203.

Ulyrie (prytanes en) : 81 .Ioniens, dans l'Amphictionie : 9-11 ; de

l'Attique 2 ; 3 ; 9 ; 11 ; de l'Eubée :3; 9; 11 ; 12; 15.

Isaura (archiprytane à) : 85 n. 2.Ivoire, pour le temple : 131 ; 22 0 ; 223 ;

224.

Kyphaira, son obole majorée de 50 % :150.

Kytinion, querelle avec Sparte : 8 ; 9 ;

21 ; 55 .Lamia, représente les Maliens au ive siè

cle : 21 ; juge la querelle entre Sparte etKytinion : 22 ; 55 .

Larissa, cité amphictionique : 12 ; représente les Achéens Phthiotes au ive siècle : 21 ; loue une maison à Delphes :35 ; ses deux naopes : 103 ; hérôond'Acrisios : 2.

Larmiers du temple, endommagés : 20 5 ;renforcés aux angles : 155 et n. 1 ;20 7 ; épaisseur présumée sous che

vrons : 201 n. 2 ; détruits : 208.Laurier sacré : 20 3 ; 21 0 ; 217.Lébadée, son hiéromnémon : 21 ; ses

naopes au temple de Zeus : 97 ; 98 ;108 n. 2 ; sanctions aux entrepreneurs :149 n. 2 ; péristyle du temple : 213 n. 1.

Léto, dans le serment amphictionique :35 ; 45 ; 239.

Lilaia, paie l'obole en 32 5 : 158.Locriens, dans l'Amphictionie : 3 ; et les

Mèdes : 6 ; leurs deux naopes : 103 ;privés de la Nateia : 56 ; L. de l'Est,leur querelle : 22; témoins dans un acted'affranchissement : 41 ; L. de l'Ouest,et la quatiième guerre sacrée : 12;28 ; 31-35 ; 44 ; 54-55.

Macédoine, ses hiéromnémons représentente roi : 14 et n. 2 ; 110; disposede six sièges à l'époque impériale : 16 ;menacée d'exclusion : 13 n. 3 ; sesnaopes : 14 n. 2 ; 103 ; 109 ; 110 ; 165 ;son bois réputé : 110 ; 213.

Magnésie du Méandre, admise dansl'Amphictionie : 4 n. 2 ; 9 ; 10-11 ; 15 ;

quorum de son assemblée : 69 ; sesprytanes : 89 .Magnetes, dans l'Amphictionie : 3 ; et

les Mèdes : 6 ; et Magnésie du Méandre :15 ; leurs hiéromnémons : 25 ; pas denaopes au ive siècle : 102.

Maliens, dans l'Amphictionie : 3 ; et lesMèdes : 6 ; leurs hiéromnémons auive siècle : 21 ; louent une maison àDelphes : 35 ; pas de naopes auive siècle : 102 ; dépossédés au profitde Nicopolis : 15.

Mantinée, péristyle de son agora : 21 3 n. 1.

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INDEX GENERAL 267

Marm ites (lieu-dit, aux Pyles; : 38 ; 190.Médéon, paie l'obole en 32 5 : 158.Mégare, son hiéromnémon : 4; 6; 12;

ses naopes : 103 ; 105 ; 107.Mélitéa, représente les Achéens de Phthio-tide au ive siècle : 21 .

Milet (archiprytane à) : 81 n. 1 ; 85 ; 89 .Monnaie amphictionique : 43 ; 59 ; 126 ;

129-135.Myrtiscé de Thrace : 10.Mytilène (prytane à) : 89 .

