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Les relations entre banques et entreprises ont été plutôt bousculées au cours des derniers mois. Voire parfois carrément bouleversées, pour les cas les plus critiques. Avec la reprise économique pointant à l’horizon, le temps est venu de repartir du bon pied. Les meilleurs conseils des banquiers Dossier EN PRATIQUE SOMMAIRE N°46 - AVRIL 2011

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Les meilleurs conseils des banquiers

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Les relations entre banques et entreprises ont été plutôt bousculées au cours des derniers mois. Voire parfois carrément bouleversées,

pour les cas les plus critiques. Avec la reprise économique pointant à l’horizon, le temps est venu de repartir du bon pied.

Les meilleurs conseils des banquiers

Dossier

EN PRATIQUESOMMAIRE

N°46 - AVRIL 2011

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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Les meilleurs conseils des banquiers

Autour de la table: Olivier Marquet, directeur de la Banque

Triodos Belgique, Yves Klein, directeur de l’activité corporate-

banking Wallonie chez Dexia, Arnaud Laviolette, Head of Com-

mercial Banking ING Belgium, Sébastien D’hondt, Head of

Corporate Clients ING Belgium, et Thierry Lebrun, Directeur

Entreprises au Crédit Agricole Belgique.

1Pensez et parlez long terme, de part et d’autreOlivier Marquet: « Les responsables fi nanciers

d’entreprises souhaitent le plus souvent développer une rela-

tion basée sur le long terme avec leurs banquiers. Et les ban-

quiers doivent en faire de même avec leurs clients. La crise de

2008 a certainement sensibilisé les fi nanciers au fait que les

taux d’intérêt et les paramètres techniques des outils fi nan-

ciers ne constituaient qu’une partie de leur relation avec la

banque. Et que faire jouer les organisations bancaires les unes

contre les autres à ce sujet ne constituait pas nécessairement

la panacée, dans la mesure où la dimension long terme et

la disponibilité du banquier, en bonne comme en mauvaise

conjoncture, est tout aussi importante. Nous avons vu de nom-

breuses entreprises se faire surprendre par le retrait subit de

leur banquier lors de la crise, pour des raisons de liquidités ou

autres. D’où mon insistance sur cette notion de long terme et

sur la validation de l’engagement des deux parties. »

2 Soyez transparent!Olivier Marquet: « La transparence est une qualité

fondamentale pour entretenir une bonne relation

avec sa banque. Un client doit faire confi ance à son banquier et

FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS

Les relations entre banques et entreprises ont été plutôt bousculées au cours des derniers mois. Voire parfois carrément bouleversées, pour les cas les plus critiques. Avec la reprise économique pointant à l’horizon, le temps est venu de repartir du bon pied. Finance Management a fait le tour du marché, en quête des meilleurs conseils des diverses institutions bancaires.

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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pouvoir lui expliquer, par exemple, qu’il s’attend à une année de

vaches maigres. Et parallèlement, le banquier doit se montrer très

clair vis-à-vis de son client par rapport à sa capacité à s’engager

jusqu’à un certain niveau et par rapport à certaines conditions.

Cette transparence ne doit pas pour autant être naïve mais,

quand une volonté de partenariat s’exprime de part et d’autre,

la relation peut et va se développer de manière très positive sur

le long terme. Malgré la crise, je ne pense toutefois pas que tous

les fi nanciers aient toujours compris à quel point faire preuve de

transparence vis-à-vis de leur banquier permet, d’entrée de jeu,

de développer la meilleure relation possible. Certains font encore

preuve de retenue quand il s’agit de dévoiler une vision globale de

leur projet ou de leur entreprise. Et cette retenue, ce manque de

transparence peut ralentir la prise de décision du banquier, voire

exercer un impact négatif sur celle-ci. »

3Développez la confi anceYves Klein: « Quand un banquier a la chance de

développer une relation avec un client, il doit la

considérer sur le long terme. Il s’agit de courir conjointement

un marathon et non un 100 mètres. Pour que cette relation

à long terme puisse être profi table pour les deux parties, la

confi ance doit naturellement être installée. Ceci requiert de

faire preuve de transparence de part et d’autre. Dans le chef

du CFO qui aura à cœur de transmettre toutes les informa-

tions relatives à son entreprise et de la part du banquier qui

fera en sorte de fournir un feedback sur la manière dont le

client est perçu au sein de la banque. Autre point fondamen-

tal : le corporate banker en charge du dossier doit connaitre

le CFO, l’entreprise et le secteur d’activité. Nos clients nous

disent régulièrement qu’ils apprécient la stabilité de nos

équipes. De la sorte, elles peuvent mieux connaitre la situa-

tion fi nancière d’une entreprise mais aussi, de manière plus

générale, appréhender les besoins d’un secteur d’activité. Je

pense d’ailleurs à ce titre que la crise n’a pas ébranlé la

« Il s’agit de courir conjointement un marathon

et non un 100 mètres. »

Olivier Marquet: « Nous entendons sans cesse de la part de nos clients qu’ils restent chez Triodos et qu’ils poussent d’autres collègues de leur secteur à nous rejoindre parce que, précisément, ils y sont entendus. Ils rencontrent chez nous des gestionnaires qui maîtrisent les spécifi cités de leurs métiers. Le banquier doit être un fi nancier mais aussi un conseiller. »

