gouvernance territoriale et développement durable des ... · gouvernance territoriale inclusive....
TRANSCRIPT
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
GOUVERNANCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES COMMUNAUTÉS RURALES
DANS LA VALLÉE DU ZIZ AU MAROC
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN GÉOGRAPHIE
PAR
MAGALIE QUINTAL
DÉCEMBRE 2010
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf ententè contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERClEMENTS
Avant tout, je tiens à remercier Maj id qui a été mon guide et interprète lors de mon
séjour dans la vallée du Ziz, Maroc. Pour sa rigueur, sa patience (surtout en période
de Ramadan !) et sa générosité, je lui dois beaucoup dans la réussite de ce mémoire.
De même qu'à sa famille nombreuse qui m'a accueillie et orientée, nourrie et
hébergée à l'occasion, je souhaite les remercier du fond du cœur. Mes remerciements
vont aussi au centre d'études Tarek Ibn Zyad et plus particulièrement à son directeur,
Monsieur Moustafa Tilioua, qui m'a accueillie généreusement dans ses locaux et a su
me partager sa passion pour cette région magnifique.
Ce mémoire doit aussi énormément à Catherine Trudelle, ma directrice de recherche,
qui m'a consacré beaucoup de temps, surtout dans le sprint final et estival. Merci
pour ses conseils et sa capacité de synthèse.
À tous ceux et celles qui croient quand je doute et qui doutent là où je crois. Aux
échanges qui en naissent et me nounissent, et surtout, au plaisir de les partager avec
vous.
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX vii
LISTE DES FIGURES viii
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ix
RÉSUMÉ x
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1 CRISE DU MILIEU RURAL ET CRISE HYDRIQUE 4
1.1 La vallée du Ziz 5
1.2 La déstructuration du milieu rural 8
1.2.1 La marginalisation spatiale 10
1.2.2 Pauvreté et analphabétisme 13
1.2.3 Fluctuation de la population et exode 18
1.2.4 La situation des femmes 21
1.2.5 La situation des jeunes 22
1.2.6 Déficit d'infrastructures 22
1.2.7 Les acteurs du développement. 23
1.3 Crise hydrique dans la vallée du Ziz 25
1.3. 1 Le caractère social de 1a crise de l' eau 26
1.3.2 Le caractère environnemental de la crise de l'eau 28
1.3.2.1 Cycles de sécheresse 29
1.3.2.2 Changements climatiques 30
1.3.2.3 Pollution des eaux 33
1.3.2.4 Surexploitation des ressources 34
CHAPITRE II PROBLÉMATIQUE ET CADRE CONCEPTUEL 35
2.1 Objectif principal, objectifs spécifiques et hypothèse de recherche 35
2.1.1 Hypothèse principale de recherche 36
IV
2.2 Pertinence géographique 37
2.3 Justification du cadre d'analyse 38
2.4 Conceptualisation de la recherche 40
2.4.1 Le concept de gouvernance et ses fondements .40
2.4.2 La gouvernance et le territoire 49
2.4.3 Le développement durable 52
2.4.4 Arrimage de la gouvernance et du développement durable 55
2.4.5 La décentralisation au Maroc 57
CHAPITRE III CADRE OPÉRATOIRE ET DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE 60
3.1 Type de recherche 60
3.2 Structure de la preuve 61
3.3 Cadre spatio-temporel 61
3.4 Variables et indicateurs 62
3.5 Démarche méthodologique 64
3.5.1 Collectes des données 65
3.6.2 Les entrevues 66
3.7 Mode d'échantillonnage des répondants pour les entrevues 70
3.8 Technique de traitement et d'analyse et interprétation des données 71
CHAPITRE IV ARTICLE « Les associations locales dans la vallée du Ziz (Maroc) : vers une nouvelle gouvernance territoriale » 73
4.1 Introduction 73
4.2 Un État en mutation 75
4.2.1 De la décentralisation à la gouvernance 75
4.2.2 et de la gouvernance aux configurations territoriales 77
4.3 La vallée du Ziz : des communautés en mutation 80
4.3.1 Fragilité de l'espace social, vers une crise du milieu rura!.. 82
4.3.2 Fragilité de l'espace naturel, vers une crise hydrique 84
4.4 Volonté de changement et solidarité locale 85
4.5 Vers la construction d'une dynamique de gouvernance locale 93
4.5.1 Difficultés et défis que pose la gouvernance 93
v
CONCLUSION 100
APPENDICE A QUESTIONNAIRE D'ENTREVUE GOUVERNANTS lOS
APPENDICE B QUESTIONNAIRE D'ENTREVUE AGRICULTEUR 109
BIBLIOGRAPHIE 112
LISTE DES CARTES
Carte Page
l.l Localisation de la vallée du Ziz au Maroc.......... ...... 6
1.2 La région Meknès-Tafilalet , .. .. 7
1.3 La vallée du Ziz 8
lA Infrastructure routière de la Région Meknès-Tafilalet. 12
1.5 Incidence de la pauvreté au niveau provincial........... 16
1.6 Projection des variations du régime des précipitations..' 31
1.7 Variations des températures en comparaison à la 32 période 1961-1990 .
1.8 Variations des précipitations en comparaison à la 33 période 1961 -1990 .
4.1 Localisation de la vallée du Ziz au Maroc. . .. . .. .. . . .. . .. 81
LISTE DES TABLEAUX
Tableau
1.1 Taux d'analphabétisme (%) selon les groupes d'âge et le sexe dans la région Meknès-Tafilalet , .
Page
18
1.2 Répartition de la population de la reglün MeknèsTafilalet par province et préfecture et par milieu de résidence . 20
1.3 Anciens et nouveaux paradigmes du renforcement des capacités .
25
lA Répartition des ménages selon le mode d'évacuation des eaux usées et le milieu de résidence (2004) ..
34
3.1 Cadre opératoire . 64
3.2 Structure générale des entrevues .. 67
3.3
4.1
Entrevues réalisées dans la province d'Errachidia (2009) .
Entrevues réalisées dans la province d'Errachidia (2009) .
69
99
LISTE DES FIGURES
Figure
1.1 Évolution de l'Indice de Développement Humain Maroc
au .
Page
14
1.2 Répartition de la population active selon d'activité économique
le secteur ..
17
1.3 Pyramide des âges de la population de la région de Meknès-Tafilalet .
19
4.1 Processus de transformation observé dans la vallée du Ziz .
87
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
AUEA Association d'usagers de l'eau agricole
BM Banque mondiale
CMED Commission mondiale sur l'environnement et le développement
FAO Food and agriculture organization
GEIC Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
IDH Indice de développement humain
IFI Institutions financières internationales
INDH Initiative nationale pour le développement humain
MRE Marocains résidents à l'étranger
PAGER Programme d'approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales
PED Pays en développement
PERG Programme d'électrification rurale global
PIB Produit intérieur brut
PNRR Programme national de routes rurales
PNUD Programme des Nations Unies pour le développement
OMS Organisation mondiale de la santé
ONG Organisation non-gouvernementale
ORMVAT Office régional de mise en valeur agric<?le du Tafilalet
ONU Organisation des Nations Unies
UNESCO Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture
RÉSUMÉ
Dans beaucoup de zones socioéconomiquement marginalisées du Maroc nous assistons aujourd'hui au renouvellement des formes de mobilisation sociale. À l'extrême sud-est du pays, la vallée du Ziz est emblématique de ce mouvement en ce sens que ses habitants ont su développer, en l'espace d'une vingtaine d'années seulement, un impressionnant réseau d'associations locales et d'acteurs qui œuvrent au développement de la région et luttent pour sa dé-marginalisation. Cette lutte s'inscrit dans un contexte social, environnemental et territorial particulier à travers lequel l'action citoyenne témoigne des transformations sociopolitiques se produisant dans l'ensemble de la société marocaine.
Le développement du tissu associatif et les innovations qui ont cours opèrent dans un contexte où l'organisation sociale et le maillage territorial sont en pleine transformation. Depuis les années 2000, cette explosion des initiatives économiques, sociales et environnementales, à l'échelle locale, vise le développement durable des communautés et la mise en valeur de leur milieu. Si ces innovations ont été possibles, c'est qu'elles arrivent dans un contexte où le pouvoir est en pleine mutation, ce qui permet le renouvellement des acteurs du développement. Ces initiatives cimentent à la fois des démarches sociales, économiques et techniques et ouvrent la voie à une gouvernance territoriale inclusive.
Ce mémoire vise à mettre en lumière les effets de l'action collective et des transformations sociales sur la gouvemance territoriale et le développement durable des communautés rurales dans la vallée du Ziz. Nous proposons une analyse qui s'effectue en deux temps. D'abord, nous identifions les forces motrices du renouvellement des acteurs sociaux du milieu oasien et la façon dont elles s'articulent aux différentes échelles territoriales. Puis, nous mettons en lumière les stratégies de ces différents acteurs dans la prise en charge locale du développement des milieux de vie des communautés.
En définitive, ce mémoire montre que la mobilisation de la société civile observée dans notre zone d'étude trace la voie à une gouvernance territoriale plus inclusive, mais dont la structure demeure encore très fragile compte tenu des difficultés que connaît la région sur les plans social, environnemental et organisationnel. La volonté de dé-marginalisation et de développement régional qu'affichent les acteurs territoriaux nous amène donc à considérer la viabilité des initiatives qu'ils mettent en place.
Mots-clés: gouvernance, associations locales, développement durable, Maroc, oasis.
INTRODUCTION
Élément constitutif de la Vie, l'eau douce a de tout temps déterminé le
développement humain en imposant ses limites. Elle est aujourd'hui un enjeu
géostratégique majeur à l'échelle mondiale et alimente, en ce sens, d'importantes
productions intellectuelles tant politiques, économiques, sociologiques que
géographiques. C'est qu'en l'espace d'un siècle, cette ressource a connu
d'importantes transformations et occupe l'avant-scène de l'actualité un peu partout
dans le monde.
À l'échelle du globe, depuis le début du XIXe siècle, les quantités d'eau douce
prélevée ont été multipliées par six alors que la population n'a été multipliée que par
deux (UNESCO, 2010). Plus particulièrement autour de la Méditerranée, les
problèmes hydriques exacerbent des conflits qui peuvent engendrer des crises
sociales profondes. La rareté de l'eau et, surtout, son inégale répartition font donc
craindre des pénuries majeures qui pourraient toucher plusieurs territoires de cette
région. Selon la FAO (2007), l'ensemble du bassin sud de la Méditerranée - soit du
Maroc au Liban - est soumis à une raréfaction progressive de l'eau douce. Les
prévisions pour ces pays font état d'un fort déséquilibre entre l'offre et la demande en
eau, mais aussi de l'accroissement des pressions sur les ressources de surface, ce qui
pousse les États à chercher des alternatives dans l'exploitation des nappes
souterraines, le traitement des eaux usées ou le dessalement de l'eau de mer.
La fragilité de la ressource vitale qu'est l'eau douce, qui subit différentes
pressions environnementales, sociales, politiques et économiques, semble donc
inévitablement tracer la voie à une pénurie majeure dans plusieurs pays du bassin
méditerranéen qui pourraient franchir le seuil critique de consommation de 1000
m3/an/personne d'ici 2025. Par ailleurs, le Groupe d'experts intergouvernemental sur
2
l'évolution du climat (GEle, 2007, p. 49) prévoit que les pays de cette région, déjà
affectée par la désertification, subiront « les effets d'un appauvrissement de leurs
ressources en eau du fait du changement climatique ».
Au Maroc, la question de l'eau douce est devenue un élément central qui
conditionne le développement du pays et freine la capacité de l'État à s'insérer dans
l'économie mondiale. Le pays se caractérise par un climat essentiellement semi-aride
à aride où les régions sont marquées par de forts contrastes pluviométriques. Les
projections climatiques qui sont faites à l'heure actuelle renforcent les scénarios de
pénurie. Entre 2000 et 2025, elles prévoient une nette diminution de la disponibilité
des ressources en eau douce, qui passeraient ainsi de 934 à 769 m3lan/personne
(pAO, 2005; De Charrette, 2004). En 2000, 87,3% des ponctions d'eau sont
effectuées pour l'irrigation de l'agriculture, or celle-ci est déterminante dans
j'économie marocaine (15% du PIE entre 2002-2004), particulièrement en milieu
rural. Les conséquences anticipées de la diminution des ~pports en eau sont donc à la
fois économique (diminution du PIE) et sociale (fragilisation du milieu rural et
augmentation des disparités entre villes et campagnes).
Au problème hydrique s'ajoute la crise que connaît le milieu rural. Sous
l'influence de la mondialisation, les territoires subissent des mutations qui engendrent
de nouvelles ségrégations sociospatiales. Dans les années 1990, l'agriculture prend un
tournant conunercial qui favorise la mise en valeur des espaces côtiers et des plaines
fertiles du nord et du centre du pays. Alors que ces espaces ont connu des essors
importants aux niveaux économique et social, d'autres ont été marginalisés et
présentent aujourd'hui de profonds retards de développement. Certains décideurs sont
allés jusqu'à parler du Maroc Utile pour caractériser ces zones à fort potentiel agraire
et du Maroc Inutile pour décrire les milieux ruraux marginaux (El Jihad, 2001). Les
milieux oasiens de la province d'Errachidia font partis de ces milieux ruraux
marginaux. Cette région est parmi les moins développées du Maroc (voir chapitre 1).
Ses déficits d'infrastructures associés à de forts taux de pauvreté et d'analphabétisme
ont pour corollaire la fragilisation du tissu social et la déstructuration du milieu.
3
En réponse à ces crises socioterritoriales, la société civile se mobilise et met
en place diverses initiatives qui visent la dé-marginalisation de la région et son
développement. Si le mouvement associatif dont il est question paraît novateur, c'est
qu'il est porteur d'une forte identité territoriale et apparaît c.ornme vecteur d'une
gouvernance locale plus inclusive. Cette mobilisation citoyenne s'inscrit aussi dans
un contexte de désengagement de l'État qui met en évidence les lacunes politiques.
En effet, là où l'État est absent ou inefficace, nous assistons à l'émergence
d'initiatives citoyennes porteuses d'une vision qui tient à la fois du social et du
politique.
C'est donc à travers ces initiatives et dans cette double optique de crise
hydrique et de déstructuration du milieu rural, que nous analysons le concept de
gouvernance territoriale. Nous tâcherons de mettre en lumière le rôle du territoire, et
plus particulièrement des ressources hydriques, dans l'avènement de cette
mobilisation citoyenne qui œuvre au désenclavement et au développement du milieu
rural marocain. Afin de documenter ce phénomène, nous avons réalisé une étude de
terrain dans la vallée du Ziz, dans le sud-est marocain.
Ce mémoire de maîtrise est divisé en cinq chapitres et comporte un article qui
a été soumis à la revue Économie Rurale. Le premier chapitre expose le contexte de
crise du milieu rural et des ressources hydriques qui a présidé à la mobilisation
sociale. Le deuxième chapitre est consacré aUX bases conceptuelles de notre analyse
ainsi qu'à définir nos objectifs de recherche. Le chapitre III présente la méthodologie
qui a été retenue pour réaliser ce mémoire. C'est dans le chapitre IV que se retrouve
notre article soumis à une revue scientifique et qui représente le cœur de notre
analyse. Finalement, nous concluons avec le chapitre V et présentons quelques pistes
de réflexion pour des recherches futures.
CHAPITRE l
CRISE DU MILIEU RURAL ET CRISE HYDRIQUE
Ce premier chapitre présente le contexte dans lequel s'inscrit notre problématique. Dans un premier temps, nous situons notre zône d'étude, la vallée du Ziz, dans le contexte social et culturel marocain. Puis nous présentons les différents aspects de la crise rurale et la déstructuration que connalt ce milieu à l'heure actuelle. Finalement, nous mettons en lumière l'importance de la crise des ressources hydriques et les particularités environnementales de la région étudiée.
Afin de situer le contexte dans lequel s'insère notre sujet de recherche, nous
procédons en trois temps. D'abord, nous situons la zone d'étude et présentons ses
caractéristiques géographiques. Puis, nous nous intéressons aux transfonnations que
connait le milieu rural et, plus particulièrement, celui de la province d'Errachidia où
se situe la vallée du Ziz. Finalement, nOUS présentons la problématique hydrique
associée à cette zone à travers ses principales composantes humaines et physiques.
5
1.1 La vallée du Ziz
Situé au nord du continent africain (carte 1.1), le Maroc est découpé en 16
régions, 45 provinces et 26 préfectûres. Cette division administrative a été inscrite
dans la Constitution de 1996 qui consacre la région comme « collectivité locale» et
aussi comme un moteur de la politique de décentralisation. La région de Meknès
Tafilalet (79210 km2) (carte 1.2) compte quatre provinces dont celle d'Errachidia
qui est de loin la plus vaste avec 59 585 km2 mais une densité de seulement 8,76 hab.!
km2 (Région Meknès-Tafilalet, 2001). La province occupe plus des trois quarts du
territoire de la région, mais n'abrite seulement que le quart de la population. Cette
faible occupation de l'espace est liée à la rigueur du climat essentiellement semi-aride
et aux écosystèmes secs marqués par l'aridité et les sécheresses.
En effet, toute la province d'Errachidia est une zone pré-désertique qui se
divise entre la partie montagneuse, au nord, où les sommets atteignent 3700 m et où
les précipitations se situent entre les courbes isohyètes de 400-200 mm et les plateaux
arides, au sud, qui se situent quant à eux sous les courbes isohyètes de 200 à moins de
100 mm. C'est dans cette zone de plateaux arides que s'étirent les grandes oasis le
long des oueds (cours d'eau) qui coulent jusqu'au Sahara. Ici, les cultures n'occupent
que 2% du territoire et sont concentrées dans ces oasis.
6
Carte 1.1 : Localisation de la vallée du Ziz au Maroc
Espagne Oê:roit. d~ G:brbltN --------.:.:-.
Tan~r
NORD OUEST .
légende • Ville
Fleuve Cours d'eau inttl-mittent o PI.nd'••u
Concentration de terres inigue-es Limite administrative Ag~dir
Fronti~ ..e intetrllllt!cnaie
\ , Algerie
t 1 o 50 100 1505.....;.h!Jra Occià#r.~ilt
Source: FAO, 2005
La vallée du Ziz tire son nom de l'oued Ziz qui prend sa source dans les
montagnes des Atlas pour ensuite s'encaisser à travers les grands plateaux
présahariens et se tarir à la frontière algérienne. Les crues de l'oued ont permis le
développement d'une agriculture oasienne fleurissante qui, durant plusieurs siècles et
jusqu'à la fin du XVIe siècle, fait de la feue ville de Siljilmessa le principal relais
caravanier entre l'Afrique noire, l'Europe et l'Orient. La dynastie Alaouite, à laquelle
appartient le roi actuel Mohammed VI, règne sur le Maroc depuis le XVIIe et est
originaire de cette région.
7
En 1965, des crues particulièrement abondantes dévastent la vallée et poussent
le gouvernement à ériger un barrage de retenue à l'amont de la ville d'Errachidia.
Inauguré en 1971, le barrage Hassan Addakhil régule depuis cette date les crues du
Ziz. Il est situé à 25 km en amont d'Errachidia à l'entrée du canyon découpé par l'oued
Ziz.
Carte 1.2 : La région Meknès-Tafilalet
Source: Agence de Développement Social, 2010
Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéressons au territoire situé en
aval du barrage Hassan Addakhil, soit entre la ville d'Errachidia et celle de Rissani
(carte 1.3). Cette zone est composée d'une trame quasi continue de palmeraies où
l'agriculture est l'activité dominante. Cette zone s'insère dans le vaste bassin versant
du Ziz qui lui s'étend en territoire algérien à travers la frontière disputée entre les
deux pays.
8
Carte 1.3 : La vallée du Ziz
!N
50 1~'n
km Dacura BasIn
Source: Lightfoot, 2009.
1.2 La déstructuration du milieu rural
Le monde rural a changé. Au Maroc, comme ailleurs, la définition même de la
ruralité a subi une mutation importante et ne saurait désormais plus exprimer la
simple opposition à l'urbanité. En s'éloignant d'une vision conformiste et
traditionnaliste, la ruralité peut être définie à travers son esprit communautaire qui
agit de manière décisive sur les projets mis en place et leur réussite en milieu rural
(Jean, 1997). Bruno Jean, sociologue, place cet effet de milieu au cœur du succès des
initiatives de développement rural et va jusqu'à soulever « le rapport intime au
9
territoire, à la localité, soit cette connaissance intime des « lieux », [qui] pourrait donc
fonder l'identité conceptuelle du rural» (Jean, 1997, pAl).
Or, si la ruralité peut être abordée en termes territoriaux, c'est que la notion
même de territoire a connu de profondes mutations. En effet, les milieux ruraux
témoignent de cette nouvelle ère où l'articulation entre les territoires n'est plus
définie en fonction d'une architecture nationale, mais bien en fonction d'une
géographie mondiale qui tend à repenser la place du local. Ce glissement, c'est la
mondialisation qui l'opère: « le local jouant un rôle de complément indissociable du
global» (Klein, 2008, p. 315).
Ainsi, la réalité rurale contemporaine se recompose et se restructure (Jean,
1997). Depuis quelques décennies déjà, le Maroc, pays en développement, connaît lui
aussi de profondes transformations des espaces ruraux dits traditionnels. Ces
transformations sont de diverses natures (démographique, culturelle, sociale,
économique...) et de diverses intensités (de très lente à radicale), mais convergent
toutes dans la même direction: la déstructuration du milieu rural.
C'est que les structures sociospatiales du monde rural ont changé. Organisées
autour d'une exploitation durable de leurs ressources, les sociétés traditionnelles ont
su développer durant des générations un savoir-faire local, résultat de leur adaptation
aux conditions écologiques de leur milieu (Oubrhou, 2005). Aujourd'hui, de
multiples pressions s'exercent sur ces structures. L'ouverture à l'économie de marché
et le développement de l'individualisme (Barrow et al., 2000) ont engendré
l'atomisation des cOII\munautés (Ben Brahim, 2003b), mais aussi l'émergence de
nouvelles formes de socialisation. De plus, l'agriculture, qui a toujours constitué
l'élément central dans l'organisation de ces sociétés, est aujourd'hui ébranlée à la fois
par les difficultés environnementales que connaissent ces régions et par la production
agricole commerciale.
Par ailleurs, les efforts étatiques durant les années 1980-90 ont largement
porté sur la libéralisation progressive de l'économie marocaine et ont donc misé sur
10
les zones dites utiles du Maroc au détriment des zones dites inutiles, soit les milieux
oasiens et de montagnes. Cette classification dichotomique, aujourd'hui réfutée, rend
bien compte de la logique qui a prévalu durant plusieurs armées et qui a servi à
accentuer l'isolement des milieux ruraux (El Jihad, 2001).
De ce fait, mais aussi en raison d'autres facteurs, les disparitéssocio
économiques n'ont cessé de croître et ont tôt fait de gangréner le milieu rural.
Acculées à une forte pauvreté et une difficile intégration économique, les
communautés rurales se sont tranquillement dévitalisées. Le délaissement - ainsi que
le désintéressement - de la pratique agricole traditiormelle par lajeune génération, qui
la juge non moderne et peu rentable, a participé à l'éclatement du milieu et
aujourd'hui il y a un exode massif de cette tranche d'âge.
Dans le cas plus spécifique des milieux oasiens, la difficile posture dans
laquelle ils se trouvent résulte d'une double déstructuration, soit celle du mode
traditiormel de vie des populations et celle de l'ensemble rural marocain, tel que
présenté ci-dessus. Cinq composantes permettent de mettre en évidence cette double
déstructuration qui caractérise notre zone d'étude: une forte marginalité spatiale, des
taux très élevés de pauvreté et d'analphabétisme, l'exode massif des jeunes et un
déficit infrastructurel majeur.
1.2.1 La marginalisation spatiale
Autrefois très fleurissante et passage obligé des grandes expéditions
sahélierme, la vallée du Ziz est aujourd'hui isolée par le Sahara au sud, la frontière
algérierme à l'est et les Atlas à l' ouest (carte 1.1). Les zones à fortes activités
économiques se trouvant sur les littoraux, les projets de développement ont surtout
misé sur ces espaces plus accessibles et plus ouverts sur le monde. Ainsi, la province
d'Errachidia, par sa situation géographique, ne donne que de peu d'accès aux villes
d'importance. La chaîne des Atlas constitue une barrière naturelle qui isole la région
et complexifie les transports. En autobus, il faut compter sept heures pour atteindre
11
Meknès à partir d'Errachidia et encore deux heures' et demie pour rejoindre Rabat.
L'absence de voies ferrées et la piètre qualité des routes qui sillonnent les montagnes
expliquent ces délais.
Sur ce versant est des Atlas, les grandes oasis du piémont's'étendent tout le
long de la vallée et contrastent avec les plaines caillouteuses qui constituent 98% du
territoire. Les oasis sont reliées au reste du pays par un seul axe goudronné et
quelques axes secondaires qui donnent accès aux plus petites localités (carte 1.4).
Bon nombre de communes ne sont pas desservies par le réseau routier et leur accès
est souvent précaire (Région Meknès-Tafilalet, 2001). Ces difficultés d'accès aux
centres économiques et politiques marocains contribuent à la marginalisation de la
région.
--
12
Carte 1.4 Infrastructure routière de la Région Meknès-Tafilalet
ROYAUME DU MAROC
Mlnlsl~re de l'Aménagement du Temtolre. de l'Eau et de 1Envuronement INFRASTRUCTURE ROUTIERE
RéOlon de Melmés-Tafilalel
TAOUNATE
KENITRA ZQIJAGHA·
,.roULAy YACCu8
SEFRQ(J Kl1fMISSET
. ~- - - ~ ,
eoUl.f.MANE
t\HOURIDGA 1
.....- .....1 FIGUIG
BENI MELLAL
----_--t-b
OUARZAZATE
Légende
+AérodrOme LAGORA
A.; Autoroute
/V' Route natTonale
/'V Route régionale
VOie ferrée
/V' limite légion
/' ,,' Limite province e
~-, ~ I~ ~I' •
InspOC1lon R"gklnOi~ de l'Am6n::lgemenl du Te"ito&to. ~ rE::Iu el de rEnvilOftMnwnl
Source: Portail de la Région Meknès-Tafilalet, 2010
13
1.2.2 Pauvreté et analphabétisme
Si la pauvreté n'est pas un phénomène particulier aux pays en développement,
elle y est souvent vécue de manière plus prononcée en raison de l'absence de
protection sociale à l'échelle nationale. Ainsi, le Maroc qui était classé au 117e rang
mondial selon l'indicateur de développement humain (lDH1) en 1995, se retrouve au
BOe rang en 2007. Bien que l'IDH au Maroc n'ait cessé de croître depuis les années
1980 (figure 1.1), le pays se retrouve toujours à des niveaux inférieurs par rapport aux
autres pays arabes. Cette aggravation de la pauvreté a frappé durement les milieux
ruraux où de multiples facteurs socio-économiques se combinent et participent à
fragiliser les structures sociales.
L'IDH est calculé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et a pour objectif de décrire le niveau de développement des pays en intégrant aux traditionnelles données économiques (PIB) des données plus qualitatives: santé, niveau d'éducation et niveau de vie.