Naopes amphictioniques : 96-120 ; représentent l'Amphictionie, non leur cité :105-106 ; forment une commissiontemporaire : 98 ; leur nombre : 99-102 ;leur recrutement : 102 sq. ; ne sontpas «politiques» : 109-111; choisisparmi les notables : 107-108 ; inscritssur une stèle à leur entrée en charge :91 n. 2 ; 99 ; 124 ; 204 ; liste nonrépétée en tête de leurs actes : ibid. ;leurs fonctions : 108-109 ; 111 sq. ;encaissent les recettes avant 33 8 : 113-115; contrôlent la reconstruction dutemple exclusivement : 115-118 ; 193 ;223; leurs ressources : 118-120; 141-143 ; 193 ; fonds delphiques : 172 sq. ;ordre écrit de paiement aux Delphiens :

193 ; fonds amphictioniques verséspar avances en chiffres ronds : 127 ;189 ; naopes inscrits dans les comptesà partir de 33 9 : 192-193 ; numérotentles pylées : 156 ; achètent directementles matériaux précieux : 221 ; naopes dutemps de guerre : 109 ; 1 14 ; 153 ; 20 5 ;naopes de Sparte : 7, 109 ; de Corinthe :7; de Delphes : 103-104; 120; 174;leurs comptes : 193 sq. Tableau : 242.

Naopes de Samos : 107 n. 1.Naopoion : 112; 117; 118; 204.Nateia : 56 .

Naucratis : 139.Naxos (prytanes à) : 89 .Némée, temple de Zeus : 106 ; 201 n. 2.;

217.Nicopolis, admise dans l'Amphictionie,

avec dix sièges : 1 1 n. 1 ; 15-16; avecsix sièges : 16.

Numi italiotes : 163.

Oetéens, en 34 6 : 7 ; 166.Omphalos : 20 3 ; 21 7 ; 218 ; 219-220.Opontes, un naope : 103 ; un entrepre

neur190.

Orchomène de Béotie, un hiéromnémon :21 ; 23 ; pas de naopes : 105.

Oropos (offrandes envoyées à la fonte) :

134.Orthostates, de frontons : 20 2 ; des mursdu temple : 217-218.

Pagases, paie l'obole en 325 : 14 n. 2.Palissade pour le temple : 219.Parpaings du temple : 201-203; 216;

22 0 ; 22 3 ; 224.Parthenon, ses portes : 22 0 ; 222.Pellana, convention avec Delphes : 65 ;

76 .Pellina, ses naopes : 103.Péribole d'Amphictyon : 37 .

Péristasis du temple : 155 ; 206-208 ; 21 3et n. 1 ; 223.Perrhèbes, dans l'Amphictionie : 3 ; 4 ;

et les Mèdes : 6 ; perdent un siège auprofit de Delphes : 16-18 ; 19 ; auprofit de Nicopolis : 15 ; leur hiéromnémon : 25 ; leurs naopes : 103 ; 242.

Persée, fils de Danaé : 1.Pharsale, ses trois naopes : 104 ; 242.Phères, son hiéromnémon : 12 ; ses nao

pes : 102-103.« Philippes » (monnaie d'or) : 163; 221.Phlégyens, pillent Delphes : 17 .Phlionte, son hiéromnémon : 4 ; ses

naopes : 103 ; 105 ; 24 2 ; paie laseconde obole : 150; 151.

Phocée (prytane à) : 89 ; « hectés » dePhocée : 163.

Phocidiens, membres de l'Amphictionie :3 ; et la seconde guerre sacrée : 45 ;239-241 ; leur obole majorée de 50 % :149-150 ; et la troisième guerre sacrée :54 ; soutenus par Athènes et Sparte :6 ; occupent Delphes : 82 ; 109 ;continuent les travaux du temple :153-154

;proposent un contrôle sur

les offrandes : 156 n. 1 ; plus derigueur dans les comptes : 161-162;180-181 ; respectent les fonds verséspour le temple : 182 ; abandonnés parAthènes : 164-165; 167; leur défaiteet leur exclusion : 7 ; 42 n. 2 ; 53 :109; 164-172; leur amende : 166 sq . ;statues des généraux détruites : 205 ;premier versement de l'amende : 141 ;169 ; 171 ; amende réduite : 73 ; 156 ;169-171 ; 11* versement : 47 ; 82 ; 92 ;171 ; 192; perçu par les prytanes et

