fractures du rachis ankylosé : intérêt de l’irm

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J Radiol 2007;88:1703-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés article original ostéoarticulaire Fractures du rachis ankylosé : intérêt de l’IRM JL Michel (1), AC Souteyrand (1), M Kabre (1), JJ Dubost (2), M Soubrier (2) et JM Ristori (2) es fractures transversales du rachis sont une complication bien connue de la spondylarthrite ankylosante et de la maladie de Forestier. Elles sur- viennent dans le cadre de traumatismes mineurs ou même sans traumatisme identifiable. Il s’agit habituellement de fractures transdiscales et/ou transverté- brales, dont le diagnostic est parfois dif- ficile, à la fois sur le plan clinique et radiologique, notamment en radiologie standard. Elles peuvent ainsi passer ina- perçues et évoluer vers la pseudarthrose ou être diagnostiquées à l’occasion de complications neurologiques. Plusieurs publications ont souligné l’inté- rêt de l’IRM dans le diagnostic de ces frac- tures, du fait de la très bonne sensibilité de cet examen pour dépister la fracture et les complications possibles. L’objectif de ce travail est de décrire, à partir d’une série de 9 cas de fractures rachidiennes au cours de la spondylarthrite ankylosante et de la ma- ladie de Forestier, la sémiologie IRM qui permet de mettre en évidence ce type de fracture, à ne pas méconnaître compte te- nu de graves complications possibles. Plus particulièrement le but a été de rapporter les différentes présentations IRM de ces fractures et d’insister sur l’importance de l’analyse des structures postérieures du ra- chis pour le diagnostic, aussi bien dans le cadre de la spondylarthrite ankylosante qu’au cours de la maladie de Forestier, ce qui est moins bien décrit dans la littérature. Matériels et méthodes Étude rétrospective, sur 10 ans, de 9 cas de fractures rachidiennes, sur rachis an- kylosé chez 7 patients. Sur les 9 fractures 6 étaient constatées chez 5 patients au cours de l’évolution d’une spondylarthri- te ankylosante connue (en moyenne de- puis au moins 20 ans) et 3 chez 2 patients présentant une maladie de Forestier. Toutes ces fractures survenaient dans un contexte traumatique mineur (chute), plus ou moins récent (quelques semaines à plusieurs mois), ou sans traumatisme identifiable. Il s’agissait de 6 hommes et d’une femme, âgés de 45, 51, 62 (2 pa- tients), 65, 75 et 80 ans (soit 63 ans en moyenne). La topographie de ces fractu- res était thoracique (6 cas), lombaire (2 cas), cervicale (1 cas). Deux patients avaient 2 localisations (cervicale et thora- cique dans un cas de spondylarthrite an- kylosante et 2 localisations thoraciques dans un cas de maladie de Forestier). Dans une localisation cervicale il existait un antélisthésis au-dessus de la fracture. Deux patients présentaient un déficit neurologique, avec, dans un cas, paraplé- gie à évolution fatale. Dans les 2 cas ces complications neurologiques étaient en rapport avec un hématome épidural, à l’étage thoracique. Ces fractures ont été explorées en radiolo- gie standard, TDM et IRM (1,5 T). L’ex- ploration IRM a été réalisée dans les plans sagittal et axial, séquences pondérées T1, T2, et, chez 4 patients, T1 avec injection de Gadolinium et saturation de graisse. L’exploration IRM de chaque patient a été confrontée aux images radiologiques standard et TDM (lorsqu’elles étaient disponibles), avec évaluation des lésions du disque, du corps vertébral, du canal vertébral, des ligaments vertébraux, des arcs postérieurs et des parties molles contiguës. Ces explorations ont été relues par deux radiologues dont un expérimen- té en imagerie ostéoarticulaire. Résultats (fig. 1 à 5) Dans tous les cas, on constatait une atteinte de la colonne antérieure sous la forme d’une fracture transcorporéale dans 2 cas ou Abstract Résumé Fractures of the ankylosed spine: MRI features J Radiol 2007;88:1703-6 The diagnosis of transverse spinal fractures in patients with ankylosing spondylitis and Forestier’s disease (DISH) may be difficult. The MRI features of 9 such fractures at the disk, vertebral body, spinal canal and posterior elements are presented. Fractures of the posterior elements (posterior arch fractures and/or rupture of interspinous or supraspinous ligaments and contiguous soft tissue structures) were present in all cases, underscoring the importance of MR signal abnormalities of posterior structures for diagnosis of these fractures. MR is advantageous due to its ability to demonstrate signal abnormalities of the posterior elements, which combined with disk and vertebral body abnormalities, play a major role for accurate diagnosis of this type of fracture. Le diagnostic des fractures rachidiennes transversales dans la spondy- larthrite ankylosante et la maladie de Forestier peut être difficile. Nous avons revu les signes IRM de 9 cas. Ces signes ont été évalués aux sites de fracture (disque, corps vertébral, canal rachidien, arc postérieur). Nous décrivons les différents aspects IRM de ces fractures. Les fractures des structures postérieures (fracture de l’arc postérieur et/ou rupture des ligaments supra et interépineux et lésions des parties molles contiguës) sont retrouvées dans tous les cas. Cette constatation souligne l’importance des anomalies de signal IRM au niveau des structures postérieures pour le diagnostic de fracture transversale du rachis ankylosé. En définitive un des grands avantages de l’IRM est sa capacité à détecter les anomalies de signal de la colonne postérieure qui, associées aux anomalies discales et/ou corporéales, jouent un rôle clé pour le diagnostic de ce type de fractures. Key words: Ankylosing spondylitis. DISH. Fracture, spine. MRI. Mots-clés : Spondylarthrite ankylosante. Maladie de Forestier. Fracture vertébrale. IRM. L (1) Service de Radiologie A, (2) Service de Rhumatolo- gie, Hôpital Gabriel Montpied, CHU Clermont- Ferrand, 58, rue Montalembert 63003 Clermont- Ferrand Cedex 1. Correspondance : JL Michel E-mail : [email protected]

