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Gestion de trésorerieTRANSCRIPT
DOSSIERN°66 - NOVEMBRE 2013
Gestion de trésorerieLes diffi cultés de trésorerie restent au top de l'agenda des départements fi nanciers. Suite à l’avalanche réglementaire et au durcissement de l’accès au crédit, le trésorier est en première ligne et voit sa fonction évoluer: il doit aller à la rencontre des différents partenaires de son entreprise, tout en représentant son image. L'assurance-crédit est, à ce titre, un outil encore sous-utilisé. Focus dans notre dossier.
02 « Le marché de l’assurance-crédit se comporte comme une vieille dame » « L’assurance-crédit permet pourtant une meilleure gestion et une information plus ciblée. Il y a tout un changement de mentalité à opérer.», plaide Rudy Aernoudt (Université de Gand).
04 « L’assurance-crédit est une formidable machine à recycler »Les assureurs crédits ont tiré les leçons de la crise fi nancière: ils ont adapté leur offre aux besoins des PME et inventé de nouveaux produits. Tour des principaux acteurs.
08 « Un trésorier doit toujours être au front »Le trésorier doit sortir de sa bulle, encourage Olivier Brissaud (ATEB). Il nous livre sa vision du métier, que nous avons assortie de deux cas d'entreprises: Luxair et UCB.
12 « Un indépendant doit être bon en tout »Pour détecter les signaux avant-coureurs à temps, le recours aux tableaux de bord est plus que conseillé. Le comptable peut aussi jouer un rôle central dans la vie de l’entreprise.
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FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013
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Le marché de l’assurance-crédit se comporte comme une vieille dame
O n estime que la gestion du poste clients repré-
sente en moyenne 30% à 40% de la valeur
d’une entreprise. Pour compenser la perte d’une
créance, il est nécessaire de réaliser un chiffre
d’affaires supplémentaire de 10 à 100 fois plus important que
le montant de l’impayé. L’assurance-crédit se veut un outil de
gestion du risque commercial, elle garantit le suivi des créances
des entreprises assurées à l’égard de leurs clients belges ou
étrangers. De cette manière, elle contribue à assainir et à garan-
tir la situation d’une entreprise, son cash-fl ow, son compte de
résultat et ses besoins de fonds de roulement. D’après le CEPS,
Centre for European Policy Studies, l’assurance-crédit couvrirait
environ 15% du PIB belge, ce qui est considéré comme un mar-
ché mature. Membre du think tank Credit Management, co-au-
teur d’un code de conduite paru en juin 2011 et Professeur de
corporate fi nance à l’Université de Gand, Rudy Aernoudt répond
à nos questions.
Dans quel contexte est né le code de conduite?
Rudy Aernoudt: « L’idée du code de conduite était de réfl échir
ensemble, avec des CFOs et des assureurs crédits, sur l’évo-
lution du secteur. Nous voulions avoir une vue hélicoptère
du marché et des pratiques. C’était très riche comme expé-
rience. La Belgique a été pionnière dans ce domaine puisqu’à
ma connaissance, il n’y a pas encore d’équivalents ailleurs.
La volonté n’était pas de produire de nouvelles régulations,
mais bien d’écrire un gentlemen’s agreement en fédérant
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Alors que la crise se prolonge et que les entreprises rament pour maintenir leur niveau de liquidités à fl ot, l’assurance-crédit a une carte à jouer pour doper l’économie. D’après Graydon, le nombre de faillites a augmenté de 10% en 2012 comparé à 2011. Les défauts de paiement seraient à l’origine de 25% d’entre elles. Paradoxalement, l’assurance-crédit peine encore à s’imposer dans les mœurs. Encore perçue comme chère ou trop compliquée, elle a du mal à convaincre les petites structures de son potentiel économique.
« Le futur du secteur réside dans l’information et le conseil
en amont. »
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les énergies. L’ouverture et la confi ance qui régnaient m’ont
positivement impressionné. A partir de l’année prochaine, le
CEFIC, un acteur neutre, réalisera un rapport de suivi sur cha-
cun des membres, ainsi que sur l’ensemble du secteur, ce qui
permettra davantage de transparence. Le but est d’instaurer
une surveillance mutuelle. A la base uniquement conçu à
cette fi n, le think tank a choisi de rester actif. Ses membres
de rencontrent quatre fois par an autour de problématiques
communes. »
L’assurance-crédit est-elle une option bien connue des entre-
prises belges? Comment peut-on expliquer que peu de socié-
té y ont recours?
Rudy Aernoudt: « On assure sa voiture et ses bureaux, mais
pas ses crédits. C’est paradoxal, surtout en sachant que les
créances représentent parfois la moitié du bilan d’une entre-
prise. Les impayés atteignent environ 2,9% en Belgique, ce qui
représente des milliards chaque année. Pour les récupérer,
il faut, sans cesse, augmenter son chiffre d’affaires. On sait
aussi que beaucoup d’entreprises belges n’exportent pas par
peur de ne pas être payées, c’est un énorme frein. Les PME,
en particulier, ont peur d’entreprendre. L’assurance-crédit a
un vrai rôle à jouer dans ce domaine. Malheureusement, le
secteur souffre d’une mauvaise image. Ce type d’assurances
est encore souvent perçu comme une obligation supplémen-
taire du banquier. Le terme même est mal choisi, ce n’est ni
une assurance classique, ni un crédit, qui de plus sont deux
mots à connotation négative. Le concept n’illustre que l’as-
pect répressif du métier. L’assurance-crédit permet pourtant
une meilleure gestion et une information plus ciblée. Il y a
tout un changement de mentalité à opérer. Nous avons be-
soin d’une révolution copernicienne! Des initiatives comme le
think tank ou le code de conduite veulent apporter leur pierre
à l’édifi ce et contribuer à diversifi er le secteur. Le potentiel de
croissance est énorme. »
En quoi le secteur est-il un marché fermé?
