france diffusion€¦ · 15 septembre. tous droits de reproduction réservés pays : france page(s)...

6
Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 52-57 SURFACE : 607 % PERIODICITE : Trimestriel DIFFUSION : (63000) JOURNALISTE : Frann Perrin 10 septembre 2018 - N°85

Upload: others

Post on 24-Aug-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: France DIFFUSION€¦ · 15 SEPTEMBRE. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 52-57 SURFACE : 607 % PERIODICITE : Trimestriel DIFFUSION : (63000) JOURNALISTE

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 52-57SURFACE : 607 %PERIODICITE : Trimestriel

DIFFUSION : (63000)JOURNALISTE : Frann Perrin

10 septembre 2018 - N°85

Page 2: France DIFFUSION€¦ · 15 SEPTEMBRE. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 52-57 SURFACE : 607 % PERIODICITE : Trimestriel DIFFUSION : (63000) JOURNALISTE

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 52-57SURFACE : 607 %PERIODICITE : Trimestriel

DIFFUSION : (63000)JOURNALISTE : Frann Perrin

10 septembre 2018 - N°85

Page 3: France DIFFUSION€¦ · 15 SEPTEMBRE. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 52-57 SURFACE : 607 % PERIODICITE : Trimestriel DIFFUSION : (63000) JOURNALISTE

ART / NICO VASCELLARI

FP:Ce soir, au Maxxi à Rome,c'est en même temps l'inaugura-tion de ton exposition, Nico Vas-cellari, Revenge, et la perfor-mance. Peux-tu m'en dire plussur ce projet ?NV:La pièce que je montre au-jourd'hui a été achetée par leMaxxi pour la collection perma-nente lors de sa première expo-sition. Ça n'avait jamais été ex-posé depuis la Biennale deVenise en 2007mais la pièce estde retour dix ans après. Elles'appelle Revenge. C'est le pre-mier mot ou sentiment qui m'estvenu à l'esprit quand j'ai été in-vité à la Biennale. A cetteépoque là, je ne m'étais pas de-mandé pourquoi je ressentaiscette envie de revanche, je sui-vais simplement mon instinct.Quand on m'a demandé de l'ex-poser à nouveau, ça semblaitnaturel de me repencher dessuset analyser ce qui s'était passé.Je me souviens quand le minis-tère de la culture m'a appelépour acheter ma pièce, j'avaisune image en tête tirée du filmEl Topo de Alejandro Jodo-rowsky. C'était la scène où ilressuscite dans un endroit sousterre peuplé par des gens quisont marginalisés à cause deleur physique disgracieux ouleur différence. Ce peuple s'oc-cupe de El Topo, qui décide deles re merci er en les amenantdans le village le plus proche.Là, les habitants rient de ces\monstres\ et les tuent un parun. L'invitation à exposer monœuvre en 2007est arrivée seule-ment trois ans après le début demon activité et j'avais peur queles choses s'institutionnalisenttrop vite.

FP:Quel âge avais-tu quand tuas participé à la Biennale de Ve-nise ?NV:J'avais vingt-neuf ans. J'ai

commencé à travailler asseztard et je n'ai pas étudié l'art àl'université. Je voulais surtoutcontinuer mes activités dans laculture underground. J'avais ungroupe, un fanzine, j'organisaisdes concerts. Tout cela était lié àmon envie d'être actif politique-ment et socialement. L'art étaitune manière de ne pas avoir depatron et créer une vision à par-tir de mes luttes quotidiennes.C'était un moyen de garder maliberté philosophique, politiqueet poétique. C'est l'histoire deRevenge. C'est une très grandesculpture faite de bois calcinéavec une soixantaine d'amplis dedifférentes dimensions et utili-tés. Il y en a un pour la basse, unpour la guitare...

FP:C'est un mélange de sculp-ture et de son.NV:Oui, mais c'est aussi une ma-nière d'introduire cette cultureunderground d'où je viens et àlaquelle j'appartiens. Chaqueampli a été emprunté à diffé-rents groupes de musique euro-péens. Ce sont des gens que j'aiconnu au fil des années. Quandtu joues dans un petit groupesans budget, tu joues surtoutpour payer l'essence et la nour-riture. Tu ne voyages pas forcé-ment avec ton propre matériel.Tu arrives et tu demandes àd'autres groupes locaux si tupeux emprunter leurs trucs.Pour moi c'était une manière decomprendre que les chosespeuvent être réalisées en colla-borant. Ça fait partie de quelquechose que j'essaye de toujoursavoir dans mes performances.Chaque moment est créé parl'artiste mais aussi par le public.On partage cette énergie.

