facicule pour le parcours sur l'esclavage

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memoire(s) de l’esclavage parcours dans Nantes A la recherche des traces encore visibles ou cachees du passage de l’esclavage

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Facicule de diplôme de DSAA Architecture interieure et environnement ENSAAMA - 2011 - Elsa Noblet

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memoire(s)

de l’esclavageparcours dans NantesA la recherche des tracesencore visibles ou cacheesdu passage de l’esclavage

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PARCOURS

L’histoire de la traite est nourrie d’une multitude de points de vues. Le parcours que vous avez ou allez entamer donne corps a cette diversite pour mieux comprendre le monde d’hier et celui d’aujourd’hui.

memoire(s) de l’esclavage est un projet de mise en avant des discours artistiques lies a la traite.Mettre l’artiste contemporain au coeur de la ville, c’est placer l’histoire de l’eclavage et ses resonnances actuelles au coeur des discussions citoyennes.

ce projet invite a la reflexion et au debat mais instaure surtout une lutte perpetuelle contre l’oubli.

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comment ca marche ?

/// Le parcours en divisés en 6 sites.Chacun de ces sites pose un regard différent sur la traite et exhume les traces du passage de l’esclavage dans la ville de Nantes.

/// Chaque oeuvre porte un numéro référencé dans ce fascicule. Ce document apporte des précisions sur le lieu, l’oeuvre ou l’artiste.

/// Ces informations sont aussi disponibles sur le site de la municipalité de Nantes ainsi que par le biais de bornes ou de votre smartphone, sur le lieu même des installations.

/// Ce parcours peut être complété par une visite du Château des Ducs ou par une visite guidée, organisée tous les dimanches par les médiateurs du Château.

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FeydeauVers 1660, début de la traite des esclaves, Nantes est le huitième port français avec 12 navires. En 1750, à l’apogée du commerce du bois d’ébène, Nantes devient le premier constructeur de navires marchands de France avec 150 bateaux à quai. Il aura fallu seulement cent ans et l’argent de 1709 expéditions pour construire les bases de la Venise de l’Ouest. Au bout du parcours sonore de Rise Above : Le Temple du goût. C’est un monument classé construit en 1753 par Pierre Rousseau. Sur la façade, on distingue deux mascarons qui appartiennent au thème naturaliste. A gauche un homme aux allures de voyageur, d’indien ou d’esclave. Les mascarons détiennent un lien avec l’architecture commerciale de Nantes. Le commerce triangulaire est extrêmement fructueux à l’époque de Pierre Rousseau et les négociants armateurs nantais qui s’enrichissent, souhaitent un quartier pour leurs affaires et leurs hôtels particulier. Un lieu à la fois proche du port qui plus est. C’est l’île Feydeau. Le Temple du goût était (et reste toujours) l’un des lieux de l’élite culturelle nantaise.

A l’origine de la création de plusieurs quartiers de la ville, l’argent de la traite est à la base de l’économie nantaise. Avant ce commerce la ville se résumait au Château des Ducs et aux fermes alentours et compensa par la traite l’absence d’un arrière-pays agricole suffisamment riche pour stimuler son développement. Nantes comptabilisera 41% (450000 personnes) des expéditions négrières, Bordeaux et La Rochelle 11% chacune. L’île Feydeau était la résidence des armateurs négriers. La plupart des hôtels particuliers affichent ce commerce par l’intermédiaire des façades et des mascarons. Représentant la plupart du temps des divinités greques, certaines symbolisent la diversité des marchandises importées des caraïbes, comme le chocolat ou la canne à sucre et sont globalement accompagnées de figures noires. La rue de Kervégan doit son nom à Christophe-Clair-Daniel de Kervégan, négociant (dont négrier), ancien juge consul, ancien échevin, maire et colonel de la Milice bourgeoise de Nantes.

L’Ile Feydeau a été restaurée et les ferronneries de l’époque ont été conservées ; mais longtemps ces bâtiments sont restés à l’abandon. Certains descendants de négriers habitent encore dans les hôtels particuliers de leurs ancêtres et les rues alentours portent le nom de ces armateurs. Il est aussi important de retrouver l’angle de vue des hommes de ce temps ; comment comprendre cette époque qui nous semble paradoxale sans essayer de la regarder avec les yeux des gouvernants, marchands, marins, esclaves et planteurs des siècles passés ? Chaque expérience humaine détient sa vérité et il est important d’en souligner la grande diversité à travers temps et lieux.

La ville a connu de nombreux bouleversements morphologiques. Le trafic nécessitant beaucoup de navires, la construction navale prend un essor fulgurant et cette économie florissante a permis le lancement d’un véritable chantier naval et fait de Nantes l’un des premiers ports d’Europe. En 1713, les chantiers de Nantes construisent dix navires négriers par an. A la fin de la traite, les chantiers ont continué à produire une grande quantité des bâtiments français. L’industrialisation s’est développée et a peu à peu recouvert toutes les traces. A l’origine formée de 8 îles, Nantes a vu ses bras comblés les uns après les autres pendant les années 30. Avec le développement des chantiers navals Aujourd’hui la seule île substistant est celle de Beaulieu. Lieu des grands projets de la ville, elle est l’avenir urbain et architectural de Nantes. De plus il n’est pas rare de voir des bâtiments très anciens en côtoyer d’autres construits après les bombardements de la seconde guerre mondiale. Par exemple l’Hôtel-Dieu, un imposant édifice en béton, fait face à l’île Feydeau et aux hôtels particuliers des armateurs négriers. Les navires négriers partaient des ports européens jusqu’aux côtes africaines, arracher des Hommes à leur terre et leur famille pour les déporter jusqu’aux Caraïbes, où ils étaient vendus contre des marchandises telles que le sucre ou le café. Près de 12 millions d’êtres humains, traités comme des bêtes, ont subi ce commerce de la honte. Appelée à l’époque La Chose, la traite atlantique a perduré près de deux siècles et a finalement été abolie en 1848. L’esclavage n’a été déclaré crime contre l’humanité qu’en mai 2001. Le projet de l’italien Italo ROTA sur l’île Feydeau : Les bras de la Loire qui autrefois enserraient l’île ont laissé la place, depuis les comblements, à un flot d’automobiles. Des nouveaux quais en granit sont recréés et rappellent l’ancien appontement des navires. La Loire retrouve ainsi métaphoriquement sa place au coeur de la ville. L’absence de coupure routière facilite les liaisons piétonnes entre Feydeau et le centre-ville. Ce projet propose de partir à la quête des traces de l’ancienne Venise de l’Ouest et va à contre courant d’une urbanisation de masse pour permettre à la ville de respirer grâce à des espaces verts. Cette démarche s’inscrit dans une dynamique plus large qui vise à renforcer la vocation métropolitaine de la cité ; en modernisant.