Rudy Aernoudt: « L’assurance-crédit est un grand marché,
mais qui accueille peu d’acteurs. Il est fermé de par la na-
ture de ses activités. 80% du marché sont détenus par trois
grands acteurs: Coface, Atradius et Euler Hermes. Leur plus-
value réside dans leurs données historiques. Il s’agit bien
d’un oligopole. Le danger serait de parvenir à une situation
de monopole en cas d’entente sur les prix, ou à l’inverse, à du
dumping sur les tarifs qui conduirait à une baisse de qualité.
La seule piste envisageable était à mes yeux de se fédérer au-
tour d’un code de conduite commun. Il faut impérativement
diversifi er le marché par les produits, non pas uniquement en
jouant sur les prix. En faisant croitre le marché, par exemple,
jusqu’à 30% du PIB comme aux Pays Bas, cela augmenterait
la concurrence et permettrait la création d’emplois. C’est un
scénario win-win qui bénéfi cierait aux entreprises, aux inter-
médiaires et courtiers, aux assureurs et à l’économie dans son
ensemble. C’est un marché traditionnel et qui se comporte
encore comme une veille dame, il faut le dynamiser. Ce n’est
pas parce qu’il y a peu de concurrents, qu’il ne faut pas se
réinventer. »
Quel a été l’impact de la crise sur le secteur?
Rudy Aernoudt: « La crise fi nancière n’a certainement pas
aidé à redorer le blason de l’assurance crédit. Les assureurs,
au sens large, ne peuvent pas seulement être là pour éteindre
l’incendie quand tout va mal. En 2008, certains ont supprimé
des lignes du jour au lendemain et mis leurs clients devant le
fait accompli. Avoir un partenaire qui s’enfuit à la première
diffi culté est désastreux, c’est ce qui s’est parfois passé parmi
les assureurs crédits. Certains clients ont été dégoutés du sec-
teur. Les prix ne sont pas forcément perçus comme prohibitifs.
De nombreuses sociétés seraient prêtes à payer davantage en
continu pour être sûres d’être soutenues lors des moments
plus diffi ciles. Les assureurs crédit doivent à présent restau-
rer la confi ance et réfl échir dans une optique de partenariat à
long terme. Ils ont un rôle de conseil à jouer. L’assurance cré-
dit devrait, pour moi, devenir un service connexe à d’autres
business models. Il y a énormément de valeur à tirer de toute
cette masse d’informations. Le futur du secteur réside dans
l’information et le conseil en amont. »
Rudy Aernoudt: « La crise fi nancière n’a certainement pas aidé à redorer le blason de l’assurance crédit. Avoir un par-tenaire qui s’enfuit à la première diffi culté est désastreux, c’est ce qui s’est parfois passé parmi les assureurs crédits. »
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L’assurance-crédit est une formidable machine à recycler
S i la plupart des clients sont satisfaits des services
fournis par leur assureur crédit, le plus diffi cile est
d’attirer les néophytes. La confi ance, mise à mal
pendant la crise, reste le plus grand défi à adres-
ser. Le code de déontologie de 2011 prévoit ainsi, parmi ses prin-
cipes fondateurs, une meilleure information aux clients, tant sur
leur politique que sur la solvabilité de leurs clients, ainsi que des
délais plus importants lors de la restriction ou suppression de
limites de crédit.
Amenés à se rencontrer régulièrement lors de conférences
ou au sein d’Assuralia, Francis Jespers, CEO d’Euler Hermes
Belgique, Christophe Cherry, Country Director chez Atradius
Belgique et Luxembourg et Guillermo Rodriguez, Country
Manager chez Coface, croisent le fer. Ils se sont notamment
mis d’accord sur un certifi cat de sinistralité reprenant tout
l’historique d’un client et que chaque assuré détiendrait. La
philosophie sous-jacente est à la fois d’améliorer la transpa-
rence, mais aussi de s’assurer que les mauvais risques soient
traités de la bonne façon.
TRANSFORMER L’ESSAIAu total 4.400 entreprises sont clientes d’assurances-crédits.
Sur les 28.000 sociétés qui pourraient potentiellement être
intéressées, le taux de pénétration pourrait encore progres-
ser. « Il y a encore un trop grand pourcentage de sociétés qui
font le choix de ne pas s’assurer, même si depuis trois ans, toute
une série de nouveaux produits existent, y compris destinés
aux petits acteurs. Beaucoup d’entrepreneurs veulent tout faire
eux-mêmes. Ils considèrent qu’ils connaissent suffi samment
leurs clients », constate Francis Jespers.
Si le recours à l’assurance-crédit est encore peu répandu, pour
Christophe Cherry, la réponse est sans doute à chercher du
côté des assureurs. « Il faut pouvoir se regarder dans la glace.
Ce sont les assureurs qui n’ont pas réussi à convaincre. Nos
premiers concurrents sont ceux qui ne s’assurent pas. Nous
ne réussissons pas encore à trouver une ritournelle qui per-
mette une acquisition spectaculaire de nouveaux clients. Nous
convainquons généralement ceux qui nous connaissent déjà.
L’image du parapluie ouvert quand il fait beau et fermé quand
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Méconnu, le rôle de l’assurance-crédit est pourtant central dans notre économie. Peu nombreux sur un marché à haut potentiel, les assureurs crédits ont tiré les leçons de la crise fi nancière. Pour dynamiser leur secteur et convaincre de nouveaux adeptes, ils ont adapté leur offre aux besoins des PME, autrefois oubliées des portfolios, et inventé de nouveaux produits. Tour d’horizon en compagnie des trois acteurs du secteur.
« Ce sont les assureurs qui n’ont pas réussi à convaincre: nos premiers concurrents sont ceux qui ne s’assurent pas ».
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il pleut colle encore au monde de l’assurance au sens large. Je
pense que c’est aussi lié au fait que l’assurance-crédit reste un
produit relativement complexe », commente-t-il.