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Page 1: Fractures du rachis ankylosé : intérêt de l’IRM

J Radiol 2007;88:1703-6© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

article original

ostéoarticulaire

Fractures du rachis ankylosé : intérêt de l’IRM

JL Michel (1), AC Souteyrand (1), M Kabre (1), JJ Dubost (2), M Soubrier (2) et JM Ristori (2)

es fractures transversales du rachissont une complication bien connuede la spondylarthrite ankylosante

et de la maladie de Forestier. Elles sur-viennent dans le cadre de traumatismesmineurs ou même sans traumatismeidentifiable. Il s’agit habituellement defractures transdiscales et/ou transverté-brales, dont le diagnostic est parfois dif-ficile, à la fois sur le plan clinique etradiologique, notamment en radiologiestandard. Elles peuvent ainsi passer ina-perçues et évoluer vers la pseudarthroseou être diagnostiquées à l’occasion decomplications neurologiques.Plusieurs publications ont souligné l’inté-rêt de l’IRM dans le diagnostic de ces frac-tures, du fait de la très bonne sensibilité decet examen pour dépister la fracture et lescomplications possibles. L’objectif de cetravail est de décrire, à partir d’une série de9 cas de fractures rachidiennes au cours dela spondylarthrite ankylosante et de la ma-ladie de Forestier, la sémiologie IRM quipermet de mettre en évidence ce type defracture, à ne pas méconnaître compte te-

nu de graves complications possibles. Plusparticulièrement le but a été de rapporterles différentes présentations IRM de cesfractures et d’insister sur l’importance del’analyse des structures postérieures du ra-chis pour le diagnostic, aussi bien dans lecadre de la spondylarthrite ankylosantequ’au cours de la maladie de Forestier, cequi est moins bien décrit dans la littérature.

