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Comptabilité

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FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°02 - NOVEMBRE 2006

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EN PRATIQUE> SOMMAIREN°02 NOVEMBRE 2006

Le « sales and lease back » a ses fervents défenseurs comme ses ardents détracteurs. Quelques réfl exions comptables et fi scales à propos d’un concept parfois mal interprété, mais qui demeure une option valable face au fi nancement externe traditionnel.

Dossier

Comptabilité Sale and lease back : pourquoi et comment ?

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FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°02 - NOVEMBRE 2006

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Sale and lease back : pourquoi et comment ?

EN PRATIQUE : COMPTABILITÉ

TEXTE : GUILLAUME HOLLANDERS, ARIEL GONZÁLEZ

I l a fait son retour sur le devant de la scène médiatique

grâce à son utilisation par le gouvernement afi n de

combler quelques « trous » budgétaires au cours des

dernières années. Le « sale and lease back » s’est alors

retrouvé au centre des débats mettant en cause sa pertinence.

Le gouvernement met l’accent, notamment, sur les avantages

administratifs et opérationnels offerts par ce type d’opération.

Les détracteurs critiquent le mécanisme en reprochant une vue

à court terme qui ne tient pas compte des charges fi nancières

supplémentaires qu’il génère. Il est vrai que le « sale and lease

back » reste un mécanisme subtil de fi nancement externe.

Nous avons voulu nous pencher sur quelques aspects prati-

ques en matière comptable et fi scale de ce type d’opération.

La logique fi nancière soutenant l’opération est la même en

matière immobilière. Nous n’aborderons cependant pas les

spécifi cités de cette dernière pour nous limiter aux règles en

matière de « sale and lease back » mobilier.

LE CONCEPTUne opération de « sale and lease back » est une opéra-

tion par laquelle le propriétaire d’un bien d’équipement

ou à usage professionnel le cède à une entreprise tierce

(société de leasing) qui le remet immédiatement à sa dis-

position par une opération de leasing financière ou opé-

rationnelle. Généralement, le preneur du leasing dispose

aussi d’une option d’achat lui permettant de redevenir

propriétaire du bien à l’issue du contrat.

Le « sale and lease back » opérationnel n’est rien d’autre

qu’une vente suivie d’une reprise en location. On parle alors

aussi parfois de « sale and rent back ». Ce type d’opération a

l’avantage de ne pas faire apparaître de nouvelles dettes au

passif de l’entreprise mais implique aussi la disparition de

l’actif de son bilan. Nous n’évoquerons pas plus en détail ce

type d’opération.

Par contre, lorsque les redevances, et éventuellement le prix

de l’option d’achat, payées par le preneur permettent à la

société de leasing de reconstituer, outre les intérêts et les

charges de l’opération, le capital investi, il s’agit d’un contrat

de leasing fi nancier. Le contrat répond alors à la défi nition

de « Immobilisations détenues en location-fi nancement et

droits similaires » prévue par le droit comptable belge. Dans

ce cas, le bien repris en leasing reste activé au bilan du pre-

neur. En contrepartie, les redevances prévues par le contrat

sont reprises au passif au titre de dette. Cette dette sera pro-

gressivement extournée pendant la durée de vie du contrat

lors de chaque paiement de redevances.

Contrairement au leasing opérationnel, cette opération fait

donc apparaître une nouvelle charge d’emprunt au bilan de la

société. Ainsi, la principale motivation de l’opération de « sale

and lease back » est l’octroi d’un crédit au vendeur des actifs

faisant l’objet du contrat.

La durée du contrat est généralement déterminée en fonction

Opération de fi nancement mûrement réfl échie ou tentative de retour à une situation d’équilibre fi nancier, le « sale and lease back » demeure une option valable face au fi nancement externe traditionnel. Quelques réfl exions comptables et fi scales à propos d’un concept parfois mal interprété.

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de la durée de vie économique de l’équipement au moment

de sa vente à la société de leasing. En effet, si la vente du bien

permet au vendeur d’obtenir de nouveaux moyens fi nanciers,

la reprise en leasing du bien vendu doit lui permettre de pour-

suivre l’exploitation de l’entreprise avec les mêmes moyens

d’exploitation.

La société de leasing bénéfi cie quant à elle d’une certaine garan-

tie puisqu’elle aura éventuellement la possibilité de revendre sur

le marché le bien loué en cas d’insolvabilité du preneur.