1
14
Figure 1.1 : Évolution de l'Indice de Développement Humain au Maroc
HDI 1.0 ,--------------------,
OECO 0.9
CEE and CIS
Latin America and 0.8 Caribbean
East Asia and Pacifie
0.7
South Asia0.6
0.5 Sub-Saharan Africa
0.4
0,3
0.2 '----------------------'
1980 1985 1990 1995 2000 2005
Source: PNUD, 2009
Au Maroc, le phénomène de la pauvreté n'a été officiellement reconnu que
dans les années 1990 et c'est « dans l'avant projet du plan de développement
économique et social de 1996-2000 que la lutte contre la pauvreté a été retenue, pour
la première fois dans un document officiel, comme une priorité nationale»
(Abdelkhalek, 2005, p. 45).
La province d'Errachidia est fortement touchée par la pauvreté et fait partie
des cinq régions qui regroupent plus de 50% des pauvres2 du pays (Abdelkhalek,
2005). Le rapport de la Banque Mondiale (2004) sur la pauvreté au Maroc situe la
province panni les plus affectées par le phénomène (carte 1.5). Dans une autre étude
2Au Maroc, la pauvreté est liée au critère de « bien-être» et est basée sur la dépense de consommation par persolU1e. En 2007, le seuil de pauvreté en milieu rural s'établissait à 3569 dirhams/armée/persolU1e (soit 453,26$ CAN, selon le taux de change du 31112(2007) (Abdelkhalek, 2009).
15
menée par la Banque mondiale (2007b), toujours sur l'état de la pauvreté au Maroc,
celle-ci conclu qu'il y a actuellement environ 15 % de la population qui vit en
situation de pauvreté, dont les 2/3 se retrouvent en milieu rural. S'ajoute à cela un
autre 25 % de la population « vivant à 50 pour cent ou moins au-dessus du seuil de
pauvreté et [qui sont] considérés comme « économiquement vulnérables » à la
maladie et à l'incapacité, aux intempéries ou à la perte d'un emploi» (BM, 2007b,
p.2). C'est au total près de 40 % de la population marocaine qui vit une situation de
pauvreté ou de précarité.
16
Carte 1.5 : Incidence de la pauvreté auniveau provincial
POlU'H'nta~e <l"indivilhu vivant dan~ la pauYl"etÈ'
02.7 07-13 .13 -19
19 - 24 24 - 37
o pas d'information
Source: Banque mondiale, 2004, p. 22.
17
Par ailleurs, en milieu rural, la principale source de revenus des populations
demeure l'agriculture (PNUD, 1999). « Ce secteur qui emploie 46% de la population
active et fait vivre 80% du monde rural» (Haut commissariat au Plan, 2007, p. 43)
est divisé entre des modes d'exploitation traditionnels, de très faible productivité, et
des méthodes d'exploitation modernes, inégalement compétitives.
Dans la province d'Errachidia, 40% de la population active tire sa subsistance
de l'agriculture traditionnelle qui est fortement dépendante des conditions climatiques
souvent aléatoires. Les autres secteurs en importance sont les bâtiments et travaux
publics (23%) et l'administration (15%). Ces autres activités économiques se
concentrent toutefois pour la plupart dans la ville d'Errachidia, le milieu rural étant
presque exclusivement consacré à l'activité agricole (figure 1.2).
Figure 1.2: Répartition de la population active selon le secteur d'activité
économique
• Agriculture
• Bâtiments et Travaux Publics
• Commerce
• Administration
• Services
Transports et communication
• Industries 23%
Source: Haut commissariat au plan, 2006. Conception: Magalie Quintal
18
Si la pauvreté est particulièrement endémique en milieu rural, c'est qu'elle se
combine à d'autres facteurs sociaux tels que l'analphabétisme. Ici encore, la province
d'Errachidia affiche un taux d'analphabétisme très élevé qui place beaucoup de
personnes (particulièrement les femmes) en situation de dépendance et de
marginalité. Bien qu'il soit possible de voir une légère amélioration entre les données
du recensement de 1994 et celui de 2004, près de 40% de la population âgée de plus
de 25 ans est analphabète (tableau 1.1). Ce faible taux d'éducation constitue sans
contredit un handicap majeur au développement de la région. Comme nous le voyons
plus loin, les initiatives citoyennes accusent des retards ou rencontrent des difficultés
administratives en partie en raison du taux élevé d'analphabétisme.
Tableau 1.1: Taux d'analphabétisme (%) selon les groupes d'âge et le sexe dans la
région Meknès-Tafilalet
-Groupes 1994 2004
d'âge
Masculin 1 Féminin 1 Total 1 Masculin 1 Féminin 1
Total
10-14 ans 22,1 40,3 31,1 7,9 14,6 Il,2
15-24 ans 24,5 50,6 37,6 17,1 34,7 26,1
25-34 ans 35,7 67,7 52,5 24,5 51,1 38,5
35-49 ans 45,8 80,1 63,7 36,2 69,4 53,5
50 ans et + 77,1 97,6 87,4 61,6 89,9 76,1 Région 39,4 66,1 53 29,8 53,6 42
National 41 67 55 30,8 54,7 43 Source: Haut commlssanat au Plan, 2006
1.2.3 Fluctuation de la population et exode
Au Maroc, il y a eu une diminution du taux brut de natalité en milieu rural (de
27,8 %0 en 1994, ce taux est passé à 21,9 %0 en 2008). La pyramide des âges montre
19
que l'importance du groupe des 0-14 ans est de 28,6% en 2004 (Comité directeur,
2006) contre 44% en 1960 (Service Central des Statistiques, 1966).
Figure 1.3 : Pyramide des âges de la population de la région de Meknès-Tafilalet
90-94 ans
75-79 ans Masculin Féminin
60-64 ans
45-49 ans
30-34 ans " I~
15-19 ans
00-04 ans 1
-1
150 000 100000 50 000 a 50 000 100000150000
Source: Haut commissariat au plan, 2006.
Si les données démographiques présentent un accroissement de la population,
elles cachent de fortes disparités entre milieu urbain et milieu rural (tableau 1.2).
Ainsi, à l'échelle de la région de Meknès-Tafilalet, la province d'Errachidia se
distingue par une importante diminution, en nombre absolu, de sa population rurale
(en pourcentage, il s'agit d'une chute de 1,5%). Le tableau 1.2, qui présente la
répartition de la population de la région selon le lieu de résidence, met en évidence
cette tendance à la baisse dans trois provinces et préfectures sur cinq. Cette
diminution s'explique par l'important exode rural qui n'a cessé de croître au cours du
siècle dernier.
20
Tableau 1.2 : Répartition de la population de la région Meknès-Tafilalet par province et préfecture et par milieu de résidence
1994 2004
Urbain Rural Total· Urbain Rural Total
Meknès 465 124 143317 608441 570991 142618 713609
El Hajeb 65047 115447 180494 92344 124044 216388
Errachidia 155 280 366837 522117 195440 361 172 556612
Ifrane 61063 66614 127677 73782 69598 143 380
Kbénifra 219168 245893 465061 269930 241608 511 538
Région 965682 938 108 1 903790 1202487 939040 2141527
Nation 13 407 835 12665882 26073717 16463634 13 428074 29891 708
Source: Haut cormmssanat au Plan, 2006
À l'échelle du Maroc, ils sont alUluellement 106000 individus à quitter le
monde rural au profit des grandes villes. Cette vague d'émigration a triplé depuis 20
ans et est particulièrement forte en milieu rural. Le comité directeur (2006) a établi à
2 millions le nombre de Marocains résidents à l'étranger (MRE) qui rentrent au pays
chaque alUlée pendant les vacances. « Les transferts des MRE, indicateur quantitatif
de cet apport, contribuent significativement à l'équilibre de la balance des paiements
du pays, au même titre que la totalité des recettes du tourisme; leur épargne investie
au Maroc représente près de 40% des dépôts à vue et à terme du système bancaire
marocain» (Comité directeur, 2006, p. 28).
Cette émigration, particulièrement forte dans les milieux ruraux, ne date pas
d'hier. Déjà en 1966, Noin (1966) identifie l'émigration, et particulièrement
l'émigration des jeunes hommes, comme facteur de sous-développement du Maroc.
21
Par ailleurs, cet exode pourrait s'aggraver si le contexte économique et social actuel
ne s'améliore pas, notamment en raison des sécheresses, mais aussi de la
libéralisation du commerce des produits agricoles qui affecte particulièrement les
petits exploitants (Comité directeur, 2006). Les zones les plus touchées par
l'émigration sont généralement les milieux ruraux isolés, soit les zones oasiennes et
les montagnes. Comme nous le montrons dans la section 2.2.5, cet exode touche
principalement les jeunes hommes.
1.2A La situation des femmes
À la fin des années 1980, le nombre de filles qui reçoivent une éducation
primaire n'est que de 45%, alors que depuis 1962 cela constitue un droit enchâssé
dans la constitution depuis et que c'est une réelle obligation à partir de 1963.
Toutefois, ce n'est qu'au début des années 1980, sous les programmes d'ajustements
structurels, que le gouvernement marocain identifie l'éducation des femmes comme
une priorité nationale (Griffiths, 1996). Cependant, en milieu rural subsistent
d'importants retards.
En milieu rural, les femmes jouent un rôle capital dans la vie familiale. Jari
(2005, p. 37) note qu' « en plus des activités domestiques, 80% des femmes rurales
participent aux travaux agricoles avec 40% du temps actif total consacré au travail
dans les champs et à celui lié à l'élevage ». Cette significative contribution n'est
toutefois que très rarement rémunérée, ce qui place bon nombre de femmes en
situation de précarité. Si l'on ajoute à cela leur faible niveau d'éducation
(tableau 1.1), les femmes rurales sont très souvent dépendantes d'une autre personne,
généralement leur mari. L'Initiative Nationale pour le Développement Humain
(2010) soutient, par ailleurs, que la situation d'exclusion que vivent les jeunes et les
femmes est un important facteur de la déstructuration du milieu rural.
22
1.2.5 La situation des jeunes
Selon le recensement de 2004, les individus ayant moins de 30 ans
représentaient plus de 60% de la population et les 15-34 ans, 40% (Comité directeur,
2006). Toutefois, les jeunes sont marginalisés dans une dynamique sociale qui leur
offre peu d'espace d'expression et d'innovation. Ils connaissent par ailleurs des
difficultés d'insertion dans le marché du travail. En effet, il y a 26,9% de chômeurs
chez les diplômés ayant un niveau d'enseignement supérieur (Royaume du Maroc,
2005). Ce taux explique, en partie, le désir d'émigration exprimé chez les jeunes.
Ce sont ces jeunes, diplômés ou non, qui ont la plus grande mobilité. Attirés
par le style de vie urbain, ils quittent massivement les campagnes pour s'établir dans
les villes marocaines ou étrangères. Le monde rural d'aujourd'hui assiste donc à une
véritable désertion des jeunes. Elle s'effectue au profit des grands centres urbains
nationaux et d'outre-mer où miroitent la possibilité d'emplois rémunérés et un mode
de vie plus excitant. L'attrait qu'exercent les grandes villes est essentiellement
véhiculé par les médias (télévision, Internet), le tourisme (national et international) et
les migrants qui reviennent dans leur région d'origine (BM, 2007b).
1.2.6 Déficit d'infrastructures
Le recensement général de la population et de l'habitat de 2004 fait état d'une
forte différence entre le milieu rural et urbain quant à l'accès aux services et aux
infrastructures de base telles que l'électricité, l'eau potable et les centres de santé.
Tranquillement, des projets tels que le Programme d'approvisionnement groupé en
eau potable des populations rurales (PAGER) permettent de diminuer cet écart. Le
PAGER a permis de faire passer le taux d'accès à l'eau potable de 14% en 1994 à
environ 40% en 2001 (Observatoire National de l'Environnement, 2002). Cet accès ne
se trouve toutefois pas obligatoirement à l'intérieur du domicile des ménages. L'étude
sur l'équipement de base des logements indique en effet que seulement 20,9% des
résidences rurales sont équipées pour recevoir de l'eau potable contre 87,6% en
23
milieu urbain. Un écart semblable est noté en matière de branchement au réseau
d'électricité, qui est respectivement de 48,1% en milieu rural contre 90,8% en milieu
urbain (Haut commissariat au Plan, 2006).
La région souffre aussi d'un énorme déficit d'infrastructures médicales
conune en témoignent les éditions annuelles de caravanes médicales qui, si elles
permettent d'assurer un minimum d'interventions, ne permettent pas d'assurer un
suivi médical. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (2007), sur
l'ensemble de son territoire le Maroc compte 1 médecin pour 2 313 habitants, soit
0,43 médecinjlOOO habitants. Le rapport de l'OMS (2007, p. 3) évoque que « 31 %
de la population rurale au Maroc est située à plus de 10 km d'un établissement de
santé et 35% des marocains n'ont pas accès aux médicaments essentiels ». De plus, ce
rapport met en évidence les disparités entre le milieu urbain et rural avec des
dépenses publiques de santé qui favorisent largement le milieu urbain soit « 78 % des
dépenses récurrentes [qui] sont affectées aux hôpitaux et cliniques du milieu urbain»
(OMS, 2007, p. 3). L'ensemble des services de base en santé sont par ailleurs
fortement marqués par la disparité qui existe entre les milieux urbains et ruraux
conune l'indiquent les taux de mortalité infantile qui sont de 23,8 %0 en milieu
urbain contre 46,1 roo en milieu rural et ceux de mortalité maternelle qui ont atteint
125 pour 100 000 naissances vivantes en milieu urbanisé contre 307 en rural (OMS,
2007).
1.2.7 Les acteurs du développement
Si la préoccupation du développement a longtemps été l'apanage de l'État
marocain, aujourd'hui il en est autrement..À l'instar de ce qui s'est produit dans les
sociétés civiles de plusieurs pays, les mouvements citoyens marocains se sont
affirmés et multipliés dans les dernières décennies. Dans le rapport Cinquante ans de
développement humain au Maroc (Comité directeur, 2006, p. 20), les auteurs notent
24
l'importance que jouent aujourd'hui les nouveaux acteurs issus de la société civile
dans les actions de développement:
Ces nouveaux acteurs se sont montrés capables de contribuer, de façon concrète et souvent efficace, à l'effort de développement et à la démocratisation du débat public dans le pays. Pour ce faire, ils ont su mettre à profit le climat de décrispation politique et l'élargissement des sphères de liberté pour investir l'espace du débat et de l'action publique, touchant à d'importantes questions d'ordres social, économique, politique, éthique, culturel, civique, humanitaire et environnemental.
Ces mouvements citoyens, sur lesquels nous revenons plus amplement dans des
chapitres subséquents puisqu'ils sont au cœur de notre réflexion, peuvent être classés
en trois grandes catégories selon les raisons qui ont mené à leur création: (1) des
associations créées par une élite locale, (2) associations créées par l'intermédiaire
d'acteurs publiques ou privés, et qui sont souvent étrangers (ONG, initiatives
gouvernementales, etc.) et (3) des associations qui émergent directement de la société
civile afin de répondre explicitement à des problèmes vécus localement (Charfi,
2009). Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes principalement intéressés
à l'analyse des associations appartenant au troisième groupe.
Depuis 1999, et à l'initiative du Roi Mohammed VI, de multiples réformes ont
été lancée pour promouvoir le développement humain, particulièrement au sein des
milieux ruraux. En 2005, il crée l'Initiative Nationale pour le Développement Humain
(INDH) qui vise la réduction de la pauvreté, de la précarité ainsi que l'exclusion
sociale. Par le renforcement des initiatives locales et l'appui à la création d'activités
génératrices de revenus, l'INDH marque un tournant dans les approches en matière de
développement au Maroc. Les politiques publiques se veulent davantage le reflet des
réalités et des besoins à l'échelle locale, ce qui correspond à un changement
fondamental qu'exposent Levy et Kpundeh (2004) (tableau 1.3). À travers leur
analyse qui englobe tous les pays d'Afrique, les deux auteurs présentent le glissement
majeur qui s'est opéré entre une approche technique pour faire face aux différents
25
problèmes que les États ont rencontrés, principalement dans les décennies qui ont
suivi les indépendances, vers une approche sociale. Un exemple de cette rupture se
trouve dans l'appui associatif qui est recherché dans beaucoup d'initiative de l'État,
particulièrement en milieu rural. Toutefois, si l'INDH s'inspire de cette nouvelle
approche du développement qui vise un meilleur diagnostic et de meilleurs résultats,
elle rencontre sur le terrain de multiples difficultés sur lesquelles nous reviendrons au
chapitre III.
Tableau 1.3 : Anciens et nouveaux paradigmes du renforcement des capacités
Old paradigm New paradigm
Focus on technicaJ issues Focus on social and political issues
Driven by supply consideration Responding to perceived need or demand
Oriented towards bureaucratic structures Oriented towards building capacity for govemance and oversight
Led from the centre Evolving through the local context
Transferring "best practice" Identifying solutions for "good fit"
Comprehensive scope Selecting key issues for optimum results
Concemed with structure Concemed with process
Source: Franks el al., 2008 p. 264
1.3 Crise hydrique dans la vallée du Ziz
Ancrée dans un territoire de contrastes, la vallée du Ziz est la porte d'entrée
du Sahara (carte 1.1). Son paysage désertique, constellé d'oasis où la disponibilité en
eau est variable, marque la précarité de l'habitat et l'imprévisibilité du milieu. Durant
les siècles passés, la maîtrise de la ressource hydrique a été une nécessité vitale et
3 Ce tableau est présenté en anglais dans sa version originale et quin' existe pas en français.
26
constituante des sociétés qui ont évolué dans cet espace. Les stratégies de gestion des
ressources développées par les populations afin de palier à l'aridité du milieu
témoignent de leur ingéniosité, mais aussi d'une forme particulière de structuration
sociale et culturelle (Ben Brahim, 2003b).
Le XXe siècle a marqué un profond tournant dans la vie oasielU1e et les modes
traditionnels de gestion de l'eau. À l'heure de la mondialisation et des changements
climatiques qui affectent l'ensemble de la planète, et tout particulièrement les milieux
fragiles tels que les oasis, les populations sont confrontées à de nouvelles dynamiques
qui affectent leurs milieux de vie et soulèvent des questions quant aux
caractéristiques de la crise hydrique et aux comportements à adopter pour
l'appréhender.
Ces transformations fondamentales peuvent se comprendre à travers deux
dimensions: leur nature intrinsèquement environnementale et leur inscription sociale.
Nous présentons maintenant ces deux dimensions de la crise de l'eau que cOlU1aissent
les milieux ruraux marocains.
1.3.1 Le caractère social de la crise de l'eau
L'eau est à la base de la vie. Les perturbations qu'elle subit quant à sa
disponibilité et à sa qualité ont donc des répercussions directes dans le domaine
social. Or, les changements démographiques et de modes de vie participent
grandement à accentuer les pressions sur la ressource hydrique. L'augmentation de la
population est un premier facteur qui influence, depuis un siècle déjà, la disponibilité
et la qualité des ressources en eau. Comme nous l'avons présenté dans la section
1.2.3, le taux de natalité est en chute, mais l'important nombre d'individus ayant
moins de 15 ans laisse entrevoir un accroissement encore significatif de la population
(figure 1.3). Cet accroissement provoque une augmentation proportiolU1elle des
pressions sur les ressources naturelles. Alors qu'en 1936 la population totale dans la
27
province d'Errachidia est de 84 000 habitants, en 2004 elle atteint 556612 (Haut
commissariat au Plan, 2006).
Cette augmentation de la population se combine à des changements profonds
dans les modes de vie des populations. Le taux d'urbanisation de la province
d'Errachidia, qui était relativement faible en 1950 avec 27,69% du territoire urbanisé,
passe à 55,5% en 2000 (United Nations, 2004). Le développement urbain témoigne
d'une nouvelle structuration des sociétés maintenant organisées autour de pôles
urbanisés où la densité de population est plus élevée. Cependant, l'urbanisation des
territoires provoque aussi le recul des terres agricoles et leur marginalisation dans
l'architecture régionale.
En 1957 déjà, Labasse (1957, p. 315) évoquait les changements majeurs que
connaissent les milieux oasiens un peu partout en Afrique du Nord:
L'économie oasienne traditionnelle est en effet en proie à des troubles profonds qui menacent de la désorganiser. Abandonnant sans transition le genre de vie qui, pendant des générations, avait pennis à ses ancêtres de subsister, le ksourien4
délaisse de plus en plus le travail de la terre pour rechercher sur les chantiers sahariens ou dans les villes d'Afrique du Nord un emploi mieux rémunéré quoique moins stable, au risque de connaître un jour un chômage auquel il ne se résignera qu'avec trop de philosophie.
C'est que déjà lors de l'indépendance, qui a lieu en 1956, les oasiens sont attirés
par le mode de vie occidental. Qu'ils choisissent de quitter les lieux (voir
section 2.2.3) ou qu'ils demeurent sur place, ils rompent avec le mode de vie
traditionnel.
Durant le siècle dernier, la population a été multipliée par trois alors que la
demande en eau a, elle, été multipliée par six (Bzioui, 2005). Cette situation
s'explique par un changement de mode de vie et l'apparition de nouveaux besoins qui
nécessitent nettement une plus grande consonunation d'eau. Il faut toutefois
mentionner qu'une partie de cet accroissement de la demande en eau est liée à
4 Un ksourien désigne un habitant d'un ksar, village fortifié d'Afrique du Nord.
28
l'amélioration des conditions sanitaires et donc, à la chute du taux de mortalité et par
ricochet, à l'augmentation de l'espérance de vie des populations.
1.3.2 Le caractère environnemental de la crise de l'eau
Les concepts de stress hydrique et de pénurie d'eau ont été introduits par
Falkenmark (1974), hydrologue au Stockholm International Water Institute, et sont
maintenant adoptés par bon nombre d'organismes internationaux qui analysent les
disponibilités en eau douce à différents endroits sur la planète et réalisent des
projections sur le sujet. Falkenmark (1974) établit qu'en dessous de 1700
m3/an/personne, il y a stress hydrique, alors qu'entre 1700 et 1000 m3/an/personne, il
y a véritablement pénurie d'eau. « Dans cette situation, les populations ont de fortes
chances de subir des manques chroniques d'eau douce qui peuvent menacer la
production alimentaire, gêner le développement économique et porter atteinte aux
écosystèmes» (Bouguerra, 2003, p. 114).
Au Maroc, l'eau est inégalement répartie. À la fois spatiale et temporelle, la
crise latente de l'eau se fait sentir de façon inégale sur le territoire. Elle représente
d'abord un enjeu spatial en raison ~es fortes différenciations géographiques qui
caractérisent le territoire marocain. Le pays est traversé par deux grandes chaînes de
montagnes, le Rif dans sa partie septentrionale et les Atlas au centre du pays (carte
1.3). Ces sommets, les plus élevés d'Afrique du Nord, piègent une grande partie des
précipitations dans les plaines côtières et isolent la partie orientale du pays. Les
précipitations dans ces régions sont inférieures à 200 mm/année, alors que les
versants ouest des Atlas en reçoivent entre 400 et 800 mm/année (Comité directeur,
2006).
L'enjeu temporel est, quant à lui, lié aux grandes variabilités inter et intra
annuelles des précipitations. Les zones semi-désertiques connaissent une succession
d'épisodes pluviométriques répartis sur une courte période dans l'année
29
(généralement en novembre et décembre). Dans ces régions, les précipitations sont
donc déficitaires la majorité du temps.
L'aridité qui caractérise la vallée du Ziz relève de deux éléments essentiels:
une évaporation potentielle qui excède en tout temps les précipitations (liée aussi à
l'influence du désert à proximité) et un climat dans lequel les précipitations sont
insuffisantes ou inadéquates pour assurer le maintien de la végétation, celles-ci étant
piégées par les sommets montagneux des Atlas.
1.3.2.1 Cycles de sécheresse
Depuis déjà plusieurs siècles, la vallée du Ziz est marquée par des cycles de
sécheresse. Toutefois, leur fréquence et leur intensité se sont accrues et les cycles de
1980-1985, 1990-1995 et 1998-2000 ont constitué « les sécheresses les plus sévères
et les plus longues jamais observées depuis que des observations météorologiques et
hydrologiques sont effectuées» (Bzioui, 2004). Les diminutions enregistrées par
rapport à la nonnale des apports en eau ont été, respectivement pour ces trois cycles
de sécheresse, de 84%,42% et de 75% (Royaume du Maroc, 2009a). L'effet de ces
sécheresses s'ajoute à un cycle de précipitations déjà déficitaire.
Bien qu'elles aient toujours fait partie de la réalité oasienne, ces sécheresses
sont aujourd'hui vécues de manière plus intense compte tenu de la combinaison d'un
ensemble de facteurs d'ordre environnemental: la salinisation des sols, l'ensablement
des palmeraies, la pollution des eaux et la surexploitation des nappes souterraines
(Debbarh et Badraoui, 2002; Ghanam, 2002; Khardi, 2005; PNUD, 2009). En effet,
« dans les seules provinces de Zagoura et d'Errachidia, il est estimé que 22 000 ha de
terres irriguées et 5 millions d'hectares de terrains de parcours sont touchés par la
salinisation qui y conjugue ses effets avec ceux de l'ensablement» (Ghanam, 2002, p.
5). De plus,
30
La donnée nouvelle au XXe siècle est que l'homme devient un agent actif de désertification, il en devient un accélérateur. Ainsi, en combinant l'effet de ses activités aux autres crises de la sécheresse, il peut faire apparaître un désert en une génération et demie, là où la nature mettrait deux à trois millénaires (Cournoyer, 2004, p. Il).
Or, ce sont ces sécheresses récurrentes qui sont responsables de la diminution
des ressources en eau dans l'ensemble du bassin du Ziz, mais aussi de la baisse du
niveau piézométrique de la nappe alluviale (Amharref, 1991).
1.3.2.2 Changements climatiques
Les changements climatiques observés indiquent que des bouleversements
importants ont déjà affecté les régions désertiques. Dans son rapport synthèse sur
l'évolution des changements climatiques, le Groupe d'experts intergouvernemental
sur l'évolution du climat (GElC) (2007, p. 41) affirme que « certains éléments
probants attestent une incidence climatique d'origine humaine sur le cycle
hydrologique, et notamment sur l'évolution des configurations à grande échelle
observées des précipitations terrestres au cours du XXe siècle ». De même, cet
organisme avance que « la progression de la sécheresse depuis les années 1970 et [l']
augmentation de fréquence des épisodes de fortes précipitations» (ibid.) est une
réponse aux « forçages anthropiques ». La carte 1.6 présente les « variations relatives
du régime des précipitations (%) pour la période 2090-2099, par rapport à la période
1980-1999» (GElC, 2007, pA7). L'image de gauche présente les précipitations de
décembre à février, alors que celle de droite présente celles de juin à août. Dans les
deux cas le Maroc est touché par une baisse des précipitations entre 20% et 10%.
31
Carte 1.6: Projection des variations du régime des précipitations
% ...1 --IL....-...L.........L_.L------'-_L.-...J
-20 -10 -5 5 10 20
Source: GEle, 2007.
Par ailleurs, l'Afrique a déjà connu une augmentation de 1°C des températures
moyennes depuis le début du XXe siècle, mais cette augmentation pourrait atteindre
2,SoC d'ici 2030 selon les différents scénarios envisagés par le GEIC (2007).
32
Carte 1.7 : Projections des variations des températures en comparaison à la période
1961-1990
,..Përiode 2041-2070
/"-~/ .... vallée du Ziz 1 •
{
Stations Stations
'C oc ~ /
o·1 0·1 1 .2 1 ·2 2.3 2·3 3·4 3·4
/ 4-5 4·5
i >=5 >=5
Source: Royaume du Maroc, 2009b.