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268 L AMPHICTIONIE, DELPHES ET LE TEMPLE D APOLLON

par la délégation permanente : 47 ;113 n. 1 ; amende annulée : 170-171 ;dossier gravé sur six stèles : 172;

paient à nouveau l'obole : 158 ;17 2 ; perdent, la Nateia : 56 .Plafonds du temple : 20 0 ; 201 ; 206 ;

21 6 ; 22 2 ; 223.Platées, son hiéromnémon : 21 ; assigne

Sparte : 54 ; ses naopes : 103 ; 109.Poïtropios, mois à Delphes : 67 ; 235.Polètes des dîmes : 86; 92 ; 175 n. 1 ; 228.Porte du temple, provisoirement clôturée :

20 3 ; vantaux de cyprès et d'ivoire :20 3 ; 220-221 ; endommagée : 223.

Portique d'Attale : 57 ; portiques, 58 etn. 3.

Poseidon, son autel : 220.Poteidanion, dans le temple : 217.Priène, ses prytanes : 85 ; 89 ; archi-

prytane : 81 n. 1. Priène en Eubée (? ) :9-10.

Prophète : 20 3 ; 204.Prostateuontes des naopes : 112-113 ; 114 ;

118; 119; encaissent les recettesdurant les sessions : 179; 182; 183.

Prostasis de l'omphalos : 201.Prytanes de Delphes : 77-92 ; l'archonte

éponyme est l'un d'eux : 82-86 ;toujours inscrits en tête dans les

comptes : 88 ; représentent Delphesauprès de l'Amphictionie : 90 ; 244-24 5 ; membres de la délégation permanente : 46-47 ; 92 ; leurs attributions inancières : 90-92 ; encaissentl'amende des Phocidiens : 113 n. 1 ;convoient la contribution delphiqueen 32 5 : 14 n. 2 ; 82 n. 1. Prytaneséponymes dans les cités : 81 n. 1.

Prytanée de Delphes : 18 ; 70 .Pylagores amphictioniques : 3 ; 19 ; 26-

30 ; élus : 27 ; ne sont pas membresdu Synédrion : 3 ; 33-34 ; leur importance 28-29 ; 30 sq. ; corrompus (?) :28 ; fonction cumulable avec celle dehiéromnémon à l'époque impériale : 25et n. 2.

Pylées, origine du mot : 3, 19 ; ses deuxsens : 39-40 ; pylées ordinaires : 36-38 ;extraordinaires : 7; 42-48; 165; 192;déroulement de s séances en deuxtemps : 33-34 ; précédées d'un sacrifice 51 ; 52 ; payé par l'Amphictionie,non par les naopes : 51 ; 119 n. 3;pylée du printemps 34 0 : 30 sq. ;

pylée au sens comptable du terme :39-40; 48; 177; 183; numérotationde s pylées : 147-160 ; 10e et 11e pylées :

148-152 ; décalage dans la numérotation 152 sq. ; 31e et 35 e pylées :154-156 ; numéro inscrit par lesnaopes dans leurs comptes : 156 ; pyléede l'automne 32 5 : 82 n. 1 ; 156-158 ;du printemps 32 5 : cf . Charixénos.

Pythia, en Boucatios : 40 ; 41 ; présidéset organisés par les Amphictions : 18-19 ; 57 ; présidés par Philippe : 165 ;167 ; dépenses pour les Pythia : 127n. 2 ; réglementation : 57-58.

Pythie, sa maison : 57 ; 203.

Rhégion, ses prytanes : 81 ; 89 .Rhodes, son conseil semestriel : 75 ; sonprytane éponyme : 86 ; 89 ; sesdrachmes : 163.

Romains, arbitres de la querelle entreLocriens : 22 .