TRAITEMENT DE LA PLUS-VALUE RÉALISÉE DANS LE CHEF DU VENDEURIl y a quelques dizaines années, une opération de « sale and

lease back » pouvait par ailleurs présenter un certain attrait

fi scal grâce aux failles du système de l’époque. Lorsque l’opé-

ration portait sur un bien totalement amorti, il était possible

sous certaines conditions de créer une nouvelle base d’amor-

tissement tout en immunisant la plus-value réalisée lors de

la conclusion du contrat. Ce temps est révolu depuis que les

balises comptable et fi scale ont été mises en place.

TRAITEMENT COMPTABLEL’article 63 l’Arrêté Royal du 30 janvier 2001 portant exécution

du Code des sociétés prévoit que « La plus-value ou la moins-

value constatée lors de la cession d’une immobilisation cor-

porelle amortissable assortie de la conclusion par le cédant

d’un contrat de location-fi nancement portant sur le même

bien, est inscrite en compte de régularisation et est portée

chaque année au compte de résultats proportionnellement

à l’amortissement de cette immobilisation détenue en loca-

tion-fi nancement afférent à l’exercice considéré ».

La prise de l’éventuelle plus-value en compte de régularisation

est fondée sur la logique suivante : l’opération de « sale and

lease back » doit être considérée, d’un point de vue compta-

ble, comme constituant une seule et unique opération.

Il est donc approprié de considérer qu’une charge étalée sur

les exercices comptables ultérieurs à la vente est directement

liée à la plus-value réalisée par le vendeur. Il s’ensuit que cette

dernière est enregistrée au passif du bilan du vendeur dans

un compte « Produits à reporter » et qu’elle est prise en résul-

tat en créditant ce dernier et en débitant le compte de plus-

Le « sale and lease back » a fait son retour sur le devant de la scène médiatique grâce à son utilisation par le gouvernement afi n de combler quelques « trous » budgétaires au cours des dernières années

Le « sale and lease back » s’applique notamment aux immeubles

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EN PRATIQUE : COMPTABILITÉ

value actée lors de la vente et ce pendant la période d’amor-

tissement du contrat de leasing.

Sur la base de ce qui précède, il est possible de conclure à la

neutralité de l’opération sur le plan comptable ; le résultat

net dégagé par la société n’est pas immédiatement affecté

par l’opération. Le traitement fi scal n’est pas aussi aisé.

TRAITEMENT FISCALEn règle générale, la plus-value afférente à la vente du

bien repris en location-financement constitue un produit

taxable dans le chef du vendeur. De la même manière, une

éventuelle moins-value sur un actif immobilisé constituera

une charge déductible dans son chef.

De manière dérogatoire et sous condition du respect d’une

série de conditions de fond et de forme, l’article 47 du Code

des Impôts sur les Revenus 1992 (ci-après « CIR92 ») prévoit

un régime facultatif1 de taxation étalée des plus-values réa-

lisées à l’occasion de la vente d’immobilisations corporel-

les ou incorporelles. Cette logique d’étalement est donc la

même que celle du régime comptable exposé ci-avant.

Il existe néanmoins des différences importantes entre ces

deux régimes :

- la taxation étalée prévue par l’article 47 du CIR92 n’est

accordée que lorsque l’actif vendu a été détenu par la so-

ciété depuis au moins cinq ans au moment de la vente. En

outre, le remploi de la valeur de réalisation de l’actif (et

non uniquement de la plus-value dont la taxation sera éta-

lée) doit être effectué dans un délai de trois ans (cinq ans

si le remploi est effectué en immeubles bâtis, navires ou

aéronefs) ;

- un formulaire spécial (276K) doit être rempli et joint à la

déclaration fiscale de la société pour les périodes concer-

nées par la taxation étalée de la plus-value ;

- le droit fiscal autorise que la prise en résultat de la plus-

value se fasse au rythme d’amortissement de biens acquis

au titre de remploi qui peuvent être d’autres biens que ceux

repris en locations-financement. Cette dernière approche

plus souple du droit fiscal par rapport au droit comptable

n’offre toutefois pas d’opportunités fiscales particulières

aux entreprises. Selon le fisc, c’est en effet toujours la du-

rée la plus courte qui doit être retenue pour déterminer la

quote-part imposable de la plus-value2.