Dans son Plan national de lutte contre le réchauffement climatique, le
Royaume du Maroc (2009b, p. 8) affinne que « les observations climatiques sur les
dernières décennies attestent de la progression du climat semi-aride vers le Nord du
pays» (carte 1.7). Cette amplification du phénomène de désertification pourrait par
ailleurs être renforcée par une forte diminution de la moyenne des précipitations à
l'échelle du pays de l'ordre de plus de 20% d'ici quelques décennies (carte 1.8).
33
Carte 1.8 : Projection des variations des précipitations en comparaison à la période 1961-1990
PiYiode 204' ·2070 Periode 2071·2099
Vallée du Ziz
-80 ~-80 -60 --40 ·60· ·40 -40 - -20 -40· ·20 -20 - -10 .20··10 ·10· -5 ·10· ·5 -5 ·0 1 ·5 - 0 >=0 >=0 ~ O
Source: Royaume du Maroc, 2009b.
1.3.2.3 Pollution des eaux
Épargnée par la pollution industrielle, la vallée du Ziz est toutefois aux prises
avec l'augmentation des rejets d'eaux usées qui, en milieu rural, ne sont généralement
pas traitées. À l'échelle du Maroc, les eaux usées sont traitées de façon marginale. En
effet, seulement 27,9% des rejets sont traités ce qui représente une source de plus en
plus importante de pollution des nappes phréatiques de même qu'un contaminant des
cours d'eau. Dans la région Meknès-Tafilalet, c'est près de 60% de la population
rurale qui n'est pas branchée à un système de traitement ou de confinement des eaux
usées (tableau 1.4). Au vu de l'augmentation de la population, la quantité d'eaux
usées rejetée risque fort de devenir insoutenable pour le milieu naturel dans un avenir
proche. Selon des responsables à l'Office régional de mise en valeur agricole du
Tafilalet (ORMVAT), des projets sont déjà à l'étude pour traiter ces eaux, mais aussi
pour les utiliser dans la lutte contre la désertification (Interviews, 2009).
34
Tableau 1.4 : Répartition des ménages selon le mode d'évacuation des eaux usées et . le milieu de résidence (2004)
Région Meknès-Tafilalet Modes d'évacuation Milieu Milieu
des eaux usées urbain rural Total Réseau public 84,1 5,1 54,1 Fosse septique 6 22,8 12,4
Puits perdu 3,7 13,3 7,3 Autre mode 6,2 57,6 25,8
Total 100 100 100 Source: Haut COmITIlSSanat au Plan, 2006
1.3.2.4 Surexploitation des ressources
Si dans la partie nord de la région de Meknès-Tafilalet la dégradation de
l'envirolll1ement est liée à la pollution, dans la partie sud, soit la province
d'Errachidia, elle est liée à la surexploitation des ressources. L'accroissement de la
population, les changements des modes de vie, l'urbanisation et les conjonctures
climatiques ont conduit à une surexploitation progressive des ressources naturelles.
L'eau, mais aussi les ressources forestières, sont touchées par l'action humaine qui
est de plus en plus dévastatrice.
En milieu oasien, l'irrigation est essentielle pour assurer l'agriculture. Les
sécheresses des dernières décelll1ies ont fortement encouragé le creusement de
stations de pompage afin de palier aux faibles écoulements de l'oued Ziz. De plus,
l'absence de lois visant à encadrer cette pratique a facilité la multiplication de ces
stations. Ainsi, la « prolifération de stations de pompage a occasionné une
surexploitation de l'écosystème oasien» (Laouina, 2006, p. 22) et des eaux
souterraines, ce qui en menace la durabilité. Cette menace s'ajoute aux impacts
relatifs à la construction du barrage Hassan Addhakil, notamment la salinisation des
terres.
CHAPITRE II
PROBLÉMATIQUE ET CADRE CONCEPTUEL
Ce chapitre présente en premier lieu notre problématique, nos objectifs et notre hypothèse de recherche. Par la suite, nous exposons le cadre conceptuel qui nous permet de définir nos concepts et la manière dont ils sont utilisés dans le cadre de cette recherche.
2.1 Objectif principal, objectifs spécifiques et hypothèse de recherche
Dans les sections précédentes, nous avons présenté la crise que vit le milieu
rural au Maroc ainsi que celle que connaissent les ressources hydriques. Ces crises
sont au cœur des enjeux socio-territoriaux marocain et elles jouent un rôle
déterminant sur la viabilité de ces communautés. Or, depuis les années 1990, les
transformations qui se produisent dans la sphère politique ouvrent la voie à la mise en
œuvre d'une nouvelle approche, beaucoup plus sociale, pour tenter de résoudre les
problèmes que connaissent les milieux ruraux. Cette double crise pose la question du
36
renouvellement des acteurs du développement et de leurs stratégies afin d'intervenir
dans la gouvernance de leur tenitoire et la durabilité de leur milieu de vie.
L'objectif principal de cette recherche est de mettre en lumière les effets de
l'action collective et des transformations sociales sur la gouvernance territoriale et le
développement durable des communautés rurales dans la vallée du Ziz.
Dans le but de rencontrer cet objectif principal, notre analyse s'effectue en
deux temps.
1. Dans un premier temps, nous présentons les formes et les particularités
que prend le renouvellement des acteurs sociaux dans le milieu oasien. Ici,
notre objectif spécifique est la mise en évidence des forces motrices de ce
renouvellement, mais aussi de la façon dont il s'articule aux différentes
échelles tenitoriales.
2. Dans un deuxième temps, nous identifions les déterminants de l'action
collective qui peuvent potentiellement favoriser la mise en place d'une
gouvernance tenitoriale plus inclusive. Le second objectif spécifique est
ici la mise en lumière des stratégies des différents acteurs, de leurs forces
et de leurs faiblesses, dans la prise en charge locale du développement des
milieux de vie des communautés.
2.1.1 Hypothèse principale de recherche
À partir des objectifs soulevés précédemment, nous posons comme hypothèse
principale que les initiatives mises en place par la mobilisation de la société civile, et
qui visent à dé-marginaliser la région et assurer son développement, tracent la voie à
une gouvernance tenitoriaJe renouvelée.
Cette hypothèse est étayée par les écrits scientifiques sur la gouvernance,
notamment ceux portant sur son approche tenitoriale. Sont aussi mis à profit les
37
travaux réalisés par différents chercheurs sur le renouvellement des acteurs dans le
contexte de la mondialisation et de leurs nouvelles insertions à l'intérieur des
mécanismes de développement. La gouvernance pennet de situer les rôles que jouent
l'État, les acteurs privés et la société civile dans l'affrontement des défis auxquels
sont confrontés les milieux ruraux traditionnels au Maroc en matière de
renouvellement des pouvoirs.
À ce concept de gouvernance, nous couplons la notion de développement
durable, notion qui pennet d'évaluer la viabilité des p'ratiques et des stratégies
collectives. Car si le renouvellement des acteurs pose la question de la gouverne des
collectivités, il soulève, par le fait même, la question de la durabilité de leurs
initiatives.
2.2 Pertinence géographique
Il nous apparaît important à ce point de notre travail de préciser l'intérêt
d'ancrer cette recherche dans une perspective géographique. Dans notre travail, la
relation qui nous intéresse fondamentalement est celle qui lie l'humain à son espace.
En ce sens, une des ambitions de la géographie est de témoigner des « dimensions
spatiales du social» (Lévy et Lussault, 2003, p. 399). L'étude des rapports
qu'entretiennent les groupes sociaux avec leurs territoires, èe que nous faisons pour
certains milieux oasiens de la vallée du Ziz, relèvent donc d'une des spécificités de la
géographie.
À la relation société-espace s'ajoute la notion de territoire, qui peut être
comprise comme structure physique, mais aussi comme support d'une culture
spécifique. Ainsi, nous entendons le territoire comme le produit d'un construit
humain et naturel, qui a eu et a lieu dans un périmètre précis. À la fois espace
socialisé et interface entre environnement et culture, le territoire est l'expression
d'une médiation entre des volontés individuelles et les prérogatives de la nature.
38
Ces éléments (territoire, espace et société), pris individuellement ou avec leurs
relations et interrelations, tracent la voie à une lecture multiscalaire et hybride des
enjeux du développement rural. Par hybride, nous faisons référence à notre
problématique qui se situe au croisement de plusieurs sciences sociales. Ainsi, alors
que les sciences politiques et économiques contribuent à l'affinement conceptuel de
la gouyernance, les sciences environnementales participent à définir la notion de la
durabilité dans les pratiques socioterritoriales à l'étude. L'intégration de ces savoirs
permet d'adopter une approche holistique et systémique des transformations sociales
que nous visons à situer dans leur contexte territorial.
Ainsi, dans notre analyse, le territoire devient le cadre du redéploiement des
relations sociopolitiques et conditionne le renouvellement de la gouvernance. La
question traitée relève aussi d'une reformulation des relations existantes entre les
ressources, les acteurs et le territoire à travers une volonté de développement
socioterritorial.
2.3 Justification du cadre d'analyse
À l'instar de tout travail de recherche, il convient de s'inspirer d'une vision
particulière de la réalité qui puisse refléter nos propositions théoriques. Ce choix
paradigmatique permet de justifier et d'encadrer la démarche de recherche et donc, de
lui attribuer une certaine légitimité.
Notre travail s'inscrit dans une volonté de comprendre la réalité (1) qui
structure les transformations sociales et (2) que vivent les acteurs concernés dans le
contexte de la mise en œuvre de processus de gouvernance territoriale et de
développement durable de leur communauté dans la vallée du Ziz (Maroc). Pour
rencontrer nos objectifs, nous avons, dans un premier temps, présenté une synthèse
des différentes composantes de la crise rurale et hydrique et le contexte général dans
lequel ces éléments s'insèrent (chapitre 1). Puis, à partir de ces faits observés, nous
39
avons élaboré notre hypothèse principale. Afin de construire notre réflexion, nous
nous inspirons maintenant de la méthode dialectique qui nous demande d'envisager le
sujet et son contraire afin d'en déduire une synthèse (Bédard, 2009).
Dans l'article qui constitue le nœud de notre travail (chapitre IV), nous
exposons les faits qui caractérisent le renouvellement des acteurs du développement
dans la vallée du Ziz. Ces faits sont d'abord présentés de manière dynamique, c'est-à
dire selon leur évolution historique. Nous les situons par la suite dans le mouvement
plus global de la décentralisation et des nouveaux espaces de pouvoir ouverts à la
société civile au Maroc. Finalement, nous mettons en évidence leurs contradictions
afin de les analyser sous différents angles. Cette analyse complétée, nous établissons
dans quelle mesure ces changements permettent l'émergence d'une gouvernance dont
la vision territoriale réponde aux besoins des habitants de la région en matière de
développement.
À ce choix paradigmatique s'ajoute une volonté d'appuyer notre démarche de
recherche sur un postulat explicatif: l'effet de lieu. Nous pouvons même envisager ce
postulat comme étant fondamental dans notre travail puisqu'il touche le cœur de notre
problématique. En effet, notre hypothèse suppose que l'avènement d'une
gouvernance territoriale renouvelée ne peut être réalisable qu'en présence d'une
certaine « intensité» de mobilisation de la société civile. Le territoire, ou le lieu,
constitue ainsi, selon nous, un facteur qui conditionne des ancrages politiques,
économiques et sociaux particuliers. Plus encore, l'effet de lieu nous permet
d'analyser les interactions entre l'humain et son milieu en faisant valoir l'importance
qu'y joue le territoire. Cette aptitude de la géographie « à ne pas morceler ce que la
nature rassemble, à comprendre la correspondance et la corrélation des faits, soit dans
le milieu terrestre qui les enveloppe tous, soit dans les milieux régionaux où ils se
localisent» (Vidal de la Blache, 1913, p. 299) s'inscrit donc dans notre cadre
d'analyse.
40
2.4 Conceptualisation de la recherche
À cette étape de notre travail, nous nous arrêtons pour discuter des différents
concepts qui soutiennent notre réflexion. Ici, notre démarche vise à situer ces
concepts selon leur usage historique, puis à dégager leurs composantes sémantiques
ce qui permet finalement de les rendre opérationnel dans le cadre de nos recherches.
Deux concepts principaux encadrent notre analyse, le premier étant le concept de
gouvernance territoriale et le second, celui de développement durable territorialisé.
Bien que ces deux concepts aient leur modus operandi et leur référentiel propre, ils
s'alimentent l'un l'autre et, comme nous le voyons plus loin, ils servent de
fondements à notre réflexion sur rapproche de développement mise en place dans la
vallée du Ziz, notamment à travers les aspects de « durabilité» et de « territoire» qui
y sont sous-jacents.
Après cette présentation plutôt épistémologique de la gouvernance et du
développement durable, nous présentons plus brièvement la notion de
« décentralisation ». L'utilisation de ces trois concepts nous permet d'ancrer notre
réflexion dans un cadre conceptuel qui nous fournisse un maximum d'outils
d'analyse.
2.4.1 Le concept de gouvernance et ses fondements
La gouvernance s'inscrit comme le concept phare de ce travail. Il s'agit donc
ici de préciser la notion de gouvernance dans une perspective géographique de
dynamique des territoires et de mutations sociales, environnementales et politiques.
Malgré son caractère polysémique et son instrumentalisation assez fréquente par
différents courants de pensées, la gouvernance reflète la réconciliation nécessaire qui
doit s'opérer entre les nouveaux pouvoi;s émergents et ceux issus de l'ère industrielle
41
et du libéralisme. Ce concept permet d'envisager l'articulation de l'État, de la société
civile et du marché aux différentes échelles territoriales.
Avant de parler de gouvernance territoriale, il est impératif d'aborder en
premier lieu la notion même de gouvernance de façon plus générale. Depuis une
vingtaine d'années, les écrits scientifiques qui traitent de la gouvernance sont
prolifiques et ne cessent de s'enrichir en raison, notamment, de la diversité des
chercheurs issus de différentes disciplines qui s'y intéressent. Cependant,
mentionnons que l'attention qui est portée au concept de gouvernance dépasse
largement le cadre académique et provient tout aussi des sphères politiques, de la
société civile et des médias. Cette multiplication des usages et des usagers a toutefois
contribué à créer un terme qui aujourd'hui peut sembler galvaudé et fourre-tout, d'où
la nécessité d'en expliciter son sens premier.
L'origine du mot « gouvernance» vient du latin « gubernare» qui signifie
gouverner, contrôler, diriger, administrer (Gaffiot, 2000). En France, au VIlle siècle
et encore au XVe siècle, le mot est utilisé comme synonyme de gouvernement, il
désigne l'art et la manière de gouverner (Gaudin, 2002; Ouattara, 2007). De même,
bien que peu utilisé au XIVe siècle, le terme anglais «governance », est associé au
gouvernement et à la direction des affaires publiques.
Au début XXe siècle, le terme refait surface dans les pays anglo-saxons
notamment dans le maintenant très célèbre article de Ronald H. Coase intitulé "The
nature of the firm" et paru en 1937. Ses travaux, puis ceux de l'historien Alfred
Chandler (1964; 1979) aux États-Unis, jettent les bases d'une gouvernance tournée
vers l'économie, où le concept est introduit pour expliquer un nouveau moyen de
coordination au sein des entreprises. Cette gouvernance économique se distingue par
une gestion non hiérarchique dans laquelle les employés sont associés à la dynamique
managériale. Les deux auteurs voient la possibilité d'établir une intégration verticale
au sein des entreprises et développent une approche institutionnaliste en économie qui
42
vise la perfonnance des finnes et leur efficacité à travers le développement de
mécanismes de coordination. Pour Coase (1937), les marchés et les finnes
représentent des modes alternatifs de gouvernance (Williamson, 1996).
À la fin des années 1960 et au début des années 1970, cette vision de la
gestion privée sera appliquée à la gestion des affaires publiques alors que le débat
autour des transfonnations de l'État-providence, des crises financières qu'il subit et
l'arrivée d'acteurs non-étatiques, font émerger la nécessité d'aborder le pouvoir
autrement (Pierre et Peters, 2000). La crise pétrolière de 1973 servira de ju~tification
à ce changement d'orientation. Le concept de gouvernance est alors récupéré du
milieu des affaires et servira dès lors à justifier le changement d'idéologie et
l'adoption d'une approche managériale dans les pouvoirs publics à travers
l'adaptation de la politique à l'économie. Cette transfonnation « signifie un pouvoir
des marchés qui s'impose au pouvoir politique» (Baron, 2003, p. 336) et donc, une
transfonnation des relations sociopolitiques.
Néanmoins, c'est réellement sous l'impulsion de la mondialisation que le
concept de gouvernance réussit à s'imposer à l'échelle de la planète. La
mondialisation des activités économiques et culturelles provoque la montée en force
d'acteurs multilatéraux et un redimensionnement du pouvoir des États (Brenner,
2004). Les conséquences de ce repositionnement sont multiples. Cependant, le
recentrage du pouvoir autour d'acteurs non étatiques et donc, l'émergence de cette
nouvelle fonne de gouverne des sociétés (Broadhead, 1996) est un élément majeur.
L'apparition de nouvelles valeurs et le développement d'identités transnationales
(citoyen du monde) participent grandement à la création de nouvelles fonnes de
mobilisation. À cet effet, la Commission On Global Governance (1995) souligne sur
son site Internet que "the enorrnous growth in people's concern for human rights,
equity, democracy, meeting basic material needs, environmental protection, and
demilitarization has today produced a multitude of new actors who can contribute to
governance".
43
Vers la fin des années 1980, le concept de gouvernance et la doctrine dont il
est porteur, sont introduits dans les écrits traitant de développement socioéconomique
par les grandes organisations internationales. La gouvernance englobe ainsi une série
de mécanismes et de processus susceptibles de maintenir le système, de
responsabiliser la population et de faire en sorte que la société s'approprie les
processus économiques (PNUD, 1996). La Banque Mondiale, quant à eUe, définit la
gouvernance comme étant « la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des
ressources économiques et sociales d'un pays» (BM, 1994, p. 4). Cette définition
étant assez vague, eUe dOll11e naissance à une série d'interprétations et d'ambiguïtés
qui ont participé à justifier toutes sortes d'interventions politiques et économiques,
principalement dans les pays en développement (PED).
Conjointement, au début des années 1990, les institutions de Bretton Woods5
et d'autres institutions financières adoptent le concept de « bonne gouvernance »,
dont la Banque Mondiale demeure le principal véhicule. L'objectif est d'aider les
PED à se sortir des crises liées à l'échec des ajustements structuraux, notamment, et
de propulser la mondialisation de l'avant. C'est ce que Catherine Baron appelle la
gouvernance prescriptive (2003) et qui est, entre autres, décriée par de nombreux
chefs d'État africains (Ouattara, 2007). « La bonne gouvernance va de pair avec la
domination d'un pôle, celui du Marché, l'État étant le garant de son bon
fonctionnement» (Baron, 2003, p. 341). Cette vision se situe en continuité avec les
idées libérales sur l'économie et ne constitue en rien une alternative à ce modèle. Le
mot s'est donc transformé pour désigner cette « nouvelle gouvernance politique»
(Gaudin, 2002, p. 20) liée à la mondialisation.
5 Les institutions de Bretton Woods sont composées de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), du International finance corporation (IFC) et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Leur objectif principal, tel que présenté sur leur site Internet, est fondé "on the premise that development, international fmancial stability and trade liberalization are enhanced by a close working partnership between the private sector and multilateral institutions" (Bretton Woods Institutions, 2010).
44
La Banque Mondiale enracine la « bonne gouvernance» autour de quatre
idées maîtresses que sont la responsabilisation, la prédictibilité, la participation et la
transparence (World Bank, 2003). En plus d'en appeler à une vision responsable et
inclusive, la « good governance is marked by the absence of corruption and the
absence of abuse of public authority» (World Bank, 2003, p. 32). La bonne
gouvernance prescrit donc aux différents pays, un cadre qui permet de satisfaire aux
exigences des institutions financières internationales (IFI) et ainsi s'insérer dans les
processus de globalisation. La bonne gouvernance sert en quelques sortes à légitimer
les résultats économiques obtenus par les pays.
Toutefois, cette interprétation de la bonne gouvernance se heurte à plusieurs
problèmes d'ordres économique, social et politique. Selon la Banque Mondiale
(2003), dans l'idée de gouvernance, il y a une hiérarchisation des pouvoirs qui doit
s'effectuer et la domination du pôle du marché est présentée comme allant de soi dans
le contexte néolibéral actuel. L'État se trouve alors réduit au rôle de chien de garde
pour assurer le bon fonctionnement des règles économiques (Baron, 2003). Le
concept est donc mis au service du système économique existant pour assurer ou
renforcer sa pérennité au-delà des changements sociaux en cours à l'échelle de la
planète.
Les grandes institutions ne sont pas les seules à avoir utilisé le concept de
gouvernance pour aborder les transformations des sociétés modernes. En effet, dès les
années 1970, les politologues en font un véritable champ de recherche dans lequel
sont analysées, à travers le temps, les transformations de l'État et les régulations
politiques. Dans le Dictionnaire de géographie, Le Galès (2003, p. 423) définit la
gouvernance comme un concept qui
45
renvoie alors à l'ensemble d'institutions, de réseaux de directives, de réglementations, de normes, d'usages politiques et sociaux, d'acteurs publics et privés qui contribuent à la stabilité d'une société et d'un régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger, à la capacité de fournir des services et à assurer sa légitimité.
Cette définition a le mérite d'embrasser largement le concept de gouvernance sans le
restreindre à un outil prescriptif. Par ailleurs, elle ne met pas la priorité sur un groupe
au détriment d'un autre; le focus est le collectif et la capacité à intégrer et à
représenter les intérêts locaux.
Sur son site Internet, la COlrunission On Global Governance (1995), définit la
gouvernance comme étant « la somme des différentes façons dont les individus et les
institutions, publiques et privées, gèrent leurs affaires communes ». Comme le note
De Benoist (2009, p. 5), cette définition repose sur un double postulat: « celui de la
rationalité intéressée des agents et celui de la supériorité paradigmatique du marché ».
Une supériorité de plus en plus difficile à contester avec le glissement qui s'opère
d'une gouvernance encadrée par des normes juridiques vers une autre qui serait
encadrée par des normes techniques issues des intérêts privés (Brugvin, 2006).
L'efficacité se substituant à tout autre critère pour cautionner une idée ou un projet
(lnsel, 2005), il apparaît alors difficile d'échapper aux impératifs économiques.
En effet, plusieurs auteurs perçoivent la gouvernance comme un outil idéal
pour mettre de l'avant les valeurs libérales.
En fait, derrière une apparente neutralité la gouvernance est devenue le vecteur d'une idéologie qui réduit toute distance entre deux types de rationalité: une rationalité d'expression des besoins de la part d'une population, et une autre rationalité en termes d'efficacité quant au choix et à l'application des moyens. Ce qui revient en définitive à mêler deux plans : celui de la politique et celui de la gestion (Guillon, 2005, p. 10).
46
Ce rapprochement croissant entre le politique et l'économique - voire un
glissement de l'un à l'autre - tend en effet à diluer le pouvoir de l'État, et donc du
collectif, au profit du particularisme et des intérêts individuels. En d'autres mots,
l'État devient l'arbitre des intérêts particuliers des différents groupes qui s'affrontent.
Déjà dans son livre Pourquoi la gouvernance ?, Gaudin (2002, p. Il) soulève la
montée en puissance de la gouvernance et « comment on tente actuellement, à travers
le monde entier, de légitimer de nouveaux rapports entre la politique et l'économie ».
En fait, ~es nouveaux rapports transforment la structure du pouvoir en misant
davantage sur le partenariat et la coopération entre secteur public et secteur privé. Le
décloisOimement de ces deux sphères permet de « diffuser les principes du
management de l'entreprise au sein même du secteur public» (Gaudin, 2002, p. 18)
alors même que l'État social est remis en cause.
Le Galès (1998, p. 206) souligne encore que:
pour des marxistes comme David Harvey (1989), la nouvelle phase de développement capitaliste qui se traduit par la mobilité accrue du capital, lui donne un avantage décisif sur les structures sociales et politiques immobiles comme les États, ou les groupes sociaux enracinés sur un territoire.
Le territoire traduit en fait la transformation réelle qui s'opère au sein des
régulations politiques et constitue un concept extrêmement pertinent dans l'analyse
de la gouvernance. Nous y revenons plus loin.
Ainsi, pour ses détracteurs la gouvernance génère une lecture technique du
politique. La domination du monde de la technique sert à départager ceux qui
possèdent la connaissance technique, (;lt donc par le fait même le pouvoir, de ceux qui
l'ignorent et doivent s'y soumettre (Ellul, 1980, 1990). Certains avancent même
qu'elle dénature la démocratie en délégitimant la représentativité au profit d'une
molle participation, d'une dilution des enjeux et l'atomisation des problèmes
(Bourmaud, 2006).
47
Une chose est certaine: il y a un passage qui s'opère d'une « vision hiérarchique»
du pouvoir vers une « vision hybride de différentes structures de pouvoir» (Baron,
2003, p. 333; Goxe, 2007). Ce glissement propulse la gouvernance comme une
alternative au tenne « gouvernement» pour noter l'écart entre le modèle de l'État
central et celui de l'État partenaire. Ce « mode consensuel de gestion» (Brunelle,
2007, p. 5), tel que théorisé et idéalisé, pennet d'élargir la notion de pouvoir et les
citoyens passent d'un statut d'administrés à celui d'acteurs. Ainsi, selon Stoker
(1998) la gouvernance réfère davantage aux transfonnations du rôle des
gouvernements, aux relations de pouvoirs qui existent dans une société et aux
interactions entre les acteurs dotés de pouvoir.
L'importante mobilisation intellectuelle autour de ce concept est déroutante. Plus
encore le sont les écarts d'interprétation qui existent entre les définitions et leur
opérationnalisation. En ce qui concerne nos travaux, nous nous éloignons d'une
définition technique - telle que promue par la Banque Mondiale et d'autres grandes
organisations internationales - et voyons en la gouvernance « un renouvellement
d'approche pour les sciences sociales» (Froger, 2006, p. 27). Ainsi, tentons-nous de
voir comment la gouvernance elle-même peut constituer un outil qui laisse plus de
place aux questions posées à l'échelle locale, notanunent en ce qui concerne le
développement durable des communautés rurales.
Ainsi, pour nous, la gouvernance n'est ni nonnative ni prescriptive et n'est
certainement pas au service de l'efficacité économique et de la sécurisation des règles
du marché. Elle est, en fait, un outil au service des collectivités. À une logique
managériale, telle que prônée par la Banque Mondiale, est substituée une approche
sociale qui pennet d'envisager l'articulation de l'État, de la société civile et du
marché aux différentes échelles territoriales. Dès lors, la gouvernance est abordée
comme une « structure de type réseau» (Baron, 2003 ; Ost, 2004), ce qui transfonne
par le fait même l'inscription spatiale, voire territoriale, du pouvoir. L'horizontalité
des rapports de pouvoir qui aurait pour conséquence la dilution du lieu de débat et de
48
pouvoir (Insel, 2005), peut aussi constituer le terreau d'un renouvellement de la
démocratie en impliquant davantage la société civile dans les processus de
développement. La gouvernance permet de tracer une multitude de directions et de
voies que peuvent emprunter les acteurs territoriaux.
