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Hémostase et grossesse : Physiologie – Anomalies

Hémostase et grossesse

Geneviève Freyburger, Viviane Guérin

Laboratoire d’Hémostase, CHU de Bordeaux, Hôpital Pellegrin, 33076 Bordeaux [email protected], [email protected]

La grossesse constitue un « défi hémostatique » pour l’organisme de la mère par la multiplicité des impératifs auquel le système hémostatique doit répondre. L’invasion de l’utérus par le placenta, la mise en place des échanges foeto-maternels, le décollement du placenta lors de la délivrance vont dans le sens du risque hémorragique, et la stase, la compression veineuse, l’hypercoagulabilité vont dans le sens du risque thrombotique. Connaître les grandes lignes des modifications de l’hémostase et de la participation hormonale et placentaire à ces phénomènes permet de mieux comprendre les risques propres à la grossesse, et les adaptations de prise en charge des maladies de l’hémostase que la grossesse implique.

1. Physiologie de la grossesse1.1. La grossesse et les facteurs de l’hémostaseLes modifications de l’hémostase liées à la grossesse touchent l’hémodynamique, les vaisseaux et les facteurs de la coagulation, c'est-à-dire les trois éléments de la triade de Wirchow. L'hémodilution physiologique de la grossesse s'accompagne d'une hypotonie veineuse, facteur de stase auquel s'ajoute la compression de l'utérus gravide sur le retour veineux des membres inférieurs, surtout au 3ème trimestre. Oestrogènes et progestatifs entraînent en effet un épaississement de l'intima, une prolifération endothéliale et favorisent la varicogénèse. Si les plaquettes diminuent en moyenne de 10 % entre le 5ème mois et le terme, en partie par dilution, en partie par augmentation de la destruction, la plupart des facteurs de coagulation augmentent. C’est en particulier le cas du fibrinogène, et des facteurs VIII et VII ; le facteur von Willebrand augmente aussi fortement [1].

Deux éléments freinateurs de la coagulation sont par contre diminués, il s'agit de la protéine S et de la fibrinolyse, par augmentation du PAI1 et du PAI2 d'origine placentaire. La fibrinolyse est également altérée par une augmentation du TAFI (Thrombin Activatable Fibrinolysis Inhibitor) au cours de la grossesse [2]. Cette augmentation induit un allongement du temps du lyse du caillot et participe à la résistance acquise à la protéine C activée à laquelle participent également l'augmentation du facteur VIII.

Ces modifications sont classiquement interprétées comme une préparation au travail, à l'accouchement et à la délivrance [3]. Cependant, leur installation progressive et précoce au cours de la grossesse peut également correspondre à un rôle protecteur vis à vis de l'hémorragie lors de l'implantation de l'œuf, la placentation et le remodelage des artères spiralées.

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VIII %

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Fibrinogène g/L

accouche me nt

D'après [4,5,6]

1.2. L’hypercoagulabilitéL’hypercoagulabilité correspond donc à un réglage différent des concentrations de protéines plasmatiques impliquées dans la formation du caillot, dans le contrôle de cette formation et dans la lyse du caillot. Elle se traduit cliniquement par un risque augmenté de thrombose durant la grossesse et le post-partum immédiat et dans les 6 semaines suivant l'accouchement.

Cette hypercoagulabilité peut être définie biologiquement par : L'association d'un faisceau de modifications de facteurs allant dans le sens d'une

augmentation du pouvoir thrombogène du plasma (augmentation du Fg, du VIII, du PAI 1et 2, du VII, diminution de la protéine S).

L'apparition d'une résistance acquise à la protéine C activée observée pendant la grossesse et résultant au premier chef de l'augmentation du facteur VIII que la PC activée doit détruire après activation au même titre que le facteur Va pour lequel le design du test a été initialement pensé [7].

Une augmentation de la génération de thrombine qui a été montrée lors de la grossesse ; elle résulte de l'augmentation des facteurs procoagulants [8].Cependant Eichinger et al. n'ont pas retrouvé l'augmentation de la génération de thrombine pendant la grossesse [9].

Une augmentation des marqueurs d'activation de la coagulation et de la fibrinolyse pendant la grossesse. Les fragments 1+2 de la prothrombine (F1+2), les complexes thrombine-antithrombine (TAT), et les D-Dimères augmentent régulièrement au cours de la grossesse, témoignant de l'implication accrue des phénomènes de coagulation et de fibrinolyse. Eichinger a montré que parmi ces marqueurs, seuls les D-dimères présentaient une augmentation accrue chez les femmes porteuses de la mutation Leiden par rapport à celles qui ne le sont pas [9].