Matériels et méthodes

Étude rétrospective, sur 10 ans, de 9 casde fractures rachidiennes, sur rachis an-kylosé chez 7 patients. Sur les 9 fractures6 étaient constatées chez 5 patients aucours de l’évolution d’une spondylarthri-te ankylosante connue (en moyenne de-puis au moins 20 ans) et 3 chez 2 patientsprésentant une maladie de Forestier.Toutes ces fractures survenaient dans uncontexte traumatique mineur (chute),plus ou moins récent (quelques semainesà plusieurs mois), ou sans traumatismeidentifiable. Il s’agissait de 6 hommes etd’une femme, âgés de 45, 51, 62 (2 pa-tients), 65, 75 et 80 ans (soit 63 ans enmoyenne). La topographie de ces fractu-res était thoracique (6 cas), lombaire(2 cas), cervicale (1 cas). Deux patientsavaient 2 localisations (cervicale et thora-cique dans un cas de spondylarthrite an-

kylosante et 2 localisations thoraciquesdans un cas de maladie de Forestier).Dans une localisation cervicale il existaitun antélisthésis au-dessus de la fracture.Deux patients présentaient un déficitneurologique, avec, dans un cas, paraplé-gie à évolution fatale. Dans les 2 cas cescomplications neurologiques étaient enrapport avec un hématome épidural, àl’étage thoracique.Ces fractures ont été explorées en radiolo-gie standard, TDM et IRM (1,5 T). L’ex-ploration IRM a été réalisée dans les planssagittal et axial, séquences pondérées T1,T2, et, chez 4 patients, T1 avec injectionde Gadolinium et saturation de graisse.L’exploration IRM de chaque patient aété confrontée aux images radiologiquesstandard et TDM (lorsqu’elles étaientdisponibles), avec évaluation des lésionsdu disque, du corps vertébral, du canalvertébral, des ligaments vertébraux, desarcs postérieurs et des parties mollescontiguës. Ces explorations ont été reluespar deux radiologues dont un expérimen-té en imagerie ostéoarticulaire.

Résultats

(fig. 1 à 5)

Dans tous les cas, on constatait une atteintede la colonne antérieure sous la forme d’unefracture transcorporéale dans 2 cas ou

Abstract Résumé

Fractures of the ankylosed spine: MRI features

J Radiol 2007;88:1703-6

The diagnosis of transverse spinal fractures in patients with ankylosing spondylitis and Forestier’s disease (DISH) may be difficult. The MRI features of 9 such fractures at the disk, vertebral body, spinal canal and posterior elements are presented. Fractures of the posterior elements (posterior arch fractures and/or rupture of interspinous or supraspinous ligaments and contiguous soft tissue structures) were present in all cases, underscoring the importance of MR signal abnormalities of posterior structures for diagnosis of these fractures. MR is advantageous due to its ability to demonstrate signal abnormalities of the posterior elements, which combined with disk and vertebral body abnormalities, play a major role for accurate diagnosis of this type of fracture.

Le diagnostic des fractures rachidiennes transversales dans la spondy-larthrite ankylosante et la maladie de Forestier peut être difficile. Nous avons revu les signes IRM de 9 cas. Ces signes ont été évalués aux sites de fracture (disque, corps vertébral, canal rachidien, arc postérieur). Nous décrivons les différents aspects IRM de ces fractures. Les fractures des structures postérieures (fracture de l’arc postérieur et/ou rupture des ligaments supra et interépineux et lésions des parties molles contiguës) sont retrouvées dans tous les cas. Cette constatation souligne l’importance des anomalies de signal IRM au niveau des structures postérieures pour le diagnostic de fracture transversale du rachis ankylosé.En définitive un des grands avantages de l’IRM est sa capacité à détecter les anomalies de signal de la colonne postérieure qui, associées aux anomalies discales et/ou corporéales, jouent un rôle clé pour le diagnostic de ce type de fractures.

Key words:

Ankylosing spondylitis. DISH. Fracture, spine. MRI.

Mots-clés :

Spondylarthrite ankylosante. Maladie de Forestier. Fracture vertébrale. IRM.

