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art Contemporain H ôpital Architecture C O L L O Q U E CHRU de Lille 25 et 26 novembre 2004 A C T E S

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art ContemporainHôpital

Architecture

C O L L O Q U EC H R U d e L i l l e

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A C T E S

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C O L L O Q U E

A c t e sC O L L O Q U E

A c t e sA c t e s

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Colloque organisé sous le patronage de :Martine Aubry, Maire de Lille, Présidente de Lille 2004 capitale européenne de la culture

Ministère de la santé et de la protection sociale, Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins

Ministère de la culture et de la communication

Conférence des Directeurs Généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires

Comité de pilotage Chef de projet : Michèle Dard, Chargée des affaires culturelles, CHRU de Lille ([email protected])

Danièle Wohlgemuth, Chargée de mission « Culture à l’hôpital », Direction de l’hospitalisation

et de l’organisation des soins, Ministère de la santé et de la protection sociale

Anne Nardin, Conservatrice en chef du musée de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

Xavier Collal, Chargé de mission « Culture à l’hôpital », Délégation au développement et aux affaires

internationales, Ministère de la culture et de la communication

Ariane Salmet, Chef de la mission du développement des publics, Délégation au développement et aux

affaires internationales, Ministère de la culture et de la communication

Dominique Aris, Chargée de mission, Direction de l’architecture et du patrimoine,

Ministère de la culture et de la communication

Françoise Chatel, Inspecteur général adjoint de la création, Délégation aux arts plastiques,

Ministère de la culture et de la communication

Xavier Franceschi, Inspecteur de la création, Délégation aux arts plastiques,

Ministère de la culture et de la communication

Jean-Marie Claustre, Conseiller en architecture, DRAC Nord-Pas-de-Calais,

Ministère de la culture et de la communication

Françoise Dubois, Conseiller arts plastiques, DRAC Nord-Pas-de-Calais,

Ministère de la culture et de la communication

Christian Vilette, Architecte conseil, DRAC Nord-Pas-de-Calais, Ministère de la culture et de la communication

Partenaires Le Ministère de la santé et de la protection sociale

Le Ministère de la culture et de la communication

Le Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais

Le Conseil Général du Nord

GIP, Santexcel, Loos

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Ouverture : les hôpitaux et la cultureCatherine Ahmadi-Ruggeri, Déléguée adjointe à la délégation au développement et aux affaires internationales, Ministère de la culture et de la communicationClaude Rolland, Chef de bureau à la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins,Ministère de la santé et de la protection socialeChristian Paire, Président de la commission culture, Conférence des Directeurs Généraux de CHU,Directeur Général du CHU de RouenDidier Delmotte, Directeur Général, CHRU de Lille

Comment concevoir un hôpital en intégrant la dimension culturelle? De la programmation au projet.Animation de la journée par Jacques Bonniel, Doyen de la faculté d’anthropologie et de sociologie, Lyon 2

Introduction : Anne Nardin, Conservatrice en chef du musée de l’Assistance Publique-Hôpitaux de ParisLes différents modèles hospitaliers sont fonction d’une vision du monde et d’une conception politiquede la santé. Comment naissent les évolutions architecturales ? Quel est le modèle actuel ? Quels sont les critères retenus pour concevoir un espace hospitalier aujourd’hui ? Quel modèle de concertation ? Quelle méthode de travail ? Quelle expertise ?Comment l’hôpital s’inscrit-il dans un territoire ? Quelles relations entretient-il avec son lieu d’implantation ?

Etude de cas : Hôpital Mère et Couple, Purpan, CHU de Toulouse Une conception de Pierre Riboulet †, ArchitecteProfesseur Pontonnier, Chef de service, CHU de ToulousePierre Poulhes, Architecte, responsable des études patrimoniales et de la programmation, CHU de ToulouseJacques Tabarly, Directeur d’hôpital, CHU de Toulouse

Etude de cas : Hôpital Claude Huriez, CHRU de LilleProjet de commande publique de Katsuhito NishikawaFrançoise Dubois, Conseiller arts plastiques, DRAC Nord-Pas-de-CalaisPhilippe Faucret, Architecte, maîtrise d’œuvre projet NishikawaJean-Roger Pautonnier, Secrétaire Général, CHRU de Lille

Table ronde : Quelle maîtrise d’ouvrage ? Comment favoriser la qualité architecturale ? Quelles conditions pour une maîtrise d’ouvrage de qualité ?Jacques Cabanieu, Secrétaire Général de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiquesMarie Agnès Férault, Chargée de mission, Direction de l’architecture et du patrimoineVincent Le Taillandier, Directeur de la Mission nationale d’appui à l’investissement hospitalierJean-Jacques Romatet, Directeur Général, CHU de NiceNicole Roux-Loupiac, Architecte conseil, Direction de l’architecture et du patrimoineDenis Valode, Architecte

Table ronde : Le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et l’artiste : de la relation au projet partagéQuelles sont les conditions pour introduire à l’hôpital une démarche artistique de qualité ? Y a-t-il des conditions deprojet pour qu’il y ait œuvre ? Comment met-on en place et développe-t-on ce processus ? Quelles démarches pour introduire un projet artistique dans un programme d’humanisation? Quelles sont les conditions nécessaires à une bonne collaboration entre maître d’ouvrage, maître d’œuvre et artisteQuelles relations entre la maîtrise d’ouvrage et l’artiste ? Réflexions sur l’(im)perméabilité de ces champs de création. Quel rôle pour l’artiste ?

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Etude de cas : Hôpital St-Joseph-St-Luc, LyonIntervention artistique de Cécile Bart Dr Georges Kepenekian, Chef de projet, Hôpital St-Joseph-St-Luc, lyonGeorges Verney Caron, Assistant maîtrise d’ouvrage

Table ronde : La commande artistique : Quel processus de travail ? Quelles conditions pour sa mise en oeuvre ? Quels enjeux ? Quels modes de concrétisation ?Anne-Marie Le Guevel, Déléguée adjointe aux arts plastiques, Délégation aux arts plastiques Alain Richert, Catherine Willis, Paysagistes. Réalisation d’un jardin sensible, IRSAM Marseille Emmanuel Saulnier, Artiste. Projet de commande publique, Institut Gustave Roussy, Villejuif

Sens, champ, enjeux de l’intervention artistique à l’hôpitalAnimation de la matinée par Michel Griscelli, Conseiller arts plastiques, DRAC Alsace, Ministère de la culture et de la communication

Introduction : Alain Cambier, Docteur en philosophie, Professeur en KhâgneComment l’art ouvre l’espace à l’hospitalité ? Y a-t-il une spécificité de l’art à l’hôpital ? Comment l’artiste intervient-il à l’hôpital ? Quelles incidences l’œuvre peut-elle avoir dans les pratiques de l’espace, du travail et de la relation à autrui ? Quels impacts sur les usagers ? Quelle expérience de l’art en milieu hospitalier ?

Etude de cas : Institut Paoli Calmettes, MarseilleLieu de recueillement et de prière. Intervention artistique de Michelangelo PistolettoSylvie Amar, Co-directrice du Bureau des compétences et désirs, médiateur délégué du programme nouveaux commanditaires de la Fondation de France pour les régions PACA et Corse

Table ronde : De nouvelles perspectives pour la culture à l’hôpital La création contemporaine : enjeu majeur de la culture à l’hôpitalXavier Collal, Chargé de mission « Culture à l’hôpital », DDAIDr François Paraire, Médecin des hôpitaux, Hôpital R. Poincaré, Garches AP-HPFrance Paringaux, Chargée de la diffusion et des publics, FRAC PACADaniel Tillier, Artiste. Réalisation de la chambre d’art, Institut de formation en soins infirmiers de MâconPatrick Vandenbergh, Secrétaire Général, ARH Rhône-AlpesDaniele Wohlgemuth, Chargée de mission « Culture à l’hôpital », DHOS

ClôtureCatherine Cullen, adjointe à la culture, Mairie de Lille

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Les hôpitaux et la culture

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l y a maintenant presque cinq ans, unmouvement important se dessinait pourouvrir les hôpitaux à la culture, il futconcrétisé par la convention culture -santé en mai 1999. Aujourd’hui, de nombreux hôpitaux incluent la culturedans leur projet d’établissement, voiredans le contrat d’objectif, développantainsi une politique culturelle globalecoordonnée par un responsable culturelet faisant appel aux ressources culturelles et artistiques de leur région.

Toutes les actions sont menées en partenariat étroit avec le Ministère de lasanté, et notamment la direction del’hospitalisation et de l’organisation dessoins (DHOS) dont le directeur MonsieurEdouard Couty, s’est toujours montré unfidèle défenseur de ce programme.

Le partenariat interministériel s’eststructuré au niveau national par uneétroite collaboration sur les enjeux etles perspectives de chacun des ministères. L’impulsion que donne leministère de la culture, dans le cadrespécifique de la convention de mai 1999,en collaboration avec le ministère de lasanté participe de la mission de servicepublic de la culture comme de la santé.Elle est relayée en région par desconventions signées entre les DRAC etles ARH, seize aujourd’hui.

Avec le projet artistique de NISHIKAWA, le CHRU de Lille ouvre un nouveauchamp d’action, celui de la création.Plus globalement, s’ouvre le débat de laculture à l’hôpital.

Le CHRU de Lille nous propose de développer cette réflexion qui s’inscritdans le cadre du projet hôpital 2007 quiprévoit la rénovation et la constructionde nombreux hôpitaux en France etnous l’en remercions.

Dans ce cadre, le ministère de la cultureet de la communication et le ministèrede la santé ont souhaité se rencontrerdans une perspective de réflexion et de

collaboration sur cet enjeu majeur de latransformation des établissements desanté.

Deux thématiques fortes justifient lacollaboration des deux ministères surce plan : la prise en compte de l’amélioration de la qualité architectu-rale et la commande publique. Ce colloque est l’occasion de renforcer etd’élargir les collaborations déjà existantes entre le ministère de la santéet le ministère de la culture et de lacommunication.

L’architecture : hôpital 2007

Le Ministère de la culture et la commu-nication, dans le cadre de ses attributions concernant l’architecturedont le rôle culturel fondamental estreconnu d’intérêt public, peut apporterson appui, notamment à travers la mission inter-ministérielle pour la qualité des constructions publiques(MIQCP), au ministère de la santé et àses établissements publics pourconcrétiser leur engagement en faveurde la qualité architecturale et urbaine.

Il est en effet de la responsabilité del’État - et celui-ci doit se montrer exem-plaire en tant que maître d’ouvrage deréaliser des bâtiments et programmespublics dans lesquels la dimension culturelle et la qualité du traitementphysique des espaces doivent être prises en compte, dans une recherchede l’amélioration des conditions de viede chacun. Cette démarche de qualité,au profit de tous, passe notamment parun dialogue constant et un engagementfort entre tous les acteurs : maître d’ouvrage, maître d’œuvre, usagers.

Dans le contexte de cette nécessairerénovation des hôpitaux, il importe des’interroger sur les choix architecturauxet au delà, réfléchir sur l’introduction del’art à l’hôpital par le biais de la créationcontemporaine.

La commande publique

Dans le cadre de la commande publique,le Ministère de la Culture a développédepuis de nombreuses années une politique ambitieuse visant à soutenir etdévelopper la création contemporainedans le rapport nécessaire qu’elle doitentretenir avec l’espace public.

Dans ce contexte, et vis à vis de champs d’intervention les plus variés, l’espaceurbain, bien entendu, mais aussi lesmonuments historiques, les édificesreligieux, les parcs et jardins, les espaces ruraux ou encore les espacesaudiovisuels partagés, etc, un nombretrès important de projets ont ainsi puêtre développés dans le souci constant,à la fois, de prendre rigoureusement encompte les contextes précis de chaquecommande, leurs attendus, leurscontraintes, leurs obligations, et d’offrirla possibilité aux artistes sollicités deproposer une création originale. Cetteaction, engagée également pour montrer la voie auprès des institutionset autres collectivités territoriales désireuses d’initier de tels projets, adonné lieu à un nombre croissant deréalisations d’importance.

Aux côtés de ces commanditaires, leMinistère de la Culture – la Délégationaux arts plastiques et les DirectionsRégionales des Affaires Culturelles – sesont régulièrement associés en termede partenariat et de conseil.

C’est dans cette perspective qu’a étéenvisagé et se développe le projet sur leCentre Hospitalier Régional Univer-sitaire Huriez de Lille avec KatsuhitoNishikawa.

L’artiste y proposera à la fois la créationd’un jardin pour l’espace de la cour d’honneur de l’hôpital, intégrant à la foisdes pièces sculpturales et des élémentsde mobilier, et aussi, toujours dans cetteobligation de traiter de ces questions devaleur d’usage, un aménagement de

Discours de Madame Catherine AHMADI-RUGGERI, Déléguée adjointe à la délégation au développement et aux affaires internationales, Ministère de la culture et de la communication

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l’espace d’accueil, incluant à nouveaudes pièces mobilières, et instaurant dece fait un passage sans rupture entreextérieur et intérieur. L’interventionartistique comme dans tout projet de cetype doit être envisagée le plus enamont possible du projet architecturalprévu, et ce, quelle que soit la procédureengagée.

Conclusion

Le programme Culture à l’hôpital s’étant fortement développé depuis1999, année de la signature de laconvention entre les deux ministères, il serait opportun aujourd’hui de conforter la politique menée depuis plusieurs années et de lui fixer de nouvelles orientations, sous la formed’une nouvelle convention relayée parune circulaire interministérielle, afin de faciliter la mise en place de politiquesculturelles à toutes les c a t é g o r i e sd’établissements hospitaliers.

Un bilan de la convention santé / culture pourrait être l’occasion de :

Redéfinir le champ d’application de laconvention,

De confirmer l’existence d’un cadrestructurant et de confirmer les orienta-tions,

De favoriser, dans le cadre du plan hôpi-tal 2007, l’adaptation du 1% culturel en le modulant selon les projets des établissements de santé.

D’évaluer les modalités de financement des projets.

D’élargir le partenariat, de développerle mécénat .

D’inviter de nouveaux établissements àse doter de politiques culturelles.

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Le contexte : La relance de l’investissement etHôpital 2007, un enjeu d’importance

La rénovation du parc hospitalier pourrépondre aux nouveaux besoins desanté publique est aujourd'hui lancée.Les efforts d’investissement actuels,notamment ceux liés au programme « hôpital 2007 », soit dix milliards d’euros supplémentaires en cinq ans,couvrent le champ des opérations d’investissements immobiliers, deséquipements médicaux et des systèmesd’information. Ils doivent permettre enparticulier la modernisation de certainsétablissements publics et privés dontl’état de vétusté ne présente pas toujours des conditions d’accueil, d’hospitalisation et de travail satisfai-santes, ne permet pas de développer denouveaux modes d’organisation médicale, ne répond plus aux exigencesde sécurité et d’hygiène.L'enjeu financier est important puisqu'autotal 28 milliards d'euros seront consacrés à l'investissement hospitaliersur cette période. C'est également uneopportunité de s’interroger à nouveausur la manière de concevoir les établissements de santé.

L’existant : un parc hospitaliercontrasté et composite

Le paysage hospitalier en France offreaujourd’hui une grande disparité : différents types de constructions hospitalières coexistent qui sont mêmeparfois juxtaposés sur un même site. Onpeut repérer par exemple l’ « Hôtel-Dieuen centre ville», les hôpitaux pavillon-naires construits en périphérie urbainepour accueillir les contagieux ou lesmalades mentaux, les hôpitaux modulaires type Duquesne et Fontenoydes années 70, puis les hôpitaux monoblocs des années 80. Ces vaguessuccessives de constructions ontaccom-pagné les grandes réformes hos-pitalières et les évolutions technologi-

ques. Qu’il s’agisse de construire denouveaux hôpitaux ou d’aménager desstructures existantes, la question sepose d’une insertion pertinente et har-monieuse des nouvelles constructionsdans le paysage environnant. Les répon-ses sont différentes en fonction del’existence de réserves foncières sur lesite et de l'importance du patrimoinehistorique dont l’utilisation et la préser-vation sont à prendre en compte. C’est lesens de la loi du 3 janvier 1977 qui men-tionne que «la création architecturale, laqualité des constructions, leur insertiondans l’environnement et le respect des paysages et du patrimoine sont d’intérêtpublic ».

Des attentes légitimes et incontournables en matière de qualité architecturale

Afin d’améliorer la qualité de vie à l’hôpital des patients et des professionnels de santé de nombreuxaspects sont donc à prendre encompte :

L'hôpital doit être fonctionnel :Il s’agit de s’assurer de sa lisibilité aussibien à l’intérieur qu’à l’extérieur, decréer de nouveaux espaces d’accueiladaptés aux besoins; de prévoir sa flexi-bilité et sa modularité. La prise encompte de l’ergonomie est essentielledans l’utilisation des équipements maisaussi dans les circuits de prise encharge du patient, dans l’organisationdes espaces et dans la circulation del’information.

L'hôpital doit être accueillant :La notion de confort évolue dans nos sociétés. Une réflexion sur les espaceshôteliers dans les espaces hospitaliersconduit à prendre en compte l’impor-tance d’une conception plus chaleureusedans le choix des matériaux, des couleurs, des ambiances grâce à l’optimisation de la lumière par exem-ple. Les notions de confidentialité etdu respect de l’intimité sont essentielles.

On voit aussi apparaître des atriums,des espaces de rencontre dédiés aux familles et aux patients, des espacescommuns aux personnels, ainsi que desétudes sur la signalétique.

L'hôpital fortement équipé doit maîtriserses risques :Les équipements de pointe doiventrépondre aux attentes des usagers etaux types d’activités qui sont définis parles schémas d’organisation sanitaire. Leplateau technique performant et évolutifnécessite des structures adaptables etflexibles. L’hôpital doit être conçu pourrépondre aux exigences de sécuritéliées à la réglementation qui ne cessed’évoluer. Il est donc nécessaire d’intégrer les éléments de la gestiondes risques et de la sécurité dans laprogrammation.

L'hôpital doit rester humain :Les usagers et les professionnels attendent également de l’hôpital depouvoir continuer à y mener une viesociale. Cela nécessite des espacesconviviaux (des cafétérias et autres ser-vices ouverts sur la ville) ainsi que des espaces évolutifs adaptés au partage demoments collectifs, aux actions culturelles, sportives et artistiques. Demême dans les moments les plus graves il faut pouvoir offrir aux patients,à leurs familles et aux professionnels,des espaces dédiés aux événementsdouloureux et au recueillement.

L'hôpital doit respecter l’environnement :L’intégration d’une démarche « hautequalité environnementale » est d’actua-lité, notamment sur les aspects de lagestion de l’eau, de l’air, des « chantiers propres », de la gestion desbruits, de la gestion de l’énergie et de lagestion des déchets.

L'hôpital doit s’adapter à de nouveauxmodes d’organisation : A partir du projet d’établissement largement concerté avec les profession-nels intégrant un projet médical centrésur le patient, il s’agit de repenser le

Discours d’ouverture de Monsieur Claude ROLLAND, Chef de bureau à la Direction de l'hospitalisation et de l'organisationdes soins, Ministère de la santé et de la protection sociale

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fonctionnement interne de l’hôpital. Ces nouvelles organisations s'inscriventdans le cadre d’une nouvelle gouver-nance en privilégiant l’efficience et l’optimisation des moyens.

Enfin, l'hôpital est au cœur d’unréseau de soins : Il s’agit de tenir compte de l’évolutiondes modes de prise en charge enréseaux, basés sur un partenariatexterne avec les professionnels libérauxet l’ensemble des acteurs sanitaires etsociaux. De multiples réseaux se sontorganisés réseaux inter hospitaliers,réseaux autour de pathologies particu-lières ou des besoins spécifiques depatients : l’hospitalisation à domicile sedéveloppe par exemple de plus en plus.

L’hôpital de demain pilote ou partenaire de réseaux, devra répondreaux besoins de santé de son territoire.Il est ressource dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. Il sefondera sur un système d’informationperformant (le dossier médical partagé)et ouvert sur l’extérieur (la télé médecine). D’un lieu de séjour, il devientun lieu de passage. Ses nouveauxmodes d’organisation impliquent denouveaux métiers, de nouvelles compétences, mais aussi de nouvellesréponses architecturales. Hôtel pour lespatients, il intègre un plateau techniqueperformant et évolutif, nécessitant desstructures adaptables et flexibles. Il doitoffrir une accessibilité et un repéragefacile. La réponse en terme d’architec-ture, d’aménagement des espaces intérieurs et extérieurs et en terme d’insertion des constructions dans lepaysage urbain est nécessairementcomplexe et doit intégrer une prospec-tive pour anticiper les évolutions à venir.Elle est spécifique à chaque site.

La définition d’un projet culturel et artistique dans le projet d’établissement

Pourquoi un projet culturel dans unprojet de construction?

La loi déjà précitée du 3 janvier 1977affirmait en préambule que « l’architec-ture est une expression de la culture ».Une architecture adaptée favorise lesrelations entre les personnes qui occupent les lieux et participe au décloisonnement. Les projets culturelsse mettent en place depuis la convention de 1999 dans de nombreuxétablissements. Le projet culturelconstruit en amont dès l’élaboration duprojet d’établissement est un supportprivilégié pour une architecture hospita-lière réussie. Il permet de donner dusens au projet à partir d’une réflexioncollective des différents acteurs (profes-sionnels de santé, usagers, mais aussiacteurs culturels et artistes) en prenanten compte le contexte spécifique del’établissement et son histoire, notam-ment lors des restructurations. Ce travail de concertation permet d’amélio-rer la réponse aux besoins et offre unemeilleure appropriation du projet.

Les conditions de la réussite

La volonté du maître d’ouvrageC’est au maître d’ouvrage de donner sesobjectifs stratégiques, quantitatifs etqualitatifs aux architectes et aux artistes pour des réalisations qui répondent aux attentes des profession-nels et des usagers. Ces élémentsseront alors intégrés dans la démarchede programmation.

Une place pour l’artiste L’artiste peut apporter une dimensioncréative et une sensibilité particulièreau cours de l’élaboration du projet. Ilpeut notamment être consulté en phasede programmation et s’intégrer àl’équipe projet afin de participer à laconcertation entre les acteurs et aurecueil des besoins.

Des moyens Le Ministère de la culture et de la communication participe d’ores et déjàpar le fond de la commande publique audéveloppement de création artistique

dans les constructions. Le mécénat aparticipé largement à certains projets, notamment la Fondation de France.

Le Ministère de la santé et de la protection sociale mène égalementdes actions concrètes dans cedomaine : . Introduction de la dimension culturelledans les actions du Ministère, à l’occasion de rédaction d’ouvrages surl’architecture hospitalière par exemple,

. Valorisation des projets innovants etdes initiatives culturelles remarquablespar le partage d'expériences, notam-ment lors des congrès hospitaliers,

. Prise en compte de la dimension culturelle dans les concours d'architec-ture lancés par les hôpitaux.

Nous avons tous vu des nouveaux hôpitaux intégrer réellement cettedimension culturelle dans leur projetarchitectural. Les acteurs de santé etles chefs d'établissements sont trèssouvent des promoteurs volontaristes deces démarches. Les initiatives sont doncbien réelles, et ce pour le bien être detous.

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I. Commission Culturelle

1. La commission culturelle existedepuis novembre 2002.

2. Ses objectifs sont : - le sens d'un projet culturel à l'hôpital- l'élaboration d'outils facilitant la miseen œuvre d'une politique culturelle.

3. Il est important d'asseoir la fonctiondu responsable culturel.

4. L'éthique ne doit pas échapper à laréflexion commune.

II. Art et Architecture

1. Le rapport entre l'art et l'architectureest ancien et complexe.

2. Selon Hegel "l'architecture est l'undes fondements de l'art", "l'architectureest symbole du lien social".

3. A l'hôpital l'existence de ce lien socialest plus forte qu'ailleurs, il permet ladédramatisation du lieu.

4. Avant l'hôpital était un lieu d'enfer-mement, aujourd'hui nous sommes enrupture totale avec cette vision.

5. Les architectes sont dans cetteosmose, en tissant, ils jouent un rôlefondateur.

6. La culture permet la liaison entre lesétablissements de soins et l'environne-ment.

Intervention de Monsieur Christian PAIREPrésident de la commission culture, Conférence des Directeurs Généraux de CHUDirecteur Général du CHU de Rouen

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Madame la représentante de Madamele Maire,Madame la Déléguée adjointe à la culture, Monsieur le Directeur de la DHOS, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

En qualité de Directeur Général, je suistrès honoré d’ouvrir ce colloque intitulé“Hôpital, architecture, art contemporain”.