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ROAD TO EXILECette installation symbolise les boat people, les jeunes Africains prêts à risquer leurs vies pour traverser la Méditerranée afin de rejoindre les côtes Européennes synonymes d’eldorado fantasmé. Les idées de mouvement, de transport, de voyage, d’échange et même de perdition sont placées au cœur des travaux de TOGUO. Barthélémy TOGUO est un artiste né en 1967 au Cameroun et vit entre Paris et Bandjoun. Il travaille aussi bien la vidéo, la photo, la peinture, le dessin et la sculpture, que l’installation et la performance.

RISE ABOVEJacques Schwarz-Bart (né le 22 décembre, 1962 aux Abymes en Guadeloupe) est un saxophoniste de jazz-ka. En 2006, il sort chez Universal jazz son plus ancien projet «Soné ka la» («Que résonnent les tambours») réalisant ainsi un trait d’union, un mariage heureux entre la musique gwoka de sa Guadeloupe natale et le jazz avec des touches de soul, de funk,de musique brésilienne, de drum n’ bass, de dance hall et même de musique impressionniste. « Je veux recoller tous les morceaux cassés, les débris et les poussières de mon identité, pour en faire une œuvre d’art. Cette entente, cette grande spiritualité qui est née avec l’esclavage, nous vient directement de l’Afrique.»

Rise above de Jacques Schwarz-Bartmusique2010

Road to Exile de barthélémy toguoinstallation de ballots de tissus et plastiques dans une barque2008

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quai de la fosseLe Quai de la Fosse, longtemps surnommé par les nantais quai de la fesse et défiguré par la voie ferrée du 19ème siècle tend à retrouver l’image glorieuse du port dans lequel des trois mâts magnifiques, venaient accoster. Plusieurs rues portent le nom de famille d’armateurs négriers. La rue Montaudouine port son nom de la famille des Montaudouin (en particulier Thomas et Jean-Gabriel) qui participera a plusieurs expéditions négrières entre 1733 et 1772. Jean-Gabriel était lié à Voltaire, qui malgrès ses idées antiesclavagiste, ne reniait pas ces amitiés ambigües. Il reste d’ailleurs des parts d’ombres quand à la réelle implication de Voltaire dans la traite française et notamment face à ses propriétés d’Outre-Mer

La «vocation négrière» de Nantes a été assurément une vocation assez tardive. C’est au début du 18ème siècle - sans doute en 1707, avec l’armement du vaisseau L’Hercule par la maison Montaudouin - que commence l’histoire négrière de Nantes. A cette date il y avait déjà plus de deux siècles et demi que des Européens pratiquaient la traite des esclaves sur les côtes d’Afrique, et près de deux siècles que d’autres armateurs et marins français s’étaient engagés dans la même voie, à Dieppe ou La Rochelle notamment. Jusque-là la place nantaise s’était maintenue à l’écart de ce grand trafic transatlantique, et était demeurée plus largement, jusqu’au temps de Colbert dans son évolution traditionnelle de port à vocation interrégionale et européenne. La Compagnie des Indes est établie sur le quai de la fosse mais après 1674, date de sa mise en sommeil le trafic humain va prendre une réelle ampleur. L’échec dans ce domaine des Compagnies privilégiées, puis leur éviction en 1716, offrait aux négociants nantais une occasion que les plus dynamiques allaient saisir avec opportunisme, tels Montaudouin, Sarrebourse, Laurencin, Joubert, et avec d’autant plus de détermination qu’ils se voyaient au même moment exclus de la Compagnie des Indes, au profit des Malouins puis du groupe financier rassemblé derrière Law. Ils allaient dès lors donner toute son ampleur à une traite négrière jusque-là balbutiante et incapable de satisfaire les besoins croissants de main-d’œuvre de l’économie coloniale.

La traite exigeait, dès le départ, l’embarquement de forts équipages, deux fois plus nombreux proportionnellement que pour les trafics ordinaires à travers l’Atlantique, composés d’hommes endurcis peu enclins aux sentiments, dont l’embauche se justifiait par leur fonction à venir, qui allait être celle de gardes-chiourme et de «matons» plus que de marins. Ils embarquaient sur le quai de la fosse pour ces expéditions de près de 7 mois. Les pontons sont l’un des rares vestiges palpables de la présence du port de Nantes. Aujourd’hui quelques rares bateaux viennent encore à Nantes, comme le Belem. Ces pontons sont aussi le symbole de cette nostalgie nantaise pour la Venise de l’Ouest, aujourd’hui remplacée par St-Nazaire en qualité de port. Désormais Nantes développe le domaine tertiaire et vis son activité fluviale d’un point de vue entièrement touristique et historique.

Le quai de la fosse est le lieu symbolique de la commémoration nantaise du 10 mai. L’esclavage est aujourd’hui l’un des sujets les plus sensibles en France et en particulier à Nantes. Il est l’une des origines du racisme et est encore très fortement répandu dans le monde (traite des femmes, filles et garçons, travail forcé, prostitution...). Après l’abolition, la traite fut immédiatemment remplacée par d’autres formes d’esclavage, plus subtiles mais tout aussi cruelles. Ce fut bien le cas avec la colonisation de l’Afrique. Sous prétexte de la sortir des «ténèbres» en la christianisant, les anciennes nations esclavagistes envahirent de nouveaux territoires où ils imposèrent leurs lois. C’est pour toutes ces raisons que les associations nantaises, africaines et antillaises, ont poussé la municipalité à prendre des initiatives dès les années 80. Cela a été possible seulement à partir de 1989, lors du passage de la municipalité à Gauche. En 1985, au moment du 300ème anniversaire du Code Noir (ce texte de COLBERT qui réglementait l’esclavage et faisait du captif un « bien meuble ») la municipalité s’était tenue à l’écart des commémorations en jugeant le sujet trop brûlant. Le maire de Droite, Michel CHAUTY, craignait pour l’image de sa ville. L’ancienne municipalité avait refusé le devoir de souvenir, la nouvelle soutiendra l’exposition de 1992 des Anneaux de la Mémoire au Château des Ducs.