L

(1) Service de Radiologie A, (2) Service de Rhumatolo-gie, Hôpital Gabriel Montpied, CHU Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert 63003 Clermont-Ferrand Cedex 1.Correspondance : JL MichelE-mail : [email protected]

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transdiscale dans 7 cas, associée à unefracture de la colonne postérieure :fracture des pédicules, processus arti-culaires postérieurs, processus épineuxet/ou rupture des ligaments inter épi-neux, supra épineux, lésions des partiesmolles contiguës.Les deux fractures transcorporéales se ca-ractérisaient l’une par un trait de fracturetranscorporéale en hyposignal T1 et T2,entouré d’un œdème, l’autre par une cavi-té intrasomatique à contenu liquidien, enhyposignal T1, hypersignal T2, évocatri-ce d’une ostéonécrose avasculaire. Dansles 2 cas il existait une fracture associée del’arc postérieur.

Fig. 1 : Homme de 80 ans avec maladie de Forestier. IRM, coupe sagittale en pondération T2, du rachis tho-racique, réalisée après un trauma-tisme mineur : fracture horizon-tale étendue à l’arc postérieur, caractéristique de ce type de frac-ture (flèches).

Fig. 3 : Homme de 45 ans avec spondy-larthrite ankylosante. Coupe IRM sagittale pondérée T1 : fracture en T10-T11 (hyposignal disco-vertébral) avec rupture du liga-ment interépineux (flèche). Notez l’hyper signal des disques, en rap-port avec l’ankylose du rachis.

Les 7 fractures transdiscales se présen-taient sous la forme d’une fracture à tra-vers l’espace discal (3 cas) ou sous la formed’une pseudarthrose (4 cas) avec érosiondes plateaux et anomalie de signal du dis-que : hyposignal T1, hypo ou hypersi-gnal T2, rehaussement des plateaux aprèsinjection de gadolinium. Là encore ilexistait, dans tous les cas, une fracture as-sociée de l’arc postérieur ou une rupturedes ligaments supra et interépineux. Lafracture de la colonne postérieure était fa-cilement identifiée grâce aux anomaliesde signal étendue à une grande partie dela colonne postérieure, sous la formed’une bande en hyposignal. Dans un cas,

la fracture était moins évidente, l’anoma-lie de signal étant limitée aux 2 pédicules.L’injection de gadolinium montrait unrehaussement de l’œdème autour de lafracture, un rehaussement en périphériede l’ostéonécrose ou de la pseudarthrose.Au total le diagnostic de ces fractures enIRM était retenu sur l’association d’anoma-lies de signal touchant les structures anté-rieures (corps vertébral, disque) et posté-rieures (arc vertébral postérieur, ligamentssupra, interépineux et parties molles conti-guës). Cette anomalie de signal correspon-dait soit à un trait de fracture, à un œdèmepéri-fracturaire, soit encore à une ostéoné-crose avasculaire ou une pseudarthrose.

Fig. 2 : Femme de 62 ans, avec spondylarthrite ankylosante.a Fracture de L3 : coupe sagittale pondérée T1.b T2 montrant la fracture du corps vertébral étendue au processus épineux (flèches).

a b

Fig. 4 : Homme de 65 ans, avec spondylarthrite ankylosante :a Coupe IRM parasagittale, pondération T1, du rachis lombaire : fracture transversale

du corps de L1, étendue à l’articulaire postérieure (flèches).b La coupe médiane en pondération T2 montre une ostéonécrose avasculaire du corps

vertébral, révélée par un signal liquidien (flèche). Remarquez la fracture et l’œdème étendu à l’arc postérieur.