Si notre désir est de nous éloigner d'une terminologie technique pour adopter une
approche interactive, c'est que nous croyons que la gouvernance peut constituer un
moyen réformateur de la société et un outil politique opérationnel. Les risques de
dilution du « collectif» au profit des particularités locales ou individuelles (Insel,
2005) doivent servir à bâtir un espace de négociati,on qui refonde la démocratie sur
une approche participative. Il n'est toutefois pas ici question de s'éloigner des
principes de représentativité, qui constituent la base de la démocratie, mais bien de
permettre de pallier aux échecs ou aux faiblesses de l'État dans son rôle d'agent
innovateur.
Toutefois, nous n'adhérons pas à la thèse qui voudrait que l'État soit mort ou vidé
de sa substance (Badie, 1995). Les transformations auxquelles il est actuellement
confronté - et ce depuis déjà plus de 20 ans - mettent en lumière sa capacité à
renégocier et redéfinir ses relations entre public, privé et société civile dans des
cycles permanents (Laroussi, 2007). Le Galès (1998, p. 231) souligne notamment
que dans le jeu des recompositions entre État, marché et société civile, qui se traduit notamment par des brouillages des frontières, l'extension de la logique du marché, y compris dans la sphère publique, conduit à une demande d'organisation politique et sociale à des niveaux autres que le niveau national, notamment sur certains territoires.
Nous nous concentrons sur une intégration - harmonisation - des perspectives
verticale et horizontale: à « la logique descendante liée au processus classique de
gouvernement se combine une logique ascendante de la société c)vile vers les centres
du pouvoir politique» (Courlet et Ferguène, 2004, p. 17). La gouvernance n'est donc
49
pas entendue comme une nouvelle conception de l'État, ni comme son substitut, mais
plutôt comme un espace d'expression, une ouverture à l'échelle locale pour des
initiatives de la société civile, une porte au dialogue, mais en rien elle ne constitue un
substitut à l'État.
Ainsi, dans le cadre de cette étude, nous abordons tout à la fois la gouvernance
comme un outil de changement et de réfonne sur les plans social et politique (Stoker,
1998) et comme un espace de dialogue entre les parties prenantes qui, à travers les
réseaux qu'elles mettent en place, développent de nouvelles fonnes de mobilisation
collective et d'expression citoyenne.
La gouvernance nous interpelle donc comme étant potentiellement un véritable
moteur de changement. Voyons maintenant comment nous opérationnalisons le
concept dans le cadre de cette recherche. Pour ce faire, il est question du territoire et
de l'importance qu'il occupe dans le cadre du développement des communautés.
L'approche territoriale privilégiée ici permet de mettre en lumière la nécessité
d'inclure la gouvernance comme moyen d'intégration horizontale des différents
acteurs territoriaux.
2.4.2 La gouvernance et le territoire
Nous avons vu jusqu'à présent com,ment la gouvernance tend à s'imposer
comme fonne de régulation, mais aussi comme modèle de mise en relation des
différents systèmes économique, social et politique. Toutefois, il importe de voir
comment ces processus s'expriment dans l'espace et dans le temps et en quoi ils
requièrent une approche renouvelée des dynamiques territoriales. Il s'agit maintenant
de définir ce que nous entendons par territoire avant de voir en quoi il est pertinent
dans la perspective que nous adoptons.
50
Le territoire correspond d'abord et avant tout à un « espace socialisé» (Lévy,
2003, p. 907). Il n'est pas réductible à un morceau de nation ou de région comme le
souligne Pecqueur (2004), mais repose justement sur un construit social qui est à la
fois symbolique et matériel.
Le territoire est l'expression d'une communauté et des formes d'organisation
que mettent en place les acteurs qui en font partie (Courlet et Ferguène, 2004). À
travers les agencements qu'il crée entre la nature et ses ressources, et la culture et ses
identités, le territoire est structurant. En d'autres mots, il est « un espace structuré,
occupé, régulé, développé et aménagé par une collectivité, et qui joue un rôle à la fois
de cadre et d'acteur dans la reproduction de celle-ci» (Klein, 2008, p. 317). Mais
comment le territoire agit-il?
L'émergence de la gouvernance repose sur les transformations dans les
régulations politiques et économiques à l'échelle mondiale et, plus particulièrement,
de la multiplication des acteurs impliqués dans cette régulation. Si ces
transformations ont eu un impact sur le plan politique, il en a été de même sur le plan
territorial. À l'État-nation est associée l'idée de territoire-nation. Aujourd'hui, si
l'État demeure mais que son pouvoir est transformé, qu'en est-il de son territoire?
Si la forme stato-centrée de l'État-nation révélait un territoire construit autour
des rapports à l'État, donc un territoire structuré avec une logique hiérarchique
verticale (Brenner, 1999), cette forme se révèle aujourd'hui plurielle, structurée
maintenant avec une logique davantage horizontale. Cette rupture laisse place à une
territorialité multiscalaire et réticulaire (Brenner, 1999) qui organise le
développement et la gouvernance autour de nouvelles variables, notamment en termes
de temps et d'espace (Beaurain, 2003).
Le Galès (1998, p. 203) note qu'actuellement «la régression du pouvoir
politique prend plusieurs formes. Les gouvernements doivent satisfaire aujourd'hui
deux électorats: leur électorat national et le marché international des capitaux». Or,
51
ces deux électorats correspondent à deux espaces bien distincts: dans le premier cas
il s'agit du territoire national, alors que dans le second, le territoire est mouvant et ses
frontières sont incertaines. Il en découle une multiplication des territoires de pouvoir,
des interactions ponctuelles et non-linéaires ainsi que la mobilité de ces territoires
dans le temps et dans l'espace.
Or, si les territoires ne sont ni statiques dans l'espace, ni immuables dans le
temps, c'est qu'ils sont mouvants. Mais sous quelle impulsion se transforment-ils? La
mobilité accrue des capitaux, des personnes, des biens, des communications et de
l'information est un premier témoin de nouvelles dynamiques entre les échelles locale
et globale. Cette mondialisation s'inscrit en complément d'un nouveau régionalisme
qui voit dans le local le «cadre de référence pour les politiques et stratégies de
développement, remplaçant ainsi le cadre national» (Klein, 2008, p. 320). Il faut voir
dans ce glissement, du national au local, à la fois une volonté des nouveaux acteurs
du développement (société civile, organisations locales, citoyens ... ) et les
conséquences d'un changement de paradigme. En effet, les perspectives de
développement local sont concomitantes à l'émergence du paradigme postfordiste qui
prône une régulation décentralisée, mais aussi une approche partenariale dans la
négociation (Duménil, 2000).
Par ailleurs, cette décentralisation a joué un rôle important dans le
développement de nouvelles territorialités et d'une conception de la régulation du
territoire à l'échelle régionale en lieu et place d'une approche nationale (Boyer,
1992). Conséquemment, ce déplacement de l'espace de gouvernance s'articule à la
mise en réseaux des acteurs territoriaux. Ceux-ci, dans une approche consensuelle,
sont appelés à formuler un sens à leur développement, à construire leurs stratégies et
à en assurer la légitimité. Catlla (2007, p. 101) note toutefois qu'une transformation
des acteurs doit avoir lieu pour produire une gouvernance territoriale, ainsi «les
conditions pour qu'une régulation territorialisée apparaisse restent fragiles: contexte
marqué par des relations sociales peu conflictuelles, engagement des acteurs,
52
existence d'un projet commun, etc. ». Mais ce renouvellement des modalités du
pouvoir et de structuration des acteurs sous forme réticulaire tend p'arfois à
l'idéalisme, comme le souligne Hufty (2007, p. 23) : « orientée vers la coopération
entre les acteurs, elle [la gouvernance] minimise la dimension conflictuelle des
sociétés humaines ».
Maintenant, si les échelles spatiales traditionnelles de régulation sont
largement remises en cause et que les acteurs ont adopté de nouvelles logiques de
coopération et de confrontation, comment la dynamique s'établissant entre le local et
le global peut-elle favoriser l'utilisation de la gouvernance comme mode de
régulation?
Ancrer la gouvernance sur le territoire permet d'articuler les échelles d'action
et donc, d'adopter une vision holistique qui tienne' compte de la nouvelle
configuration des espaces de coordination en réseaux. Dans plusieurs domaines,
notamment l'environnement, cette vision globale devient essentielle pour comprendre
et analyser les « interactions croissantes entre plusieurs territoires» (Beaurain, 2003,
p. 5). L'espace devenant ainsi un facteur central dans le processus décisionnel. Dès
lors, le territoire n'est plus essentiellement défini par ses caractéristiques
géographiques, mais bien par l'expression des médiations qui s'y déploient.
2.4.3 Le développement durable
Le concept de développement durable conjugue deux termes ayant un
historique et un corpus référentiel distincts. Le terme développement évoque
« l'action d'un déploiement» (Cadène, 2003, p. 245) et trouve ses origines au XVIIIe
siècle avec l'idée de progrès, période pendant laquelle il est souvent associé à la
doctrine capitaliste de croissance illimitée. Ces modèles économiques fondés sur
l'idée que la croissance doit être illimitée et sur « le grand récit de l'amélioration »,
pour reprendre l'expression de Berthoud (1995), ont été largement remis en question
53
par nombre de chercheurs car ils vont à l'encontre du but recherché puisqu'ils
menacent de détruire la base des ressources dont ils dépendent.
Devant les crises sociales, environnementales et économiques qui affectent le
système actuel, le concept de développement a été couplé à la notion de temporalité.
Le développement ne peut pas simplement répondre à des besoins immédiats, il doit
être envisagé en fonction d'un temps, le futur. C'est dans les années 1980 que le
terme développement durable fait son apparition, suite à la parution du rapport
Brundtland (C!'v1ED, 1988) qui établit un diagnostic quant aux problèmes
environnementaux, sociaux et de développement qui affectent les sociétés humaines.
La définition du développement durable qu'apporte la Commission mondiale sur
l'environnement et le développement (CMED) s'attaque aux iniquités
intergénérationnelles et intra-générationnelles. Elle spécifie qu'un développement est
dit durable « s'il répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs» (CMED, 1988, p. 51). Ce rapport donne
la première définition officielle du développement durable. De cette proposition
découlent trois objectifs fondamentaux le maintien de l'intégrité de
l'environnement, l'amélioration de l'équité sociale et de la qualité de vie et
l'amélioration de l'efficacité économique.
Toutefois, une multitude de questions demeurent ouvertes. Nous nous
contentons ici de n'en souligner qu'une: la gouvernance comme mode de régulation
est-elle adaptée pour répondre aux enjeux soulevés par le développement durable?
Si le développement durable favorise une réflexion circulaire entre les sphères
sociale, économique et environnementale, il n'établit pas de hiérarchie entre ces trois
éléments. Ainsi, la régulation du développement durable se fait en associant les trois
types d'acteurs issus de ces sphères: acteurs étatiques, privés et sociaux. Si la
gouvernance désigne une nouvelle manière de les mettre en relation, peut-elle
54
favoriser la mise en place des politiques du développement durable? Goxe (2007, p.
157) avance que
la gouvernance territoriale favoriserait ainsi la diffusion du paradigme de développement durable par appropriation-culturation des acteurs, ce que soulignent les nombreux ouvrages et documents de méthodologie à destination des collectivités souhaitant s'engager dans l'élaboration d'un Agenda 21 local.
Ainsi, le développement durable s'accorde à la logique de modernisation de J'action
publique avec « l'ouverture des cercles de décision aux acteurs privés (entreprises,
associations, habitants...). Une nouvelle culture de management de l'action publique,
plus participative ou concertée, est ainsi appelée à s'instituer» (Goxe, 2007, p. 160).
Le rapprochement que fait Goxe entre gouvernance et développement durable repose
sur un mode opérationnel des deux concepts, à savoir qu'ils concernent des « outils
de l'interaction non hiérarchique» (Theys, 2003, p. 4). Ils ont pour objectif la
mobilisation de la société entière autour d'enjeux à toutes les échelles - du local au
global.
En somme, comme le souligne d'entrée de jeu Vivien (2005, p. 5), « plutôt
qu'une solution, le développement soutenable apparaît avant tout comme un
problème ». Ainsi, un reproche formulé à l'approche économiste est qu'elle idéalise
la possibilité de substituer la nature (le capital naturel) par la technologie (le capital
artificiel). Cependant, toujours dans le domaine économique, Hatem (1990, p. 107)
définit le développement durable comme un
catalyseur à une prise de conscience écologique qui se concrétise par des innovations intéressantes tant en matière d'instruments d'analyse, de prévision et d'information, que de mise en place de politiques intégrées de l'environnement au niveau national et international.
Nous avons donc choisi d'utiliser ce concept parce qu'il permet, dans le
contexte particulier de notre zone d'étude, d'établir la durabilité des choix de
55
développement qui sont élaborés par les acteurs associatifs. Ainsi, le développement
durable « s'inscrit non seulement dans le prolongement des débats sur· le
développement, mais également dans la revendication pour une autre mondialisation
basée sur des projets de société ou des modèles de développement alternatifs»
(Gendron, 2006).
2.4.4 Arrimage de la gouvernance et du développement durable
La gouvernance, telle que nous l'avons présentée dans la section 2.4.1,
mobilise de façon momentanée des forces humaines concernées autour d'enjeux
divers. Toutefois, la gouvernance locale peut parfois engendrer des conflits aux autres
échelles. Comme le remarque Froger (2006), les préoccupations locales sont souvent
orientées selon les financements offerts et ne reflètent pas nécessairement les
nécessités écologiques, ni même les besoins sociaux prioritaires. Il s'en suit un
décalage entre le cadre national et les mesures sectorielles adoptées aux échelles
inférieures. L'écart créé peut alors entraver la perspective du développement durable.
La gouvernance locale n'implique donc pas nécessairemen~ une prise en
considération large du problème, mais plus souvent qu'autrement, elle se cantonne
dans une perspective limitée à son échelle. Afin d'orchestrer une logique territoriale
durable, il faut alors envisager un arrimage des gouvernances locales aux
gouvernances plus globales. En somme, si le développement durable appelle à une
vision globale des problèmes, il nécessite aussi un mode de régulation qui soit plus
global que le niveau local.
Paradoxalement, à l'heure actuelle, une particularité dans la gouvernance des
ressources naturelles, et même de l'environnement de façon plus large, est
l'augmentation significative du rôle attribué aux communautés locales (Bied et al.,
2006). Le champ du développement durable est exemplaire de cette tendance. AJors
même que la notion de développement durable appelle à une mobilisation d'échelle
56
planétaire, c'est l'échelon local qui se trouve le plus mobilisé. Ce phénomène est
attribuable à la nature des changements politiques et économiques qui ont cours à
l'échelle du globe et qui profitent aux territoires locaux, c'est-à-dire qu'il règne un
certain pessimisme quant à la possibilité d'une gouvernance mondiale de
l'environnement (Theys, 2003) et que, par le fait même, l'échelon local se trouve le
plus facilement mobilisable. Cette nouvelle configuration des rôles et des pouvoirs
met en lumière une sorte de forme hybride que prend la gouvernance liée aux
ressources naturelles et à l'environnement.
Toutefois, si la gouvernance, de par ses mécanismes participatifs et sa
capacité à territorialiser les enjeux, permet une meilleure diffusion et appropriation
des termes du développement durable aux échelles locale, régionale et même
nationale (Goxe, 2007), elle demeure néanmoins un outil fort fragile devant le
système international - soumis à 'des phénomènes de domination -, mais aussi devant
les « non-mobilisés» qui représentent généralement une large majorité de la
population. En substance, comment inclure dans un processus participatif ceux et
celles quine participent pas?
Sur cette question, Theys (2003, p. Il) renchérit que
l'extraordinaire éclatement des enjeux et des pouvoirs impliqués dans les problématiques écologiques suppose des mécanismes de coordination non hiérarchiques de plus en plus sophistiqués - procédures de négociation, système de partenariat et de contrats, conventions internationales, instruments de médiation, mécanismes de marché (marché de droit à polluer... ), accords de subsidiarité ... qui sont pour beaucoup de praticiens, au centre de la notion de gouvernance.
L'enjeu ici est d'orchestrer la redistribution des pouvoirs et des rôles entre les
acteurs afin de permettre une coordination optimale des moyens. Mais pour que
s'opère ce transfert de responsabilités vers la société civile, encore faut-il que celle-ci
soit en mesure d'en assumer le contrôle. En effet, le développement durable réfère
tout à la fois à des perspectives économiques, politiques, sociales et écologiques qui
57
requièrent de plus en plus de connaissances techniques qui ne sont pas toujours
disponibles à l'échelle locale.'
Dans le cas particulier du Maroc, cet écart entre les échelons local et national
sur les perspectives de développement durable s'explique par un certain retard dans
l'implication de la société civile dans le système décisionnel. En effet, la
décentralisation, qui s'accompagne plus largement d'une ouverture politique, est
récente dans l'histoire du pays et les efforts en ce sens rencontrent encore plusieurs
difficultés.
2.4.5 La décentralisation au Maroc
La décentralisation existe en opposition et en relation avec la centralisation. Il
est donc important de lire à la fois le processus, mais aussi l'aspect relationnel qui lie
ces deux conceptions du mode de régulation de l'État. Dans la centralisation, l'État
s'approprie le territoire et ses ressources et déploie des forces centripètes qui
favorisent l'unité étatique (Baguenard, 2004).
La décentralisation, quant à elle, est premièrement politique puisse qu'elle
engage l'État dans un processus qui consiste à « transférer une part [de ses] pouvoirs
à des entités politiques ou administrations d'échelon inférieur» (Lévy et Lussault,
2003, p. 225). Ce rééchelonnement de l'État (Brenner, 2004) et donc, du pouvoir,
peut donner lieu à de multiples formes de régulation selon le lieu où il se produit, la
rapidité ou l'ampleur de sa transformation. Cette transformation de la sphère politique
ne peut être associée à une décentralisation qu'à condition
que les affaires locales soient prises en charge par des autorités indépendantes du pouvoir central, c'est-à-dire des organes locaux qui puissent exercer leurs responsabilités sans craindre à tout moment qu'il soit mis fin à leurs fonctions, temporairement ou définitivement, à la discrétion du pouvoir central (Baguenard, 2004, p. 45).
58
Au Maroc, le processus de décentralisation a été renforcé par la création de la
Région. Celle-ci se distingue comme un « nouvel espace de débat, de concertation et
de formation à la chose publique [qui] doit indubitablement permettre encore
davantage l'ancrage de la démocratie au niveau local grâce à une plus large prise en
charge par les citoyens eux-mêmes de leurs affaires» (Trésorerie générale du
Royaume, 1997, p. 1).
La décentralisation est donc territoriale puisqu'elle induit des processus de
déterritorialisation et de reterritorialisation qui restructurent l'espace en fonction de
nouveaux réseaux de pouvoir. Cette dynamique correspond à l'ensemble des
procédures à travers lesquelles un territoire se forme et évolue. L'enjeu central est
donc celui du territoire, de son expression à travers des rapports de pouvoir qui le
traversent sur le plan politique, culturel et social (Lévy et Lussault, 2003).
Au Maroc, pays à forte tradition centralisatrice, l'aspect territorial de la
décentralisation s'appuie sur la notion de collectivité territoriale qui se définit comme
étant (1) l'expression d'une portion de territoire dont les facteurs sociaux en
déterminent les limites géographiques, (2) qui se constitue en personne morale de
droit public ayant des organes de fonctionnement qui lui sont propres, mais qui ne
remettent pas en cause l'existence de l'État et (3) dont ses compétences doivent
assurer la gestion des affaires dans un intérêt commun selon la Loi (Ministère de
l'Intérieur, 2004). Cette définition trace les limites juridiques et politiques dans
lesquelles évoluent les collectivités territoriales.
Si la décentralisation occupe une place importante dans nos travaux, c'est
qu'elle est à l'origine de transformations fondamentales dans l'organisation de la
société marocaine sur un troisième plan, celui du social. L'évolution des modes de
pensée et de vie, ainsi que l'essor de la mondialisation en tant que vaste phénomène
de libéralisation et de dérégulation économique et politique, a eu de multiples
59
conséquences sur la conception et l'encadrement du développement social.
L'affirmation de la démocratie, notamment dans la gestion des affaires locales, et
l'émergence d'un tissu associatif plus ancré dans la vie politique, constituent deux
éléments qui donnent aujourd'hui à la société civile une plus grande liberté
d'expression (Zyani, 2002). De plus, c'est dans ce contexte de redéfinition de l'État
qu'est apparu « le concept de participation des citoyens, en tant que partie concernée
par les actions de développement. Ce concept trouve dans les associations, les
coopératives et les mutuelles ses composantes essentielles» (Ministère de la
Prévision économique et du Plan, 2000, p. 73).
L'approche participative est liée à la volonté du gouvernement dans les années 1990
de se désengager de plusieurs de ses fonctions administratives jugées trop onéreuses:
des premiers « partenariats» sont créés entre le gouvernement, les autorités locales et
les bénéficiaires afin de se partager la gestion des programmes nationaux
d'infrastructures de base (Bergh, 2009). Ils concernent d'abord l'approvisionnement
en eau potable (PAGER), en électricité (PERG) et la construction de routes (PNRR).
Cette approche donne lieu, dans le secteur de l'irrigation, à l'organisation des
agriculteurs en Associations d'usagers de l'eau agricole (AUEA). Si la
décentralisation donne plus de place à l'échelon local, c'est en bonne partie parce que
cela allège le fardeau économique et organisationnel de l'État, tout en satisfaisant les
organisations internationales et les Organisations non-gouvernementales (ONG) qui
réclament la constitution de structures locales de gouvernance de même que les
organismes subventionnaires.
CHAPITRE III
CADRE OPÉRATOIRE ET DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
Ce chapitre a pour objectif d'exposer le cadre opératoire de notre recherche amsl que la démarche méthodologique qui a été utilisée pour la réaliser. Nous présentons les variables et les indicateurs qui nous ont permis de répondre avec précision à notre hypothèse. Par la suite, sont présentés les méthodes de collecte, de traitement et d'analyse des données.
3.1 Type de recherche
Tout travail scientifique doit opter pour une méthode de recherche qui
coïncide avec son objet d'étude (Bédard, 2009). Notre démarche vise à étoffer la
compréhension que nous avons du renouvellement des acteurs sociaux comme
vecteur d'une gouvernance territoriale. Cet objectif correspond donc à une recherche
de type fondamental puisse qu'elle aura pour finalité de participer à l'avancement des
connaissances dans ce domaine précis. La recherche fondamentale peut toutefois être
théorique ou empirique. Dans le premier cas, elle s'inspire du modèle logico-déductif
61
et met l'accent sur « un effort de conceptualisation» (Tremblay, 1968, p. 58). Dans
le deuxième cas, elle s'inspire d'une méthode inductive, donc « entièrement fondée
sur l'observation de la réalité» (ibid., p. 63). Notre démarche est de type hypothético
déductif puisse qu'elle vise à confronter et vérifier nos hypothèses à la réalité du
terrain. Ainsi, nous avons mis à l'épreuve nos hypothèses à travers une série
d'observations réalisées directement sur le terrain.
3.2 Structure de la preuve
La structure de la preuve permet d'établir la manière dont seront confirmées
ou infirmées les hypothèses (Bédard, 2009). S'il existe plusieurs stratégies pour
effectuer cette vérification des hypothèses, elles ne s'appliquent pas toutes à la
géographie et encore moins à notre sujet de recherche. Notre travail repose d'abord
sur une étude de cas qui vise à « étudier des phénomènes contemporains dans leur
réalité» (ibid., p.83). Pour ce faire, nous avons retenu un certain nombre de variables
et d'indicateurs afin d'éviter de laisser une trop grande place à la subjectivité, ce qui
est un risque dans une analyse qualitative. Ces indicateurs et variables permettent
d'établir avec précision le cadre dans lequel se déroulera l'étude. Ils fournissent une
grille de lecture de la réalité qui nous permet la « vérification la plus complète
possible de l'hypothèse» (Mace dans Bédard, 2009, p. 82).
3.3 Cadre spatio-temporel
Afin de préciser nos paramètres de recherche et de leur assurer une « validité
interne et externe» nous avons établi un cadre spatio-temporel restreint qui permet
d'éviter les dérives dans les observations faites sur le terrain. Notre étude se limite
donc aux communautés établies dans les palmeraies le long de l'oued Ziz, à l'aval du
barrage Hassan Addakhil, ce cadre spatial conférant une certaine homogénéité quant
aux milieux de vie des répondants.
62
Par ailleurs, notre étude se concentre sur la période récente, soit de 1990 à
2009 (date de notre cueillette de données sur le terrain). Cet intervalle correspond aux
changements qui ont eu lieu tant dans le domaine hydraulique au Maroc, avec la
promulgation de la loi n010-95 sur l'eau6, par exemple, que dans le domaine de la
société civile, avec l'avènement d'une plus grande liberté d'expression, comme le
démontre l'émergence du tissu associatif et de l'idée de gouvernance locale. À
l'échelle mondiale, les années 1990 marquent le passage vers une nouvelle approche
du développement et l'intensification de la mondialisation de l'économie.
3.4 Variables et indicateurs
Après· avoir présenté le cadre général dans lequel est testée notre hypothèse, il
convient maintenant de lui donner une structure plus « opératoire ». Cette étape vise à
minimiser la part de la subjectivité dans l'analyse qualitative que nous effectuons. Le
cadre opératoire permet d'assurer « le passage de la théorie à la vérification, ou des
hypothèses à la mesure empirique» (Bédard, 2009, p. 67). Pour ce faire, nous partons
de notre concept central, la gouvernance, pour en affiner la compréhension dans le
contexte spécifique de notre lieu d'étude, les palmeraies de la vallée du Ziz au Maroc.
Ainsi, nous parlons de gouvernance à l'aide de trois « variables» qui permettent de
traduire le plus adéquatement possible la complexité de ce concept. Les variables sont
« les principales dimensions du concept» (Tremblay, 1968, p. 84) et elles permettent
d'en distinguer les différents aspects. Elles sont détaillées par des « indicateurs» qui
eux sont des « éléments concrets directement observables» (ibid.). Cette mesure, que
6 La loi n° 10-95 sur l'eau marque un tournant dans la gestion des ressources hydrologiques au Maroc. Elle intègre tous les textes juridiques concernant l'eau et met de l'avant une politique basée sur la gestion de la demande et la protection de la ressource. Elle vise par ailleurs à en décentraliser la gestion à travers des agences de bassin versant et à renforcer la participation des usagers (principalement les agriculteurs), des collectivités locales et du secteur privé dans les différents aménagements. Tous ces ajustements ont pour objectif de répondre aux nouvelles contraintes que pose la ressourœen eau, à savoir sa raréfaction, sa pollution et les pressions démographiques qui s'exercent sur elle (Royaume du Maroc, 1995).
63
pennettent les indicateurs, participe à la vérification de notre hypothèse et minimise
la marge d'erreur dans l'interprétation des résultats.
Notre cadre opératoire est présenté dans le tableau 3.1. Notre concept central,
la gouvernance, est situé à gauche. C'est ce concept, comme nous l'avons présenté
dans la section 2.4.1, qui pennet d'appréhender la dynamique territoriale de dé
marginalisation et de développement mise en œuvre par les initiatives citoyennes. La
gouvernance sera découpée selon trois dimensions: les acteurs, l'espace et le temps.
L'utilisation des acteurs comme variable nous pennet de préciser qui est
impliqué dans la mise en place de la gouvernance territoriale. Nous cherchons donc à
présenter le nombre, le type, le sexe et l'âge des acteurs. Ces indicateurs qualifient de
manière assez précise la nature des acteurs qui jouent un rôle dans l'émergence des
initiatives.