l’esclave se libérant de ses chaînes DE Liza Marcault-Dérouardsculpture1998 3

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L’ESCLAVE SE LIBERANT DE SES CHAINESA La Réunion le vacoa a servi à nourrir les hommes (avec son fruit le pimpin et le chou), à fabriquer toutes sortes d’objets du quotidien et dans l’espace tragique de la colonisation les cordelettes fabriquées par les esclaves servaient aussi à se donner la mort par pendaison. Le tambour symbolise toute la musique, avec cet instrument universel autant pour l’africain, l’indien que le chinois, etc. En cuir de cabri blanc, sa matière tendue et lisse attire notre regard qui lui-même enclenche peut-être le geste. cette oeuvre montre la reconquête de l’espace du son, du geste, du physique et de la voix de l’homme libre.

TERRITOIRE IIILe territoire renvoie ici à la notion d’espace interdit, espace de lutte, à reconquérir. Kabary, en malgache signifie dire, raconter, communiquer, échanger en groupe. Maloya, c’est la danse et les chants des anciens esclaves à La Réunion. Le titre nous interpelle sur ces « territoires » de la vie quotidienne (interdits sur l’île mais que les gens pratiquaient en cachette dans des soirées de musique, de paroles et de chants jusqu’à ce qu’en 1981 la liberté de les pratiquer soit rétablie à La Réunion. Jack Beng-Thi rajoute : « on avait ça avant pour se rappeler le pays d’origine, on le retrouve aujourd’hui, cette oeuvre montre la reconquête de l’espace du son, du geste, du physique, de la voix ». L’artiste se saisit symboliquement de ces deux fragments-là, limités en rouge pour parler d’une réappropriation de l’histoire de la Réunion et la raconter de cette manière.

BATEAU NÉGRIERAston présente une installation sur le thème du commerce des esclaves dont la «marchandise» humaine convoyait depuis les côtes béninoises vers les Amériques. Son œuvre représente un bateau négrier façonné de matières de tout genre ramassées sur les plages d’où sont partis ces mêmes navires. La minutie de sa méthode de travail est impressionnante. Aston travaille d’arrache-pied dans le seul et unique but de redonner aux objets destinés à être jetés, à être brûlés, une existence et même au-delà, une valeur afin d’attirer l’attention de ses contemporains et les forcer à regarder plus autour d’eux. Au travers de son œuvre, Aston souhaite sensibiliser la jeunesse pour lui donner le désir de sauver un environnement menacé par la passivité et l’inconscience des dirigeants et des consommateurs peu préoccupés par l’écologie.

BATEAU NÉGRIER de Astoninstallation d’objets divers2010

territoire iii de jack beng-thiinstallation de Fibres végétales (Feuilles de vacoa ), peau, inox, et fer peint1993

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graslinL’armement était aussi une opération économique, le moment où s’opérait l’investissement négrier, effectué par l’armateur et la société qu’il constituait pour rassembler les capitaux considérables qu’exigeait la traite, qui constituait un commerce «riche» à haut niveau d’investissement, au-delà de la centaine de milliers de Livres. Pour les négriers l’objectif, purement économique, était de conserver durant la traversée le maximum d’esclaves et de les maintenir dans le meilleur état possible.

La traite à la côte d’Afrique était un commerce, où les capitaines devaient nouer des relations d’échanges avec des partenaires africains, marchands ou roitelets, installés à proximité de la côte et qui recevaient eux-mêmes les captifs capturés parfois fort loin dans l’intérieur du continent et acheminés ensuite jusqu’aux comptoirs de la côte. C’est auprès de ces intermédiaires indigènes que les capitaines devaient aller acheter les captifs, souvent d’ailleurs en quittant le navire et remontant des rivières jusqu’à plusieurs kilomètres dans l’intérieur, en payant en troc contre des lots de pacotilles, non sans palabres ni délais, ni versement de cadeaux aux chefs locaux, dont les exigences étaient accrues par la vive concurrence que se livraient entre eux les Européens de toutes nations. Ce commerce a ramené énormément d’argent et dès 1777, Jean-Joseph-Louis Graslin, receveur général des fermes du royaume, achète de vastes terrains à l’Ouest de la ville, sur ce qui n’était jusque là qu’une butte rocheuse faiblement peuplée. Il décide alors de créer un nouveau quartier, dans le but de le revendre à la ville après son aménagement. Conçu par l’architecte nantais Mathurin Crucy, le plan d’ensemble révèle la volonté de mise en scène : le théâtre domine une place en hémicycle, les façades identiques forment les premières loges d’un véritable « théâtre urbain ». La place Graslin est percée de huit rues, qui la relient aux deux grandes places nantaises : place de la Bourse et place Royale. Ce quartier devient vite attrayant et la bourgeoisie s’y installe, notamment sur le cours Cambronne tout proche. La Cigale, célèbre brasserie de style « art nouveau », faisant face au théâtre, est inaugurée le 1er avril 1895. Elle est l’œuvre de l’architecte céramiste nantais Émile Libaudiére et fut classée monument historique en 1964.

Conçu par l’architecte Mathurin Crucy, le théâtre GRASLIN est inauguré le 23 mars 1788. Construit pour la bourgeoisie nantaise et pour recevoir de hauts dirigeants français (l’empereur Napoléon 1er y est passé en 1811) le théâtre Graslin est la fierté nantaise de l’époque et le symbole de la réussite économique et commerciale de la ville. Lors du passage de la compagnie Royal de Luxe et du petit géant noir en 1998, la foule a pu voir ce métaphorique petit descendant d’esclave dominer de toute sa hauteur les immeubles des armateurs. Arrivé par le Quai de la Fosse il traversera tout le quartier Graslin du haut de ses six mètres, comme pour faire un pied de nez aux armateurs négriers...