Cette manifestation qui débute ce jour,se poursuivra demain. Elle réunit lesprofessionnels de la santé et de la culture afin d’ouvrir le débat sur lesenjeux de la création contemporaine àl’hôpital.

Le CHRU de Lille a engagé cetteréflexion inédite à l’occasion de lamodernisation de son établissementemblématique : l’hôpital Claude Huriez.

Soucieux d’apporter à l’ensemble desusagers (patients, personnels, visiteurs)un cadre de vie agréable au sein de l’hôpital, la modernisation de l’établis-sement a été menée en conciliant fonctionnalité et qualité des espaceshospitaliers.

La rénovation architecturale se poursuit. Les espaces d’accueil de l’hôpital seront aménagés par l’artistejaponais Katsuhito Nishikawa. Son projet artistique novateur s’inscrira aucœur de l’hôpital en 2005/2006.

Si la présence d’œuvres d’art au seindes établissements hospitaliers peutincontestablement participer à l’huma-nisation de lieux souvent porteurs d’appréhension, il importe au préalablede définir les modalités de chaque intervention. En effet, inscrire l’art àl’hôpital suppose que cette démarchesoit mise en place dans le respect desindividus, des missions, des valeurs etde la gravité de ce qui se déroule dansces lieux.

Ces journées seront l’occasion d’aborder les questions suivantes :

Comment concevoir un hôpital enintégrant la dimension culturelle ?

Quelles sont les conditions établiespour une maîtrise d’ouvrage de qualité ?

Quelles relations entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et artiste ?

Quels sens, champs et interventionartistique à l’hôpital ?

Ce colloque a été conçu par laDélégation aux affaires culturellesdu CHRUL en lien étroit avec :

. Le Ministère de la santé et de la protection sociale, la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation dessoins.. Le Ministère de la culture et de la communication, la Délégation au développement et aux affaires interna-tionales, la Direction de l’architecture etdu patrimoine, la Délégation aux artsplastiques, la Direction régionale auxaffaires culturelles Nord-Pas-de-Calais.. Le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. Le Conseil général du Nord. La ville de Lille. La Conférence des DG de CHU. GIP Santexcel

Je voudrais remercier l’ensemble denos partenaires pour leur soutien et leurengagement. Je voudrais égalementremercier l’ensemble des personnalitésdu monde médical et culturel qui ontaccepté de s’engager avec nous dans laréflexion et d’être présents à Lille àcette occasion.

Je souhaite que ces deux journéessoient riches en échanges et débats.

Je vous remercie.

Discours de Monsieur Didier DELMOTTEDirecteur Général du CHRU de Lille

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Comment concevoir un hôpital en intégrant la dimension culturelle ? De la programmationau projet.

Les différents modèles hospitaliers sont fonction d’une vision du monde et d’une conception politique de la santé. Comment naissent les évolutions architecturales ? Quel est le modèle actuel ?

Quels sont les critères retenus pour concevoir un espace hospitalier aujourd’hui ? Quel modèle de concertation ? Quelle méthode de travail ? Quelle expertise ?Comment l’hôpital s’inscrit-il dans un territoire ?

Quelles relations entretient-il avec son lieu d’implantation ?

I n t r o d u c t i o n

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La présence à l’hôpital de la dimension culturelle fait aujourd’huil’objet de nombreuses réflexions et dedébats. Elle semble surtout avoiracquis un statut de légitimité, auquella convention culture à l’hôpital n’est évidemment pas étrangère sans pourautant en constituer l’unique ressort.

Pour les générations de professionnelshospitaliers marqués, voire modelés par l’emprise croissante d’une technologiemédicale toujours plus sophistiquée, etacquis aux logiques ou aux contraintesqu’elle induit, le surgissement de cettequestion est d’abord apparu commeincongru, déplacé, d’ailleurs souvent liéaux passions de quelque brillant collègue lui-même collectionneur, etbénéficiant à ce titre d’une certaineindulgence – parfois traduite par un“laisser-faire”.

Depuis environ trente ans que le mondehospitalier se perçoit et se pense à partir du registre du vital et de celui de l’urgence, cette question a longtempssouffert de ne pouvoir être véritable-ment prise au sérieux.

A l’opposé, l’image à peu près omniprésente des hospices de Beaunedans la représentation commune del’hôpital d’autrefois, avait pourtantmaintenu vivant - jusqu’à lui donner laforce du stéréotype - le souvenir d’une articulation étroite entre le lieu et lesmanifestations artistiques qui s’ydéploient, parfois non sans faste.

Entre les deux, quels mouvements sesont additionnés pour engager le reculpuis le retrait – jusqu’à l’exclusion – dela présence artistique ? Il peut paraîtreutile, en ouverture de la réflexion engagée sur ces deux journées, de rappeler très brièvement ici l’épaisseurhistorique de cette question au sein del’hôpital et les strates successivesqu’elle y a déposées.

L’art au cœur du dispositif

Dans la période médiévale et jusqu’à lafin de l’Ancien Régime, le programmed’accueil et de soins de l’hospice ouhôtel-Dieu est porté par une inspiration-charitable qui puise à la source du

message évangélique. Dans sa formula-tion, l’institution hospitalière représente ici-bas l’une des plus fortes traductionsde l’appel reçu (voir Matthieu 25, 45).Les vocations qui portent sa réalisation

R. Van der Weyden : Le polyptique du Jugement dernier, 1450 (Hospices de Beaune)

Discours de Madame Anne NARDINConservatrice en chef du musée de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris

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et l’organisation qui s’y déploie dans sesmurs entendent exprimer “au pied de lalettre” la réponse à l’exhortation : “ Carj’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’étais malade et vous m’avezvisité,…” (Matthieu 25, 35), que l’Egliseconvertit en injonction avec le programme des “Sept Œuvres de miséricorde”. Si celui-ci concerne apriori tout chrétien, il représente presque une totalité mise en œuvre entre les murs de l’hôtel-Dieu, à traverset par laquelle se découvre, telle unepromesse, la dimension mystique de ceprogramme charitable.

Placé sous l’autorité de l’évêque etanimé par une congrégation religieuse,l’hôtel-Dieu est un lieu consacré. Et surun plan architectural, la fonctionnalité àlaquelle répond l’organisation de la salledes malades est celle de l’église. Laplace et la fonction que l’art y occupesont en partie comparables à ceux quilui sont dévolus dans une église. Figures médiatrices du sacré, les œuvres d’art

disent le lieu, son projet, les modèles qui l’ont inspiré (le saint patron de l’établissement ou le père fondateur dela communauté religieuse), la piété et ladévotion auxquelles il doit sa fondation

(les portraits des donateurs). L’artimage l’acte sanctifiant (le don, lesecours, la consolation) pour mieux lereproduire. A la fois présence et rappel,il s’inscrit dans une permanence au-delà ou malgré les aléas de l’actionquotidienne, c’est-à-dire ses nombreuxet inévitables dérapages.

Du centre à la périphérie

Les compromissions de l’Eglise avec“les affaires du monde”, le clientélismede certaines congrégations hospitaliè-res (car il y a bien des bons et des mauvais pauvres), les corruptions ou trafics repérés dans la gestion de certains établissements, les limites voire la perversion du système charitable qui finalement encourage lamendicité et par là reproduit la pauvreté… Le dispositif est progressive-ment discrédité et tombe avec lamonarchie au moment de la Révolution. De nouveaux acteurs investissent la

place au nom d’un programme doublement ambitieux et qui intéresse l’ici et maintenant. L’hôpital est désormais dédié à la médecine, unemédecine entièrement à construire

puisque fondée sur l’observation, enmême temps qu’il assure des missionsd’assistance au nom cette fois de la philanthropie mais aussi de principesd’équité entre les citoyens, garantis parl’Etat.

La fonctionnalité qui organise à présentles espaces presque inchangés jusqu’àl’introduction de l’architecture pavillon-naire dans le dernier tiers du XIXe siècleest celle que réclame le programmescientifique de la médecine (l’observa-tion à grande échelle, du lit à la salled’autopsie). La raison gouverne enquête d’efficience et de rendement etpour le plus grand bien de la Nation. Cequi ne relève pas de ce programme estrelégué à la périphérie du dispositif. Endehors de la chapelle où il est et reste àsa place, l’art est devenu un ornementqui apporte une touche d’honorabilitédans les lieux de représentation (la salledu conseil, le bureau du directeur).Peut-être même serait-il subitementchargé de signifier la distinction de l’institution et de son projet, alors que lapauvreté et la maladie additionnent partout ailleurs leurs pénibles specta-cles. En dehors de ces espaces biendélimités, les œuvres disparaissent,mouvement que le pastorisme et l’hygiène hospitalière précipitent à la findu siècle. Un lieu pourtant, dans leshôpitaux universitaires, fonctionnecomme une sorte de réservoir de la production artistique, dans une explosion féroce et jubilatoire : la sallede garde.

Une question hors sujet

A partir de 1930, l’évolution des techni-ques de construction permet de dresserle bâtiment à la verticale. L’hôpitaltrouve ainsi l’une des meilleuresexpressions – ou la plus visible – de saconversion à la modernité, celle dictéepar le rythme du progrès et des évolutions de la technologie. La périoded’après-guerre, mobilisée par unereconstruction à grande échelle avec

Salle de garde, d’après L’Escamoteur de Jérôme Bosch

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des moyens cependant limités, aboutità la mise au point de «procédures industrialisées», fondées sur les notionsde standardisation et de module. Lefonctionnalisme le plus poussé peutprendre possession des lieux. A de trèsrares exceptions près (comme l’HôpitalMémorial de Saint-Lô (1956), financé en partie par des dons américains et où Fernand Léger est intervenu), l’organisation et le fonctionnement de

l’institution hospitalière font de la présence artistique une question littéralement hors sujet, et cela, paradoxalement à nos yeux, en pleincontexte d’humanisation. Celle-ci s’attache d’abord à faire disparaître toutce qui maintient vivant le souvenir del’hôpital-hospice – autrement dit com-promis avec des missions sociales –,dont l’image, dix ans après l’institutionde “l’hôpital toutes-classes” (1941), serévèle tenace dans les esprits (c’est cequi fait du plein-temps hospitalier, aumilieu des années cinquante, une pers-pective presque scandaleuse pour laplupart des médecins chefs de service).La disparition des salles communess’accompagne ainsi de la mise à

disposition des équipements à présentreconnus comme les éléments de basedu confort moderne (sanitaires dans leschambres, généralement à deux ou àquatre lits, téléphone, poste de télévi-sion…), mutation que vient confirmer,sur un autre plan, le nouveau mobilierhôtelier aux lignes pures et fonctionnel-les, représentatif des tendances desannées soixante. Depuis quelquesdécennies pourtant, de nombreux artistes avaient réinvesti avec de nouveauxmoyens le projet de “réconcilier l’art etla vie”; mais les mutations dans lesquelles s’engagent les hospitaliers,la confiance et les certitudes qui les habitent semblent devoir exclure l’hôpitalde ce champ d’expérimentations.

Le tableau de l’hôpital d’aujourd’hui(son fonctionnement, le regard porté surlui et les débats dont il est l’objet) nousdépeint un monde profondément affectépar les tensions d’une société que deschercheurs ont qualifié d’hypermoderne(Max Pagès) ou de surmoderne (MarcAugé). Parallèlement, les limites ou lesécueils des grandes transformationsengagées au cours des “Trente glorieuses”se sont progressivement révélés : laconversion radicale de l’hôpital à lamodernité portait en elle les conditionsde nouvelles formes de déshumanisation,que le joli et le confortable n’ont pas étéet ne sont toujours pas en mesure decompenser lorsque ces formes imprè-gnent – et par là expriment – la culturehospitalière.

Des convictions, des mythes se sont fissurés, le doute s’est installé. Dès lors,la dimension culturelle (justement comprise dans toutes ses formulations)peut s’installer dans les vides – nombreux – de cet hôpital hypertechno-logique, comme dans l’attente d’unrééquilibrage, voire d’une réparation.C’est ce qu’un artiste comme EttoreSpaletti à voulu tenter à Garches en1996 dans la Salle des départs de l’hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP) :“L’azur soulage la matière de son poidset lui restitue une profondeur inestimable”.

Ettore Spaletti : La salle des départs, 1996 (Hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP, Garches)

Crédits photographiques : Photothèque de l’AP-HP Tous droits réservés

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Hôpital Mère et Couple, Purpan, CHU de Toulouse Une conception de Pierre Riboulet †, Architecte

Etude de cas

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Au moment où l’Hôpital se trouveentraîné dans une « accélération de sonédification grâce à la mise en place du"plan 2007 ", amorce de réponse à samise à niveau, il est important d’effectuer un arrêt sur image, non pourbloquer cette démarche enthousias-mante mais pour vérifier son déroulement au travers "des filtres"d’aide pour une édification de qualité.

Ce temps de réflexion est un momentclef de "l’édification de l’Hôpital". Il permet d’effectuer "un retour enarrière, un retour d’expérience" qui doitimpérativement s’inscrire dans ladémarche de tout projet. MonsieurROCHAIX, ancien président de laSociété Française d’Histoire desHôpitaux appelle cette démarche "ledevoir de savoir".Cette démarche entreprise aujourd’hui

mérite d’être poursuivie ; elle permettraà l’Hôpital de progresser et ainsi demieux répondre à l’ensemble des attentes des usagers, des utilisateurs,des décideurs, et faciliter la relation desdifférents acteurs dans une relationorientée en permanence vers un"objectif partagé".Tout cela peut paraître "utopique".Le projet que vous avez retenu de

l’Hôpital de la Mère, de la Femme et duCouple réalisé au CHU de Toulousemontre le chemin d’un possible.

Pour vous faire découvrir ce projet"l’histoire d’un changement" nous développerons trois temps : . Son Contenu : le territoire, le Projet, laréalisation. Ses Echos : les usages….. Sa Place : dans l'histoire des construc-tions hospitalières.

Son contenuNous ne pouvons plus dire aux patientes“excusez-nous, nous sommes monu-ment historique" (expression d’unesage-femme lors du transfert des activités).

1 – La GraveLa maternité des Hôpitaux de Toulouse

a voyagé, partie de l’Hôtel Dieu 1729 à1890 - passée par La Grave 1890 2003 -et installée depuis le 25 mars 2003 àl’Hôpital Purpan. Deux DirecteursGénéraux, René RETTIG puis DanielMOINARD, aidés par Jacques TABARLYDirecteur, ont assuré le rôle primordialet la lourde responsabilité de Maîtred’Ouvrage, conformément à la définitiondonnée par le législateur français en

1985 dans la loi sur la Maîtrised'Ouvrage Publique et ses rapports avecla maîtrise d'œuvre privée.Le travail continu et partagé par le maître d'ouvrage, le chef de projetmédical et l'architecte a construit cettequalité.

Quels furent les éléments fondamen-taux du programme…?Nathalie ROLLAND dans la revue del'Association Architecture et Maîtred'ouvrage– Midi-Pyrénées nous en présente 4 :Regrouper sur un site unique les diver-ses spécialités médicales (gynécologie,obstétrique, andrologie, traitement del'infertilité) et des unités de recherche(Cecos, Inserm) dédiées à la femme, lamère et au couple.Mettre en œuvre une articulation fonctionnelle entre cet hôpital et

l'hôpital pédiatrique, construit par l'architecte Fainsilber et ouvert en 1998.

Créer des lieux de sociabilité dans unendroit où l'on peut habiter longtempssans être malade ; le cœur symboliquede l'établissement étant la maternité.

S'insérer dans un plan d'urbanisme : leterritoire défini conjointement par le

Intervention de Pierre POULHESResponsable des études patrimoniales et de la programmationCHU de Toulouse

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CHU, les services d'urbanisme de l'Etatet la ville de Toulouse – qui fait de labastide l'élément de référence.

Le schéma d'urbanisme fut élaboré,après concours par les architectesurbanistes Frédéric Bonnet et PhillipeVillien.Que peut être de nos jours un urbanisme hospitalier?"Il nous faut avant tout reconnaître deuxdonnées initiales : l'Hôpital est devenuune sorte de "ville" et par ailleurs, ilexiste une spécificité "hospitalière".A Purpan ces données sont réunies. Leschéma d'urbanisme peut donc se for-maliser et progressivement être un lan-gage commun aux nombreux acteursqui structurent le site.Profiter d'une connaissance de la ville

pour enrichir, conforter et guider ledéveloppement d'une institution éten-due sur plus de 40 hectares - déjà unterritoire en soi, suppose de partager denombreux savoir-faire :. Une culture de la ville, de son évolu-tion dans le temps . Une connaissance des besoins et des fonctions d'un grand complexe immobilier

. Une capacité de gestion et de développement d'une grande institution.L'urbanisme est ainsi fondé sur un dialogue. Les compétences et les préoccupations souvent disperséesseront ainsi fédérées.Le schéma d'urbanisme s'est développéautour de 2 notions : fonder et gérer leterritoire dans une recherche d'équilibre.. En créant de nouvelles implantationsqui transforment définitivement leslieux.. En accompagnant l'existant, en le valorisant, en étendant et perpétuantune logique antérieure.

Trois thèmes furent retenus pour synthétiser l'urbanisme hospitalier :. l'image, la représentation et le vécu del'institution, IDENTIFIER

. le temps, qui fait se succéder les opé-rations et s'épaissir la ville, CROITRE. la géographie et à la géométrie deslieux TRACER.

Le FONCTIONNEMENT de l'Hôpital estappréhendé de manière synthétique àtravers ces trois thèmes : identifier,croître, tracer. Il s'agit de déplacer la question de la fonction au sens strict

vers celle de l'USAGE, plus complète,plus proche de la réalité des besoins desusagers.

Trois familles d'outils, des règles furentdéveloppées pour concrétiser les intentions et les thèmes d'urbanisme :. Ceux qui organisent les "flux", CIRCULER. Ceux qui régissent le bâti, DENSIFIER. Ceux qui précisent le sens des "vides", majeurs ou domestiques, THEATRALISER.

Au final, l'objectif du schéma d'urbanisme est pluriel. Il s'agit évidemment d'inscrire au plus juste lesopérations programmées du plan médical d'établissement dans une composition urbaine. Ce document

d'orientation à long terme, 10 ou 20 ans,constitue une charte interne au CHU,révisable chaque année en fonction del'évolution de ses projets.

Laissons Pierre RIBOULET nous présenter le Projet en parcourant les points forts de la notice explicative et justificative IntentionArchitecturale établie au moment

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du concours et son vécu sur la réalisation retracé dans "ParcoursModerne".

L'étude de cet hôpital pour la mère etplus généralement pour la femme et lecouple est très intéressante par lecontenu même du programme, par sonampleur et par sa situation. Il va de soiqu'un tel ensemble est d'une grandecomplexité. Aux difficultés fonctionnel-les habituelles s'ajoutent deux élémentsqui influencent fortement le parti archi-tectural : l'existence de la pédiatrie etles directives urbaines. Le travail présenté ici a cherché à transcender cetensemble de contraintes pour aboutir àune organisation fonctionnelle aussi claire et lisible que possible à une figure volumétrique de la plus grande simplicité. Je reste de plus en plus

persuadé que l'architecture fait ladémonstration de sa pertinence et d'unecertaine manière trouve sa légitimité aumoment où elle atteint la simplicitédans la complexité.

2 – Plan masseLa pédiatrie : le bâtiment conçu parAdrien Fainsilber et son équipe, déter-mine, comme cela est normal, des

implantations décisives : la cour de ser-vice et par conséquent la localisationdes magasins et de la pharmacie, laréanimation et la néonatologie quiimposent en regard le bloc opératoire etle bloc obstétrical de notre programme.Le parti pris par les urbanistes pourdonner une unité et une cohérence àtoute cette partie de la plaine de Purpanm'a paru très convaincant. Le rapport àl'histoire, dans ce qu'elle a de profond,si souvent oublié est au contraire ici mis en valeur, sans qu'il s'agisse, évidemment d'une imitation littérale desbastides, mais l'esprit qui s'en dégage.A notre époque où la grande question del'architecture est celle du sens – doncde la composition - il est agréable de trouver une occasion de développer unetelle recherche. Le public et le person-nel arrivent sur la façade opposée, à

l'ouest, sur la nouvelle avenue quiaccueillera le futur tramway, le long dubeau jardin. L'accès, à rez-de-chausséeest situé entre deux plots. Un auvent,beaucoup moins haut mais aussi longque celui de la pédiatrie marque l'entréeet conduit à l'accueil central, lequeldonne accès à une large galerie longitu-dinale. Cet espace constitue en quelquesorte l'épine dorsale du projet. Il se

prolonge vers le NORD jusqu'à l'accueildu bâtiment de pédiatrie par une galerie- jardin d'hiver. De cette manière, lesdeux établissements sont fortementreliés sur le plan du grand publiccomme ils le sont sur le plan du servicepar les autres passerelles.

Du point de vue de la composition générale, la figure d'ensemble pédiatrie- hôpital mère est bien équilibrée et trèsunitaire par le fait que les deux axesd'intérêt sont perpendiculaires l'un àl'autre. Deux axes parallèles, ayant lemême rapport à l'avenue se déprécie-raient mutuellement.Le rez-de-chaussée est presque entièrement construit, à l'exception dujardin central. Il forme un socle. Au-dessus sont "posés" les plots des étagesqui sont effectivement évidés en leurcentre mais de façon non homothétiqueà leur périphérie, ce qui les rendraientstatiques. Ils trouvent leur dynamique etleur finesse du fait d'un évidementcroissant du premier au deuxièmeétage. Tous les couloirs distribuant les chambres sont éclairés à la lumièrenaturelle et s'ouvrent alternativement àdroite et à gauche vers les jardins. Ceci change de manière radicale l'atmosphère des lieux. Le couloir central éclairé à la lumière électrique etdistribuant des chambres de chaquecôté, habituelle caractéristique del'Hôpital est totalement absent de cesplans. Au centre, en partie haute, trois volumes émergent, abritant des locaux techniques et réunissant les plots deuxà deux. Ces volumes qui sont trèsnécessaires à l'équilibre et à la lisibilitéde la maternité interviennent comme uncontrepoint discret à l'imposante couverture de la galerie de la pédiatrie.

3 – MatériauxLe choix des matériaux et des formesdes bâtiments est en cohérence avec leparti urbain et le parti architectural.L'idée forte ici est d'exprimer une architecture pleine, unitaire et sécurisante par sa simplicité. Les

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parties vitrées transparentes seront installées entre ces volumes pleins demanière à marquer le contraste. Leverre exprimera toutes les parties oùl'on ne séjourne pas, où l'on n'habitepas : galeries, couloirs, halls, etc… Lieuxen quelque sorte collectifs et ouvertspar opposition aux "pleins" fermés etprotecteurs.

L'architecture vise une expression symbolique facilement compréhensible.Dans un monde qui, de nombreusesfaçons, abuse des signes et des signaux,qui conduit à une surcharge et une saturation du cerveau et de l'esprit, ilme semble bon que l'architecture d'unlieu comme celui-ci marquant le seuilde la vie, soit au contraire élégante etretenue, ce qui ne veut pas dire silencieuse. L'architecture de la belleville de Toulouse nous montre de tellesqualités en beaucoup d'endroits, en particulier par la présence de ces

grands "pleins" de brique qui ponctuentles rues et les places. Notre modernitédoit s'inscrire dans cette tradition.

Poursuivons son commentaire surl'Hôpital de la Mère dans "ParcoursModerne ". Tous les participants necherchent pas la même chose, l'essentiel est que tous se retrouventdans l’œuvre faite.

La pose des revêtements en briques aété une étape magnifique. Cette briquerose et sablée de Toulouse, montée avecdes joints foncés, faisait merveille. Lesarêtes se découpaient sur le ciel, lesangles nets marquaient les jardins intérieurs et l'unité des bâtiments étaittotale. Dans chaque projet, j'utilise untrès petit nombre de matériaux, trois ouquatre au maximum, estimant que l'architecture doit tirer sa force d'elle-même. Les couleurs, les volumes, les lumières, les espaces intérieurs et extérieurs s'interpénétrant, toutconcourait à faire de cette maternité unlieu de joie et de vie.

Les Echos

Après une année de vie, et pour appréhender le "retour d'expérience",nous avons procédé à différentes, rencontres, intitulées "ECHOS".

ECHO 1 : Le coordonnateur médicaldu Pôle. Dans l'ensemble cet hôpital est pratique, facile d'utilisation, agréable,nous ne pouvons qu'être satisfaits. Parcontre, nous faisons le constat tous lesjours d'une insuffisance de parking etdes difficultés d'accessibilité dues auplan Vigipirate. Le changement, départde La Grave, a modifié nos habitudes.