a b

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Discussion

La spondylarthrite ankylosante et la ma-ladie de Forestier prédisposent aux frac-tures rachidiennes transversales du fait del’ankylose et de l’ostéoporose, avec parfoisdes conséquences neurologiques graves(paraplégie ou tétraplégie). Ces fracturessurviennent souvent à la suite de trauma-tismes mineurs ou parfois même de façonspontanée (1-6), assimilées à des fracturesde fatigue. Elles relèvent d’un mécanismeen hyperextension ou flexion, proche dumécanisme des fractures-tractions thora-ciques ou fractures de ceinture de sécurité(fracture de Chance) (7). L’âge moyen despatients concernés par ces fractures esthabituellement de 50 à 60 ans dans laspondylarthrite ankylosante (en moyenneaprès 20 ans d’évolution) et un peu pluspour la maladie de Forestier. Classique-ment ces fractures sont considéréescomme fréquentes au niveau du rachiscervical. En fait, sur les 9 fractures de no-tre série, une seule est cervicale, les autresthoracolombaires. D’autres séries récen-tes (8, 9) confirment également cetteprépondérance des fractures thoracolom-baires dans la spondylarthrite ankylosan-te. De même, une série (6) rapportantl’aspect IRM des fractures au cours de lamaladie de Forestier chez 6 patients, re-trouve 4 fractures à la jonction thoraco-lombaire, une en T9, une autre en C5. Lediagnostic clinique et radiologique de cesfractures peut être difficile. En effet, il

s’agit de patients avec un long passé d’an-kylose rachidienne, ayant des douleursrachidiennes chroniques, chez lesquelsun traumatisme mineur peut être mécon-nu et la douleur de la fracture passer ina-perçue. En outre, ces fractures peuventêtre difficiles à identifier en radiographiestandard, du fait de l’ossification rachi-dienne, de l’ostéoporose, de la moinsbonne visibilité des espaces discaux, de ladifficulté d’explorer certaines régions ra-chidiennes, notamment cervicothoraci-ques. Dans une série de 12 patients avecfracture du rachis au cours de spondy-larthrite ankylosante (9), les auteurs re-tiennent 2 fractures occultes détectéesuniquement en IRM, méconnues enradiographie standard. Dans une autresérie (10) le diagnostic de fracture rachi-dienne sur spondylarthrite ankylosanten’est porté initialement que chez 41,67 %des 8 patients avec pour conséquence unedétérioration neurologique dans 16,67 %des cas. En outre, ces fractures peuventnon seulement passer inaperçues maisévoluer à plus long terme vers une pseu-darthrose et en imposer pour une spondy-lodiscite infectieuse ou d’autres discopa-thies érosives.En fait, le diagnostic de ces fractures estactuellement largement facilité par lesperformances de la TDM (grâce aux re-constructions multiplanaires et 3D) et del’IRM, dépistant facilement les anomaliesde signal en rapport avec ces fractures etles complications qui en résultent.

Si on se réfère à la littérature (6, 8, 9) et ànotre série, ces fractures rachidiennes peu-vent se présenter sous différentes formes :– soit sous la forme d’un trait de fracturetransdiscal et/ou transvertébral, horizon-tal ou oblique, régulier ou irrégulier, avecparfois ouverture discale antérieure, frac-ture d’un syndesmophyte. Un tassementassocié du corps vertébral est possible. Cesfractures peuvent passer inaperçues en ra-diologie standard mais sont bien identi-fiées en TDM et IRM. Un œdème autourde la fracture peut être visible en IRM,fonction de l’ancienneté de la fracture, eteffacer le trait de fracture, notamment enT1.– soit sous la forme d’une pseudarthrose(présentation la plus fréquente dans notresérie), correspondant à l’évolution d’unefracture méconnue, non immobilisée et setraduisant par des irrégularités, des éro-sions et des plages d’ostéosclérose des pla-teaux vertébraux. Sur des clichés stan-dards la résorption des plateaux peutsimuler une discopathie infectieuse ou in-flammatoire.– soit sous la forme d’une ostéonécroseavasculaire (6, 9) (un cas dans notre série),pouvant être identifiée par la présence degaz, notamment en radiographie stan-dard, ou de liquide dans une cavité cen-trosomatique visible en IRM, permettantle diagnostic qui peut prêter à discussiondans certains cas (en radiographie stan-dard et TDM notamment) avec une lé-sion ostéolytique.