Nous avons aussi utilisé la variable espace qui nous pennet de situer à la fois
où physiquement se déroule la mobilisation citoyenne qui appelle à une gouvernance
renouvelée, mais aussi où cette gouvernance est vécue. Pour répondre à notre premier
où, nous avons mis à profit des indicateurs de lieu: nombre de communes ainsi que
situation géographique de ces lieux au sein de notre zone. Puis nous avons caractérisé
notre deuxième où à partir des indicateurs suivant: type de milieu (selon le degré de
pauvreté, le degré de marginalisation, la composition sociale) et type d'espace
(politique, social, économique, etc.).
Finalement, la variable temps a pennis de situer quand et depuis combien de
temps ces initiatives opèrent-elles sur le territoire à l'étude, ce qui nous donne une
indication quant à leur pérennité et à la capacité d'action des acteurs. Le temps est
décrit en fonction du nombre d'années, mais aussi du nombre de projets ou
d'initiatives mis en place. Ce dernier élément pennet d'éviter de conclure qu'une
association qui aurait dix ans d'existence, mais aucune réalisation à son actif, serait
64
plus performante qu'une autre qui n'a que deux années d'existence, mais dont les
projets se multiplient sans cesse.
Tableau 3.1 : Cadre opératoire
Concept· Variables Indicateurs
Nombre
Type Acteurs
Sexe
Age
Nombre de communes
Gouvernance Espace physique Situation géographique de ces lieux au sein de notre zone
Type de milieu Espace vécu
Type d'espace
Durée (mois/année) Temps
Nombre de projets réalisés
Conception: Magalie Quintal, 2010
3.5 Démarche méthodologique
Afin d'identifier et d'analyser les effets de l'action collective et des
transformations sociales sur la gouvernance territoriale et le développement durable
des communautés rurales, il a été nécessaire d'établir une stratégie de recherche qui
nous permette à la fois de recueillir des données et de les analyser de manière
65
pertinente. Notre recherche est avant tout qualitative. Bien que certaines données
quantitatives ont été utilisées (statistiques sur la population, taux d'analphabétisme,
etc.), elles ne constituent pas le matériau de base des analyses. Une recherche
qualitative se distingue par la nature des données qu'elle utilise et qui sont
principalement descriptives (Deslauriers, 1991). Si la recherche quantitative est
généralement plus extensive, celle dite qualitative est plus intensive «en ce qu'elle
s'intéresse surtout à des cas et à des échantillons plus restreints mais étudiés en
profondeur» (ibid., p. 6).
3.5.1 Collectes des données
Nous avons eu recours à deux techniques de collecte de données. En premier
lieu, nous avons procédé à de l'observation documentaire. Des entrevues ont ensuite
été menées. Celles-ci nous ont fourni toutes les précisions nécessaires et nous ont
aidées à éclairer adéquatement notre réflexion.
3.5.1.1 L'observation documentaire
Cette technique, qui est largement répandue au sein des sciences sociales,
consiste en la consultation de sources écrites afin de cerner chacun des aspects de la
recherche. Cette observation documentaire s'est faite à partir de la documentation
officielle provenant d'organismes privés ou publics, telle que celle émanant du
gouvernement marocain et des grandes organisations internationales - ONU,
UNESCO, Banque Mondiale, etc. Dans notre cas, l'analyse de ces sources a été
essentielle puisqu'elle nous a permis de tracer le portrait général de la situation
sociale, politique, économique et environnementale de notre zone d'étude. La
consultation de sondages, de statistiques et de recensements issus d'enquêtes de
grandes envergures nous a grandement aidés à bâtir notre cadre d'analyse.
66
Nous avons aussi eu recours à des articles scientifiques et des livres traitant
directement de thème de recherche ou encore, y touchant d'une façon ou d'une autre.
Ces sources écrites émanent souvent de chercheurs qui sont plus près du terrain et qui
offrent des analyses de cas permettant d'argumenter et de corroborer (ou encore qui
contredisent carrément) les données officielles. Cette triangulation des sources
documentaires permet d'obtenir différents points de vue sur notre thématique de
recherche.
3.6.2 Les entrevues
La réalisation d'entrevues semi-dirigées a été au cœur de notre entreprise de
collecte de données. Une entrevue se définit comme une « interaction limitée et
spécialisée, conduite dans un but spécifique et centrée sur un sujet particulier»
(Deslauriers, 1991, p. 33). Cette technique de collecte d'informations a été privilégiée
parce qu'elle permet une « approche en profondeur de l'être humain» (Bédard, 2009,
p. 106). Comme notre objectif est d'analyser le rôle des acteurs du développement, il
était essentiel de mettre en lumière leurs perceptions et leurs intentions au sujet du
développement et ce, afin de bien cerner l'enjeu de leur mobilisation. À travers ces
entrevues, nous avons dirigé les répondants sur des thèmes précis, mais les questions
leur laissaient suffisamment de place pour exprimer des commentaires ou des
opinions plus larges. Les questionnaires d'entrevue sont présentés à la fin de notre
mémoire (appendices A et B). Ils comportent à la fois des questions qui touchent à la
problématique hydrique, à la situation du milieu rural, mais aussi à des formes de
pouvoir et au rôle des différentes instances de pouvoir.
Tous les répondants étaient appelés à émettre leur opinion et à commenter les
différents sujets des questionnaires. Toutefois, certaines questions et même certains
thèmes ont été abordés de manière beaucoup plus approfondie selon les personnes
interviewées. Ainsi, la structuration des associations ou les revendications des acteurs
67
ont pris peu de place dans les entrevues réalisées auprès des agriculteurs et davantage
de place lorsqu'il s'agissait de membres associatifs, d'employés ou d'élus. Le tableau
3.2 présente les thèmes généraux abordés lors des entrevues.
Par ailleurs, pour différentes raisons (souvent politiques), plusieurs personnes
ont refusé que soient enregistrées les entrevues, ce qui rend impossible une fidèle
reproduction de leurs propos. Toutefois, dans ces cas-là nous avons procédé à une
prise de notes plus exhaustive et à une relecture de ces notes immédiatement après
l'entrevue et ce, afin d'y ajouter toutes nos impressions. Aussi, toutes les personnes
interviewées ont remplies un formulaire de consentement qui leur garantissait
l'anonymat. Le formulaire présentait aussi la recherche de même, il mentionnait les
personnes à contacter pour obtenir plus d'informations sur l'éthique de la recherche et
sur l'utilisation des résultats.
Tableau 3.2 : Structure générale des entrevues
Parties et thèmes abordés
Présentation de la recherche
Présentation du répondant
Milieu rural et développement
L'eau dans tous ces aspects
Structures de pouvoir
Revendications
Conclusion
Conception: Magalie Quintal, 2010
68
Les entrevues réalisées auprès des agriculteurs ou membres d'associations ont
duré en moyenne 25 minutes (la plus longue étant de 50 minutes et la plus courte de
20 minutes). Cependant, les entrevues auprès des responsables d'associations ou des
représentants officiels ont duré en moyenne 39 minutes (la plus longue Ih35 minutes
et la plus courte 18 minutes). Dans l'ensemble, nous avons réalisé 31 entrevues (voir
section 3.7) qui sont présentées dans le tableau 3.3.
69
Tableau 3.3 : Entrevues réalisées en 2009
FONCTION LIEU DATE DUREE (R :réelle,
E :estiméè\ AGRICULTEURS
Représentant des Sél!Uias et agriculteur Aoufous 05/09/09 E: 50rnin Propriétaire d'un puits privé et agriculteur Haadaf 05/09/09 E: 30 min Propriétaire d'un puits privé et agriculteur Touna 04/09/09 E : 20 min
Groupe d'agriculteurs Casbah 09/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Haadaf 05/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Oulad Ali 09/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Ksar Oulad el 09-09-09 E: 20 min
Bahar Groupe d'agriculteurs EJ-Maadid 09/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Ksaquis 09/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Taklwamte 05/09/09 E: 50 min
Propriétaire de deux puits privé Zwiwiva 04/09/09 E: 20 min MEMBRES D'ASSOCIATION
Président de l'association de l'eau Zari Ksar Oulad el 09/09/09 E: 30 min Bahar
Membre de l'association, aide trésorier, association Al·Gara pour la Al-Gara 18109/09 E: 30 min solidarité et le développement Deux membres-responsable et deux adhérents de l'association Attadamoun Meski 27/09/09 E: 50 min
(solidarité) pour le développement Gérant de la coopérative Al Ouaha AOufous 05/09/09 E: 20 min
Président de l'association khattara pour la culture, le spon et l'action sociale Sidi Bouabdillah 27/09/09 E: 20 min Président de la coopérative de poterie Bouia 14/09/09 E: 20 min
Responsable de la division économique et sociale à la Province Errachidia 01110/09 E: 30 min d'Errachidia
Président de l'association provinciale de lutte contre la désertification et Iorf 10/09/09 R: 1 :35 h pour la protection de l'environnement
Président de l'Association Troisième Millénaire pour le Développement et Errachidia 29/09/09 R: 1 :16h l'Action Associative du Sud Est
Madame Bassadek Aisha, présidente Aoufous 18/09/09 R: 20 min Membre de l'association Association Ait Amirra Deux membres-responsable et deux adhérents de l'association Attadamoun Meski 27/09/09 E: 50 min
(solidarité) pour le développement Secrétaire général de l'asoc de développement d'Aoufous Aoufous 18/09/09 R: 41 min Trésorier Si fa 14/09/09 R: 26 min Association Sifa pour le développement rural et l'œuvre sociale Présidente et 'représentante Bouia 13/09/09 R: 18 min Membre de l'Association féminine Al-Mostakabl de culture, l'éducation et développement social Président et un membre Bouia 13/09/09 R: 43 min Association El Amal
Président de l'Association marocaine pour le Contrat mondial de l'eau Rabat 5/10/09 R: 48 min Association espace, oasis Taf~a1el pour le développement Rissani 14/09/09 R: 30 min
Réseau Tafilalet Rissani 14/09/09 R: 58 min AUTRES FONCTIONS
Ingénieur ORMVA-T Errachidia 29/09/09 R: 29 tniri Professeur à l'Université Errachidia, Directeur Centre Tark Ibn Ziad Errachidia 30/09/09 R: 20 min
Vice-président association des droits de l'Homme Errachidia 28/09/09 R: 1 :03
70
3.7 Mode d'échantillonnage des répondants pour les entrevues
La réalisation de cette recherche n'a pas comporté une phase dite exploratoire
qui aurait été réalisée à l'amont de notre travail de cueillette de données sur le terrain.
L'absence de cette étape, qui permet généralement de faire un premier repérage, nous
a donc incités à effectuer un plus grand nombre d'entrevues afin de nous assurer de la
représentativité de notre échantillon. De plus, nous nous sommes intéressés à deux
types d'acteurs à la fois, soit les citoyens (agriculteurs) et les membres associatifs
impliqués dans le développement local. Il a donc fallu sélectionner un nombre
suffisant de répondants pour chaque catégorie d'acteurs, toujours afin d'assurer leur
représentativité. Finalement, notre dernière contrainte a été de s'assurer d'obtenir des
témoignages provenant de l'ensemble de notre zone d'étude.
Afin d'avoir un échantillon représentatif de nos deux catégories d'acteurs,
nous avons dû procéder de manière légèrement différente pour chacune des
catégories. Les répondants issus du milieu agricole ont été sélectionnés de manière
non-probabiliste et selon la technique « boule de neige ». Cette technique
d'échantillonnage « consiste à ajouter à un noyau d'individus tous ceux qui sont en
relation avec eux» (Beaud dans Deslauriers, 1991, p. 58). C'est à partir des
informations collectées auprès des répondants eux-mêmes que nous avons pu bâtir
notre échantillonnage. Ainsi, après avoir rencontré un premier groupe d'agriculteurs,
il nous était possible d'avoir accès à un deuxième groupe d'individus et ainsi de suite.
Pour éviter de demeurer uniquement dans le même réseau d'individus, nous avons
aussi choisi de rencontrer les groupes les plus « connus» dans chaque commune
visitée. Notre critère principal dans la sélection des individus était leur appartenance à
une association. Cette technique comporte cependant des limites. Si elle permet
certaines généralisations, celles-ci demeurent toutefois hypothétiques puisqu'elles
reposent sur nos choix (Bédard, 2009).
En ce qui concerne les acteurs du développement, ils ont aussi été sélectionnés
de manière non probabiliste, mais cette fois-ci, ils ont été retenus parce qu'ils étaient
71
les infonnateurs officiels de leur organisation. Par « infonnateur officiel », nous
entendons une persorme qui « occupe une position stratégique» (Tremblay, 1968, p.
344). Ce type d'infonnateur est essentiel parce qu'il détient des infonnations souvent
cormues de lui seul et qu'il a une large expérience de la situation locale. Dans notre
étude, ces infonnateurs sont principalement des présidents d'association (de
développement social et économique, de protection de l'envirormement et des droits
fondamentaux, etc.) ou des administrateurs de ces associations. Cette méthode a aussi
été utilisée pour les différents représentants des instances gouvernementales (élus,
fonctiormaires).
Notre volonté de « représentabilité » de la population a fortement influencé le
nombre d'entrevues (31). Sur le plan géographique, des entrevues ont été menées
avec des associations locales sur l'ensemble de la zone d'étude afin de mettre en
lumière les enjeux territoriaux qui peuvent être distinct d'un espace à l'autre. Sur le
plan méthodologique, le nombre d'entrevues - réalisées auprès d'associations
correspond environ à 10% des associations existantes, mais un peu moins de 20% des
associations officiellement enregistrées au sein de l'INDH7•
3.8 Teclmique de traitement et d'analyse et interprétation des dormées
À cette étape, l'objectif est de mettre en évidence les liens qui unissent les
différentes dormées recueillies, mais aussi mettre en lumière des relations nouvelles
ou inattendues entre des infonnations. Notre démarche étant essentiellement de nature
qualitative, il a d'abord été nécessaire de procéder par regroupement thématique.
Afin d'obtenir une certaine cohérence, nous avons 'd'abord retranscrit les entrevues
sous fonne de verbatim, ce qui simplifie la lecture et l'analyse. Puis, nous avons
7 Une grande partie des associations sont temporaires et non-officielles ce qui rend difficile leur dénombrement exact. Aussi, la définition « d'association» varie d'une commune à l'autre et ainsi certaines personnes rencontrées l'utilisent pour définir des groupes de travailleurs, des regroupements informels, etc,
72
classé les infonnations recueillies auprès de nos répondants selon les thèmes de la
crise hydrique (1), de la problématique du développement rural (2) et des
mouvements associatifs (3). Dans chacune de ces catégories générales, nous avons
scindé les répondants selon s'ils étaient en accord ou non avec le problème soulevé.
Par exemple, nous avons constaté qu'une partie des agriculteurs interviewés étaient
en désaccord avec l'idée d'une « crise de l'eau» : ils y voyaient l'effet naturel des
cycles de sécheresse que la région connaît depuis longtemps. Puis, dans ces sous
catégories nous avons mis en évidence certaines idées maîtresses qui se recoupaient
entre les répondants. Cette étape, appelée analyse de contenu, pennet de décrire puis
d'interpréter « de manière systématique le contenu manifeste des communications»
(Mace dans Bédard, 2009, p. 99).
En procédant par croisement entre la documentation, les observations et les
entrevues, nous avons cherché à comprendre comment s'opérait le renouvellement
des acteurs du développement. Par la suite, nos analyses ont pennis de répondre à
notre objectif de recherche et de dégager les transfonnations socio-spatiales qui
participent à l'émergence d'une gouvernance locale et d'une volonté de
développement durable.
CHAPITRE IV
ARTICLE
« Les associations locales dans la vallée du Ziz (Maroc) ': vers une nouvelle
gouvernance territoriale»
Le èorps de ce mémoire est composé d'un article qui a été soumis (26 août 2010) dans la revue Économie Rurale. L'article tente de vérifier l'hypothèse principale de cette recherche selon laquelle les initiatives mises en place par la mobilisation de la société civik\ et qui visent à dé-marginaliser la région et assurer son développement, tracent la voie à une gouvernance territoriale renouvelée. Cet article a été rédigé suite à notre séjour au Maroc, dans la vallée du Ziz, et après analyse des entrevues réalisées auprès des acteurs ciblés par notre problématique.
4.1 Introduction
Le XXe siècle a marqué un tournant déterminant dans la vie oasienne et les
modes traditionnels de gestion de l'eau et de structuration sociale des communautés
rurales marocaines. À l'heure de la mondialisation et des changements climatiques
qui affectent l'ensemble de la planète, et tout particulièrement les milieux fragiles tels
que les oasis, ces populations sont confrontées à de nouvelles dynamiques
économiques, sociales et environnementales qui bouleversent leurs milieux de vie. La
74
tradition associative séculaire qui particularise ce milieu rural aride se révèle
aujourd'hui être un moteur important de changement social. En effet, ce sont les
réseaux sociaux, leur importance et leur capacité de connexion à diverses échelles qui
jouent un rôle central dans le développement de ces régions périphériques.
Au Maroc, à l'heure actuelle, nous assistons au renouvellement des formes de
mobilisation sociale dans plusieurs zones socioéconomiquement marginalisées. À
l'extrême sud-est du pays, la vallée du Ziz est emblématique de ce mouvement en ce
sens que ses habitants ont su développer, en l'espace d'une vingtaine d'années
seulement, un large réseau d'associations locales et d'acteurs qui œuvrent au
développement de la région et luttent pour sa dé-marginalisation. Cette lutte s'inscrit
dans un contexte social, environnemental et territorial singulier et à travers lequel
l'action citoyenne témoigne des transformations sociopolitiques se produisant dans
l'ensemble de la société marocaine.
Cette recherche vise à analyser les effets de l'action collective et des
transformations sociales sur la mise en place d'une gouvernance territoriale et sur le
développement durable des communautés rurales marocaines8. Notre hypothèse de
travail est qu'au sein des milieux oasiens marocains, les initiatives mises en place par
la mobilisation de la société civile, et qui visent à dé-marginaliser la région et assurer
son développement, tracent la voie à une à un nouveau mode de gouvernance
territoriale. À l'aide d'une étude de cas menée dans la province d'Errachidia auprès
des communautés rurales de la vallée du Ziz, nous présentons les nouvelles
dynamiques sociales dans les modes de régulation des ressources et du territoire en
lien avec l'apparition des réseaux d'associations locales. Nos observations directes,
8 Par «développement durable des communautés », nous entendons le processus qui vise l'amélioration des conditions de vie d'une communauté et dont les mécanismes sont intériorisés et appris par celle-ci. Pour que ce développement soit durable sur un territoire, il doit intégrer à la fois les composantes sociales, culturelles, politiques, économiques et environnementales de ce territoire dans une perspective qui tienne compte d'une éthique du futur (Jonas, 1998).
75
de même qu'une recension des écrits et une enquête par entrevues (annexe 1), nous
permettent d'avancer que la mobilisation citoyenne et les actions directes qui en
découlent participent à.la construction d'une gouvernance territoriale qui nous
apparaît plus inclusive et qui marque un renouveau dans la vallée du Ziz.
L'article est divisé en trois parties. Dans un premier temps, nos travaux
mettent en lumière les formes et les particularités que prend le renouvellement des
acteurs sociaux dans le milieu oasien. Nous nous efforçons de mettre en évidence les
moteurs de ce renouvellement, mais aussi son articulation aux différentes échelles
territoriales. Dans un deuxième temps, nous identifions les déterminants de l'action
collective qui peuvent favoriser la mise en place d'une gouvernance territoriale plus
inclusive. L'objectif ici est de mettre en lumière les stratégies des différents acteurs
dans la prise en charge locale du développement des milieux de vie des communautés
oasiennes. Finalement, nous exposons les défis, notamment en matière de durabilité,
auxquels doivent faire face ces communautés pour que leurs projets de
développement soient des réussites, mais également transférables aUx générations
futures.
4.2 Un État en mutation
4.2.1 De la décentralisation à la gouvernance...
Au tournant des années 1990, alors que le Maroc traverse une période difficile
marquée, entre autres, par les conséquences de la crise économique de 1983, la
décentralisation - en lien avec les programmes d'ajustements structuraux du Fonds
Monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) - est adoptée comme
mesure de redressement économique. Toutefois, aucun axe de développement social
n'est proposé (Clément, 1995). Certes, au Maroc, comme ailleurs dans le monde, la
pression pour faire évoluer le système centripète, lié au modèle de l'État-nation, vers
un système polycentrique basé sur une démocratie plus horizontale, se fait fortement
76
sentir (Sedjari, 1997). En effet, cette période est caractérisée par le désengagement de
l'État qui vise « une nouvelle conception de l'aménagement des rapports entre les
pouvoirs centraux et leurs services déconcentrés» (Zair, 2007, p. 370).
Cette vague de décentralisation qui déferle coïncide aussi avec l'introduction
du terme « gouvernance » dans le discours politique international au cours de la
décennie 1990. La gouvernance, en plus de permettre de saisir le glissement qui s'est
opéré récenunent dans les politiques territoriales marocaines, permet aussi de tracer
une voie au développement durable pour les conununautés rurales.
La BM campe la « bonne gouvernance »9 autour de quatre idées maîtresses
que sont la responsabilisation, la prédictibilité, la participation et la transparence
(World Bank, 2003). La bonne gouvernance est le cadre de, et une condition à, la
réussite de l'intégration économique des pays en développement (PED) dans
l'économie mondiale. C'est ce que Baron (2003) appelle la gouvernance prescriptive,
celle-ci ayant pour conséquence d'encadrer l'action des États et d'imposer une
marche à suivre sur les plans politique et économique. « La bonne gouvernance va de
pair avec la domination d'un pôle, celui du Marché, l'État étant le garant de son bon
fonctionnement» (Baron, 2003, 341).
Ceci dit, puisque la gouvernance est un processus sociopolitique par lequel les
acteurs sociaux, économiques et politiques prennent des décisions quant à la conduite
de leurs affaires collectives, les mouvements sociaux voient s'ouvrir un nouvel
espace de pouvoir pour la société civile. En mobilisant un nombre important
d'acteurs, la gouvernance traduit les relations de pouvoir et de savoir aux différentes
9 Le tenue « bonne gouvernance» est issu du langage des grandes organisations internationales et, en premier lieu, de la Banque Mondiale et du FMI qui l'utilisent pour prodiguer des recommandations aux pays en développement quant à la conduite de leurs affaires publiques. Associé à de l'ingérence, il représente une condition supplémentaire, si ce n'est inéluctable, à l'octroi de prêt. L'internalisation des politiques néolibérales et l'ouverture économique sont, par ailleurs, ses axes les plus controversés de par leur nature prescriptive.
77
échelles territoriales (Graham et al., 2003, 3). Dès lors, le focus est sur le collectif et
la capacité à intégrer et à représenter les intérêts de tous les acteurs (Le Galès, 1998).
Ainsi, il Y a un passage qui s'opère entre une « vision hiérarchique» et une
« vision hybride de différentes structures de pouvoir» (Baron, 2003, 333; Goxe,
2007) dans lesquelles l'État devient un partenaire parmi tant d'autres. La
gouvernance désigne ainsi un « mode consensuel de gestion» (Brunelle, 2007, 5) qui
permet d'élargir la notion de pouvoir et dans lequel les citoyens passent d'un statut
d'administrés à celui d'acteurs. Dès lors, la gouvernance réfère aux profondes
transformations du rôle des gouvernements, aux différentes relations de pouvoirs
existantes et aux interactions se produisant entre les acteurs exerçant leur pouvoir
(Stoker, 1998).
4.2.2 ... et de la gouvernance aux configurations territoriales
Les conséquences de ces changements dans les structures sociopolitiques sont
multiples. D'une part, ils mettent en évidence le rôle accru des communautés,
notanunent dans la gestion locale des ressources naturelles (Bied-Charreton et al.,
2006), ainsi que dans l'élaboration de stratégies de développement. Cette
mobilisation de l'échelon local est soulignée, entre autres, par Angéon et Houédété
(2004, 130) qui avancent que la gouvernance « implique quelques changements
radicaux dans la manière de concevoir le développement qui passe par une invention
de formes alternatives de développement, qui tiennent notanunent compte de
l'expression de la société civile ».
D'autre part, le repositionnement des acteurs met en évidence la nécessité
d'adopter une approche renouvelée du développement qui s'appuie davantage sur le
territoire. Celui-ci n'est plus conçu comme étant la zone comprise dans les limites
physiques d'un État, mais est maintenant défini comme étant l'expression d'une
78
communauté et des formes d'organisation que mettent en place les acteurs qui en font
partie (Courlet et Ferguène, 2004). En d'autres mots, le territoire est « un espace
structuré, occupé, régulé, développé et aménagé par une collectivité, et qui joue un
rôle à la fois de cadre et d'acteur dans la reproduction de celle-ci» (Klein, 2008,
317).
En insistant sur la notion de territoire comme espace privilégié de la
gouvernance, nous soulignons l'importance des stratégies collectives et territoriales
dans la conduite du développement rural. Dans les sociétés contemporaines, ce
développement local est de moins en moins orchestré par les gouvernements et la
bureaucratie administrative et de plus en plus basé sur l'articulation entre les groupes
d'intérêts, les individus et membres des communautés, ce qui représente une nouvelle
forme de pouvoir décisionnel.
En intégrant les « notions de multiacteurs (partenariats), multiterritoires (du
local au global) et multisecteurs (du social à l'économique) » (Brassard et Gagnon,
2000, 182), la gouvernance nous apparaît essentielle pour renouveler les modalités de
coordination entre les acteurs et les niveaux (Catlla, 2007). De même, elle constitue
un outil de changement et de réforme sur les plans social et politique (Stoker, 1998),
ainsi qu'un espace privilégié de dialogue entre les parties prenantes qui, à travers les
réseaux qu'ils mettent en place, développent de nouvelles formes de mobilisation
collective et d'expression citoyenne.
En somme, notre recherche aborde la gouvernance comme une « structure de
type réseau» (Baron, 2003 ; Ost, 2004) qui nous permet de tenir compte des formes
hybrides que prend la régulation sociale, particulièrement dans les zones
marginalisées. Les multiples transformations de l'espace politique local de même que
l'émergence de nouvelles formes de développement dans les zones oasiennes
79
reposent sur une vision renouvelée du territoire, du savoir-penser l'espace, où
s'exprime une gouvernance locale.
À l'instar de ce qui s'est produit dans les sociétés civiles de plusieurs pays, les
mouvements citoyens marocains se sont affirmés et multipliés dans les dernières
décetUlies. Ces mouvements citoyens peuvent être classés en trois grandes catégories
suivant les raisons qui ont mené à leur création: (1) des associations créées par une
élite locale, (2) associations créées par l'intermédiaire d'acteurs publiques ou privés,
et qui sont souvent étrangers (ONG, initiatives gouvernementales, etc.) et (3) des
associations qui émergent directement de la société civile afin de répondre
explicitement à des problèmes vécus localement (ces dernières peuvent être
composées d'organisations traditiotUlelles séculaires ou non, selon les communautés
rencontrées) (Charfi, 2009). Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes
principalement intéressés à l'analyse des associations appartenant au troisième
groupe.