Nous sommes un peu perdus dans cescouloirs. Nous avons connu une périodede flottement lors du changement,aujourd'hui nous avons nos marques. Jeregrette les difficultés que nous avonsrencontrées lors des transformationsd'adaptation de mise en place de monsecteur d'activité. Si nous avions àconnaître un jour, un autre changement,il me paraît important de prévoir plus detemps pour l'accompagnement d'un teltransfert, parcourir les espaces et lescomprendre avant installation.

ECHO 2 : La Directrice des Soins. Le premier élément qui me vient à l'esprit c'est la grande écoute de M.RIBOULET. Nous avions un "regret departir de La Grave" mais aussi un grandsoulagement de trouver des "robinets"qui marchent. Les distances, les déplacements, la modification de nosrencontres, avant nous étions sur place,aujourd'hui, un patio nous sépare. Dans

l'ensemble "tout le monde est ravi", unpetit regret, les équipes auraient bienaimé participer au choix des couleurs,choisir quelque chose est une réellesatisfaction. Un beau bâtiment, grand,un plaisir de travailler, du bon matériel,nous ne sommes plus agressés commepar le passé à La Grave. Nous avonsnoté l'effet pervers du grand confort. Onne croise plus personne dans les

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couloirs, les patientes restent dans leurchambre.

ECHO 3 : L'ingénieur chargé du suivide l'opération. Lors des études d'Avant Projet Définitif,nous avons cherché des économies,mais nous avons pu ne pas baisser laprestation installation technique, dessurfaces ont été corrigées. Le chantier,la plus grande difficulté fut "l'accidentd'AZF" septembre 2001, 7 mois deretard, quel désastre : les cloisons cintrées, décrochées… alors que nousétions au bout ! Je considère que cebâtiment représente l'aboutissement deplusieurs années de travail pendant lesquelles ont été mêlées réflexion,concertations multiples, négociations etdécisions qui parfois n'étaient pas faciles compte tenu du budget à respecter. Dans l'ensemble la majoritédes problèmes débouchaient sur desdiscussions constructives et positives dela part de chacun des acteurs. On aimerait que tous les chantiers aussiimportants se déroulent de cettemanière… Il est à souligner qu'uneétroite collaboration avec la maîtrised'ouvrage a facilité les prises de décisions".

ECHO 4 : L'assistante de gestion duPôle. Le 25 mars 2003 fut un grand jour.Depuis des mois toute notre équipe étaitmobilisée autour de l'ouverture del'Hôpital Femme-Mère-Couple et cen'était pas sans une certaine appréhen-sion que nous voyions ce jour arriver. Ilétait essentiel d'ouvrir notre structuredans de bonnes conditions. Des pannes,des dysfonctionnements apparaissentforcément tous les jours dans toutes lesstructures, c'est normal et c'est d'ailleurs parce que rien ne peut êtreparfait que des métiers techniques sesont développés. Nous n'imaginions pasla diversité des métiers dans les services techniques. Les problèmesauxquels nous étions confrontés, sonnettes de malade, fuites, matériels àfixer… ont été résolus. Il faut penser quec'est une maison de 28 000 m2, de près

de 200 lits, de plus de 600 personnes…Ceci dit, deux jours après l'ouverture,c'est comme si on avait toujours été là.

De l'ensemble de ces différents ECHOS,riches d'informations, nous pouvonstirer plusieurs commentaires qui répondent à une partie de la questionposée “de la programmation au projet?”Le projet présenté doit sa qualité toutd'abord à la forte implication d'une maîtrise d'ouvrage organisée dans sastructure et dans le temps, d'un chef deprojet médical (maître d'usage) et d'unarchitecte (maître d'oeuvre), tous auservice d'un projet partagé et ceci dansun déroulement continu ne négligeantaucune étape. Un projet se caractérisepar un ensemble de différents projetsapportant chacun leur dimension.Le déroulement du projet permet aumaître d'ouvrage de passer de l'intention : la volonté, l'expression de lacommande, à la prise de décision : l'engagement, de mettre en œuvre.Cette phase de définition peut sedécomposer en deux parties :

1er temps, le contenu comprenant :. Le projet politique : chargé de définirl'objectif, les intentions,. Le projet humain : des activités et deshommes organisés, . Le projet d'équipement : occupe unegrande place à l'Hôpital,. Le projet logistique : des matières –des flux qui ne cessent d'évoluer tousaux services des activités et des hom-mes

2ème temps qui permet la prise de décision : l'engagement, il constitueune phase pré - opérationnelle qui permet de dérouler successivement :. Le projet spatial : la faisabilité,. Le projet réalisation : les approchesfinancières, l'échelle de temps,. Le projet réglementaire : les modesopératoires administratifs, juridiques.Cette phase de définition constitue lesocle du projet, elle restera tout au longdu projet l'élément de référence, permettant de mesurer les dérives

éventuelles pour reprendre le cap.L'importance de la place de cette étapese confirme lors de l'analyse de larépartition temporelle des coûts.Quelques pourcentages de dépenses audémarrage pour plus de 70% de dépenses engagées.

La phase suivante opérationnelle quiconsiste à mettre en œuvre le projetpassera par le déroulement des études,puis de la réalisation pour arriver à lamise en service : le résultat, et peut êtredemain sur la mise en place d'un"retour d'expérience" systématique permettant de faire progresser et d'enrichir la qualité des futurs projets.De toutes ces étapes, le projet humain,organisation des activités, la mise enservice accompagnement de la mise àdisposition de l'ouvrage et "le retourd'expérience" me paraissent êtreaujourd'hui les étapes qui mériteraientplus d'approfondissement.

Sa placePour répondre à la question posée"Modèles hospitaliers", "conception dumonde ", "conception politique de lasanté", "évolutions architecturales"? jereprendrai quelques éléments tirés dela première partie de l'étude "Les investissements des CHU – Etude descriptive et prospective" février 2002réalisée par la Commission Ingénierieet Architecture à la demande de laConférence des Directeurs Généraux.

4 – HistogrammeEn prenant les exemples de morpholo-gie du Patrimoine des Hôpitaux deToulouse, exemples aperçus dans monintervention :. L'Hôpital de La Grave : témoin de labienfaisance, de l'enfermement,. L'Hôpital Pavillonnaire Purpan: témoinde l'hôpital médicalisé,. L'Hôpital bloc Rangueil : Hôpital universitaire, répondant en 1958 à laréforme du Professeur Robert Debré,nous montre que l'édification des

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Hôpitaux s'est faite par à coups, suivantles différentes clefs de l'organisation dusystème de santé jusqu'aux dernièresordonnances de 2003, que 30% de cepatrimoine a été réalisé entre 1970 –1980, et que globalement 85% du patrimoine a plus de 30 ans, âge de sonobsolescence confirmée. Les réalisa-tions plus récentes de type Bas Continud’échelle plus humaine : capacité 200-300 lits, taille d'un Pôle, sont l’expres-sion d’une réponse contemporaine,l'Hôpital de la Femme, de la Mère et duCouple appartient à cette famille.

Aujourd'hui, nous pouvons nous interroger sur les morphologies quiseront produites en réponse aux opérations d'investissements retenuesdans le plan 2007.

En ne prenant que l'exemple des CHU etfaisant référence à quelques opérationsen cours d'étude, il semblerait qu'unemorphologie Hôpital bloc réapparaisse,répondant d'une part à une volonté deregroupement, et d'autre part à lanécessité de remettre à niveau unegrande partie du patrimoine. Cetteréponse effectuée, il nous faut prendredès aujourd'hui la mesure de cesensembles patrimoniaux anciens dontles usages disparaissent et dont latransformation devra être conduite : unelourde charge, difficile mais passion-nante. Les études patrimoniales deviennent une actualité.

5 – Hôpital EconomiePour tenter un saut dans le temps et regarder de façon exploratoire les morphologies de l'avenir, les équipements de santé seront certainement ceux des nouvelles réformes et plus particulièrementaujourd'hui ceux de la tarification à l'activité . Une nouvelle morphologienaîtra-t-elle refondant l'Hôpital ? Le glissement vers une activité de services ne va-t-elle pas engendrer unglissement vers des morphologiesconformes à cette activité, l'accès et

l'adaptation permanente étant les deux moteurs de cette production. Laposition affichée en 1788, de TENON,médecin militaire, grand précurseur dela conception des hôpitaux du 19ème

siècle "les Hôpitaux sont en quelquesorte la mesure du degré de civilisationd'un peuple", reste aujourd'hui encoreplus d'actualité. Que laisserons-nouscomme témoignage ?

6 – Pierre Riboulet

ConclusionJe voudrais pour terminer ce survol del'Hôpital d'Hier, d'Aujourd'hui et deDemain, remercier Pierre RIBOULETpour tout ce qu'il nous a donné "le projet de l'Hôpital de la Mère", nos rencontres, ses écrits…. Laissons leparler une dernière fois ce matin enempruntant un morceau du livre"naissance d'un Hôpital"

10 août 1980 : "Toujours la musique. Enraison d'abord d'un exceptionnel programme de France-Musique, consacré aux XVIIème et XVIIIème siècles, lamusique que je préfère entre toutes.Jamais la composition n'a été aussiclaire, aussi simple tout en étant complexe. Jamais elle n' a été aussi loindu sentimentalisme qui l'a envahie auXIXème, conservant cette "distance",cette retenue, cette élégance intérieure.Jamais non plus qu'au XVIIIème l'architec-ture n'a été aussi belle, aussi maîtrisée. Il n'y a bien sûr, pas d'osmose, mais lesqualités de cette musique sont cellesmêmes que je recherche dans monarchitecture. Sont-elles là dans cettepetite maquette? Cette musique montreen tout cas que l'art seul peut affronterle malheur et la mort. Non pas commeun simple recours mais comme la seuleconstruction humaine qui puisse gagnercontre la mort, la dépasser, faire ensorte que le message traverse la nuitépaisse. Par la seule force de sa compo-sition l'architecture peut-elle réussircela aussi, spécialement ici, dans unhôpital où existe, quoi qu'on fasse, tout

un pan qui est voué au malheur et à lamort ? Voilà la réponse difficile à laseule vraie question. Ce qui restera denotre époque, de ses hommes, de ses rapports, de son degré de développement. Dérisoires alors lesplannings, les coûts d'objectifs, les règlements, les contrôles, tout cet édifice dans lequel nous essayons misérablement d'enserrer une réalitéqui nous échappe, et qui ne pourra êtremaîtrisée aussi longtemps qu'il n'y aurapas une "œuvre" vraie. Et dans son dernier ouvrage "Parcours moderne" ilpoursuit :"j'ai eu de grands bonheurs dans montravail, outre celui de la création, irrem-plaçable, celui d'avoir pu gagner la confiance et l'amitié de ceux pour lesquels je travaillais. N'est-ce pas celaqui importe le plus ? Trouver la convenance d'un bâtiment et faire ensorte qu'elle puisse durer le plus longtemps possible, entre les mains deleurs utilisateurs successifs alors quesoi-même on s'éloigne ?"

Pierre POULHES Architecte

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Hôpital Claude Huriez, CHRU de Lilleprojet de commande publique deKatsuhito Nishikawa Françoise Dubois, Conseiller arts plastiques, DRAC Nord-Pas-de-Calais

Philippe Faucret, Architecte, maîtrise d’œuvre projet Nishikawa

Jean-Roger Pautonnier, Secrétaire Général, CHRU de Lille

Etude de cas

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Le contexte

Le projet de commande publique confiéà Katsuhito Nishikawa ne s'est pasengagé dans le cadre d'une créationex-nihilo d'un hôpital et donc nousn'étions pas en situation d'intégrer unprocessus de programmation d'un hôpital neuf.

C’est dans ce contexte, celui d’un projetd’extension et d'humanisation, qui intègre dans ses plans une dimension“culturelle” et celui occasionné par latoute récente convention “culture à

l’hôpital” que l’équipe de directionprend l'initiative de nous interroger surla possibilité d’implanter une œuvred’art dans le hall d’accueil.

Accepter cette hypothèse impliquait deréfléchir aux conditions nécessaires àl'intervention artistique. Le chantier del'extension étant largement engagé,plutôt que d'envisager l'importationd'une œuvre dans le sens traditionneld'un objet mobilier comme on en trouve dans les musées, nous avons interrogé l'architecture, le lieu, le projet d'exten-sion. Plutôt que d'avoir un apport programmatique, nous avons au sein dugroupe de travail constitué, amorcé untravail de lecture, d'analyse, de discus-sion. Nous avons réfléchi de façon àénoncer un certain nombre d’attentes,de contraintes, d’aspirations de façon à préparer les conditions propices à la formulation par un artiste d’une proposition.

Fin 99, le groupe de travail synthétisel’ensemble des attentes formulées, ilprivilégie trois zones potentielles pourl’intervention de l’artiste : le hall d’accueil, la cour d’honneur, les galeriesEst-Ouest. Le contrat d’étude passé àl’artiste reprend un certain nombre decritères et de paramètres tels que lesouhait d’apaiser, la prise en compte dela fluidité, de la légèreté, le souhait defaciliter les liaisons physiques et visuelles et de favoriser l’orientation des visiteurs.

Quelques mots sur la propositionartistique

Dans son esquisse, l’artiste ne proposepas une oeuvre monumentale qui viendrait se greffer sur l’architecture. Ildéveloppe un parti pris organisé en uneséquence qui vise à qualifier le parcourseffectué par les visiteurs depuis le passage des porches, la traversée de lacour, l’accès au hall d’accueil et ladéambulation dans les ailes latérales,voire la pause détente à la cafétéria.

Dans sa proposition, l’artiste opte pourune grande économie de moyens, unvocabulaire dépouillé ; il met en relationla géométrie du dessin, les lumières, levégétal et les matériaux naturels; lapalette chromatique comme la gammede matières coexistent dans un gesteextrêmement maîtrisé :

- La cour d’honneur, espace minéralchaotique ponctué d’une fosse végétaleet qui accueillait dans l’état antérieurl’ensemble des véhicules hospitaliersdevient un ample forum végétalisé. Sonordonnancement se déploie selon uncanevas homogène constitué de planta-tions et de scansions lumineuses.

- Dans le hall d’accueil, l’intervention privilégie la qualité du sol. Le plancherest marqué en son centre d’un damierconstitué de quatre feuilles de métal.Une banque d’accueil vient complétercette disposition.

- Les ailes latérales, les zones de repos et la cafétéria sont traitées de façon àsusciter une impression de détente etd’équilibre, à même d’offrir l’apaise-ment et le calme susceptibles de développer l’hospitalité.

- Le banc dans la cour d’honneur n’estpas qu’un marqueur d’espace, il estégalement un temps de pause intégrédans une progression. L’expérience proposée développe une aptitude à êtreavec, à la présence partagée. Cetteexpérience et cette temporalité sont

liées aussi au fait que l’on est attendu.Le temps est suspendu, il est pensépour recevoir. Il n’y a pas que l’espacequi reçoit : le temps apaisé de la traversée de ce groupe d’arbres ou de cesol étoilé est aussi une figure de l'accueil, une aptitude à recevoir.

La proposition rejoint une dimensiond’hospitalité qui pourrait être une notionactive à l’hôpital. On pourrait imaginerque cette notion entre en résonnanceimmédiate avec l’hôpital. De fait, cette place du corps comme mesure du sensible et de l’esprit n’est pas forcément évacuée de l’hôpital, maiselle y est implicite.

Le choc de la venue de K. Nishikawa àl’hôpital Huriez réside dans le fait qu’ilfait advenir l’implicite au niveau de l’explicite. Ce choc s'est exprimé par desrésistances, des peurs qui prennent desallures techniques, fonctionnelles etc…

Et c’est ce choc qui fait qu’il y a un projet culturel à accomplir, c’est à direune confrontation entre une pratique del’hôpital et une autre culture.

Novembre 2004.

Intervention de Françoise DUBOISConseiller arts plastiques, DRAC Nord-Pas-de-Calais

Vue d’ensemble de l’hôpital

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“ Il y avait là une espèced’introduction, une sortede liaison entre ce qu’ilfaut laisser derrière soi etce qu’il faut entreprendrede connaître ” Edouard Glissant

L’hôpital Claude Huriez fait partie duCentre Hospitalier Régional. Il a étéconçu par l’architecte Jean Walter. Cetédifice réalise pour la première fois enFrance, l’union étroite entre un hôpitalet une faculté de médecine. Le terraind’assiette est de 60 hectares au sud dela ville et le projet initial, conçu en 1930,est inauguré en 1953.

Le bâtiment est en béton armé et en brique. Il comporte 9 étages carrés et 2sous-sols. L’édifice, distribué autourd’une cour de plan demi-hexagonal, estformé de deux bâtiments réunis au sudpar les blocs opératoires et par lafaculté de médecine au nord. Chaqueétage comporte des locaux pour le diagnostic (consultations externes), le traitement (hospitalisation) et l’enseignement. La cour d’honneur estactuellement un espace constitué deplusieurs niveaux (cour anglaise, jardindécaissé, escalier monumental, accèsmultiples) destiné au passage de véhicules et à l’accès piétons. La capacité initiale était de 1200 lits, elle fut

portée à 1700 lits, aujourd’hui, elle estde 552 lits. Un projet de rénovation-modernisation s’élabore courant desannées 1980 et aboutit à un concoursd’architecture en 1997. L’équipe d’archi-tectes Reichen et Robert est lauréate.L’extension permet de regrouper lesblocs opératoires et l’accès aux urgences. Ce nouveau bâtiment s’inscrit

tel une greffe dans l’aile sud sur un terrain pentu. Le hall d’accueil est dou-blé et il y a un changement de niveau.

Les constructions hospitalières nebénéficient pas de la loi sur le 1%. C’està l’occasion de la mise en œuvre duchantier que l’hôpital interroge lemusée des beaux-arts de Lille sur lapossibilité d’avoir un prêt d’œuvre dans

le hall d’honneur. Le musée renvoiel’hôpital sur la DRAC. Ainsi, en été 1998,nous décidons d’accompagner cettedemande; un groupe de travail seconstitue (il réunit des représentants dela maîtrise d’ouvrage, l’architecte del’opération, un conservateur du Muséedes Beaux Arts, des représentants de laDDE, le conseiller aux Arts Plastiques

de la DRAC). Progressivement ladémarche initiale évolue, les orienta-tions définies par le groupe de travailsont les suivantes :

Contribuer à la mise en valeur desespacesRenforcer la qualité du cadre de vie despatients et du personnel.Apaiser en intégrant des paramètres comme la transparence, la fluidité, lalégèreté.Utiliser les qualités de la lumière (indirecte, artificielle, zénithale)Homogénéiser ou marquer les ruptures(haut/bas, ancien/contemporain)Faciliter les liaisons visuelles entre lesdifférents espacesFavoriser l’orientation des visiteurs.

Ainsi le champ de l’intervention s’estamplifié : il s’étire du hall d’accueil(1200 m2) aux ailes latérales (environ 48 m de long sur 7 m de large x 2) ets’extériorise jusqu’à la grande courd’honneur (5400 m2). C’est ainsi qu’après avoir consulté une

Présentation du projet Katsuhito Nishikawa pour l’Hôpital Huriez

Vue générale de l’hôpitalExtension du centre sudCour d’honneur avant travaux projetartistique

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dizaine de dossiers, rédigé un cahier descharges, le groupe de travail retient l’artiste Katsuhito Nishikawa. Celui-ci aun champ d’intervention large qui touche aussi bien l’architecture, l’environnement, le mobilier, le dessin,l’objet, la vaisselle, toute hiérarchiegommée. Ce qui est constant dans sa démarche, c’est que sa vision du corps

“ Les œuvres de K.Nishikawa oscillent entredeux univers opposés,formes organiques et formes géométriques. La forme géométrique se détache de l’espaceenvironnant et la formeorganique, par ses affinités naturelles esthomogène à l’espace ”

M. Kondo, Conservateur du Muséenational d’art moderne de Tokyo

est une composante de l’œuvre, sa présence est un leitmotiv qui se déclinedans la matérialité, la physicité,l’échelle.

A l’automne 99, un contrat invite l’artiste à étudier une proposition pourles trois zones suivantes : La courd’honneur, le hall d’accueil et les aileslatérales.

Le parti pris développé par l’artiste fait de la cour d’honneur (espace en mutation) le premier espace d’accueil

auquel on accède dès le franchissementdes deux porches monumentaux (est-ouest). La cour jusqu’alors très composite devient une vaste esplanadehomogène : l’accent est mis sur sa planéité, ce sera une ample nappeminérale composée de dalles. Cetteétendue accueillera dans sa partie centrale un important programme végétal

composé de 120 bouleaux : ils consti-tuent 7 lignes parallèles organiséesselon un canevas orienté est-ouest (unintervalle de 4,5 m sépare chaquearbre). La zone périphérique aux abords du bâtiment reste dégagée pour des raisons de sécurité (véhicules pom-piers). Cette trame boisée se doubled’un balisage au sol composé de spotslumineux. Au centre, 2 bancs de pierrecruciformes font écho à la symétrie du bâtiment de Walter. Un ensemble d’une vingtaine de physalis blancs (65 cm de haut), tel un semis délicatement déposé au sol, ponctue le parcours. Ce qu’onpeut désigner comme un jardin permetd’accéder au grand hall d’honneur; letrajet (par les piétons et les personneshandicapées), offrira une expérienceforte de relation à une présence duvivant. Cette population végétale rythmée est une introduction à mêmed’offrir un apaisement à l’ensemble destrajets et mouvements (entrées, sor-ties). Elle devrait procurer un réconfortphysique et visuel. Elle marque l’espacecomme le temps des parcours. Cette

Projet artistique de K. Nishikawa pourla cour d’honneur de l’hôpital C. HuriezPhysalis/magnolias National ParcKirishima, Japon 1998-2000Sculptures : béton peint 67x67x56 cmDesign bancs : Emi Fukuzawa

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expérience de passage par le jardin prépare l’accès au hall d’accueil ; escaliers et ascenseurs mènent le visiteur à l’intérieur.

Le hall d’honneur et les ailes latéralessont traités dans le même esprit, ilsconstituent l’espace public d’accueil et de déambulation : un parquet de chêne

clair délimite sa superficie. Le sol est marqué à deux reprises par uneintervention géométrique : dans le hall d’honneur central, un damier métallique composé de quatre modulesrappelle en négatif la figure des bancs,dans l’extension du hall, en contrebas, la figure s’inscrit cette fois-ci en positif. Chez Nishikawa, la géométrie

est un espace de relation au mondedans la mesure où elle construit unerelation maîtrisée à la nature. Murs etplafonds seront couverts de peinturemate couleur blanc chaud : du plafond descend un éclairage composé d’halogènes, son implantation reprend la mesure et le rythme de la trame géométrique qui compose le jardin. Anouveau l’intérieur fait écho, mais defaçon inversée au traitement extérieur. Ily a un travail d’éclairage, de diffusion dela lumière qui descend et lèche lesmurs. Un ensemble de mobilier en boisde bouleau traité vient animer le hall et les ailes latérales, les meubles dessinésessentiellement avec des motifs delignes droites, donnent une impressionde netteté, d’accessibilité, et de douceur. L’ensemble mobilier se compose d’une banque d’accueil, debancs, de tables et de chaises pour lacafétéria et la zone fumeurs.

La caractéristique principale de ce projet réside sans doute dans le fait quela forme créée et l’espace environnantsont dans un état de « compénétration »perpétuelle. Il propose un havre denature vivante qui nous invite à être aumilieu d’une population sereine dans unrapport au corps libéré du traumatisme.Par son approche sensible, tactile de lamatière, des formes, du dessin, l’artiste réconcilie espace extérieur et intérieur qui, dans un dialogue harmonieux,conjuguent simplicité, apaisement,mesure, hospitalité.

Février 2002, “Rencontre Culture à l’hôpital, Strasbourg” , Françoise Dubois.

