faire des travaux à l’officine (2/2)

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39 pratique exercice professionnel Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008 Après avoir élaboré son projet et rencontré différents agenceurs, le pharmacien entre dans une phase de concrétisation. À la suite des rencontres pharmacien- maître d’œuvre, les différents agen- ceurs contactés doivent établir un ou plusieurs avant-projets précis de la future officine en fonction des souhaits exprimés par le pharmacien. L’avant-projet L’avant-projet doit être illustré par de nombreux plans et représentations, essentiels à sa com- préhension, qui précisent la structure de la phar- macie, son organisation et sa philosophie. L’avant-projet est le plus souvent accompa- gné d’une présentation détaillée de l’agen- cement. Mais cette représentation, aussi précise soit elle, ne peut remplacer une visite, soit sur site, au sein du show-room de l’agenceur, soit dans des officines récem- ment agencées par la même société. Un descriptif estimatif, qui permettra au phar- macien de choisir le prestataire en fonction du concept proposé mais aussi d’un préde- vis, doit alors être établi. L’agenceur étant toujours dans une phase commerciale, cette évaluation ne peut être qu’estimative et basée sur l’historique de ses réalisations. En effet, à ce stade, il est rare qu’il s’engage à fournir un devis précis « à l’ampoule près », résultat d’une étude plus poussée et donc plus coû- teuse, alors qu’aucun engagement n’a été pris. Cependant, il ne faut pas accepter une estimation trop approximative tel un forfait au mètre carré où les grandes lignes du budget (gros œuvre, électricité, plomberie, mobilier…) ne sont pas précisées. Durant cette phase, et par étapes succes- sives, les projets du maître d’œuvre se rap- procheront le plus possible des souhaits du maître d’ouvrage. L’analyse comparative des différents dos- siers proposés par les architectes, entrepre- neurs ou autres permet alors au pharmacien de choisir l’intervenant le plus proche de sa vision de la pharmacie en ce qui concerne : l’esthétique et le concept global, l’orga- nisation structurelle et architecturale et, enfin, l’aspect tarifaire car, pour un même produit, les prix peuvent varier énormément en fonction de l’utilisation de tels ou tels matériaux. Une fois le choix effectué, le pharmacien et le maître d’œuvre doivent établir un contrat de maîtrise d’œuvre les engageant récipro- quement dans la réalisation du projet et dans lequel devront être précisés : – les objets et les définitions de la mission ; – les phasages du projet ; – la rémunération de la mission (modalités de paiement précisées et réparties selon les différentes étapes du projet) ; – les corps d’état concernés ; – les assurances professionnelles ; – les dispositions particulières concernant les malfaçons, les retards, les prestations et obligations exclues et restant à la charge du maître d’ouvrage… L’étude technique Une fois les contrats signés, l’entrepreneur doit établir un dossier complet sur l’ensem- ble du projet, dossier qui sera nécessaire à la compréhension et à la réalisation du chantier par l’ensemble des corps de métiers appelés à intervenir. Ce dossier doit présenter : – toutes les actions qui seront menées lors des travaux ; – le descriptif complet des matériaux et des couleurs des éléments essentiels ; – l’estimation de la durée des travaux la plus réaliste possible (dans ce domaine, mieux vaut être pessimiste qu’optimiste) ; – un devis détaillé à l’unité (ne surtout pas accepter un forfait au mètre carré). Le titulaire ne sera jamais trop prudent lors de la vérification des documents qui doit être opérée dans les moindres détails, car ils constituent la trame de tout le projet. Une fois le dossier validé par le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre s’engage dans une série de démarches techniques et léga- les obligatoires. Dépôt des demandes légales La demande de permis de travaux ou de construire doit être effectuée à la mairie. Les demandes faites auprès du bailleur et de la copropriété sont, en général, réalisées par le pharmacien, mais le maître d’œuvre peut l’accompagner par la production des différen- tes pièces nécessaires. En l’absence de clau- ses particulières dans le bail (ni d’autorisation préalable du bailleur ni d’exigence concernant la remise en état des locaux dans leur situation Faire des travaux à l’officine (2/2) © Fotolia.com/Imagine Le permis de construire Est soumis à permis de construire - Est soumis à une déclaration préalable - N’est soumis à aucune formalité -

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Page 1: Faire des travaux à l’officine (2/2)

39 pratique

exercice professionnel

Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008

Après avoir élaboré son projet

et rencontré différents

agenceurs, le pharmacien

entre dans une phase

de concrétisation.

À la suite des rencontres pharmacien-maître d’œuvre, les différents agen-ceurs contactés doivent établir un

ou plusieurs avant-projets précis de la future officine en fonction des souhaits exprimés par le pharmacien.