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1.3. Les oestrogènesCe sont des médiateurs majeurs de la régulation de l’hémostase : ils induisent de fortes modifications des équilibres au cours des différentes phases de la vie d’une femme.

L’influence des oestrogènes sur la coagulation et la fibrinolyse est complexe et reste très discutée. Les œstrogènes synthétiques utilisés dans les contraceptifs (17α-ethinylestradiol, EE2) ou les traitement hormonaux substitutifs (17βestradiol, E2, ou oestrogènes conjugués équins aux USA) sont associés à une hypercoagulabilité qui est elle-même liée à l’augmentation de facteurs procoagulants. Par contre, les faibles doses d’oestrogènes utilisées lors des traitements hormonaux de la ménopause sont associées à un effet protecteur vis-à-vis des accidents cardiovasculaires, en particulier au niveau coronaire. Les effets des oestrogènes ne sont pas univoques. En effet, après la ménopause, on observe une augmentation physiologique du fibrinogène et du PAI-1. Sous œstrogènes pris par voie orale (études réalisées avec des œstrogènes conjugués équins), on observe une diminution du fibrinogène et du PAI-1 favorable vis-à-vis du risque cardiovasculaire, mais aussi une diminution de l'antithrombine III et une augmentation du facteur VII de la coagulation potentiellement délétères sur la coagulation et le risque thromboembolique [10].

Les modifications de l’hémostase induites par les oestrogènes sont donc étroitement dépendantes des molécules utilisées, des voies d’administration (la voie cutanée évitant le premier passage hépatique semble moins perturber la coagulation [11]), et des doses.

Il a ainsi été démontré pour le facteur XII, que le gène de cette protéine comporte au niveau de sa zone promotrice une séquence de type ERE (Estrogen Responsive Element) qui va induire une augmentation du facteur XII en présence du 17βestradiol [12].

Les oestrogènes sont produits par les ovaires puis par le placenta, de même que l’hCG, la progestérone et l’hormone lactogène placentaire (HLP). Les oestrogènes stimulent la croissance utérine au cours de la grossesse et stimulent la croissance mammaire. Au cours de la grossesse, les taux d’œstrone et d’œstradiol augmentent d’environ 100 fois par rapport aux taux normaux, et le taux d’oestriol de 1 000 fois. Ils diffusent grâce à leur petite taille dans tous les fluides biologiques et pénètrent directement à l’intérieur des cellules sans nécessiter une reconnaissance par un récepteur membranaire. Ils rencontrent ensuite des récepteurs spécifiques au niveau des noyaux auxquels ils se lient pour réguler l’expression d’une centaine de gènes. Tout au long de la vie, ils régulent ainsi la puberté, l’ovulation, l’implantation de l’oeuf, le maintien de la grossesse, l’accouchement et la lactation. Ils interviennent également dans de nombreuses fonctions physiologiques comme le système cardiovasculaire, l’immunité humorale, le système nerveux central, et le métabolisme osseux. Ce sont des effecteurs majeurs du système endocrine chez tous les vertébrés. Par contraste, les phyto-oestrogènes, qui peuvent mimer certains effets des oestrogènes chez l’animal, n’ont aucune fonction endocrine durant la reproduction végétale, ils ne jouent qu’un rôle de protection vis-à-vis du stress oxydatif.

Pour exercer leurs fonctions biologiques, les oestrogènes doivent donc rencontrer leurs récepteurs dans les cellules qui les expriment. Les récepteurs des oestrogènes agissent comme des facteurs de transcription, c'est-à-dire qu’ils sont capables d’interagir directement avec l’ADN pour moduler la transcription de l’ARNm. Deux types de récepteurs sont présents dans les cellules : ERα et ERβ. Ils peuvent être exprimés à des niveaux différents selon les cellules et induire des effets différents (et souvent opposés) sur une grande variété de gènes.