« La crise n’a pas ébranlé la confi ance entre le CFO et

son banquier pour qui avait instauré ce climat de relation

à long terme. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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confi ance entre le CFO et son banquier pour qui avait instau-

ré ce climat de relation à long terme. »

4Cash collectArnaud Laviolette: « Des outils permettant de

réaliser un cash pool sont intéressants pour le

CFO dans la mesure où ils lui permettent de posséder une

vision centralisée sur l’ensemble des dépôts et d’optimiser,

tant que possible, la gestion de sa trésorerie. Parfois, voire

même souvent, cette trésorerie se retrouve éparpillée sur dif-

férents comptes. Or, le CFO a besoin d’une vision globale sur

l’ensemble des comptes et avoir les moyens de les gérer. ING

est un joueur important en Belgique et à l’étranger dans l’offre

de solutions de cash management et de cash pool. Nous dis-

posons, par exemple, d’une solution tout à fait unique pour

centraliser les comptes en Belgique et à l’étranger, dans dif-

férentes devises, avec une de nos fi liales: la Banque Mendes

Gans. La Banque Mendes Gans permet d’optimiser la gestion

du cash afi n d’obtenir une seule vue à travers les différentes

devises et localisations géographiques. Cette solution est

d’application même si les comptes sont dispersés dans diffé-

rentes banques. Si un client possède ses comptes nationaux

et internationaux chez ING, nous disposons bien entendu

des instruments permettant de reconcentrer l’ensemble des

comptes et d’offrir des conditions plus favorables au tréso-

rier tout en gérant les risques de manière centralisée. Nous

observions déjà une tendance croissante de la gestion cen-

tralisée de la trésorerie avant la crise. La période économique

récente n’a fait qu’augmenter cette pratique. Une bonne ges-

tion de trésorerie, avec l’optimisation du cash, permet de di-

minuer le recours au crédit et donc de solidifi er un bilan. »

5Appliquez une politique stricte de risk managementYves Klein: « La liquidité reste le nerf de la guerre.

Et à partir de là, un excellent suivi de sa balance clients constitue

un des moyens d’appliquer de manière très stricte une politique

de risk management. Dès qu’une prestation a été effectuée,

comment faire en sorte de la transformer en liquidité? J’observe

à ce sujet que certaines entreprises se montrent beaucoup plus

actives que d’autres. Par exemple, certaines envoient, non pas

un rappel après échéance, mais une information avant la date de

règlement de la facture. Et celle-ci rappelle que l’on attend bien

le paiement d’une facture selon le planning et les conditions

défi nies dans le contrat de prestation. Mais en règle générale,

à mes yeux, nous assistons à un suivi de la balance client d’un

niveau nettement plus professionnel qu’il y a quelques mois.

Faire preuve de rigueur administrative en matière de relance de

paiement des créances se montre réellement bénéfi que pour

la santé d’une entreprise. Même si elle travaille pour le secteur

public. Si les créances sont habituellement, en moyenne, de 70

jours, le gain qu’un service de factoring effi cace peut apporter

est de l’ordre de 10 jours. »

6 Anticipez les risquesThierry Lebrun: « Aujourd’hui, une des clés du suc-

cès pour les entreprises réside dans leur capacité à

anticiper et maitriser les risques auxquels elles sont exposées.

Dans cette optique, le banquier se profi le comme un partenaire

privilégié puisque le risque fait partie intégrante de son métier.

Le banquier peut-il dès lors aider le CFO à identifi er les risques

inhérents au business d’une entreprise et à s’en prémunir? Non

seulement il le peut, mais il le doit! Le CFO trouvera auprès de

son banquier un œil extérieur, expert et informé. Les banquiers

possèdent non seulement une vision des activités de leurs

clients mais également une vision sectorielle et une vision géné-

rale de l’économie. A ce titre, nous ne nous substituons bien en-

tendu pas aux CFO et aux entrepreneurs pour établir la stratégie

de l’entreprise ou réaliser l’analyse de risques. Par contre, nous

leur fournirons un regard bienveillant, en toutes circonstances,

mais surtout critique. Le but étant d’apporter des conseils, par

exemple en termes de structuration d’un plan fi nancier à moyen

terme, en élaborant différents scénarios auxquels les clients

ne pensent pas forcément. Nous apportons une contradiction

constructive avec l’objectif de proposer de manière proactive les

meilleures solutions. En tant que banquiers nous ne sommes

pas un distributeur de produits. Nous nous positionnons avant

tout comme un fournisseur de solutions. »

7Limitez le nombre de partenaires bancairesThierry Lebrun: « Dans l’absolu, je conseillerais

aux CFO de travailler avec un nombre limité de banques. Pour

une PME, s’entourer de quelques partenaires bancaires me

semble idéal. Le chiffre de cinq représentant certainement une

limite à ne pas dépasser. Chaque entreprise travaille avec un

pool de banques au sein duquel un à trois banquiers de tête

se dégagent devant d’autres plus ‘périphériques’. J’invite sin-

cèrement les CFO à ne pas entretenir de relations épisodiques

avec ces banquiers. Idéalement, un CFO devrait rencontrer

ses partenaires environ une fois par trimestre pour examiner

les résultats, analyser la stratégie à moyen terme, détermin-

er les projections… Ces rendez-vous sont autant d’occasions

de faire le tour de la relation bancaire et des problématiques

de l’entreprise, dans un climat de partenariat. Régularité et

transparence sont d’ailleurs les clés d’une relation bancaire

sereine car un banquier travaille avant tout sur la confi ance.