A court terme, il est certain que la traite a été un puissant déclenchement à la croissance nantaise, qui hissa brutalement le port de la Loire au premier rang des ports coloniaux français dans la première moitié du 18ème siècle. Ce sont aussi ses effets indirects sur le trafic de denrées coloniales, qui constituent désormais, au 18ème siècle, le grand commerce d’importation de la place nantaise, animant son activité commerciale (et sa Bourse), attirant les commissionnaires étrangers de toute l’Europe du Nord, nourrissant son commerce de redistribution vers la Hollande, Hambourg ou la Baltique. Les négriers eux-mêmes ramenaient une partie de ces denrées au terme de leur circuit, mais le produit de la vente des esclaves aux îles, converti en sucre et café, exigeait que d’autres navires viennent «en droiture» depuis Nantes pour en charger le surplus. C’est la traite qui stimulait ainsi l’essor du commerce «en droiture» entre Nantes et les îles, portant sur des effectifs encore plus importants (pour 34 négriers armés par an en 1752-54, partaient 80 navires «en droiture»). Il est certain que les négriers en ont directement tiré profit. La rentabilité de la traite semble bien s’être fortement dégradée dans le dernier tiers du 18ème siècle, sous l’effet de la montée de la concurrence des autres ports français, de Bordeaux à Marseille, et de la raréfaction des ressources du «gisement d’hommes» africain surexploité, obligeant les négriers à aller chercher toujours plus loin le précieux «bois d’ébène», jusqu’en Angola et au Mozambique. La bourgeoisie nantaise avait lié son sort à un «Ancien Régime colonial» menacé, et devait ressentir de plein fouet le choc de son explosion en 1791, lorsque se révolteront en masse les esclaves de Saint-Domingue, la «perle des Antilles»

jardin d’amour de Yinka Shonibareinstallation de mannequins2007 6

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JARDIN D’AMOURL’œuvre originale proposée par l’artiste anglais d’origine nigériane, Yinka Shonibare, s’inscrit dans la logique de l’ensemble de son travail : une réflexion sur l’identité et l’histoire mêlant aujourd’hui de façon indissociable ses deux cultures d’appartenance. Jardin d’amour s’inspire des jardins à la française et convie le public à s’engager dans un surprenant voyage au cours duquel il rencontre des mannequins de taille humaine. Les personnages sont vêtus de costumes aristocratiques d’époque, réalisés dans des tissus africains très colorés. Les figures sont décapitées (en référence à la Révolution française) apportant ainsi une note d’ironie et de critique sociale. D’un point de vue conceptuel, cette installation établit un lien entre, d’un côté, l’opulence et la liberté d’esprit de l’aristocratie française d’alors et, de l’autre, la traite qui donna les moyens de cette grandeur. Cette œuvre montre en effet que le loisir, la richesse, le plaisir et l’excès sont intrinsèquement liés à l’exploitation et au travail.

LE PETIT GEANT NOIRLe petit géant traverse la ville et des quartiers comme graslin, du haut de ses six mètres, comme pour faire un pied de nez aux armateurs négriers. Pour marquer son retour d’Afrique, Royal de Luxe revient avec son Géant et son Petit Géant. Jean-Luc COURCOULT fait de l’attention portée par la compagnie aux autres continents, un vrai choix de dramaturgie : « L’Afrique, c’est venu comme ¸ca : une sorte de remise en question du théâtre populaire. Il s’agissait de savoir comment on pouvait se confronter avec d’autres gens lorsqu’on a une culture différente. »

LA MAISON DE L’ESCLAVECe monument, en hommage à l’abolition de la servitude humaine est réalisé à partir des vestiges d’une ancienne maison délabrée, Erik DIETMAN y a entassé d’énormes pierres et l’a entourée de lourdes chaînes destinées à l’amarrage des bateaux, donnant une impression de lourdeur à l’ensemble. A l’intérieur, au milieu des gros blocs de pierre, un vieux tracteur agricole rouge. Au sommet, une fragile échelle en fer, appuyée nulle part, pointe vers le ciel. Sur les pierres du dessus des conques de lambis.

La Maison de l’Esclave de Erik DIETMANinstallatioN1996

LE petit géant noir de la compagnie royal de luxemarionnette de 6 mètres1999

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quai des antilleschantiers

«Cultiver l’héritage industriel de l’île, ce n’est pas subi. Ce lieu a une épaisseur historique, tout autant que les abords du château. Quand nous valorisons un ancien chemin de grue ou une ancienne cale, nous nous livrons à un véritable travail d’archéologie. Pas par nostalgie, mais par souci du futur. Il faut accepter les différentes époques de l’urbanisme sur cette île» Alexandre Chemetoff. Les anciennes voies de chemin de fer, menaient aux raffineries et distribuaient la canne à sucre ramenée des Antilles, cette même canne échangée contre des esclaves. Les hangars dans lesquels les marchandises étaient entreposées sont aujourd’hui reconvertis en lieux d’expositions ou en cafés. La prairie au duc était un lieu important de la traite nantaise.Que recouvrait ce terme de «traite» ? La «traite», mot générique qui s’appliquait à cette époque aussi bien à la «traite» des blés ou de l’huile, c’est un commerce, un commerce maritime de grande ampleur, transocéanique et intercontinental, dont il faut analyser sur un plan économique les facteurs, les mécanismes, en décrivant les temps successifs du fameux circuit triangulaire.Mais cette «traite» - là n’était pas un commerce comme les autres, malgré les pudeurs - volontaires - du vocabulaire qui en masquaient la réalité sous couvert de mots comme «bois d’ébène» ou «pièces d’Inde», l’historien ne peut en rester à une telle analyse aseptisée. Il s’agissait bien, fondamentalement, d’un commerce d’hommes, d’hommes réduits par la force de l’esclavage, et cette dimension fondamentale du problème appelle évidemment une autre analyse, sociale, globale, si l’on veut vraiment éclairer un phénomène historique qui a concerné le destin de centaines de milliers d’êtres humains.