De plus, notre recherche s'inspire de la théorie de la mobilisation des
ressources. En effet, l'approche de l'action collective et de la mobilisation des
ressources, issue de travaux classiques en. sociologie des mouvements sociaux qui
dotUlent à voir les changements dans les modalités d'action collective des différents
acteurs sociaux (Tilly, 1984; Tarrow et Tilly, 2006) et qui font intervenir les notions
de réseau et d'identité dans un contexte de multiplicité et de mutation
socioterritoriales (Della Porta et Tarrow, 2005), s'avère appropriée pour notre
analyse. Dans l'analyse de l'action collective plus spécifiquement, nous nous sommes
intéressés non pas uniquement aux pourquoi et pour quoi des individus se mobilisent,
mais aussi et surtout au comment ils le font et quels sont les moyens qu'ils y
déploient. En ce sens, nous nous attardons à la structure et à l'organisation des
associations citoyetUles ainsi qu'au jeu des acteurs qui les composent. Ces
associations opèrent dans un espace marginalisé où leurs revendications émergent en
80
périphérie des centres de pouvoir et des autorités susceptibles d'influencer leur mode
de vie.
Ainsi, devant la fracture socioterritoriale qui caractérise leur milieu, les
communautés se mobilisent et mettent en place des initiatives qui cristallisent leurs
revendications. Les associations citoyennes, dont nous proposons l'analyse ici,
émergent dans un contexte de déstructuration du milieu rural marocain (Barrow, et
al., 2000; Barathon, et al., 2005; Boutayeb, 1996) et de transformation du cadre
politique qui permet le renouvellement des acteurs du développement. Ces acteurs
sociaux apportent, de manière individuelle ou collective, des réponses aux besoins et
aux défis que pose la déstructuration du milieu rural. Leur action collective est parfois
organisée, parfois spontanée, mais surtout, elle se caractérise par son hétérogénéité.
Les actions entreprises, de même que les demandes des associations et leur vision du
développement, diffèrent et ne peuvent être réduit à un seul type d'action sociale.
4.3 La vallée du Ziz : des communautés en mutation
Ancrée dans un territoire de contrastes, la vallée du Ziz est la porte d'entrée
du Sahara (carte 4.1). Située au sud-est du Maroc, son paysage désertique, constellé
d'oasis où la disponibilité en eau est variable, marque la précarité de l'habitat et
l'imprévisibilité du milieu. Cette zone au relief accidenté, qui s'étale du versant sud
des monts Atlas jusqu'à la frontière algérienne, dispose d'à peine 1% de son territoire
en surface agricole utile, soit 15 OOOha de palmeraies (Khardi, 2005). Les groupements
humains sont pour l'essentiel situés dans ces oasis en raison de la rigueur du climat
qui varie essentiellement d'aride à semi-aride et des écosystèmes secs marqués par
l'irrégularité des précipitations et les sécheresses. La quantité de précipitations
diminue fortement entre Errachidia, al! Nord de la zone d'étude, avec 150 mm/an et
Rissani, au Sud, qui reçoit tout juste 60mm de pluie par année (Paré, 2006). Dans la
81
vallée du Ziz, les épisodes de pluie présentent de fortes variabilités interannuelles et
intra-annuelles, avec un maximum de vingt jours pluvieux dans l'année.
Carte 4.1 : Localisation de la zone d'étude au Maroc
Espagne
NORD OUEST
oœ.., Ar/anrlqut:
légende • Ville
Fleuve COurs d'eau intermittent
r:::J Plan d'eau
Concentration de terres iniguëes
Limite administrative Agadir Frontière intemation41e
Aigerie
o 50 1(10 1$0
Ki1Olfk7f6Maurita
Source: FAO, 2005
Au cours des derniers siècles, la maîtrise de la ressource hydrique a été
structurante pour les sociétés qui ont évolué dans cet espace. Les stratégies de gestion
des ressources en eaux développées par les populations afin de palier à l'aridité du
milieu témoignent de leur ingéniosité, mais aussi d'une forme particulière de
structuration sociale et culturelle (Ben Brahim, 2003b). Ce sont les institutions
82
traditionnelles, telle la Jmâa 10, qui ont préservé l'équilibre écologique de ce milieu
fragile durant des siècles. La gestion durable et intégrée de l'environnement a reposé
sur un savoir-faire local adapté à ces conditions climatiques rigoureuses (Oubrhou,
2005). Toutefois, la région connaît aujourd'hui de profondes mutations qui remettent
en question l'existence même des systèmes oasiens et ce, tant sur le plan physique
qu'humain (Rufet Bouaziz, 2005; Darfaoui, 2005; Jari, 2005).
4.3.1 Fragilité de l'espace social, vers une crise du milieu rural
Depuis plusieurs décennies, et à l'instar de plusieurs milieux ruraux, la vallée
du Ziz connaît d'importants bouleversements qui remettent en question la viabilité
des pratiques traditionnelles. Ces transformations sont de diverses natures
(démographique, culturelle, sociale, économique... ) et de diverses intensités (de très
lente à radicale), mais convergent toutes dans la même direction : la déstructuration
du milieu rural. C'est que les structures sociospatiales du monde rural ont changé et
qu'elles subissent aujourd'hui de multiples pressions. L'ouverture à l'économie de
marché et le développement de l'individualisme (Barrow et al., 2000) ont engendré
l'atomisation des communautés (Ben Brahim, 2003; Labasse, 1957), mais aussi
l'émergence de nouvelles formes de socialisation. Les disparités socio-économiques
n'ont cessé de croître et ont tôt fait de gangréner le milieu rural.
Cette transformation du monde rural se fait au détriment des règles collectives
et renforce la mise en place de systèmes individualisés tant sur le plan du tissu social
que de l'économie. Autrefois tourné sur une agriculture de subsistance à laquelle
participait un nombre important d'individus, le monde rural d'aujourd'hui assiste à la
désertion des jeunes vers les milieux davantage urbanisés. À l'échelle du Maroc, ils
sont annuellement 106000 à quitter le monde rural. Cette désertion s'effectue au
profit des grands centres urbains nationaux et d'outre-mer (Casablanca, Tanger,
JO Conseil des anciens d'un ksar ou chefs de lignage.
83
France, Pays-Bas, Italie) où miroitent la possibilité d'emplois mieux rémunérés et un
genre de vie plus excitant (Comité directeur, 2006). L'attrait qu'exercent les grandes
villes est essentiellement véhiculé par les médias (télévision, Internet), le tourisme
(national et international) et les migrants qui reviennent dans leur région d'origine
(BM, 2007b). L'attrait pour le mode de vie urbain est particulièrement fort chez la
jeune génération qui y voit une échappatoire aux difficultés que connaissent les
milieux ruraux, particulièrement ceux de la vallée du Ziz. En effet, la province
d'Errachidia, où se situe la zone d'étude, est caractérisée par une forte pauvreté
associée à la faiblesse des revenus familiaux (BM, 2004), au sous-emploi, à
l'analphabétisme (Haut commissariat au Plan, 2006) ainsi qu'au déficit
d'équipements et d'infrastructures socio-économiques (INDH, 2010). L'Initiative
Nationale pour le Développement Humain (INDH) note par ailleurs la situation
d'exclusion que vivent les jeunes et les femmes comme étant un important facteur de
déstructuration du milieu rural.
Plusieurs acteurs de la scène locale témoignent de la difficulté de concilier les
impératifs de la vie oasienne avec les influences des modes de vie moderne. Il y a
donc de profondes transformations qui s'opèrent au sein des groupes sociaux et qui
témoignent de nouveaux rapports sociaux s'établissant entre les individus. Ainsi, dans
une étude menée sur le territoire marocain la BM (2007, 17) affirme que
«socialement, les jeunes qui sont plus éduqués, mobiles et ambitieux que leurs
parents et les femmes dont le souhait d'une autonomie plus grande jouit d'un appui
gouvernemental sous forme d'une nouvelle législation, remettent en cause les
hiérarchies traditionnelles liées à l'âge et au genre ». À cela s'ajoute la fragilité de
l'économie des populations de la vallée du Ziz qui repose pour beaucoup sur des
transferts de revenus issus de l'immigration (Renevot, 2009). Ces pressions qui
s'exercent de toutes parts sur les anciens modèles de structuration sociale viennent
alimenter les mouvements citoyens qui se mobilisent pour orienter le changement en
faveur d'un développement plus équitable.
84
De même, l'isolement géographique, les conditions écologiques particulières
et la forte résistance de ces populations face à l'intégration socioterritoriale ont
permis de préserver les structures traditionnelles même si changements de pouvoirs il
y a eus dans le pays (Doukkali, 2005). Toutefois, cette marginalisation est
aujourd'hui vécue comme un défi à relever pour sortir du déclin les milieux oasiens,
affectés en plus par des phénomènes d'échelle mondiale, tels que la mondialisation et
les changements climatiques.
4.3.2 Fragilité de l'espace naturel, vers une crise hydrique
Si l'attrait du mode de vie urbain s'exerce fortement chez la jeune génération,
c'est aussi en raison des difficultés environnementales que traverse la région. Les
sécheresses récentes de 1980-1985, 1990-1995 et 1998-2000 ont été « les sécheresses
les plus sévères et les plus longues jamais observées depuis que des observations
météorologiques et hydrologiques sont effectuées» (Bzioui, 2004). Elles ont souvent
eu raison des dernières hésitations de certaines familles à quitter la région. La fragilité
du milieu et la forte dépendance des agriculteurs à l'égard des conditions climatiques
découragent plusieurs hommes qui voudraient bien trouver des emplois à l'extérieur
des palmeraies (Interviews, 2009).
Si les cycles de sécheresse ont toujours fait partie de la réalité oasienne, ils
sont aujourd'hui vécus de manière plus intense compte tenu de la combinaison d'un
ensemble de facteurs d'ordre environnemental: la salinisation des sols, l'ensablement
des palmeraies, la pollution des eaux et la surexploitation des nappes souterraines
(Khardi, 2005; Ghanam, 2003; Debbarh et Badraoui, 2002; PNUD, 2009). Pour
palier aux fluctuations importantes des précipitations, le nombre de stations de
pompage construites a augmenté de façon fulgurante au cours des dernières
décennies. C'est l'absence de réglementation et de suivi quant à ces installations qui a
85
permis leur prolifération. Or, l'importance des ponctions d'eau remet aujourd'hui en
question la capacité de recharge des nappes phréatiques.
De plus, les besoins et la convoitise anthropiques sur les ressources n'ont
cessé de croître dans cette région: les besoins en eau ont été multipliés par six durant
le siècle dernier alors que la population ne s'est elle que multipliée par trois (Bzioui,
2005). Si cette croissance résulte en partie des transformations qui se sont produites
dans le secteur agricole, l'augmentation du niveau de vie ainsi que l'urbanisation du
territoire, dont le taux est passé de 29,7% en 1994 à 35,1% en 2004 (Haut
conunissariat au Plan, 2006), y participent fortement elles aussi. En plus de remettre
en question le mode de vie traditionnel, l'urbanisation exerce des pressions accrues
sur les ressources naturelles qui sont limitées. Cette transformation affecte à la fois le
cadre naturel - par le recul des espaces agricoles et leur minorisation - et le cadre de
vie des populations puisque celles-ci désirent avoir accès aux mêmes services et
infrastructures que les populations urbaines (Ben Brahim, 2003; Burger, 2005).
Même si depuis 2007 l'eau est revenue en abondance, le spectre d'une pénurie
potentielle garde le milieu oasien sous pression. Des agriculteurs de la partie sud de la
vallée du Ziz affinnent poursuivre leur travail dans les palmeraies «jusqu'à la
prochaine grande sécheresse qui sera la dernière » (Interviews, 2009). Pour eux, la
précarité du milieu est devenue insoutenable et la migration vers les villes
périphériques est vue conune la solution à leur vulnérabilité.
4.4 Volonté de changement et solidarité locale
Devant ces difficultés, et fortes des expériences passées dans un milieu naturel
difficile, les communautés de la vallée du Ziz s'organisent et mettent en place une
variété d'initiatives qui ont pour but de valoriser leur milieu. Mais conunent
86
s'organise cette lutte à la dé-marginalisation? Quels en sont les déterminants? Et
comment participent-ils au renouvellement des acteurs du développement?
L'observation du milieu et des rencontres avec des acteurs1l de plusieurs
associations locales dans la vallée du .Ziz, nous permettent de schématiser le
processus de transformation qui dynamise actuellement la région (Figure 4.1). Les
principales étapes qui conduisent à l'ouverture du territoire à d'autres échelles et
amènent à nous interroger sur la construction d'une nouvelle vision12 territoriale
pouvant être fondée sur une gouvernance locale y sont exposées.
Il Pour cette étude, nous avons réalisé une trentaine d'entrevues semi-dirigées auprès de responsables d'associations, de représentants officiels et d'agriculteurs (annexe 1). 12 Entendue comme l'adéquation d'une conscience territoriale (ce qui est) et d'une projection territoriale (ce qui pourrait être).
87
Figure 4.1 : Processus de transformation observé dans la vallée du Ziz
Étape 1: Ëtape 2 : :.i····~::~·:·:t~::.:~:~:s~·e·t·········l...~ Transformations du rôle des associations.
structures associatives ~ nouvelles vocatIons: sociale, Création de nouveaux espaces de pouvoir et
~ traditionnelles ! économique. environnementale...d'expression
~"""""""""""""""""""""""""'".:
Ouverture il l'échelle
locale
Ouverture il l'échelle
l'échelle Internationaler=rt""nationale1 1 1
DÉVELOPPEMENT D'UNE VISION TERRITORIALE
Conception: Magalie Quintal (2010).
Étape 1 : D'une structure traditionnelle à de nouveaux espaces d'expression
Dans le processus de transformation du territoire, la première étape a été la
création de nouveaux espaces de pouvoir et d'expression, c'est-à-dire l'ouverture
politique nécessaire à l'existence et à la pérelUlisation d'associations citoyelUles
actives dans leur milieu et interlocutrices de l'État. C'est ce que le président de
l'Association Provinciale de Lutte contre la Désertification et pour la Protection de
l'EnvirolUlement nomme la fin de l'ère des associations-adversaires de l'État
(Interviews, 2009). Ce changement se produit dans les alUlées 1990 avec la mise en
88
place du processus de décentralisation et est renforcé par l'arrivée au pouvoir de
Mohammed VI en 1999.
Bajeddi (2002, 2), agroéconomiste et consultant en développement rural,
souligne que « le retrait de l'État ouvre donc un espace pour le déploiement des
actions des autres acteurs du développement rural ». Dans la vallée du Ziz, plusieurs
responsables d'associations interrogés affirment en effet que ce passage s'est opéré
dans les années 1990, alors qu'ils ont obtenu la reconnaissance gouvernementale pour
leurs projets associatifs. Beaucoup de ces projets étaient axés sur la gestion des eaux
et sur le développement agricole. Le responsable de la gestion des réseaux
d'irrigation à l'Office régional de mise en valeur agricole du Tafilalet (ORMVAT)
souligne l'important rôle d'intermédiaire que jouent ces associations entre les
agriculteurs et l'Office quant à l'expression des besoins locaux et la prise de décisions
conjointes (Interviews, 2009). Par ailleurs, il note qu'actuellement le niveau associatif 1
est nettement plus dynamique et que cette transformation au niveau de la société
civile s'exprime à la fois dans l'agriculture, mais aussi dans l'organisation et la
multiplication des projets de développement (Interviews, 2009). Cet enthousiasme au
niveau associatif ouvre la porte à de nouveaux domaines d'interventions, lesquels
sont portés par la société civile.
Étape 2 : Vers le renouvellement des rôles des associations
Beaucoup d'intervenants rencontrés sur le terrain soulignent l'importance des
progrès accomplis et de la prise de conscience des difficultés que traverse la région,
mais aussi des potentialités dont elle dispose. Un membre de l'association Al-Amal
abonde dans ce sens: « Avant on était chacun tOl,lt seul. Oui on a toujours travaillé un
peu entre nous pour les travaux d'irrigation, mais pas comme maintenant. Maintenant
tout le monde se parle plus, se communique plus. Tout le monde veut changer les
89
choses du douar 13 . Là on sait qu'est-ce qui est bon chez nous et on veut mieux
l'exploiter» (Interviews, 2009). L'eau a constitué un élément central dans la
transformation et la mobilisation de la société civile dans beaucoup de communes qui
ont vécu très durement les années de sécheresse. Les défis d'aménagement et de
réaménagement des ressources naturelles ont alors dévoilé d'autres problèmes,
souvent d'ordre social, qui nécessitaient des interventions collectives.
Il Y a donc un glissement qui s'opère: les associations, dont les efforts sont
d'abord dévolus à la gestion des ressources naturelles, étendent graduellement leur
champ d'action au domaine social. De nouveaux secteurs sont désormais investis par
ces associations. Ils concernent la protection de l'environnement, l'équité sociale, la
place des femmes, l'enfance, l'éducation, le sport, l'organisation d'événements
culturels, etc. Issus de la société civile, de nouveaux groupes se portent désormais à la
défense des intérêts collectifs et veulent opérer un changement profond dans les
stratégies de développement à l'échelle locale. Comme le note le secrétaire général
d'une association pour le développement d'Aoufolis : « les institutions de l'État sont
incapables de répondre aux besoins de leurs citoyens donc il y a une obligation pour
nous de s'impliquer. Aujourd'hui les projets partent directement de la société civile et
montent vers les institutions» (Interviews, 2009). Il ajoute aussi qu'il y a eu dans le
passé trop d'échecs avec les projets étatiques qui ne représentaient pas les réels
besoins de la population, « alors aujourd'hui les associations veulent que les plans
d'actions soient élaborés en concertation avec toUS» (Interviews, 2009), soit la
Commune, les associations locales, les délégués de l'éducation et de la santé et les
autorités traditionnelles.
Ces transformations, autant dans la nature de l'intervention du gouvernement que
dans celle des associations, ont induit un changement profond dans les possibilités
Il Douar réfère ici à la communauté villageoise.
90
d'expression des communautés, mais surtout, ils ont contribué à transformer
l'approche du développement qui mise maintenant davantage sur la participation
citoyenne et sur l'identification des besoins/problèmes à l'échelle locale suivant le
capital socioterritorial (Fontan et Klein, 2004) des communautés. Ainsi, le président
d'une autre association de développement dans la commune de Sifa affirme que
désormais « on peut faire des projets, mais il faut absolument être une association»
(Interviews, 2009). Le travail associatif est donc de plus en plus reconnu et valorisé
comme étant une composante fondamentale de la structure des communautés.
Désormais, les secteurs d'activités dans lesquels s'investissent ces associations
citoyennes sont multiples. Trois grands axes d'intervention sont recensés:
le recul de la pauvreté par la création d'activités génératrices de revenus;
l'éradication de l'analphabétisme et la scolarisation, particulièrement des
femmes et des jeunes filles, qui sont un élément clé de la lutte à la pauvreté;
le développement des infrastructures de base: écoles, services de santé,
routes ...
Étape 3 : Mise en place d'une nouvelle solidarité
À travers cette mobilisation citoyenne se développe une nouvelle solidarité
locale qui est porteuse d'un projet social: transformer les communautés de façon à ce
qu'elles deviennent attrayantes' et dynamiques afin que les jeunes choisissent d'y
demeurer, que de nouvelles industries s'y développent et finalement, afin de rompre
l'isolement de la région. Le projet est ambitieux. Cependant, comme le notent
plusieurs membres des associations rencontrées, si rien n'est fait pour garder les
jeunes ici, un jour il n'y aura plus personne (plus de relève) (Interviews, 2009). De
même, s'il n'y a pas de diversification de l'économie, le développement atteindra
rapidement ses limites.
La diversité des projets et la mobilisation croissante de la population pour les
mettre en œuvre témoignent de cette solidarité qui touche tous les aspects de la vie
91
oasienne. L'association Ait Amirra est exemplaire de ce mouvement. Créée en 2006
par un regroupement de femmes désireuses de freiner les problèmes de leur douar,
l'association s'était donnée pour premier mandat d'améliorer la propreté du village.
Puis, un regroupement d'hommes s'est joint à elles et maintenant, conjointement, ils
organisent annuellement différents types d'activités qui passent de la restauration des
canaux d'irrigation à l'organisation d'une caravane médicale. Cette variété d'activités
s'explique par le difficile accès aux services de bases (hôpitaux, écoles, etc.) dont
souffrent les populations occupant l'espace rural. Cet isolement stimule en quelque
sorte des projets de toutes natures.
Plus ail sud dans la vallée du Ziz, là où les précipitations sont plus faibles et
où l'accès à l'eau est plus précaire, des associations ont commencé par mettre en
œuvre des projets de réhabilitation des khettaras l4 . Mais comme le notent deux
membres d'une association à vocation multiple, « plus on travaille ensemble plus on
voit tout ce qu'on peut faire pour notre douar et maintenant on a aidé les femmes à
faire une association et aussi on a de nouveaux projets» (Interviews, 2009). Si l'eau a
constitué le facteur déclencheur de leur démarche associative, elle n'en représente
aujourd'hui qu'une composante parmi d'autres, pour autant que la mise en valeur du
territoire soit leur objectif premier.
Encore un peu plus au sud de la vallée, certains représentants d'associations
décident, en 2006, d'unir leurs efforts et mettent en place le Réseau Tafilalet des
associations de développement. Basé à Rissani, ce réseau a pour objectif d'aider les
associations à mieux se développer et à établir conjointement des contacts au Maroc
et à l'étranger afin de trouver du financement pour leurs projets locaux. Le président
du Réseau affirme que la prolifération du mode associatif dans la dernière décennie
14 Les khettaras sont des galeries drainantes qui acheminent "eau par gravité vers les zones irrigables.
92
est lié aux changements sociaux s'étant produits à l'échelle du Maroc, mais aussi à la
mondialisation: « la population a compris que sans association c'est la mort du
développement, maintenant on ne peut pas parler de développement sans association,
ici et à l'étranger» (Ip.terviews, 2009). Ici, bien que l'agriculture et l'irrigation
constituent un élément central dans le travail des associations, depuis les années
2000, néanmoins, ce sont les questions sociales, particulièrement les droits de la
femme et de l'enfant, qui ont permis de développer les projets les plus mobilisateurs.
Étape 4 : Du local au global, de nouvelles territorialités
Finalement, l'observation des associations de diverses natures dans la région
permet de voir que le travail réalisé à l'échelle locale tend à rayonner à l'extérieur de
ce niveau scalaire. Depuis la dernière décennie, les associations tissent des liens à
diverses échelles et réalisent des projets qui transcendent l'espace local. De fait, les
actions de développement qui sont posées à l'échelle locale permettent une ouverture
à d'autres échelles: régionale, nationale et internationale. Selon la nature des projets,
les associations cherchent des partenaires et des appuis techniques et financiers au
niveau de l'administration régionale, de l'État marocain ou même, directement auprès
d'ONG internationales.
Devenues des interlocutrices de plus en plus organisées, les associations
créent des réseaux de contacts et mobilisent une population toujours plus grande
autour de leurs projets. Par exemple, l'Association Oasis Tafilalet pour le
Développement, basée à Rissani, a mis sur pied une cellule d'écoute au profit des
femmes victimes de violences. Tout en faisant la promotion d'une loi contre les
violences faites aux femmes, l'association a travaillé de 2006- 2009 avec Global
Rights pour la création d'un centre pour femmes victimes de violences. D'autres
grands organismes tels que le PNUD, la FIDA, la JICA et la BM réalisent des projets
de développement dans les zones oasiennes en collaboration avec les institutions
locales et les associations de citoyens.
93
4.5 Vers la construction d'une dynamique de gouvernance locale
Les initiatives à caractère social, environnemental et économique mises en
place par les habitants de la vallée du Ziz témoignent d'une volonté de transformer
leur milieu en s'attaquant aux problèmes liés à la pauvreté, l'exclusion et la
dégradation du milieu naturel. La prolifération des AUEA, des coopératives, des
organisations paysannes et des associations de développement, mais aussi la diversité
des projets qui les mobilisent, montrent l'importance croissante qu'occupe l'échelon
local dans l'architectonique du développement socioterritorial. La société civile
s'organise donc autour de projets collectifs qui insufflent une nouvelle dynamique au
milieu et dessinent les contours une première forme de désenclavement du territoire.
Car, si tous les projets ne sont pas des réussites à proprement parler, ils mettent
néanmoins en lumière les nombreux défis à relever pour que s'opère une gouvernance
locale inclusive à l'échelle du territoire.
4.5.1 Difficultés et défis que pose la gouvernance
En effet, si plusieurs acteurs de la scène locale ont tiré la sonnette d'alarme
pour entreprendre un virage qui vise à provoquer des changements dans la conduite
des affaires locales, ils ont par le fait même ouvert la porte à des initiatives tout
azimut. À l'heure actuelle, les projets se multiplient sans cesse et vont dans autant de
directions possibles: projet de sauvegarde du patrimoine hydraulique, lutte à
l'ensablement, groupe de tissage, groupe d'alphabétisation, associations sportives,
droits de la femme, droits de l'enfance, etc. Les projets ne manquent pas, ni la
volonté. Cependant, là où les associations rencontrent des difficultés, c'est dans
l'organisation, la viabilité et la convergence de tous ces projets.
94
Les associations se heurtent aujourd'hui à l'absence d'une véritable démarche
territoriale apte à fédérer l'ensemble des initiatives locales. De plus, cette démarche
territoriale doit être appuyée par une volonté politique ferme et réelle.
Malheureusement, comme le note le directe.ur du centre de recherches Tarek Ibn
Zyad, il y a absence d'un~ vraie volonté politique capable de créer une synergie entre
les différents intervenants (Interviews, 2009). Une gouvernance locale inclusive doit
permettre « l'alliance d'acteurs de différentes catégories, de différents niveaux, qui,
au-delà de leur hétérogénéité, contribuent ensemble à la définition d'actions
communes et de projets collectifs» (Chia et al., 2008, 170). Le décloisonnement des
secteurs d'activités et d'interventions ainsi que le renforcement de la collaboration
entre les échelles de pouvoir et les associations citoyennes sont des exemples de la
transition qui doit s'opérer entre une philosophie d'autorité caractérisée par la
centralisation, l'interventionnisme et l'exclusion (Froger, 2006) vers une autorité
décentralisée qui favoriserait l'inclusion et la participation.
Aujourd'hui, les associations rurales marocaines réclament leur place dans les
projets de développement concernant leurs territoires et espaces de vie. La
mobilisation de la société civile et sa volonté à rassembler des ressources multiples
est un premier signe de la transition qui s'opère présentement au Maroc entre une
société organisée autour de ses ressources locales et une société organisée en réseau
avec l'ensemble de son territoire.
Certaines initiatives présentées plus haut ont réussi à freiner le déclin des
milieux ruraux de la vallée du Ziz et à générer du développement local. Aujourd'hui,
ces milieux se trouvent généralement dynamisés et une myriade de projets
périphériques se greffe au fur et à mesure que les réussites s'accumulent. Toutefois, si
plusieurs exemples d'associations ont affiché des réussites intéressantes, ce ne sont
pas l'ensemble des projets et des associations qui ont connu du succès dans leur
entreprise.
95
En effet, plusieurs des initiatives locales qui ont été observées dans le cadre de
notre recherche n'ont pas induit de changements positifs pour le collectif, ou très
peu. Souvent, elles ont simplement contribué à mettre en place un projet spécifique
sans que l'effet d'entraînement souhaité ne se produise. Ainsi, il est permis de penser
que toutes les initiatives, pour souriantes qu'elles soient, ne contribuent pas à
dynamiser un territoire et sa collectivité. Au contraire, certaines initiatives ou projets
peuvent parfois exacerber les tensions déjà existantes et paralyser les efforts consentis
par certains membres des associations locales. Ce sont des effets pervers non
intentionnels mais bien réels.