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ERα ERβUterusProstate (stroma)Ovaire (¢ thécales)TesticulesEpididymeOsSeinCerveauFoieTissus adipeux

ColonProstate (epithelium)Ovaire (¢ granuleuses)Testicules

Os

CerveauGlandes salivairesEndothélium vasculaire

Une fois l’œstrogène fixé, les récepteurs régulent les gènes soit par interaction avec des séquences spécifiques (les estrogen response elements, ERE) ou par interaction avec des facteurs de transcription tels que AP1, SP1 ou NF-kappaB. L’extrême complexité des mécanismes de régulation de la machinerie nucléaire explique la complexité des effets observés selon les types, doses et voies d’administration des oestrogènes exogènes.

ERβERα

GGTCANNNTGACCCell-specific estrogen-response elements

OestrogèneCellule

Noyau

ERβ

CoAct

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GTAHAT

Paracrine

Autocrine

ERα

ERβERα

GGTCANNNTGACCCell-specific estrogen-response elements

OestrogèneCellule

Noyau

ERβ

CoAct

Int

GTAHAT

Paracrine

Autocrine

ERα

Les oestrogènes pénètrent dans la cellule par diffusion passive, se lient avec une forte affinité pour leurs récepteurs intra cellulaires (ERα et ERβ) qui sont des facteurs de transcription dont la conformation se modifie après fixation du ligand. Le complexe œstrogène-dimère de récepteurs se lie à la séquence ERE des gènes cibles, et s’associe à plusieurs protéines dont la RNA polymérase, capable de transcrire l’ADN en ARN. D’après Mendelsohn [13]

Le placenta, outre son rôle d’échange entre les circulations maternelle et foetale, est un organe endocrine majeur. Il produit différents oestrogènes, l’oestriol étant la forme majoritaire. Les oestrogènes stimulent la croissance utérine puis préparent l’utérus à l’accouchement en induisant les récepteurs d’ocytocine en fin de grossesse. Ils stimulent aussi le développement mammaire. Au tout début de la grossesse, l'apparition du syncitiotrophoblaste autour de l'œuf accompagne l'accrochage à la paroi utérine, le trophoblaste devient invasif et colonise la decidua (invasion interstitielle). Il se produit ensuite l'invasion trophoblastique endovasculaire mettant en communication l'œuf et la circulation maternelle, augmentant le calibre des artères spiralées et procédant à la ré-endothélialisation (pseudovasculogénèse).

2. Pathologies de la grossesse Les pathologies de l'hémostase survenant pendant la grossesse peuvent être spécifiques à la grossesse ou non. Dans ce dernier cas, leur survenue dans cette circonstance particulière peut nécessiter une adaptation de la prise en charge.

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2.1. Les microangiopathies thrombotiques spécifiques de la grossesseCe sont la prééclampsie et le syndrome HELLP, toutes deux secondaires à une pathologie placentaire.

2.1.1. La prééclampsie (PE)Elle représente une cause majeure de mortalité et de morbidité maternelle et fœtale, affectant 5-13 % des grossesses, elle représente la cause de 40 % des accouchements prématurés. Elle résulte d'une placentation inadéquate liée à une invasion trophoblastique insuffisante.

D’après Parham [14]

Lors de la grossesse, les artères spiralées sont remodelées par les trophoblastes extravilleux (EVT) et les cellules NK comme le montre le schéma C, qui correspond à la deuxième moitié de la grossesse. Les artères spiralées sont remodelées en profondeur et pénètrent le myomètre. Le schéma B illustre la moindre expansion des artères spiralées lors de la prééclampsie. Les cellules trophoblastiques endovasculaires (ENVT) tapissent les vaisseaux dilatés. La PE est ainsi la conséquence d’une anomalie très précoce de l’invasion trophoblastique endovasculaire. L’activité angiogénique intense est contrôlée par deux facteurs de croissance, VEGF et PlGF (Vascular Endothelial Growth Factor et Placental Growth Factor), dont le taux augmente tout au long de la grossesse. Il sont directement angiogéniques et stimulent la vasodilatation par le NO et la PgI 2.

Un inhibiteur de l’angiogénèse est stimulé par l’hypoxie et surexprimé dans la PE : il s’agit de sFlt-1 (soluble fms- like tyrosine kinase 1), variant du récepteur de VEGF dans sa forme soluble. Il induit une baisse du VEGF et du PlGF libres circulants et constituerait un marqueur précoce de la PE.