S’agissant d’un commerce maritime, le circuit de la traite commençait par l’opération d’armement d’un navire, effectué à Nantes, ou au-dessus d’un certain tonnage, dans l’un des ports satellites de l’estuaire comme Couëron ou Paimboeuf. L’opération technique d’armement impliquait d’abord la mise en état du navire, rarement sa construction car les armateurs préféraient généralement, dans ce trafic à risques, utiliser des navires d’un certain âge moins coûteux et déjà amortis. Ces navires étaient d’ailleurs de tonnage moyen - de 120 à 200 tonneaux en règle générale. La traite impliquait aussi le recrutement d’un équipage important, en moyenne de 25 à 30 hommes pour 100 tonneaux, soit le double de ce qu’emportait un navire armé «en droiture» pour les îles. Mais l’opération d’armement en rivière de Nantes impliquait surtout, en sus de l’embarquement de vivres abondantes, celui d’une première cargaison de marchandises, une cargaison de «traite», destinée à un premier échange sur la côte d’Afrique, qui se caractérisait à la fois par sa variété - des étoffes de coton de couleurs, les «guinées», la quincaillerie, la verroterie, les eaux-de-vie, les armes (fusils et poudre) - et par sa valeur qui représentait environ 60% du coût total de l’armement (ou «mise-hors»). Arrivés en Afrique, sur les comptoirs de traite les esclaves sont exposés, et les négriers échangent les produits venus d’Europe contre des lots d’esclaves. Ils se fournissent dans plusieurs centres et il leur faut parfois plusieurs mois pour remplir le navire, pendant lesquels le capitaine redoute d’éventuelles révoltes. Avant le départ on dit qu’on leur faisait faire neuf fois le tour d’un arbre dit «arbre aux capitaines», sorte «d’arbre fétiche» pour qu’ils perdent tout espoir de revenir un jour sur la terre d’Afrique. Les hommes étaient entassés dans les cales entre l’Afrique et les Caraïbes. Avant de monter dans le bateau, les esclaves se font baptiser de force par le prêtre. On leur donne un nom chrétien, on les enregistre, on les déshabille pour éviter les maladies. La marque de la compagnie ou du propriétaire était aposée au fer chaud et à l’aide d’un papier huilé sur la cuisse ou l’épaule, laissant une trace très visible sur la peau noire. À bord des navires négriers, les esclaves traversent l’Atlantique pendant près de deux mois, dans des conditions effroyables et inhumaines. Ils sont transportés comme des marchandises : nus, marqués au fer rouge à la poitrine et enchaînés deux par deux, ils s’entassent dans des cales surchargées, où ils ne peuvent ni tenir debout ni s’étendre. Beaucoup meurent avant l’arrivée. Les esclaves sont installés «en cuillère» dans l’entrepont, c’est-à-dire qu’on les entasse les uns contre les autres pour gagner de la place. Pour maintenir l’ordre et la discipline, le fouet, pour soigner les blessures, du sel et du piment. Chaque jour des corps sans vie sont jetés à la mer. Une fois arrivés les esclaves étaient réunis dans la cour d’un entrepôt dont les portes étaient fermées. Au signal donné, on ouvrait les portes et les acheteurs se précipitaient pour se saisir du plus grand nombre d’esclaves.

My Complement, My Enemy, My Oppressor, my love de kara walkerdécoupages2007 9

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MY COMPLEMENT, MY ENEMY, MY OPPRESSOR, MY LOVEL’œuvre de l’artiste afro-américaine Kara WALKER est saturée par la violence. Faisant appel à la représentation de l’esclavage aux États-Unis, elle propose une vision allégorique de l’histoire comme la répétition sans fin de la perpétuation de la violence. Plasticienne virtuose, WALKER utilise le médium obsolète de la silhouette sur papier découpé afin de montrer comment la violence raciste participe d’une logique de négation du corps d’autrui, et exploite une stratégie de piège visuel afin de forcer les regardeurs à contempler le paysage intérieur de la conscience contemporaine, contaminée par une culture raciste.

ARRACHEMENTCette oeuvre représente l’arrachement au pays natal, raison de l’utilisation du procédé métonymique de représentation du corps qui montre par là le caractère violent du déplacement des personnes soustraites à leur terre pour être embarquées sur les bateaux négriers. Le corps est absent (ou symbolisé par le vétiver) et la tête semble morte ou souffrante, agonisante pour certains avec la bouche parfois entre ouverte. Le crâne peut-être même fendu comme pour dire les sévices, la violence ou la fuite de l’esprit.

LA BOUCHE DU ROI« La bouche du roi , explique Romuald HAZOUME, vient du nom de l’estuaire du fleuve Couffo que les Portugais ont appelé « a boca do rio » (embouchure du fleuve), que les Français ont plus tard transformé en « bouche du roi » par ignorance ». Cette installation, est porteuse d’un message fort à la fois symbolique et politique. Elle est constituée de 304 masques réalisés à partir de bidons d’essence. Disposée à même le sol, elle rappelle la structure d’un bateau négrier. Chaque masque possède une identité propre et représente un esclave à l’exception de deux d’entre eux, qui figurent des rois, un Africain et un Européen, visibles à la proue de ce navire retransposé. Une nouvelle forme d’esclavage est née, liée avant tout à des enjeux économiques et à une denrée précieuse, source de travail des Béninois, l’essence. Des centaines de litres accumulés dans des bidons, véritables bombes en puissance sont ainsi transportés régulièrement par des hommes en mobylettes, « héros de la survie ». Si la réalité de l’esclavage s’est transformée, elle reste suspendue au danger de cet « aller simple pour le tombeau ». L’objet rejoint la parole dans cette installation par la restitution d’un fond sonore qui semble émaner des masques eux-mêmes : une litanie de noms d’esclaves et une improvisation de chants alternés, des « Lamentations » ou implorations aux divinités yoruba afin que cesse la souffrance de ces hommes qui « ne savent pas où ils vont ».

la bouche du roi de romuald hazouméinstallation de bidons d’essence et objets divers1999

arrachement de jack beng-thiinstallation de terre cuite, branchages et tissus1993