Pour Guillermo Rodriguez, l’appellation « assurance-crédit »
ne rend pas justice au secteur. « Le terme n’illustre pas vrai-
ment nos services aux entreprises, estime-t-il. Une assurance
intervient classiquement après une catastrophe. Or, une grande
partie de notre travail se fait en amont. Notre rôle est d’aider
les sociétés à vendre mieux et de manière plus sécurisée. »
AUTO-ASSURANCELe secteur reste pénalisé par la mauvaise image de l’assurance
et une méconnaissance de son rôle dans l’économie. Et Chris-
tophe Cherry de poursuivre: « Une assurance est généralement
vu comme un coût, non pas comme un investissement. On
n’achète pas une assurance crédit comme une assurance incen-
die. Tout le volet information et le recouvrement font qu’on ne se
limite pas à l’indemnisation. De plus, elle n’est pas obligatoire. »
« L’assurance crédit apporte une vraie plus-value, pas toujours
bien comprise, le rejoint Guillermo Rodriguez. En améliorant
sa gestion du crédit, une entreprise va améliorer sa solvabilité
et son rating, et donc son accès au fi nancement. C’est un cercle
vertueux qui rassure les banques. En général, les grandes entre-
prises nous connaissent. Le plus gros du travail doit être fait du
côté des PME. De plus en plus de marchés porteurs sont loin,
il faut trouver la croissance ailleurs. Les sociétés ne peuvent
pas y aller à l’aveugle, elles ont besoin d’être accompagnées
localement. Avec un réseau international, les assureurs crédit
peuvent les y aider. »
Plusieurs clichés demeurent, qu’il s’agisse de tarifs prohibitifs,
de charge administrative ou de complexité technique. « Croire
que les produits sont couteux et trop compliqués ne refl ète plus
la réalité. C’était peut être le cas il y a 15 ans. C’est une fausse
excuse. Dans le cas de couvertures à l’aveugle, les formalités
sont très réduites », souligne Francis Jespers. En général, les
prix tournent entre 0,2 et 0,5% du chiffre d’affaires. Le niveau
de perte moyen évolue, quant à lui, autour de 2 et 3%.
« Les prix sont pourtant à la baisse, insiste Christophe Cherry.
On veut tous croître. Or, on tourne en rond et on pêche tous dans
le même étang. Le climat économique n’est pas extraordinaire.
Nos tarifs sont anormalement bas en ce moment, c’est une op-
portunité pour les entreprises. Ce qu’on reçoit comme impayés
chaque année est beaucoup plus important que notre chiffre
d’affaires. Les impayés sont transformés en indemnisation, c’est
l’élément vertueux de l’assurance-crédit. C’est une formidable
machine à recycler. Les créances représentent parfois la moitié
du bilan d’une entreprise! Je suis toujours étonné du manque de
connaissances des entrepreneurs en la matière. »
REMISE EN QUESTIONAssez plat pendant de longues années, le marché de l’assu-
rance-crédit a été bousculé pendant la crise. « Dans une indus-
trie qu’on croyait assez stable avec des cycles plutôt longs, elle
est venue secouer le cocotier et challenger nos certitudes. Cette
brutalité a mis tous nos business models en question, explique
Christophe Cherry, également membre du comité de direction
chez Assuralia. Le principal souci depuis 2008 a été de retrouver
une certaine stabilité. La durée de vie moyenne de nos clients est
de dix ans, ce qui est remarquable pour de l’assurance. Nous ne
voulons surtout pas que cela diminue. » « Le plus diffi cile est la
portée d’entrée. Une fois acquis, nos clients sont très loyaux. La
crise a permis une saine réfl exion sur les comportements des dif-
férents acteurs », approuve Francis Jespers.
« Depuis 2008, le secteur a connu une certaine pression sur
les prix, révèle Guillermo Rodriguez. Certains clients ne par-
viennent pas à faire le pas ou font un pas en arrière car ils ne
souhaitent plus payer les primes. Les périodes entre les crises
étant de plus en plus courtes, à nous assureurs d’être plus réac-
tifs et de nous adapter aux changements. Des diffi cultés écono-
miques, il y en aura toujours. »
PLUS DE TRANSPARENCEDepuis la faillite de Lehman Brothers, les assureurs crédit
ont balayé devant leur porte et se sont débarrés des risques
toxiques. « Tout un travail d’assainissement a été effectué. Le
premier volet a été de réduire les risques dangereux, poursuit
Christophe Cherry. Le deuxième a été d’ajuster les primes de
risques à la réalité. Il fallait aussi dépoussiérer notre image. Cette
remise en question a créé quelques dégâts au niveau commer-
cial. Réduire des expositions et augmenter les primes est rare-
ment une bonne nouvelle pour les clients. Nous nous sommes
efforcés d’augmenter leur satisfaction, notamment en leur don-
nant davantage d’explications quant à nos décisions. Je peux
dire que nos efforts ont payé, même si nous pouvons encore nous
améliorer, notamment dans la proactivité de nos contacts. »
Chaque décision s’accompagne à présent de davantage
d’explications. Nos trois acteurs ont œuvré à améliorer leur
portrail web et l’information accessible en ligne. « Les
Francis Jespers: « Il y a encore un trop grand pourcentage de sociétés qui font le choix de ne pas s’assurer, même si depuis trois ans, toute une série de nouveaux produits existent, y compris destinés aux petits acteurs. »
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nouvelles technologies nous permettent de gérer les polices
de manière plus dynamique, confi e Guillermo Rodriguez. Des
plateformes sophistiquées nous permettent d’être en contact
permanent avec nos clients afi n de leur faciliter la tâche. Ces
derniers peuvent à présent voir évoluer leur portfolio et leurs
scores en temps réel. On leur communique des informations
susceptibles de les intéresser. A l’avenir, je suis convaincu qu’il
y aura encore davantage d’interconnections avec leurs outils
comptables. Nos propres systèmes viendront s’intégrer dans
leur chaîne de valeur. Un système d’alertes pourrait changer
nos rapports. »
« Aujourd’hui, on ne peut plus de contenter de prendre une
décision crédit unilatéralement. Il faut l’expliquer et en justi-
fi er les raisons, confi rme Christophe Cherry. Avant la crise, les
clients étaient sans doute moins demandeurs de feedbacks.