Et la confi ance, ça se cultive. Si une PME multiplie à outrance

le nombre de partenaires, elle risque tout simplement de se

DOSSIER

« Le gain qu’un service de factoring effi cace peut apporter est de l’ordre de

10 jours. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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diluer dans ses relations. Les banquiers seront d’ailleurs légi-

timement en ordre de se demander pourquoi un CFO traite

avec dix banques ? Sans parler du temps perdu… Evidemment,

il convient de comparer un produit ou un prix. Mais avec trois,

quatre ou cinq banques, l’échantillon se révèle suffi samment

large, surtout sur un marché compétitif. Comme lorsqu’il est

en quête d’un fournisseur, bien entendu, le CFO doit négocier

avec un banquier afi n d’optimiser les tarifs. Mais le bon prix ne

signifi e pas forcément le prix le plus bas. Car au-delà du rôle de

fournisseur, le banquier représente également un partenaire.

Je reste sceptique face à l’attitude qui consisterait pour un CFO

à essayer systématiquement d’obtenir la tarifi cation la plus

avantageuse pour chaque élément de la gamme de produits

et/ou de services. Pourquoi ? Parce que la relation entreprise-

banque doit rester un win-win. Or, une entreprise vit des cy-

cles. Avec des périodes euphoriques et d’autres plus délicates

durant lesquelles le banquier devra la soutenir. Et une entre-

prise trouvera d’autant plus d’écoute qu’elle aura su entretenir

une relation de confi ance avec ses banques. »

8Vérifi ez avec quel type de banque vous travaillezOlivier Marquet: « Les mêmes causes pro-

duisant les mêmes effets, si des mesures ne sont pas prises

pour clairement séparer la banque classique de la banque

d’investissement, nous courrons de sérieux risques de voir ap-

paraitre une nouvelle crise fi nancière. Pour le moment, c’est

un peu comme si le monde de l’entreprise se tenait à l’écart

du débat. Comme si tout le monde était soulagé de voir la

crise s’effacer. Nous risquons d’oublier d’instaurer une pro-

tection du système bancaire contre les risques spéculatifs. Il

est pourtant indispensable que le monde de l’entreprise rem-

plisse son rôle. Aujourd’hui, on parle beaucoup, et à raison,

de la protection du particulier contre les risques de défaut

bancaire. En 2008, au milieu de la crise, nous avions déjà tenu

une table ronde avec quelques partenaires fi nanciers et indus-

triels et ils pointaient que leurs liquidités étaient, elles aussi,

potentiellement mises en risque par l’attitude de certaines

banques. A l’époque, nos interlocuteurs se positionnaient

déjà en faveur de l’instauration d’une protection du système

bancaire classique. Aujourd’hui, la question primordiale est

de s’assurer que les banques dans lesquelles sont placés des

excédents de liquidité ne « jouent » pas avec cet argent sur

des marchés spéculatifs. Nous prônons la séparation claire

et nette, dans des structures différentes, de l’activité qui con-

siste à collecter l’épargne et à la transformer en crédits et de

l’activité de spéculation. Cette séparation très stricte entre les

deux métiers, instaurée à la suite de la crise des années 30, a

été abandonnée, petit à petit, au cours des années 80 et est

une des origines du krach de 2008. J’invite donc les entreprises

à vérifi er avec quel type de banques elles travaillent… »

9La relation idéaleSébastien D’hondt: « Fondamentalement, les deux

parties doivent entretenir un vrai dialogue. Il ne

s’agit donc pas de se rencontrer une fois par an. Je parle ici

Les accords de réglementation bancaire de Bâle, élaborés

par le Comité de Bâle, depuis 1988 avec Bâle I ont secoué

la relation banques-entreprises. Bâle II, mis en place entre

2004 et 2008, poursuivait comme objectif de mieux appré-

hender les risques bancaires et principalement le risque de

crédit ou de contrepartie et les exigences en fonds propres.

Les accords de Bâle III sont d’ailleurs déjà en gestation. Il

conviendra pour les banques comme les entreprises d’y

être rapidement attentif: l’arrivée de ces nouvelles règles

prudentielles va obliger les banques à relever progressive-

ment leurs niveaux de fonds propres.

En effet, l’accord trouvé fi n 2010 se concentre principale-

ment sur la solvabilité des banques. Il s’agit de renforcer

le niveau et la qualité des fonds propres pour permettre

aux établissements fi nanciers d’absorber plus aisément

les pertes sur des prêts ou des investissements en cas de

crise… et donc d’éviter, à nouveau, de compter sur les fonds

publics. Le Comité de Bâle a donc décidé de relever le ratio

de solvabilité Core Tier 1 de 2% à 4,5% avec en plus un ma-

telas de protection de 2,5%, pour 2019. Les fonds propres

composés uniquement d’actions et de bénéfi ces mis en

réserve devront dès lors représenter 7% des activités de

marché ou de crédit des banques.