De plus, si certains projets. transcendent les frontières de leur commune
d'élaboration, la majorité des initiatives sont pensées de manière indépendante, sans
consultation sur ce qui s'est fait ailleurs. Les entretiens que nous avons effectués avec
les associations locales montrent que plusieurs d'entre elles demeurent informelles et
très peu actives. Le manque de coordination entre les associations est une de leurs
principales limites d'action à l'heure actuelle. En dépit de multiples réalisations
positives, il demeure que les associations de la vallée du Ziz connaissent
d'importantes difficultés:
Des frictions internes entre les associations nouvellement créées et l'autorité
traditionnelle qui perçoit encore ces changements comme une menace directe
à son rôle. Comme le note un membre de l'association El-Amal « au début
nous avons comme une idée pour faire l'association et eux (l'autorité
traditionnelle) ils pensent que l'association c'est quelque chose de bizarre, qui
n'est pas quelque chose de notre tradition, c'est quelque chose... qui va
envahir le terrain qui va prendre notre parole ... » (Interviews, 2009).
Bien que l'INDH soit un important bailleur de fonds au niveau des
associations, plusieurs membres notent Un certain favoritisme ou un manque
de rigueur dans l'attribution des subventions, mais surtout dans la traçabilité
96
de ces argents. Entre la philosophie qui anime l'Initiative et son application
sur le terrain, il y a un écart que beaucoup d'intervenants notent (Interviews,
2009).
Il Y a aussi la présence de certaines associations qualifiées de passager
clandestin parce qu'existant seulement pour récolter des fonds. Ces cas
mettent en lumière une tendance chez certaines associations à bâtir des projets
en fonction des ressources financières disponibles pour un type d'action
spécifique et non en fonction des besoins diagnostiqués au sein de la
collectivité ou des capacités de l'association à les réaliser, ce qui limite
fortement l'impact des projets.
La faiblesse des communications et l'absence d'un réseau associatif régional
fonctionnel limitent l'apprentissage lié aux expériences et le transfert des
savoirs.
Le manque de formation du personnel des associations, tant sur le plan
administratif, comptable que technique, ainsi que le fait que la majorité des
associations fonctionnent sur la base du bénévolat, fragilisent la pérennité de
leurs actions, voire la survie des associations.
Il peut parfois y avoir de la concurrence entre les associations qui travaillent
sur un même territoire, à la résolution des mêmes problèmes et qui doivent
quelques fois se diviser les mêmes fonds. Il peut donc y avoir un
dédoublement des efforts qui auraient pus être concentrés sur un autre projet
de développement local.
La majorité des difficultés que vivent les associations découle principalement du
manque d'expérience politique et entrepreneuriale des leaders des communautés et
des membres des associations. La mise en application des projets de développement
et la formulation des besoins se heurtent donc aux limites même de ces institutions et
de celles et ceux qui les animent. C'est ce que souligne le directeur de l'association
du Troisième Millénaire qui travaille au renforcement des capacités des associations.
97
À travers les cercles de fonnations qu'il organise, il note une nette amélioration de
l'efficacité des associations sur le plan du diagnostic participatif et du rapport entre
les communes et les mouvements citoyens (Interviews, 2009). La fonnation 15 des
intervenants associatifs est donc primordiale pour qu'une approche de gouvernance
tenitoriale inclusive émerge réellement dans la région.
4.6 Conclusion
Cet article met en lumière les transfonnations sociales que connaît la vallée du
Ziz et qui s'inscrivent dans une démarche de lutte au désenclavement et de mise sur
pied d'une gouvernance territoriale inclusive. L'analyse des associations locales
souligne l'importance du rôle des facteurs endogènes (contraintes naturelles et
dépérissement du cadre écologique, émigration, pauvreté, analphabétisme et
désengagement de la jeune génération) et exogènes (mondialisation et circulation de
l'infonnation via les télécommunications, démocratisation de la société marocaine,
mobilité des individus qui favorise les échanges à différentes échelles géographiques,
transformation de l'économie) pour le développement d'une vision renouvelée du
territoire. Alimentés par ces facteurs, les associations adoptent de multiples stratégies
dans le but de s'adapter aux changements qu'elles connaissent, mais aussi pour
construire un nouvel espace propice au développement local. Il apparaît donc que ce
sont ces stratégies, de par leur degré d'innovation, qui constituent aujourd'hui le
moteur du changement social des milieux oasiens de la vallée du Ziz.
Ainsi, malgré la persistance de certaines difficultés organisationnelles, les
associations établissent de nouvelles pratiques de développement qui favorisent la
cohésion et la mobilisation sociales. Aussi, la maîtrise du territoire et de ses
ressources (particulièrement hydriques) par les communautés ramène l'idée d'une
Il Certes, nous pouvons penser qu'il existe une pédagogie politique et socioterritoriale qui serait une condition sine qua non à la pérennité et surtout, à la portée des projets associatifs.
98
gestion locale qui serait apte à intégrer à la fois les savoirs traditiohnels et modernes
tout en inscrivant les initiatives locales dans une démarche de durabilité. Nos analyses
montrent que le renforcement des capacités des associations et l'intégration de toutes
les composantes du territoire - ses ressources, son histoire, ses populations
s'avèrent essentiels afin d'opérer une gouvernance territoriale inclusive.
99
Annexe 1
Tableau 4.1 : Entrevues réalisées dans la province d'Errachidia (2009)16.
FONCfION LIEU DATE DUREE (R :réelle,
E :estimée) AGRICULTEURS
ReDrésentant des Sél!Uias et alrricul teur Aoufous 05/09/09 E: 50 min Propriétaire d'un Duits Drivé et aericulteur Haadaf 05/09/09 B: 30 min ProDriétaire d'un ouits orivé et al!Ticulteur Touna 04/09/09 E: 20 min
Groupe d'agriculteurs Casbah 09/09/09 E: 20 min GrouDe d'aericulteurs Haadaf 05/09/09 E: 20 min Grouoe d'a2riculteurs Oulad Ali 09/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Ksar Oulad el 09-09-09 E: 20 min
Bahar Groupe d'agriculteurs EI-Maadid 09/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Ksaquis 09/09/09 E: 20 min Groupe d'agriculteurs Taklwamte 05/09/09 E: 50 min
Prooriétaire de deux ouits Drivé Zwiwiva 04/09/09 E: 20 min MEMBRES D'ASSOCIATION
Présideot de l'association de l'eau Zari Ksar Oulad el 09/09/09 E: 30 min Bahar
Membre de l'association, aide trésorier, association AI-Gara pour la AI-Gara 18/09/09 E : 30 min solidarité et le déveloooement Deux membres-responsable et deux adhérents de l'association Attadamoun Meski 27/09/09 E: 50 min
(solidarité) pour le développement Gérant de la coopérative AI Ouaha AOufous 05/09/09 E : 20 min
Président de l'association khattara oour la culture, le soort et l'action sociale Sidi Bouabdillah 27/09/09 E: 20 min Président de la coopérative de Doterie Bouia 14/09/09 E: 20 min
Responsable de la division économique et sociale à la Province Errachidia 01/10/09 E: 30 min d'Errachidia
Président de l'association provinciale de lutte contre la désertification et Jorf 10/09/09 R: 1 :35 h oour la orotection de l'environnement
Président de l'Association Troisième Millénaire pour le Développement et Errachidia 29/09/09 R: 1 :16h l'Action Associative du Sud Est
Madame Bassadek Aisha, présidente Aoufous 18/09/09 R: 20 min Membre de l'association Association Ait Amirra Deux membres-responsable et deux adhérents de l'association Attadamoun Meski 27/09/09 E: 50 min
. (solidarité) pour le développement Secrétaire llénéral de l'asoc de déveloooement d'Aoufous Aoufous 18/09/09 R:41 min Trésorier Sifa 14/09/09 R: 26min Association Sifa pour le développement rural et l'œuvre sociale Présidente et représentante Bouia 13/09/09 R: 18 min Membre de l'Association féminine A1-Mostakabl de culture, l'éducation et dévelopoement social Président et un membre Bouia 13/09/09 R: 43 min Association El Amal
Président de l'Association marocaine pour le Contrat mondial de l'eau Rabat 5/10/09 R: 48 min Associatioo espace, oasis Tafilalet pour le développement Rissani 14/09/09 R: 30 min
Réseau Tafilalet Rissani 14/09/09 R: 58 min AUTRES FONCTIONS
Ingénieur ORMVA-T Errachidia 29/09/09 R: 29 min Professeur à l'Université Errachidia, Directeur Centre Tark Ibn Ziad Errachidia 30/09/09 R: 20 min
Vice-orésident association des droits de l'Homme Errachidia 28/09/09 R: 1 :03
16 Une grande partie des entrevues a été réalisée avec l'aide d'un interprète, particulièrement auprès des agriculteurs. Pour le reste, elles se sont déroulées en français.
CONCLUSION
Cette dernière partie de notre mémoire a pour but de revenir de manière synthétique sur les conclusions de notre article et de voir dans quelles mesures nos concepts de gouvernance territoriale et de développement durable peuvent trouver un ancrage « réel» dans les pratiques associatives des communautés rurales de la vallée du Ziz.
Cette recherche s'est intéressée aux transformations que connaît la vallée du
Ziz au Maroc. Plus particulièrement, elle s'est intéressée aux enjeux socioterritoriaux
que soulèvent les crises des ressources hydrologiques et du milieu rural. Le
questionnement qui a guidé notre démarche visait à comprendre comment les
initiatives misent en place par la société civile, et dont les objectifs sont de dé
marginaliser la région et d'assurer son développement, traçaient la voie à une
gouvernance territoriale plus inclusive.
Pour ce faire, nous avons identifié et analysé les effets de l'action collective
sur le développement durable des communautés. Par la suite, nous avons présenté les
différentes stratégies adoptées par les acteurs du développement afin de voir de quelle
manière elles favorisaient la mise en place d'une gouvernance territoriale renouvelée.
À travers notre article, mais aussi dans le cadre d'analyse élaboré dans les
chapitres l, II et III, nous avons présenté la gouvernance territoriale ainsi que le
101
développement durable comme deux concepts aptes détenniner et évaluer les
démarches citoyennes. Dans les faits, ces deux concepts sont au cœur de notre
problématique de recherche.
Nous avons retenu le concept de gouvernance territoriale en tant qu'approche
intégrée des modes de régulation et de structuration du p01.!voir entre les acteurs
étatiques, privatifs et sociaux. Certes, le concept de gouvernance nous a pennis
d'analyser les initiatives citoyennes dans la vallée du Ziz et de mettre en lumière trois
particularités qu'il revêt dans cet espace. Nos résultats montrent d'abord que la
situation de crise environnementale et rurale a pennis le renouvellement des acteurs
du développement. Ce renouvellement s'exprime premièrement par la transfonnation
du type d'acteur impliqué. Ainsi, beaucoup d'initiatives sont aujourd'hui portées par
des jeunes et des femmes et s'organisent au sein d'associations de développement
local. L'importante augmentation de leur nombre témoigne aussi de la volonté
exprimée par les citoyens pour participer à la gouverne de leur milieu de vie. Ainsi,
d'un modèle associatif fondé sur une structuration traditionn(}lle des communautés, la
société rurale du Ziz s'engage vers une nouvelle démarche associative qui repose sur
de nouveaux acteurs.
Une deuxième caractéristique de la gouvernance territoriale telle qu'elle se
développe dans la vallée du Ziz, est la transfonnation qui s'opère dans la vision du
territoire. Cette transformation repose sur le passage d'une perception de l'espace qui
glisse du local au global. Cela s'exprime par un élargissement de l'espace d'action
des associations, c'est-â-dire que leurs initiatives ne se limitent plus seulement à
l'esp<:lce local de leur communauté, mais cherchent au contraire des appuis régionaux,
nationaux, voire même internationaux. Cette ouverture témoigne d'une réelle
transfonnation du territoire perçu et vécu par ces communautés. Un deuxième facteur
vient appuyer ce changement de perception. Il s'agit de la diversification du rôle et
des objectifs des associations locales. Si la gestion des ressources naturelles demeure
centrale dans l'action de plusieurs associations, elle s'accompagne de plus en plus de
102
projets à vocation sociale et économique. C'est précisément dans l'affrontement des
défis socioterritoriaux auxquels sont confrontées les associations que nous
remarquons un accroissement significatif du dynamisme de la société civile. Comme
nous l'avons présenté dans l'article, la diversité des projets mis de l'avant par les
acteurs sociaux témoigne d'une nouvelle forme d'appropriation des mécanismes de
gouvernance. Cette prise en charge à l'échelle locale des problèmes sociaux et
économiques, et même environnementaux dans une moindre mesure, s'accompagne
par ailleurs d'un renforcement des capacités d'action des associations.
La troisième particularité que revêt la gouvernance dans notre zone d'étude
est sa dimension temporelle. En effet, nous avons montré que l'émergence d'une
gouvernance territoriale demeure à l'heure actuelle embryonnaire. Cet état de fait
s'explique par la nouveauté qui caractérise ces initiatives citoyennes et qui rend
difficile leur analyse comme moteur du changement social.
Globalement, les initiatives que nous avons analysées ont permis de mieux
cerner les transformations que connaît la région de même que les actions qui sont
entreprises pour y faire face. Les associations rencontrées reconnaissent l'importance
de leur mobilisation, de même elles perçoivent l'impact social de leurs initiatives.
Nous avons aussi soulevé l'importance d'appréhender notre recherche à l'aide
du concept de développement durable afin d'évaluer la viabilité des pratiques et des
stratégies collectives. Notre interprétation du développement dUrable s'est centrée sur
l'intégration des sphères sociale, environnementale et économique et sur la
mobilisation de leurs acteurs respectifs autour des projets de développement local.
Afin de rencontrer notre objectif principal, nous avons défini le « développement
durable des communautés» comme un processus qui vise l'amélioration des
conditions de vie d'une communauté et dont les mécanismes sont appropriés par
celle-ci. Pour que ce développement soit durable, nous avons insisté sur l'importance
d'adopter une perspective qui tienne compte du temps futur.
103
En ce sens, notre recherche montre que les projets mis en place par la société
civile sont une source de solidarité locale et qu'ils visent à répondre aux besoins des
populations en matière de santé, de droits, d'éducation et d'environnement. De plus,
comme nous l'avons soulevé précédemment, les acteurs impliqués dans ces initiatives
sont directement issus de la communauté locale et tendent à se diversifier. C'est en
termes de durabilité, justement, que les associations rencontrent des difficultés. Leur
précarité, leur statut souvent informel, le manque d'expérience politique et
entrepreneuriale des l~aders en matière d'organisation, ainsi que l'absence de suivi à
long terme des initiatives, constituent les défis que devront affronter les associations
dans leurs stratégies de développement durable si elles veulent pérenniser leurs
expériences.
Enfin, malgré les multiples limites que connaît la région sur le plan
environnemental, social et économique, nous croyons que la mobilisation citoyenne
qui s'est mise en place depuis une vingtaine d'années seulement renforce la prise de
parole de la société civile et par le fait même, s'avère être le premier jalon vers la
mise en place d'une gouvernance territoriale qui serait plus il1clusive. En ce sens,
cette mobilisation s'inscrit dans la continuité des traditions associatives oasiennes de
la région tout en renouvelant l'espace d'action et les acteurs du développement. De
plus, les associations rencontrées reconnaissent que tout n'est pas joué.
Effectivement, bien que les premiers pas aient été effectués, elles devront user de
persévérance pour renverser la tendance lourde de la dévitalisation et de la
déstructuration des milieux ruraux dans la vallée du Ziz. Le changement social qui est
revendiqué par plusieurs acteurs locaux doit ainsi s'accompagner d'une mobilisation
encore plus large des acteurs de la société (État et privé) de même que d'une
meilleure concertation afin de définir de véritables objectifs communs en matière de
développement local.
Il est aussi important de souligner le rôle que continuent de jouer les structures
traditionnelles telles que lajmâa, dans les questions socio-traditionnelles. Toutefois,
104
dès lors qu'il est question de développement social ou économique, ces structures
sont remises en cause par les communautés et c'est à ce niveau que le renouvellement
des acteurs sociaux s'effectue aujourd'hui. Finalement, il importe de souligner
l'importance que jouent certaines organisations dans la coordination et l'encadrement
des initiatives citoyermes. L'Association du troisième millénaire de même que le
centre d'études Tarek Ibn Zyad ouvrent la voie à un meilleur renforcement des
capacités des associations, voire même à leur professiormalisation.
Bien que notre objectif vise à témoigner des transformations que cormaît la
vallée du Ziz, il se limite principalement à la dimension sociale des enjeux du
développement local. Une analyse de plus grande envergure pourrait mettre en
évidence, et même en concert, les aspects économiques et politiques qui sous-tendent
l'action des associations de même que celle des acteurs privatifs. Notre choix a, en
effet, été de mettre l'emphase sur les communautés et la mobilisation de la société
civile au détriment des autres types d'acteurs. Notre décision s'explique par la
nécessité de restreindre l'ampleur de la collecte de dormées sur le terrain. De même,
dans la vallée du Ziz, le secteur privé est fortement tourné vers le tourisme ce qui
constitue un tout autre champ d'investigation. Par ailleurs, le manque ou l'absence de
dormées dans certains domaines, tels que l' envirormement, a restreint notre analyse et
pourrait donc constituer un champ futur de recherche afin de mieux documenter et de
compléter notre analyse.
APPENDICE A
QUESTIONNAIRE D'ENTREVUE GOUVERNANTS
Secteur de J'eau ... gouvernant
#1 Informations générales Nom Âge Fonction professionnelle
Si agriculteur: nombre d'ha cultivé, type de culture, propriétaire ou non, depuis combien de temps. Autre: position dans l'organisme
Lieu de résidence Nombre d'années
#2 Informations sur la ressource hydrique Quels sont les systèmes utilisés ici pour pomper l'eau?
Quels sont les systèmes utilisés ici pour conserver l'eau?
Quels sont les systèmes utilisés ici pour nettoyer l'eau (assainissement)?
Depuis combien de temps ces systèmes sont utilisés?
Comment fonctionne les différents systèmes de gestion de l'eau? Qui paye pour leur entretient? Qui travaille à la réparation des équipements? Comment la répartition de l'eau s'effectue? Y-a-t-il compétition entre des systèmes? Ex. motopompe et Khettara Quel système est le plus performant selon vous? Croyez-vous qu'il y a des impacts sur l'environnement avec ce(s) système(s)?
Quels sont les coûts de ces systèmes qui sont facturés aux utilisateurs et les coûts réels?
Comment sont répartis les droits fonciers et droits d'eau entre le privé, le
106
publique, le communautaire et l'accès libre? Qui s'assure que c'est respecté? Depuis quand cette répartition des droits existe-t-elle?
Quels systèmes de gestion des eaux étaient utilisés auparavant? Yen avaient-ils des traditionnels? (khettaras, séguia) Quels avantages et inconvénients offraient-ils? Qui a décidé de les remplacer? Y-a-t-il des groupes qui font des pressions pour qu'il y ait des changements de modèle dans la gestion des eaux (qui, pourquoi)?
Avez-vous des informations précises sur le nombre de stations de pompage, de motopompes, de khettaras utilisés en ce moment?
Avez-vous remarqué des transformations de la ressource en eau au cours des années?
Fluctuation des quantités disponibles? Dégradation ou amélioration de la qualité de l'eau? y -a-t-il eu des événements de contaminations? Profondeur des puits a-t-elle changé?
#3 Informations liées à l'administration de la ressource Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'eau en 1995 avez-vous noté des transformations dans la gestion des eaux?
Sur le plan légal? (droit de propriété et droit foncier) Sur le plan politique? (transfert de responsabilité dans la gestion, nouvelles structures d'administration, nouveaux acteurs impliqués) Sur le plan social? (plus d'équité dans l'accès, % d'accès a-t-il augmenté, nouvelles 'associations liées à l'eau) Sur le plan économique? (variation des coûts, transfert d'argent de l'État vers la commune ou les associations) Que pensez-vous globalement de cette loi?
Au cours des 20 dernières années quels changements notez-vous sur le plan de l'organisation administrative (en général, pas seulement lié à l'eau)?
y -a-t-il eu des transformations territoriales (redécoupage administratif, décentralisation) L'État est-il autant présent? (si non, qui prend le relai dans les tâches) Le pouvoir décisionnel est-il toujours dans les mains des mêmes personnes? Quelle est la place du secteur communautaire? (en croissance ou en déclin) Nombre d'organisations nées durant cette période?
107
#4 Informations sur le plan social Notez-vous des conflits liés à l'eau?
Entre l'État, le secteur privé et la communauté? Y-a-t-il coopération entre ces trois sphères (forte, moyenne, faible)? Entre générations? À quoi sont liés ces conflits (pourquoi éclatent-ils)? Sont-ils en augmentation? Diriez-vous qu'il existe une certaine solidarité entre les usagers ou compétition?
Qui est le plus actif dans le secteur de l'eau (nouveaux projets, investissements ... )?
Le secteur publique, privé ou communautaire? Les jeunes ou les aînés? Les femmes ou les hommes? Quels sont les organismes ici qui s'intéressent à l'eau?
Existe-t-il de la formation liée à la gestion de l'eau ici? Enseignement à l'école (est-ce gratuit ou combien sont les frais)? Formations offertes par l'État ou organismes? Les responsables de la gestion des eaux sont-ils principalement formés à l'extérieur de la région ou ici?
Pensez-vous qu'il y ait des injustices par rapport à l'eau sur le plan régional ou national?
#5 Questions plus ouvertes Croyez-vous que la ressource en eau est menacée ici (quelles menaces)?
Comment envisagez-vous l'avenir sur le plan de la ressource?
Quels changements devraient être apportés pour améliorer la situation?
Qui devrait davantage s'impliquer dans la gestion de l'eau pour qu'il y ait des améliorations?
Croyez-vous qu'il faille retourner à des techniques plus traditionnelles ou, au contraire, viser vers les nouvelles technologies?
Êtes-vous familier avec le concept de développement durable? Qu'est-ce que ça représente pour vous?
108
Si vous aviez le pouvoir de transfonner les choses, que feriez-vous?
Avez-vous d'autres commentaires concernant la gestion de l'eau dans votre région qui pourraient aider à compléter cette recherche?
APPENDICE B
QUESTIONNAIRE D'ENTREVUE AGRICULTEUR
Secteur eau --- agriculteur
#1 Informations générales Nom Âge Fonction professionnelle
Si agriculteur: nombre d'ha cultivé, type de culture, propriétaire ou non, depuis combien de temps.
Lieu de résidence Nombre d'années ici Situation familiale (marié, nbr personne à charge)
#2 Informations sur la ressource hydrique Êtes-vous membre d'une AUEA?
Laquelle? Nombre de membres? y avez-vous adhéré de votre plein gré? Fonctionne-t-elle bien? Qui la gère? Y-a-t-il des conflits, problèmes entre les membres?
Quel type de système d' approvisionnement en eau utilisez-vous (avez-vous accès)? Qui le gère? Fonctionne-t-il bien (tous les jours, quantité suffisante ... )? Est-ce le système le plus répandu? Coût lié à ce système? À qui va cet argent? Statut juridique de ce système (privé, publique ou communautaire)?
Comment fonctionne les différents systèmes de gestion de l'eau? Qui paye pour leur entretient? Qui travaille à la réparation des équipements? Comment la répartition de l'eau s'effectue? Y-a-t-il compétition entre des systèmes? Ex. motopompe et Khettara
110
Quel système est le plus perfonnant selon vous? Croyez-vous qu'il y a des impacts sur l'environnement avec ce système?
Avez-vous remarqué des transfonnations de la ressource en eau au cours des années?
Fluctuation des quantités? Dégradation ou amélioration de la qualité?
#3 Informations sur le plan social Notez-vous des conflits liés à l'eau?
Entre l'État, le secteur privé et la communauté? Y-a-t-il coopération entre ces trois sphères (forte, moyenne, faible)? Entre générations? À quoi sont liés ces conflits (pourquoi éclatent-ils)? Sont-ils en augmentation? Diriez-vous qu'il existe une certaine solidarité entre les usagers ou compétition?
Qui est le plus actif dans le secteur de l'eau (nouveaux projets, investissements ... )? Le secteur publique, privé ou communautaire? Les jeunes ou les aînés? Les femmes ou les hommes? Quels sont les organismes ici qui s'intéressent à l'eau?
Existe-t-il de la fonnation liée à la gestion de l'eau ici? Enseignement à l'école? Fonnations offertes par l'État ou organismes?
Pensez-vous qu'il y ait des injustices par rapport à l'eau sur le plan régional ou national?
Comment s'organisent les associations locales? Y participez-vous?
#4 Questions plus ouvertes Croyez-vous que la ressource en eau est menacée ici?
Comment envisagez-vous l'avenir sur le plan de la ressource?
Quels changements devraient être apportés pour améliorer la situation?
Qui devrait davantage s'impliquer dans la gestion de l'eau pour qu'i! y ait des améliorations?
111
Croyez-vous qu'il faille retourner à des teclmiques plus traditionnelles ou au contraire viser vers les nouvelles teclmologies?
Êtes-vous familier avec le concept de développement durable? Qu'est-ce que ça représente pour vous?
Si vous aviez le pouvoir de transformer les choses, que feriez-vous?
Avez-vous d'autres commentaires concernant la gestion de l'eau dans votre région qui pourraient aider à compléter cette recherche?
BIBLIOGRAPHIE
Abdelkhalek, T. 2005. « La pauvreté au Maroc, rapport thématique ». Cinquantenaire de l'indépendance du Royaume du Maroc. [En ligne]. hltp://www.rdh50.ma/fr/pdflcontributions/GT7-l.pdf. Page consultée le 28 mai 2010.
--------. 2009. «Cadre stratégique national de réduction de la pauvreté au Maroc: à propos du concept de pauvreté et analyse de la situation ». Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité. [En ligne]. http://www.social.gov.mafMdsfsFichiers/pdflCONCEPT DE%20PAUVRET E ET%20ANALYSE DE%20LA SITUATION.pdf. Page consultée le 10 juillet 2010.
Administration du geme rural. 2000. Base de données sur l'irrigation. Rabat, Ministère de l'agriculture et du développement rural.
Agence de développement social (2010). [En ligne]. http://www.ads.maJ. Page consultée le 17 juin 2010.
Arnharref, Mina. 1991. « Contribution à l'étude hydrogéologique de la vallée du Ziz (Province d'Errachidia sud-est du Maroc). Incidences respectives de la sécheresse et du barrage Hassan Addakhil sur les ressources à l'aval ». Thèse de doctorat, Directeur Besançon, Université de Besançon, 232 p.
Angéon, Valérie, et Houédété, Thomas. 2004. «Le développement entre gouvernement et gouvernance ». In Gouvernance locale et développement territorial, Paris, L'Harmattan, p. 117-140.
Angers, Maurice. 1996. Initiation pratique cl la méthodologie des sciences humaines. Anjou, Éditions CEe.
Badie, Bertrand. 1995. La fin des territoires essai sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect. Paris, A. Fayard, Espace du politique.
Baguenard, Jacques. 2004. La décentralisation. Paris, Presses Universitaires de France.
113
Bajeddi, Mohammed. 2007. « La décentralisation et la mise en œuvre de stratégies participatives de développement rural au Maroc », CIHEAM, [En ligne]. http://portaiI2.reseau-concept.net/Upload/ciheam/fichiersINAN27.pdf. Page consultée le 28 janvier 2009.