TROIS HYPOTHÈSES: 1) la société utilise à titre de remploi le bien qui fait l’objet de

la location-fi nancement. Dans ce cas, il y a concordance entre

le régime fi scal et celui imposé par le droit comptable ;

2) la société désigne à titre de remploi un bien dont la durée

d’amortissement est plus longue que celle du bien repris en

location-fi nancement. Dans cette hypothèse, il y aura une

divergence entre droit comptable et règles fi scales. Cette di-

vergence sera tranchée au détriment du contribuable dont le

résultat fi scal sera basé sur le résultat comptable qui recon-

naît plus rapidement la plus-value étalée ;

3) la société désigne à titre de remploi un bien dont la durée

d’amortissement est plus courte que celle du bien repris en

location-fi nancement. Dans ce cas, le montant de la plus-va-

lue prise en produit sera plus important sur le plan fi scal que

sur le plan comptable. La différence entre le montant impo-

sable suivant la législation fi scale et le montant de la plus-

value prise en résultat est ajoutée au revenu imposable de la

société. Cette position est également plus défavorable pour

le contribuable.

EVENTUELLE MOINS-VALUE DANS LE CHEF DU VENDEURComme mentionné ci-dessus, le régime comptable prévoit

également l’étalement d’une éventuelle moins-value. Tou-

tefois, sur le plan fi scal, le principe de l’annualité de l’impôt

oblige la société à prendre dans son résultat la totalité de la

moins-value réalisée.

Cette nouvelle divergence entre droit comptable et droit fi s-

cal a été signalée au ministre des Finances dans une question

parlementaire3. Ce dernier a confi rmé que l’administration

admettrait la création d’une réserve taxée négative à concur-

rence de la différence entre la moins-value supportée et la

partie de celle-ci prise en résultats pendant cet exercice, la-

dite réserve négative faisant l’objet de prélèvements échelon-

nés lors des exercices suivants.

Ainsi, la principale motivation de l’opération de « sale and lease back » est l’octroi d’un crédit au vendeur des actifs faisant l’objet du contrat

La durée du contrat est généralement déterminée

en fonction de la durée de vie économique de l’équipement

au moment de sa vente à la société de leasing

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AUTRES POINTS D’ATTENTION :

PRÉCOMPTE MOBILIERLa partie d’intérêts comprise dans les redevances de location-

fi nancement constitue un revenu mobilier passible, en prin-

cipe, d’un précompte mobilier de 15%. Ce précompte devra

être retenu et versé au fi sc par le preneur dans les 15 jours du

paiement des intérêts.

Si ce précompte ne présente qu’un coût de préfi nancement

dans un cadre belgo-belge, il peut représenter une charge dé-

fi nitive pour le donneur du leasing si ce dernier est établi à

l’étranger.

Toutefois, il convient de garder à l’esprit qu’une série d’exemp-

tions de précompte mobilier sont prévues à la fois en droit

interne et en application des conventions préventives de la

double imposition conclues par la Belgique. Selon les circons-

tances et moyennant le respect de quelques formalités, on

pourra donc éviter ce précompte mobilier.

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉEAu niveau de la TVA, la vente du bien implique en principe

l’application de la TVA sur le prix de vente tandis que la société

de leasing appliquera la TVA sur les versements périodiques

prévus au contrat. Pour rappel, nous n’avons pas abordé le

leasing immobilier qui fait l’objet d’un traitement particulier.

CONCLUSIONLe « sale and lease back » est une technique de fi nancement

qui connaît plusieurs variantes. Quand il est bien utilisé, il

permet d’accroître les liquidités tout en gardant une certaine

neutralité au niveau comptable et fi scal. Comme tout moyen

de fi nancement externe, il implique cependant une nouvelle

charge d’intérêts dont il faudra tenir compte.

Guillaume Hollanders, Director, Deloitte Conseils Fiscaux

Ariel González, Consultant, Deloitte Conseils Fiscaux

---

1 La taxation intégrale de la plus-value, l’année de sa réalisation peut

devoir être envisagée en fonction de la situation fi scale globale de la so-

ciété, e.g. excédent de R.D.T, pertes ou intérêts notionnels reportés, etc.

2 Circulaire n° Ci.RH.421/443.775 en date du 8 juillet 1993,

www.fi sconet.be.