L’augmentation de ce ratio devra contribuer à limiter l’inci-

tation à la prise de risque. Néanmoins, plusieurs voix se

sont déjà élevées pour signifi er que ces normes semblent

fi nalement peu contraignantes pour les banques. Car

d’une part, elles bénéfi cient d’un long délai s’y conformer

et d’autre part, le relèvement du ratio de fonds propres

reste mesuré: dans la pratique, la plupart des banques

européennes visent déjà les 7%. Le crédit risque-t-il d’être

(à nouveau) menacé? On peut le craindre. Si les banques

doivent thésauriser davantage, les ressources pour le crédit

pourraient diminuer. Et les PME, plus particulièrement, de

se retrouver encore une fois en première ligne… alors que

l’on annonce à peine la sortie de la crise…

BÂLE III: INCERTITUDE RELATIVE« Nous apportons une

contradiction constructive avec l’objectif de proposer de manière proactive les

meilleures solutions. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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d’une relation entretenue régulièrement, de manière continue,

pour aborder la stratégie de la société, les conditions du mar-

ché et aussi les produits bancaires. La banque doit se montrer

proactive et initier ce dialogue avec les entreprises. Notre ap-

proche sectorielle est une composante de notre démarche, elle

favorise ce dialogue. Du côté des entreprises nous attendons

qu’elles soient dotées d’une bonne maitrise du business, d’un

outil de reporting effi cace afi n de bien comprendre les chiffres

et de suivre leur évolution de manière précise. Pour les projets

plus ambitieux, la capacité du CFO à se projeter dans le fu-

tur sera prépondérante: prévoir l’évolution du chiffre d’affaires,

comprendre et anticiper les coûts, déterminer le cash-fl ow fu-

tur… Sur cette base, la banque pourra répondre en élaborant

des solutions en matière de fi nancement, de taux, de crédit…

Autre conseil: je suggèrerais de considérer les différents outils

de fi nancement et ne pas avoir peur de les diversifi er. C’est sans

doute une des grandes leçons post-crise : le crédit bancaire reste

un outil privilégié mais d’autres solutions, comme les marchés

obligataires pour les corporates, le leasing pour le fi nancement

de l’équipement ou de l’immobilier ou le factoring pour le fi -

nancement des créances commerciales, sont à disposition. Et

parfois, elles se révèlent même préférables : durées plus longues,

maturité différente, autres interlocuteurs avec différentes sensi-

bilités, etc. Ces outils sont vraiment excellents pour diversifi er le

fi nancement, les interlocuteurs et les risques. »

10Optez pour une banque spécialisée dans votre métierOlivier Marquet: « Un banquier doit regarder

au-delà des chiffres. Et je ne saurais trop conseiller à un en-

trepreneur et/ou à un fi nancier de s’assurer que son banquier

connaisse son métier, dans toutes ses dimensions. Avec son

banquier, il convient, bien entendu, d’entretenir un dialogue

basé sur des chiffres. Mais il faut avant tout lui faire compren-

dre le métier dans lequel on est actif. Un banquier peut-il con-

naître en profondeur tous les métiers? Je ne le pense pas. Ce

que je sais, c’est que, à la Banque Triodos, nous connaissons

les métiers de nos clients parce que, depuis 30 ans, nous nous

spécialisons dans certains secteurs. A moins d’exercer un mé-

tier qui se décline de façon généraliste et où le développement

de l’entreprise suit des règles générales, ce qui est fi nalement

le cas dans très peu de métiers, le banquier devra nécessaire-

ment saisir et maitriser les spécifi cités qui peuvent faire la

différence en matière de conseil: prestations saisonnières,

qualité des fournisseurs, profondeur du marché, formation des

prix, etc. Prenons l’exemple des maisons de repos et de leur

fi nancement. Ce marché se révèle extrêmement compliqué

du fait des structures de reconnaissance régionales. En outre,

l’accord de subsides s’effectue au niveau de l’Inami, donc au

niveau national, en fonction des critères régionaux. Pour être

capable de se forger une opinion professionnelle sur les projets

de fi nancement qui nous sont présentés, le banquier doit donc

maitriser parfaitement ces critères sur l’ensemble des régions,

les normes fédérales, les nuances techniques entre les diffé-

rents types de subsides attribués par lit, etc. Prenons l’exemple

du secteur du théâtre, fortement subsidié. La mise à disposi-

tion de ces subsides dépend très fort d’une communauté à

l’autre. Par ailleurs, la spécifi cité de la proportion des revenus

propres du théâtre par rapport aux subsides constitue un élé-

ment très important qu’il faut évaluer en fonction de la con-

naissance générale que l’on possède du marché. Dans ces deux

secteurs d’activité, la connaissance du marché est importante

pour aider le client à optimaliser sa gestion fi nancière mais

aussi pour se forger une opinion sur ce même client. Nous en-

FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS FISCALITÉ DOSSIER

Arnaud Laviolette: « Des outils permettant de réaliser un cash pool sont intéressants pour le CFO dans la mesure où ils lui permettent de posséder une vision centralisée sur l’ensemble des dépôts et d’optimiser, tant que possible, la gestion de sa trésorerie. Parfois, voire même souvent, cette trésorerie se retrouve éparpillée sur différents comptes. »

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tendons sans cesse de la part de nos clients qu’ils restent chez

Triodos et qu’ils poussent d’autres collègues de leur secteur

à nous rejoindre parce que, précisément, ils y sont entendus.