K. Nishikawa : Yunus, Japon. Sculptureen bronze peint ( 4 modules de 206 x180 x180 cm)

K. Nishikawa : Physalis, 1998. Cristal,45 x 45 x 54 cm, socle en acier 230 x230 x 30 cm

Hall de l'hôpital Huriez. Réalisation encours de l'œuvre de K. NishikawaPhoto Dancoisne Moïse (Délégation à laCommunication C.H.R.U. de Lille)

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Caractéristiques de l’oeuvre deKatsuhito Nishikawa

L’œuvre de Katsuhito NISHIKAWA n’estpas une entité unique identifiable dansl’espace en tant que telle, mais ellecontribue au façonnage global du siteintérieur/extérieur. Ce n’est pas uneœuvre rapportée mais une démarcheartistique se déclinant en 2 composan-tes : la composante mobilière / infra etsuperstructures

InfrastructuresAménagements extérieurs/traitementdes surfaces / 5000 m2Géométrie 3D avec tramesMatériaux/textures/couleursEclairages sols – murs

SuperstructuresAbords et pénétration du hall d’honneurFaçonnage du sas en VEA et de l’ascen-seur extérieur VEATranscriptions des trames du tracérégulateurIncrustations / éclairageChoix des matériaux

La composante mobilièreLes sculptures, ponctuation plastiquede la cour d’honneur : physalis en bétonblancLe mobilier, accueil/détente/cafétériadessiné par l’artiste

Spécificités de la mission d’ingénieriePour répondre aux composantes del’œuvre ; infra et superstructures, laMaîtrise d’œuvre appelée par le CHRUde Lille est composée d’un architecte,d’un paysagiste (cabinet Empreinte deRoubaix) et du BET Ingénierie Maning.Objectif : transcrire avec fidélité leconcept de l’artiste en prescriptionstechniques et en assurer la Maîtrised’œuvre. La transcription suivra les phases habituelles d’une mission de base de Maîtrise d’œuvre en concertation permanente avec l’artisteet le suivi du groupe de pilotage CHRU –

DRAC. Plus que toute autre mission,l’exercice s’appuiera sur les systèmesde communication, rendues plus arduspar l’usage d’une langue étrangère auxdifférents intervenants : l’Anglais.Communication du concept de KatsuhitoNishikawa par un texte poétique et unplan de principe, en parallèle, fourniturede l’ensemble des contraintes techni-ques des lieux (cour et hall de l’Hôpital)et des contraintes budgétaires.Objectif : transcription et finalisation del’œuvre sans en perdre « le sens » touten la détaillant suffisamment pour larendre communicable au constructeur.Nécessité de mettre en évidence les points en accord et les points de désaccord, ces derniers pouvantconduire à des compromis ou à des ruptures de « sens » - La résolution detoutes les composantes estt incontour-nable avant d’établir les prescriptionsde réalisation.

Dans le projet de Katsuhito NISHIKAWAles points forts au centre des débats ontconcerné :Le calepinage des dalles/dimensions –tramesL’essence des arbresL’incrustation des luminaires et leurtypeLa disposition des physalisLa forme des bancsLe traitement du sas et de l’ascenseurLes débats ont pu être menés d’unefaçon linéaire grâce à la grande disponi-bilité de l’artiste : échanges continus parmessages électroniques, visites en sonatelier et plusieurs fois sur site.Le CHRU à travers le groupe de pilotagea fortement affirmé à chaque étape de lamission, sa volonté de conduire l’œuvredans son authenticité, aidé dans cetteexigence par la relecture critique permanente de la DRAC.

Assurer la Maîtrise d’une œuvre artistique n’est donc pas un exercicelinéaire tel que l’on peut les connaîtrequand on est à l’initiative du concept. Lasatisfaction vient assurément d’unenécessaire complicité entre les acteurs.

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Hôpital C. Huriez, plan de situation

K. Nishikawa : projet artistique pourl’hôpital C. Huriez

K. Nishikawa : Magnolia National parc,Kirishima, Japon. 1998-2000

Intervention de Philippe Faucretarchitecte mandataire“Rôle de la maitrise d’oeuvre en interface artiste/maître d’ouvrage”

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Quel contexte ?Une opportunité, une intention

L’hôpital Claude Huirez est l’établisse-ment emblématique du CHRU de Lille.Conçu en 1930 par l’architecte JeanWalter, cet édifice réalise pour la première fois en France, l’union entrel’hôpital et la faculté de médecine.

Historique du projet

1997La direction du CHRU de Lille lance unconcours d’architecture dont le programme porte sur l’extension et lamodernisation de l’hôpital C. Huriez.

L’équipe d’architectes Reichen et Robertest lauréate.

1998 L’hôpital interroge la DRAC sur la possi-bilité d’implanter une œuvre d’art dansle cadre de cette rénovation. Un groupe de réflexion se constitue ; ilse réunira à plusieurs reprise jusqu’à fin99. Il élabore un cahier des charges. Ce dernier définit les grandes orientations ainsi que les espacespotentiellement concernés.

Novembre 99 La DRAC Nord/Pas de Calais passe uncontrat d’étude à l’artiste KatsuhitoNishikawa pour la conception d’un projet artistique.

Février 2000 L’artiste propose de traiter de façoncontinue la cour d’honneur et le grandhall d’accueil. Le concept proposé parl’artiste est validé par le groupe deréflexion.

K. Nishikawa concoit un espace privilé-gié (cour d’honneur, hall et galeries)pour accueillir 2500 personnes/jour :La cour d’honneur, vaste esplanade

homogène, nappe minérale composéed’arbres. Le sol est scandé d’un bali-sage de spots lumineux. Deux bancs depierre marquent le centre de la compo-sition. L’ensemble est complété desculptures qui ponctuent le parcours.

Le hall et les galeries, traités dans unsouci de lisibilité :Un parquet de chêne marqué en soncentre par un damier métallique. Murset plafonds, peinture mate couleurblanc chaud. Au plafond, halogènes dont le position-nement reprend la trame extérieure. Unensemble de mobilier en bois conçupour les espaces d’accueil, d’attente, etla cafétéria.

Automne 2000 L’hôpital recrute une chargée de missions à mi-temps afin d’accompa-gner la mise en oeuvre de la commandepublique : suivi du projet artistique,actions de sensibilisation, recherche definancements...

Le CHR missionne un bureau d’étudechargé d’étudier le coût de l’ensembledu projet artistique et ses incidences en terme de chantier pour le maîtred’ouvrage.

2001 Passage devant la commission nationalede la commande publique, Délégationaux arts plastiques. Le ministère de laculture et de la communication soutientfinancièrement la réalisation du projet.Rédaction d’un protocole d’accord entrela DRAC et le CHRU de Lille.

Présentation du projet de commandepublique en conseil d’administration duCHRU de Lille.

La médiation culturelle

Former :Développer l’enseignement artistique –en partenariat avec le rectorat et desstructures culturelles, FRAC. Mise en place de journées de formationsur le thème « Art/Hôpital ».Moderniser et dynamiser la présence dulivre et de la lecture à l’hôpital.

La culture, un vecteur de changementpour l’institution afin de :Humaniser des lieux souvent porteursd’appréhension.Susciter de nouvelles formes de relations entre les personnes et leslieux (hospitalité, convivialité).Porter un nouveau regard sur l’hôpital.Initier de nouveaux réseaux d’échangeset de compétences entre l’hôpital et laville.Valoriser le patrimoine hospitalier.

“ Ne pas laisser à l’imagetechnique le monopole del’exprimable ”. (Pr. Didier Sicard, La médecine sansle corps)

Nos partenaires

. Ministère de la Culture : DRACNord/Pas-de-Calais, DDAI, DAP,DAPA.. Conseil Régional Nord/Pas-de-Calais. Conseil Général du Nord.. Ministère de la Santé : DHOS,ARH Nord/Pas-de-Calais. Communauté Urbaine de Lille. Ville de Lille. La Conférence des DirecteursGénéraux de CHU. La culture au CHRU de Lille

La commande publique de Katsuhito Nishikawa pour l’hôpital ClaudeHuriez, par Monsieur Jean-Roger PautonnierSecrétaire général, CHRU de Lille

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Quelle maîtrise d’ouvrage ?Comment favoriser la qualitéarchitecturale ? Quelles conditions pour une maîtrise d’ouvrage de qualité ?

Jacques Cabanieu, Secrétaire Général de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques

Yves Dessuant, Architecte programmiste

Marie Agnès Férault, Chargée de mission, Direction de l’architecture et du patrimoine

Jacques Jegou, Directeur adjoint chargé du plan, des équipements et des services techniques, CHU de Brest

Vincent Le Taillandier, Directeur de la Mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier

Jean-Jacques Romatet, Directeur Général, CHU de Nice

Nicole Roux-Loupiac, Architecte conseil, Direction de l’architecture et du patrimoine

Denis Valode, Architecte

T a b l e r o n d e

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Il me revient pour introduire cette tableronde de rappeler les grands principeset les obligations qui s’appliquent à laMOA publique. D’abord un bref rappelhistorique.

La France s’est doté dans les années 70-80 de lois fortes garantissant la qualitéarchitecturale de ses constructionspubliques. Rappelez-vous d’où nousvenions : une époque où il fallaitconstruire vite, beaucoup et pas cher etoù la qualité n’était pas une préoccupa-tion. Cela avait conduit à la médiocrité, àla banalité, aux modèles constructifs(piscine caneton, CES industrialisés(Pailleron) hôpitaux modèles Fontenoy,Duquesne (si ma mémoire est bonne) etaux listes d’architectes agrées notam-ment pour les hôpitaux. Il y a donc euune volonté politique forte de placer la «qualité » au centre du dispositif. D’où unfaisceau d’actions convergentes enfaveur de l’architecture. Je n’en citeraique 3 :

Loi du 3/1/1977 sur l’architecture :« La création architecturale, la qualitédes constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environ-nant, le respect des paysages naturelsou urbains, ainsi que du patrimoine sontd’intérêt public ». L’architecte est le seulprofessionnel à être autorisé à faire leprojet et à déposer le permis deconstruire. Cette loi à créé aussi lesCAUE. Par décret du 20/10/77, la MIQCPest créée pour faire la promotion de laQualité des Equipements publics et sapremière action à été de faire supprimerles modèles et les listes d’architectesagrées. Loi « MOP » en 1985 qui estissue d’un rapport au Premier Ministredu Président de la MIQCP. Les concoursrendus obligatoires en 1986.

Parlons un peu de cette loi « MOP » a laquelle vous êtes toujours soumissauf pour les dérogations introduitesrécemment dont vous parlera M. LeTaillandier.Son objectif fondamental est d’amélio-rer la qualité des équipements publics

par la responsabilisation des 2 acteursprincipaux : le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre et par la clarification deleur rôle et de leur mission. Les troisentités qui participent à l’acte deconstruire doivent être distinctes etséparées maître d’ouvrage - maîtred’œuvre - Entreprise.

L’objectif est un meilleur rapport qualité-prix : Imposant au maître d’ouvrage des obligations, privilégiant les étudesamont, responsabilisant le maître d’œuvre, imposant pour les opérationsde bâtiment une mission de base sedéroulant tout au long de l’opérationjusqu’à la fin de l’année de garantie.

Il ne faut pas perdre de vue que :. La création d’un bâtiment est uneœuvre commune de 2 partenaires qui se respectent de part leur compétencecomplémentaire.. Un dialogue fécond et ouvert est gagede qualité. La différence d’approche, de culture,de sensibilité entre le maître d’ouvrageet le maître d’œuvre sont un enrichisse-ment au bénéfice du projet. C’est unatout car ils ont des rôles complémen-taires. Cette loi n’a pas de seuil, commele code elle s’applique au premier euro.

Le Titre I qui traite de l’organisation dela maîtrise d’ouvrage est peut être leplus important car il n’existait rien avantsur le sujet.Le maître d’ouvrage est la personnemorale pour laquelle l’ouvrage estconstruit. Il a une fonction d’intérêtgénéral dont il ne peut se démettre.Sont de sa responsabilité :. Les études préalables (faisabilité,opportunité). La programmation dont l’absenceengage la responsabilité civile du maîtred’ouvrage. La détermination de l’enveloppe finan-cière et la mobilisation du financement. Le choix du maître d’œuvre et desentrepreneurs. Cette responsabiliténécessite d’avoir ou de mobiliser des

compétences. Le MOA peut se faireaider par un mandataire, un conducteurd’opération, un assistant à maître d’ou-vrage ponctuellement. C’est un vraimétier. L’organisation de la maîtrised’ouvrage que nous recommandonspasse par la désignation d’un chef deprojet : pouvoir décisionnel intermé-diaire, présent tout au long du projet(comme Monsieur Jégou à Brest).

Le Titre II traite de la maîtrise d’œuvreUne autre grande orientation de cette loic’est que la qualité passe par des étudestrès poussées permettant la consulta-tion en lots séparés gage de la qualité etque le MOE doit suivre l’exécution duchantier et pouvoir s’assurer du respectlors de l’exécution de l’ouvrage, des études qu’il a effectuées. C’est à celaque dérogent les nouvelles dispositions,d’où la mission de base très complèteimposée en bâtiment.

Quant au choix du maître d’œuvre ilrelève du code des marchés :Procédure adaptée - Concours -Procédurenégociée spécifique (réhabilitation) -Conception réalisation (pas en bâtiment)mais dérogation nouvelle permettant del’utiliser en contradiction avec ce quel’on a dit précédemment - Pas d’appeld’offre qui soit inadapté à la spécificitéde la maîtrise d’œuvre.Enfin, rappelons qu’il faut négocier lecontrat mais que cette négociation n’estpas du marchandage car ce seraitabaisser l’un et l’autre en accordant unminimum de considération pour les étu-des comme si elles n’étaient qu’uneobligation réglementaire imposée.Il faut payer correctement la maîtrised’œuvre votre partenaire (en fonctiondes compétences mobilisées et dutemps à passer) sinon c’est l’ouvragequi trinque.

Je conclurai en rappelant une évidence : le 1er critère de la qualitéc’est le temps : le temps des étudespréalables et de la programmation, letemps des études de conception, etaussi celui de la réalisation des travaux.

Intervention de Monsieur Jacques CABANIEUSecrétaire Général de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques

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Tout d’abord, il convient de rappeler le rôle culturel fondamental de l’architecture reconnue d’intérêt publicpar la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, à la fois en tant qu’art deconcevoir et de créer des espaces devie.

Il est de la responsabilité de l’État et deses établissements publics - et ceux-cidoivent se montrer exemplaires en tantque maître d’ouvrage – de réaliser desbâtiments et programmes publics danslesquels la dimension culturelle et laqualité du traitement physique desespaces doivent être prises en comptedans une recherche de l’améliorationdes conditions de vie de chacun et singulièrement des usagers.

C’est d’ailleurs dans cette perspectiveque le ministère de la culture et de lacommunication, en liaison avec leministère de l’équipement et celui encharge du logement et de la ville, adécidé de lancer un programme d’actions pour la qualité architecturale,urbaine et paysagère du cadre de vie denos concitoyens.

Ce programme, présenté le 24 .09. 2004en Conseil des ministres, inclut notamment l’élaboration d’une chartede qualité pour les constructions publiques.

Ce colloque est l’occasion de renforceret d’élargir les collaborations déjà existantes entre le ministère de la santéet le ministère de la culture et de lacommunication. Celui-ci, dans le cadrede ses attributions concernant l’architecture, peut apporter son appui,notamment à travers la mission interministérielle pour la qualité desconstructions publiques (MIQCP), au ministère de la santé et à ses établissements publics pour concrétiserleur engagement en faveur de la qualitéarchitecturale et urbaine.

En effet, la qualité des espaces a nécessairement une incidence sur la

qualité de vie sociale et surtout sur lescomportements collectifs et individuels.

Qu’entend-on par qualité des espacesde vie ?

Il s’agit d’un ensemble de paramètres àprendre en compte, à conjuguer quedéveloppe par ailleurs Nicole Roux-Loupiac, architecte-conseil de la direction de l'architecture et du patrimoine au ministère de la culture etde la communication.

Ainsi la recherche de confort, tant physique que physiologique et psychologique, la recherche du mieux-être possible pour tout un chacun, qu’ils’agisse des personnes hospitaliséesdans leur rapport avec elles-mêmes,dans leur rapport avec la maladie, qu’ils’agisse des équipes soignantes dansleur rapport entres elles, avec les malades, qu’il s’agisse des visiteurs etde toute autre personne amenés à vivredans ces lieux, cette recherche deconfort donc pose bien sûr la questionde l’espace, du volume, de la lumière, durapport entre l’intérieur et l’extérieur,des ambiances colorées, des ambiancessonores, des matériaux, des éclairages,et surtout la question de l’usage.

Il faut insister sur le fait que la notion deconfort ne se résume pas en effet à desperformances techniques. Elle doit évidemment prendre en compte l’usager – là encore qu’il s’agisse despersonnes hospitalisées, des équipessoignantes -, et le comportement decelui-ci qui est au cœur du dispositif entant qu’acteur. L’architecte PierreRiboulet disait : « il faut prendre l’humain comme point de départ » maison peut aussi considérer qu’il faut leprendre comme point d’arrivée. À cetitre, je voudrais citer une belle expérience menée en Écosse depuisquelques années: il s’agit des Maggie’scenter . Maggie, femme atteinte d’unegrave maladie, a souhaité que des lieuxspécifiques, dont la construction a étéconfiée à des architectes comme

Richard Murphy, Daniel Libeskind,soient aménagés à l’échelle familialepour que les personnes en traitementpuissent retrouver une certaine intimitéet chaleur, un lieu de repos, d’échangeou de recueillement, proches mais àl’écart de l’hôpital.

Enfin, il faut rappeler que la démarchede qualité, au profit de tous, passenotamment par un dialogue absolumentconstant et un engagement fort entretous les acteurs, à savoir entre la maî-trise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre etles usagers.

Intervention de Madame Marie-Agnès FERAULT Chargée de mission, Direction de l’architecture et du patrimoineMinistère de la culture et de la communication

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Introduction

La qualité d’un ouvrage : un conceptglobal : fonctionnel, esthétique, écono-mique, environnemental …Un équilibre « sous tension » entre desacteurs différentsUn moment et un environnement favo-rables pour développer cet objectif : larelance de l’investissement hospitalier

1/ Le plan Hôpital 2007 :

Un programme d’investissement sur-tout immobilierL’ambition : combler rapidement leretard des équipements

La réalité : 26 plans régionaux accompa-gnés et coordonnés (MAINH)

Un volume d’opérations important etsimultané, en cours de réalisation

2/ De nouvelles méthodes de travail

Les limites de la commande classiqueen terme de délais et de coûts

Des procédures diversifiées à la disposi-tion des décideurs hospitaliers :

Marché de conception – construction –maintenance

Bail emphytéotique et partenariat publicprivé

Le renouvellement de l’approche :

De l’ouvrage au service

De la construction à la durée de vie dubâtiment

3/ … Compatibles avec la qualitéarchitecturale

Les critiques et les risques de la com-mande globale

Des garanties réglementaires :

Le programme fonctionnel est arrêtépar l’établissement

La place du concepteur et la propositionarchitecturale sont identifiées

La qualité des ouvrages : un critère d’attribution

La possibilité d’indemniser les concep-teurs non retenus

4/ Les conditions locales pour améliorer la qualité des ouvrages hospitaliers

La décision et la gestion des projets sontlocales

L’accès des architectes à la commandehospitalière

La capacité des maîtres d’ouvrage à manager des chantiers parfois complexes, à faire la place à l’innovation.

Intervention de Monsieur Vincent Le TAILLANDIER Directeur de la mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier

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1. Construire un nouvel hôpital : un enjeu de santé, d’urbanisme et d’humanitéLe choix du site . Cœur de ville : équilibre Est-Ouest. Régénération d’un quartier difficile. L’intime liaison avec l’Université/-

Faculté de Médecine. Le partenariat avec le centre

anticancéreux. Accès aux grands axes de circulation. L’ancrage au patrimoine,

Abbaye St Pons. L’arrivée du tramway - accessibilité

Idées-force du programme duconcoursActe politique essentiel de la maîtrised’ouvrage : La demande d’un hôpitalaccueillant, qui n’impressionne pas parsa monumentalité, qui s’ouvre à nospartenairesDes fonctions bien identifiées :. Plateau technique très performant. Des possibilités de prise en charge trèsdiversifiées. Une hôtellerie de qualité. Une organisation en pôles

Les ambitions de la dimension culturelle du projetUne double acceptation La transformation de la culture à l’hôpital :. L’ouverture à la cité. L’appropriation par les acteurs internes, externes

. La transformation de la culture de site

. La transformation de la culture pavillonnaire

L’intégration intime de la culture à l’hôpital :. Le développement de projets culturels

intégrés. Une dimension artistique pensée dès

la conception. Une intention perceptible par chaque

malade

2. Un projet culturel vivant intégréà la construction de l’hôpital

S’assurer de plusieurs impératifs :. La compréhension, l’acceptation de

l’architecte. L’appui de la DRAC, de l ‘ARG, de la

Ville, d’autres acteurs potentiels. Une animation du projet bien pensée, bien structurée du responsable culturel au comité de pilotage. Evaluer les attentes, les champs du possible, le choix d’un AMO qui proposera des scénarii. Réussir le travail d’appropiration

Quelques pistes au stade de l’APD Le dialogue avec la démarche de laCommunauté d’Agglomération dans lamission tramway

Le dialogue avec la ville :. Projet de remise en état concomitante

de l’abbatiale Saint-Pons

. Le projet “Les murs

. La réhabilitation du quartier Pasteur

. Le travail de mémoire sous diverses formes : mémoire et apropriation,

photos, témoignages. L’attente à l’égard de l’AMO. le projet culturel sur les autres sites,

une même ambition

Des espaces à penser, combinant projetarchitectural et artistique :. L’accueil, les accueils des pôles,

l’accueil des urgences. Les espaces associatifs et culturels. Les patios, espaces partagés. La chambre du malade. Les lieux de consultation

Déterminer le financement lié au projetarchitectural, la part à rechercher pourle projet artistique

L’espace “galet”, quels usages

Penser les séjours, courts, répétitifs :. Avec les usagers et leurs

représentants. Avec les personnels, par projets

“L’hôpital doit être une maison

d’hommes”Charles-Edouard Jeanneret,

dit Le Corbusier

Intervention de Monsieur Jean-Jacques ROMATETDirecteur Général, CHU de NicePASTEUR 2 : un projet architectural et artistique au coeur de notre mission hospitalière

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Cette table ronde nous réunit autour duthème de la qualité architecturale.En quoi consiste-t-elle ? Comment lafavoriser ? Force est de reconnaître quesa définition est plurielle, et variablesuivant les acteurs. Chacun de nous,dans cette salle –maître d’ouvrage,médecin, technicien, architecte ou usager- donnerait à ce mot de qualitéun contenu différent en fonction denotre sensibilité, de nos propres repères, de nos savoirs spécifiques.Sans aucun doute, la notion de qualitéest moins abstraite et plus tangiblelorsqu’on l’aborde à travers un projet.

Projet urbain – projet d’hôpitalNous sommes à LILLE, vous connaisseztous le projet d’Euralille, aussi permet-tez moi en préalable d’établir un rappro-chement entre un projet urbain et unprojet d’hôpital. Dans les 2 cas, noussommes face à un projet complexe, ouentre en jeu, une multitude d’acteursaux pouvoirs croisés et de natures différentes, sur une durée de tempslong. De la même manière, et dans les 2cas j’insisterai sur l’importance du rôledu porteur de projet : qu’il s’agisse d’unprojet urbain ou d’un projet d’hôpital, ilfaut une maîtrise d’ouvrage forte avecune réelle volonté politique, mais aussiune maîtrise d’œuvre compétente. Cettedouble condition est essentielle. Ellepermet, dans le dialogue et le respectmutuel, d’avoir la capacité de tenir lecap pour maintenir et faire vivre lesidées fortes du projet.

Ce préalable étant posé, il est difficiled’aborder le thème de l’architecture del’hôpital en faisant l’économie de questions fondamentales : En effet, l’architecture est avant tout unquestionnement. Ayant l’homme pourobjet, elle a une dimension philosophi-que et traduit notre vision du monde. Sil’on reconnaît l’hôpital en tant que lieude vie, lieu de soins, mais aussi lieu demort, son rôle a considérablement évolué à travers l’histoire. Il renvoie àl’évolution de la société et à notre

attitude face à la maladie ou la mort. Alors quel rôle veut-on lui assigneraujourd’hui ?

La place de l’Hôpital dans la ville :La question de la place de l’hôpital dansla ville est tout aussi importante. Tour àtour, l’hôpital lieu d’accueil s’installe aucentre de la ville : c’est l’Hôtel Dieu, puisil devient lieu de soins et isole ses malades en périphérie, par crainte desépidémies, il prend alors une formepavillonnaire. Aujourd’hui, il fait partiede notre quotidien et joue le rôle degrand équipement. Capable de structu-rer un quartier, de générer un projeturbain,, il offre des services qui concer-nent chacun de nous. Ainsi l’histoire del’hôpital croise l’histoire de la ville.