3 Q. et R., Chambre, Question n° 80 de M. van Weddingen en date du 14

octobre 1999.

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grâce à la collaboration de

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La fraude Un cas de fraude relève parfois

simplement de l’accident de parcours mais il est le plus

souvent un symptôme révélateur de maladies graves. Les

personnes qui en souffrent et qui ne prennent pas immédiatement

les mesures qui s’imposent ne peuvent plus faire marche

arrière. Différentes études montrent que la fraude trouve

souvent son origine dans ce qui peut être diagnostiqué au départ

comme une faute commise lors de l’exécution d’une tâche.

Cette faute souvent n’est pas rapportée et on tente de la faire

oublier. La porte est dès lors ouverte pour la transgression et le passage à l’acte répréhensible.

L a prévention de la fraude est alors le plus sur moyen

d’éviter cette transgression. Pour être préventive,

la lutte contre la fraude devra être un subtil mé-

lange de culture d’entreprise, de normes claires,

d’analyses des comportements et de mesures de contrôle. Par

défi nition, plusieurs acteurs interviendront sur ce terrain. Mais

le rôle majeur sera dévolu aux responsables de l’audit interne.

Nous évoquons avec un expert en la matière, Evert-Jan Lam-

mers, de l’Institut de Recherche Financière, les différents as-

pects de la fraude en entreprise.

COMMENT NAISSENT LES COMPORTEMENTS DE FRAUDE ?Les situations sont très variables mais prennent place dans le

quotidien « cela va du personnel qui travaille en noir au salarié qui

déclare deux fois les mêmes frais à charge de son employeur ». Les

cas vécus dans les dossiers de Picanol, Leernout&Hauspie, Enron,

Worldcom, Parmalat ou Ahold – pour ne citer que les plus em-

blématiques – ne sont que la partie visible de l’iceberg. Heureu-

sement, les montants en jeu ne sont pas toujours aussi élevés;

ni les conséquences de la fraude aussi désastreuses pour l’entre-

prise et ses actionnaires. Mais subsiste un point noir inquiétant :

une tendance à voir leur nombre augmenter. La fréquence ac-

célérée des changements que subissent les entreprises, recours

à l’outsourcing pour des activités portées précédemment en

interne, délocalisations, acquisitions dans des pays émergents,

joint-venture, ne font qu’accroître ce risque.

Les entreprises ne peuvent nier que le risque de fraude est inhé-

rent à leurs activités et que donc elles doivent le gérer. Pour qu’un

EN PRATIQUE : AUDIT INTERNE

TEXTE : LUC ROESEMS

ne concerne pas queles gros montants…

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mécanisme de fraude voie le jour, trois facteurs essentiels doi-

vent être présents : un motif, un butin, une probabilité de ne

pas être détecté. Evert Jan Lammers positionne le motif com-

me facteur moteur dans le passage à l’acte. Il retient que des

facteurs comme des bouleversements dans la sphère privée

(maladie, divorce, dettes…) mais aussi dans l’environnement

professionnel (écartement d’une promotion, changement

de poste , frustrations…) vont conduire au comportement de

fraude. Important à relever : l’erreur dissimulée est un facteur

déclenchant dans le comportement de fraude.

LE BUTINLe dicton « c’est le butin qui fait le voleur » relève du bon sens

populaire et trouve toute sa valeur dans un monde de l’entre-

prise qui crée des situations d’opportunité pour les fraudeurs.

Une erreur commise comme l’encodage d’un paiement électro-

nique d’un achat non autorisé par un responsable et qui n’est

pas détecté comme fautif par le système peut selon Evert-Jan

Lammers conduire à penser « que la prochaine fois, ce sera aussi

facile et sans danger ». Le risque d’être détecté et donc d’être

« pris » avec en corollaire les sanctions qui en découleraient

sont un facteur déterminant dans la prévention. La prévention

passe donc par des règles strictes et connues, qui font l’objet

d’une sanction rapide et proportionnée en cas de non-respect

de la règle.