Ils rencontrent chez nous des gestionnaires qui maîtrisent les

spécifi cités de leurs métiers. Le banquier doit être un fi nancier

mais aussi un conseiller. Le fait d’extrêmement bien connaitre

les structures de subsides nous permet de bien conseiller les

clients sur l’optimalisation de leur activité et de les informer

des solutions possibles. Mais plus largement, cette connais-

sance pointue nous permet aussi d’évaluer avec davantage

de rigueur le risque lié au projet et au crédit demandé. Nous

pouvons donc éviter à notre client de se barder de toutes sortes

de garanties éventuellement superfl ues pour éviter des risques

inconnus. Notre expérience de l’éolien nous a notamment per-

mis de conseiller régulièrement nos clients par rapport à leurs

fournisseurs ou assureurs. L’activité de conseil de Triodos va

bien au-delà des seules questions fi nancières. »

11Financez les besoins en fonds de roulementYves Klein: « Aujourd’hui, une grande partie des

demandes concernent les besoins en fonds de roulement. Dès

le début de la crise, le défi n’était pas seulement de la gérer

mais surtout d’en gérer la sortie. Par contre, ils devaient déjà

anticiper les diffi cultés de la sortie de crise. Et ces ‘prévisions’ se

sont révélées exactes car, en pratique, nous y sommes actuelle-

ment confrontés. Nombre de nos clients ont pris les bonnes dé-

cisions à temps, ont fait en sorte de réduire la voilure et donc,

de diminuer leur base de coûts. Mais malgré ces interventions,

ils ont accusé une baisse de revenus, ils ont « mangé » dans les

fonds propres et ont diminué le montant des liquidités, voire

parfois utilisé des lignes de crédit court terme pour fi nancer

les pertes. Ce qui signifi e qu’aujourd’hui, dans une phase de

relance de l’économie, toute la diffi culté réside dans le fait de

pouvoir régénérer des liquidités pour remettre la machine en

route: acheter les matières premières, fi nancer le processus de

préfabrication, transformer les stocks et en cours en créances,

fi nancer les délais de paiement… Le cycle de fi nancement du

besoin en fonds de roulement est véritablement crucial à ce

moment-ci. Les banquiers doivent vraiment jouer leur rôle et

aider leurs clients en refi nançant cette reprise d’activité. Aux

CFO, je conseillerais de bien expliquer à leurs banquiers quelles

sont les perspectives de l’entreprise. Et à partir du moment

où le cycle de fonctionnement d’une organisation est bien

compris par le banquier, celui-ci va se rendre compte qu’il va

fi nancer des actifs amenés à devenir des créances clients. Pour

autant que ces créances génèrent un chiffre d’affaires renta-

ble, naturellement… Enfi n, outre les banquiers, soulignons que

les invests publics jouent pleinement leur rôle via l’octroi de

crédits court terme ou de garanties en faveur des banques. »

12Appuyez le managementYves Klein: « De manière plus générale, j’estime

que les CFO devraient mettre davantage en avant

la qualité du management de leur entreprise. Comment une

entreprise se distingue-t-elle dans son secteur? Quelle est son

expérience? La crise fut un excellent révélateur des bonnes ré-

actions du management. Dans quelle mesure s’est-il montré

proactif pour mettre en place les mesures qui lui ont permis de

survivre? Quelles perspectives le management s’est-il donné à

ce moment? Ce point est fondamental. Or, je crains que le ban-

quier ne soit encore trop perçu comme une personne octroyant

des fonds contre des garanties. Ces garanties sont indispensa-

bles, bien entendu. Mais il ne s’agit absolument pas du premier

point qui me vient en tête lorsque je dois présenter un dossier

en comité de crédit. Nous nous y demanderons d’abord à qui

Sébastien D’hondt: « La qualité du dialogue et la confi ance réciproque permettront de répondre aux défi s du futur. Et les banques comprennent très bien que les entreprises puissent vivre des moments plus diffi ciles, sanctionnés par une baisse de la rentabilité. »

« Aujourd’hui, une grande partie des demandes

concernent les besoins en fonds de roulement. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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octroyons-nous du crédit? Quelles sont les forces de décision

dans cette entreprise? Comment se distinguent-ils de la con-

currence? Quand je fais du crédit, mon but est de me faire rem-

bourser et non de réaliser des garanties. Je dois d’abord être

convaincu que les fonds accordés génèreront de la rentabilité

et du profi t. Nous pourrons alors analyser quels types de pro-

duits fi nanciers disponibles dans notre gamme pourront coller

au mieux aux besoins de l’entreprise. Ensuite, il conviendra de

défi nir la façon dont le client va générer sa capacité de rem-

boursement. Et seulement si toutes ces questions trouvent

une réponse favorable, nous allons étudier le besoin de nous

couvrir avec des garanties et si oui, lesquelles se révèlent les

plus adéquates. »

13Allégez la structureYves Klein: « Les dix dernières années sont un

bel exemple d’adaptabilité de nos entreprises. En

clair, il conviendra désormais de faire la chasse aux structures

comportant des coûts fi xes importants pour s’orienter vers des

structures qui tentent de rendre leurs coûts variables. En Bel-

gique, nous avons la chance de pouvoir compter sur certaines

mesures comme le chômage économique qui fut un excellent

support durant la crise. Mais nos clients ne s’y sont pas limités.