L’avant-projetL’avant-projet doit être illustré par de nombreux plans et représentations, essentiels à sa com-préhension, qui précisent la structure de la phar-macie, son organisation et sa philosophie.L’avant-projet est le plus souvent accompa-gné d’une présentation détaillée de l’agen-cement. Mais cette représentation, aussi précise soit elle, ne peut remplacer une visite, soit sur site, au sein du show-room de l’agenceur, soit dans des officines récem-ment agencées par la même société.Un descriptif estimatif, qui permettra au phar-macien de choisir le prestataire en fonction du concept proposé mais aussi d’un préde-vis, doit alors être établi. L’agenceur étant toujours dans une phase commerciale, cette évaluation ne peut être qu’estimative et basée sur l’historique de ses réalisations. En effet, à ce stade, il est rare qu’il s’engage à fournir un devis précis « à l’ampoule près », résultat d’une étude plus poussée et donc plus coû-teuse, alors qu’aucun engagement n’a été pris. Cependant, il ne faut pas accepter une estimation trop approximative tel un forfait au

mètre carré où les grandes lignes du budget (gros œuvre, électricité, plomberie, mobilier…) ne sont pas précisées.Durant cette phase, et par étapes succes-sives, les projets du maître d’œuvre se rap-procheront le plus possible des souhaits du maître d’ouvrage.L’analyse comparative des différents dos-siers proposés par les architectes, entrepre-neurs ou autres permet alors au pharmacien de choisir l’intervenant le plus proche de sa vision de la pharmacie en ce qui concerne : l’esthétique et le concept global, l’orga-nisation structurelle et architecturale et, enfin, l’aspect tarifaire car, pour un même produit, les prix peuvent varier énormément en fonction de l’utilisation de tels ou tels matériaux.Une fois le choix effectué, le pharmacien et le maître d’œuvre doivent établir un contrat de maîtrise d’œuvre les engageant récipro-quement dans la réalisation du projet et dans lequel devront être précisés :– les objets et les définitions de la mission ;– les phasages du projet ;– la rémunération de la mission (modalités de paiement précisées et réparties selon les différentes étapes du projet) ;– les corps d’état concernés ;– les assurances professionnelles ;– les dispositions particulières concernant les malfaçons, les retards, les prestations et obligations exclues et restant à la charge du maître d’ouvrage…

L’étude techniqueUne fois les contrats signés, l’entrepreneur doit établir un dossier complet sur l’ensem-ble du projet, dossier qui sera nécessaire à la compréhension et à la réalisation du chantier

par l’ensemble des corps de métiers appelés à intervenir.Ce dossier doit présenter :– toutes les actions qui seront menées lors des travaux ;– le descriptif complet des matériaux et des couleurs des éléments essentiels ;– l’estimation de la durée des travaux la plus réaliste possible (dans ce domaine, mieux vaut être pessimiste qu’optimiste) ;– un devis détaillé à l’unité (ne surtout pas accepter un forfait au mètre carré).Le titulaire ne sera jamais trop prudent lors de la vérification des documents qui doit être opérée dans les moindres détails, car ils constituent la trame de tout le projet.Une fois le dossier validé par le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre s’engage dans une série de démarches techniques et léga-les obligatoires.

Dépôt des demandes légalesLa demande de permis de travaux ou de construire doit être effectuée à la mairie.Les demandes faites auprès du bailleur et de la copropriété sont, en général, réalisées par le pharmacien, mais le maître d’œuvre peut l’accompagner par la production des différen-tes pièces nécessaires. En l’absence de clau-ses particulières dans le bail (ni d’autorisation préalable du bailleur ni d’exigence concernant la remise en état des locaux dans leur situation

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Le permis de construireEst soumis à permis de construire

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exercice professionnel

Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008

d’origine en fin de bail), le locataire a le droit d’effectuer les réparations et les travaux qu’il estime nécessaires à son activité, à condition toutefois de ne pas toucher au gros œuvre.

Études techniques de faisabilitéSelon l’importance des travaux engagés (gros œuvre, facing…), différentes obligations rela-tives à la construction doivent être respec-tées : validation des données par un archi-tecte DPLG (diplômé par le gouvernement), intervention de sociétés d’études spécifiques (béton, sol et sous-sol…) et réalisation de tou-tes les analyses nécessaires afin que la struc-ture respecte les normes en vigueur.

Lancement des appels d’offres avec accompagnement à l’étude des propositions et assistance pour la passation de com-mande auprès des différents corps d’état.