Souvent, les entreprises sous-estiment le signal qui leur est en-

voyé lorsqu’une fraude est mise à jour. Voir son image détério-

rée et la confi ance des tiers ébranlée, lorsque les faits viennent

sans contrôle sur la place publique, peut parfois conduire à

des pertes bien supérieures au simple montant de la fraude

« Image is built overyears but lost overnight ». Conseil impor-

tant : l’entreprise se doit de réagir à chaque incident. Elle ne

doit pas nier le problème mais le traiter sans délai. Les mesures

prises en réaction doivent être claires pour que l’environne-

ment interne et externe puisse comprendre que la fraude est

un fait grave et qu’il est traité comme tel. Une manière de

procéder somme toute logique, mais qu’il faut absolument

mettre en œuvre… L’informatique et les systèmes automatisés

de traitement de l’information sont-ils une source spécifi que

de risque ? Le fait que l’informatique interfère avec la majorité

des process de l’entreprise a bien entendu une infl uence sur

l’importance du risque généré. Un point qui n’est pas assez

pris en compte, c’est l’interfaçage des systèmes. Ce sont en

effet des portes d’entrée pour les fraudes de tout type si les

protocoles ne sont pas clairement défi nis et contrôlés. La

prévention et la détection de la fraude sont par essence des

terrains très vastes. Qui peut aider l’entreprise à les situer ?

« Toutes les parties sont prenantes dans cette tâche. Je veux dire

« Souvent, les entreprises sous-estiment le signal qui leur est envoyé lorsqu’une

fraude est mise à jour »

Evert-Jan Lammers...

...est un des initiateurs du forensic auditing en

Belgique. Il est Managing partner du bureau

d’investigation Instifi n (www.instifi n.com), il est

également UAMS Executive professor Forensic

Auditing (www.uams.be), et vice-président de

l’institut professionnel IAF (www.ifa-iaf.be).

Il est par ailleurs l’auteur de « Forensic auditing :

une nouvelle discipline en Belgique », Kluwer, 2001.

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les intervenants internes comme les intervenants externes. Les

services opérationnels, le département du personnel, les services

de contrôle et d’audit sont moteurs. Mais le réviseur et l’audit in-

terne seront essentiels grâce à leur expertise et à l’attention par-

ticulière au risque de fraude qu’ils intègrent dès le départ dans

leur mission ». Mais tout le monde, cela ne veut-il pas dire en

fait personne ? Cela ne conduit-il pas à ce que chacun attende

que l’autre réagisse, surtout dans ce domaine sensible ? Pour

parer à ce problème, il faut que le risque de fraude et sa préven-

tion/détection soient intégrés dans les process de l’entreprise

et ce pour tous les cycles (achat, vente, production, HR Mana-

gement, Finances…) mais aussi lors d’événements spécifi ques

comme les acquisitions ou les restructurations qui créent des

discontinuités dans les cycles. Il faut également que les res-

ponsabilités soient clairement attribuées. Et que, pour chaque

process, un responsable puisse se pencher sur les questions

essentielles en matière de fraude. Comment allons-nous les

détecter et quelles actions seront prises ? Ces comportements

ne vont pas de soi dans l’entreprise, et les responsables devront

pouvoir clairement indiquer les actions prises pour prévenir et

contrôler la fraude dans leurs attributions respectives. Dans

trop d’organisations, le « package » anti-fraude est livré aux

managers sans qu’ils puissent aborder en confi ance avec leurs

responsables les problèmes qu’ils vivent et qui peuvent se

révéler comme des sources de fraude : accords commerciaux

particuliers, constructions fi scales… La direction doit don-

ner le ton dans son comportement pour permettre au reste de

l’organisation d’oser la transparence.

POURQUOI LE RÉVISEUR EST-IL UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ ?La loi impose que le réviseur et le management de l’entreprise

aient au moins une fois par an un entretien pour étudier les

incidents liés à la fraude, évaluer les risques et discuter des

mesures prises. Le réviseur et le management doivent saisir

cette chance, ce qui semble être peu souvent le cas. Le plus

souvent l’entretien se résume à un échange standard : « Avez-

vous subi un cas de fraude durant l’exercice ? ». Si la réponse

est « non », on passe alors au point suivant de l’agenda… Une

autre question centrale est : quel est le rôle spécifi que dévolu

EN PRATIQUE : AUDIT INTERNE

Pour qu’un mécanisme de fraude voie le jour, trois

facteurs essentiels doivent être présents : un motif, un butin, une probabilité de ne

pas être détecté

Les 10 éléments de base pour un bon management du risque de fraude :