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Grossesse normalePrééclampsie Grossesse normalePrééclampsie

A B C

Levine NEJM [12] 2004

Davison JASN 2004

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Le placenta ischémique, hypoxique et en stress oxydatif, primum movens de la PE, libère dans la circulation maternelle des substances toxiques responsables des symptômes maternels : hypertension artérielle, protéinurie, oedèmes, liés à un syndrome inflammatoire généralisé (dont les monocytes et les polynucléaires sont les effecteurs) et à une dysfonction endothéliale généralisée.

La méta-analyse de Duckitt [16] montre que cette pathologie utéroplacentaire présente un grand nombre de facteurs de risques reconnus, parmi lesquels l’existence d’un syndrome antiphospholipides (RR 9.72 [4.34-21.75]), une PE antérieure (RR 7.19 [5.85-8.83]), le diabète (RR 3.56 [2.54-4.99]), mais aussi, pour des Risk Ratio <3, l’extrême jeunesse de la mère (<17ans), la nulliparité, l’histoire familiale, la grossesse gémellaire, l’obésité, la tension artérielle>130 mmHg et l’âge de la mère supérieur à 40 ans. Le rôle des thrombophilies dans la survenue des PE est très discuté. L’étude de Kupferminc [17] a porté sur un groupe de 110 femmes avec complications obstétricales (prééclampsie sévère, décollement placentaire, retard de croissance intrautérine ou mort fœtale in utero) comparé à un groupe de 110 grossesses normales. La fréquence des mutations du facteur V, II, de la MTHFR et des autres mutations (Protéines C et S, antithrombine) était significativement plus importante chez les femmes ayant présenté une complication obstétricale. Cependant, plusieurs méta-analyses lui ont fait suite et n’ont trouvé un rôle favorisant que pour les mutations du V et du II [18], puis pour le facteur V seul [19] puis pour aucun des deux [20].

Quel que soit le contexte, les complications de l’hémostase sont rares dans la PE (thrombopénie ou diminution du TP par consommation) et se corrigent rapidement après l’accouchement.

2.1.2. Le syndrome HELLPCet acronyme signifie Hemolysis, E levated L iver enzymes, et L ow Platelet count ; ses manifestations s’associent à une PE sévère. Le HELLP syndrome survient tardivement dans la grossesse et complique environ 10% des PE. La CIVD est présente dans un tiers des cas, et complète le tableau d’hypertension, d’atteintes neurologiques et rénales, d’hémolyse, de cytolyse hépatique et de thrombopénie. La maturation pulmonaire fœtale dicte la conduite à tenir qui repose sur l’extraction de l’enfant dès que celle-ci est possible ou plus tôt si la vie de la mère est en danger.

2.2. Les pathologies hémorragiques ou thrombotiques survenant dans le contexte de la grossesse

2.2.1. Les CIVD obstétricalesElles répondent à la libération dans la circulation systémique de substances tissulaires procoagulantes (hématome rétroplacentaire, embolie amniotique, rétention de fœtus mort…) à laquelle s'associent des libérations de cytokines inflammatoires, surtout en présence d'infection surajoutée. Étant données les modifications de l'hémostase propres à la grossesse, la biologie doit s'appuyer sur le suivi des facteurs pour reconnaître la chute de certains d'entre eux (fibrinogène, II, V, VIII, plaquettes) ou l'augmentation d'autres (D-dimères). Le risque de complications par hémorragie massive, choc hypovolémique et lésions tissulaires liées à des microthrombi rénaux et cérébraux nécessite toujours un traitement de la cause (césarienne, évacuation utérine, antibiothérapie) auquel s'associent le traitement du choc, et de l'hyperfibrinolyse si elle est présente.

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2.2.2. Le purpura thrombotique thrombocytopéniqueCette microangiopathie thrombotique rare et grave, est due à un déficit héréditaire en une enzyme (ADAMTS 13 pour « A Disintegrin-like And Metallo-protease with. ThromboSpondin type 1 motif ») capable de cliver les molécules de facteur von Willebrand (vWF) de très haut poids moléculaire. Elle se manifeste dans des circonstances d’agression endothéliale, responsables de la libération de fortes concentrations de FvW . L'accumulation de grands multimères du vWF dans le plasma conduit à la formation spontanée de thrombi plaquettaires dans les microvaisseaux induisant une anémie hémolytique et des atteintes rénales et neurologiques. Elle peut se manifester chez l’enfant dans les formes primaires, mais il existe aussi des formes secondaires avec différentes circonstances déclenchantes, au premier rang desquelles la grossesse, mais aussi le lupus, le rejet de greffe, les infections et les cancers. Les échanges plasmatiques ont considérablement amélioré l’évolution de cette maladie dont la mortalité était préalablement de 80 %.