Ils ont à présent accès à toute une série d’outils et d’analyses
détaillées en ligne, ce qui n’était pas le cas avant. Nous avons
voulu ouvrir l’arrière boutique. Nos clients peuvent télécharger
les informations dont ils ont besoin n’importe quand, ce qui
change un peu notre métier. Nous sommes devenus un presta-
taire de services 24/7. »
Un exercice comme le code de conduite a également per-
mis davantage de visibilité sur les pratiques. « Nous sommes
concurrents, mais nous partageons des inquiétudes transver-
sales, notamment législatives. Travailler ensemble permet de
gagner du temps. Un code de conduite fi xe noir sur blanc des
principes éthiques, c’est toujours bénéfi que, quel que soit le sec-
teur », partage Guillermo Rodriguez. Un autre avantage du code
est de placer la discussion de l’assurance crédit non pas dans le
bureau du comptable, mais dans celui du directeur général. Le
choix d’assurer ou non ses créances doit être stratégique. »
DÉMARCHE PROACTIVELes assureurs crédit ont également œuvré à moderniser leur
approche du risque, comme leur portefeuille de produits. Ils
ont tous proposé une couverture complémentaire, à la carte,
là où la couverture de base ne suffi t pas. « Si on ne se réin-
vente pas, c’est la mort de l’assurance-crédit, affi rme Guillermo
Rodriguez. Nous sommes peut être trois joueurs historiques en
Belgique, mais dans les autres pays, nous avons chaque fois un
autre challenger local. Chacun a sa place. Le marché nous pousse
à être innovant. Nous avons notamment proposé, Top liner, une
sorte de complément d’assurance, qui va au-delà de la limite pré-
vue initialement. Au lieu de couper la ligne car le risque ne nous
paraît pas entièrement sain, on propose cette option à un taux
différent. Il y avait une demande forte du marché en ce sens.
Réussir à segmenter son offre pour réussir à adresser différents
types de besoins est aussi un des points clés pour l’avenir. »
Le rôle d’assureur crédit s’accompagne aussi de tout un volet
pédagogique à assurer pour bien expliquer leurs activités.
« Généralement, quand on l’explique bien, un refus est bien
compris par nos clients, défend Christophe Cherry. Le pro-
blème est souvent la brutalité et la rapidité de l’information.
Pour toute décision, nous avertissons désormais nos assurés un
mois à l’avance. Ils bénéfi cient de quatre semaines de « grâce »
qui lui permet de se retourner ou de contre argumenter. Cette
période de confort est très importante. Elle ouvre un espace de
discussion qui contribue à améliorer notre image. »
PARTENARIAT WIN-WINLes courtiers, véritables ambassadeurs des assureurs, effec-
tuent une grande partie des ventes. Pas toujours satisfaits non
plus de la manière dont ils ont été traités pendant la crise, ils
souhaitent souvent une relation de partenariat plus étroite.
« Les courtiers représentent 75% de notre chiffre d’affaires, par-
tage Guillermo Rodriguez. Ce sont des vrais partenaires. Ce sont
nos yeux et nos oreilles sur le marché. Ils sont en contact direct
avec nos clients. Nous sommes donc fréquemment en contact.
On attend de leur part une bonne connaissance des produits,
ainsi qu’une certaine neutralité dans la présentation des offres.
Ils doivent bien connaître le secteur pour être à même d’en dé-
mocratiser les enjeux. Leur rôle ne s’achève pas quand le contrat
est signé. Ils ont tout un travail de suivi à effectuer. »
De son côté, Atradius a mis en place une cellule « close to bro-
ker » composée d’analystes crédits et fi nanciers, afi n d’appor-
ter des réponses à valeur ajoutée aux courtiers. « Ils se sont
Christophe Cherry: « Un des défi s est de faire passer l’as-surance-crédit comme un outil d’aide à la gestion et à la croissance. Les créances représentent parfois la moitié du bilan d’une entreprise! Je suis toujours étonné du manque de connaissances des entrepreneurs en la matière. »
« Le futur du secteur réside dans l’information et le conseil
en amont. »
FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013
parfois plaints d’être considérés comme des clients, mentionne
Christophe Cherry. Ils ont pourtant un rôle essentiel à jouer.
On ressentait une envie de leur part d’avoir accès aux decision
makers et une recherche de partenaires fi ables. Nous ne les
considérons pas seulement comme des intermédiaires, mais
nous voulons les inclure dans la gestion des opérations. »
Peu nombreux à être spécialisés dans l’assurance crédit, leur
raison d’être est de défendre les intérêts des assurés, comme
des assureurs. « Ils connaissent bien le marché, c’est un chaî-
non déterminant. Ils ont accès à nos bases de données et véri-
fi ent la véracité de nos informations. La croissance passera par
la prospection. Ils ont un sérieux rôle à jouer dans ce domaine.
Faire croitre le marché est un rôle collectif », ajoute encore
Francis Jespers.
« Certaines initiatives me poussent à l’optimisme. Certains de
nos clients sont là depuis 50 ans, cela prouve que notre modèle
est vertueux. Une fois acquis, on est convaincu, termine Chris-
tophe Cherry Dans notre secteur, on est toujours mono-assu-
reur. Un des défi s à venir est de faire passer l’assurance-crédit
comme un outil d’aide à la gestion et à la croissance. Quand
on aura réussi à faire basculer la vision défensive de nos activi-
tés, à l’image d’un vrai partenariat, nous aurons fait une bonne
partie du chemin. »
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Guillermo Rodriguez: « Les périodes entre les crises étant de plus en plus courtes, à nous assureurs d’être plus réactifs et de nous adapter aux changements. Des diffi cultés éco-nomiques, il y en aura toujours. »
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DOSSIER
F ondé en 1991, l’ATEB, l’Association des trésoriers
d’entreprise en Belgique, se charge de défendre les
intérêts de la profession et de ses 200 membres,
tout en assurant des formations ciblées, notam-
ment dans le domaine des soft skills, de plus en plus important.