Sacrifices, des Amphictions : 35 ; 51 ; 52 ;1 19 n. 3 ; des naopes : 1 12 ; 1 19 ; 204.

Samos, ses prytanes 89 : ses naopes :107 n. 1.

« Scandale de 125 » : 35 ; 43 ; 56 ; 89 n. 1 ;92 .

Scarphée, sa querelle avec Thronion : 20 ;22 ; 55 ; entrepreneur : 190.Secrétaire, des Amphictions : 35-36 ; de

la Boula delphique : 72 ; 74 ; desnaopes : 74; 113; 119; 204; destrésoriers : 74 ; 125.

Serrhion Teichos, en Thrace : 10.Sicile, temples de S. : 20 2 ; à escaliers :

209 n. 1.Sicyone, cité amphictionique : 4, 12 ; ses

naopes : 104 ; 105 ; ses entrepreneurs :200 ; 22 4 ; ses bois de cyprès : 108 ;210.

Skiathos, convention avec Delphes : 68-70 .

Skirophorion, mois du congrès de Sparte(371) : 142 ; de la paix de 34 6 : 164-165.

Sparte, cité amphictionique : 4-9; veutfaire exclure les peuples qui ont« médise » : 6 ; 14 ; et la deuxièmeguerre sacrée : 45 ; assignée parThèbes : 54 ; congrès en 371 : 142-146 ;battue à Leuctres : 144 ; menacéed'exclusion : 6-8 ; 109 ; querelle avecles Doriens de la Métropole : 8 ; 21-

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INDEX GENERAL 269

22 ; 55 ; son hiéromnémon : 5 ; 6 ; 7 ;105 ; son trésorier : 5 n. 1 ; ses nombreux naopes : 104-106 ; 109 ; 24 2 ;

verse Yéparché : 162,Stade : 58 .Stèles, des listes de contributions, retail

lées ans les marbres du temple desAlcméonides : 147 ; 168 ; des listes denaopes : 91 n. 1 ; 99 ; 109 ; regravéeaprès 346 : 20 4 ; des listes de trésoriers : 91 n. 1 ; 4 stèles en calcairepour la contribution de Delphes : 175-176 ; 187 ; 6 stèles en marbre pourl'amende de s Phocidiens : 171-172 ;façonnées et gravées par Évagoros :168 ; stèles récapitulatives de s comptes

des trésoriers : 128 ; 192 ; de la frappedes monnaies nouvelles : 129 n. 3.Struclorium : 57 .Synédrion, local de réunion, à Delphes :

38-39 ; 192 ; aux Pyles : 38 .Ρ ynédrion ou Conseil amphictionique : cf.

Amphictionie, Hiéromnémons, Pylées.

Tanagra, déplace le temple de Demeteret Coré : 95 ; son hiéromnémon, sesnaopes : 21 ; 108 ; 109.

Tégée, à Platées : 23 ; son templed'Athéna : 106 ; 201 n. 2 ; 21 0 ; ses

entrepreneurs : 198 ; 200 ; 204.Temple de Delphes, des Alcméonides :1 16 ; remploi pour les stèles : 147 ; 168 ;temple du ive siècle, devis descriptif :115 ; adjudication de s travaux : 116 ;202-203 ; toiture ajourée : 210 ; templedelphique, amphictionique, panhellé-nique : 138 sq.

Temples, d'Apollon à Bassae : 210 ; àDélos : 21 3 ; d'Asclépios à Épidaure :199 ; 201 n. 2 ; 22 0 ; d'Athéna àTégée : 106 ; 201 n. 2 ; 21 0 ; deDemeter et Coré à Tanagra : 95 ; aux

Pyles : 37 ; de Zeus à Olympie : 22 0 ;de la Concorde à Agrigente : 20 9 n. 1 ;en Sicile : 202; 209 n. 1.