2.2.3. Les pathologies hémorragiques constitutionnellesLa maladie de Willebrand est la plus fréquente des anomalies hémorragiques constitutionnelles, son expression clinique et biologique est très hétérogène. La grossesse s’accompagnant d’une augmentation physiologique des taux de vWF, les formes modérées de type 1 (déficit partiel quantitatif) sont le plus souvent corrigées en fin de grossesse. Les formes 1 sévères et non corrigées en fin de grossesse et les formes 2 (déficit qualitatif) et 3 (déficit quantitatif total) nécessitent une réanimation adaptée.Type 1 modéré corrigé en fin de grossesse Autorisation de l’analgésie locorégionale

Type 1 insuffisamment corrigé en fin de grossesse DDAVP dès l’expulsion et avant la délivrance

Type 2 Concentrés de vWF pendant 2-5 jours ou 10 jours en cas de césarienne

Type 3Concentrés de VIII et de vWFEn cas d’allo-immunisation, concentrés de VIII ou VIIactivé.

Les conductrices d’hémophilie peuvent avoir des taux de facteurs VIII ou IX abaissés de l’ordre de 50%. Ils se corrigent pendant la grossesse. Dans les formes familiales sévères avec fœtus de sexe masculin, le diagnostic anténatal doit être réalisé pour permettre une prise en charge adaptée.

1Les thrombopathies sont rares (Glanzmann avec déficit en récepteur GPIIbIIIa ou Bernard et Soulier avec déficit en récepteur GPIb) mais doivent être reconnues car elles sont associées à un risque accru de fausse-couche, un risque hémorragique pendant toute la grossesse, et un risque plus important lors de l’accouchement et dans le post-partum. Des concentrés plaquettaires sont administrés de l’accouchement au retour de couches. Là encore, le facteur VII activé a été proposé avec succès dans les cas d’allo-immunisation. Les thrombopathies de sécrétion, beaucoup plus fréquentes que les deux maladies précédentes, tendent à se corriger en fin de grossesse mais peuvent aussi nécessiter l’utilisation de DDAVP dès l’expulsion foetale.

22.2.4. Les pathologies acquises autoimmunes de l’hémostaseLes thrombopénies (plaquettes < 150 G/l) sont relativement fréquentes lors de la grossesse. Elles peuvent être associées à une pathologie de la grossesse (CIVD, éclampsie, purpura) comme évoqué ci-dessus, mais aussi apparaître isolées. Le diagnostic différentiel entre thrombopénie immunologique (3 % des cas) et thrombopénie gestationnelle physiologique (75 % des cas) est alors difficile à établir. La découverte chez les nouveau-né d’une thrombopénie est un argument a posteriori en faveur de l’origine immunologique, de même

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que l’intensité de la thrombopénie (< 50 G/l) et son apparition avant la grossesse ou précoce lors de la grossesse. Bien qu’il soit rare d’observer des manifestations hémorragiques au cours de la grossesse, probablement du fait de l’hypercoagulabilité associée, les corticoïdes et les immunoglobulines sont les traitements des formes graves, inférieures à 50 G/l.

L’hémophilie acquise correspond à l’apparition d’un anticorps antifacteur VIII. Il s’agit d’une complication exceptionnelle de la grossesse, pouvant survenir au dernier trimestre ou plus souvent, dans le post-partum. Les manifestations hémorragiques peuvent être très importantes avec des taux de facteur VIII souvent < 5%. La prise en charge peut associer différentes approches : concentrés de facteur VIII, facteurs prothrombiniques activés (FEIBA), immunoglobulines, corticoïdes et immunosuppresseurs.

2.2.5. Les pathologies thrombotiques constitutionnellesLa maladie thromboembolique reste la cause majeure de mortalité et de morbidité maternelle dans les pays développés. L’incidence des thromboses se situe autour de 1/1000 accouchements.

Les données épidémiologiques évaluent le risque d'événement thromboembolique (ETE) autour de 1 pour 1000 accouchements, entraînant le décès dans 2-5/100 000 accouchements, 50 à 66 % des événements se produisant pendant le post-partum. L'embolie pulmonaire est la première cause de mortalité maternelle aux USA, la seconde en France. Ces chiffres illustrent que le risque d'une femme enceinte de développer un ETE est 4 à 10 fois plus élevé pendant la grossesse à ce qu'il est chez les femmes du même âge non enceintes, et 25 fois dans le post-partum.