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quai des antillespointe

Au milieu du 18ème siècle, Nantes comptait 22 raffineries de sucre, cet ingrédient représentant 60% des importations coloniales du port. Au 19ème siècle, 50% de la valeur du commerce maritime dépendait encore du sucre à Nantes. L’usine Beghin Say de Nantes puise toute l’eau dont elle a besoin dans la Loire et c’est d’ailleurs la raison de sa présence sur l’île Beaulieu, en plus de la raison évidente de la proximité d’avec le port et les arrivages de canne à sucre.Rien ne destinait un certain Louis Say à une carrière dans le sucre puisque toute sa famille travaillait dans le textile. Pourtant après la crise cotonnière de 1813, il fut heureux de se voir proposer la reprise d’une raffinerie de sucre de canne tenue à Nantes par un certain Armand. La société Louis Say et Cie se développa au fil des années en achetant plusieurs autres raffineries en France.Pour aller plus loin, la ville de Londres propose un parcours sur le thème du sucre et de l’esclavage. London, Sugar & Slavery au Musée des Docks. Cette exposition est constituée de dons privés, de films, de musiques, de médias interactifs et de plus de 140 objets. Dans un espace de 1200m2, l’exposition parle du commerce des esclaves et du sucre, mais aussi de la résistance face à la traite, de la campagne d’abolition et de l’héritage de la relation durable entre Londres et les Caraïbes. Cette galerie a aussi pour fonction de confronter les gens à ce qu’ils croient savoir de la traite et comment ce trafic terrible a fait le Londres d’aujourd’hui. Cette exposition est fortement imprégnée de documents plus actuels sur le racisme et le rejet des autres cultures au 20ème siècle. Etant une ville très cosmopolite, Londres a mis en place cette galerie pour permettre aussi de promouvoir le débat sur le racisme dans le monde, ses tenants et ses aboutissants et permettre d’expliquer en partie le monde contemporain.

ligne bleue heritage de jack beng-thiinstallation EN Acier peint, fibres végétales, tissu peint, terre cuite, cheveux, sel, terre, bois1996 12

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LIGNE BLEUE HERITAGECette installation raconte le lien ambivalent que les Réunionnais entretiennent avec l’océan. Il y a d’une part la charge positive de la mer, où l’on se baigne sept fois pour se purifier et il y a en même temps un rapport très fort de répulsion et d’interdiction. la mer est une page où s’inscrivent les malheurs de l’histoire, elle conserve les traces de l’offense et du crime impuni de la traite. Le sel prolonge dans un temps infini les “meurtrissures de chair cautérisées à la saumure”. L’artiste comme le poète doivent, pour ramener toute l’histoire à la surface, à la lumière, à la conscience, sortir les corps des “oubliettes de cobalt”. “Il y a, dit BENG-THI, des corps dilués dans l’eau. Il faut y retourner pour se reconnecter”.Artiste réunionnais né en 1951 au Port, Jack BENG THI se définit comme un artiste voyageur. Il montre dans son travail un itinéraire créatif où les voyages dans plusieurs continents, se sont nourris des rencontres humaines, des histoires communes reconnues pour constituer ce qui définit son œuvre : La mémoire de l’Histoire occultée, celle des peuples et des corps « déplacés », de l’esclavage et de l’engagisme, celle de la recherche identitaire.

JE L’AI MANGE TOUTE MON ENFANCECes dessins reprennent le motif des emballages de la marque Banania pour en extraire la caricature d’un peuple. Les oeuvres de BOCLE questionnent «la mémoire de l’Atlantique» qui définit l’homme racial dans le contexte colonial, une mémoire des transits, les voyages et les naufrages contemporains, une mémoire des personnes effacées et des clandestins parqués dans des centres de tri, liée à leur sièges d’avion sur les vols en partance, une mémoire des lacunes dans le corps social, les inertes anatomies qui jonchent nos ville, dispersés dans les stations de métro ou dans les escaliers.

KIDS MASCARADEPascale-Marthine TAYOU déclare à propos de cette série : « Un léger parfum de nostalgie. Des portraits d’enfants rieurs. Des génies protecteurs peut-être derrière ces masques que j’aurais souhaité porter en plein jour. Le bonheur est une quête et ne pas cacher son vrai visage est le propre de l’homme. Je ne fais pas partie de la tribu des «Omo» et je le regrette fort bien.Pascale-Marthine TAYOU, né en 1967 à Yaoundé, est un artiste plasticien camerounais. Autodidacte, il a exploré différentes voies: dessin, performance, photographie, vidéo, assemblage, graffiti. Une première série d’œuvres consacrées au sida l’ont fait connaître en 1994. Depuis il a abordé d’autres thèmes contemporains, tels que la ruralité ou la mondialisation.

kids mascarade de Pascale Marthine Tayouphotographie2009

je l’ai mangé toute mon enfance de jean-françois bocléchocolat banania sur papier2006

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chateau des ducs Le Bateau Pédagogique (reconstruction d’un bateau du commerce négrier à des FIns éducatives) est un projet qui veut favoriser la mobilisation contre les discriminations et les formes actuelles de l’esclavage et, plus généralement, contre toutes les atteintes à la dignité humaine : le travail des enfants, la prostitution, l’exploitation par le travail, la traite des êtres humains… Des réalités malheureusement connues sur tous les continents…Sensible à cette démarche, et lui-même animé des mêmes questionnements sur les problématiques de la discrimination, le racisme et l’esclavage moderne, l’artiste Guy LORGERTET a créé Les Femmes Nomades en 2009. Elles seront les ambassadrices du Bateau Pédagogique à travers le monde en attendant, pendant et après la construction du Bateau Pédagogique. Elles voyageront avec Le Container Nomade. Labellisé par l’UNESCO (programme La route de l’esclave), il va parcourir le monde pour informer sur le projet du Bateau Pédagogique, avec l’espoir de lever les fonds nécessaires à sa construction.

« C’est un projet axé sur le flux migratoire », souligne Guy LORGERET, « Cette installation nomade met en situation des personnages qui n’ont pas particulièrement de reconnaissance ethnique ». Les nombreux passants, interrogatifs, y voient souvent des femmes africaines, la couleur ocre y joue pour beaucoup, sur ces totems drapés aux étranges visages. « C’est censé représenter une mixité d’individus dans un contexte historique et contemporain ».« L’idée, c’est de travailler dans l’influence du land art, d’installer des sculptures dans le paysage, d’où l’idée de trouver une pigmentation qui s’accorde avec la nature », poursuit cet artiste âgé de 52 ans et vivant à Redon. « C’est un travail de modelage à partir d’une technique qui associe la silice, l’oxyde de fer et la terre ». Des draps, voiles pigmentées, les recouvrent, le tout posé sur une tige de trois mètres de haut. On peut les toucher et vagabonder autour. « J’aime l’idée de surprise », dit encore l’artiste, « l’art éphémère, l’appropriation par chacun qui va parfois jusqu’à la disparition de personnages ». Guy LORGERET parle aussi « de travail sauvage » et du « côté dérangeant pour certains dans leur parcours quotidien ».