1. Le Management est et reste le responsable fi nal

2. Le Conseil d’Administration et le comité d’audit ont et

conservent la supervision

3. Une vision claire et cohérente imprègne toute

l’organisation

4. La fraude fait partie intégrante du management du

risque de l’entreprise

5. Des activités de contrôle sont régulièrement opérées

6. Pour les activités informatiques des règles spécifi -

ques sont défi nies

7. L’intégrité des personnes et des tiers est validée

8. La direction communique clairement sur des com-

portements, comme la corruption, qui peuvent mettre

en danger l’entreprise

9. Un suivi structurel d’audit est mis en place qui

comporte une attention suffi sante à la maîtrise du

risque de fraude

10. Chaque constat de fraude est suivi d’une enquête

et des mesures correctives sont mises en place pour

éviter toute répétition ( Fraud respons plan)

Source : syllabus EHSAL, E-J. Lammers

risque

butin

fraude

motif

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au département d’audit interne comparé à celui du réviseur ?

Son premier atout, c’est qu’il n’est pas partie prenante des pro-

cess opérationnels ou fi nanciers. L’audit interne bénéfi cie donc

d’une position d’observateur qui lui permet d’analyser et d’éva-

luer sur base de ses propres critères. Un deuxième atout, c’est

sa capacité à être systématique. L’auditeur interne travaille sur

base de procédures et de check-list. Troisième avantage, c’est

son état d’esprit. L’auditeur est par défi nition plus attentif et

plus rétif au risque que le manager en charge de l’opérationnel

qui sera lui sensible au résultat. Enfi n, dernier avantage, l’audi-

teur interne est en permanence dans l’entreprise.

Comparé aux passages plus ou moins fréquents du réviseur,

cela lui donne plus d’opportunités de détection des signaux et

de traitement préventif de la fraude.

Mais comme le souligne Lammers, « même si l’audit a un rôle

majeur, il n’est pas le seul acteur… Chacun reste responsable

à son niveau et doit tenir un rôle de sonnette d’alarme pour

le management ».

COMMENT PERMETTRE À L’AUDITINTERNE DE REMPLIR EFFICACEMENT CE ROLE ?« La base de la réussite, c’est la collecte de connaissances et la

construction de compétences. Un audit interne peut tenir une

position forte et valorisée si et seulement si il travaille à déve-

lopper sa connaissance du fonctionnement de l’entreprise et

à mettre en place des outils de détection adaptés. Un grand

nombre continuent à penser que ces compétences s’acquièrent

« intra-muros ». Cette vision est trop réductrice dès lors que les

enjeux sont communs au niveau d’un secteur. C’est à ce niveau

que peuvent être tirés et partagés les meilleurs enseignements ».

Lammers constate par ailleurs qu’un nombre suffi sant de for-

mation et de programmes de base sont disponibles. L’UAMS

organise un programme post-universitaire unique « forensic

auditing » qui comprend un nombre élevé de thèmes d’audit

interne. Et le programme « IT Forensics », organisé par l’asso-

ciation professionnelle des auditeurs, permet d’aborder la

thématique de l’utilisation de l’informatique au service de la

détection de la fraude. Un avantage indéniable de ces for-

mations vient de la composition des groupes. Le mix public-

privé comprenant aussi bien des professionnels de la police

et du parquet que des auditeurs, des juristes ou des membres

Dans trop d’organisations, le « package » anti-fraude est livré aux managers sans qu’ils puissent aborder en confi ance avec leurs responsables les problèmes qu’ils subissent

Les domaines de prédilection pour la fraude en entreprise :

- Manipulation des états fi nanciers remis aux banques

et aux actionnaires

- Utilisation des actifs de l’entreprise à son insu

- Les dépenses illicites, les frais injustifi és

- Le détournement d’actifs ou de revenus

- Eluder frauduleusement l’impôt

- Manipulation de rapports internes par le

top management

- Utilisation abusive ou communication

d’informations confi dentielles

- Le confl it d’intérêts au détriment de l’entreprise

Fraude en Belgique

Une étude récente de PriceWaterhouseCoopers (www.pwc.be) met en évidence que :

- 61% des entreprises belges ont été victimes depuis 2003 de comportements de fraude ;

- aucun secteur d’activités n’échappe à la fraude ;

- les dommages moyens subis pour les fraudes reportées atteignent 600.000 euros ;

- 31% des entreprises confi rment que les dommages se sont aussi répercutés au niveau de leur image ;

- la publication d’informations fi nancières « erronées » a plus que quintuplé ;

- malgré une attention générale accrue des entreprises à tous les niveaux pour la gestion de risques, 28 % des cas de

fraude sont rapportés par l’audit Interne qui reste le moyen de détection le plus effectif.