Troisième point essentiel :L’architecture hospitalière a une fortedimension culturelle, et ce à plusieurstitres.Innovation et patrimoine : A traversl’histoire, l’architecture de l’hôpital – ens’appuyant sur différents savoirs - àtransposé les évolutions de la médecineet les évolutions technologiques en fai-sant preuve d’innovation. L’intégrationde ces évolutions a fait naître une typologie diversifiée et très riche debâtiments, tout en générant du patrimoine. Citons par exemple l’HôtelDieu et l’Hôpital Marchand à Toulouse,l’Hôpital de Lyon de Tony Garnier,Maison Blanche à Ville Evrard, ou plusproches de nous et déjà patrimoine dedemain, l’Hôpital Mère Enfant dePurpan dont l’auteur est Pierre Riboulet,le Pavillon Necker de Wogensky, autregrand architecte récemment disparu luiaussi. Si certains de ces bâtimentsanciens ne sont plus voués à l’avenir àdes fonctions hospitalières, il est intéressant de noter leur capacité dereconversion.

Ceci signifie qu’au delà des fonctionnalités intrinsèques auxquelles répondaient ces architectures, ellesétaient en outre porteuses d’avenir «espaces capables», que de plus, leur

richesse architecturale portait la promesse de leur pérennité. En raisonmême de cette capacité d’adaptation etd’évolution nous rejoignons les préoccupations de la politique de développement durable, politique danslaquelle le patrimoine a toute sa place. Savoir faire : Je noterai enfin dans cerôle culturel porté par l’architecturehospitalière l’importance du savoir faireMaîtrise d’ouvrage – maîtrise d’œuvre :maîtrise de programmes complexesavec une grande diversité de fonctions, compétences techniques, capacité àgérer l’intelligence et la cohérence globale d’un projet. A condition d’êtrecapable de progresser et de se renouveller sans cesse, ce savoir faireapporte la preuve de la capacité de l’architecture française à l’export, etparticipe par ce biais au rayonnementculturel de notre pays.

Favoriser la qualité architecturale :les concours. La dévolution de la commande publiquese fait en France à travers les concoursd’architecture. Ces derniers sont générateurs de qualité architecturale.Le concours met en avant la responsabi-lité du Maître d’Ouvrage qui l’organise –tant sur le choix de la procédure, quesur le programme de l’opération – sonestimation prévisionnelle et in fine surle choix des concepteurs puis du lauréat. Si le but du concours est desélectionner en 2 phases et avec l’aided’un jury, les meilleures équipes deconcepteurs, puis le meilleur projet,il faut noter quelques faiblesses sur lesquelles il serait nécessaire de réfléchir pour une évolution.

Plus que tout autre créneau, les projetshospitaliers concernent aujourd’hui unpetit noyau d’équipes –équipes rodées,professionnelles- mais dont il est difficile d’élargir le cercle, en particuliervis à vis des jeunes équipes. Pourquoi ? Le coût des indemnités concours estélevé, en raison de la lourdeur des programmes, ce qui «empêche» le maître d’ouvrage de retenir plus de 3

Intervention de Madame Nicole ROUX-LOUPIAC Architecte conseil, Direction de l’architecture et du patrimoine

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équipes. Par ailleurs, sur 3 équipes, lemaître d’ouvrage est peu enclin à «prendre le risque» de choisir uneéquipe qui n’aurait pas fait ses preuvesdans le domaine considéré. Cet état defait peut constituer un frein au renouvellement des idées.

Abordons à présent, comment estappréhendée la qualité architecturale àtravers les concours. Tout d’abord la qualité au singulier estdifficile à cerner, elle est à la fois tropabstraite, trop philosophique, aussi parlerons nous de qualités au pluriel. Sije prends un quelconque règlement deconcours, je vais trouver une déclinai-son de qualités sur lesquelles le Maîtred’Ouvrage a des attentes et qui constituent les critères de jugement desprojets, je citerai dans l’ordre et demanière synthétique : 1. Qualités fonctionnelles Il s’agit ici de respect du programme,respect des liaisons fonctionnelles, des surfaces, des liaisons extérieur-intérieur.2. Qualités des solutions techniquesCe point recouvre l’intelligence des pro-cess, la pertinence des choix techni-ques, la performance des ouvragesmais aussi les réponses apportées dansle domaine de la maintenance. 3. Qualités architecturales Le respect des règles d’urbanisme, lerapport au site, les orientations, les dessertes, les espaces extérieurs, laqualité des matériaux. 4. Qualités financières et économi-ques

A la suite de cet énoncé de critères,quelles remarques peut-on faire ? L’architecture est transversale, les qualités fonctionnelles, techniques,économiques en font partie, et pas seulement les qualités d’insertion dansun site ou les façades. Mais la notionmême de complexité entraîne un découpage en divers paramètres. Cetteméthode permet un niveau d’évaluationdes projets, mais elle reste incomplète.Il convient alors de distinguer ce qui

résulte d’une addition de qualités , de cequi relève d’une qualité globale.L’arithmétique est réductrice, le tout estplus que la somme des parties.

Aussi faut-il éviter l’écueil d’une faussesécurité qui consisterait à totaliser despoints par critère annoncé. Cetteméthode pouvant amener à retenir unprojet «moyen» tandis qu’un projetayant plus de souffle, en étant davan-tage porteur d’avenir et d’architecturepourrait se voir éliminé par le biais decalculs simples. Vous avez des architec-tes dans les jurys, leur rôle est de vousaider à analyser et révéler les qualitésd’un projet et en particulier à déceler lacapacité d’évolution d’un projet souventrendu au stade de l’esquisse. La difficulté consiste en effet à cerner «cequi deviendra architecture» ; je veuxparler de la qualité des espaces, de lavaleur d’usage, de la poétique de lalumière, de tout ce qui relève du «nonmesurable». A ce sujet, je citerai volontiers Riboulet : «C’est tout comptefait facile d’assurer le fonctionnement,de respecter les règlements, de maîtri-ser les techniques et les coûts, mais ça ?Faire que ceux qui passeront devant, ouqui seront dedans, vibrent d’unemanière ou d’une autre à un moment ouà un autre, qu’ils se sentent différents,transformés par la seule compositionde l’espace, par l’architecture elle-même ? » L’architecture, en effet, doitrépondre à une multitude d’exigencesqui peuvent être quantifiées, mais desti-née à l’Homme, elle est faite pour serviret pour émouvoir et ces notions là sont difficiles à appréhender sur le papier.

Enfin, parmi les paramètres favorablesà la qualité architecturale, j’insisteraisur l’intégration de la dimension TEMPStout au long du projet, parce qu’il estesssentiel :. D’anticiper au delà du programme,. De distinguer ce qui doit être pérenne,de ce qui doit être flexible, évolutif, . De tenir le cap dans la durée par rapport aux idées fortes d’un projet etqui lui donnent sens.

Au sujet des critères financiers et économiques, et face à des investisse-ments toujours plus serrés, il faut souligner l’importance de raisonner encoût global – mieux investir au départpour une maintenance plus facile, uneplus grande durabilité.

Les concours d’architecture restent enFrance la procédure classique d’attribu-tion de la commande publique. Aujourd’hui le partenariat public-privéprend de l’importance. Si cette nouvelleprocédure reste à encadrer pour éviterdiverses dérives, il convient aussi derechercher où sont les pistes de progrèspossibles dans les concours classiquesd’architecture, afin de contribuer à lesfaire exister et de garder un équilibredans la répartition des procédures. Ceciexige une réflexion sur 2 points : . La réduction des délais, en particulierdans la durée d’approbation des phasesd’étude,. La réelle adéquation entre estimationprévisionnelle et programme.

Favoriser la qualité architecturalenécessite dans tous les cas de combat-tre les obstacles à la qualité et de créerles conditions favorables à cette qualité.A ce titre on pourrait citer : . Volonté politique dans le portage duprojet,. Responsabilité et compétences dumaître d’ouvrage et de l’ensemble desacteurs,. Respect mutuel entre partenaires(rémunération – temps d’études …) ;. Qualité des études préalables (faisabi-lité – programme – estimation),. Intégration du long terme,. Recherche d’innovation.

Mais il serait vain dans cette recherchede qualité à tous les niveaux, de considérer l’hôpital seulement en tantqu’outil technique et performant, l’hôpital véhicule avant tout l’idée que sefait la société de cette institution à unmoment de son histoire, c’est la raisond’être de l’architecture.

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Au pied de la colline deMontmartre, l’hôpital gériatriqueBretonneau à Paris 18è se déploieà partir de l'ancien hôpital.

Edifices de pierres aux lits de briquesimbriqués, toitures, corniches en saillie,les pavillons du XIXème siècle définissentla structure du lieu. Sur cette parcelletrapézoïdale, les nouveaux bâtimentss’organisent selon une trame rigoureuse, réseau d’espaces bâtis s’articulant sur des jardins tranquilles.Grands pans de zinc inclinés en toiture,parois de briques, rives de planchersque le béton distingue : d'un siècle àl'autre les architectures se répondent.

Concept nouveau, l’hôpital gériatriqueBretonneau installe les personnesâgées dans Paris, dans un lieu empreint

d’urbanité et respectueux de l’intimité àla fois. Une rue intérieure le parcourtrassemblant des espaces de rencontrele salon de coiffure ou la cafétéria–,aisément accessibles depuis chacun des pavillons.

Les unités d’hospitalisation s’organisentsous la forme de maisons accueillantune quinzaine de personnes chacune.Formes, matériaux et organisat ionreconstituent un univers domestique,repère essentiel pour les patients. Intégration urbaine et urbanité intérieure, pavillons à échelle quasi familiale et modernité d’un équipementhospitalier contemporain, le projet seconstruit sur un environnement existantet la spécificité d'une demande.

La ville s’ouvre aux personnes âgées au

sein d’un établissement performant qui,loin de les exclure, les inscrit à nouveaudans une pratique sociale globale.

Intervention de Monsieur Denis VALODEArchitecte

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Le maître d’ouvrage, le maîtred’oeuvre et l’artiste : de la relation au projet partagé

Quelles sont les conditions pour introduire à l’hôpital unedémarche artistique de qualité ? Y a-t-il des conditions de projet pour qu’il y ait œuvre ? Comment met-on en place et développe-t-on ce processus ? Quelles démarches pour introduire un projet artistique dansun programme d’humanisation ? Quelles sont les conditions nécessaires à une bonne collaboration entre maître d’ouvrage, maître d’œuvre et artiste ?Quelles relations entre la maîtrise d’ouvrage et l’artiste ?Réflexions sur l’(im)perméabilité de ces champs de création. Quel rôle pour l’artiste ?

T a b l e r o n d e

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Hôpital Saint-Joseph-St-Luc, Lyon

Intervention artistique de Cécile Bart

Dr Georges Kepenekian, Chef de projet, Hôpital St-Joseph-St-Luc, Lyon

Georges Verney Caron, Assistant maîtrise d’ouvrage

Etude de cas

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Couleurs, lumière et transparence +

Un pariCe qui fut d’abord un projet en 1996-1997 devient une réalité en 2002 avecl’ouverture d’un nouvel hôpital : aprèsles tergiversations, la fusion aboutie desdeux hôpitaux centenaires.

Cette réalisation en rupture concep-tuelle totale avec l’organisation habi-tuelle du soin émerge à partir d’uneparticipation très large des équipes.C’est alors un projet avant de devenir unprogramme.

Une tentative de quête de sens entre lescontraintes technologiques et économi-ques toujours confrontées aux invariantsde l’Art Médical, que le patient-sujetattend de l’Institution hospitalière.Laisser, dans ce contexte, la porteouverte au rêve, premier acte d’uneliberté nouvelle, c’est une véritable«révolution culturelle» dans l’imagi-naire des acteurs de l’hôpital engoncédans les routes balisées depuis desdécennies. Alors, pourquoi changer ?

Casser l’image à priori anxiogène del’hôpital, accueillir autrement, tout enpréservant la vocation première de soigner.

Réparer, certes, mais « prendre soin »plutôt que « donner des soins ». Créerdes conditions de continuité entre la vienormale, dans la ville et la maladie àl’intérieur de l’hôpital. dans une architecture fonctionnelle. Faire le paridu beau et de l’harmonie, source desérénité, pour le sujet malade maisaussi les soignants et les visiteurs.

Notre rêve éveillé est d’accueillir lespassants et de déclencher dans l’étonnement la question : «et vous soignez aussi ici» ?

Décliner ce projet en action nécessite,après cet acte de foi, un puissant désiret une volonté sans faille du maîtred’ouvrage.L’exigence permanente est la seulegarantie d’une probable réussite.

Exigence aussi dans la chronologie desétapes: d’abord un solide projet médicalintégrant toutes les parties prenantesmédecins, infirmières et l’administra-tion en tant qu’activité de soutien.

Puis un travail minutieux avec le programmiste qui confronte nos idées àla réalité.

Alors vient le temps du maître d’œuvrel’’architecte. Lui même se faisantaccompagner d’un designer et d’un graphiste.

Le pari fou aura été d’associer très tôtun artiste au côté de l’équipe d’architectespour apporter la note «d’irrationnel» -entendu comme décalage par rapport àla rationalité de la construction-.

C’est retourner à la source – désensa-bler les puits - retrouver l’hôpitalcomme lieu de partage de la sciencemais aussi des émotions.

L’art représente un des médiateurs possible de cette rencontre.L’art dérange la quotidienneté car ilquestionne et peut créer les conditionsde ce nouveau partage.Il peut être un passeur de la frontièreentre le monde normal et le monde auxhorizons troublés qu’est la maladie.

Une telle ambition est naturellementsource de conflits dès la conception,puis pendant la réalisation. Elle seheurte au scepticisme -voire au rejet del’environnement - du moins dans unpremier mouvement.

C’est le temps, alors, de la remise encommun des questions initiales : dupourquoi ? du comment ? et pour qui ?

Résister ! Expliquer ! Faire confiance àl’Art et ce qu’il transmet dans le champdu sensible.

Présentation de Georges VERNEYCARON

“Deux personnes sont assises à lamême table, elles causent entre elles,mais pas toujours. Elles ne sont pasvenues dans ce café pour entendre de lamusique ; alors, on doit s’occuper demeubler leur silence, l’empêcher dedevenir gênant, leur éviter de rompre lesilence quand elles n’en auront pasenvie. Musique d’accompagnement quel’on n’écoute pas, mais qui est présentequand même et qui est chargée de meubler les silences gênants. Satieavait raison. Le problème peut être lemême en architecture si on le désire.Peinture d’accompagnement. C’est undispositif nouveau. Il y en a d’autres. ”Fernand Léger

La couleur est le moyen d’inscrire le bâtiment dans le site d’une façon plus sensible. La mise en couleur, loind’être abstraite, puise son origine dans l’environnement immédiat : lestoits d’ardoises ou de tuiles, la pierre, le métal du pont de l’Université, les ferronneries des balcons, les arbres(l’écorce naissante des platanes), le ciel.À partir des couleurs précédentes, j’aiétabli une quadruple gamme.

Chaque façade est ainsi dotée d’une couleur rappelant son environnementlocal : à l’ouest, la brique des tuiles,au nord, le bleu-vert du pont del’Université, à l’est le jaune pâleemprunté aux platanes et au sud le bleudu ciel par beau temps.

Intervention du Docteur Georges KEPENEKIAN, Chef de projet, Hôpital St-Joseph-St-Luc, Lyonet de Georges Verney CaronAssistant maîtrise d’ouvrage

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Légendes des photos

En haut à gauche : à l’ouest, la brique des tuilesEn haut à droite : à l’est le jaune pâle emprunté auxplatanesEn bas à gauche : La façade sudEn bas à droite : La façade nocturne

Transparence et réflexion jouentconjointement.Sept types de verre ont été choisis, ayantdes colorations et des degrés deréflexion différents. Tous les verres utilisés ont par ailleurs des degrés deréflexions plus ou moins importants.Cette propriété fait de la façade un lieud’enregistrement de son environnementreflets du ciel, des quais, des arbres…

Déconstruction, modulation et vibration.Une modulation générale, irrégulière,faite de passages et de heurts anime lesfaçades. Le projet s’oppose à l’euphémi-sation par le blanc d’un univers neutreet aseptisé. Il y a donc de la couleur,mais aussi des gradations et des sauts.

Profondeur et orientationSelon les différents moments de la journée, le regard pénètre plus oumoins profondément dans le bâtiment. Ilest très important que de l’intérieur onse sente relié à l’extérieur.

Les quatre couleurs locales identifiant les façades sont reprises dans les couloirs et les aires de repos, avec unrappel dans les chambres.

La nuitLa façade nocturne sera conçue dans lemême esprit que l'a été la façadediurne. L'éclairage du bandeau centralvitré sera constitué de points lumineuxblancs, d'une coloration proche de la lumière du jour, d'intensité variable. Un mouvement relativement lent d'apparition et de disparition des pointslumineux rendra la façade aussi changeante de nuit que de jour.

En conclusion

Tout commence quand le nouvel hôpital ouvre ses portes, chacun peutmesurer jour après jour la cohérenceentre l’œuvre artistique des façadeset les rappels à l’intérieur.

Tout s’apaise. Débute alors la nouvelle vie. Pour prolonger la quête du sens, il fautdéfinir la place de la culture au quotidien. Il ne s’agit pas «de faire un coup» mais bien de s’inscrire dans cette vision plus globale, moins cloisonnée du fonctionnementhospitalier pour une meilleure prise encompte de la personne.

Assurer la pérennité, enfin, c’est instruire et transmettre sans cesseaux nouveaux arrivants le pari initial.

L’œuvre doit rester vivante, en mouvement.

et au sud le bleu du ciel par beau temps La façade nocturne

à l’est le jaune pâle emprunté aux

platanes

à l’ouest, la brique des tuiles

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La commande artistique : Quel processus de travail ? Quelles conditions pour sa miseen oeuvre ? Quels enjeux ?Quels modes de concrétisation ?

Anne-Marie Le Guevel, Déléguée adjointe aux arts plastiques,Délégation aux arts plastiques

Alain Richert, Catherine Willis, Paysagistes, réalisation d’un jardin sensible, IRSAM Marseille

Emmanuel Saulnier, Artiste. Projet de commande publique,Institut Gustave Roussy, Villejuif

T a b l e r o n d e

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Le Ministère de la Culture a développé depuis de nombreusesannées une politique ambitieusevisant à soutenir et développer lacréation contemporaine dans lerapport nécessaire qu’elle doitentretenir avec l’espace public.

Dans ce contexte, et vis à vis de champsd’intervention les plus variés - l’espaceurbain, bien entendu, mais aussi lesmonuments historiques, les édificesreligieux, les parcs et jardins, les espaces ruraux ou encore les espacesaudiovisuels partagés, etc. - un nombretrès important de projets ont ainsi puêtre développés dans le souci constant àla fois de prendre rigoureusement encompte les contextes précis de chaquecommande, leurs attendus, leurscontraintes, leurs obligations, et d’offrirla possibilité aux artistes sollicités deproposer une création originale.

Cette action, engagée également pourmontrer la voie auprès des institutionset autres collectivités territoriales désireuses d’initier de tels projets, adonné lieu à un nombre croissant deréalisations d’importance, vis à vis desquelles, aux côtés de ces différentscommanditaires, le Ministère de laCulture – la Délégation aux arts plastiques et les Directions Régionalesdes Affaires Culturelles – s’est réguliè-rement associé en terme de partenariatet de conseil. Ainsi, certains projetsemblématiques ont pu être menés dansle secteur hospitalier, en particulier àl’hôpital Raymond Poincaré de Garchesoù, en collaboration avec le programmedes «nouveaux commanditaires» de laFondation de France, Ettore Spaletti a été associé à la conception et l’aménagement de la «salle desdéparts», cet espace où les familles serecueillent une dernière fois avant lalevée du corps, ou encore à l’hôpitalBretonneau à Paris pour lequel PierreBuraglio a été invité à concevoir un lieude culte œcuménique, «l’Oratoire».Dans chacun de ces deux cas particuliè-rement exemplaires, l’artiste invité a su

démontrer que l’intervention souhaitéetrouvait sa pertinence dans un rapportétroit établi avec le projet proprementarchitectural du lieu et son aménage-ment intérieur, incluant toutes les questions relatives à la lumière, à lacouleur, aux différents objets présentsdont le mobilier, à la signalétique, l’espace investi par le visiteur devenantl’objet même de la création voulue, toutcomme aux aspects d’ordre immatérieldu contexte, tenant aux croyances et aubesoin de recueillement des différentspublics.

C’est dans cette perspective qu’a été envisagé et se développe le projet artistique concernant le CentreHospitalier Régional Universitaire Huriezde Lille avec Katsuhito Nishikawa.L’artiste y proposera à la fois la créationd’un jardin pour l’espace de la courd’honneur de l’hôpital, intégrant à la foisdes pièces sculpturales et des élémentsde mobilier, et aussi, toujours dans cetteobligation de traiter de ces questions devaleur d’usage, un aménagement del’espace d’accueil, incluant à nouveaudes pièces mobilières et instaurant dece fait un passage sans rupture entreextérieur et intérieur, dans cette optiquede rendre plus attractif, accueillant et rassurant, un lieu qui suscite logiquement de l’appréhension.

Ces différents exemples montrent enoutre que l’intervention artistique –comme dans tout projet de ce type – doitêtre envisagée le plus en amont possibledu projet architectural prévu, quelle quesoit la procédure engagée. Elle peut eneffet, et c’est généralement le cas, êtrecelle du 1% artistique, qui inscrit d’emblée dans le programme puis dansle budget global d’une opération unpourcentage affecté à la création d’uneœuvre : cette procédure, récemmentsimplifiée, apparaît de fait comme l’unedes plus appropriées. Elle peut aussiêtre, plus occasionnellement et si unecollectivité territoriale la porte, celle dela commande publique, qui reçoit lesoutien de l’Etat, notamment lors de

l’étape initiale (projet, conception,étude).

Par ailleurs, sur le plan règlementaire,le décret sur le 1% d’avril 2002 doit être modifié dans le sens d’une simplifi-cation des procédures (suppression desseuils, de la commission artistiquerégionale notamment) et d’une adaptation aux nouvelles règles desmarchés publics (publicité préalable del’opérateur pour inviter les artistes intéressés à envoyer leurs références).Le seuil des achats directs (à l’artiste ouà sa galerie) est triplé, passant de10.000€ à 30.000€.

S’agissant plus spécialement de lasanté, le secteur reste soumis demanière marginale au 1% (seuls les sièges des administrations centrales etdéconcentrées, les trois hôpitaux EPN),et une forme de «gentlemen’s agree-ment» a été conclue entre les deuxministres pour convenir que pour les établissements de santé, qui sontune catégorie juridique sui generis, une intervention artistique selon la procédure et les modalités du 1% seraitappliquée chaque fois que possible,mais peut-être pas à la hauteur de 1%des budgets systématiquement, en raison de la forte contrainte budgétaire.

Cette formule s’apparente, finalement, àce qui existe déjà pour certains travauxdes collectivités locales ou des EPIC, quine font pas partie du champ obligatoire-ment soumis au 1%, mais s’imposentvolontiers cette obligation comme unatout de leur projet, selon la même procédure.

La commande artistique et le 1% en secteur hospitalierAnne-Marie Le GuevelDéléguée adjointe aux arts plastiques, Délégation aux arts plastiques

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En principe tout jardin devrait faireappel aux cinq sens. Encore plus depuisque la vision est en saturationconstante.

Le cas particulier de l’institut dessourds et aveugles de Marseille nous acependant obligés à repenser le jardintrès différemment.

Il fallait que les habitants de ce lieu clospuissent appréhender l’espace dans satotalité et se l’approprier.

La vision permet une intelligence immédiate de l’espace. Même si lesaveugles développent les autres sens,ils ne comprennent l’espace qu’en l’analysant dans le temps. C’est donc encroisant ces impératifs que nous avonsélaboré la conception de ce jardin.

Aménager les circulations en les faisant progressivement évoluer,comme une rampe d’eau qui changetous les mètres, ou un sentier où chacunpeut retrouver ses propres empreintes.Utiliser une gamme de plantes parfumées aux textures les plus diverses possibles, mais reconnaissables facilement pour aider au jardinage. Installer un potager pour la consomma-tion directe. Surélever pour les

handicapés moteurs, quelques cerisiersbas. En revanche, pas moyen d’installerla moindre poule, comme si l’animalétait forcément fauteur de trouble et de pollution.

Nous avions pourtant prévu un poulailler derrière la pataugeoire. Maisà l’hôpital, on dirait encore que le dehorsest l’ennemi du dedans.