FP:La dimension collective estimportante dans ton travail ?NV:D'une certaine manière, oui,

mais c'est en arrière-plan. Lesspectateurs peuvent faire l'expé-rience de l'œuvre sans connaîtretous ces éléments. Tu n'as pasbesoin de savoir que chaque am-pli appartient à une personne.Ce qui m'importe c'est d'appor-ter de la réalité dans mon tra-vail. Pour une installation, jeme demandais quelle musique jepourrais utiliser et la réponse aété mon groupe. En faisant ça,je me suis demandé commentcommuniquer la collaboration.Je pensais utiliser le nom demon groupe mais pas à traversle musée, à travers la scène mu-sicale. De cette manière, il y au-rait deux attentes : les gens quiviennent pour voir une exposi-tion et les gens qui viennent voirun concert. Les gens de la scènemusicale y trouvent une exposi-tion merdique et les gens de l'arty trouvent un concert de merde !Moi je suis là, au milieu. Tout àcoup, je me suis rendu compteque je créais quelque chose quime représentait. C'est devenuune façon de considérer la sculp-ture et l'idée de superposer desexpériences différentes. Tout àcoup, mon travail a commencé às'ouvrir aux contraires. Quandvous déplacez une lumière, vousdéplacez une ombre, quand voustravaillez avec le sol, vous tra-vaillez avec le sous-sol. La pre-mière fois que j'ai été invité parle Maxxi, j'ai failli refuser l'ex-position. Il n'y avait aucun es-pace dans le musée qui me plai-sait pour faire une performance.Ensuite j'ai découvert un espacequi n'était pas fait pour exposer,je ne l'avais encore jamais vu.Personne ne l'a encore vu d'ail-leurs, avant ce soir. C'est unparking situé deux étages endessous du sol. Ça avait enfin dusens. Ma première pièce traitaitde la taupe, qui vit sous terre.C'était moi qui creusais dans lesol, créant une séparation entredeux réalités. Cette prise deconscience, ce point de vue, estdans mon travail.

FP:Ton travail peut être perçudifféremment selon le point devue. La sculpture peut-elle êtrede la musique solide ? Le sonpeut-il être de l'architecture li-quide ? Je dis cela parce que larelation entre architecture ousculpture et musique est trèsprofonde.NV:Oui, elle l'est. Je ne connaisaucune forme de sculptureaussi puissante que le son. Lamanière dont il infiltre chaqueespace, la manière dont il tetouche intérieurement, physi-quement mais aussi émotion-

SJ s

Nico Vascellari, Revenge, 2007/2018Vues partielles de l'installationau Museo Maxxi, RomeCourtesy de l'artiste,collection du Museo Maxxi

54 CRASH

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 52-57SURFACE : 607 %PERIODICITE : Trimestriel

DIFFUSION : (63000)JOURNALISTE : Frann Perrin

10 septembre 2018 - N°85

Page 4: France DIFFUSION€¦ · 15 SEPTEMBRE. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 52-57 SURFACE : 607 % PERIODICITE : Trimestriel DIFFUSION : (63000) JOURNALISTE

nellement... Si j'y réfléchisbien, mes souvenirs sont sur-tout connectés au son plutôtqu'aux images. Les sons et lesodeurs activent souvent des

souvenirs dans mon cerveau.Je me ré f èr e souvent auxchoses comme des

; il y a beaucoupde choses que l'on a en soi et

qui proviennent de plus loin en-core que notre propre nais-sance. A travers certaines ex-périences, on parvient à se lesremémorer.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 52-57SURFACE : 607 %PERIODICITE : Trimestriel

DIFFUSION : (63000)JOURNALISTE : Frann Perrin

10 septembre 2018 - N°85

Page 5: France DIFFUSION€¦ · 15 SEPTEMBRE. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 52-57 SURFACE : 607 % PERIODICITE : Trimestriel DIFFUSION : (63000) JOURNALISTE

Nico Vascellari,Revenge (préludé), 2018Performance au Museo Maxxi, RomeCourtesy de l'artiste

KELLEY,PAULMCCARTHY,BRUCENAUMAN...CESARTISTESM'ONTPROFONDÉMENT

AKUffltJU!>gUAU9 SEPTEMBRE.

LABIENNALEGHERDEINAVISEDÉROULEJUSQU'AU15 SEPTEMBRE.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 52-57SURFACE : 607 %PERIODICITE : Trimestriel

DIFFUSION : (63000)JOURNALISTE : Frann Perrin

10 septembre 2018 - N°85

Page 6: France DIFFUSION€¦ · 15 SEPTEMBRE. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 52-57 SURFACE : 607 % PERIODICITE : Trimestriel DIFFUSION : (63000) JOURNALISTE

FP: Quels artistes t'influencentle plus ? Tu te sens lié aux per-formers ?NV:Quand j 'ét ai s sur la routeavec mon groupe, je me rendaissouvent dans des musées parceque je m'intéressais à l'art maisne connaissais pas grand choseà l'art contemporain. J'avais unjournal de bord où je prenaisdes notes. Des artistes commeMike Kelley, Paul McCarthy,Bruce Nauman... ces artistesm'ont profondément touché.Avant, je me disais que ces ar-tistes n'étaient pas si intéres-sants car ils créaient des chosesauxquelles j'aurais pu penser -ou du moins c'est ce que je pen-sais naïvement. Ensuite, j'ai ré-alisé que les choses auxquelleson pense ne sont pas nécessaire-ment banales. On doit survivre,vingt-quatre heures par jour,sept jours par semaine avec soi-même. Je pense que c'est unemanière de penser assez évi-dente, c'est une perspective trèspersonnelle.