Les femmes nomades de Guy LORGERETinstallation de 170 figures en tissu, argile et materiaux divers3 mètres 2003 15

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A l’interieur du chateau...

SALLE 11

La salle 11, « Un port du grand large », s’attache à montrer les caractéristiques et les activités du port de fond d’estuaire, dont les acteurs ont su, en quelques décennies, convertir le site de transit et le port de pêche en un grand port d’armement. Le port de Nantes connaît au 18e siècle une activité sans précédent. Ouvert sur la façade atlantique, en relation par la Loire avec l’arrière-pays jusqu’à Paris, il concentre un nombre important d’armateurs et de négociants français et étrangers. Très impliquée dans le commerce triangulaire dès le début du 18e siècle, Nantes devient rapidement le premier port négrier de France et, avec l’appui de la monarchie, l’un des principaux ports de commerce du royaume. Si certains ports de l’estuaire connaissent un déclin, d’autres, tombés dans l’orbite de Nantes, profitent du développement de ses activités coloniales. Le lit de la Loire devenant de moins en moins navigable, l’accès au quai de la Fosse est interdit aux navires de fort tonnage. Mindin, Paimbœuf et Couëron sont souvent les véritables ports de départ ou d’arrivée des navires. Leurs cargaisons sont transportées à bord des gabarres et autres bateaux à fond plat jusqu’à Nantes. 4 000 à 4 500 voyages annuels de gabarres sont comptabilisés entre Paimbœuf et Nantes dans la seconde moitié du 18e siècle.

salles 12 et 13

Les salles 12 et 13 appelées « Une capitale négrière » retracent, au travers d’objets et de documents, l’organisation des voyages de traite, entre Nantes, les côtes africaines et les Antilles, principalement Saint-Domingue. Une campagne de traite n’est pas un voyage ordinaire. Elle nécessite une longue préparation et un investissement lourd. Souvent, plusieurs financiers soutiennent l’armateur pour la construction, la réparation ou l’aménagement du navire ainsi que pour la constitution de la cargaison de départ. Plus d’une centaine de produits et d’objets, parfois relativement chers, composent la cargaison de traite comme les indiennes nantaises qui rejoignent les textiles de Hollande et les cotonnades d’Inde. À côté de ces toiles, diverses marchandises quittent le port : fusils, sabres, poudre, barres de métal, alcool, perles, miroirs, coquillages et autres petits articles sont chargés dans les cales. Arrivé sur un lieu de traite, le capitaine entre en relation avec le représentant du roi africain chargé des négociations. Les tractations sont longues et le navire reste généralement entre trois et six mois le long des côtes pour constituer sa « cargaison ». Dans la seconde moitié du 18e siècle, les esclaves sont achetés pour une somme variant de 100 à 300 livres, en fonction de leur âge et de leur sexe. Les esclaves mènent une existence de servitude dans les colonies. Ils sont généralement considérés comme une forme de bétail et les affranchissements s’avèrent relativement rares. Leur mortalité importante justifie, aux yeux des exploitants, l’arrivage constant d’une main-d’œuvre sans cesse renouvelée. Ceux qui réussissent à s’évader forment des groupes sociaux qui s’organisent en cachette. Appelés « nègres marrons », ils sont particulièrement craints à Saint-Domingue. Leur traque fait l’objet de campagnes intensives et leur capture est l’occasion de nombreux commentaires répressifs. Les peines sont sévères et exemplaires, même si celles-ci évitent généralement la mutilation qui ferait perdre toute valeur à l’esclave.

salles 14 et 15

Intitulées « Chez les messieurs du commerce », les salles 14 et 15 permettent de présenter le décor intérieur de la communauté marchande de Nantes, bourgeoisie aisée, enrichie en grande partie par la traite des Noirs et le commerce colonial. Une importante et riche communauté marchande se développe grâce à la fortune maritime du port de Nantes. Cette bourgeoisie aisée, enrichie en grande partie par la traite des Noirs et le commerce colonial, règne sur l’activité portuaire. Elle s’affiche désormais en édifiant de luxueux hôtels particuliers en ville et le long de la Loire, plus particulièrement sur l’île Feydeau et sur le quai de la Fosse. Le décor intérieur de ces demeures évoque parfois l’origine de cette fortune. Les meubles et les objets en « bois des îles », les pièces en porcelaine de Chine ramenées par les vaisseaux de la Compagnie des Indes, et les toiles imprimées aux motifs exotiques fabriquées sur place deviennent les principaux éléments du décor de « ces messieurs du négoce nantais ».

salles 18

La salle 18, consacrée à la Révolution à Nantes, expose les faits marquants de la période, chronologiquement. Parmi les idéaux révolutionnaires, la question de la traite des Noirs et de l’esclavage divise. L’idée d’égalité, inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme. La ville adhère avec enthousiasme aux principes de la Révolution et apparaît comme une ville patriote. Le nouveau pouvoir est en partie accaparé par le négoce. Après les tensions de l’été 1789, les patriotes nantais s’organisent en corps de volontaires armés. Ils donnent naissance à la garde nationale, symbole d’une révolution fraternelle en marche. La situation s’avère cependant plus complexe. Parmi les idéaux de 1789, la question de la traite des Noirs et de l’esclavage divise. L’idée d’égalité, inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est contestée par les négociants nantais. Ils craignent pour leur commerce et se rapprochent des négociants bordelais pour constituer un groupe de pression et lutter contre les propositions abolitionnistes de la Société des Amis des Noirs.

salles 19

La salle 19 intitulée « La traite illégale : la tentation de l’habitude » montre la reprise de la traite négrière à Nantes malgré son interdiction. Le 4 février 1794, la Convention abolit l’esclavage dans les colonies françaises. Napoléon le rétablit le 20 mai 1802, tandis que la Martinique et la Guadeloupe, tombées sous domination britannique, sont restituées à la France. Nantes et Bordeaux reprennent alors leurs activités négrières. En 1817, Louis XVIII interdit la traite en France, rendant ce commerce illégal. Nantes ne met pourtant pas un terme à son activité négrière, considérant la traite comme un moyen de relancer l’économie maritime et portuaire. Une deuxième loi abolitionniste est proclamée le 25 avril 1827, sans plus de succès. Celle du 4 mars 1831, qui instaure des sanctions lourdes à l’égard des armateurs et des financiers, est enfin suivie d’effets. De 1814 à 1831, Nantes arme 318 navires pour la traite et retrouve sa place de premier port négrier français. Il faut attendre la loi du 27 avril 1848 pour que soit enfin aboli l’esclavage en France.