Pour Olivier Brissaud, président et fondateur de l’association,
un trésorier doit avoir une vue hélicoptère du marché et de son
entreprise, tout en amortissant les chocs réglementaires pour
cette dernière. Son contexte de travail se complexifi ant, il doit
acquérir de nouvelles compétences.
Devenu un interlocuteur central dans l’organisation, il la
représente aussi à l’extérieur et gère un réseau grandissant
d’interlocuteurs. « Le trésorier doit sortir de sa bulle, c’est la
vision que nous défendons au sein de l’ATEB, explique-t-il. Cer-
tains restent encore trop enfermés dans leur bureau. Or, c’est
un métier de contacts. Il est plus qu’important à mes yeux
qu’ils prennent leur bâton de pèlerin et défendent leur fonction
auprès des autres. Un trésorier solitaire ne peut pas bien faire
son travail. Sa capacité d’autonomie, son sens de l’anticipation
et sa proactivité sont des éléments déterminants. »
Amené à rejoindre Volkswagen en 1989, Olivier Brissaud a
contribué à y développer le département trésorerie. Il a passé
23 ans au sein du groupe avant de se consacrer à l’économie
sociale. Si, au départ, ils étaient quatre au sein de ce départe-
ment; quand il a quitté l’entreprise, ils étaient 80.
VAGUE RÉGULATOIRESuite à la faillite de Lehman Brothers, tout un amas de régle-
mentation a vu le jour, complexifi ant le travail quotidien des
spécialistes de la fi nance, notamment les trésoriers, chargés
d’en limiter l’impact pour leur organisation. « La crise fi nan-
cière a donné lieu à toute une vague de nouvelles règles qui
change la nature de notre métier, appuie Olivier Brissaud.
En tant que trésoriers, nous sommes en première ligne. C’est
cette fonction qui perçoit toute cette complexité en premier
lieu et doit la retraduire dans les systèmes internes. Il n’y a que
le trésorier qui s’y retrouve dans l’entreprise. Peu de ses collè-
gues comprennent vraiment ce qu’il fait. Certains régulateurs
veulent parfois légiférer à outrance. Le marché de change,
par exemple, à l’inverse de celui des matières premières n’a
jamais engendré de bulle spéculative, or on le régule de plus en
plus... Dans certaines matières, on a l’impression de ne plus très
bien savoir où on en est. »
Dans le cadre de l’ATEB et de l’Association européenne des tré-
soriers d’entreprises, Olivier Brissaud se charge tous les mois
Un trésorier doit toujours être au frontSuite à l’avalanche réglementaire et au durcissement de l’accès au crédit, le trésorier est en première ligne et voit sa fonction évoluer. Loin d’être un rat de bibliothèque, il doit aller à la rencontre des différents partenaires de son entreprise, tout en représentant son image. Pas toujours bien connu en interne, comme en externe, son rôle devient pourtant plus stratégique.
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
« Le trésorier doit s’inviter aux réunions importantes
et s’imposer comme interlocuteur de référence. »
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d’envoyer un tableau actualisé contenant l’ensemble des
changements réglementaires attendus à tous les membres.
« Pour y voir clair dans les changements réglementaires, il est
important d’œuvrer à développer des réponses et de se fédé-
rer au niveau européen, même s’il y a, bien sûr, des différences
notables entre les pays. Trouver un fi nancement en Grèce ou en
Suède est loin d’être la même chose. »
En schématisant, le rôle d’un trésorier est de s’assurer que
son entreprise ait, à tout moment, suffi samment de moyens
fi nanciers pour alimenter ses activités, tout en couvrant les
risques qui sont liés à son business. « Le monde de la fi nance
s’est largement ouvert. Auparavant, chaque pays disposait
de sa propre réglementation. C’est de moins en moins le cas,
ce qui crée une certaine baisse de complexité pour les fi nan-
ciers. Si on prend le cas de l’euro, 15 monnaies ont disparu d’un
coup. Cela induit une autre manière de travailler. En parallèle,
de nombreux produits se sont standardisés. Dans le cas d’une
émission obligataire, par exemple, la documentation liée et les
procédures à respecter sont les mêmes presque partout dans
le monde. Cela dit, les produits sont, en même temps, devenus
plus sophistiqués. Les masses et les risques à gérer sont plus
importants. La complexité change de nature. »
VISION A PRIORIL’accélération de l’information et le développement à grande
vitesse des moyens de communications poussent les tréso-
riers et leurs collègues du département fi nancier à se montrer
réactifs et plus fl exibles que jamais. « Il a toujours du être au
fait de l’actualité et s’informer en continu, en particulier dans
le cas des multinationales. Avec l’accentuation des échanges, il
est vrai qu’il doit être plus rapidement sur la balle. Je ne pense
pas que son travail soit plus compliqué qu’avant, mais il est cer-
tainement différent. Ce qui est sans doute changé, c’est l’usage
des langues. Aujourd’hui, un trésorier qui ne maîtriserait que
sa langue nationale, serait perdu, ce qui est aussi vrai pour
d’autres métiers. »
A l’inverse des autres fonctions fi nancières, qu’il s’agisse du
comptable, du contrôleur de gestion ou l’analyste, la fonction
est trésorier est la seule à être prospective. Et Olivier Bris-
saud de résumer: « De par son rôle, il ne peut pas se contenter
d’adopter une posture de réfl exion à posteriori. Il doit regarder
devant lui et anticiper les changements. Un trésorier doit tou-
jours être au front et aller au devant des évènements. »
Interlocuteur incontournable du CFO, il lui facilite la tâche.
« Bien souvent, le directeur fi nancier provient de la comptabi-
lité ou du contrôle de gestion, il ne maîtrise pas toujours les
enjeux liés à la trésorerie. Il se repose donc beaucoup sur lui. »
Pas toujours bien connu dans l’entreprise, le trésorier peine
encore à s’imposer comme un successeur et un leader poten-
tiel. « C’est une fonction encore perçue comme très technique.