Institut des sourds et aveugles IRSAM Marseille Réalisation d’un jardin sensibleCatherine Willis et Alain Richert, Paysagistes

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Quelques mois se sont passés depuiscette résidence. Pourtant, la proximitéet l’intensité de ces rencontres avecla population qui travaille à l’InstitutGustave Roussy me reste avec toutesa force et toute sa persuasion. Cet entretien est bien présent.

Le sentiment et la volonté que j’en ai eualors de vouloir les transmettre vivement et de façon directe aujourd’hui,s’en trouvent renforcés à sonécoute.Dès ma première venue, j’étaisfrappé par l'extrême instabilité de l’espace extérieur la souffrance de songrand désordre. J’ai tout de suite ressenti la vacuité d’une propositionartistique qui viendrait, à priori, s’adjoindre encore au malheur généraldu lieu. Quelle identité cette propositionaurait-elle eue, dans cette absence dedéfinition et de justesse spatiale ?

Je me rendis compte alors que l’intuition et l’imprécision administrativede la proposition du Fonds Régionald’Art Contemporain qui m’était faite«d’engager une réflexion sur la réalisation d’une oeuvre dans le cadredu réaménagement en cours du sitehospitalier» pouvaient peut-être, certesau prix de difficultés nombreuses me permettre une liberté d’approche inédite.

La situation était matériellement trèsinconfortable car elle ne s’adossait pas,à l’origine, au cadre technique tradition-nel de la commande publique quifinance et rétribue une oeuvre et sonauteur dès son projet. C’est sans douteen très grande partie le fait que lecinéaste Marc Petitjean, avec qui j’ai unelongue relation de travail et de proxi-mité, accepte de s’engager à mes côtés,dans des conditions de précarité inouïepour suivre filmiquement le travail quecette recherche put être menée commeje l’entendais. Ainsi le document menéensemble et qu’il a réalisé fait authenti-quement part du projet. La propositiond’exposition en juin de cette recherchedans le nouvel espace d’exposition de

l’Ecole d’Architecture de Versailles etl’accompagnement d’un groupe de jeu-nes architectes pour étude à mes côtés,six mois, accompagné de l’architecteHervé Bagot, ont conforté ma décision.

J’ai voulu l’installation d’un studioalgeco, placé en face de l’entrée del’Institut comme un studio à part, pourpermettre un temps de s’abstraire descontingences du lieu. Il constituait lesymbole et l’espace d’une autre présence au sein même de l’Institut. Ilécartait aussi l’anxiété que me procu-raient ces extérieurs désordonnés etleur château. Je n’avais pas de préventioncontre tout cela, pour des raisons defamille c’était même le contraire, maistant du fait de cette étrange géographie,de ce que représente le métier, les com-pétences, les lourdes responsabilitésmédicales de tout à chacun, enfin etsurtout la gravité des affections qui sontprises en charge et que l’on traite ici,j’éprouvais le besoin d’une rencontredans un espace intermédiaire. L’algecode cette maison de chantier actuelletoute faite correspondait.

Très vite dès les premiers entretiensdans cette pièce exigue, je m’apercevaisqu’un autre espace, qu’une autre architecture se substituaient à ces lieuxen souffrance, une architecture autre-ment incarnée. L’oubli très vite de l’envi-ron-nement par la plupart de mes interlocuteurs, en était un symptôme. Jecomprenais qu’ici, extraordinairementcompte tenu des proportions, chacun ettous faisaient colonnes et supportaient.Je notais «l’architecture humaine intérieure tient l’édifice ». Sous jacente, cette qualité stoïque, qui me touche profondément - stoïcisme, ce mot n’estpas à la mode - implique-t-il que celareste ainsi ? Le pire ne serait-il pas qu’àl’extérieur l’on s’en accommode ? Et aupassage quels seraient alors dans lecontexte la place et le rôle d’une oeuvrequi me serait commandée ?

La lecture peut se faire autrement.A l’extérieur de l’Institut il est indispen-

sable de mesurer l’effort intérieur dechacun, son rayonnement. Il y a en fait,ici, une force d’attention qui, je penseproportionnellement, convoque etnécessite les autres, l’appui des autres.L’attention qui donne éventualité à labeauté. L’attention qui ouvre à la reconnaissance d’autrui. L’attention quidonne visage à la place hospitalière.Mais cette spatialité ne suffit pas en ellemême. Sans doute maintenant faut-ilbriser certaines habitudes qui confinentles spécialistes et entretiennent lesséparations médicales, architecturales,artistiques.

C’est alors que je perçois cette forced’attention dans le sens du lieu, et plusencore, dans le sens du lieu à venir,-l’entretien rend visible - sa confidence,sa confiance m’interpellent précisé-ment. Elles sollicitent, à bon escient,mon œuvre d’artiste et mon expériencesculpturale. Justement l’échange, laconversation brisent ou dépassent déjàles confinements. L’identité de ma com-pétence, ma spécialité, n’est aucune-ment atteinte ou mise en danger. Elleest même autrement désirée. L’échange vient ici me surprendre et m’apporter bien autrement que dans une galerie.Il ressemble au travail de recherche et de questionnement qui précède et qui suit chacune de mes pièces. Il y amènel’autre et l’invention dans la correspon-dance. Il ouvre l’expérience dans l’altérité. Deux lignes extraites de lacorrespondance de Rilke : “Nous qui nesavons rien de notre place vraie nousfondons notre action sur son rapportréel”.

La Place

Ce qui socle l’édifice, son corps et ce quile ventile, c’est cela la place. C’est laquestion à comprendre dans toute sadimension. Ne pas oublier l'essentiel.La place, ici, c’est d’abord celui qui estau centre de la raison du dispositifhumain dans toute sa patience. Il soclece lieu, son corps s’y ventile. Sa place

Projet de commande publique, Institut Gustave Roussy, VillejuifEmmanuel Saulnier, Artiste

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implicitement est bien au coeur. Cetteplace est aussi un «suspens du vécu»qui a consistance et histoire. Pour exprimer ceci, encore, je vous lis cesquelques lignes du Journal de Paul Kleeen 1909, précis et loin de tout voyeu-risme - dans la seule expression de laréalité. C’est je crois le seul passagestrictement biographique de ce journalde travail et de réflexion artistique d’uneextrême pudeur. Je tiens égalementpendant cette très courte lecture à vousmontrer le dessin qu’il positionne à côtéde son texte. 1909 - Jeune femme surune chaise longue. Il fut réalisé aumême moment que ces lignes et sansaucun doute, dans les lieux auxquels ilfait allusion.« Que pareille maladie (du petit Félix)

tint toutes choses en suspens ressort deces lignes. J’assumai totalement les

soins, sauf aux pires moments où je me fis relayer de nuit par une infirmière. De même Olga Lotmar m’aida souventde façon compétente en tant que doctoresse. Le Dr Trumpp, médecin traitant, se montra tout à fait remarqua-ble, surtout durant la première phase,non chirurgicale. Il mit une fois à contribution von Nadolezny, oto-rhino-laryngologiste, et deux fois de suite leprofesseur Pfaundler. A partir de latumeur dans la gorge, Trumpp s’égara,la déclarant symptôme de tuberculose,bien qu’elle ne fût qu’unilatérale. Erreur dans laquelle il s’obstina jusqu’àl’intervention.

Ce fut le Docteur Gilmer, le chirurgien,qui finit par avoir raison et qui sauva lavie de l’enfant. La période du 12 au 14mars fut celle de l’extrême danger.»

Je passai les mois de juin à octobre àBerne, pour que l’enfant pût se rétablirplus rapidement. Il fallait encore traiterla plaie et la cautériser. C’est pourquoije pris avec Félix le tramway en directiondu Bärengraben jusqu’à la Villette, et delà le portai sur mes épaules àl’Inselhospital. Le professeur Stossapplique le traitement supplémentaire.Deux séjours à Beatenberg, dont l’unavec l’enfant qui n’en bénéficia qu’enpartie. En tout cas, il dormait très mal. Cette place encore une fois est un «suspens» constant et partagé pourtous. La place humaine transparaissantpartout. Aussi est-il inquiétant que l’on

se trouve ici dans une telle étroitesse. Que l’on y ressente à la fois un tel manque et un tel encombrement. Uneinaccessibilité si grande, un tel sentiment d’isolement. Ni cité, ni campagne. Le bâtiment se retourne, setransforme - seul ? Est-ce concevable ?Que signifie enclavement ? N’y a-t-il pasune dénégation au-dehors ? N’est-il pasincompréhensible que les immédiatsalentours soient ainsi confinés ? N’est-ce pas étrange que l’on se serre et quecela soit trop haut ? N’est-il pas incompréhensible que le socle soitréduit à la portion congrue ? N’est-il pasincompréhensible qu’en trente ans

d’existence le parc n’ait pas été lié spatialement à l’amorce du jardin d’enceinte ? N’est-il pas incompréhen-sible qu’à l’extérieur nul ne saisissel’enjeu, et même, toute la dimensionesthétique du traitement des abords dusite ? Et qu’ils n’aient fait l’objet d’aucunconcours ?

Je tenais à affirmer simplement toutel’importance de l’attention consacrée àla place ; si à la fois, réellement et symboliquement, enjeu et donc toutel’importance de la place en soi, du respect de sa tangibilité sensible, deson pneuma ici exemplairement. C’estcela que j’ai ressenti dans ces lieux,invité en artiste et dont je veux voustransmettre l’onde. Ce qu’une colonne transparente infiniment exprime et révèle, mais aussi loin du mythe du lieu

fermé, l’énergie du désir d’évoluer dansun espace ouvert, naturellement ouvert.

Emmanuel Saulnier, Christian Vincent & Sébastien GschwindOuvert / Couvert, Institut Gustave Roussy Villejuif, 2004

Vue depuis l'entrée du bâtiment de la recherche

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art ContemporainHôpital

Architecture

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Sens, champ, enjeux de l’intervention artistique à l’hôpital

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Comment l’art ouvre l’espace à l’hospitalité ?

Y a-t-il une spécificité de l’art à l’hôpital ? Comment l’artiste intervient-il à l’hôpital ? Quelles incidences l’œuvre peut-elle avoir dans les pratiques de l’espace, du travail et de la relation à autrui ? Quels impacts sur les usagers ?

Quelle expérience de l’art en milieu hospitalier ?

I n t r o d u c t i o n

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Préambule

Au risque d’apparaître provocateur, ils’agit ici d’aborder le paradoxe de l’inhospitalité de l’hôpital. Loin de nousl’idée que les personnels du milieu hospitalier accueilleraient mal lespatients et leurs familles – chacunaccordera que la plupart du temps leurprofessionnalisme et leur dévouementsont exemplaires -, mais pourtant l’hôpital en tant qu’institution instaureun espace spécifique qui est ressenticomme inhospitalier. Les raisons ensont diverses, mais elles conjuguentleurs effets. D’une part, l’hôpital apparaît comme une «hétérotopie decrise», un emplacement situé dans lesmarges de la société, parce qu’ilconcerne cette crise qui met hors jeu unindividu et que l’on appelle la maladie.Personne ne «rentre» de gaieté de cœurà l’hôpital et chacun vit plutôt cetteexpérience comme une contrainte.D’autre part, cet espace qui se donnepour objectif de traiter cette crise qu’estla maladie, s’avère également inhospi-talier du fait même de la rationalitémédicale et administrative des moyensqu’il met en œuvre pour accomplir satâche. Alors que l’institution de l’hôpitala relevé, à l’origine, d’un souci éthiquefondé sur la foi religieuse, sa laïcisationmoderne fut non seulement liée à saprise en charge par l’Etat, mais aussiconcomitante du pouvoir accordé à laraison pour maîtriser le monde. Michel Foucault a su pointer la relationentre l’avènement d’une conceptionabstraite et dominatrice de la raisondont l’initiateur fut Descartes et laconstruction de l’Hôpital général àParis, en 1656 : elle inaugura, pour les fous, l’époque de l’intolérance et du «grand renfermement». Plus globalement, l’institution hospitalière adû son essor au développement d’unerationalité technique certes efficiente,mais qui entraîne nécessairement uneneutralisation de la dimension axiologi-que, c’est-à-dire de la question desvaleurs. L’hôpital est devenu ainsi unenjeu de la biopolitique prenant en

charge la population et se servant dusavoir comme d’un pouvoir qui se polarise sur la question de l’utilisationrationnelle des moyens, au détrimentparfois de celle de la compatibilité desfins.

L’espace de l’hôpital apparaît la plupartdu temps régi par une approche strictement statistique où interviennentcomme paramètres le nombre de litsbudgétaires (L), la moitié de la sommedes admissions et des sorties (E), lesjournées d’hospitalisation (J), à partir dequoi il serait possible de déduire le tauxd’occupation moyenne (Om) et de l’optimiser. Mais cette méthode qui seveut rationnelle peut produire des effetsirrationnels, parce que le taux d’occupation d’un hôpital dépend ausside facteurs non-mesurables : en parti-culier, la réputation de l’établissement.C’est pourquoi, la perception de l’espacede l’hôpital apparaît constituer un élément déterminant non seulement dupoint de vue de l’administrateur pour lagestion optimale d’un établissement,mais aussi et surtout pour le sentimentque le malade et les visiteurs vontéprouver vis-à-vis de la maladie et de saprise charge par le milieu hospitalier, etdonc indirectement sur l’évolutionmême de la maladie. Nous voudrionsmontrer ici que l’hôpital ne peut sans dommage ignorer la dimension esthésiologique de l’espace, c’est-à-direson lien primordial avec l’expériencesensible, et que le recours à l’art permetde la restituer en évitant de verser dansla sensiblerie et l’irrationnel. En un mot, il s’agit ici de réhabiliter ladimension esthétique du rapport à l’espace – fût-il celui de l’hôpital -, en rappelant que cette notion renvoied’abord étymologiquement à la sensibilité, mais également à l’approchecognitive de l’art.

La dimension esthésiologique del’espace

Pour comprendre les enjeux liés à notrerapport à l’espace, il faut d’abord rappeler comment il se constitue primordialement, comment il se noueautour de notre sensibilité. Comme le disait Henri Maldiney dans L’ Architecture au corps, «Le corps esttoujours au centre». L’espace n’est pasun réceptacle dans lequel notre corps se trouve, mais il est plutôtdéployé par le corps lui-même. En cesens, il n’est pas un milieu abstrait danslequel les choses seraient disposées,mais un moyen par lequel nous disposons les choses alentour. Le corpssensori-moteur et proprioperceptif serévèle spatialisant avant d’être spatialisé. L’expérience du temps et del’espace s’effectue primordialement àtravers l’expérience de notre corps propre. D’une part, le battement denotre cœur, l’alternance de la veille et du sommeil, les cycles de notre organisme, le rythme de la croissanced’un être vivant induisent déjà la mesuredu temps ; mais de même, notre sentiment de la droite et de la gauche,notre sens du haut et du bas, de l’avantet de l’arrière nous permettent de nous situer dans l’espace, de nousouvrir au monde à partir de cet espacedifférencié, qualifié qui n’a rien à voiravec celui de l’espace homogène et isotrope de la géométrie euclidienne.L’esprit est chevillé au corps au sens oùil est tributaire de lui pour pouvoir s’ouvrir au monde. Ainsi, le corps humain est la mesure detoutes choses : il est le « mesurantuniversel ». C’est par exemple en pouces, en pas, en coudées que d’antanl’on mesurait les distances. L’espacen’est pas un milieu indifférent, mais il sedéploie à partir du rayonnement denotre corps propre qui fait de celui-lànotre Umwelt, et non un simple milieugéographique, un milieu Umgebung. Lemonde de chacun est l’amplification deson corps. Or, la maladie remet enquestion cette ouverture au monde

Introduction de Alain Cambier, Docteur en philosophie, Professeur en Khâgne

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articulée sur l’expérience kinesthésiquede notre être incarné. Un malaise, parexemple, n’est pas simplement unedouleur localisée comme peut l’être unecrampe, mais correspond au vacille-ment de tout l’être. En disant «je mesens mal», la victime du malaise s’aperçoit que la limite entre le psychique et l’organique s’évapore :l’unité psycho-physiologique se rappelleà nous. Le fait que la vie organiqueconstitue le fondement de la consciencesurgit au premier plan. Que le corps soitla condition de la conscience et dumonde apparaît, dans ce moment dedessaisissement, comme une évidenceincontournable. Plus fondamentale-ment, l’expérience de la douleur, dans lamaladie, nous met en retrait du monde«Rien ne nous expulse du monde plusradicalement qu’une concentrationexclusive sur la vie corporelle, concen-tration imposée… par l’extrémité d’unesouffrance intolérable» Hannah Arendt,Condition de l’homme moderne.Avec la maladie, notre corps propre qui servait de point d’appui pour notreouverture au monde nous fait défaut etnotre être-au-monde lui-même apparaît en péril. L’individu est alorsrecroquevillé sur ce corps qui semble letrahir. Pour le corps souffrant, les horizons se rétrécissent et se ferment.

Les paradoxes de l’hospitalisation

L’expérience de l’hospitalisation ne peutapparaître qu’ambivalente vis-à-vis durapport que le patient entretient avecson corps. D’une part, elle correspond àune urgence qui vise à soigner lepatient, à remédier au mal qui l’atteint ;mais d’autre part, les structures médicales qui se polarisent sur son cas,transforment son corps en objet d’investigation, de diagnostic et de pronostic. Le corps propre, c’est-à-direle corps vécu subjectivement, est alorstraité comme un corps-machine défectueux, présentant des dérègle-ment ou des dysfonctionnements. Dansle milieu hospitalier, le corps devient un

objet de connaissances spécialisées etcloisonnées : l’anatomie, la physiologie,la biologie… Il est soumis à des stratégies pour cerner et objectiver lemal dont il souffre et qui vont de l’auscultation à l’IRM, en passant par lerecours au stéthoscope, au kymographede Ludwig, au sphygmographe d’EtienneMarey, aux prises de sang, aux biopsies,aux ponctions, à l’échographie, au scanner, etc. Il s’agit de transformer lesymptôme en élément significatif et levoir en savoir. Le corps est susceptibleégalement d’être l’objet de dilacérationspartielles comme dans le cas de l’intervention chirurgicale. Il peut êtreamené à subir la pose de prothèses etd’organes artificiels ou allogènes. Ainsi,en raison même de la nécessité de traiter la maladie, le patient se voit livréà des mains expertes qui soucieusesd’établir l’étiologie la plus objective possible du mal et d’y remédier transforment radicalement son rapportau corps. En allemand, le corps peutêtre entendu comme Körper ou commeLeib, c’est-à-dire que la distinction estclairement établie entre le corps-objetet le corps-sujet, entre le corps que jepossède et le corps que je suis. Alorsque le corps-sujet, c’est-à-dire le corpsque j’éprouve de l’intérieur et qui ne faitqu’un avec la conscience que j’ai demoi-même, ne peut jamais m’apparaîtredevant moi comme une chose parmid’autres, mon corps objectivé dans sesmécanismes profonds m’est présentésous une forme réifiée - à travers uneradiographie, par exemple – sans que jepuisse le reconnaître comme mien. Letransit à l’hôpital correspond, pour lepatient, à une disqualification de l’expérience du corps propre et de sonrapport perceptif au monde. L’épreuvede la maladie et de la douleur sontvécus sur le mode de la passivité : c’estune manière de sentir ou de ressentir ;en revanche, pour la médecine scientifi-que, faire une expérience revient àconstruire un dispositif technique destiné à vérifier une hypothèse, enexhibant des anomalies. Alors que lecorps propre déploie son espace à partir

de lui-même, le patient se retrouve dans un espace désormais abstrait,parce que normalisé, homogène, neutralisé, aseptisé. Sa place dans l’espace compartimenté, segmenté del’hôpital est commandée par la détermi-nation de la pathologie en cause : service de cardiologie, ou de neurologie,etc. Alors que le corps propre est lesujet percevant dans lequel s’enracinentles significations familières, il seretrouve confronté à un univers designes hermétiques relevant d’un codedont il n’a pas la clef et qui ne peut quelui sembler étranger. Déjà dans la maladie, le corps propre est mis à maldans sa capacité à donner du sens, maisil semble bien qu’au sein de l’hôpital eten vue même de soigner la maladie, ledessaisissement du corps propre seretrouve accentué au point d’induire unsentiment accru de désorientation et de perte de soi-même. L’espace insolite de l’hôpital accroît le sentiment de déréliction.

La réhabilitation de l’espace vécupar l’art

L’introduction de l’art dans l’hôpital n’apas pour but de soigner la maladie –ceci est directement l’affaire des équipes médicales -, mais permet depallier les effets pervers d’une tropgrande rationalisation de cet espace siparadoxal qu’il induit un sentiment d’inquiétante étrangeté. Si l’art peut iciêtre pris pour un pharmakon, il remédieà une forme de mal être qui échappe auxcatégories médicales et dont le traitement ne peut se trouver dans leVidal : il s’agit du dépaysement produitlorsque l’homme est privé de son milieuautochtone. L’œuvre d’art n’est ni unepanacée, ni un placebo, mais exerceplutôt le rôle de «reconstituant» : ellene relève ni du curatif, ni du palliatif,mais plutôt du préventif. Car l’œuvred’art restaure un espace existentielconcret et permet à chacun de s’orienter de nouveau. Avec l’œuvred’art, nous retrouvons un espace qualifié : comme le corps propre,

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l’œuvre d’art déploie un espace à partird’elle-même et vient remettre en question la conception d’un espace-réceptacle. En présence de l’œuvred’art, l’espace se repolarise et rayonne àpartir d’elle, comme un centre attracteur qui introduit une courbure del’horizon. A un espace organisé selon unprincipe analytique qui vise à séparer,segmenter et compartimenter, succèdealors un espace dont les parties sontspontanément synthétisées autour decette force attractive qu’est l’œuvre :celle-ci surmonte l’espace éclaté danslequel le patient se retrouve inséré. Toutcomme le corps propre s’arrache à ladispersion - grâce au schéma corporelqui permet immédiatement à nos postures de se situer dans l’espace proche et de l’investir -, l’œuvre d’artrestaure à partir d’elle-même un environnement familier, un climat.Parce qu’elle se signifie d’abord, plutôtque de signifier quelque chose d’autrequ’elle même, elle constitue un nouveaucentre de gravité. Dans l’hôpital, ellevient rompre la monotonie des sallesdes pas perdus, mettre fin au caractèrelabyrinthique de l’organisation des services, pour inaugurer un espacerythmé désormais par elle et s’offrant àla sensibilité de chacun. L’ouverturequ’inaugure l’œuvre d’art ne s’effectuepas vers un infini angoissant : si elle sedéploie de manière centrifuge, donc endiastole, elle comporte néanmoins enretour un recueil en systole. Car il n’y apas d’espace humain qui ne soit perçusans un rythme et une tonalité affectivespécifique. L’espace de l’hôpital estalors l’enjeu d’une tension nouvelleentre deux types d’art : d’une part, l’artmédical comme technè qui se réclamed’une approche scientifique objectivantedu pathologique – occultant par làmême qu’il est avant tout une pratiquestylisée -, et d’autre part, l’art au sensesthétique du terme qui promeut ladimension pathique de l’existence,parce qu’il fonde un langage vecteurd’émotions, de sentiments et d’affects.Cette tension s’approfondit, dans l’espace de l’hôpital, au cœur même

de son architecture qui, relevant de cet art hybride de l’architecte, est le lieude l’affrontement entre contraintestechniques et recherche esthétique.Dans la tension constante au sein del’architecture entre bâtir et habiter, l’irruption de l’œuvre d’art n’équivautpas seulement à un aménagement del’espace architectural, mais à une véritable déconstruction – au moinssymbolique – pour mieux l’habiter. Carhabiter ne signifie pas simplement êtrelogé. Etre logé, c’est être inséré,incrusté dans un espace objectif prêt : ils’agit d’une notion arythmique. Enrevanche, habiter veut dire organiserson monde autour d’un centre de référence, faire rayonner un espace designifications familières qui nous le rendcomplice, faire du lieu un espace de rencontre : or, la rencontre n’est jamaisune relation de sujet à objet. Il n’y a derencontre qu’entre deux visages qui seregardent : il peut s’agir du visage d’autrui comme du visage d’une œuvred’art. Parce qu’elle ne se réduit justement pas au statut d’objet, l’œuvred’art modifie radicalement notre rapportà l’espace : ainsi, est-elle capable dedéconstruire un lieu de passage, de flux– une entrée d’hôpital – pour en faire unespace de rencontre. «Werk ist weg»disait Paul Klee, «Œuvre est voie».Entrer dans l’édifice n’équivaut plusalors à s’aventurer dans un univers glacial et hostile où le visiteur livré à sa grégaire solitude s’efforcerait d’atteindre péniblement la chambre dupatient qui lui est cher, mais commeune véritable rencontre où il se sentauthentiquement accueilli.