Ils ont également externalisé tout ce qui était possible de façon

à pouvoir très rapidement s’adapter aux circonstances extéri-

eures. Notre économie régionale est frappée par une succession

d’événements externes mais qui, malheureusement, ne sont

pas sans infl uences. Pour le futur, une structure légère et vari-

able risque bien de se montrer une garantie de pérennité. »

14Encadrez les projetsSébastien D’hondt: « Les entreprises nourrissent

des projets dans une proportion bien plus impor-

tante qu’il y a six ou douze mois. Les entreprises ont fait leurs

‘devoirs’ durant la crise, elles ont fait preuve, pour la plupart,

d’une extrême réactivité. En conséquence, les organisations,

pour la très grande majorité, peuvent avancer des bilans sains

et même souvent une activité de dépôt importante. Et donc,

les entreprises se montrent à nouveau ambitieuses. Je con-

state également un certain recul, une analyse approfondie,

un regard critique par rapport aux projets. Les choses réalisées

sont bien pensées et bien réfl échies. Par rapport aux oppor-

tunités de croissance il y a aussi des réfl exions en termes de

croissance externe et vers des marchés à plus grandes potenti-

alités. Les pays émergents, l’Asie, l’Amérique latine ou l’Europe

centrale sont autant de thématiques qui reviennent fréquem-

ment. Le plus important dans ce contexte, et nous attirons

tout particulièrement l’attention de nos chargés de relations

sur ce point, reste de mener un dialogue avec les CFO de nos

clients. La stratégie est, bien entendu, déterminée par le cli-

ent. Mais nous favorisons une approche sectorielle, tant pour

les corporates (grandes entreprises) que les PME, afi n de bien

comprendre leurs drivers. De sorte à apporter notre vue sur les

aspects fi nanciers.

FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS FISCALITÉ DOSSIER

Thierry Lebrun: « Une banque ‘moyenne’ ne signifi e pas pour autant des possibilités vues au rabais. Bien au contraire. Le Crédit Agricole tire sa force de son agilité, de sa rapidité de réaction et de décision. Bien souvent, chez un grand acteur où l’actionnariat est désormais étranger, le Comité de crédit ne se situe plus en Belgique. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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Arnaud Laviolette: « Un nouveau projet d’expansion doit

considérer deux aspects essentiels: la croissance interne et

la croissance externe. Pour la croissance interne, nous ne con-

seillerons pas le client sur le matériel à choisir dans sa poli-

tique d’investissement. Par contre, nous pouvons l’encadrer

dans le moyen de le fi nancer : crédit classique, leasing, etc. La

localisation des investissements est également importante.

Elle peut se réaliser en Belgique mais les entreprises se tour-

nent de plus en plus vers l’international. Et notre réseau per-

met d’accompagner les clients et de conseiller sur la structure

de fi nancement, sur le meilleur type de fi nancement, sur la

prise de contact avec des autorités locales ou régionales, etc.

Concernant la croissance externe, dès que l’on comprend la

stratégie du client, nous souhaitons nouer un contact perma-

nent et l’accompagner dans la réfl exion sur les cibles éven-

tuelles de son secteur, en Belgique ou à l’étranger, et, ensuite,

dans l’exécution des transactions. »

15Sécurisez l’avenirSébastien D’hondt: « Un directeur fi nancier doit

tenir compte d’une situation économique désor-

mais plus volatile. Cela signifi e qu’il doit pouvoir utiliser les

moments plus favorables pour fi nancer à long terme, sécuris-

er, gérer les risques et assurer un travail de fond sérieux en

termes de bilan. »

Arnaud Laviolette: « Diversifi er les sources de fi nancement –

via la dette bancaire, les marchés obligataires ou fi nanciers…

– et les maturités – aujourd’hui, plus un seul CFO ne se fi nance

exclusivement à court terme alors que certains le faisaient

avant la crise – sont deux incontournables. Je conseillerais

également de pouvoir bénéfi cier de documentations de crédit

qui prévoient certains ajustements liés à des circonstances ex-

ceptionnelles et temporaires. »

Sébastien D’hondt: « La qualité du dialogue et la confi ance

réciproque permettra de répondre aux défi s du futur. Et les

banques comprennent très bien que les entreprises puissent

vivre des moments plus diffi ciles, sanctionnés par une baisse

de la rentabilité. Mais dans la mesure où le dialogue a eu lieu

et où la banque a compris, en parlant avec le directeur fi nan-

cier, ce qu’il attend comme projections futures, elle restera

présente auprès de son client. »

16Surveillez les tauxSébastien D’hondt: « Si l’on considère

l’environnement économique actuel, on parle

de manière de plus en plus pressante, y compris au niveau

de la Banque centrale européenne, d’entrer dans une ère

d’augmentation des taux. Mais quelle est la position du re-

sponsable fi nancier d’une entreprise par rapport à ces taux?