Banque Mondiale. 1994. Managing Development - the Governance Dimension. Washington, Banque Mondiale.
---~----. 2007a. Obtenir le meilleur parti des ressources rares. Washington, Banque Mondiale.
--------. 2007b. « Se soustraire à la pauvreté au Maroc », Banque Mondiale, [En ligne]. http://siteresources.worldbank.orgIINTMOROCCOINFRENCH/Resources/M oving.out.of.poverty.French.DEF.pdf. Page consultée le 28 mai 2010.
Baron, Catherine. 2003. « La gouvernance: débats autour d'un concept polysémique », Droit et société, 200312 - n054, Paris, p. 329-351.
Barrow, 1. Chris. et Hicham, H. 2000. "Two complimentary and integrated land uses of the wester High Atlas Mountains, Morocco: the potential for sustainable rural livelihoods", Applied Geography, 20, p. 369-394.
Beaurain, Christophe. 2003. « Gouvernance environnementale locale et comportements économiques », Développement durable et territoires, Dossier 2 Gouvernance locale et Développement Durable, [En ligne] http://developpementdurable.revues.org/index1110.htmIPage consultée le 27 mars 2009.
Bédard, Mario. 2009. Méthodologie et méthodes de la recherche en géographie 7eNotes et document du cours, édition revue et augmentée, GEO 8011.
Montréal, Coop Uqam Éditeur.
Ben Brahim, Mohammed. 2001. « Les khettaras du Tafilalet ; un patrimoine hydraulique à sauvegarder », in Rapport MAB : « Réserve de biosphère » Unesco. [En ligne]. http://www.artsouk.comIDocslKhettarasTafilalet.pdf. Page consultée le 16 novembre 2008.
Ben Brahim, Mohammed. 2003a. « Les khettaras (qanat) du Tafilalet (SE. Maroc). Passé, présent et futur », Internationales Frontinus-Symposium. 2-5 octobre 2003. [En ligne]. http://www.artsouk.com/DocslKhettarasTafilalet.pdf. Page consultée le 16 novembre 2008.
114
Ben Brahim, Mohanuned. 2003b. « Irrigation traditionnelle et construit socioculturel dans les oasis du Tafilalet (Sud-Est marocain) », II Congrès International « oasis et tourisme durable ». [En ligne]. www.culturaoasis.com/data/ponenciasfMohanuned Benbrahim.pdf Page consultée le 20 février 2009.
Benblidia, Mohammed, Margat, Jean, et Vallée, Domitille. 1998. « Pénuries d'eau prochaines en Méditerranée? ». Futuribles, juillet-août 1998, no. 233, p. 5-29.
Bergh, Sylvia I. 2009. "Traditional village councils, modern associations, and the emergence of hybrid political orders in rural Morocco", Peace Review: A Journal ofSocial Justice, January-March 2009, vol. 21, no. l, p. 45-53.
Berthoud, Gérard. 1995. « Que nous dit l'économie? », in Latouche S. (dir.), L'économie dévoilée, Paris, Autrement, p.95-129.
Bied-Charreton, Marc, Makkaoui, Raoudha, Petit, Olivier et Requier-Desjardins, Mélanie. 2006. « La gouvernance des ressources en eau dans les pays en développement: enjeux nationaux et globaux », Mondes en Développement. 2006, voI.34/3, no. 135, p. 39-62.
Bollinger, Madeleine. 2002. « L'eau, un bien public », Choisir, juillet-août 2002, no. 511-512, p. 23-26.
Bouguerra, Mohamed Larbi. 2003. Les batailles de l'eau: pour un bien commun de l'humanité. Montréal, Écosociété, Enjeux planète.
Bourrnaud, Daniel. 2006. « La gouvernance contre la démocratie représentative? Concept mou, idéologie dure », R. Ben Achour et al. (dir.) La démocratie représentative dans un défi historique, Bruxelles, Bruylant, p.77-94.
Boyer, Robert. 1992. « Les alternatives. au fordisme des années 1980 au XXIe
siècle », Benko G., Lipietz A. (dir.), Les régions qui gagnent! Districts et réseaux: les nouveaux paradigmes de la géopolitique, Paris, PUP.
Brassard, Marie-Joëlle et Gagnon, Christine. 2000. « Quelle gouvernance pour les conununautés locales? », in Gouvernance et territoires ruraux : Eléments d'un débat sur la responsabilité du développement, sous la dir. de M. Carrier et S. Côté, Ste-Foy: Les Presses de l'Université du Québec.
Brenner, Neil. 2004. New State Spaces. Urban Governance and the Rescaling of Statehood . Oxford, Oxford University Press.
115
1999. "Globalization as Reterritorialization: the re-scaling of urban governance in the European Union". Urban Studies, vo1.36, noJ, p. 431-451.
Bretton Woods Institutions. 2010. The Bretton Woods Committee. Washington. [En ligne]. http://www.brettonwoods.org/. Page consultée le 26juillet 2010.
Broadhead, Lee-Anne. 1996. "Commissioning Consent: Globalization and Global Gouvernance", International Journal, 4, p. 651-668.
Brunelle, Dorval. 2007. « La gouvernance: mise en contexte critique» (version française du chapitre un intitulé "La gobernabilidad: una contextualizacion critica"). In D. Brunelle, (dir.), Gobernabilidad y democracia en las Américas: teor/as y practicas, Editorial de la Universidad Tecnica Particular de Loja, Loja, 2007, p. 33-58.
Burger, P. 2005. « Sauvegarde des oasis et partIcIpation de la société civile: l'initiative du Réseau de Développement Durable des Oasis (RADDO)>>, Actes du Symposium international sur le développement durable des systèmes oasiens, 8 au 10 mars 2005, Erfoud, p. 441-445.
Brugvin, Thierry. 2006. « La gouvernance par la société civile: une privatisation de la démocratie? », AlainCaillé (éd.), Quelle démocratie voulons-nous? Pièces pour un débat, Paris, La Découverte.
Bzioui, M6khtar. 2004. Rapport national sur les ressources en eau au Maroc. PNUD. [En ligne]. http://www.pnud.org.ma/pdflRappt national 1%20juin fr.pdf. Page consultée le 19 janvier 2009.
Cadène, Philippe. 2003. « Développement », 1. Lévy et M. Lussault (dir.) Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Paris, Belin, pp.245-249.
Calvo-Mendieta, Iratxe. 2004. « Conflits d'usage dans la gestion des ressources en eau: analyse territoriale des modes de régulation », Les territoires de l'eau: Actes de la journée d'études (Université d'Artois, Arras, 26 mars 2004), 16 pages.
Catlla, Michel. 2007. « De la genèse d'une régulation territorialisée à l'émergence d'une gouvernance territoriale », in Romain Pasquier, Vincent Simoulin et Julien Weisbein (dir.) La gouvernance territoriale, pratiques, discours et théories,Paris, Maison des sciences de l'Homme, p. 89-107.
Chadler, Alfred. 1964. Giant enterprise ford,general motors and the automobile industry. New York: Harcourt, Brace and World.
116
--------.1979. Pioneers in modernfactory management. New York: Arno Press.
Charfi, Abdelrhani. 2009. "The Role of Emigrants in Rural Development Associations in Morocco", Journal ofEthnie and Migration Studies, 35: 10, p. 1643-1663.
Chia, Eduardo, Torre, André, et Rey-Valette, Hélène. 2008. « Conclusion: vers une « technologie» de la gouvernance territoriale! Plaidoyer pour un programme de recherche sur les instruments et dispositifs de la gouvernance des territoires », Norois, Rennes, nO 209 (2008/4), Presses universitaires de Rennes, p.167-177.
Clément, Jean-François. 1995. « Les effets sociaux du programme d'ajustement structurel marocain », Politique étrangère, vo1.60, n0 4, p. 1003-1013.
Clouet, Yves et Dollé, Vincent. 1998. « Aridité, oasis et petite production, exigences hydrauliques et fragilité sociale: une approche par analyse spatiale et socioéconomique », Sécheresse, vol. 9, no 2, p. 83-94.
Coase. Ronald H. 1937. "The Nature of the Firm". Economica, New Series, vol. 4, no. 16, p. 386-405.
Comité directeur. 2006. « 50 ans de développement humain au Maroc et perspectives pour 2025 », Rapport général, Cinquantenaire de l'indépendance du Royaume du Maroc. [En ligne]. http://www.rdh50.malFr/pdf/general/RG-FR.pdf. Page consultée le 15 mai 2010.
Commission on Global Governance. 1995. "Our Global Neighborhood: Report ofthe Commission on Global Governance", Oxford University Press [En ligne] http://www.sovereignty.net/p/gov/chapl.htm. Page consultée le 23 janvier 2010.
Commission mondiale sur l'environnement et le développement (CMED) (1989). Notre avenir à tous, Montréal, Édition du Fleuve.
Cournoyer, Claude. 2004. « Le paysage de l'oasis dans le sud du Maroc », Workshop de la CUPEUM Marrakech 2004: La Palmeraie de Marrakech - un paysage périurbain. [En ligne]. http://www.unescopaysage.umontreal.caltravaux marrakech/oasisclaude.pdf. Page consultée le 17 novembre 2009.
117
Courlet, Claude, et Ferguène, Améziane. 2004. « Gouvernance et dynamiques territoriales: points de repère analytiques », Gouvernance locale et développement territorial, Paris, L'Harmattan, p. 11-22.
Darfaoui, E. 2005. « Le rôle des institutions traditionnelles et professionnelles dans la durabilité des systèmes pastoraux dans les zones arides et sahariennes », Actes du Symposium international sur le développement durable des systèmes oasiens, 8 au 10 mars 2005, Erfoud, p. 384-391.
Debbarh, Abdelhafid, et Badraoui, Mohamed. 2002. « Irrigation et environnement au Maroc: situation actuelle et perspectives ». In Vers une maîtrise des impacts environnementaux de l'irrigation. [En ligne]. http://ha1.inria.fr/docs/00/17/98/40/PDF/Debbarh.pdf. Page consultée le 20 avril 2010.
De Benoist, Alain. 2009. « Qu'est ce que la gouvernance? », Éléments, [En ligne] http://www.alaindebenoist.com/pdflgu est-ce gue la gouvernance.pdf Page consultée le 6 novembre 2009.
De Charette, Hervé. 2004. Les enjeux méditerranéens.' l'eau, entre guerre et paix. Paris, L'Harmattan. .
Deslauriers, Jean-Pierre. 1991. Recherche qualitative guide pratique. Montréal, McGraw-Hill.
Direction de la recherche et de la planification de l'eau. 2002. Le Plan national de l'eau (PNE). Ministère de l'aménagement du territoire, de l'eau et de l'environnement. .
Doukkali, Mohammed Rachid. 2005. "Water institutional reform in Morocco". Water Policy, vol. 7, no l, p.7l-88.
Duménil, Gérard et Lévy, Dominique. 2000. Crise et sortie de crise ordre et désordres néolibéraux. Paris, Presses universitaires de France.
El Alaoui, M. 2004. « Les pratiques participatives des associations d'usagers de l'eau dans la gestion de l'irrigation au Maroc: étude de cas en petite, moyenne et grande hydraulique », Actes du Séminaire Modernisation de l'Agriculture Irriguée. [En ligne]. http://hal.cirad.fr/docs/00/18/89/l3/PDF/IV ElAlaoui.pdf. Page consultée le 18 novembre 2008.
118
El Jihad, Moulay Driss. 2001. « L'eau de la montagne et le pouvoir étatique au Maroc: entre le passé et le présent », Annales de Géographie, 2001, n0622, p. 665-672. .
Ellul, Jacques. 1980. L'empire du non-sens l'art et la société technicienne. Paris, Presses universitaires de France.
--------. 1990. La technique ou L'enjeu du siècle. Paris, Économica.
English, Paul Ward. 1968. "The origin and spread of qanats in the Old World", Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 112, no 3 (Jun. 21, 1968), p. 170-181.
Falkenmark, Malin, et Lindh, Gunnar. 1974. "How Can We Cope with Water Resources Situation by the Year 2050?", Ambio, 3 (3-4), p. 114-22.
FAO. 2005. « L'irrigation en Afrique en chiffre - enquête AQUASTAT 2005 », in Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. [En ligne]. ftp://ftp.fao.org/agllaglw/docs/wr29 fre pays inclus.pdf. Page consultée le 17 mai 2010.
Fredericks A. Kimberly and Durland A. Maryann. 2005. "The historical evolution and basic concepts of social network analysis", New Directions for Evaluation, Vol. 2005, Issue 107, p. 15-23.
Froger, Géraldine. 2006. « Significations et ambiguïtés de la gouvernance dans le champ du développement durable », Mondes en développement, vo1.34, 2006/4, no 136. p.11-28.
Gaffiot, Félix. 2000. Le grand Gaffiot dictionnaire latin-français. Paris, Hachette.
Gaudin, Jean-Pierre. 2002. Pourquoi la gouvernance? Paris, Presses de sciences po.
GEIC. 2007. « Bilan 2007 des changements climatiques », Contribution des Groupes de travail 1, II et III au quatrième Rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. [En ligne]. http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4 syr fr.pdf. Page consultée le 17 mars 2010.
Gendron, Corinne. 2001. « Émergence de nouveaux mouvements sociaux économiques »,Pour, no 172, p. 175-181.
119
--------. 2006. Le développement durable comme compromis. Québec, PUQ. Collection Pratiques et politiques sociales et économiques.
Ghanam, Mohamed. 2002. « La désertification au Maroc - Quelle stratégie de lutte? » [En ligne]. www.fig.net/pub/morocco/proceedings/TS4rrS4 5 ghanam.pdf.Page consultée le 7 février 2009.
Goxe, Antoine. 2007. « Gouvernance territoriale et développement durable: implications théoriques et usages rhétoriques », Romain Pasquier, Vincent Simoulin et Julien Weisbein (dir.) La gouvernance territoriale, pratiques, discours et théories. Paris, Maison des sciences de l'Homme. p. 151-170.
Graham, John, Amos, Bruce, et Plumptre, Tim. 2003. « Principes de bonne gouvernance au 21 e siècle », Précis de politique No.15, Institut sur la gouvernance, Ottawa. [En ligne]. http://iog.ca/sites/iog/files/policybrief15 fre O.pdf. Page consultée le 19 janvier 2010.
Griffiths, élaire. 1996. "Social development and women in Africa: the case of Morocco", Journal ofgender studies, Vol. 5, nO l, p. 63-79.
Guillon, Roland. 2005. Les avatars d'une pensée dirigeante. Le cas du parti socialiste. Paris, L'Harmattan.
Haut commissariat au Plan. 2006. « Recensement général de la population et de l'habitat de 2004 : caractéristiques démographiques et socio-économiques de la Région Meknès-Tafilalet », Haut Commissariat au Plan. [En ligne]. http://www.hcp.ma/pubData%5CDemographie%5CRGPH%5CMeknes.pdf. Page consultée le 14 avril 2009.
--------. 2007. « Croissance économique et développement humain Eléments pour une planification stratégique 2007-2015 », Haut commissariat au Plan. [En ligne]. http://www.hcp.ma/pubDatalProspective/Pub/croissanceEtDevelopementHum ain.pdf. Page consultée le Il décembre 2009.
Hatem, Fabrice. 1990. « Le concept de développement soutenable », Économie, prospective internationale, n044, p.l01-117.
120
Hmimidi, Rachid. 2004. « Contribution à la recherche d'une méthodologie de redynamisation des AUEA dans le périmètre des Doukkala », École Nationale d'Agriculture de Meknès, Mémoire de troisième cycle en agronomie. En ligne]. http://www.wademed.netlMemoireslHmimidi.pdf. Page consultée le 17 mars 2009.
Hufty, Marc. 2007. « L'objet gbuvernance », M. Hufty et al. (dirs.) Jeux de gouvernance regards et réflexions sur un concept, Paris, Karthala, p.13-28.
Initiative nationale de développement humain (INDH). (2010). [En ligne). http://www.indh.gov.malfr/index.asp. Page consultée le 10 janvier 2010.
Insel, Ahmet. 2005. « La postdémocratie. Entre gouvernance et caudillisme », La Revue du MAUSS, 2005/2 (n026), p. 121- 136.
Jari, F. 2005. «Promotion des femmes rurales: un enjeu majeur pour le développement durable des oasis », Actes du Symposium international sur le développement durable des systèmes oasiens, 8 au 10 mars 2005, Erfoud, p. 397-400.
Jean, Bruno. 1997. Territoires d'avenir: Pour une sociologie de la ruralité. SainteFoy, Les Presses de l'Université du Québec.
Keefer, Philip. 2004. A review ofthe political economy ofgovernance: from property rights to voice, World Bank Policy Research Working Paper 3315. Washington, World Bank, 49 p.
Khardi, A. 2005. « La conservation des ressources naturelles et le développement des oasis du Tafilalet », Actes du Symposium international sur le développement durable des systèmes oasiens, 8 au 10 mars 2005, Erfoud, p. 194-201.
Klein, Juan-Luis. 1997. « L'espace local à l'heure de la globalisation, la part de la mobilisation sociale », Cahiers de géographie du Québec, vol. 41, no 114, p. 367-377.
--------. 2008. « Territoire et développement: du local à la solidarité interterritoriale ». In Guy Massicotte (dir.) Sciences du territoire: perspectives québécoises, Québec, Presses de l'Université du Québec, p. 315-334.
Labasse, Jean. 1957. « L'économie des oasis », Revue de géographie de Lyon, vol. 32, no. 32-4, p. 307-320.
121
Laouina, Abdellah. 2006. « Gestion durable des ressources naturelles et de la biodiversité au Maroc », Haut Commissariat au Plan. [En ligne]. http://www.hcp.ma/pubData/ProspectivelPublRessourcesNaturellesetbiodivrsi tteLAOUINA.pdf. Page consultée le 22 février 2009. .
Laroussi, Houda. 2009. « Politiques publiques et bonne gouvernance en Tunisie », Mondes en Développement. Vo1.34-2009/01-no145, p. 93-108.
Le Galès, Patrick. 1998. « Régulation, gouvernance et territoire », Jacques Commaille et Bruno Jobert (dir.) Les métamorphoses de la régulation politique. Paris, Droit et société, vol. 24, Maison des sciences de l'Homme. p. 203-236.
--------; 2003. « Gouvernance », Lévy, Jacques, et Lussault, Michel. (dirs.). Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés. Paris, Belin, p. 418.
Levy, Brian et Kpundeh, Sahr. 2004. Building State Capacity in Africa: New Approaches, Emerging Lessons. Washington, The World Bank.
Lévy, Jacques et Lussault, Michel. 2003. Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés. Paris, Belin.
Lightfoot, R. Dale and Miller, A. James. 1996. "Siji1massa: The rise and fall of a walled oasis in medieval Morocco", Annals of the Association of American Geographers, 86, Issue 1, p. 78-101.
Lightfoot, Dale R. "Moroccan Khettara". Water history organization. 2009. [En ligne]. http://www.waterhistory.org/histories/morocco/ . Page consultée le 7 mars 2009.
Margat, Jean. 1959. « Note sur la morphologie du site de Sigilmassa (Tafilalt) ». Hesperis, 46, p. 254-260.
Ministère de la Prévision économique et du Plan. 2000. « Plan de développement économique et social 2000-2004 », Direction de la Programmation. [En ligne]. http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/cafrad/unpan002445.p df. Page consultée le 17 novembre 2009.
Ministère de l'Intérieur. 2004. Collectivités locales en chiffres. Centre de documentation des collectivités locales. [En ligne]. http://www.padmaroc.org/IMG/Collectivites Locales-6.pdf. Page consultée le 10 mai 2009.
122
Nations Unies. 2002. « Sommet de Joannesburg 2002, profil du Maroc », Nations Unies. [En ligne]. www.un.org/esaiagenda2I1natlinfo/wsscl/morocco.pdf Page consultée le 20 février 2009.
Nain, Daniel. 1966. «Aspects du sous-développement au Maroc )), Annales de géographie, vol. 75, no. 410, p. 410-431.
Neveu, Érik. 2005. Sociologie des mouvements sociaux. La Découverte, Paris.
Observatoire National de l'Environnement. 2002. « Rapport sur l'état de l'environnement du Maroc », Secrétariat d'État chargé de l'environnement. [En ligne]. hrtp://www.minenv.gov.malonem/sommairereem.htm. Page consultée le 21 février 2009.
Ost, François. 2004. « De la pyramide au réseau : un nouveau paradigme pour la science du Droit », Alain Supiot (dir.) Tisser le lien social, Paris, Maison de la Science de l'Homme, p. 175-195.
Ouartara, Soungalo. 2007. Gouvernance et libertés locales. Paris, Karthala.
Oubrhou, A. 2005. « Le savoir-faire local des agriculteurs oasiens, un patrimoine à capitaliser et à préserver », Actes du Symposium international sur le développement durable des systèmes oasiens, 8 au 10 mars 2005, Erfoud, p. 401-406.
Organisation mondiale de la santé (OMS). 2007. « Programme de coopération OMS / Maroc Biennie 2004-2005 », Bureau Régional de la Méditerranée Orientale. [En ligne]. hrtp://www.emro.who. int/morocco/mediathegue/onenparle/jmtb2007/docs/fr/ OMS au Maroc programmes en cours.pdf. Page consultée le 22 mai 2010.
Ouedraogo, Hubert. 2006. « Décentralisation et pouvoirs traditionnels: le paradoxe des légitimités locales », Mondes en Développement. Vol.34-2006/l-no133, p. 9-29.
Paré, Samuel. 2006. « Contributipn à la détermination ~'un terme du bilan hydrologique dans la région d'Errachidia-Tafilalet : Evaluation de l'évapotranspiration de référence et de l'évaporation à travers la zone non saturée de la Plaine de Tafilalet ». Thèse de doctorat, Rabat, Université Mohammed V, 109 pages.
123
Pierre, Jon et Peters, B. Guy. 2000. Governance, politics and the state. New York, St. Martin's Press.
Pére1U1ès, Jean-Jacques. 1993. L'Eau et les hommes au Maghreb, contribution à une politique de l'eau en Méditerranée. Paris, Karthala.
PNUD. 1995. Public Sector Management, Governance, and Sustainable Human Development, New York, Programme des Nations Unies pour le développement.
--------. 1996. Report on the Workshop on Governance for Sustainable Human Development, New York, Programme des Nations Unies pour le développement.
--------. 1999. Rapport National sur le Développement Humain 1998-1999: Approche participative et développement rural. Rabat, Programme des Nations Unies pour le développement.
--------.2009. Arab human development report. Programme des Nations Unies pour le Développement. [En ligne] http://www.arabhdr.org/publications/other/ahdr/ahdr200ge.pdf. Page consultée le 17 mai 2010.
Région Meknès-Tafilalet. 2001. Monographie de l'Environnement, Région MeknèsTafilalet. [En ligne]. http://www.minenv.gov.ma/onern/synt monog regionales/Syn meknes tafila let.pdf.Page consultée le 15 janvier 2009.
Renevot, G. et al. 2009. «Pratiques d'irrigation du palmier dattier dans les systèmes oasiens du Tafilalet, Maroc », Symposium international «Agriculture durable en région Méditerranéenne )), Rabat. [En ligne]. http://www.vulgarisation.net/agdumed2009/Renevot irrigation palmier datti er systemes oasiens.pdf. Page consultée le 7 mai 2010.
Rosanvallon, Pierre. 1984. La crise de l'État-Providence. Paris, Le Seuil.
Romagny, Bruno et Riaux, Jea1U1e. 2007. «La gestion communautaire de l'eau agricole à l'épreuve des politiques participatives: regards croisés TunisielMaroc », Journal des Sciences Hydrologiques. [En ligne]. http://www.atvpon-link.com/IAHS/doilpdf/lO.1623/hysj.52.6.1179. Page consultée le 4 février 2009.
124
Royaume du Maroc. 1995. Bulletin Officiel. No 4325, 24 rabii II 1416 (20 septembre 1995). [En ligne). http://www.sgg.gov.ma/BO%5Cbulletin%5CFr%5C1995%5CBO 4325 fr.P DF. Page consultée le 20 juillet 2010.
--------. 2005. « Objectifs du Millénaire pour le développement », Rapport National. [En ligne). http://www.pnud.org.ma/pdf/rapportslRapport OMDa2005-.pdf Page consultée le 22 mars 2009.
--------. 2009a. « Débat National sur l'eau », Royaume du Maroc. [En ligne). http://gc21.inwent.org/ibt/en/modules/gc21/ws-nnnnet/ibt/downloads/menalMnasra/iii-%20Debat%20sur%201%27Eau.pdf. Page consultée le 22 mars 2009.
--------. 2009b. « Plan National de lutte contre le réchauffement climatique », Royaume du Maroc. [En ligne). http://www.ccmaroc.ma/maroc/pnrc.pdf. Page consultée le 25 mai 2010.
Ruf, T. et Bouaziz, A. 2005. « La conservation des ressources naturelles et le développement des oasis du Tafilalet », Actes du Symposium international sur le développement durable des systèmes oasiens, 8 au 10 mars 2005, Erfoud, p. 214-232.
Sedjari, Ali. 1997. « La fin du pouvoir de l'Etat: vérité ou illusion? », La revanche des territoires, Rabat, L'Hannattan, p. 15-48.
Service Central des Statistiques. 1966. Résultats du Recensement de 1960, Vol. 1 (Rabat, 1966), pp. 70-72.
Stoker, Garry. 1998. "Governance as theory: Five propositions", International Social Science Journal, 155:17-27. [En ligne] http://www3.interscience.wiley.com/cgibin/fulltext/119107815IPDFSTART. Page consultée le 22 novembre 2009.
Theys, Jacques. 2003. « La gouvernance, entre innovation et impuissance », Développement durable et territoire. [En ligne). http://developpementdurable.revues.org/document1523.html. Page consultée le 27 mars 2009.
Tremblay, Marc-Adélard. 1968. Initiation à la recherche dans les sciences humaines. Montréal, McGraw-Hill.
125
Trésorerie générale du Royaume. 1997. Dahir nO 1-97-84 2 Avril 1997 (23 kaada 1417) portant promulgation de la loi nO 47-96 relative à l'organisation de la région (B.O. 3 avril 1997). Royaume du Maroc.
UNESCO. 2010. [En ligne]. http://www.unesco.org/courier/200110/fr/doss02.htm. Page consultée le17 mai 2010.
United Nations. 2004. World Population Prospects. Population division, UN. [En ligne]. http://www.angelinvest.us/esa/population/publications/WPP2004/2004Hi ghlights finalrevised. lli!f. Page consultée le 17 mars 2010.
Vidal de la Blache, Paul. 1913. « Des caractères distinctifs de la géographie », Annales de géographie, vol. 22, no 124, p. 289-299.
Vivien, Franck-Dominique. 2005. Le développement soutenable. Paris, La Découverte.
Williamson, Oliver E. 1996. The mechanisms of govemance. New York, Oxford University Press.
World Bank. 2003. Better governance for development in the Middle East and North Ajrica. Washington, World Bank.
Zair, Tarik. 2007. La gestion décentralisée du développement économique au Maroc. Paris, l'Harmattan.
Zyani, Brahim. 2002. «Décentralisation et réfonne administrative au Maroc », 4e
Forum méditerranéen du développement à Amman. [En ligne]. http://www.cespi.it/STOCCHIERO/Ascod-Marocco/ZyanLpdf. Page consultée le 24 mars 2010.