Du fait de l’hypercoagulabilité qui l’accompagne, la grossesse constitue un facteur de risque acquis qui vient s’ajouter au risque propre des thrombophilies héréditaires.

Il est classique de stratifier le risque de thrombose comme majeur, élevé ou modéré selon l’anomalie concernée, et d’y associer une attitude thérapeutique adaptée. Cependant, chaque cas doit être considéré individuellement en fonction d’éléments associés difficiles à schématiser.

Risque majeur • Déficits en antithrombine. Les thromboses peuvent être

précoces et le risque de développer en ETE est de 40%

• Syndrome des antiphospholipides• Patiente thrombophilique sous traitement AVK à vie

Héparinothérapie à dose curative pendant toute la grossesse.AVK dans le post-partum.

Risque élevé • Antécédent d’ETE sans facteur déclenchant• Antécédents familiaux et facteurs biologiques

asymptomatiques (formes hétérozygotes de déficits en PC, facteur V homozygote, doubles hétérozygoties V-II)

Traitement préventif forte dose au deuxième et/ou troisième trimestreAVK dans le post-partum jusqu’à 6 à 8 semaines après l’accouchement

Risque modéré • Antécédent d’ETE avec facteur déclenchant• Facteurs biologiques asymptomatiques (formes

hétérozygotes de V ou II) • Antécédents familiaux sans facteur biologique

HBPM préventive forte dose en post-partum, 6 à 8 semaines après l’accouchement

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L’arrêt du tabac et le port de bas de contention font partie des mesures systématiques chez les femmes à risque. En cas d’abstention thérapeutique pendant tout ou partie de la grossesse, le suivi des D-dimères permet une surveillance biologique de l’ampleur de l’hypercoagulabilité et de ses conséquences.

Pour la prise en charge des anticoagulants, il faut noter que : Les antivitamines K sont contre-indiqués entre la 6ème et la 12ème semaine de grossesse du

fait de leur risque tératogène. Chez les femmes porteuses de valve sous AVK pendant la grossesse, un relais par HBPM à proximité du terme est programmé.

Les héparines ne passent pas le placenta, quelle que soit leur forme. Les HBPM présentent donc de nombreux avantages (moins d’injection, de thrombopénies induites, d’ostéoporose).

Une fenêtre thérapeutique est effectuée pour l’accouchement, qui est le plus souvent programmé. En cas de traitement curatif, la fenêtre est la plus courte possible et gérée par une HNF à la seringue électrique. En cas de traitement préventif, une ou deux injections sont sautées avant l’accouchement avec une reprise à la 12ème heure après.

La warfarine et l’acénocoumarol (Coumadine®, Sintrom®) peuvent être repris rapidement après l’accouchement ; ils ne contre-indiquent pas l’allaitement. Ceci n’est pas vrai pour la Fluindione (Préviscan®).

Les thrombophilies acquises correspondent le plus souvent à un syndrome des antiphospholipides (SAPL), processus auto-immun avec des anticorps dirigés contre les phospholipides anioniques. Souvent associé à des fausses couches à répétition, le SAPL est aussi un risque majeur de thrombose pendant la grossesse. L’aspirine à faible dose (75 à 100 mg/j) et parfois les corticoïdes sont prescrits en association à la prise en charge anticoagulante.

La mutation Leiden du facteur V a également été impliquée dans les fausses couches tardives, ce qui reste plus discuté pour la mutation 20210 de la prothrombine.

En cas de thrombose constituée, un traitement par HBPM est institué de façon à obtenir une activité antiXa entre 0.5 et 1 ui/ml 4 heures après l’injection. Les doses doivent le plus souvent être augmentées pendant la grossesse.

RéférencesCe texte s’est amplement appuyé pour la partie « pathologies » sur le papier de C Boyer-Neumann, Hémostase et Grossesse, EMC-Hématologie 2 (2005) 132-43.1. Brenner B, Haemostatic changes in pregnancy. Thrombosis Research 2004; 114: 409-414.2. Mousa HA, Downey C, Alfirevic Z, Toh CH, Thrombin activatable fibrinolysis inhivitor an dits

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