On ne pense que très rarement au trésorier pour reprendre le
fl ambeau du CFO. Défendre sa cause et expliquer son métier,
doit faire partie de son travail. Il est, par exemple, rare qu’il
collabore avec le directeur marketing. Ils ont, pourtant, beau-
coup à échanger, notamment sur les investissements prévus. Il
doit, pour moi, s’inviter aux réunions importantes et s’imposer
comme interlocuteur de référence. Il peut apporter un éclairage
différent sur les enjeux de son entreprise. »
Olivier Brissaud: « Le trésorier doit sortir de sa bulle. Cer-tains restent encore trop enfermés dans leur bureau. Or, c’est un métier de contacts. Il est plus qu’important à mes yeux qu’ils prennent leur bâton de pèlerin et défendent leur fonction auprès des autres. »
« Certains régulateurs veulent légiférer à outrance. Dans certaines matières, on a l’impression de ne plus bien savoir où on en est. »
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Senior Director Group Treasury Operations chez UCB depuis
sept ans, Gaëtan Dumont est tombé dans la trésorerie il y a
plus de 14 ans. Après des études d’ingénieur commercial et
une première expérience comme trader au Crédit Lyonnais,
il devient Senior Treasury Consultant pour le Groupe Expert,
avant de passer six ans au sein du département Treasury
and corporate fi nance chez RTL. Membre du conseil d’admi-
nistration de l’ATEL, l’équivalent luxembourgeois de l’ATEB, il
répond à nos questions sur l’évolution de son rôle.
Quelles sont vos missions quotidiennes?
Gäetan Dumont: «Avec notre équipe, nous gérons l’ensemble
de la trésorerie opérationnelle mondiale du groupe UCB. Nous
ne sommes que cinq, dont une personne basée aux Etats
Unis, ce qui est assez limité mais suffi sant pour assurer une
certaine compliance. Grâce à des outils performants et une
architecture IT très développée, nous réussissons à absor-
ber des volumes de travail importants. Outre le coaching de
l’équipe, mon rôle est de piloter l’excellence opérationnelle
et de stimuler l’innovation. Nous cherchons constamment
à être à la pointe au niveau de nos systèmes. Notre cellule
exécute une nombre de tâches très diversifi ées allant des
paiements fournisseurs pour le compte d’une grosse partie
de nos fi liales, à la gestions de l’ensemble des fl ux fi nanciers/
de trésorerie au sein du groupe, du netting interco, aux acti-
vités classiques de cash collection, de la gestion des risques
fi nanciers à l’asset management et au support des closing
comptables... La fonction de trésorier en tant que telle est très
diversifi ée et permet de toucher à tout. »
Comment travaillez-vous avec le reste du département fi nance?
Gäetan Dumont: « Mon rôle est de servir d’interface avec
toute une série d’interlocuteurs allant de l’audit interne à
l’audit externe, du corporate secrétariat au département
taxes, du controlling à la département chargé de la conso-
lidation du groupe, qui se trouvent à Bruxelles. Je collabore
également fréquemment avec les Ressources Humaines et
toutes parties tierces à l’entreprise qui impactent le centre
de trésorerie. En terme de gestion des risques, nous avons
mis un place un comité qui se réunit plusieurs fois par an.
En tant qu’administrateur et manager de la société sous
laquelle se trouve le centre de trésorerie, je me charge éga-
lement de la gestion des conseils d’administration et de la
présentation de ceux-ci au conseil d’administration. »
Depuis vos débuts dans le métier en 1999, l’étendue de
votre fonction a-t-elle changé?
Gäetan Dumont: « La fonction de trésorier a clairement évo-
lué lors de ces 15 dernières années. L’innovation technolo-
gique a révolutionné la manière de travailler au quotidien.
Le reporting fi nancier, les IAS/IFRS et la compliance au sens
large du terme ont cependant été les facteurs de change-
ment les plus importants du métier. Cela impacte le travail
quotidien des trésoriers. Le reporting légal à fournir prend
de plus en plus de temps. Il y a une multitude de rapports,
nationaux ou internationaux, à publier. L’environnement
réglementaire se complexifi e, c’est un phénomène glo-
bal et qui a déjà démarré il y a plus de dix ans avec IAS39.
Aujourd’hui, c’est IFRS 13 et Emir, demain on verra… Nous
n’avons pas le choix, il faut composer avec. Je pense que, de
manière générale, la fonction de trésorerie est de plus en
plus connue dans l’entreprise. Chez UCB, je suis convaincu
que les personnes qui composent le département fi nance
nous connaissent. Dans toute société endettée pour sa
croissance, les trésoriers ont un important rôle à jouer. La
problématique des expositions aux taux de change et du
fi nancement de nos fi liales nous offre une belle visibilité. »
« La fonction de trésorier permet de toucher à tout »
DOSSIER
Gaëtan Dumont: « La fonction de trésorerie est de plus en plus connue dans l’entreprise. La problématique des expositions aux taux de change et aux devises nous offre une belle visibilité. »
FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013
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Assistant Vice-Président Finance chez Luxair depuis
sept ans, Louis Brosset seconde le Vice-Président Fi-
nance et le CFO du groupe. Après dix ans chez Ernst and
Young, il rejoint le département finance en décembre
2006. Compagnie aérienne nationale Luxembourgeoise
fondée en 1948, Luxair emploie 2300 employés dans
des métiers aussi différents que le transport aérien,
l’organisation de voyages de tourisme, la logistique
de fret aérien, l’assistance aux passagers, la prépara-
tion de repas ou la gestion de magasins à l’aéroport
de Luxembourg. Le département finance compte une
petite cinquantaine de personnes, dont l’équivalent de
trois personnes à temps plein pour la trésorerie.
En quoi la gestion de la trésorerie chez Luxair est-elle
assez particulière?
Louis Brosset: « Le volet trésorerie chez Luxair est sans
doute assez atypique. Notre politique de couverture des
matières premières (kérosène et CO2) et des devises est
très développée de par notre métier. En effet, les prix du
kérosène, des avions et des pièces de maintenance sont
en USD et représentent une part importante du prix de
revient. Mais nous n’avons pas les volumes suffisants
pour justifier d’investir dans des systèmes intégrés de
gestion de trésorerie et avoir des équipes dédiées à
plein temps en front et en back office. Nous traitons
également de petites quantités de devises ‘exotiques’
comme le TND et le MAD pour payer des hôtels ce qui
n’est pas un service habituellement demandé à nos
banques luxembourgeoises. »
Quelles sont vos missions quotidiennes?