Ténédos (prytanes à) : 89 .Théâtre de Delphes : 70 .Thèbes, et « l'affaire des boucliers » :

30 sq. ; ne paraît pas au Synédrionen 340 : 44 ; assigne Sparte : 54 ; lesPhocidiens : 54 ; son attitude aucongrès de Sparte : 142-143 ; son effacement après Chéronée : 21 ; sa

tion : 109 ; ses naopes : 104 ; 106 ί107 ; 150 ; 24 2 ; maison des Thébainsà Delphes : 35 ; 66 .

Thermopyles, berceau de Γ Amphictionie :1-2 ; 19 ; enquête amphictioniqueaprès la bataille : 29 ; lieu des sessions :36-37 ; prospères au temps de Plu-tarque : 38 .

Thespies, son hiéromnémon : 21 ; sesnaopes : 103 ; 109.

Thessaliens, membres de l'Amphictionie :3 ; et les Mèdes : 6 ; leur prééminence :49 ; 52-53 ; inscrits en tête de s listes :52 ; leurs hiéromnémons : 25 ; formentavec les prytanes la délégation permanente 46-48 ; 53 ; assignent les Dolo-

pe s : 54 ; dévoués à Philippe : 49 ;leur ambassade à Athènes en 34 6 :166 ; leurs naopes : 106 ; 242 ; détiennentix sièges à l'époque impériale : 16.

Tholos, de Delphes : 201 n. 2 ; d'Épi-daure : 95 ; 106 ; 201 n. 2 ; 20 6 ; 216.

Thronion (en Locride), sa querelle avecScarphée : 22-23 ; 55 ; son naope : 103 ;sa contribution à l'Amphictionie : 52 ;Thronion (en Phocide) paie l'obole :158.

Thyié, Thyiai, faubourg de Delphes : 39 ;224.

Thymélé d' Épidaure : cf. Tholos.Thyrrheion, ses « prytanes en second » :85-86.

Tithronion, cité phocidienne : 158.Trésoriers amphictioniques, institués sous

l'archontat de Palaios : 13 ; 44 ; 46 ;48 ; 121 sq. ; entrent en fonctions en338, année pythique : 122 ; 124 ; 191 ;liste inscrite sur une stèle : 122 ; nonrépétée en tête de leurs comptes : 91n. 1 ; 99 n. 1 ; 123 n. 2 ; un mandatde quatre an s : 123-125 ; administrateurses dépenses ordinaires : 125-

129 ; 143 ; chargés de la frappe de lamonnaie amphictionique : 129-135 ;leurs comptes : 188-193 ; encaissentla capitation après 338 : 157.

Trézène, cité amphictionique : 4 ; sesnaopes : 103 ; 105 ; 242.

Tricca, obole majorée de 50 % : 149 ; 150.Triglyphes d'angle endommagés : 20 5 ;

renforcés : 155 ; 207.Tuiles du temple : 20 0 ; 20 8 ; 210 ;214-215.

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction vii-xn

Le Synédrion ou Conseil amphictionique 1-591) Une assemblée régionale 32) Douze peuples, deux sanctuaires 123) Hiéromnémons et pylagores 204) Lieux des sessions 365) Dates des sessions 396) Déroulement et objet des séances 51

Les institutions de Delphes au ive siècle 61-93

1 ) Les damiurges 62

2) L'assemblée du peuple, ou Ecclésia 653) Le conseil de Delphes, ou Boula 714) Les prytanes 775) Autres magistrats 92

Les collèges financiers : naopes et trésoriers.... 95-135

1 ) Les naopes 952) Les trésoriers 121

Le financement de la reconstruction. Recettes et

dépenses 137-224Recettes :

1) Organisation et chronologie du financement 1372) Les recettes : capitation amphictionique et contributionsibres 146

3) L'amende des Phocidiens 164

Dépenses :4) Dépenses payées sur la contribution forfaitaire de

Delphes : compte créditeur des naopes 19 et 20. ... 172

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272 TABLE DES MATIERES

5) Dépenses payées par l'Amphictionie : comptes du