L’art fonde la communicabilité del’expérience esthésiologique

En fondant un espace de rencontre,l’œuvre d’art présente en outre le mériteinsigne de ne pas nous enfermer dansune expérience purement subjective dela sensibilité. Si le corps propre renvoieà une expérience intime de notre espacefamilier et nous fait prendre conscience

du caractère incessible des moments del’existence comme ceux de la maladie etde la mort, l’œuvre d’art présente cettecaractéristique de faire intervenir desformes symboliques qui, comme telles,sont nécessairement communicables oudonnent lieu à une expérience qui peutêtre mise en commun. L’œuvre d’artengage des formes qui déploient elles-mêmes leur espace, qui sont autant de «tenseurs d’espace», mais qui en mêmetemps instaurent un univers symboliquepropice à la communicabilité. Si l’œuvred’art restaure un rapport familier avecle monde, elle le fait par la médiation de formes symboliques qui rendent possibles une expérience esthétiquepartagée de l’espace qu’elles déploient.Car si l’art peut être interprété commeexpression, il ne se réduit pas à un«s’exprimer» égocentré. Une œuvred’art ne nous invite pas à pénétrer dansl’intimité d’un artiste pour éprouver ànotre tour ses états d’âme subjectifs,par une sorte de transmission immé-diate et fusionnelle. En pénétrant dansl’espace des œuvres et des formesesthétiques qu’elles mettent en jeu, unsaut qualitatif se produit qui transcendele mythe de l’expression d’une intério-rité forcément obscure et nébuleuse.Lorsque Matisse, par exemple, peint LaRaie verte, en l’occurrence sa femme, ilexprime plus un style que ses sentiments personnels envers sonépouse.

Ce qui importe alors est l’usage queMatisse fait de la couleur lorsqu’il peint ce tableau en 1905 : non pas un usage purement idiosyncrasique luipermettant de s’exprimer, mais unusage symbolique lié à d’autres choixque ceux des impressionnistes, un «geste» qui laisse derrière lui une longue histoire ayant épuisé ses possibilités. Une œuvre d’art nous faittoujours pénétrer d’abord dans lemonde de l’art. C’est pourquoi, l’artexprime certes une sensibilité, maissans pour autant se réduire à exprimercelle singulière de l’artiste avec laquelleil faudrait fusionner.

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Pour le dire comme Nelson Goodman,l’art exemplifie des prédicats, desconcepts, des formes symboliques etfait de la sensibilité une expérience cognitive. Le recours au motif cruci-forme - par Katsuhito Nishikawa - enest l’illustration : il exemplifie esthéti-quement, dans le hall, le symbole commun de ce qui prête secours (lacroix rouge, la croix pharmaceutique,etc.), mais aussi celui du fil d’Arianepermettant de venir à bout de l’espacelabyrinthique du Minotaure et qui renvoie également à notre patrimoineculturel. En ce sens, l’art met au jour ladimension cognitive de la sensibilitéelle-même : avec lui, les émotions nesont plus de pures expériences privées.Il démontre que la sensibilité chezl’homme n’est jamais strictementimmédiate et sauvage, mais toujoursportée par des habitus culturels, par unlangage symbolique. Tout comme l’expérience de la douleur et de laconfrontation à la mort peut donner lieuà des manifestations très différentesselon les cultures, l’approfondissementet le renouvellement de l’expériencesensible de chacun s’avère tributairedes productions de l’art. La puissancede l’œuvre d’art ne consiste pas en cequ’un artiste exprime, à travers elle, uneintimité censée receler une incertainerichesse secrète, mais en ce qu’elledémontre que la sensibilité est aussiune expérience de communicabilité.L’œuvre d’art donc est un dispositif quicorrige les effets de désolation qu’induitun espace abstrait «anesthésié»: en cesens, elle dilate notre ouverture aumonde. Elle remédie à cette curieusemaladie dont parlait Wittgenstein etqu’il définissait comme «la cécité del’aspect» : un individu souffrant d’unetelle pathologie n’est capable de voir lesobjets qui l’entourent que de manièrestrictement univoque, sans dimensionsymbolique, et donc selon une sensibi-lité appauvrie. En revanche, le projet deKatsuhito Nishikawa permet de voirautrement l’entrée de cet hôpital dontl’architecture monumentale semblenécessairement oppresser celui qui s’y

aventure. L’art substitue ici à une hétérotopie de crise une hétérotopie du «havre», et donc de l’apaisement. Enoutre, alors que l’approche médicale atendance à traiter le corps comme unemachine enrayée, une mécanique àréparer, la présence récurrente duvégétal est là pour rappeler que notreréalité charnelle est celle d’un biosystème lui-même ouvert sur lachair du monde.

Conclusion

Parce que l’art est un langage, il renddonc nonseulement l’expérience sensi-ble communicable, mais il nous ouvre àdes expériences de sensibilité nouvel-les. C’est pourquoi, la présence de l’artdans l’espace de l’hôpital ne vient passeulement réaménager le tête-à-tête dupatient et de l’équipe médicale. Elleconcerne également tous les visiteursqui franchissent le seuil de cet espace,mais aussi tout le personnel qui travailleen milieu hospitalier. Ainsi transformer,grâce à l’art, l’espace abstrait de l’hôpital en espace qualifié et sensiblen’apparaît pas seulement indiqué pourle patient, les personnels soignants etles visiteurs, mais aussi pour le personnel administratif. Car celui-ci,absorbé par ses préoccupations de gestion de l’établissement, soumis àl’application d’une ratio administratio-nis, souffre également, comme la plupart de nos contemporains, d’une«cécité de l’aspect», d’un appauvris-sement de l’expérience du monde, d’unrétrécissement des horizons de son univers professionnel au point d’avoirocculté que l’espace de l’hôpital ne peutse réduire à un espace fonctionnel, maisqu’il demeure fondamentalement unespace d’existence où l’on vit et où l’onmeurt. Tout comme la religion à l’originede l’institution hospitalière avait biencompris que l’on ne pouvait se contenterde traiter le malade comme un corps-objet, l’impact de l’art à l’hôpital est l’indice que la santé ne se réduit pas àsoigner une pathologie, mais est tribu-

taire également du milieu dans lequelnous existons. Le milieu ne peut plusêtre considéré comme un espace indifférent dans lequel chacun se voitassigné une fonction, mais doit retrouver son sens originel : le milieuest au centre et le centre à partir duquelle sens se noue n’est autre que l’hommelui-même en relation avec les autreshommes, c’est-à-dire un voisinage.Alors que, pour soutenir le malade, lareligion incitait à nous recueillir et àeffectuer un retour sur soi, sur son âme,l’art emprunte un chemin inverse maisparallèle : il nous initie à accueillir et àouvrir notre horizon. Un horizon n’estpas un contenant, mais la frontièrecourbe et toujours reculée de ce quiconstitue notre champ d’expérience. Ainsi, l’art redonne du sens à l’existenceen dilatant notre espace familier.L’œuvre d’art introduit dans l’espaceune respiration, au sens où RainerMaria Rilke l’entendait, dans l’un de sessonnets à Orphée qu’il appelle Atmen –le premier de la deuxième section - :«Respirer, invisible poème, pur échangeperpétuel contre mon être propre detout l’espace du monde, contrepoidsdans lequel à moi-même, rythmique-ment, j’adviens».

S’il est vrai que respirer révèle bien enquoi le destin de notre corps proprecoïncide avec l’espace ouvert d’unmonde, l’art donne une dimension spirituelle à ce qui n’est d’abord qu’uneexpérience organique vitale. En donnantun visage à l’espace, l’art ne fait pas seulement œuvre esthétique, mais il transforme une architecturehospitalière austère et imposante, à lafois rigide et lâche, en une architectureesthétique et du même coup éthique,c’est à dire proprement humaine. Lapréoccupation de soigner l’hommecomme un mécanisme ne suffit pas,mais suppose le souci éthique de prendre également en considérationl’homme comme un être qui vit du sensqu’il accorde à ce qui l’entoure, c’est-à-dire un «existant».

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Institut Paoli Calmettes,Marseille, lieu de recueillement pluriconfessionnel et de prière

Intervention artistique de Michelangelo Pistoletto

Etude de cas

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Le lieu de culte de l’IPC en 1997: une chapelle catholique

L’espace réservé au futur lieu de recueillement

Les espaces récupérés, une bibliothèque et des bureaux de médecins

Michelangelo Pistoletto, artistel’étude et le projet

Intervention de Sylvie AmarCo-directrice du bureau des compétences et des désirsMédiateur délégué du programme nouveaux commanditaires de la Fondationde France pour les régions PACA et Corse

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Le groupe des commanditaires :

Nicole Bellemin-Noël, aumônier catholique,

Dominique Cognis, cadre-infirmier

Isabelle Dauvillier, chargée de formation

Dominique Maraninchi, médecin-oncologue, directeur

Solange Pierre, surveillante

Le chantier commence en octobre1999 et se termine en juin 2000

Juin 2000 : rendu public de la commande

Le lieu pluriconfessionnel de l’Institut Paoli-Calmettes

Le mètre cube d’infini

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De nouvelles perspectives pourla culture à l’hôpital

La création contemporaine :enjeu majeur de la culture à l’hôpital

Xavier Collal, Chargé de mission « Culture à l’hôpital », DDAI

Dr François Paraire, Médecin des hôpitaux, Hôpital R. Poincaré, Garches AP-HP

France Paringaux, Chargée de la diffusion et des publics, FRAC PACA

Daniel Tillier, Artiste. Réalisation de la chambre d’art, Institut deformation en soins infirmiers de Mâcon

Patrick Vandenbergh, Secrétaire Général, ARH Rhône-Alpes

Daniele Wohlgemuth, Chargée de mission « Culture à l’hôpital », DHOS

T a b l e r o n d e

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Pour le ministère de la culture, lamise en place d’un projet, adaptéaux établissements de santé,implique pour l’hôpital de faireappel aux ressources culturellesde son environnement.

Se doter des compétences de l’artiste,de l’équipement culturel, mais aussi del’architecte c’est :

. Favoriser l’ouverture de l’hôpital sur lacité et établir de nouveaux partenariats, . Favoriser les mises en place de projetsde qualité, qu’ils soient artistiques oucomme nous le verrons, architecturaux. Respecter la citoyenneté de la commu-nauté hospitalière et plus particulière-ment celle de la personne hospitaliséeen améliorant son séjour, son cadre devie. . Prendre en compte l’hôpital dans lepaysage urbain ou rural

Dans le cadre de ce vaste chantier,indispensable dans la rénovation dupatrimoine hospitalier, des équipe-ments modernes et un environnementarchitectural favorable se présententcomme des moyens légitimes qui permettent de vivre mieux ces lieux porteurs d’appréhension.

En évoquant ces questions d’architec-ture, d’aménagement des espaces, designalétique, de la place de l’hôpitaldans le paysage urbain, la notion de partenariat apparaît précisémentcomme un objectif très pertinent pouratteindre ce projet de transformation etd’humanisation de l’hôpital.

A L’hôpital, les commandes publiques se développent. On peutciter quelques exemples de projetsemblématiques qui ont pu êtremenés :

E. Spalietti, «salle des départs», hôpitalPoincaré à Garches : conception etaménagement de cet espace où les

familles se recueillent une dernièrefois. M. Pistoletto, «lieu de recueillement etde prières», Institut Paoli Calmette àMarseille, P. Buraglio, «un oratoire», hôpitalBretonneau à Paris : conception d’unlieu de culte œcuménique.

Dans chacun de ces cas particulière-ment exemplaires, l’artiste invité a sudémontrer que l’intervention souhaitéetrouvait sa pertinence dans un rapportétroit, à créer avec le projet proprementarchitectural du lieu et son aménage-ment intérieur. Il inclue toutes les questions relatives à la lumière, à lacouleur, aux différents objets présentsdont le mobilier et la signalétique.L’espace investi par le visiteur devientl’objet même de la création voulue.Au Centre Hospitalier RégionalUniversitaire Huriez de Lille avec Katsuhito Nishikawa, l’artiste y propo-sera à la fois la création d’un jardin pour l’espace de la cour d’honneur del’hôpital, intégrant à la fois des pièces sculpturales et des éléments demobilier, et aussi, toujours dans cette obligation de traiter de ces questions devaleur d’usage, un aménagement de l’espace d’accueil, incluant à nouveaudes pièces mobilières, et instaurant de ce fait un passage sans rupture entreextérieur et intérieur.

L’intervention artistique – comme danstout projet de ce type – doit être envisagée le plus en amont possible du projet architectural prévu, et ce, quelle que soit la procédure engagée.D’un point de vue plus général, elle avocation à développer le langage artistique et l’offre culturelle, l’artiste y contribue largement et favorise l’émergence d’une singularité de lacréation. L’offre culturelle, en pénétrantle territoire hospitalier accompagne le changement et contribue à cettemodernité tant souhaitée, avec toutesles précautions éthiques nécessaires.C’est une valeur ajoutée qui contribue largement à éviter que la citoyenneté

de la personne hospitalisée ne se délite jour après jour ; il en est de même pour l’ensemble de la communauté hospitalière. Ce maintien du lien socialest une question fondamentale.

Conclusion

Le programme Culture à l’hôpital s’étantfortement développé depuis 1999, annéede la signature de la convention entreles deux ministères, il serait opportunaujourd’hui de conforter la politiquemenée depuis plusieurs années et de lui fixer de nouvelles orientations,sous la forme d’une nouvelle conventionrelayée par une circulaire interministé-rielle, afin de faciliter la mise en place de politiques culturelles à toutes les catégories d’établissements hospitaliers. Enfin, plus spécifiquement,et en lien avec ce colloque, le relais architectural peut être un puissant vecteur d’impulsion culturelle, sur leterritoire de l’hôpital et même au delà.

Introduction par Monsieur Xavier COLLAL, Chargé de mission “Culture à l’Hôpital”, DDAI

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Il y a plus de onze ans qu’un projet d’humanisation, de mise en valeur dupoint de vue culturel de l’amphithéâtredes morts de l’hôpital RaymondPoincaré, a pris forme pour se concréti-ser trois ans plus tard en 1996, par cetteréalisation de ce grand artiste qu’estEttore Spaletti, intitulée «La Salle desdéparts».

L’œuvre d’Ettore Spaletti concerne l’ensemble des locaux de notre serviced’anatomie pathologique et de médecine légale de l’hôpital RaymondPoincaré à Garches où les familles desdéfunts viennent se recueillir prèsd’eux, pour les accompagner dans cesderniers moments qui précèdent leurdépart de l’hôpital. L’origine de cettemerveilleuse réalisation fut des échanges de vues entre le ProfesseurMichel Durigon, chef du service, et moi-même.

Un accord s’en est dégagé : Il fallait pourle moins rénover l’ensemble de ceslocaux qui dataient, mais les moyensétaient comptés. Nous avions le désird’embellir cette salle des départs, unespace de 9,50 x 9,30 x 5.25 m de hauteur dans le fond duquel s’ouvrenttrois absidioles voûtées, séparées lesunes des autres par des piliers surmontés de chapiteaux sur lesquelss’appuient trois arcs cintrés.

Personnellement, j’étais attristé deconstater que le plus souvent ces lieuxsont négligés et ne permettent que depauvres et hâtives cérémonies. Nosactivités d’anatomie pathologique et demédecine légale, nous font côtoyer etcomprendre des situations humainessouvent dramatiques.

A la morgue, le personnel de l’amphi-théâtre est confronté aux familles et amis qui sont dans le deuil. C’est pour nous un devoir de respecter ceprocessus de deuil, de l’aider, d’en favoriser l’expression. Il s’agit mêmed’une tradition dans la médecine hospi-talière française. En effet, des locaux

appropriés existent dans chaque hôpitalavec leurs personnels afin d’accueillirles familles des défunts, et de prendreen charge ces derniers moments deshommes.

Nous voulions humaniser notre salledes départs, l’embellir, il fallait, telleétait ma conviction profonde, l’interventiond’un créateur, d’un artiste, dont la sensibilité reconstruise un lieu permettant de soutenir et d’aider lespersonnes dans leur peine, de respecter pleinement la mémoire desmorts. Mon idée initiale était de faireappel à ce que j’appelais à l’époque « unartiste-scénographe. »

Je voudrais insister sur quelquesaspects qui me semblent les plusimportants pour mener à bien de telles réalisations de création de l’art contemporain à l’hôpital. Il faut des lieuxqui ne soient pas avant tout techniques,essentiellement à but médical, mais où l’expression de la culture de la civilisation peut et doit être présente. Les amphithéâtres des morts correspondent bien à cela.

Dans ce colloque, plusieurs interve-nants ont insisté à juste titre sur l’importance du maître d’œuvre, du maître d’ouvrage, du choix de l’artiste et de la qualité du dialogue qui doit s’installer entre eux. De notre expérience je retiendrai ceci :

Sans l’aide financière, l’aide dans lechoix de l’artiste, l’aide dans la réalisation en tout point apportés par laFondation de France et par le ministèrede la Culture avec notamment la DRACParis- Ile-de-France nous n’aurions pumener à bien cette œuvre, dont nousavons été le maître d’ouvrage .Un élément déterminant de la réussiteest la qualité du dialogue qui

doit s’établir entre les différents intervenants, le maître d’ouvrage, lemaître d’œuvre, l’artiste créateur et tousceux qui supportent à un titre ou à unautre de tel projet. Ce dialogue doit êtrepermanent, permettre d’exprimer totalement et de rendre possible lesdemandes, les vœux formulés par ceuxqui sont dans l’attente d’une telle réalisation.

J’insisterai pour dire qu’en ce qui nousconcerne, ce dialogue a toujours existéet que les réponses données par EttoreSpaletti ont toujours répondu à nos

Intervention de Monsieur François PARAIRE, Médecin des hôpitaux, Hôpital Raymond Poincaré, Garches AP-HP

La Salle des départsArtiste : Ettore Spaletti

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attentes. Surtout le maître d’œuvre, lemaître d’ouvrage, l’artiste réalisateur,ceux qui conseillent et aident les commanditaires, ont une place qui leurest propre. Ils ne doivent pas outrepas-ser le rôle qui est le leur. Ainsi il est fondamental de respecter la libertécréatrice de l’artiste, de lui donner touteliberté pour concevoir l’œuvre. Bien évidemment il existe des contraintesd’ordres divers, l’artiste en tient compteet trouve des solutions. Mais il ne fautpas s’imposer sous une forme ou uneautre dans sa conception créative.L’artiste doit rester maître de sa proprecréation.

L’architecte qui conduit les travaux, entant que maître d’œuvre, doit être auservice de l’artiste afin que la réalisationde son projet dans les moindres détailssoit exécutée. Il peut bien sûr faire à toutmoment des suggestions et c’est ce quel’on attend de lui, pour que l’œuvre soitconduite selon les plans de l’artiste. Lemaître d’ouvrage doit exprimer de lafaçon la plus claire sa propre demande.Surtout il faut que de tels projets soientl’expression d’une sorte de nécessitéexistentielle.

Très précisément dans un servicecomme le nôtre c’est une nécessité, quin’est pas toujours consciente, pour les médecins, pour les personnels quisont au contact avec les familles, d’êtredans un cadre qui permette de fairedignement tout ce travail. La qualité dela relation qui peut s’établir entre le personnel et les familles est très directement liée au cadre physique, auxlieux, à leur beauté, à leur harmoniedans lesquels cet accueil se fait. C’estau maître d’ouvrage de se faire l’expres-sion de ce besoin auprès du créateur.

La demande que je formulais à EttoreSpaletti était «de donner une nouvelledimension plus poétique et humaine àl’amphithéâtre des morts». EttoreSpaletti en a fait une création qui estselon ses propres termes : «un espacedélesté de toute émotion, de toute

douleur et de toute déchéance. Unespace où l’idée de la mort est ramenéeà sa pureté formelle où elle est épuréeet libérée de toute relation avec le sentiment tragique de la vie».

Les nombreuses personnes qui viennentvisiter «la Salle des départs», les familles,les personnels, nous expriment trèssouvent ce sentiment de sérénité,d’apaisement qu’ils éprouvent dans celle-ci. C’est pour nous médecins, personnels,famille, l’expression d’une réussite.

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En 1982, le Ministère de la Culture et lesrégions décident de créer dans chaquerégion de France un Fonds Régionald'Art Contemporain. Chaque Frac a pourmission d'acheter, d'exposer et de diffuser la création contemporaine.Chaque collection, au fil du temps,forme un patrimoine vivant mis à disposition de toutes les structures quisouhaitent mener une opération autourde l'art actuel.

la collection du Frac Provence-Alpes-Côte d'Azur La collection du Fonds Régional d’ArtContemporain Provence-Alpes-Côted’Azur est constituée de plus de 700œuvres de près de 350 artistes. Cettecollection publique reflète la diversitédes expressions contemporaines. Elleest composée de peintures, dessins,sculptures, installations, photographies,vidéos qui forment des ensembles fortset représentatifs des grandes tendancesartistiques des trente dernières années.Le Frac Provence-Alpes-Côte d'Azur estun laboratoire d’expérimentation, ildéveloppe une activité dynamique et unelarge politique de diffusion qui passe parplusieurs modes d'interventions : lesexpositions, les publications et un programme structuré d'activités et derencontres adaptées à chaque public.Chaque année, le Frac organise etcoproduit plus de quarante expositionshors les murs. Tous ses projets s'accompagnent d'actions de médiation.Les partenaires du Frac sont très diversifiés : musées, centres d’art,associations, centres sociaux, hôpitaux,services culturels, universités, lycées,collèges, écoles... Pour chaque projet dediffusion, le service des publics met enplace des actions de sensibilisation spécifiques liées à la particularité duprojet ainsi qu’aux publics concernés :visites commentées, rencontres avec les artistes, visites découvertes, conféren-ces, discussions, débats, stages de formation. Ces propositions sont élaboréesconjointement avec les partenaires afind'étendre l'accès à l'art d'aujourd'hui àl'ensemble du territoire régional.

Les expositions dans les locaux duFracQuatre expositions monographiques àl'année permettent de présenter demanière plus précise le travail d’artistesde la collection.

Les projets du Frac Chaque projet permet à un artiste de lacollection de réaliser un travail spécifique pour un lieu donné. Cescoproductions sont réalisées en parte-nariat avec des structures régionales :culturelles, associatives, sociales oumunicipales.

Les expositions de la collectionhors les mursÀ caractère spécifiquement artistique,elles réunissent plusieurs œuvres de lacollection sur une thématique donnée etconstituent des lectures transversalessous la forme de sous-ensembles cohérents et distincts. Elles font l’objetde conventions de partenariat et sestructurent autour d’actions de sensibilisation, de médiation et de formation. Elles revêtent le double intérêt d'aller à la découverte de la création contemporaine et de s'inscriredans une démarche pédagogique etdidactique.

Les programmes de rencontres En lien avec la diffusion et les expositions, le Service des Publics réa-lise un Programme de rencontres[CQFD] avec des artistes, écrivains, danseurs, critiques, architectes, chercheurs, scientifiques… Privilégiantle dialogue et la discussion, ces rendez-vous favorisent l'échange et la proximitéentre le public, les artistes et les acteursculturels. De manière complémentairedes rencontres radiophoniques mensuelles intitulées “Radiogramme”proposent aussi des interventionsmodulables : performances, interviews,lectures, créations sonores, visites d’expositions ou d’atelier.

Les documents d'accompagnement

Brochures, livrets, fascicules, commu-niqués de presse apportent une lisibilité aux projets artistiques et auxexpositions et complètent les actions desensibilisation et l’accueil des visiteurs.

Les prêts individuels d’œuvresD a n s le ca d re d ’ ex p o s i t i o n smonographiques ou de manifestations thématiques, diverses structures organisatrices d’expositions sollicitentle Frac pour le prêt individuel d’œuvresde la collection.

Les dépôts d'œuvres à moyen oulong termeDe nombreuses institutions régionalesprésentent des œuvres de la collectionou proposent des accrochages réguliersdans leurs locaux.

Les éditionsOutils de travail pour les professionnelset les étudiants, les catalogues sontaussi des objets de valorisation pour lesartistes et pour la structure.