Fig. 5 : Homme de 75 ans avec spondylarthrite ankylosante et déficit neurologique :a Coupe parasagittale pondérée T1 montrant un hyposignal en bande en T8-T9 étendu aux articulaires postérieures (flèches).b Une coupe médiane en pondération T1 montre un hyposignal discal, une érosion des plateaux vertébraux contigus et une fracture de la

colonne postérieure (flèches). Notez l’hyper signal des disques, lié à l’ankylose du rachis.c L’image en pondération T2 montre un hypersignal, en rapport avec la présence de liquide dans l’espace discal (flèche). Ces constations

sont évocatrices d’une pseudarhrose (au site de la fracture). Par ailleurs l’IRM montre une compression médullaire secondaire à un hématome épidural postérieur.

a b c

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Mais l’élément essentiel pour le diagnos-tic de ces fractures est la présence très fré-quente (en plus de l’atteinte de la colonneantérieure) d’une fracture des structuresvertébrales postérieures (processus articu-laires, processus épineux, pédicules,structures ligamentaires interépineuses).Dans une série de 12 patients avec fractu-re rachidienne survenue au cours d’unespondylarthrite ankylosante (9), 11 des12 patients ont une atteinte de l’arc posté-rieur bien visualisée en IRM (fracturesdes processus articulaires, épineux, des la-mes, et/ou ruptures ligamentaires et lé-sions des parties molles interépineuses).Une autre série de 16 patients avec spon-dylarthrite ankylosante (8), montre, danstous les cas, une fracture de la colonnepostérieure associée à la fracture de la co-lonne antérieure. Dans notre série égale-ment, ces fractures de la colonne posté-rieure (arc vertébral postérieur, ligamentsinterépineux, parties molles contiguës)sont constamment retrouvées en associa-tion à la fracture de la colonne antérieure.Cette atteinte des structures rachidiennespostérieures est un élément diagnostiqueimportant, bien dépistée en IRM. Cesanomalies de signal en IRM se traduisentpar un hypo signal sur les séquences pon-dérées T1, un hypo ou hypersignal sur lesséquences pondérées T2, en fonction del’ancienneté des lésions et de l’utilisationde séquence avec ou sans saturation degraisse. L’injection de Gadolinium mon-tre un rehaussement des zones d’œdèmeautour de la fracture, à la périphéried’une pseudarthrose ou d’une ostéoné-crose avasculaire.Ainsi le diagnostic de fracture transversa-le du rachis doit être envisagé en IRM,dans le cadre d’une spondylarthrite anky-losante ou d’une maladie de Forestier, de-vant une anomalie de signal de la colonneantérieure évoquant une fracture discale,

corporéale, une pseudarthrose ou uneostéonécrose avasculaire associée à unefracture de la colonne postérieure. Il fautégalement insister sur le fait que ces IRMsont souvent réalisées alors que le dia-gnostic de rachis ankylosé est méconnu,notamment en cas de maladie de Fores-tier. Il est bon alors de rappeler tout l’inté-rêt que prend l’hypersignal, en pondéra-tion T1, des disques intervertébraux qui,lorsqu’il est présent, doit évoquer un ra-chis ankylosé, et par conséquent, la possi-bilité de complication sous la forme d’unefracture transversale.Un autre avantage de l’IRM est de per-mettre un bilan du canal rachidien et deson contenu, ces fractures, très insta-bles, pouvant aboutir à des complica-tions neurologiques très graves (1, 2, 5,8-11). Dans notre série 2 patientsavaient des complications neurologi-ques, dont une paraplégie aboutissantrapidement à une tétraplégie avec évo-lution fatale. Il faut en effet insister surla gravité des complications de ces frac-tures qui peuvent s’accompagner d’undéplacement vertébral avec translationantérieure (associée à une rupture du li-gament longitudinal antérieur, bienidentifiable en IRM), de contusion, decompression médullaire (par hémato-me épidural, compression osseuse,épaississement dural et des parties mol-les) et de sténose du canal rachidien. Ils’agit en effet de fractures d’une grandeinstabilité dont il importe de ne pas mé-connaître le diagnostic.

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