Jusqu’ici, a-t-il privilégié des taux fi xes? A-t-il préféré les taux

fl ottants, extrêmement avantageux quand l’Euribor, l’un des

principaux taux de référence du marché monétaire de la

zone euro, se situait sous 1%? Nous ne pouvons pas donner

de conseil précis car, en réalité, tout dépend de la situation

de chaque entreprise et de la vue que le CFO se fait à propos

des taux. Mais ce serait certainement une erreur de ne pas,

au minimum, procéder à une étude et en parler à ses ban-

quiers. Un taux fi xe se révélera évidemment plus élevé mais

apportera une certitude pour le futur. Mais la solution idéale

peut très bien résider dans un panachage des deux formules

car on s’attend à plusieurs hausses successives des taux

d’intérêt dans la zone euro au cours des 12 prochains mois…

Chaque entreprise doit mener sa réfl exion. »

17Ouvrez-vous aux autres acteursThierry Lebrun: « Depuis 2008, les événements

ont amené les CFO à percevoir les banques différemment.

Tout le monde garde désormais à l’esprit la faillite brutale

de Lehman Brothers, le sauvetage de Fortis par une banque

française et de la KBC par l’Etat belge… Il y a eu une certaine

prise de conscience : une banque est un partenaire qui peut,

lui aussi, se voir fragilisé. Le Crédit Agricole, non exposé aux

subprimes, a passé la crise sans encombre. Il est d’ailleurs

assez intéressant d’observer le positionnement des banques

de taille ‘moyenne’ face aux ‘grandes’ banques. Très claire-

ment, le Crédit Agricole se positionne comme une alterna-

tive à ces grandes enseignes. Tant pour la gestion des ex-

cédents de trésorerie que pour le crédit, les entreprises ont

intérêt à ne pas se contenter de relations avec des grandes

banques et faire entrer dans leur pool d’autres acteurs plus

‘petits’. C’est à la fois ‘techniquement’ réalisable mais aussi

de bon aloi pour la stratégie. Une banque ‘moyenne’ ne sig-

nifie pas pour autant des possibilités vues au rabais. Bien

au contraire. Le Crédit Agricole tire sa force de son agilité,

de sa rapidité de réaction et de décision. Bien souvent, chez

un grand acteur où l’actionnariat est désormais étranger, le

Comité de crédit ne se situe plus en Belgique. Ce n’est pas

le cas chez nous puisque notre Comité de crédit est bien

à Bruxelles. Les prises de décision sont donc plus rapides.

Enfin, si le Crédit Agricole en Belgique reste un partenaire

à taille humaine, nos clients bénéficient du partenariat

actionnarial avec le Crédit Agricole France. Nous sommes

la porte d’entrée sur un réseau international présent dans

plus de 60 pays, et nos clients disposent d’une offre étendue

grâce à notre partenariat étroit avec les Caisses Régionales

de Crédit Agricole en France et les filiales spécialisées de

taille européenne ou mondiale du Groupe. »

« Le directeur fi nancier doit tenir compte d’une situation économique désormais plus volatile. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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« Instaurons des balises fi nancières qui pourront exercer une infl uence sur la marge mais

aussi sur la disponibilité à long terme du fi nancement. »

Développer la compréhension mutuelleInvité dans le cadre du cours de gestion fi nancière des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur pour parler du partenariat banque-entreprise, Benoît Mélot, directeur commercial Liège-Namur-Luxembourg chez BNP Paribas Fortis, est un interlocuteur tout désigné. Il nous livre ses impressions sans concession.

FISCALITÉ DOSSIER

TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Comment envisagez-vous la relation idéale entre un CFO et

son banquier?

Benoît Mélot: « Je l’articulerais autour de deux axes. Le CFO

comme le banquier doivent se montrer transparents et bien

connaitre leur partenaire. L’entreprise doit pouvoir expliquer

quels sont ses points forts et ses faiblesses, quelle est sa stra-

tégie, qui sont ses concurrents, comment se comporte son

marché, ses avantages comparatifs mais aussi les risques de

son business model... Mais elle devra également comprendre

qui se trouve en face d’elle: quel est la position de son ban-

quier? Que recherche-t-il? La vision traditionnelle que se

forgent les entreprises à propos des banquiers est un peu sté-

réotypée. Elles considèrent souvent qu’ils offrent des services

identiques. Or, ce n’est pas du tout le cas. Dans les relations

avec leurs clients, les banques mettent en avant certaines

actions ou produits fi nanciers plutôt que d’autres. Il convien-

dra donc pour un CFO de trouver un bon ‘match’, selon ses

aspirations. De l’autre côté de la barrière, le banquier devra

connaitre son client sur le bout des doigts pour pouvoir, en in-

terne, expliquer ce qu’il fait et défendre son dossier. La trans-

parence et la connaissance permettent en outre d’anticiper. Il

ne faut donc pas hésiter à investir du temps dans cette rela-

tion CFO-banque. Les grands corporates connaissent généra-

lement à merveille le fonctionnement des banques. Ils savent

jusqu’où leur banquier est prêt à les suivre et dans quelles

circonstances. Par contre, j’observe que du côté des PME, le

réfl exe est plus craintif. Il n’y a pas cette même proximité. Et

parfois, cela mène au clash… »

Un exemple?