Planning et organisations des travauxUn grand nombre d’intervenants interagiront : maçons, couvreurs, menuisiers d’extérieur et d’intérieur, électriciens, peintres, carreleurs… C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de synchroniser leurs interventions.Il est, par ailleurs, indispensable de définir précisément l’organisation et le fonctionne-ment de la pharmacie durant la phase de travaux. En effet, il est nécessaire de prévoir une fermeture, un transfert provisoire dans un autre local ou une construction modu-laire (attention aux différentes autorisations à obtenir), ou encore la condamnation d’une partie de la surface de vente pendant que l’autre est en rénovation… En effet, dans une officine, la réalisation de travaux n’est pas sans impact sur la sécurité de la clientèle ainsi que sur le chiffre d’affaires.Ce n’est qu’une fois ce travail de préparation réalisé précisément et dans son ensemble que pourront véritablement commencer les travaux.

La phase des travauxLa réalisation des travaux constitue la phase critique du projet, celle où tout se joue. Le pharmacien doit, avec l’aide et en parallèle au maître d’œuvre, assister, contrôler et vérifier les plans d’exécutions remis par les entrepri-ses ainsi que la concordance des travaux, en organisant régulièrement (une fois par semaine au minimum) des réunions de chantier qui doi-vent permettre de faire le point sur :– l’ensemble des réalisations effectuées et à effectuer ;

– tout retard éventuel ;– tout défaut constaté.Toutes ces réunions doivent être actées et faire l’objet d’un procès-verbal avec établissement de situation.Il est important pour le pharmacien et son maître d’œuvre de ne pas hésiter à notifier aux entreprises les malfaçons, les oublis ou les retards.

La réception des travauxSi un suivi de qualité a pu être effectué tout au long de la construction, la réception des travaux sera grandement facilitée.La réception est l’acte par lequel le maî-tre d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit, à défaut, judiciairement.En pratique, le maître d’ouvrage met fin aux contrats de travaux en présence de tous les intervenants à la construction. Une décla-ration d’achèvement de travaux faite par le seul maître d’œuvre ou encore un constat de fin de chantier signé par le maître d’œu-vre et l’entreprise ne constituent pas une réception.Celle-ci peut être demandée au pharmacien par l’un des constructeurs (amiablement ou, en cas de refus, judiciairement). Elle est, de préférence, matérialisée par un écrit (afin de disposer d’une trace), mais elle peut égale-ment être tacite.La garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître d’ouvrage, soit au moyen de réser-ves mentionnées au procès-verbal de récep-tion, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception (art. 1792-6 du Code civil).La réception expresse ou tacite peut être assortie de réserves. Ces dernières doivent être précisément définies, une mention laco-nique et imprécise ne pouvant être considé-rée comme une véritable réserve. Les réser-ves à la réception relèvent de la garantie de parfait achèvement. Les travaux nécessai-res pour corriger les désordres observés à ce niveau sont à la charge du constructeur concerné. Toutefois, les tribunaux considè-rent qu’un dommage signalé à la réception,

mais révélé seulement après, constitue un vice caché relevant de la garantie décennale.La réception pronon-cée sans réserve cou-

vre les désordres appa-rents à la réception. L’absence de réserves au titre des dommages apparents a pour effet d’empêcher le maître d’ouvrage de recourir ultérieurement contre l’entreprise responsable.Le maître d’œuvre, qui a une mission d’as-sistance du pharmacien au moment de la réception, a une obligation de conseil.En matière d’assurance, la responsabilité décennale, qui concerne exclusivement les désordres cachés survenus postérieu-rement à la réception, ne peut s’appliquer aux désordres relevés à la réception. De ce fait, les garanties d’assurance couvrant cette responsabilité ne peuvent être appliquées à ceux-ci. L’entrepreneur est responsable de plein droit, envers le pharmacien, des dom-mages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équi-pement, le rendent impropre à sa destina-tion. En revanche, une telle responsabilité n’existe pas si le constructeur prouve que les dommages ont une origine étrangère aux travaux.En prévision de cette réception et suivant le planning des travaux, le pharmacien doit “préparer” sa nouvelle pharmacie. Il doit ainsi prévoir la mise en place des gammes en mettant en application une démarche marketing et merchandising adaptée à la nouvelle configuration de l’officine. Il doit surtout ne pas hésiter à lister l’ensemble des derniers petits détails à régler pour réa-liser l’ouverture de la nouvelle pharmacie dans des conditions idéales : installation de l’informatique, mise en place des différents protocoles de fonctionnement au sein de la nouvelle structure, formations spécifiques… C’est tout ce travail préalable, ainsi que son suivi, qui permettra au pharmacien de ren-tabiliser au mieux les travaux. �

Nicolas Julien

Pharmacien, Bezouce (30)

[email protected]

© Fotolia/P. Devanne