FP: Que penses-tu de RaymondPettibon ? Il est très undergroundet est présent dans le milieu desfanzines et de la musique.NV:J'ai quelques uns de ses fan-zines et je fais la collection devieux t -sh i r t s SSD. J' ét ai sbouche-bée quand j'ai découvertDan Graham parce qu'il a faitune video sur Minor Threat, ungroupe de hardcore phare deWashington D.C.

FP:Dan Gr ah am a écrit destextes fantastiques sur la mu-sique. Punk : Political pop est lemeilleur texte jamais écrit surla culture punk.NV:Oui c'est incroyable. La pre-mière fois que j'ai vu la vidéode Minor Threat de Dan Gra-ham, ça a eu le même effet surmoi que quand j'avais quatorzeans et que je regardais des cas-settes VHS de skateboard. Il yavait une scène avec une chan-son de Black Flag dans le fondqui était encore plus distordueque l'originale. Je n'avais ja-mais rien entendu de sem-blable. C'était comme un coupde poing dans la figure. Ça m'aréveillé de mon état d'ado soli-taire. Je vivais à la campagneet personne ne faisait du skateou n'écoutait ce genre de mu-sique. Quand j'ai revu MinorThreat au musée, ça a ouvertun nouveau monde pour moi.

FP:Après cette exposition et laperformance de ce soir, sur quoivas-tu travailler ?NV:Je travaille sur une nouvelle

pièce pour la Biennale Gher-deina curatée par Adam Budakdans les Alpes. Le titre de laBiennale est Riding the moun-tains. C'est intimement lié àmon travail. Je travaille aussisur deux nouveaux chapitrespour ma performance de l'an-née dernière au Palais de Tokyointitulée Scholomance. C'est uneinstallation où j'invite neuf ar-tistes à performer avec moi. Jecrée une certaine dramaturgie.Je n'invite pas nécessairementdes \artistes\ mais des gens quim'inspirent. Le mot Scholo-mance vient d'une légende quiparle d'une école qui auraitexisté au milieu d'une forêt enTransylvanie. C'est une écoleoù dix étudiants sont invités àétudier le langage des animauxet les mystères de la nature. Leprofesseur était le diable enpersonne. Mis à part le folklore,ce qui m'intéresse c'est l'en-droit qui apparaît puis dispa-raît. C'est quelque chose quej'essaye de traduire dans lasculpture. C'est une très grandeinstallation modulaire donc ellepeut s'adapter à différents es-paces. J'étais aussi curieux desmatières enseignées dans cetteécole - la nature et les animaux- qui sont des sujets qui appa-raissent souvent dans mon tra-vail. Les gens que j'ai invitéstravaillent régulièrement avecces éléments. C'est un endroitd'expérimentations, ce n'est ja-mais didactique ou tautolo-gique. Ça ne prend jamais laforme d'une leçon.

FP:Quand se produira cetteBiennale ?NV:L'inauguration se fait le 23juin. J'y expose une nouvellesculpture qui est un gros rocherqui provient des montagnes lo-cales. Tout autour il y a des ap-pareils électroniques très primi-

tifs. C'est essentiellement un\groupe\ sur le rocher qui crééun son avec un certain BPM.C'est le BPM de la techno. Çafait écho à mon idée de fossilesd'expériences. Dans ce cas par-ticulier, c'est approprié parceque je crois que la création durythme trouve ses racines dansle temps où les humains vivaientensemble dans des grottes et lesanimaux pouvaient attaquer àtout moment. Avant de décou-vrir le feu, pour faire peur auxanimaux, les humains ont com-mencé à faire du bruit : ilstapaient sur les murs ensembleet ont ainsi créé un rythme.J'aime à croire que l'origine dela techno provient de là. C'est ceque suggère ma pièce.

FP:Et ta collaboration avecFendi ?NV:Silvia Venturini Fendi m'aproposé de collaborer sur la col-lection homme printemps/été2019 quelques semaines aprèsavoir assisté à mon expositionBisca Vascellari au BasementRoma. A cette occasion, j'aitransformé l'espace en tripot.Silvia s'intéressait à l'idée dejeu que nous avons conservécomme point de départ, puisnous nous sommes dirigés versla magie. D'une certaine ma-nière le logo classique de Fendiavec ses deux grands F, l'unvers le haut et l'autre vers lebas, m'a rappelé le thème desopposés, comme le paradis etl'enfer par exemple. J'ai fait cecroquis, une a n ag ra mm e enfait, Fendi devient Fiend (ndlr :démon en anglais)... À partir delà, une nouvelle perspectivepour la collection s'est ouverteet on m'a ensuite demandé decréer une installation pour ledécor du défilé. Je dois dire quetravailler avec Silvia a été fan-tastique et j'apprécie sa vision.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 52-57SURFACE : 607 %PERIODICITE : Trimestriel

DIFFUSION : (63000)JOURNALISTE : Frann Perrin

10 septembre 2018 - N°85