Conclusion : les délits en matière économique et les fraudes ne sont pas rares et la tendance est plutôt

à la hausse…

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du monde académique crée une véritable valeur ajoutée. Ces

opportunités doivent être saisies pour permettre à nos entre-

prises de se positionner au niveau de nos voisins du Nord qui

depuis plus de dix ans sont actifs en ce domaine.

Les entreprises belges doivent se structurer en intégrant la

fonction d’audit interne, en s’attachant à une approche pro-ac-

tive, constructive et multidisciplinaire. L’audit interne ne doit

pas dicter la conduite de l’entreprise mais doit se faire valoir

par sa maîtrise de l’analyse du risque et de son contrôle. Un

audit interne constructif réside dans une attention perma-

nente à l’économie de coûts y compris en implémentant des

mécanismes anti-fraude, et par exemple avec une politique de

« reverse protection ». Si l’on s’en réfère au concept de l’erreur

qui conduit à la fraude, les entreprises œuvrant avec un sys-

tème complexe de calcul de prix de vente et réductions sont

particulièrement exposées. En apportant une attention systé-

matique à l’exactitude de la facturation, à son exhaustivité et

aux rabais accordés, l’entreprise peut certainement économi-

ser ou gagner de l’argent en évitant des erreurs sans qu’elles

puissent être qualifi ées à priori de frauduleuses. Ce travail exi-

ge une remise en perspective régulière pour qu’en permanence

les programmes d’audit soient à la recherche de ces erreurs et

puissent les corriger.

COMMENT FAIRE DE LA VALEUR AVEC DE L’AUDIT INTERNE ?Pour garantir son effi cacité, il est impératif que l’audit interne

soit un réel partenaire du management. Selon Lammers tou-

jours, c’est au travers d’une négociation sur une base au moins

annuelle que le management et le comité d’audit doivent pas-

ser des accords avec le département d’audit interne. Procédure

conforme aux recommandations du code Lippens en matière

de corporate gouvernance. La mission de l’audit interne sera

alors moins vécue comme une démarche policière et les pré-

jugés seront d’autant plus aplanis que les acteurs pourront

mettre en évidence leur connaissance de l’entreprise. Lors de

l’établissement d’un plan de développement, la prise d’un avis

préalable de l’audit interne sera un atout majeur. Seule condi-

tion, les auditeurs doivent être « disponibles » et « opération-

nels », car leurs avis doivent être applicables sur le terrain et

ne pas se perdre dans un formalisme ou les termes utilisés

prennent le pas sur le contenu. Selon Lammers toujours, il

reste cependant qu’une part essentielle du travail de l’audit est

directement liée aux changements subis par l’organisation :

joint-venture, acquisitions, restructurations… et donc d’une

planifi cation plus délicate.

COMMUNIQUER ?Dans tous les cas, les collaborateurs de l’entreprise doivent

pouvoir communiquer les problèmes détectés, même si cela

peut prendre une forme anonyme. Le message doit pouvoir

atteindre le comité d’audit. SOX préconise la communication

à tous les échelons. De récentes études menées aux Pays-Bas

ont cependant démontré que la communication down-top

n’était pas d’une grande valeur dans les résultats de la lutte

anti-fraude.

Deux évolutions sont à souligner. D’abord, plus de profession-

nalisme dans la vie de l’entreprise permet d’intégrer la dimen-

sion fraude dans l’analyse des risques auxquels est exposée

l’entreprise. Ensuite, il est nécessaire de reconnaître la fonction

d’audit interne et d’auditeur informatique et leur intégration

sous la coupole des professions dépendant du « haut conseil

aux professions économiques », et impliquant l’adhésion à

une charte de comportement.

Pour être préventive, la lutte contre la fraude devra

être un subtil mélange de culture d’entreprise, de

normes claires, d’analyse des comportements et de

mesures de contrôle

EN PRATIQUE : AUDIT INTERNE