Les actions de formationElles sont envisagées en concertationavec les partenaires éducatifs, culturels,associatifs et sociaux. Organisées surdemandes spécifiques, elles contri-buent à professionnaliser les équipes deterrain et visent à une meilleureconnaissance de l’art actuel et duréseau culturel.La formation : Le Frac intervient dansquatre formations universitaires régio-nales et met en place avec les étudiantsdes projets de médiation et des actions partenariales. Le Service des Publicsaccueille régulièrement des stagiairesqui accompagnent l’équipe et partici-pent aux activités liées à la diffusion dela collection dans et hors les murs.

Alain Hayot, président du FracProvence-Alpes-Côte d'Azur, Vice-président de la Région délégué à laCulture,

Éric Mangion, directeur du FracProvence-Alpes-Côte d'Azur

Intervention de Madame France PARINGAUX, Chargée de la diffusion et des publics, FRAC PACA

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Le Salon de Transformation deMarie-Ange Guilleminot

En janvier 2001, le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur a présenté Le Salonde Transformation pour l’ouverture del’Astronef, espace culturel du CentreHospitalier Psychiatrique ÉdouardToulouse à Marseille.

À partir d’un livre aux pages détacha-bles reproduisant des images du travailde l’artiste, chacun était invité à réaliserdes origamis sur un tapis de feutreblanc circulaire posé au sol. Le pliageeffectué était celui de l'oiseau Tsuru. AuJapon, le Tsuru est le symbole nationald’espoir et de longévité. Sur ce tapis,enfants et adultes, patients et soi-gnants, familles en visite se sontcôtoyés et ont été initiés à l’exercice dupliage.

Les origamis réalisés alors ont été disposés en guirlandes selon la coutume pour être envoyés au Musée duMonument pour la Paix à Hiroshimapour la cérémonie de commémorationannuelle du 6 août. Il s’agissait d’inviterchacun à participer et à découvrir l’esprit et l’histoire d’une autre culture

tout en partageant du temps ensemble.Ce processus impliquait chaque participant très concrètement et produisait son propre potentiel de transformation.

Le pliage demande de la dextéritémanuelle, il a pour résultat l’acquisitiond’un partage de connaissance y comprisdu corps de l’autre Ce projet représente

réellement le pliage de vies individuelleset collectives dans le temps et dans l’espace : le pliage de deux "pensées"ou deux histoires et celui de l’esprit etdu corps. Le Salon est l'empreinte d'unlieu, il révèle l'identité de l’œuvre etl’événement et la rencontre qui s’y produit. Il a été exposé pour la premièrefois à la Biennale de Venise et connaîtaujourd’hui de nouvelles présentations.

Deux exemples de projets artistiques initiés par le Frac Provence-Alpes-Côted’Azur en milieu hospitalier, l’un réalisé en 2001, l’autre actuellement en phasepréparatoire pour une réalisation en 2005.

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L'Âne Bleu de Stephen Wilks

Mars/juin 2005 à l’Hôpital de la Timoneà l’Assistance Publique – Hôpitaux deMarseille avec les Services d’ OncologieAdultes et Radiothérapie

Entré dans la collection du Frac en 2003,L'Âne Bleu est une peluche à la tailleréelle de l'animal, dotée d’une pocheventrale destinée à recueillir des dessins, des photographies ou touteautre contribution des participants. Ces collectes sont réalisées par l’artiste

ou par des personnes à qui il confie l’animal. L’âne est le travailleur ou leporteur de fardeaux ; compagnon del’homme dans son labeur, il n’en faitqu’à sa tête, et cette expression d’uncaractère obstiné lui vaut sa mauvaiseréputation. Ici, l’âne devient un confident, un porteur de sens, un voyageur qui accompagne chaque personne un moment avant de repartirvers d’autres lieux, à la découverte de nouvelles personnes et de leurs histoires. Cette œuvre est un objet producteur de sociabilité, une métaphore des relations complexesentre les individus et les groupes, entrel’artiste et le monde, il met en contactdes histoires personnelles tenues éloignées les unes des autres et recréeun lien social autour d’une histoire commune.

Durant l’année 2005, le Frac confieL'Âne Bleu à l’Association Art'ccessible -partenaire d’actions de sensibilisation àla création contemporaine depuis 2001 -pour un parcours dans toute la régionProvence-Alpes-Côte d’Azur.

Avec l'accompagnement de StéphaneGuglielmet, ces rencontres permettentd’aller vers les publics les plus diversi-fiés et s’organisent à Marseille dans lesécoles maternelles et élémentaires, lescentres sociaux des quartiers nord, encentre ville et dans les communes de

Peypin et de Gréasque. À Gardanne,L'Âne Bleu sera accueilli à l’atelierd’arts plastiques de La Maison, Centrede soins palliatifs où il séjournera quelques jours partageant le quotidiende l'équipe, des bénévoles, des maladeset de leurs familles, il ira aussi à la rencontre des jeunes et des élèves del’École Municipale d’arts plastiques dela ville. Puis son périple se prolongeraau Musée museum Départemental deGap et dans une douzaine de villages dela Vallée du Queyras (05). L'Âne Bleutraversera ensuite les Alpes pour quelques rencontres et ateliers auCentre Culturel Français de Turin puisune exposition lui sera consacrée dejuillet à octobre à La Villa Arson à Nice.L'ensemble des productions réaliséeslors de chaque étape du projet y serontprésentées. Dès mars 2005, L'Âne Bleu

viendra donc régulièrement à l'Hôpitalde la Timone, dans les Services concer-nés, favorisant les échanges et les inter-actions entre les équipes de soignants,les patients et les familles présentes surplace au-delà des contraintes induitespar les soins médicaux. Ces rencontresouvertes et participatives génèrerontdes dialogues, des temps d'ateliers etdes activités partagés.

L’équipe du Frac. France Paringaux, chargée de la diffusion de la collection et du Service des Publics. Vanina Andréani, assistante chargée de l’accueil des publics. Fabienne Clérin, assistante . Véronique Decaestecker, professeur d’arts plastiques chargée de mission pour le Rectorat d'Aix-Marseille . Damaris Bentz, documentaliste. Josiane Tigrinate, administratrice . Marie Kammerlocher et Laure Symborski, secrétaires. Kouid Mokdad, régisseur. Pascal Prompt, régisseur chargé de collection

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“La chambre d’art”, une installa-tion à vivre. Réalisée entre 2002et 2004, dans le cadre d’un projet“l’art à hôpital”, à l’Institut deFormation en Soins Infirmiers /Centre Hospitalier de Mâcon.(IFSI)

Sollicité en 2002 par Marie Lapalus,conservatrice en chef des musées deMâcon, Nane Tissot, son adjointe, et lecentre hospitalier de Mâcon pour installer une œuvre d’art au sein del’IFSI, j’ai répondu à cette proposition,par un projet hybride, que j’ai appelé“La chambre d’art”. Il s’agit d’un espacequi associe peinture, design, architec-ture intérieure, et fonctionnalité d’unechambre. La meilleure définition que jepuisse donner de ce travail, est celled’une installation à vivre.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, uneinstallation, dans le langage artistiquecontemporain, est une œuvre en troisdimensions faite de matériaux divers,qui tient compte de l’espace, et danslaquelle, le spectateur est très souventamené à circuler. La mienne, diffèrecependant quelque peu de cette définition, parce qu’elle est fréquentéetous les jours, non pas, par les spectateurs habituels du Musée ou de lagalerie, mais par une population d’élèves infirmiers qui vient là, apprendre son futur métier. En effet, cetravail “d’un autre type”, n’a pas été réalisé pour un centre d’art, mais pourun hôpital, et plus précisément pour unInstitut de Formation en SoinsInfirmiers. Il s’agit en quelque sorte,d’une commande, passée par plusieursinstitutions, à un artiste. On peut doncdire, que les élèves infirmiers travaillentdans une “œuvre d’art”.

Le cahier des charges n’était pas trèsprécis, tout comme les financements...Cette situation, m’a donc permis unegrande liberté d’action, limitée toute-fois, par de petits budgets très difficilesà trouver, mais ceci est un autre débat...La chambre d’art a donc été réalisée

avec un budget de 18 000 euros. Sommetrès modeste, pour une œuvre pérennede 40 m2, surtout avec les transforma-tions techniques inhérentes à sa fonction, chauffage, mobilier, sol, porte,électricité, etc. Aussi, durant les deuxannées où nous avons dû convaincre lespartenaires financiers de la véracité duprojet de la chambre d’art, j’ai souventfréquenté l’IFSI, et les personnels del’Hôpital de Mâcon. De très nombreusesrencontres, débats avec les étudiants etréunions de concertation ont permisd’installer une confiance et une complicité. Mon intervention, n’a doncpas été plaquée là, sans dialogue. J’aiainsi pu, prendre “le pouls” du systèmehospitalier, mesurer ses difficultés,mais également en apprécier sonhumanité.

La chambre d’art est le prototype, d’unenvironnement, artistique, qui contrai-rement aux œuvres uniquementcontemplatives, prend sa véritabledimension, dans son utilisation. Cettespécificité, amène des questions complexes, aux croisement de multiplespréoccupations, artistique, éthique,architecturale, pédagogique, médicale,philosophique, tant dans la forme quedans le fond. Et j’aurai d’ailleurs bien dumal à répondre ici, et de manière brèveà toutes les questions qu’elle soulève.

Intervention de Monsieur Daniel TILLIER ArtisteRéalisation de la “Chambre d’Art”, Institut de formation en soins infirmiersde Mâcon

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L’hôpital retourné par l’art et laculture ou quand le trouble créépermet de retrouver un objectif dequalité en dépassant les limites del’accréditation.

En Rhône-Alpes, une première conven-tion DRAC/ARH, signée en juillet 2000, a eu pour seul objectif de conduire une réflexion, partagée avec des responsables hospitaliers, afin d’explorerles différents domaines et problémati-ques couverts par « Culture et Hôpital ».

Un de ces domaines avait plus spécifi-quement concerné la question deseffets de l’art contemporain à l’hôpital.

Une constatation est ressortie de cetteréflexion : l’hôpital est «retourné» parl’art contemporain. Cette expression -titre, due à l’animateur du groupe, lephilosophe Christian RUBY, est à entendre en plusieurs sens : l’hôpital estretourné par l’art contemporain commequelqu’un peut être «retourné» (boule-versé) par l’arrivée d’une nouvelle inattendue, et il est « retourné » (pluslittéralement comme un gant) c'est-à-dire révélé dans ses difficultés propres,exhibant en quelque sorte sa partsecrète, du fait de l’art contemporain. Le groupe a estimé alors que l’art et

l’hôpital pourraient bien avoir à gagnertous les deux, moins à s’installer l’undans l’autre qu’à s’interroger l’un l’autre. D’un côté un problème se poseaux artistes par rapport à l’émiettementdes lieux d’art et à leur identificationprésupposée ou acquise de fait. De l’autre, l’hôpital est confronté à la difficulté de prendre en charge des usagers qui ne souhaitent pas seule-ment être soignés en organes séparésmais également exister en tant que«Personne».

Sur la base de ces réflexions, la DRAC etl’ARH ont décidé de conclure uneseconde convention pour cette fois passer à l’action. Cette convention identifie plusieurs objectifs généraux duSROS pour lesquels l’art et la culture

pourront apporter une contribution spécifique. Il s’agit de l’ouverture del’hôpital sur la ville, de la place et dudroit des usagers, de la modernisationsociale des hôpitaux et de la coopérationentre les établissements.

Ayant identifié cette contribution spécifique de l’art et de la culture à lapolitique de santé en Rhône-Alpes,DRAC et ARH ont décidé d’accompagnerfinancièrement de manière significativeles créations culturelles pour peu qu’elles répondent à ces objectifs, qu’elles témoignent de professionna-lisme et qu’elles rentrent, à part entière,dans le projet d’établissement.

Symboliquement 0,01 % de l’enveloppehospitalière régionale a été consacré àcette politique, ce qui représente en2002 une somme non négligeable de 2,5millions de Francs. Aujourd’hui, lesstructures qui ont poursuivi leursactions dans ce domaine au cours destrois années de la convention ont faitl’objet d’une évaluation externe, soit 23structures.

Il ressort de ce travail, difficile à menertant le sujet se prête peu à la quantifica-tion, que les actions culturelles suscitent en même temps un grandengouement et de fortes résistances.C’est à mon sens, en soi, un critère deréussite.

Elles suscitent ce type de réaction carelles touchent au cœur du métier de soigner, et sur le sens de cette action.De ce fait, elles ne peuvent, de toutefaçon laisser indifférent. Ces actionssont, la plupart du temps, d’intensesmoments d’émotion, et une suspensiondu temps hospitalier, du rythme, pendant lequel les habitudes, les attitudes, les étiquettes, les discourstombent pour qu’il ne reste que l’essentiel du rapport humain entrecelui qui souffre et celui qui soigne.

Comme l’explique très bien le sociolo-gue Gilles Herreros, qui a conduit ce

travail, « Culture à l’Hôpital » crée dutrouble dans l’établissement. Il entendpar là, non pas le désordre, mais plutôtun moment où tout se décale, sedéplace, où les frontières habituellessont troublées. Certes il s’agit demoments, d’instantanés, mais dont latrace demeure, est captée au fur et àmesure du processus de développementdes actions culturelles. Il pousse mêmeplus loin sa réflexion pour faire unparallèle avec la procédure d’accrédita-tion et la démarche qualité. De son pointde vue, «Culture à l’Hôpital» est susceptible d’avoir une contribution trèsspécifique dans ce domaine.

En effet, la plupart des personnels semontrent sceptiques sur la possibilitéde mettre en ordre leurs activités. Nonseulement ils estiment qu’elles sont detoute façon de qualité, mais de surcroîtelles leurs semblent difficilementréductibles à des protocoles. L’adhésionà la procédure d’accréditation, dans sapremière version, est de cette façon,restée très formelle.

Avec l’art et la culture, les pratiqueshabituelles sont déplacées, ce qui suscite du même coup des interroga-tions, et peut déboucher sur un réordonnancement des pratiques dansle sens d’une meilleure qualité. Les coopérations entre soignants, dont laqualité des soins dépend beaucoup,peuvent s’en trouver améliorées ens’appuyant sur les expériences vécuesdans ces moments particuliers.

Aussi, au vu de cette évolution, l’agencea-t-elle décidé, en accord avec la DRAC,de préparer un nouveau cadre conventionnel d’action et d’inscrire«Culture à l’Hôpital» comme une thématique à part entière du schémarégional d’organisation sanitaire encours d’élaboration (SROS 3).

Certes, à l’heure de la tarification à l’activité, il peut paraître « troublant » de procéder de la sorte. L’objectif désormais assigné aux établissements

Intervention de Monsieur Patrick Vandenberg, Secrétaire Général, ARH Rhône-Alpes

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d’optimiser les durées de séjour est-ilcompatible avec une préoccupationd’ordre culturel ? Il n’y a pas à mon sensd’antinomie a priori entre ces deux termes. Le patient souhaite en effet leplus souvent demeurer le moins longtemps possible à l’hôpital. Pourautant, il ne souhaite pas être traité en «organe», et reste avant tout une personne avant, pendant et après l’hospitalisation. Si le séjour est de plusen plus court, il est souvent aujourd’huirépétitif et les liens tissés entre l’intérieur et l’extérieur demeurent dece point de vue essentiel.

De plus, si «Culture à l’Hôpital» apparaîtcomme susceptible de contribuer àl’amélioration de la qualité, dans le sensoù nous l’avons explicité ci-dessus, il ade bonnes raisons de figurer à partentière dans le SROS et de permettre àl’établissement d’avoir une bonneattractivité.

Trois axes généraux du SROS apparais-sent de ce point de vue concerner directement "Culture et Hôpital" :. Participer à renforcer le statut de lapersonne malade comme sujet intègreet singulier ; . Favoriser la cohérence de la trajectoiredu patient en amont et en aval de l’hospitalisation en suscitant des projetsde territoire et en désenclavant les institutions ; . Accompagner et faciliter le mouve-ment de restructuration des activités,voire des établissements, que le nou-veau mode d’allocation de ressourcesdevrait accélérer, en l’abordant sous unangle plus large que les seuls aspects économiques et logistiques.

Ces objectifs généraux vont être déclinés en objectifs opérationnels, lesquels seront repris dans la prochaineconvention DRAC/ARH pour une mise en œuvre effective au sein des établis-sements.

Dans le prolongement des objectifsgénéraux du SROS, cette convention

devrait s’ouvrir à de nouveaux partenaires, dont notamment les collectivités locales, et instaurer unmode de gestion de la politique «Culture à l’Hôpital» plus concerté etdélocalisé.

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Quelle politique culturelle dans lesétablissements de santé ?

L’intérêt d’une politique culturelle dansles établissements de santé estaujourd’hui affirmé par de nombreuxprofessionnels de santé dans les domaines prévus initialement dans laconvention du 4 mai 1999 signée entreles ministres chargés respectivementde la culture et de la santé et déclinéepar des conventions entre les DRAC et les ARH. Ce cadre vise à développerles activités culturelles et artistiquespar la mise en place des jumelagesentre les équipements culturels et les hôpitaux, le développement et structuration des bibliothèques hospita-lières et l’instauration de la fonction de responsable culturel hospitalier.

La mise en œuvre de ce programmes’est concrétisée à ce jour par la signature de bientôt 17 conventionsentre les DRAC et les ARH qui relaient la convention nationale et par la réalisation d’environ 200 jumelagesentre des établissements de santé etdes équipements culturels. Enfin, près de 250 responsables culturels hospitaliers ont été formés à l’ AgenceRhône Alpes de Services auxEntreprises Culturelles (ARSEC).

Cet intérêt se manifeste également parla place de plus en plus importanteaccordée par certains établissements àla dimension culturelle au sein de leurprojet d’établissement. Celui-ci s’étendaujourd’hui aux programmes d’investissements, car la réflexion qu’elle génèreprésente un enjeu majeur pour contri-buer à prendre en compte la qualité devie à l’hôpital dans une période dereconstruction immobilière importante.

Afin de poursuivre la structuration desactions culturelles dans les établissements de santé, une refonte de laconvention «culture à l’hôpital» est envisagée. Elle confirmera et élargirales axes initialement prévus. S’agissantde l’architecture et des investissements

immobiliers, il semble important deretenir, au delà des procédures, ladémarche de concertation des utilisateurs, dans le dispositif de la commande publique. En effet, celle-cipermet d’élaborer un projet adapté auxbesoins et facilite son appropriation parles acteurs.

Y a t’il une spécificité de l’art àl’hôpital ?

A la question de savoir s’il doit existerune spécificité de l’art hospitalier ou desartistes spécialisés pour intervenir àl’hôpital, la réponse, nettement affirméeau cours de ce séminaire, semble bienêtre non, au risque sinon d’instrumenta-liser la réponse artistique. Un art à l’intention exclusive de l’hôpital, risquerait d’évoluer vers la répétitionstéréotypée de la création, la contrefa-çon, ou la décoration. L’hôpital n’a pasbesoin d’un art qui vienne se confinerdans ses lieux, mais plutôt d’un art quipropose un ailleurs, une ouverture. Sesusagers ont droit à un art de droit commun et à de véritables artistes !

Quelles sont les conditions favorables à l’intervention d’unartiste?

Deux conditions sont cependant nécessaires pour que l’artiste soit enmesure de faire émerger une proposition spécifique, adaptée etvivante.

La première est celle d’un dialogue avecles utilisateurs, à partir duquel l’artistepourra comprendre, s’approprier le contexte, les besoins et intégrer les contraintes techniques, sanitaires…Les échanges de point de vue entre les hospitaliers sur l’utilisation des espaces, les circulations, les modes de fonctionnement… et l’artiste permet-tront d’identifier le sens attendu del’oeuvre envisagée.La seconde est l’entière liberté, la

confiance donnée à l’artiste sur sa création, afin qu’il en ait la pleine responsabilité, à partir du moment oùles attentes ont été recueillies et lecahier des charges établi avec précisions. La maîtrise d’ouvrage ne sedélègue pas à l’artiste, la création nerelève pas de la compétence du maîtred’ouvrage.

A cet égard la longue démarche entreprise par le CHRU de Lille lors decette commande publique architectu-rale et artistique, permettant de conjuguer le passé et le présent, deménager les intérêts des différentsacteurs, est exemplaire. Elle illustre ledialogue entre le maître d’ouvrage, lesutilisateurs, l’architecte et un artiste.Elle montre une claire répartition et lareconnaissance des compétences dechacun.

Il ressort des expériences présentéeslors du présent séminaire, que pourrépondre aux attentes de ses utilisateurs, le maître d’ouvrage d’unhôpital doit aujourd’hui penser à prévoirdans son cahier des charges :. des espaces non utilitaires, libres detout contrôle, des espaces d’intimité oùse rencontrer soi même,. des espaces où rencontrer les autresau travers de manifestations culturellesou artistiques,. des espaces pour le plaisir, la vie, . des espaces adaptés pour affronter lamort, la souffrance, des espaces derecueillement qui dépassent le déni denotre finitude qui règne parfois à l’hôpital.

Ainsi, nonobstant les clivages hospitaliers, ceux des pathologies, des corporations ou des équipes, l’architecte et l’artiste, sont à même,sous réserve que les maîtres d’ouvragesleur en passent commande, de réaliserdes espaces qui contribuent à ce qued’objets de tous les soins, les personneshospitalisées se retrouvent un peu plus«sujets» et créent plus facilement desliens.

Intervention de Madame Danièle Wohlgemuth, Chargée de mission “Culture à l’Hôpital”, DHOS

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Si les besoins des usagers de l’hôpitalsont en premier lieu la qualité et lasécurité des soins ainsi que le confort, iln’en demeure pas moins qu’au delà deleur besoin de voir leur corps réparé,leur attente est celle d’êtres humains àpart entière, citoyens et êtres de culture.

Entre les moments de crise, de souffrance, de décision, ils ont besoinainsi que leurs proches et les professionnels confrontés à leur souf-france, d’instants privilégiés deréflexion, d’intimité, comme d’échangesavec les professionnels ou de momentsplus animés comme le proposent desactions culturelles ou artistiques. Tousapprécieront des lieux se prêtant à cesdifférentes fonctions, à des modes d’organisation nouveaux, agréables àvivre.

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C l ô t u r eA c t e s

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Mesdames, Messieurs,

Bonjour,

Vous avez consacré ces deux journées à la thématique l’hôpital, l’architecture et l’art contemporain. Vous en avezmesuré les enjeux en répondant aux questions : comment concevoir un hôpital en intégrant la dimension culturelle ? Quelles expériences, quelles partages entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et artiste ?Quelle signification, quelle portée del’intervention artistique à l’hôpital ?

J’imagine que les erreurs et les échecsdu passé ont été beaucoup évoqués,mais en s’ouvrant aujourd’hui aux artistes contemporains, l’hôpital renoueavec une tradition très ancienne. Si laprésence d’œuvres d’art au sein desétablissements peut incontestablementparticiper à l’humanisation de lieux souvent porteur d’appréhension, ilimporte au préalable de définir lesmodalités de chaque intervention.

En effet, inscrire l’art à l’hôpital supposeque la démarche soit mise en placedans le respect à la fois de la liberté desartistes et des individus, des missions,des valeurs et de la gravité de ce qui sejoue dans ces lieux.

Je me félicite de constater l’effortaccompli depuis la signature de laconvention signée le 4 mai 1999 entreles ministères chargés de la culture et de la santé marquant leur volonté commune de favoriser le développe-ment d’activités culturelles et artistiques dans les hôpitaux.

De nombreux artistes ont pu ouvrir unnouveau champ d’investigation tel quevous avez pu l’apprécier durant ces deuxjours : par exemple le projet de Maconque vous venez de voir, Ettore Spalletti àGarches avec la salle des départs,Michelangelo Pistoletto avec le lieu derecueillemnt et de prière à Marseille etenfin dans un autre registre, l’interven-

tion actuelle de Katsuhito Nishikawa auCHU, artiste que nous avons par ailleursaccueilli au Tri Postal à Lille dans lecadre des manifestations Lille 2004.

Nous avons hâte de découvrir cetteœuvre toute à fait innovante : je voudraissouligner ici l’audace et l’implicationtoute particulière de Monsieur DidierDelmotte, Directeur général du CHU deLille, dans la réalisation de cette œuvre,qui tente de réconcilier le dedans et ledehors en un dialogue harmonieux…apportant sérénité, apaisement et hospitalité.

Encore une fois, félicitations pour cecolloque, et bon retour à tous, où quevous soyez près ou loin, nous espéronsvivement vous accueillir de nouveau àLille en 2006.

Merci de votre attention.

Discours de Madame Catherine CULLENadjointe à la culture, Mairie de Lille

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C O L L O Q U E

A c t e sC O L L O Q U E

A c t e sA c t e s