Louis Brosset: « J’ai notamment été engagé pour traiter
l’ensemble des aspects liés aux couvertures de change
et aux placements, mais j’ai plusieurs casquettes et je
m’occupe aussi beaucoup de recouvrement de créances.
De manière générale, le métier de trésorier est com-
posé d’une multitude de sous-tâches et de gestion de
projet. Le reporting prend aussi pas mal de temps. Heu-
reusement, malgré le grand nombre de filiales, toute la
trésorerie se fait au sein de la maison mère et tout se
passe dans la même time zone. »
Comment travaillez-vous avec le reste du département fi nance?
Louis Brosset: « Le CFO est le chef d’orchestre et en
fonction des besoins il répartit les tâches et définit
les interventions de chacun. Nous ne travaillons bien
évidemment pas en silos imperméables et nous nous
tenons informés de ce que les autres font. »
Depuis vos débuts dans le métier, l’étendue de votre
fonction a-t-elle changé?
Louis Brosset: « Mon arrivé a coïncidé avec la volonté
de la direction générale de mettre en place des couver-
tures de risques de marché systématiques pour le kéro-
sène et les devises. Des couvertures étaient faites au
cas par cas par le passé mais il a fallu mettre en place
de nouveaux outils. Progressivement nous avons cou-
vert de plus en plus de choses comme les achats en livre
sterlings ou l’exposition aux devises nord-africaines. Le
nombre de transactions et de produits financiers uti-
lisés a augmenté en parallèle. Ce qui a aussi évolué,
c’est l’impact des réglementations. Nous sommes, par
exemple, désormais dans le schéma de droits d’émis-
sion de CO2 européen. Il a fallu comprendre la législa-
tion et s’y conformer au moindre coût. »
Avez-vous l’occasion de rencontrer vos confrères?
Louis Brosset: « De nombreuses rencontres se font au
sein de l’ATEL. Echanger avec ses pairs est très appré-
ciable. La plupart des trésoriers ont les mêmes problé-
matiques. Les outils comptables et les partenaires ban-
caires sont généralement les mêmes et nous travaillons
tous sur les impacts de SEPA ou d’EMIR. Nous ne
sommes pas vraiment concurrents, donc les échanges
sont très ouverts. Tout le monde est dans le même ba-
teau. Voir comment chacun réagit aux avancées législa-
tives est très riche. »
« Le métier de trésorier est composé d’une multitude de tâches »
« Nous sommes dans le schéma de droit d’émission de carbone. Il a fallu comprendre la législation et la traduire. »
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DOSSIER
P armi les facteurs qui ont le plus entravé l’activité
des petites structures lors du troisième trimestre
de 2013, les problèmes de trésorerie interviennent
pour 25%. « Environ huit chefs d’entreprises sur dix
qui nous consultent dans le cadre du Centre pour Entreprise en dif-
fi culté ont des problèmes de trésorerie, explique Christelle Closon,
économiste à l’UCM. Malheureusement, ils viennent souvent trop
tard lorsque tous leurs partenaires fi nanciers leur ont fermé les
portes. On est alors plus dans le soin palliatif. Parfois, nous les redi-
rigeons vers d’autres structures comme Credal ou MicroStart. Dans
certains cas, l'arrêt de l'activité est malheureusement parfois la seule
issue afi n d'éviter l'effet boule de neige. Nous essayons de les sensibili-
ser à détecter les signaux avant-coureurs. »
« Beaucoup de personnes viennent avec des dettes et veulent un seul
crédit pour tout éponger, ce qui est contraire à toute bonne gestion,
appuie Vivian Janssens, économiste à l’UCM. Nous devons nous
assurer qu’un nouveau fi nancement soit une source d’oxygène,
pas un fardeau supplémentaire. Cela peut être un coup de pouce
temporaire lorsqu'il s'agit simplement d'un retard de paiements. »
En 2012, le département Développement Economique de l’UCM
Liège a suivi 531 porteurs de projets, dont 52% de créateurs, 21%
de repreneurs et près de 26% déjà en activité. En plus de ses ser-
vices classiques de conseils à la création, au développement et
transmission d’entreprises, l’UCM intervient également auprès
des entreprises en diffi cultés via le Ced-W et leur offre dans ce
cadre, si cela leur est nécessaire, une assistance comptable ou
juridique ou les renvoie vers le Médiateur Concileo.
DÉTECTER LES SIGNAUXBien souvent, les porteurs de projets se focalisent sur les charges et
leur chiffre d’affaires, et la gestion de leur trésorerie est reléguée au
second plan. « Certains entrepreneurs ne se rendent comptent qu’ils
n’ont pas été payés qu’au bout de trois mois. Peu ont une vraie stratégie
de recouvrement, avec une procédure de rappels et de mise en demeure,
et rares sont ceux qui suivent leurs conditions générales, constate Vi-
vian Janssens. Le problème étant que, pour des gros montants, la TVA
est due dès l’émission de la facture, ce qui crée une double diffi culté »
Dans certains cas, c’est une croissance mal planifi ée qui pose
problème. Par exemple, un entrepreneur accepte un gros contrat,
sans toutefois avoir les moyens d’engager de collaborateur pour
y répondre. « Une croissance non anticipée peut avoir des réper-
cussions importantes, tant au niveau fi nancier que social (fonds
de roulement nécessaire, ONSS, treizième mois, prime de fi n
d’année etc. Contracter un emprunt pour ces charges à court
terme n’a aucun sens », poursuit Vivian Janssens.