Château des ducs de Bretagne 4, place Marc Elder - 44 000 NantesTél. 0 811 46 46 44

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MAI, juin, juillet2011

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Mardi 10 mai 2011

6e JOURNÉE NATIONALE DES MÉMOIRE DE LA TRAITE, DE L’ESCLAVAGE ET DE LEURS ABOLITIONS - Expositions, Festival, Musiques du monde, Slam/Poésie Lieu : NANTES (CENTRE VILLE)

SOIRÉE LECTURE POÉTIQUE AVEC ROLAND BRIVAL - Lecture, Slam/Poésie Lieu : ESPACE CULTUREL Louis Delgrès/MÉMOIRE DE L’OUTRE MER

NANTES AU XVIIIe SIECLE - Visite commentée Lieu : NANTES (CENTRE VILLE)

LES MOTS DU MONDE : «L’HÉRITAGE PERDU DE MABI ET MAKO» - Danse, Musiques du monde, Théâtre Lieu : SALLE VASSE

MOTS ET MAUX DE L’ESCLAVAGE - Chanson, Musiques du monde Lieu : MAISON DES ARTS

Programme des évenements liés à l’esclavage // NANTES

IMAGES ET COLONIESExposition du 26 avril au 20 mai 2011

Le Centre socioculturel du Château organise du 26 avril au 20 Mai 2011 une exposition «Images et Colonies» qui présente un siècle d’iconographie et d’histoire colonial à travers 20 panneaux thématiques, 20 moments privilégiés qui invitent à un voyage dans le temps et les images.Cette exposition est par conséquent un lieu de mémoire. Elle montre comment les Européens, générations après générations, ont imaginé le monde colonial, l’Afrique et les Africains, en élaborant mythes et stéréotypes, le plus souvent fort éloignés de la réalité.

HORAIRES :Lundi de 10h à 17h30, du mardi au vendredi de 10h à 19h, samedi de 12h à 18h

Lieu : ESPACE CULTUREL Louis Delgrès/MÉMOIRE DE L’OUTRE MER 89 quai de la Fosse(Tramway ligne 1 - arrêt «Chantiers Navals») 44100 NANTES Tél : 02.40.71.76.57 Fax : 02.40.71.76.95

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L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE UNE HISTOIRE D’HOMMES... MAIS AUSSI DE FEMMESExposition du 22 avril au 16 mai 2011

Dans le cadre de la commémoration de l’abolition de l’esclavage.Cette exposition réalisée par Alexia BROSSAUD, étudiante en Master de Valo-risation du Patrimoine Economique et Culturel à l’Université de Nantes, retrace le combat des femmes en lutte contre l’esclavage d’hier et aujourd’hui.

HORAIRES :Lundi de 10h à 17h30, du mardi au vendredi de 10h à 19h, samedi de 12h à 18h

Lieu : ESPACE CULTUREL Louis Delgrès/MÉMOIRE DE L’OUTRE MER 89 quai de la Fosse(Tramway ligne 1 - arrêt «Chantiers Navals») 44100 NANTES Tél : 02.40.71.76.57 Fax : 02.40.71.76.95

NANTAIS VENUS D’AILLEURS : HISTOIRE DES ÉTRANGERS À NANTES AU 20e SIECLE Exposition du 2 avril au 6 novembre 2011

Cette grande exposition présentée en 2011 au musée d’histoire de Nantes est consacrée à un siècle d’immigration à Nantes, de la Première Guerre mondiale à nos jours.

Cette exposition s’appuie sur une démarche inédite et originale de collecte engagée depuis 2008 auprès des Nantais d’origine étrangère, de leurs descendants et familles, et avec le soutien des associations partenaires. Des centaines d’objets chargés de sens et de vie ont ainsi été sélectionnés, et le musée a réalisé une série de témoignages filmés pour conserver la mémoire de ces destins singuliers.

HORAIRES D’OUVERTURE DU MUSÉE :Mardi au dimanche de 10h à 18h (fermé le lundi)En juillet et août : ouvert tous les jours de 10h à 19h.Fermé les 1er mai et 1er novembre.

TARIFS : MUSÉE 5 euros(3 euros réduit)MUSÉE + EXPOSITION 8 euros (4,80 euros réduit)GRATUIT pour moins de 18 ans, les demandeurs d’emploi... pour tous le 1er dimanche du mois (septembre à juin)...

Lieu : CHATEAU DES DUCS DE BRETAGNE/MUSEE D’HISTOIRE DE NANTES Place Marc Elder 44000 NANTES

Tél : 0.811.46.46.44

DES NOIRS DANS LES BLEUSExposition du 9 au 20 mai 2011

Dans le cadre du 30e anniversaire de la LICRA (Ligue Internationale Contre Le Racisme).

Exposition « Des Noirs dans les Bleus » réalisée par Pascal Blanchard, historien, chercheur associé au CNRS, réalisateur-producteur et par Christophe Maumus.

Présentant l’histoire des générations de joueurs africains et ultramarins de l’équipe de France de 1931 à 2008, l’exposition amène à réfléchir sur ce passé et sur les raisons de la persistance des préjugés. Illustrations, repères chronologiques et citations à l’appui, l’exposition rend l’histoire de l’immigration en France accessible au plus grand nombre et s’adresse donc à un large public.

ENTRÉE LIBRE.HORAIRES D’OUVERTURE :Lundi au vendredi de 10h à 12h et de 14h à 18h* VERNISSAGE lundi 16 mai à 18h30.

Lieu : MAIRIE DE CHANTENAY Place de la liberté 44100 NANTES Tél : 02.40.41.92.50

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Chateau des ducsTramway ligne 1arrêt Château des ducs de Bretagne

FeydeauTramway ligne 1arrêt Commerce

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GRASLINTramway ligne 1arrêt Médiathèque

QUAI DES ANTILLESCHANTIERSTramway ligne 1arrêt Chantiers NavalsPuis traverser le pont Anne de Bretagne

QUAI DES ANTILLES

POINTELonger le quai en suivant

les anneaux lumineux de Buren

QUAI DE LA FOSSE

Tramway ligne 1 arrêt Chantiers Navals