Benoît Mélot: « Prenons celui d’une PME belge qui s’inter-

nationalise. Si elle ne s’intéresse pas de près à la manière

dont les banques travaillent, elle va suivre une approche

géographique. Imaginons qu’elle soit présente dans cinq

pays. Comme une entreprise se lie généralement à trois par-

tenaires fi nanciers, elle devra gérer quinze banques au total

si elle gère ses fi nances de manière décentralisée. Un vrai

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°46 - AVRIL 2011

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cauchemar. Par contre, si elle investit un peu de temps dans

une relation avec ses banquiers, elle n’en sélectionnera que

trois ou quatre, basés en Belgique si nécessaire, mais surtout

présents dans les pays où elle travaille. Elle pourra alors dé-

terminer avec eux comment ‘imposer’ à ses fi liales locales le

meilleur outil: cash management international, trade fi nance

international, leasing, factoring, corporate fi nance, active

fi nance… Les banquiers devront en faire de même, en coor-

donnant la relation auprès du réseau international de leur

établissement. Par rapport aux Corporates, les PME pèchent

souvent par un manque de connaissance de la manière dont

leurs banques travaillent et surtout par un faible intérêt pour

la chose bancaire. »

Dès lors, comment essayer de les rapprocher?

Benoît Mélot: « Les banques devraient mieux communiquer leur

stratégie : comment fonctionnent-elles et à quoi le client sera-

t-il confronté? Par exemple, qui, aujourd’hui, connait l’impact

de Bâle III? Or, l’infl uence en termes d’évolution de marges, de

disponibilité de crédit… sera énorme pour les clients! Je conseille

aux CFO d’interroger leur banque comme la banque les inter-

roge. Sur leurs points forts et points faibles, sur ce qui les pousse

à s’engager vis-à-vis de leur projet, sur ce que l’on peut attendre

d’eux… Et sur cette base, ne pas hésiter à tester le banquier sur

des engagements à long terme. On en revient à cette question

de connaissance de l’autre tout à fait indispensable… »

Les enquêtes de satisfaction des banques notent-elles une

restauration de la confi ance?

Benoît Mélot: « Oui. Même s’ils ne s’avouent pas encore plei-

nement satisfaits, nous sommes passés d’une critique massive

à une appréciation plutôt positive. Cette dernière s’adresse

davantage au banquier qu’à la banque: cela signifi e que les

chargés de relation sont plutôt bien perçus par leurs clients. »

Percevez-vous des besoins spécifi ques de la part des entre-

prises? Comment les banquiers tentent-ils d’y répondre?

Benoît Mélot: « Tout dépend très fort de la nature de l’activité

du client… Les PME wallonnes expriment un fort besoin d’ac-

compagnement dans le développement de leurs activités à

l’international. Car il s’agit vraiment du volet où une entreprise

a besoin d’un banquier pour d’autres conseils que du crédit ou

surveiller les comptes… Les banques qui sont capables de sou-

tenir leur client en fournissant des informations sur les mar-

chés ou en trouvant des débouchés apporteront une réelle va-

leur ajoutée. J’observe aussi une recrudescence des demandes

de conseils qui concernent les moments critiques de la vie

d’une entreprise, comme par exemple les opérations de fusion/

acquisition ou d’acquisition fi nance, dont le marché repart à la

hausse. Les PME demandent ici à être accompagnées dans ce

processus de valorisation et de négociation. »

La bulle Internet, le 11 septembre, la crise économique et

fi nancière, les crises répétées du pétrole, le Japon… sans par-

ler d’effet papillon, chaque « événement » semble crisper

les marchés. Doit-on craindre le pire? Comment se prému-

nir? Est-ce que notre futur économique et fi nancier ne sera

qu’une succession de crises?

Benoît Mélot: « Je ne me montrerais peut-être pas aussi

pessimiste… Je constate un retour en force de la puissance

publique et des autorités monétaires. Elles ont particuliè-

rement bien réagi au cours de la crise. Des chocs, nous en

avons connu hier, nous en connaissons aujourd’hui et nous

en connaitront encore demain. Du point de vue fi nancier, sur

une période écoulée de dix ou vingt ans, soulignons que les

taux sont extrêmement bas, tout comme les marges. Si vous

avez de l’endettement structurel pour fi nancer une activité

long terme, dans un climat de relative incertitude, le bon

conseil serait d’avoir une partie de l’endettement consolidée

à long terme avec des taux fi xes. De la sorte, en cas de haut

et de bas conjoncturels, on est un peu plus relax par rapport

aux secousses. Bien entendu, parfois, tout ne se passe pas

comme prévu. Grâce à une relation transparente, on peut très

bien fi xer des ‘points de passage’: les covenants fi nanciers.

L’entreprise reçoit un fi nancement à long terme, elle profi te

d’un taux bas et si le business devient plus risqué et que cer-

tains points de passage ne sont pas rencontrés, simplement,

on peut revoir les marges à la hausse! Et à l’inverse, si cela se

passe mieux que prévu, on pourra les baisser. Je parle donc

ici très clairement d’instaurer des balises fi nancières précises

qui pourront exercer une infl uence sur la marge mais aussi

sur la disponibilité à long terme du fi nancement. »

Benoît Mélot: « Je conseille aux CFO d’interroger leur banque comme la banque les interroge. Sur leurs points forts et points faibles, sur ce qui les pousse à s’engager vis-à-vis de leur projet, sur ce que l’on peut attendre d’eux… Et sur cette base, ne pas hésiter à tester le banquier sur des engagements à long terme. »