L’équipe de l’UCM défend l’usage de tableaux de bord afi n de
Un indépendant doit être bon en toutD’après le dernier baromètre PME de l’UCM, près de deux responsables de PME sur cinq font face à une augmentation de leurs factures impayées. Ce décalage dans les paiements intervient pour 15% des faillites. En y associant des diffi cultés de trésorerie et d’accès au fi nancement, trouver du cash devient la priorité numéro un pour de nombreux entrepreneurs. Pour détecter les signaux avant-coureurs à temps, le recours aux tableaux de bord est plus que conseillé. Le comptable peut aussi jouer un rôle central dans la vie de l’entreprise.
DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013
13Grâce aux professionnels de la gestion de crédit, 184 mil-
lions d’euros auraient été réinjectés dans l’économie belge
en 2012, soit l’équivalent de 3000 emplois sauvegardés, ce
qui équivaut à une progression de 8% par rapport à 2011.
Pas toujours bien connu, le métier de recouvreur a pourtant
un vrai rôle à jouer pour soutenir les entreprises. « C’est un
métier qui ne bénéfi cie pas d’une très bonne image, nous
devons souvent défendre notre éthique, explique Etienne
van der Vaeren, président de l’Association belge des socié-
tés de recouvrement. Nous ne sommes ni des mafi eux, ni
des escrocs. Beaucoup de citoyens ne comprennent pas les
tenants et aboutissants de leurs dettes. Notre rôle est aussi
d’expliquer et démocratiser les enjeux. Nous avons reçu une
dizaine de plaintes en 2012, toutes liées à un problème de
compréhension. »
L’ABR se charge de professionnaliser le secteur en offrant
des formations à la carte, tout en contrôlant les pratiques
de ses dix membres à travers un comité de surveillance et
un code de déontologie. Service à la carte, les sociétés de
recouvrement interviennent généralement lorsqu’une mé-
diation est encore possible. Le rôle de recouvreur requière
psychologie et pédagogie. Il lui faut mettre en confi ance ses
interlocuteurs. « Nos clients sont les créanciers. Notre mis-
sion est d’être un intermédiaire proactif. Nous intervenons, la
plupart du temps, quand ce n’est pas nécessaire d’y aller avec
une massue. Il y a mille raisons de ne pas payer ses dettes: un
divorce mal réglé, un problème de santé etc. Les débiteurs ne
sont pas souvent malhonnêtes ou de mauvaise volonté. 15%
d’entre eux voudraient bien payer, mais n’en n’ont pas la pos-
sibilité. Nous essayons d’aider les gens à se réorganiser. Nous
les rappelons à l’ordre de manière douce quand cela est né-
cessaire. C’est cela notre valeur ajoutée. Aucun de nos clients
n’a perdu un de ses clients car nous lui réclamions de l’argent.
Le tout est de se mettre d’accord ensemble, sans recourir à la
force, ni à la menace. »
« IL Y A MILLE RAISONS DE NE PAS PAYER SES DETTES »
suivre au mieux l’activité de l’entreprise et les paiements de ses
clients, une pratique encore peu répandue. « Dès le départ, nous
essayons de les conscientiser à avoir un plan fi nancier élaboré,
doté d’une trésorerie suffi sante. Certains se lancent sans matelas
de sécurité. Au premier imprévu, ils connaissent de grandes dif-
fi cultés. Les trois premières années sont critiques. Nous faisons
tout pour armer l’entrepreneur afi n qu’il démarre sa société au
mieux, précise Christelle Closon. Nous militons pour que chaque
porteur de projet mette en place des tableaux de bord avec des
indicateurs simples, des tableaux de trésorerie, des balances
âgées, afi n que les signaux d’alarme s’allument à temps. »
Le comptable a aussi un important rôle de conseil à jouer
pour épauler le chef d’entreprise. « Il peut, par exemple, expli-
quer l’impact de la TVA dans la trésorerie. Certaines sociétés
ne le comprennent pas. Il doit contribuer à professionnaliser
son client. Un indépendant doit être bon dans son domaine,
commercialement parlant, mais également veiller à la bonne
gestion de son entreprise, il doit pouvoir s’entourer de profes-
sionnels pour l’y aider », achève Vivian Janssens.
Christelle Closon: « Nous militons pour que chaque porteur de projet mette en place des tableaux de bord avec des indicateurs simples, des tableaux de tréso-rerie, une balance AG, afi n que les signaux d’alarme s’allument à temps. »
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N° 51 - Novembre 2011Finance & HR
N° 52 - Décembre 2011« Glocal » CFO
N° 53 - Février 2012Compliance
N° 54 - Mars 2012Finance & IT
N° 55 - Avril 2012Secteur public
N° 56 - Mai 2012Reinventing Finance
N° 57 - Juin/Juillet 2012Leadership in Finance
N° 58 - Septembre 2012Banques & Assurances
N° 59 - Janvier 2013Cash Management
N° 60 - Mars 2013Sécurité de l'information
N° 61 - Mai 2013Finance Durable
N° 62 - Juin 2013Financer l'innovation
N° 63 - Août 2013Cloud computing
N° 64 - Septembre 2013Talent in Finance
N° 65 - Octobre 2013Public Authorities
Finance Management vous livre, chaque mois, un état des lieux, des témoignages, des conseils, un partage de bonnes pratiques sur des dossiers clés pour votre gestion fi nancière.
Finance Management une publication périodique destinée aux respon-sables fi nanciers et autres professionnels du secteur fi nancier des entre-prises de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Elle s’adresse également aux dirigeants d’entreprises soucieux d’optimiser la gestion fi nancière de leur société ainsi qu’aux étudiants.
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Rédacteur en chef : Christophe Lo Giudice (redaction@fi nancemanagement.be)
Comité de rédaction: Bruno Colmant (Roland Berger Strategy Consultants, Chargé de cours invité à l'UCL et à la Vlerick Leuven Gent Management School), Charles Delloye (Alethea), Denis Dubru (Vice-President Finance, Belgium and Shared Services, GSK Biologicals), Frédéric Mailleux (Directeur Finan-cier-GFA, Ets. Ronveaux), Chris Vroman (HR, Legal et Tax Director chez Ineos), Joël Poilvache (Regional Manager, Robert Half International)
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